En ce qui concerne les dépenses fiscales, je ne vois pas de contradiction entre une évaluation ex post et une évaluation ex ante. Parmi les soixante-dix dépenses fiscales que j'ai évoquées, certaines représentent des montants considérables. À titre d'exemple, la réduction d'impôt en faveur de l'investissement locatif représente 1,852 milliard d'euros, la déductibilité à l'impôt sur le revenu des charges de rénovation représente 1,65 milliard d'euros, le taux de TVA à 10 % sur les dépenses d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien représente 4,3 milliards d'euros, le taux de TVA à 5,5 % sur les travaux de rénovation énergétique représente 1,98 milliard d'euros, etc. Toutes ces dispositions, relativement récentes, doivent faire l'objet d'une évaluation et être plafonnées dans la durée. Dès lors, une évaluation ex post est nécessaire afin de revenir sur des dépenses fiscales existantes. S'il s'agit de créer une nouvelle dépense fiscale, alors l'évaluation ex ante me semble en effet relever d'une approche intelligente.
Le CPO estime que la réforme des valeurs cadastrales est aussi nécessaire que complexe, tant pour des raisons d'acceptabilité par les citoyens que pour des raisons administratives. Ces difficultés ne sont pas spécifiques à la France, l'Allemagne ayant dû elle aussi reporter une réforme de cette nature. Cependant, elle n'est pas impossible, comme le prouve la révision des valeurs locatives des locaux professionnels. Plusieurs conditions sont requises pour faire aboutir une telle réforme. D'abord elle devra être aménagée et voir ses effets étalés dans le temps. Ensuite, il conviendra de s'appuyer sur de nouvelles techniques, par exemple des modèles de valorisation des biens immobiliers, afin d'alléger la charge administrative qu'elle représente. Enfin, elle ne doit pas empêcher de nouvelles modalités de réforme. Ainsi, l'option de la taxation à la valeur vénale pourrait être envisagée, sauf si les travaux techniques approfondis conduisent à une trop grande volatilité. J'ajouterai, pour conclure sur ce point, que plus cette réforme sera retardée, plus elle sera difficile voire impossible à mettre en œuvre.
J'en viens aux questions de monsieur le rapporteur général. Les effets de l'interdiction progressive des passoires thermiques à l'horizon 2034 devront être étudiés attentivement. Cependant, cette mesure peut s'avérer efficace pour déclencher l'acte de rénovation, sous réserve que les propriétaires soient accompagnés techniquement et financièrement.
La suppression des DMTO est une mesure complexe et le CPO n'en sous-estime pas les difficultés. Cette réforme doit s'effectuer à niveau de prélèvement obligatoire constant et doit être neutre pour les collectivités territoriales. Elle aura mécaniquement pour effet de faciliter les transactions immobilières en fluidifiant le marché, et bénéficiera principalement aux ménages n'ayant pas aujourd'hui les moyens d'accéder à la propriété. Le parti pris assumé du CPO est de favoriser l'acquisition par rapport à la rente et à la détention. L'ampleur et la nature des effets redistributifs dépendront de plusieurs variables, parmi lesquelles, et en particulier, les taux de crédit immobilier.
En ce qui concerne les effets redistributifs entre contribuables, le CPO préconise de mettre à profit la période qui nous sépare de 2028 pour préparer cette bascule en procédant à la révision de l'assiette de la taxe foncière qui, de l'avis général, est obsolète. Cette réforme ne se fera donc pas de manière soudaine. Elle exigera de compenser son impact pour les collectivités, mais aussi de lisser ses conséquences pour les contribuables afin d'éviter tout effet redistributif trop abrupt. Au regard des études menées par l'Insee, cette première phase bénéficiera principalement aux contribuables des zones périurbaines des grandes agglomérations et aux habitants des espaces peu denses, qui subissent aujourd'hui un taux d'imposition très élevé en lien avec des bases obsolètes.
Sur les plus-values immobilières, le CPO propose, dans la continuité du rapport d'information relatif à la fiscalité du patrimoine présenté en septembre 2023 par MM. Jean-Paul Mattei et Nicolas Sansu, de remplacer les abattements pour durée de détention par une prise en compte plus progressive de l'érosion monétaire. Le CPO y ajoute la prise en compte des travaux d'amélioration réalisés par le vendeur. L'objectif est d'éviter les comportements de rétention foncière que favorise le système actuel, tout en encourageant la rénovation, notamment énergétique, des logements avant leur vente. Une telle réforme modifiant sensiblement le rendement d'un investissement immobilier, elle devrait être mise en œuvre progressivement et contenir une clause dite du grand-père pour les investisseurs ayant acquis leur bien avant son entrée en vigueur.
L'existence de deux taux réduits de TVA sur les travaux effectués dans un logement pose doublement question. D'abord, il est peu aisé de distinguer une rénovation énergétique, bénéficiant d'un taux de TVA à 5,5 %, et une simple amélioration, bénéficiant d'un taux de TVA à 10 %. Ensuite, le risque que les entreprises du bâtiment, par facilité, assimilent tout type d'intervention à une rénovation énergétique, afin de bénéficier du taux de TVA à 5,5 %, n'est pas négligeable et représente un manque à gagner supplémentaire pour l'État. Il convient également de rappeler que ces taux réduits ne sont pas ciblés. Ainsi, des ménages aisés recourent au taux de TVA à 5,5 %, y compris pour des rénovations très partielles, profitant d'un effet d'aubaine qui traduit une utilisation peu efficace des deniers publics.
Pour ces différentes raisons, le CPO propose de supprimer le taux de TVA à 5,5 % et de l'aligner sur le taux à 10 %. Un taux de TVA pour la rénovation et l'amélioration à 10 % serait beaucoup plus simple et lisible, et fournirait un moyen de lutter contre la fraude. Par souci de cohérence, des travaux préjudiciables à l'environnement, tels que la mise en place de chaudières fonctionnant avec de l'énergie carbonée, pourraient en être exclus. Le gain pour les finances publiques serait significatif, à hauteur d'au moins 1,9 milliard d'euros, et serait redirigé vers les aides budgétaires à la rénovation énergétique, telles que MaPrimRénov'.