Intervention de Marietta Karamanli

Séance en hémicycle du samedi 16 décembre 2023 à 18h30
Motion de censure — Discussion et vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Une motion de censure est un acte de procédure législative habituel, bien qu'exceptionnel dans un régime parlementaire classique. La motion de censure y est la réponse standard, si vous me permettez l'expression, à l'engagement du Gouvernement à lier son sort à un texte qui n'a pas trouvé de majorité ou sur lequel il a peur de ne pas en trouver, raison pour laquelle il fait pression sur son camp et ses alliés. Reste que nous ne sommes pas dans un régime parlementaire classique. En effet, madame la Première ministre, c'est la vingt et unième fois que vous forcez la main au Parlement. Dans notre système, le chef de l'État, qui domine en tout la vie publique, ne peut être atteint qu'indirectement par un vote du Parlement, et la motion de censure reste un moyen de dire que l'on s'oppose au fond. Il nous faut donc revenir au désaccord de fond sur ce projet de loi de finances initiale pour 2024.

Notre collègue Christine Pires Beaune avait, en première lecture, précisé la position des députés socialistes et apparentés.

Premier point : ce budget ne soutient pas les Français. Le montant des dépenses quotidiennes n'a pas été aussi haut depuis très longtemps. L'État cherche à compenser d'un côté ce qu'il accorde de l'autre et il ne le fait pas en puisant chez les plus riches, ni dans les très grandes entreprises. La pauvreté n'a jamais été aussi haute : plus de 9 millions de pauvres en France, soit 15 % de pauvres dans la sixième économie du monde. La plus grande partie de la réduction de la dépense publique s'explique par l'arrêt de dispositifs exceptionnels instaurés pendant la crise énergétique, lesquels ont profité pour partie aux petits, ménages et entreprises. Parallèlement, l'État, en ne rehaussant pas le budget de 20 milliards d'euros pour compenser ce qu'il perd mécaniquement du fait de l'inflation, fait des économies à l'aveugle.

Enfin, l'affirmation de priorités éducatives et sociales ne s'accompagne pas des moyens nécessaires. L'État reprend 2 500 postes de professeurs qui auraient été bien utiles à l'école pour accompagner les enfants les plus en difficulté, qui sont souvent issus des familles les plus modestes. Pour les universités qui accueillent bon nombre des étudiants les plus fragiles, l'État décide de mesures qu'il ne finance pas et s'abstient de préparer l'avenir, alors que près de 2 milliards auraient été nécessaires.

Deuxièmement, ce budget ne soutient pas la transition énergétique. Un rapport remis à la Première ministre estime qu'il faudrait une dépense publique de l'ordre de 34 milliards d'euros chaque année d'ici à 2030 pour réussir la transition énergétique. Or le Gouvernement ne prévoit que 10 milliards d'euros, dont 7 milliards pour le ministère de la transition écologique : cela ne représente même pas le tiers de la somme nécessaire, alors même que ce montant augmentera du fait du refus d'agir et que des catastrophes sont devant nous.

Troisièmement, ce budget ne va pas dans le sens de la justice fiscale. Au cours du précédent quinquennat, 70 milliards d'euros d'avantages – certains diraient de cadeaux – ont été accordés aux plus riches et aux grandes entreprises. L'année dernière, s'y sont ajoutés 4 milliards de cadeaux, et de nouveau 4 milliards dans le présent budget.

Les quelques petites taxes sur les secteurs qui font les profits les plus contestables n'atteignent même pas le milliard d'euros de recettes. En revanche, le montant des dividendes distribués n'a jamais été aussi élevé. Plusieurs études établissent cependant qu'un impôt rénové sur la fortune des plus riches rapporterait sans crise ni préjudice au moins 25 milliards par an.

Les représentants de la majorité diront que les oppositions s'opposent, mais la discussion parlementaire a montré que les amendements des députés du groupe Socialistes et apparentés et celles des autres groupes politiques issus de la gauche étaient presque toujours rejetés, notamment lors des discussions en commission des finances.

L'article 49.3 est idéal pour un gouvernement car il lui permet de choisir ses amendements. Hausse du Smic ? C'est non. Paradis fiscal pour la Fifa ? C'est oui. Baisse de la TVA sur les biens essentiels ? C'est non. Baisse de la TVA pour l'équitation ? C'est oui. Baisse de la TVA sur les transports en commun ? C'est non. Baisse de la TVA sur les œuvres d'art et les objets de collection ? C'est oui.

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