La séance est ouverte.
La séance est ouverte à dix-huit heures trente.
J'informe l'Assemblée que j'ai pris acte du dépôt, le 14 décembre 2023 à dix-sept heures cinquante, d'une motion de censure déposée, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, par Mme Mathilde Panot et soixante-dix-sept de ses collègues, la Première ministre ayant engagé la responsabilité du Gouvernement sur l'adoption en nouvelle lecture de la première partie du projet de loi de finances pour 2024. En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion et le vote sur cette motion de censure.
La parole est à M. Sébastien Delogu.
Je vais faire attention à ce que je dis aujourd'hui car, en quelques semaines, Mme Braun-Pivet est passée du rôle de VRP d'une armée étrangère à celui de juge de la censure des représentants du peuple.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Madame la Première ministre, au risque de vous étonner, je veux sincèrement vous remercier, car en déclenchant pour la vingt et unième fois l'article 49.3, vous donnez à quelqu'un comme moi, simple habitant des quartiers nord de notre si belle ville de Marseille, devenu député de la nation française, l'occasion de vous dire droit dans les yeux, pendant dix minutes, ce que des millions de Françaises et de Français pensent de votre politique et de votre gouvernement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI – NUPES.
Des millions de Françaises et de Français aimeraient en ce moment être à ma place : celles et ceux qui font les frais des décisions autoritaires que vous imposez par ce budget. Sous votre gouvernement, des millions d'entre eux ne peuvent pas couvrir leurs dépenses quotidiennes, pourtant essentielles à la vie, et subissent le poids et la cruauté des sacrifices de tous les jours. Ils voient le prix des choses simples et nécessaires exploser, comme celui de leur nourriture, de leur logement, de leurs charges locatives, de la cantine de leurs enfants, de leurs activités sportives et de tant d'autres choses, comme le coût des vacances – si seulement ils pouvaient y songer.
Mme Mathilde Panot applaudit.
Avec la venue de l'hiver, ils doivent arbitrer entre se chauffer et se nourrir correctement.
Ces millions de Françaises et de Français savent bien qu'ils sont les premières victimes de votre budget historiquement autoritaire. Je vous assure qu'ils ne vous remercient pas – pas davantage que les 30 millions de travailleurs à qui vous avez volé deux ans de vie avec votre réforme des retraites.
Mmes Mathilde Panot et Sophia Chikirou applaudissent.
Ils savent que vous ne les écoutez pas – pas plus que vous ne m'écoutez en ce moment.
Vous ne les considérez pas et ne les respectez pas. Si vous le faisiez, vous comprendriez que leur demande est légitime, tant il est normal de souhaiter une existence digne, et de réclamer, pour ce faire, un État qui protège ses citoyens face à la violence des marchés financiers, et qui n'agit pas uniquement au service de quelques-uns, vos semblables, des millionnaires concevant l'inflation comme une aubaine pour leur rentabilité.
Si vous aviez quelque peu de considération pour ces 30 millions de travailleuses et travailleurs – comme vous devriez en avoir pour moi –, vous comprendriez qu'ils créent l'ensemble des richesses que quelques-uns accaparent, et qu'il est indécent que les plus pauvres soient également les plus maltraités.
Si vous saviez ce qu'est le respect, vous auriez honte – honte de gouverner avec brutalité, honte de passer en force ce budget avec l'appui du 49.3, et honte de refuser systématiquement tout débat et toute contradiction, sinon ceux qui permettent de diviser la population selon sa religion ou sa couleur de peau.
Mmes Mathilde Panot et Sophia Chikirou applaudissent.
Dans ce budget, qui ne sera pas débattu par les représentants du peuple en raison d'un énième 49.3, vous avez honteusement acté la fin du bouclier tarifaire bien que l'inflation se poursuive, emportant une hausse de l'électricité de 31 % en dix-huit mois. Vous ne proposez rien pour la combattre et en protéger les victimes.
Alors que l'État doit garantir à toutes et tous un enseignement public permettant l'émancipation des consciences, vous avez honteusement décidé de supprimer 2 500 postes d'enseignants. Dans ma circonscription, où plus de 40 % des habitants ne sont pas diplômés, où les citoyens de demain font déjà les frais de l'abandon de la République par la disparition totale de services publics, vous avez décidé de fermer huit classes, avec la complicité d'élus locaux qui continuent de s'enrichir sur la misère des gens et détournent l'argent public.
Quel scandale ! Dans le même temps, vous allouez un budget extraordinaire au service national universel. Plutôt que donner à tous les jeunes des conditions d'apprentissage dignes, ouvrir des places d'université, allouer aux centres sociaux des moyens à la hauteur des besoins, offrir un logement digne et de quoi se nourrir aux étudiants – la plupart font la queue à la banque alimentaire – votre gouvernement choisit de leur apprendre à marche forcée La Marseillaise. Quelle priorité !
C'est pas mal, La Marseillaise !
Enfin, dans ce budget, vous ajoutez à la dette française une véritable dette écologique, en refusant d'investir dans une réelle planification. Vous échouez sur tous les thèmes, à l'image de la rénovation énergétique. Au rythme actuel, il faudra plus de deux millénaires pour rénover l'ensemble des passoires thermiques, où les plus précaires continueront de vivre puisque vous repoussez l'interdiction de leur mise en location qui, certes, déplairait aux multipropriétaires et aux marchands de sommeil.
Parmi tous les amendements proposés et votés par les représentants du peuple, vous n'en retenez aucun, si ce n'est pour arranger vos amis, comme le fait l'amendement Fifa qui offre un véritable paradis fiscal aux fédérations sportives.
Vous ne conservez rien, en prétextant que tout coûterait trop cher : rien pour les petites retraites, rien pour bloquer les prix des loyers et des produits de première nécessité, rien pour les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), rien pour nos anciens, qui sont maltraités et pourrissent dans les maisons de retraite – ce qui arrange bien les vautours du secteur privé. Vous refusez même d'indexer les salaires sur l'inflation – seule mesure efficace pour protéger les travailleuses et les travailleurs de notre pays – tout autant que de taxer les superprofits et de rétablir l'impôt sur la fortune…
…alors que la moitié de la hausse des prix des denrées alimentaires découle d'une augmentation scandaleuse des marges par ceux qui profitent de la crise pour se gaver, et gaver leurs actionnaires qui, trop souvent, se retrouvent sur les bancs de notre assemblée. Vous êtes, tout simplement, une farce.
Mmes Mathilde Panot et Sophia Chikirou applaudissent.
Face à votre méthode – l'autoritarisme –, à votre programme – la casse sociale – et à votre 49.3, nous proposons, pour notre part, un contre-projet de rupture. Et pour cause : la rupture, pour toutes celles et tous ceux que vous méprisez avec votre gouvernement, est la condition de l'émancipation, de la dignité et de la survie.
Au point où nous en sommes, au regard des leçons de morale déconnectées de la réalité que vous nous infligez, rompre avec votre politique passe par des choses simples et concrètes, comme écouter la population et débattre avant d'imposer, par un énième 49.3, votre budget.
Vous pouvez mépriser la démocratie – comme vous le faites en ne m'écoutant pas – autant que vous souhaitez. Le dégoût qu'inspire votre politique, s'il pousse certains à abandonner, ne sera jamais aussi fort que la colère qui en résulte et qui nous conduit, avec d'autres, à nous organiser et à agir.
Mmes Mathilde Panot et Sophia Chikirou applaudissent.
Depuis lundi, l'imposture de votre gouvernement est flagrante. Le rejet du projet de loi sur l'immigration, malgré l'ajout de centaines d'amendements du groupe Rassemblement national, prouve que vous n'êtes rien sans votre 49.3.
Mmes Mathilde Panot et Sophia Chikirou applaudissent.
Face à vous, notre groupe parlementaire, présidé par Mathilde Panot qui, contrairement à vous, m'écoute avec attention…
Ça va !
On passe notre temps à vous écouter !
… ne cédera rien, continuera d'œuvrer pour l'unité populaire et de porter un projet de rupture, pour la paix et la vie digne pour toutes et tous, conformément au programme de Jean-Luc Mélenchon en 2022, sur lequel nous avons été élus.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Sans surprise, la commission mixte paritaire (CMP) de mardi dernier n'est pas parvenue à un accord et, toujours sans surprise madame la Première ministre, vous avez arrêté nos travaux, sans nous laisser le temps de nous exprimer en discussion générale : un 49.3 de plus, le vingt et unième.
Je vous l'ai dit et je le répète, ce n'est pas l'article 49, alinéa 3, de la Constitution qui pose un problème mais bien la méthode employée par le Gouvernement. Rendez-vous compte : entre la première et la nouvelle lecture, nous n'avons pu débattre d'aucun amendement sur la première partie du budget dans cet hémicycle, ni même voter le moindre article de ce volet consacré aux recettes. S'agissant de la seconde partie, nous n'avons examiné que sept des vingt-trois missions budgétaires.
Madame la Première ministre, il est paradoxal de nous reprocher de censurer le débat sur le projet de loi relatif à l'immigration, tandis que vous avez vous-même interdit le débat durant tout l'examen budgétaire de cet automne.
Ne regardez pas la paille dans l'œil de vos oppositions, mais bien la poutre dans celui de votre majorité.
Tendez l'autre joue !
Monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, lorsque vous êtes intervenu à la tribune jeudi dernier, vous avez vanté la méthode du Gouvernement et son esprit d'ouverture pour avoir retenu 515 amendements lors de la première lecture du projet de loi de finances (PLF) pour 2024. Soyons sérieux : vous n'avez conservé aucune des orientations majeures que nous vous proposions. Par ailleurs, le 12 décembre dernier, par un tweet, vous vous satisfaisiez de l'adoption du budget 2024 par le Sénat.
Mais en moins de sept heures de débat en commission des finances de l'Assemblée nationale, la majorité a détricoté 150 heures de débats au Sénat. Vous vous réjouissez d'avoir conservé quelques-unes de ses mesures. Mais combien en avez-vous supprimé ou modifié ? Je vais vous donner ces chiffres, votre bilan : cinquante-cinq articles du Sénat supprimés par le rapporteur général ; treize amendements de réécriture du rapporteur général pour annuler les apports du Sénat et revenir à la version de l'Assemblée nationale ; dix-sept amendements du Gouvernement pour retirer du texte les ajouts du Sénat.
Comment pouvez-vous continuer à parler d'ouverture, lorsque vous balayez d'un revers de main le travail d'une chambre connue pour son sérieux et son esprit de responsabilité ? Je regrette que vous ayez ainsi rayé d'un trait de plume 7 milliards d'économies budgétaires votées par le Sénat et dont nos comptes publics, hautement déficitaires, avaient grandement besoin.
Le pire de la méthode gouvernementale a été atteint avec l'amendement communément dénommé « amendement Fifa ». En première lecture, en catimini, le Gouvernement a distribué des cadeaux fiscaux par cet amendement opportunément déposé par les députés du groupe Renaissance, parmi lesquels le rapporteur général, et ce quelques instants seulement avant le déclenchement du 49.3. Il s'agit d'un régime fiscal très accommodant pour la trentaine de fédérations sportives internationales reconnues par le Comité international olympique (CIO), et pour ses salariés.
Heureusement, le Sénat a supprimé à l'unanimité cet ahurissant cadeau, inapproprié et incompréhensible. En nouvelle lecture, lors de l'examen du texte en commission des finances, la majorité et le Gouvernement ne sont pas revenus sur cette suppression par le Sénat. De ce fait, aucun débat n'a eu lieu sur le sujet mercredi dernier. Mais, stupeur, nous découvrons finalement que notre collègue Mathieu Lefèvre a déposé un amendement tendant à le rétablir en séance, le lendemain. En recevant un avis défavorable du rapporteur général, l'amendement n'a pas attiré l'attention de la commission des finances au titre de l'article 88 du règlement. Quelle autre surprise fut de constater que vous aviez retenu cet amendement inique dans le texte retenu par le 49.3 !
À la veille de Noël, vous faites un gigantesque cadeau à des acteurs dont la situation financière est pourtant excellente, sans que jamais, je dis bien jamais, la représentation nationale n'ait pu en débattre. Madame la Première ministre, c'est absolument scandaleux : vous avez utilisé tous les artifices à votre disposition, de manière fallacieuse, pour éviter toute discussion à l'Assemblée nationale sur ce sujet très peu glorieux. Vous qui parliez de déni de démocratie lundi, vous nous en donnez un bel exemple aujourd'hui.
Monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, vous qui évoquiez à cette tribune, jeudi dernier, l'importance du consentement à l'impôt et de la justice fiscale, où est la justice fiscale ? Comment prôner le consentement à l'impôt quand vous accordez un tel cadeau à quelques privilégiés, alors que la grande majorité de nos concitoyens voient leur pouvoir d'achat baisser et que vous privez l'Assemblée nationale de délibération sur le sujet ? Méfiez-vous de la colère silencieuse après de telles manœuvres, qui ne vous grandissent pas.
Revenons au budget que le Gouvernement nous propose pour 2024. C'est d'abord, hélas, un taux de prélèvements obligatoires sidérant : 44,1 % du PIB. En 2022, les prélèvements obligatoires avaient atteint un niveau historique qui nous plaçait sur la plus haute marche du podium des pays européens et des pays de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). C'est ensuite un niveau de dépense publique exorbitant : 55,9 % du PIB, soit un taux supérieur de 8 points à celui de la moyenne de la zone euro, que vous ne faites rien pour contenir. C'est encore un déficit de 4,4 % du PIB : en Europe, seuls trois pays auront un déficit public plus important que le nôtre. C'est enfin, de ce fait, une dette qui continuera d'augmenter, avec un recours à l'emprunt de plus de 285 milliards d'euros en 2024. Un montant jamais atteint, qui fait de la France le troisième pays le plus endetté d'Europe, derrière l'Italie et la Grèce. Au moment de l'élection d'Emmanuel Macron, en 2017, sept pays européens avaient une dette plus élevée que la France ; ils ne sont plus que deux. La charge de la dette, qui était en 2021 de 31 milliards d'euros, grimpera à 57 milliards en 2024 et pourrait dépasser les 81 milliards en 2027. Ce montant va devenir insoutenable. Je ne cesse de le dire, le budget 2024 restera comme le budget de tous les records en termes de déficit et de dette.
Pourtant, les signaux budgétaires devraient vous alerter et vous faire réagir. Le 28 avril, la note de la France a été dégradée par l'agence Fitch de AA à AA-, puis Standard and Poor's a placé la France sous surveillance négative renforcée. Le président du Haut Conseil des finances publiques lui-même a déclaré que « le PLF contient peu de mesures d'économies structurelles » alors que le Gouvernement annonçait en grande pompe une revue des dépenses, laquelle n'a donc débouché sur rien, ou presque.
En 2024, les dépenses continueront de progresser davantage, en valeur nominale, que ce que recommande par l'Union européenne, alors même que la Commission européenne a annoncé la fin de la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance à compter de 2024. Le 21 novembre, la Commission européenne a d'ailleurs mis en garde la France et trois autres pays qui risquent de ne pas se conformer aux recommandations budgétaires de l'Union européenne pour l'an prochain en raison de dépenses publiques excessives.
Le poids de la dépense publique n'aura jamais été aussi élevé que sous le quinquennat d'Emmanuel Macron. Il est deux fois supérieur à ce qu'il était en 2019, et vous ne réagissez toujours pas. Je vous le dis une énième fois : écoutez les propositions du contre-budget des Républicains, que vous avez toujours refusées jusqu'à présent. À défaut d'être écoutés et suivis dans notre ambition, nous continuerons de nous opposer au budget pour 2024.
Pour autant, vous vous en doutez, il n'est pas question pour nous de voter cette motion de censure de La France insoumise. Nos idées, nos convictions et nos propositions sont aux antipodes de celles de Mathilde Panot et de ses collègues de La France insoumise, qui contestent la réalité même de la dette…
…et veulent nous enfoncer chaque jour un peu plus dans la logique démagogique de la dépense et du déficit, comme si l'argent magique tombait du ciel et n'était payé par personne. La seule ambition de La France insoumise est de taxer toujours plus : taxer les entreprises et les ménages, taxer la transmission, qui donne pourtant une raison et une valeur au travail, ou encore taxer la réussite, comme si elle était forcément suspecte et honteuse. Quand je pense à la gauche qui, avec des députés de la majorité, a tenté, mercredi soir, de revenir sur la baisse de la TVA pour les centres équestres, pourtant arrachée de haute lutte ! Comme si les enfants qui ont le malheur d'aimer faire du poney étaient forcément filles et fils de milliardaires ! Enfin, il est hors de question de nous associer au message envoyé par La France insoumise à la jeunesse française, de lui faire croire que l'avenir est dans l'assistanat, la décroissance, l'endettement record et le revenu universel.
Sourires sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas cette motion de censure, pas plus que les précédentes sur les lois de finances. Mais ne croyez pas, madame la Première ministre, que nous cautionnions pour autant votre budget et votre méthode. Ils sont tous deux inacceptables.
Quel bonheur ! Oui, quel bonheur de nous retrouver en ce samedi pour débattre d'une nouvelle motion de censure déposée par le groupe La France insoumise !
Je ne reviendrai pas longuement sur le fait que le Gouvernement ait dû recourir à l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, dans le contexte d'une majorité relative qui empêche tout vote majoritaire sur un budget. Les Français l'ont bien compris, et l'indifférence tant médiatique que populaire dans laquelle se déroule ce débat en est une preuve. Cette indifférence, voire pire, va jusqu'à gagner vos propres rangs, puisque la Mélenchonie est une nouvelle fois seule à déposer cette motion, isolée au sein d'une gauche que je ne présume aucunement en faveur du texte du Gouvernement, mais qui a bien compris que cet exercice éculé avait pour seule conséquence celle d'affaiblir un peu plus cette partie de l'opposition, encore une fois tout à fait légitime, au gré des votes perdus.
L'élément nouveau dans ce débat, depuis la dernière motion de censure, c'est ce qu'il s'est passé lundi dernier. Dans le texte sur lequel s'appuie le dépôt de votre motion de censure, vous évoquez une « attaque » contre la démocratie parlementaire et un « déni » du rôle du Parlement : ces mots correspondent parfaitement à la manœuvre à laquelle vous avez procédé lundi dernier…
…avec l'extrême droite pour empêcher notre assemblée de débattre du projet de loi sur l'immigration, débat que souhaitent vivement les Français, comme toutes les études le montrent. L'argument que vous avancez pour justifier votre refus de discuter d'immigration dans l'hémicycle est que le débat a eu lieu en commission.
Ce n'est pas du tout pour cela ! Nous avons voté une motion de rejet préalable parce que nous rejetons le texte.
Eh bien, c'est aussi vrai pour le projet de loi de finances, dont les membres de la commission concernée ont débattu pendant près de six heures en milieu de semaine, sans compter, bien sûr, les jours et nuits passés sur la première lecture. Vous êtes pris à votre propre jeu…
…et les cris d'orfraie que vous poussez sur l'hypothétique déni de démocratie que représenterait le 49.3 résonnent dans un néant d'hypocrisie et d'incohérence. C'est consternant.
Finalement, la seule surprise du jour, c'est le vote de l'extrême droite. L'alliance construite lundi dernier entre La France insoumise et le Rassemblement national va-t-elle de nouveau fonctionner aujourd'hui ? Assistera-t-on encore, d'ici quelques minutes, à ces scènes particulièrement gênantes de joie partagée aux deux extrêmes de l'hémicycle ?
Ils ne sont pas là !
…j'espère que vous ne serez pas trop déçus par le manque de mobilisation de vos nouveaux amis.
S'agissant de la position du groupe Démocrate, vous la connaissez. Pendant des semaines, nous avons rappelé à quel point ce projet de loi de finances était nécessaire pour l'avenir de notre pays. Nécessaire, car une France sans budget est une France à l'arrêt. Quoi qu'en disent les oppositions, la non-adoption du budget serait délétère pour notre pays, d'autant plus dans un contexte de sortie de crise où notre économie doit bénéficier de tous les moyens nécessaires afin de se montrer aussi résiliente en 2024 qu'elle le fut en 2023. Nécessaire, car celui-ci est porteur d'avancées sans précédent en faveur de la transition écologique, de la justice fiscale ou encore des collectivités territoriales.
Dans le texte initial ont figuré des mesures fortes : la transposition de l'accord de l'OCDE sur la taxation minimale des bénéfices des entreprises multinationales, la réduction progressive des dépenses fiscales brunes ou encore l'augmentation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) de l'ordre de 220 millions d'euros.
Le texte de la nouvelle lecture est encore plus ambitieux, grâce à des amendements venant de la majorité comme de l'opposition : l'augmentation de la DGF sera finalement portée à 320 millions d'euros ; les règles de lien seront assouplies entre la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et la taxe foncière ; une taxe streaming sera instituée pour financer durablement la filière musicale française. Contrairement à ce que vous essayez de faire croire, cette majorité sait trouver des compromis sur des sujets cruciaux.
La recherche du compromis n'est en aucun cas une compromission. Le groupe Démocrate a contribué à enrichir le texte sur des sujets divers. Nous avons souhaité élargir le champ des contrats de rente survie aux personnes majeures dans l'incapacité d'acquérir une instruction ou une formation professionnelle d'un niveau normal et nous avons travaillé avec le Gouvernement à la prolongation d'un abattement exceptionnel et temporaire sur les plus-values immobilières et foncières dans le cas de cessions permettant la création de logements sociaux.
C'est vrai.
Nous avons aussi souhaité créer la possibilité pour les EPCI – établissements publics de coopération intercommunale – et les communes d'exonérer de taxe d'habitation les associations reconnues d'utilité publique, les fondations et les œuvres et organismes d'intérêt général.
Par ailleurs, nous continuerons de défendre nos convictions et nous espérons convaincre nos collègues de leur bien-fondé dans les prochains mois : on ne lâche rien. En matière de logement, nous avons des propositions fortes. Je n'évoquerai que l'une d'entre elles : pour apporter une réponse systémique et efficace sur le long terme à la pénurie de logements, nous en appelons à une réforme structurelle de la fiscalité des plus-values immobilières, laquelle ne concernerait, dans un premier temps, que les terrains à bâtir. L'abattement pour durée de détention encourageant le phénomène de rétention foncière, nous souhaitons le supprimer en imposant les plus-values à la flat tax, tout en l'indexant à l'inflation.
En matière de justice fiscale, nous continuerons de soutenir une vision singulière de l'entreprise : nous devons avantager les bénéfices utiles et décourager les bénéfices futiles. Dans ce sens, nous avons proposé en première lecture de créer une taxe sur les programmes de rachat d'actions des grandes entreprises cotées. Bien que non conservée dans le texte final, cette mesure a été adoptée par deux fois en commission des finances.
Vous l'aurez compris, avec responsabilité et sans renier ses valeurs, le groupe Démocrate ne votera pas cette motion de censure représentative d'un jeu politicien qui dure depuis plusieurs mois du côté de l'opposition et qui a pour unique effet d'abîmer de plus en plus profondément notre démocratie.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Une motion de censure est un acte de procédure législative habituel, bien qu'exceptionnel dans un régime parlementaire classique. La motion de censure y est la réponse standard, si vous me permettez l'expression, à l'engagement du Gouvernement à lier son sort à un texte qui n'a pas trouvé de majorité ou sur lequel il a peur de ne pas en trouver, raison pour laquelle il fait pression sur son camp et ses alliés. Reste que nous ne sommes pas dans un régime parlementaire classique. En effet, madame la Première ministre, c'est la vingt et unième fois que vous forcez la main au Parlement. Dans notre système, le chef de l'État, qui domine en tout la vie publique, ne peut être atteint qu'indirectement par un vote du Parlement, et la motion de censure reste un moyen de dire que l'on s'oppose au fond. Il nous faut donc revenir au désaccord de fond sur ce projet de loi de finances initiale pour 2024.
Notre collègue Christine Pires Beaune avait, en première lecture, précisé la position des députés socialistes et apparentés.
Premier point : ce budget ne soutient pas les Français. Le montant des dépenses quotidiennes n'a pas été aussi haut depuis très longtemps. L'État cherche à compenser d'un côté ce qu'il accorde de l'autre et il ne le fait pas en puisant chez les plus riches, ni dans les très grandes entreprises. La pauvreté n'a jamais été aussi haute : plus de 9 millions de pauvres en France, soit 15 % de pauvres dans la sixième économie du monde. La plus grande partie de la réduction de la dépense publique s'explique par l'arrêt de dispositifs exceptionnels instaurés pendant la crise énergétique, lesquels ont profité pour partie aux petits, ménages et entreprises. Parallèlement, l'État, en ne rehaussant pas le budget de 20 milliards d'euros pour compenser ce qu'il perd mécaniquement du fait de l'inflation, fait des économies à l'aveugle.
Enfin, l'affirmation de priorités éducatives et sociales ne s'accompagne pas des moyens nécessaires. L'État reprend 2 500 postes de professeurs qui auraient été bien utiles à l'école pour accompagner les enfants les plus en difficulté, qui sont souvent issus des familles les plus modestes. Pour les universités qui accueillent bon nombre des étudiants les plus fragiles, l'État décide de mesures qu'il ne finance pas et s'abstient de préparer l'avenir, alors que près de 2 milliards auraient été nécessaires.
Deuxièmement, ce budget ne soutient pas la transition énergétique. Un rapport remis à la Première ministre estime qu'il faudrait une dépense publique de l'ordre de 34 milliards d'euros chaque année d'ici à 2030 pour réussir la transition énergétique. Or le Gouvernement ne prévoit que 10 milliards d'euros, dont 7 milliards pour le ministère de la transition écologique : cela ne représente même pas le tiers de la somme nécessaire, alors même que ce montant augmentera du fait du refus d'agir et que des catastrophes sont devant nous.
Troisièmement, ce budget ne va pas dans le sens de la justice fiscale. Au cours du précédent quinquennat, 70 milliards d'euros d'avantages – certains diraient de cadeaux – ont été accordés aux plus riches et aux grandes entreprises. L'année dernière, s'y sont ajoutés 4 milliards de cadeaux, et de nouveau 4 milliards dans le présent budget.
Les quelques petites taxes sur les secteurs qui font les profits les plus contestables n'atteignent même pas le milliard d'euros de recettes. En revanche, le montant des dividendes distribués n'a jamais été aussi élevé. Plusieurs études établissent cependant qu'un impôt rénové sur la fortune des plus riches rapporterait sans crise ni préjudice au moins 25 milliards par an.
Les représentants de la majorité diront que les oppositions s'opposent, mais la discussion parlementaire a montré que les amendements des députés du groupe Socialistes et apparentés et celles des autres groupes politiques issus de la gauche étaient presque toujours rejetés, notamment lors des discussions en commission des finances.
L'article 49.3 est idéal pour un gouvernement car il lui permet de choisir ses amendements. Hausse du Smic ? C'est non. Paradis fiscal pour la Fifa ? C'est oui. Baisse de la TVA sur les biens essentiels ? C'est non. Baisse de la TVA pour l'équitation ? C'est oui. Baisse de la TVA sur les transports en commun ? C'est non. Baisse de la TVA sur les œuvres d'art et les objets de collection ? C'est oui.
Si les objectifs d'une politique ne sont pas partagés et qu'il n'est fait aucun cas des propositions allant dans le sens des trois priorités que je viens d'exposer, comment une opposition de gauche pourrait-elle bien voter un texte contraire à ce qu'elle défend ?
La plupart des projets de loi, qui émanent du Gouvernement, ont été votés avec le soutien des voix de nos collègues Les Républicains. Ce n'est pas faire injure aux uns ou aux autres que de le rappeler. Un éminent historien a affirmé à raison que l'actuel Président de la République avait recomposé la droite et qu'il en était la figure centrale. C'est vrai.
Nous sommes presque sûrs qu'un accord entre les groupes de la majorité présidentielle et celui des Républicains interviendra sur le projet de loi relatif à l'immigration.
Sur le budget, le 49.3 suffit, l'abstention de la droite étant l'alliée discrète qui permet de durer. Une fois ça passe avec le 49.3, une autre fois avec l'abstention, ou encore par un accord. Le « en même temps » institutionnel permet une recomposition qui penche très nettement à droite.
Il vous est certes loisible de raconter une histoire dans l'histoire en mettant en cause la gauche. Toutefois, d'après ses grandes orientations, c'est bien une politique de droite qui est menée.
Et même très à droite sur certains sujets, comme la police et la justice !
Retraite, budget, fiscalité, libertés, droits des étrangers : le basculement est déjà opéré et il va s'accentuer.
Pour toutes ces raisons, nous voterons la motion de censure sans aucun état d'âme.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
Je suis ravi de vous retrouver ce soir, comme vous tous j'imagine, pour discuter d'une nouvelle motion de censure déposée par le groupe LFI – NUPES – une de plus.
Le groupe Horizons et apparentés pense que ce budget, s'il n'est pas parfait, répond aux impératifs qui s'imposent à nous : rétablissement des finances publiques, verdissement de notre budget et de notre fiscalité, investissement massif dans la transition écologique et le régalien, et soutien au pouvoir d'achat des Français face à l'inflation.
Surtout, ce budget comporte de véritables avancées en matière de justice fiscale et de lutte contre la fraude. Nous le voyons tous dans nos circonscriptions : certains de nos concitoyens éprouvent un sentiment d'injustice, car ils ont l'impression de fournir des efforts et de respecter les règles tandis qu'ils voient les autres s'en exonérer. Je tiens à leur dire qu'il y a dans le budget 2024 de véritables avancées, qu'il ne s'agit pas de vanter exagérément mais qu'il ne faut pas minimiser.
Je pense notamment à la transposition dans notre droit de l'accord de l'OCDE sur la taxation minimale des multinationales. Fruit de longues négociations dans lesquelles la France a joué un rôle majeur, cet accord est une étape essentielle vers une coopération internationale renforcée en matière de fiscalité. La concurrence fiscale entre les États ne peut se faire sans règle, or c'est par la négociation et la coopération que nous parviendrons à changer les choses. À ceux qui soutiennent que le taux minimal de 15 % n'est pas suffisant, je réponds que c'est une première étape qui, bien sûr, en appelle d'autres.
De la même façon, cette imposition minimale ne concerne que les entreprises, mais nous avons à cœur de la transposer aux personnes physiques au cours des prochaines années. C'est dans cet esprit que le groupe Horizons et apparentés a déposé et fait adopter un amendement visant à engager plus concrètement la réflexion sur l'imposition minimale internationale des personnes physiques. Loin des postures démagogiques et des effets d'annonce, le Gouvernement et la majorité présidentielle agissent afin de permettre des avancées concrètes pour plus de justice fiscale.
La justice fiscale repose également sur la juste contribution des acteurs qui ont bénéficié des circonstances pour accroître leurs profits. Fidèles à notre volonté de lutter contre les rentes, nous avons permis la prolongation, l'année prochaine, du mécanisme de contribution sur les rentes inframarginales des producteurs d'énergie, grâce auquel 500 millions d'euros pourraient être récupérés. De la même façon, une taxe sur les concessions autoroutières et aéroportuaires sera instaurée en 2024, là encore pour éviter les effets d'aubaine liés à la conjoncture et lutter contre les rentes.
Œuvrer pour une fiscalité plus juste exige aussi de lutter plus efficacement contre la fraude, ce fléau qui abîme le consentement à l'impôt, renforce considérablement, à juste titre, le sentiment d'injustice, et grève les capacités d'action budgétaire de l'État. Sur ce point, le PLF pour 2024 permet la transposition législative du plan fraude présentée en début d'année. Renforcement des pouvoirs d'enquête, durcissement des sanctions, meilleur contrôle des prix de transfert des entreprises multinationales, facilitation des contrôles fiscaux, entre autres : les mesures contenues dans ce projet de loi de finances sont ambitieuses et nécessaires pour passer un nouveau cap dans la lutte contre la fraude fiscale.
Vous le voyez, chers collègues, nous pouvons dire sans rougir que la première partie du PLF pour 2024 permettra de réelles avancées pour plus de justice fiscale.
Dans la droite ligne de l'action du Gouvernement et de la majorité face à l'enchaînement des crises qui nous frappent, nous nous mobilisons pleinement pour protéger nos concitoyens et nos entreprises face à l'inflation. Ainsi la sortie du bouclier tarifaire sera-t-elle lissée pour que l'augmentation des tarifs de l'électricité n'excède pas 10 % en février prochain. Les aides à destination des entreprises sont reconduites et adaptées. Aucun pays n'a fait autant pour protéger son tissu économique et ses habitants face à la hausse des prix de l'énergie. En outre, ce budget mobilise 25 milliards d'euros afin d'indexer les pensions de retraite, les prestations sociales et le barème de l'impôt sur le revenu sur l'inflation – il faut souligner cet effort très significatif.
Le groupe Horizons et apparentés s'est aussi fortement engagé pour que le travail paie. Ainsi avons-nous proposé la suppression de la taxe que constitue l'imposition d'une partie de l'impôt sur le revenu à la contribution sociale généralisée (CSG) et la revalorisation du barème de l'impôt sur le revenu à 5,2 %, au même niveau que celle des pensions. Ces mesures n'ont pas été retenues, car l'état de nos finances publiques ne nous laisse que peu de marges de manœuvre. Les députés du groupe Horizons et apparentés, fortement attachés à l'ordre dans les comptes et au rétablissement des finances publiques, comprennent évidemment les choix budgétaires qui ont été faits.
Cependant, nous prenons bonne note de la volonté du Gouvernement de réaliser, dans le PLF pour 2025, l'engagement du Président de la République de baisser les impôts de 2 milliards d'euros en faveur des classes moyennes. Il nous faut continuer à desserrer l'étau qui leur donne parfois le sentiment de payer pour les autres sans jamais recevoir de l'État. Depuis 2017, beaucoup a été fait, avec plus de 25 milliards de baisse d'impôts sur les ménages. Nous devrons poursuivre dans cette voie quand le contexte économique nous le permettra.
Ce budget est ambitieux en matière de transition écologique. Au-delà des 7 milliards de crédits supplémentaires qui y sont dédiés, la première partie du PLF consacre le verdissement de la fiscalité, en prenant à bras-le-corps la question de la sortie de l'avantage fiscal sur le gazole non routier. Je tiens à saluer la méthode, qui a consisté à proposer une trajectoire claire et progressive de sortie de l'avantage fiscal, établie en concertation avec les acteurs concernés.
Ce PLF consacre également le renforcement des incitations fiscales à l'utilisation de biocarburants ou encore le renforcement des malus pour les voitures les plus polluantes. Ce texte traduit dans la fiscalité le projet de loi relatif à l'industrie verte, notamment à travers la création du crédit d'impôt au titre des investissements en faveur de l'industrie verte. Nous nous donnons ainsi les moyens de réussir l'incroyable défi de conjuguer réindustrialisation et décarbonation.
Enfin, le PLF pour 2024 marque le soutien renouvelé de l'État aux collectivités locales. La DGF augmentera, comme cette année, de 320 millions. L'extension du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) aux dépenses d'aménagement représentera une hausse supplémentaire de 250 millions en faveur de l'investissement local. En outre, conformément aux annonces que vous avez faites, madame la Première ministre, un soutien complémentaire sera apporté aux départements confrontés à une forte dégradation de leur situation financière.
Je pourrais citer beaucoup d'autres dispositions en faveur des collectivités présentes dans ce PLF mais je ne voudrais pas être trop long. Vous l'aurez compris, le groupe Horizons et apparentés considère que le budget du PLF pour 2024 est bon et nécessaire. En effet, la France doit se doter d'un budget sérieux en ces temps tourmentés. Vous l'aurez compris, notre groupe ne votera pas cette motion de censure.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Nous avons assisté jeudi au vingt et unième recours au 49.3 depuis le début de la législature. Cela signifie que le Gouvernement gouverne seul, isolé comme dans une forteresse assiégée, sans le Parlement, sans les corps intermédiaires, sans les élus locaux, sans le peuple. Ultime fantasme d'une élite qui se croit éclairée, alors qu'elle participe à faire renaître les ombres du passé, persuadée qu'elle est seule à savoir ce qui est bon pour le peuple et qu'elle peut avoir raison contre lui.
Vous rejetez sur l'opposition la responsabilité du blocage de la France, mais vous en êtes les seuls auteurs. Vous nous avez même accusés, avec l'adoption de la motion de rejet de votre projet de loi sur l'immigration, de refuser le débat. Cependant, si vous aviez voulu le débat, vous auriez cherché à composer avec celles et ceux qui ont appelé à voter pour vous au second tour de la présidentielle, et dans tant de circonscriptions aux législatives. Bien au contraire, vous adoptez une logique opposée à la nôtre. Coincés dans vos certitudes et vos dogmes ultralibéraux, vous ne voyez comme issue qu'une pratique solitaire et autoritaire du pouvoir.
Bien sûr, nous aurions voulu débattre du budget à donner à la France. Que signifie ce budget pour le quotidien des Français ? Il coûtera 2 700 postes de professeurs dans les écoles, collèges et lycées de nos enfants, qui souffrent déjà tant des absences non remplacées et des classes surchargées.
Il coûtera un lit et un abri pour la nuit aux milliers de gosses à la rue, en raison du gel du budget de l'hébergement d'urgence, malgré toute une société civile mobilisée.
Il coûtera aux victimes du dérèglement climatique les conséquences de votre inaction : sécheresse, inondations et autres tempêtes, parce que, coincés dans vos certitudes, vous n'écoutez même plus vos soutiens de la première heure, alors que le rapport remis par Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz à Mme la Première ministre le 22 mai 2023 sur « Les incidences économiques de l'action pour le climat » exposait en détail ces questions. Nous aurions voulu débattre de la taxe sur les infrastructures de transport de longue distance ou de la réforme des redevances des agences de l'eau pour laquelle, in extremis, vous avez battu en retraite face au lobby de l'agro-industrie.
Nous aurions voulu débattre du nouveau paradis fiscal pour des fédérations sportives internationales gavées d'argent des médias privés, ou encore de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus revue à la hausse, d'abord défendue par le groupe Écologiste et la NUPES à l'Assemblée, puis votée par vos amis centristes au Sénat.
Le plus grave dans cet isolement, au fil des 49.3 qui s'enchaînent, c'est que vous entraînez dans votre chute la démocratie tout entière, car le débat parlementaire est au cœur du modèle républicain de la démocratie représentative. Madame la Première ministre, chaque fois que vous montez à la tribune pour mettre fin aux débats parlementaires, vous affaiblissez un peu plus la démocratie.
À chaque promesse de grand débat, de plan « banlieue », de CNR (Conseil national de la refondation), qui accouchent tous d'une souris, votre politique d'affaiblissement démocratique se poursuit et prépare le lit d'une extrême droite qui n'attend que l'effondrement du cadre républicain pour prendre le pouvoir et ne plus le lâcher.
Cependant, ce mépris de l'Assemblée nationale ne s'exprime pas seulement à travers cette suite insensée de 49.3. Vous avez d'autres moyens de fouler aux pieds nos débats et nos délibérations lorsqu'ils ne vous conviennent pas. J'en veux pour preuve la législation européenne sur la liberté des médias.
En janvier dernier, à l'Assemblée nationale, nous avons débattu, sur proposition de Soumya Bourouaha, et nous avons adopté, avec le soutien de la minorité présidentielle, une résolution portant la voix de la France dans le débat sur cette législation. Nous avons ainsi demandé au Gouvernement de défendre absolument et sans équivoque le secret des sources des journalistes.
Et qu'apprend-on ? Grâce à une enquête de Disclose et à une note du ministère de l'intérieur révélée par Reporters sans frontières, on sait que le gouvernement français exige, à l'échelon européen, aux côtés des représentants du gouvernement hongrois, qui espionne ses journalistes, d'établir une clause d'exclusion des questions de sécurité nationale et de défense de la protection du secret des sources. C'est cette clause qui a valu à la journaliste Ariane Lavrilleux une perquisition à son domicile par des hommes lourdement armés et qui a permis que son appartement et ses outils de travail soient fouillés, que son téléphone soit saisi.
C'est une décision des magistrats.
C'est cette clause qui lui a valu un placement en garde à vue par la DGSI, la direction générale de la sécurité intérieure, après ses révélations sur l'implication de l'armée française dans l'opération Sirli, c'est-à-dire dans des bombardements de civils menés par le gouvernement autoritaire égyptien du général al-Sissi.
« Notre liberté dépend de la liberté de la presse, et elle ne saurait être limitée sans être perdue », écrivait Thomas Jefferson en 1786. La liberté de la presse est au fondement de notre démocratie et vous la bafouez, comme vous bafouez le débat parlementaire, madame la Première ministre.
Je m'adresse aux députés de la majorité – ou plutôt je m'adresserais à eux s'ils étaient là –, car ils n'approuvent certainement pas tous cette compromission avec la droite dure. Plusieurs d'entre eux, je le sais, ont refusé de soutenir le mandat de la commission mixte paritaire chargée d'examiner le projet de loi sur l'immigration. Je leur demande : « Est-ce pour cela que vous avez été élus ? »
Madame la Première ministre, vous êtes affaiblie par le vote de lundi. Désireuse de poursuivre votre entreprise de délégitimation de l'Assemblée nationale, vous pensez, avec vos amis, que la meilleure défense est l'attaque. Et voici le groupe Écologiste mis au banc des accusés pour une prétendue alliance entre la NUPES et le RN sur la motion de rejet préalable du projet de loi sur l'immigration,…
…certains députés de cette assemblée menaçant même de nous tondre !
Qui peut bien approuver de tels propos ? Cette référence est honteuse, sexiste et même dégueulasse ! Ce n'est pas nous qui sommes prêts à brader nos principes et nos valeurs dans les pires concessions à la droite radicalisée et, derrière elle, à l'extrême droite décomplexée ; pas nous qui sommes prêts à leur offrir des textes purement idéologiques sur un plateau d'argent – comme l'a dit une députée de votre camp ; pas nous qui espérons leurs voix pour faire adopter un texte indigne de notre pays et de ses valeurs, parmi lesquelles la fraternité.
Le groupe Écologiste ne transige pas sur ses valeurs et nous avions bien entendu, au moment du vote de la motion de rejet préalable, vos déclarations, monsieur Darmanin. Vous aviez tendu à plusieurs reprises votre main à la droite, donnant votre accord pour revenir, au cours du débat, sur certaines dispositions particulièrement honteuses, supprimées en commission, méprisant ainsi le travail de votre propre majorité !
Ce ne sont pas les écologistes ou la NUPES qui ont, fort à propos, la veille du vote, appelé des parlementaires de droite en leur promettant de nouvelles brigades de gendarmerie. J'en profite pour vous dire, monsieur le ministre – même si vous ne pouvez espérer mon vote sur un texte qui criminalise l'immigration –, que dans ma circonscription, à Villejuif, on a besoin d'un commissariat de plein exercice.
Mais vous n'aimez pas la police !
Cela fait quarante ans que nous le demandons et la sécurité des habitants de Villejuif vaut autant que celle des autres.
Chers collègues, on ne peut faire sans le Parlement, on ne peut agir sans le consentement du peuple et de ses représentants, dans l'opacité. C'est pourquoi le groupe Écologiste demande que les débats de la CMP qui se tiendra lundi soient rendus publics et considère que ce gouvernement ne mérite que la censure.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES.
Même une discussion générale sur le projet de loi de finances pour 2024 était de trop pour vous ! Nous n'avons jamais discuté de la première partie du texte dans cet hémicycle et à peine examiné quelques missions budgétaires de la seconde partie. Lorsque l'examen du PLF en nouvelle lecture a commencé jeudi dernier en commission des finances, il y avait très peu de suspense sur son issue.
Lorsque vous vous êtes avancée à cette tribune, madame la Première ministre, pour annoncer votre vingt et unième 49.3, les représentants des différents groupes n'avaient même pas eu le temps de s'exprimer ! Même écouter les critiques des oppositions sur votre texte, vous l'avez refusé !
Malgré les éléments de langage distillés depuis quelques jours et le rejet du projet de loi inique sur l'immigration, tout le monde sait ici et dans le pays que ceux qui n'aiment pas le débat parlementaire, ce sont bien le Gouvernement et les députés de la majorité. Vous ne supportez pas d'être mis en minorité, vous réagissez à la moindre parole contradictoire, vous étouffez la moindre opposition et, chaque jour, par vos manœuvres, par vos coups de boutoir procéduraux, vous affaiblissez un peu plus la démocratie parlementaire, mais aussi la confiance que les citoyens placent en nos institutions.
Pour vous dépêtrer de votre mise en minorité la semaine dernière, vous avez osé dire que les Français étaient favorables au projet de loi sur l'immigration et qu'il fallait voter en sa faveur. Mais que faites-vous des 93 % de Françaises et de Français qui refusaient haut et fort la réforme des retraites, qui l'ont crié des semaines entières dans les rues et que vous avez écartés d'un revers de main par la brutalité d'un 49.3 ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR – NUPES. – M. Antoine Léaument applaudit également.
Vous nous avez aussi accusés d'avoir mêlé nos voix à celles du Rassemblement national,…
…mais n'est-ce pas sur leurs bancs que vous avez trouvé le soutien nécessaire pour adopter la Lopmi, la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, ainsi que la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, ou encore pour repousser l'augmentation du Smic ? Les irresponsables, c'est vous ! Les cyniques, c'est vous ! Les brutaux, c'est vous !
Une nouvelle fois, les représentants du peuple français n'auront pas l'occasion de débattre du texte le plus important de l'année : le budget de la nation. Pourtant, la situation sociale de notre pays est d'une violence palpable.
L'actualité récente nous rappelle la situation désastreuse de l'hébergement d'urgence, dont les dispositifs sont aujourd'hui embolisés : depuis 2019, le nombre officiel de places d'hébergement d'urgence n'a pas augmenté et plafonne à 203 000 – une anomalie alors que les besoins augmentent. Pire encore, le nombre de places effectives est en chute libre, par la faute, tout d'abord, de la sous-budgétisation, les crédits inscrits ne permettant pas, dans les faits, de financer 203 000 places. En ayant fait le choix de la facilité et du court terme, mais aussi en refusant toute augmentation de crédits, vous laissez notre pays faire face à une situation sociale désastreuse et 6 000 personnes doivent dormir dans la rue car les services du 115 sont saturés. Or ce PLF ne prévoit aucune réponse à cette situation.
Le deuxième enjeu majeur de l'actualité est bien entendu le pouvoir d'achat. La cherté de la vie accule chaque jour un peu plus nos concitoyens : en deux ans, l'inflation cumulée a atteint 20 % dans l'Hexagone et elle est pire encore dans les outre-mer. Les salaires ne suivent pas, ce qui met chaque jour un peu plus en difficulté beaucoup de nos concitoyens. Dans de nombreux cas, on ne vit plus de son travail en France, comme le montrent les deux millions de travailleurs pauvres ! Il n'est plus acceptable que le salaire minimum de nombreuses branches demeure inférieur au Smic. Ce PLF, et plus généralement les textes budgétaires, constituent une nouvelle occasion manquée d'agir de manière contraignante sur les salaires. Nous le regrettons.
Une telle situation conduit à accentuer les inégalités économiques, inégalités que les réformes fiscales ont largement contribué à accroître. Comme l'ont montré nos collègues Mattei et Sansu, ces inégalités gangrènent aujourd'hui la société, qui, petit à petit, redevient une société de rentiers et d'héritiers, une société figée qui ne permet plus la mobilité sociale. Cette situation s'aggrave en raison de la dégradation des services publics : 50 % des Français les plus modestes ne possèdent que 8 % du patrimoine privé. Pour eux, le seul patrimoine, c'est souvent les services publics : l'hôpital public, l'école ou le logement. L'Insee a montré que la moitié de la redistribution au titre du modèle social français passe par les services publics. Or, en continuant de les détériorer, en particulier les services publics de proximité, vous accentuez un peu plus la fracture entre les Français.
Que dire également de la fracture entre le territoire hexagonal et les territoires d'outre-mer ? Les crédits supplémentaires que vous avez accordés à ces territoires sont loin d'être suffisants pour pallier les retards de développement qu'ils subissent depuis trop longtemps : précarité du logement, habitat indigne, infrastructures, notamment routières, en mauvais état, accès difficile à l'eau potable. Loin d'être de simples statistiques, ces carences profondes affectent le quotidien de centaines de milliers de nos concitoyens ultramarins. La crise du logement est particulièrement criante : alors que l'offre est dramatiquement insuffisante, des milliers d'habitants attendent un logement social. Et que dire de l'eau, cette ressource fondamentale, qui leur est encore inaccessible ? Où sont les investissements massifs pour garantir l'accès à l'eau potable pour tous ? Pensez-vous vraiment que 50 millions d'euros suffiront à régler la crise de l'eau à Mayotte ? Pas plus que les précédents ce budget ne permettra de mettre fin à l'absence de développement qui ronge les territoires ultramarins.
La fracture sociale de notre pays nous inquiète au plus haut point. C'est à celle-ci que vous devriez vous attaquer et non à celle créée de toutes pièces par des théoriciens du grand remplacement ou du choc des civilisations. Mais vous foncez droit dans cette direction, en créant en outre, par vos coups de force antidémocratiques, une fracture démocratique entre nos concitoyens et les institutions. En toute logique, le groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES votera en faveur de la censure du Gouvernement.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, LFI – NUPES et Écolo – NUPES.
Nous voici réunis, ce samedi soir, pour débattre de la motion de censure déposée par le groupe La France insoumise à la suite de l'engagement de la responsabilité du Gouvernement sur la première partie du projet de loi de finances pour 2024. Qu'ils aient choisi d'envoyer dans cette assemblée un député de la majorité ou un député de l'opposition, les Français ne nous ont pas élus pour bloquer mais pour travailler et pour agir ! Ils se sont prononcés souverainement pour une assemblée dans laquelle aucun parti n'a obtenu la majorité absolue, mais si aucune coalition gouvernementale n'a été possible jusqu'ici, nous n'avons pas davantage de majorité alternative,…
…hormis d'improbables alliances de circonstance entre des contraires, comme vous l'avez tristement montré lundi dernier.
Or chacun le sait : la nation a besoin d'un budget pour assurer les services publics. Vous avez indiqué dès le départ, avant même d'en connaître le contenu, que vous vous opposeriez aux textes budgétaires. C'est votre droit. La Constitution du général de Gaulle a prévu cette situation et c'est à ce titre que la Première ministre engage sa responsabilité. Nous soutenons sa position.
Je voudrais tout de même rappeler que ce fameux 49.3 que vous fustigez n'a été utilisé que sur les textes budgétaires.
Il a raison !
A contrario, quatre-vingt-cinq projets de loi ont été définitivement adoptés par notre assemblée à la majorité – non des moindres puisqu'ils concernent nos armées, la justice, l'accélération des énergies renouvelables, le nucléaire, l'industrie verte, l'emploi et le pouvoir d'achat –, auxquels s'ajoutent trente textes d'initiative parlementaire, que, pour certains, nous avons adoptés ensemble. Mais étiez-vous seulement prêts à bâtir un budget de compromis, comme nous avons su le faire, sous l'impulsion du Gouvernement, pour la loi de finances de fin de gestion 2023 ? La réponse est non. Et nous le regrettons.
Il n'est pas exact d'affirmer, comme vous le faites, chers collègues, dans votre motion, que ce budget serait issu du seul travail du Gouvernement : les parlementaires de la majorité, comme des oppositions, y ont contribué. Je prendrai un seul exemple, celui de la fraude fiscale et de la généralisation des aviseurs fiscaux à l'initiative du groupe Socialistes et apparentés. Le projet de loi de finances pour 2024 est un véritable texte anti-fraude car il prévoit plus de moyens et de sécurité pour les équipes de contrôle, de nouveaux outils adaptés au numérique et davantage de capacités pour sanctionner les fraudeurs.
La navette avec les sénateurs a par ailleurs été utile – vous l'avez souligné, madame Louwagie : elle a permis de corriger le zonage France ruralité revitalisation – au sujet duquel plusieurs députés ruraux avaient également alerté le Gouvernement –, mais aussi de proposer un dégrèvement pour les logements ayant fait l'objet de travaux de réhabilitation dans le cadre du dispositif Seconde vie et d'augmenter la dotation d'amorçage en faveur des communes nouvelles.
Si nous n'avons pu conclure, mardi soir, en commission mixte paritaire, c'est que nos collègues sénateurs ont poussé leur défense des collectivités jusqu'à vouloir supprimer intégralement la mission "Administration territoriale de l'État" . Or nos communes, notamment rurales, ne veulent pas voir disparaître nos préfets, bien au contraire.
Vous avez cependant raison : un budget voté a toujours plus de force ; mercredi soir, en commission des finances, nous avons voté et adopté le projet de loi de finances pour 2024 ,…
M. le rapporteur général applaudit
…et ce soir, votre motion – c'est son mérite à nos yeux – nous permet de voter pour ou contre le budget 2024 en séance.
Vous êtes dans l'opposition et vous vous opposez ; nous sommes dans l'action et nous agissons avec responsabilité, et ce PLF 2024 en est la preuve. Ne vous en déplaise, mes chers collègues, nous avons une responsabilité collective vis-à-vis des générations futures et vis-à-vis de nos partenaires européens, celle de veiller à la bonne tenue de nos comptes publics, car un État endetté est un État empêché. L'Europe et l'euro nous protègent : ce budget ambitieux et responsable est aussi rendu possible par le soutien de l'Union européenne. Où en serait notre agriculture sans la politique agricole commune ? Où en serait notre relance industrielle sans les 40 milliards du plan de relance européen ? Où en serait le développement de nos régions rurales sans la politique européenne de cohésion ? Combien payerions-nous de charge d'intérêts de la dette sans la protection de notre monnaie, l'euro ?
Le respect de la trajectoire des comptes publics est un impératif catégorique : non seulement pour le pacte européen, mais pour nos enfants et nos petits-enfants, qui ne nous pardonneraient pas d'avoir vécu à crédit sur leur dos.
M. Louis Boyard s'exclame.
Pour y parvenir, il ne faut compter sur aucun miracle : sans renoncer à investir, il nous faut sans cesse interroger et réinterroger la pertinence de nos dépenses fiscales et budgétaires.
Je salue par conséquent le respect, dans ce budget, de la trajectoire fixée par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, qui a fixé comme objectif de ramener le déficit public à 4,4 % en 2024, et je souhaite que nous poursuivions, ensemble, cet effort dans les années qui viennent. Nous ne pouvons pas laisser exploser davantage la charge des intérêts de la dette publique : à 55 milliards aujourd'hui, elle monterait à 75 milliards demain, devenant le premier budget de l'État. C'est insupportable.
En votant contre ce budget, vous votez contre la possibilité pour l'État de lever l'impôt, contre le financement des collectivités territoriales et de la sécurité sociale, contre le plan de lutte contre la fraude pour assurer la justice fiscale, contre l'accord international pour l'imposition minimale des entreprises, contre la contribution sur la rente inframarginale des énergéticiens – autrement dit contre la taxe sur les superprofits, que vous feignez de réclamer –, contre le verdissement de notre fiscalité, contre le déploiement du crédit d'impôt au titre des investissements en faveur de l'industrie verte (C3IV). Bravo !
Que retiendra-t-on de ce budget à Tarbes, à Madiran, à Argelès-sur-Mer, à Maubourguet, à Gavarnie ou à Lourdes ?
Cette question nous intéresse tous, nous autres députés de la nation, engagés pour des valeurs et des idées, mais avant tout élus pour les gens et pour nos territoires. On retiendra que c'est un budget d'action historique, qui nous permettra de tenir le cap du plein emploi, de réarmer nos services publics et d'agir pour la planification écologique.
Les entrepreneurs de ce pays, nos artisans, nos commerçants, nos agriculteurs et nos chefs d'entreprise nous demandent la stabilité fiscale ; ne vous en déplaise, elle renforce la confiance et augmente même le rendement des impôts. Les recettes fiscales nettes de ce budget représentent 350 milliards, soit 17 milliards de plus qu'en 2023. Le rendement du seul impôt sur les sociétés augmente de 11 milliards. En parallèle, nous poursuivons la baisse de l'impôt de production qu'est la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), ennemi de notre industrie, véritable subvention à la délocalisation, cette baisse étant plus que compensée pour nos collectivités par la TVA. J'en profite cependant pour appeler l'attention du Gouvernement sur la nécessité, pour nos communes, de pouvoir prévoir les recettes de compensation de la TVA ; cette question nous est remontée du terrain.
Le pouvoir d'achat reste la première préoccupation de nos concitoyens, et notre réponse, c'est le travail : 2 millions d'emplois ont été créés depuis 2017, dont 900 000 dans l'industrie. Le travail doit payer. C'est notre majorité qui a augmenté le Smic de 11 % depuis janvier 2022, le portant à 1 747 euros brut mensuels ; c'est ce budget qui permet d'indexer le Smic et la prime d'activité sur l'inflation, et de faire de même pour le barème de l'impôt sur le revenu.
Cependant, mieux rémunérer le travail ne signifie pas abandonner la solidarité envers celles et ceux qui sont malades, isolés ou incapables de travailler ou de se déplacer. Pour ne pas les laisser sur le bord de la route, ce budget revalorise les prestations sociales. En circonscription, vous devez, comme moi, être interpellés sur la revalorisation des retraites. Ce budget tient compte de ces attentes et prévoit, au 1er janvier, 4 milliards de plus pour les retraités modestes, soit une revalorisation de 5,2 % des pensions.
Si notre système de redistribution réduit l'écart de revenu entre les 10 % de Français les plus riches et les 10 % les plus modestes de dix-huit à trois, les inégalités se jouent à la racine, dans nos quartiers et nos campagnes. Aussi agissons-nous pour notre jeunesse, c'est-à-dire pour notre avenir, en revalorisant les bourses sur critères sociaux de l'enseignement supérieur et en pérennisant les repas à 1 euro pour les étudiants boursiers. Nous prolongeons également le gel des loyers dans les résidences universitaires et celui des droits d'inscription à l'université. C'est contre tout cela que vous votez !
Enfin, vous voulez censurer la revalorisation salariale des fonctionnaires de 5 points d'indice au 1er janvier 2024, une mesure qui cherche à rendre notre fonction publique plus attractive.
S'agissant des services publics, justement – le patrimoine de ceux qui n'en ont pas –, je me suis engagé à les défendre et je suis fier d'appartenir à une majorité qui les réarme de manière considérable. Nous nous donnons comme priorité de créer 1 500 postes de magistrat, 1 500 postes de greffier, des postes d'assistants d'enquête et des brigades de gendarmerie. Nous augmentons la rémunération de nos enseignants comme aucun gouvernement auparavant : 2 100 euros net en début de carrière et 2 500 euros net en zones REP (réseau d'éducation prioritaire) et REP+ (réseau d'éducation prioritaire renforcé). C'est un effort inédit consenti par notre nation.
En refusant ce budget, vous votez contre la généralisation des territoires éducatifs ruraux et des cités éducatives. Vous votez contre la préservation des monuments, avec la hausse à 65 % de la réduction d'impôt pour la restauration du patrimoine religieux. Vous votez contre le soutien financier aux collectivités, qui représentent le premier kilomètre de l'action publique. Vous votez contre le plan de lutte contre les violences faites aux élus, contre l'augmentation de 220 millions d'euros de la dotation globale de fonctionnement (DGF), contre les 1,8 milliard de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et contre les 2,5 milliards du fonds Vert.
La planification écologique, enfin, le plus grand défi du temps, crucial pour notre jeunesse, fait l'objet d'un effort de 10 milliards supplémentaires, ce qui porte ce budget à 40 milliards : ces crédits serviront à la rénovation des logements, à la protection des forêts, à la transition de l'agriculture et à la préservation de la biodiversité ; le plan Eau bénéficie, à lui seul, de 2,2 milliards. MaPrimeRénov', rien que dans mon département des Hautes-Pyrénées, a permis à 10 000 foyers de rénover leurs chaudières ; l'entrée en vigueur de MaPrimeAdapt', une promesse de campagne, permettra aux ménages les plus modestes d'adapter leurs logements à la perte d'autonomie liée à l'âge ou au handicap.
Nous pouvons être fiers des mesures que nous prenons au bénéfice des Français. Et vous, chers collègues de La France insoumise, de quoi êtes-vous fiers au juste ? Je vous ai écoutés et j'ai lu votre motion. Je n'y ai pas vu l'esprit de finesse, mais plutôt l'outrance, le rejet, l'obstruction, le refus d'obstacle et, en définitive, le refus d'agir. Je crois sincèrement que le clivage principal dans notre pays n'est plus celui qui oppose la gauche et la droite, mais celui qui oppose la posture et le dépassement, l'immobilisme et l'action, les explications simplistes et les raisonnements complexes, le souhait de vivre des problèmes de nos concitoyens et celui de les régler.
Vous tentez de paralyser le pays, mais vous nous trouverez toujours devant vous, debout, animés d'une volonté toujours plus grande de servir les Français et de répondre à leurs besoins. Même en situation de majorité relative, même quand c'est difficile, nous sommes unis. Nous ne vous laisserons pas devenir le marchepied de l'extrême droite.
La majorité silencieuse et exigeante des Français préférera toujours nos actions aux postures bruyantes de l'extrême gauche et à celles de l'extrême droite, adepte du camouflage et de la chaise vide.
Je veux, pour conclure, saluer et remercier notre Première ministre, chère Élisabeth Borne, et notre ministre délégué chargé des comptes publics, cher Thomas Cazenave, qui ont le sens du dialogue et de l'intérêt général chevillés au corps ; ils l'ont montré. Le groupe Renaissance les soutient de toutes ses forces et ne prendra évidemment pas part au vote en faveur de cette motion.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et HOR. – M. le ministre délégué chargé des comptes publics applaudit également.
Bravo ! Ce discours mérite d'être largement diffusé !
Vingt et un 49.3 en dix-huit mois. Ne cherchez pas, ce n'est pas un problème mathématique ; c'est un problème lié à votre manque de représentativité et à votre incapacité d'écouter les Français et de discuter avec les oppositions pour trouver des compromis. En ne donnant pas de majorité à l'Assemblée nationale, les Français, dans leur grande sagesse, ont voulu limiter la latitude du pouvoir exécutif pour l'obliger à trouver des compromis avec le pouvoir législatif. Contre l'esprit de la démocratie, contre l'idée de représentation nationale, vous surexploitez le dispositif lâche du 49.3.
Lorsque la Macronie défait à l'Assemblée nationale un accord qui apparaissait équilibré au plus grand nombre à la sortie du Sénat, elle prend le risque de mobiliser contre elle toutes les oppositions. C'est ce qui s'est passé cette semaine. Quand l'opposition vote en même temps, c'est la fin du « en même temps ». On notera quand même que les représentants des mondialistes, si certains de l'issue du vote, si arrogants, tant envers le peuple qu'envers les oppositions, n'avaient même pas pris le soin de faire le plein de voix dans leurs rangs lors du vote de la motion de rejet préalable sur le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration. Quel manque de préparation !
La situation prêterait à rire si elle était sans conséquences, mais notre pays a besoin d'un vrai débat démocratique, de députés et d'un gouvernement courageux. Il a besoin de définir et de tenir une position claire en matière d'immigration, loin du « en même temps ». Il a besoin d'un ministère de l'intérieur capable d'expulser les individus faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF), et d'une justice ferme qui condamne les délinquants et maintient en prison ceux qui doivent y purger leur peine.
Nos concitoyens les plus fragiles ont besoin d'un pays et d'une administration qui les soutiennent. Parmi eux se trouvent les agriculteurs, qui ont besoin d'une réglementation leur facilitant la vie. Nos ouvriers, eux, ont besoin d'usines, et nos chefs d'entreprise de liberté pour développer leur activité. Nous avons collectivement besoin d'un État solide, d'une administration courageuse et d'une justice intransigeante avec les forts et bienveillante avec les plus faibles.
Chers collègues, vous savez comme moi que la France est le premier pays touristique au monde : excepté pendant la crise du covid, le tourisme représente 4 % de notre PIB. Ce statut de première puissance touristique, nous le devons à la qualité de notre gastronomie et à la beauté de nos paysages, et cette qualité et cette beauté, nous les devons à nos agriculteurs. Il suffit de prendre de la hauteur, au sens propre, pour s'en rendre compte : le travail de la main de l'homme en France est visible depuis l'espace. Les couleurs, les odeurs, la terre fertile, l'engagement, le dur labeur : ce sont nos agriculteurs. Ce sont eux les architectes du quotidien de notre pays.
Je repense à la jeune agricultrice que j'ai rencontrée à Camblain-l'Abbé, dans ma circonscription, qui me faisait part de ses craintes quant à son avenir : elle souhaite reprendre l'exploitation de son père, mais à quel prix ? Elle a pourtant des idées et des projets, comme celui de robotiser la traite, de s'agrandir et de répondre aux exigences environnementales. Les jeunes veulent s'engager, mais ils connaissent la précarité du monde agricole. Ils connaissent aussi le harcèlement : oui, chers collègues, à cause des méthodes de ce gouvernement, le monde agricole est harcelé, bousculé et conduit au bord de la disparition.
À Givenchy-le-Noble, les éleveurs m'ont parlé de l'image du monde agricole et du besoin d'une politique forte qui leur permettrait de vivre de leur production et non d'aides qui les obligent à vivoter au jour le jour. Nos agriculteurs souffrent : cette phrase n'est pas un slogan politique, ni un argument rhétorique, mais une réalité. En dix ans, 100 000 exploitations ont mis la clé sous la porte ; 25 % des agriculteurs ont plus de 60 ans et les moins de 40 ans ne représentent que 14 % de la population agricole. Dès aujourd'hui se pose la question du remplacement des départs en retraite. Avez-vous un plan, madame la Première ministre ?
Oui, vous en avez un : celui d'affaiblir le monde agricole ! Fin des dérogations pour l'utilisation de néonicotinoïdes, sans solution alternative, qui conduit à la fermeture de la sucrerie d'Escaudœuvres dans le Cambrésis, à proximité de ma circonscription ; crise énergétique qui plonge les endiviers dans la détresse ; difficulté à maintenir l'équilibre économique des exploitations, qui conduit à des dépôts de bilan ou à des drames humains : le monde agricole, c'est deux suicides par jour !
Et pour enfoncer le clou, le Gouvernement fait les poches des paysans sous prétexte de verdir l'économie ! Nos paysans sont prêts à être les acteurs principaux de la souveraineté alimentaire et à relever les enjeux de demain. La réponse est dans le localisme : produire et consommer local. Vous le refusez aujourd'hui, nous le ferons demain avec Marine Le Pen.
Toute la classe politique dresse le même constat : les membres de la majorité et les ministres ne cessent de répéter qu'ils soutiennent les agriculteurs, mais lorsqu'ils proposent des réformes et prennent des engagements, nos paysans en subissent toujours les conséquences. Alors que la guerre en Ukraine a fait exploser le prix des matières premières et que les tarifs des énergies fossiles et de l'électricité se sont envolés à cause du marché européen, votre application à augmenter, par idéologie, le prix du gazole non routier (GNR) ressemble furieusement à de l'acharnement envers le monde agricole, même si cette hausse est progressive. L'hiver, vous demandez aux éleveurs de couper l'électricité ; l'été, vous demandez aux agriculteurs de diminuer leur consommation d'eau. Et maintenant, vous vous en prenez directement à leur porte-monnaie ! Vous décidez d'augmenter le tarif du GNR en période de crise alors qu'il faudrait le geler jusqu'à ce que la situation économique se stabilise.
Mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, lorsque ce soir, à l'issue du vote, vous serez attablés, ayez une pensée pour nos agriculteurs, ceux-là mêmes qui font la qualité de nos assiettes et la beauté de nos paysages, et qui contribuent à faire de la France le premier pays touristique au monde.
Mais l'indécence ne s'arrête pas là. Non content de supprimer l'exonération de la taxe sur le GNR, le Gouvernement fait adopter en catimini, via un 49.3 dont il a le secret, un amendement Fifa pour exonérer d'impôts les fédérations sportives internationales qui s'installeraient à Paris et d'impôts sur le revenu leurs salariés, qui touchent des rémunérations exorbitantes ! Voilà le cadeau fiscal fait à la Fifa alors que de nombreux Français vont devoir se serrer la ceinture à Noël !
Je le dis et je le répète, notre Gouvernement ferait mieux de s'occuper des Français qui se lèvent tôt pour travailler et pour faire vivre notre pays plutôt que de raser gratis les chasseurs de primes à un moment où notre dette publique s'élève à 3 000 milliards d'euros. Emmanuel Macron, le Mozart de la finance, fait sombrer la France dans un état de quasi-faillite et nous prépare un destin à la grecque. Son « quoi qu'il en coûte » est devenu un « quoi qu'il vous en coûte, chers Français ! ».
Le pouvoir exécutif est complètement déconnecté des réalités de nos concitoyens. Certes, comme on l'entend souvent, il représente l'élite intellectuelle de la France et ses représentants ont fait leurs classes à Sciences Po et à l'École nationale d'administration (ENA). Avant d'accéder au pouvoir, ils travaillaient dans des cabinets de conseil, des banques ou des agences de communication. Ils pensent n'avoir rien à apprendre des petites gens et ne savent pas ce que c'est que d'être à découvert le 10 du mois parce que l'inflation a rendu les fruits et les légumes inabordables et que le gazole dépasse encore 1,70 euro le litre à Bapaume.
C'est au cours de la présidence d'Emmanuel Macron que le mouvement des gilets jaunes a pris de l'ampleur, mettant en lumière le décalage entre les élites parisiennes et les gens normaux, qui travaillent parfois sans réussir à boucler leurs fins de mois. Et ce n'est pas la NUPES, si elle existe encore, qui va défendre le sort des classes populaires et des classes moyennes. La gauche les a abandonnées et appelé à voter pour Emmanuel Macron.
Enfin, je voudrais rappeler que le groupe RN s'est battu avec force pour défendre nos concitoyens ultramarins. De manière transpartisane, nous avons tiré la sonnette d'alarme sur les faiblesses des infrastructures d'eau et d'assainissement, notamment en Guadeloupe et à Mayotte. Nous avons proposé de relever le chèque alimentaire pour Mayotte, mais vous avez refusé. Ce territoire fait pourtant face à une situation d'urgence humanitaire, en plus de l'urgence migratoire. Quant à la Guyane, nous avons proposé de renforcer l'opération Harpie, qui vise, depuis 2008, à lutter contre le fléau de l'orpaillage illégal – plusieurs élus d'outre-mer nous ont rejoints sur ce point.
Ce soir, ceux qui espéraient encore quelque chose de la Macronie sont une fois de plus déçus. Les Français l'observent et le déplorent. C'est dans les urnes qu'ils pourront prendre leur destin en main. J'ai une pensée toute particulière pour nos concitoyens qui, malgré leurs difficultés financières, essayeront d'offrir à leurs proches un beau réveillon de Noël. Noël, c'est la fête de la lumière au cœur de l'hiver ; c'est l'étoile qui brille faiblement dans la nuit noire pour nous rappeler qu'il existe toujours une raison d'espérer. Un peu en avance, je souhaite à tous les Français de bonnes fêtes de fin d'année.
Vingt et un 49.3 en dix-huit mois ! Du jamais vu sous la V
Des 49.3 de surcroît déclenchés avant même la discussion des amendements, interdisant tout débat dans l'hémicycle… Croyez-vous que les Français accepteront encore longtemps, docilement, un tel déni de démocratie à répétition ?
Comme je vous l'ai déjà dit à cette tribune à maintes reprises, vous n'avez jamais digéré le vote des Français aux élections législatives de juin 2022. Vous passez votre temps à répéter que vous voulez des compromis, mais les Français ont bien vu que vous n'en faisiez jamais. Vous avez même supprimé de ce projet de loi de finances des amendements du MODEM, un groupe de votre majorité. Non content d'user et d'abuser du 49.3, vous avez eu d'ailleurs le culot de crier au scandale démocratique, ce lundi, à la suite de l'adoption salutaire de la motion de rejet préalable sur le projet de loi relatif à l'immigration. Quel comble ! Se plaindre d'une absence de débat le lundi et dégainer pour la vingt et unième fois le 49.3 le jeudi. Votre Gouvernement n'a plus aucune crédibilité.
Vos ministres le savent et vous rappellent d'ailleurs à l'ordre. Avec le Président de la République, vous êtes dans une impasse totale et tous les membres du Gouvernement le savent. Seul l'arbitrage du peuple français, par référendum, par des élections législatives ou par une élection présidentielle anticipée, peut résoudre le conflit de légitimité entre un Président à bout de souffle et une assemblée ingouvernable.
Mes chers collègues, la question fondamentale est donc de savoir si vous souhaitez continuer à vous épuiser inutilement, en discutant avec un Gouvernement de mauvaise foi, qui fait tant de mal au pays, au risque de couler avec lui, ou si, au contraire, vous ferez preuve de courage en soutenant la censure pour obliger Emmanuel Macron à oser la dissolution – celle-ci, j'en suis certain, ne manquera pas de venir. La gravité des problèmes du pays et les souffrances des Français nous obligent à agir vite. N'attendons pas 2027 !
Chaque mois perdu aggrave la déliquescence sans précédent de notre nation : submersion migratoire, du fait de l'arrivée chaque année de 500 000 étrangers, sans compter les clandestins, rendant impossible l'intégration et la paix civile ; insécurité croissante, rendant invivable le quotidien dans de nombreux quartiers et donnant un sentiment de toute-puissance aux barbares qui tiennent la rue ; perte de substance économique, notamment pour nos agriculteurs, qui souffrent et manifestent dans l'indifférence générale ; aggravation du fossé entre le discours de la réindustrialisation et la pratique des délocalisations, aboutissant à ce qu'il n'y ait plus d'amoxicilline pour les enfants dans les deux tiers des pharmacies françaises. C'est cela, la réalité de votre politique !
Je poursuis la liste : inégalités sociales exacerbées, dont témoigne la baisse historique du pouvoir d'achat, un record de pauvreté et toujours plus d'argent pour l'oligarchie, qui est votre maître ; abandon des Ultramarins, qui souffrent et n'ont même pas d'eau potable ; enfin, soumission généralisée à une Union européenne autoritaire, assez folle pour prévoir de donner 186 milliards d'euros, dont 32 milliards à la charge des Français, pour l'élargissement à l'Ukraine.
Et nous devrions attendre sagement 2027 en vous subissant ? Ce serait un crime de non-assistance à nation en danger ! Car si nous continuons, dans cet hémicycle, les petites soupes sur les petits feux, Emmanuel Macron nous laissera un champ de ruines. Seules des élections législatives anticipées permettraient aux Français de choisir une majorité claire, une vraie alternative politique, capable de s'attaquer enfin à la racine des problèmes français : une alternative politique rassemblant les patriotes, les amoureux de la France, les gaullistes, qui, dans quantité de domaines clefs, comme la sécurité, la création de richesses, l'immigration, la restructuration des services publics, l'aménagement du territoire, l'indépendance nationale, partagent l'essentiel.
Lundi soir, pour une fois, les Français étaient fiers de notre assemblée.
Alors, aujourd'hui, prenons nos responsabilités afin de leur rendre le pouvoir et de les laisser choisir la politique qu'ils souhaitent pour sortir notre pays de l'impasse dans laquelle vous l'avez placé.
Je ne dirai que quelques mots de cette première partie du projet de loi de finances pour 2024.
Les orateurs de la majorité en ont parfaitement rappelé les contours et les principales mesures. Cette première partie du budget est nécessaire pour donner des moyens à l'ensemble de nos services publics et de nos politiques. Elle met en œuvre un engagement clé que nous avons pris devant les Français : pas de hausses d'impôts. Elle prévoit des mesures importantes pour le logement, le pouvoir d'achat, la transition écologique, les outre-mer, la politique de la ville, les agriculteurs, les communes rurales et la lutte contre la fraude. Elle a été amendée grâce à des propositions de la majorité comme des oppositions, de l'Assemblée nationale comme du Sénat.
Je pense à l'extension du prêt à taux zéro. Grâce à ce texte, il sera ouvert à 6 millions de Français supplémentaires, les Français des classes moyennes. Je pense aussi à la réforme du zonage France ruralité revitalisation, attendue par les élus ruraux. Comme je m'y étais engagée devant l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), grâce à ce texte, le zonage sera étendu à 4 000 communes supplémentaires.
Malheureusement, comme d'habitude, ces mesures n'étaient au cœur ni de votre motion de censure, ni de vos prises de paroles. Au fil de vos interventions, j'ai écouté les mêmes arguments, entendus et réentendus. Et ce soir, plusieurs d'entre vous ont encore osé accuser le Gouvernement de déni de démocratie.
Mesdames et messieurs les députés censeurs, vos manœuvres et vos indignations surjouées ne trompent personne. La majorité et le Gouvernement n'ont pas de leçons de concertation à recevoir de la part de ceux qui refusent toute recherche d'un accord ! Nous n'avons pas de leçons de débat à recevoir alors même que vous répondez à chaque budget par des motions de rejet et des motions de censure !
Avec la majorité, avec mon gouvernement, nous n'avons pas de leçons de parlementarisme à recevoir de la part de députés insoumis qui n'ont que les outrances à la bouche ! Nous n'avons aucune leçon de lutte contre l'extrême droite à recevoir alors que vous alliez régulièrement vos voix à celles du Rassemblement national. Régulièrement, vous faites front commun : l'extrême gauche pour provoquer le blocage et l'extrême droite pour en récolter les fruits ! Vous dites vous opposer, mais, dans cette Assemblée, bien souvent les extrêmes se font la courte échelle.
Exclamations sur les bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES.
Depuis plus de dix-huit mois, sur tous les textes, nous avançons, nous construisons. D'aucuns tentent de rabaisser le travail parlementaire. La réalité est ailleurs : le Parlement fonctionne, malgré toutes les tentatives de certains. Depuis plus de dix-huit mois, nous avons construit des majorités avec des parlementaires de tous les groupes de l'arc républicain. Près de soixante textes ont été adoptés sans recourir au 49-3, des textes importants, porteurs de mesures fortes – encore récemment sur le plein emploi, le pouvoir d'achat, le bien vieillir.
Bien sûr, chacun sait qu'il en va autrement pour les textes budgétaires. Depuis les communes jusqu'au Parlement,…
Elles ne sont pas très contentes, les communes. Elles l'ont dit au congrès des maires !
…voter un budget est la marque d'appartenance à une majorité ou à une opposition. Je regrette que cet usage nous empêche de construire un accord sur le budget, mais je ne le conteste pas. En revanche, j'en tire les conclusions qui s'imposent et, en responsabilité, j'utilise les outils que la Constitution nous donne. Nous respectons ses principes à la lettre, comme l'a affirmé hier le Conseil constitutionnel : c'est une réponse claire aux apprentis constitutionnalistes du Rassemblement national.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Mesdames et messieurs les députés, rien n'atteindra ma détermination, ni les invectives et les outrances, ni les motions de censure à répétition, ni – encore moins – les alliances entre les extrêmes. Au contraire, tout cela renforce ma volonté d'agir, avec le Gouvernement, avec la majorité, au service des Français.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.
La discussion est close.
Je vais maintenant mettre aux voix la motion de censure.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je rappelle que seuls les députés favorables à la motion de censure participent au scrutin, et que le vote se déroule dans les salles voisines de l'hémicycle.
Le scrutin va être ouvert pour vingt minutes : il sera donc clos à vingt heures vingt.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt heures vingt.
La séance est reprise.
Voici le résultat du scrutin :
Majorité requise pour l'adoption de la motion de censure, soit la majorité absolue des membres composant l'Assemblée 289
Pour l'adoption 75
La majorité requise n'étant pas atteinte, la motion de censure n'est pas adoptée.
En conséquence, la première partie du projet de loi de finances pour 2024 est considérée comme adoptée en nouvelle lecture.
Pendant que Mme la Première ministre monte à la tribune, les députés du groupe LFI – NUPES fredonnent le thème de Dark Vador dans Star Wars.
Alors que vous venez de rejeter, pour la troisième fois, une motion de censure dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, les délais constitutionnels se rappellent à nous. Une chose est claire : nous ne pouvons pas nous passer d'un budget.
Nous ne pouvons pas nous passer d'un budget d'investissement, qui renforce l'autorité de l'État et accorde des moyens sans précédent à notre justice, à nos forces de sécurité et à nos armées.
Nous ne pouvons pas nous passer d'un budget vert, qui porte les investissements en faveur de la transition écologique à hauteur de 40 milliards d'euros.
Exclamations sur les bancs du groupe LFI – NUPES.
Nous ne pouvons pas nous passer d'un budget qui renforce nos services publics, notamment notre école.
Nous ne pouvons pas nous passer d'un budget de responsabilité, conforme à notre trajectoire de diminution des déficits publics.
Nous ne pouvons pas nous passer d'un budget amendé et enrichi grâce au travail parlementaire, grâce à la majorité et aux oppositions, grâce à l'Assemblée nationale et au Sénat.
C'est pourquoi, sur le fondement de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, j'engage la responsabilité de mon gouvernement sur la deuxième partie et l'ensemble du projet de loi de finances pour 2024.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Sourires.
L'Assemblée nationale prend acte de l'engagement de la responsabilité du Gouvernement, conformément aux dispositions de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Le texte sur lequel la Première ministre engage la responsabilité du Gouvernement sera inséré en annexe au compte rendu de la présente séance.
En application de l'article 155, alinéa 1er , du règlement, le débat sur ce texte est immédiatement suspendu. Le texte sera considéré comme adopté, sauf si une motion de censure déposée avant demain, vingt heures vingt-cinq, est votée dans les conditions prévues à l'article 49 de la Constitution.
Dans l'hypothèse où une motion de censure serait déposée, la conférence des présidents fixera la date et les modalités de sa discussion.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures vingt-cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra