Intervention de Véronique Louwagie

Séance en hémicycle du samedi 16 décembre 2023 à 18h30
Motion de censure — Discussion et vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie :

Mais en moins de sept heures de débat en commission des finances de l'Assemblée nationale, la majorité a détricoté 150 heures de débats au Sénat. Vous vous réjouissez d'avoir conservé quelques-unes de ses mesures. Mais combien en avez-vous supprimé ou modifié ? Je vais vous donner ces chiffres, votre bilan : cinquante-cinq articles du Sénat supprimés par le rapporteur général ; treize amendements de réécriture du rapporteur général pour annuler les apports du Sénat et revenir à la version de l'Assemblée nationale ; dix-sept amendements du Gouvernement pour retirer du texte les ajouts du Sénat.

Comment pouvez-vous continuer à parler d'ouverture, lorsque vous balayez d'un revers de main le travail d'une chambre connue pour son sérieux et son esprit de responsabilité ? Je regrette que vous ayez ainsi rayé d'un trait de plume 7 milliards d'économies budgétaires votées par le Sénat et dont nos comptes publics, hautement déficitaires, avaient grandement besoin.

Le pire de la méthode gouvernementale a été atteint avec l'amendement communément dénommé « amendement Fifa ». En première lecture, en catimini, le Gouvernement a distribué des cadeaux fiscaux par cet amendement opportunément déposé par les députés du groupe Renaissance, parmi lesquels le rapporteur général, et ce quelques instants seulement avant le déclenchement du 49.3. Il s'agit d'un régime fiscal très accommodant pour la trentaine de fédérations sportives internationales reconnues par le Comité international olympique (CIO), et pour ses salariés.

Heureusement, le Sénat a supprimé à l'unanimité cet ahurissant cadeau, inapproprié et incompréhensible. En nouvelle lecture, lors de l'examen du texte en commission des finances, la majorité et le Gouvernement ne sont pas revenus sur cette suppression par le Sénat. De ce fait, aucun débat n'a eu lieu sur le sujet mercredi dernier. Mais, stupeur, nous découvrons finalement que notre collègue Mathieu Lefèvre a déposé un amendement tendant à le rétablir en séance, le lendemain. En recevant un avis défavorable du rapporteur général, l'amendement n'a pas attiré l'attention de la commission des finances au titre de l'article 88 du règlement. Quelle autre surprise fut de constater que vous aviez retenu cet amendement inique dans le texte retenu par le 49.3 !

À la veille de Noël, vous faites un gigantesque cadeau à des acteurs dont la situation financière est pourtant excellente, sans que jamais, je dis bien jamais, la représentation nationale n'ait pu en débattre. Madame la Première ministre, c'est absolument scandaleux : vous avez utilisé tous les artifices à votre disposition, de manière fallacieuse, pour éviter toute discussion à l'Assemblée nationale sur ce sujet très peu glorieux. Vous qui parliez de déni de démocratie lundi, vous nous en donnez un bel exemple aujourd'hui.

Monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, vous qui évoquiez à cette tribune, jeudi dernier, l'importance du consentement à l'impôt et de la justice fiscale, où est la justice fiscale ? Comment prôner le consentement à l'impôt quand vous accordez un tel cadeau à quelques privilégiés, alors que la grande majorité de nos concitoyens voient leur pouvoir d'achat baisser et que vous privez l'Assemblée nationale de délibération sur le sujet ? Méfiez-vous de la colère silencieuse après de telles manœuvres, qui ne vous grandissent pas.

Revenons au budget que le Gouvernement nous propose pour 2024. C'est d'abord, hélas, un taux de prélèvements obligatoires sidérant : 44,1 % du PIB. En 2022, les prélèvements obligatoires avaient atteint un niveau historique qui nous plaçait sur la plus haute marche du podium des pays européens et des pays de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). C'est ensuite un niveau de dépense publique exorbitant : 55,9 % du PIB, soit un taux supérieur de 8 points à celui de la moyenne de la zone euro, que vous ne faites rien pour contenir. C'est encore un déficit de 4,4 % du PIB : en Europe, seuls trois pays auront un déficit public plus important que le nôtre. C'est enfin, de ce fait, une dette qui continuera d'augmenter, avec un recours à l'emprunt de plus de 285 milliards d'euros en 2024. Un montant jamais atteint, qui fait de la France le troisième pays le plus endetté d'Europe, derrière l'Italie et la Grèce. Au moment de l'élection d'Emmanuel Macron, en 2017, sept pays européens avaient une dette plus élevée que la France ; ils ne sont plus que deux. La charge de la dette, qui était en 2021 de 31 milliards d'euros, grimpera à 57 milliards en 2024 et pourrait dépasser les 81 milliards en 2027. Ce montant va devenir insoutenable. Je ne cesse de le dire, le budget 2024 restera comme le budget de tous les records en termes de déficit et de dette.

Pourtant, les signaux budgétaires devraient vous alerter et vous faire réagir. Le 28 avril, la note de la France a été dégradée par l'agence Fitch de AA à AA-, puis Standard and Poor's a placé la France sous surveillance négative renforcée. Le président du Haut Conseil des finances publiques lui-même a déclaré que « le PLF contient peu de mesures d'économies structurelles » alors que le Gouvernement annonçait en grande pompe une revue des dépenses, laquelle n'a donc débouché sur rien, ou presque.

En 2024, les dépenses continueront de progresser davantage, en valeur nominale, que ce que recommande par l'Union européenne, alors même que la Commission européenne a annoncé la fin de la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance à compter de 2024. Le 21 novembre, la Commission européenne a d'ailleurs mis en garde la France et trois autres pays qui risquent de ne pas se conformer aux recommandations budgétaires de l'Union européenne pour l'an prochain en raison de dépenses publiques excessives.

Le poids de la dépense publique n'aura jamais été aussi élevé que sous le quinquennat d'Emmanuel Macron. Il est deux fois supérieur à ce qu'il était en 2019, et vous ne réagissez toujours pas. Je vous le dis une énième fois : écoutez les propositions du contre-budget des Républicains, que vous avez toujours refusées jusqu'à présent. À défaut d'être écoutés et suivis dans notre ambition, nous continuerons de nous opposer au budget pour 2024.

Pour autant, vous vous en doutez, il n'est pas question pour nous de voter cette motion de censure de La France insoumise. Nos idées, nos convictions et nos propositions sont aux antipodes de celles de Mathilde Panot et de ses collègues de La France insoumise, qui contestent la réalité même de la dette…

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