La réunion

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La commission entend M. François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France.

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. Il s'agit aujourd'hui de la première audition du gouverneur de la Banque de France devant la commission des finances de cette législature, car nous n'avions pas pu le recevoir à l'occasion du PLFR (projet de loi de finances rectificative).

Les sujets qui nous intéressent sont nombreux, depuis les études prospectives sur la conjoncture économique proposées par la Banque de France, qui permettent d'aborder les questions d'inflation et de croissance, jusqu'à la politique monétaire menée par la BCE et les autres banques centrales à l'échelle internationale, ou encore l'état de la dette publique. Tous ces sujets constituent selon moi un éclairage utile avant le débat sur le PLF.

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Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France. Je suis très heureux de me présenter devant cette nouvelle commission des finances. Je tiens à vous présenter, au nom de la Banque de France, toutes mes félicitations et mes souhaits pour les responsabilités qui sont les vôtres. Il relève du devoir de la banque centrale de rendre démocratiquement des comptes sur son activité, ce qui est la contrepartie naturelle de son indépendance. Nous nous tiendrons évidemment à votre disposition tout au long de cette seizième mandature.

Sur la période récente, l'économie française a, comme les économies européennes, subi trois chocs sans précédent successifs : la crise Covid en 2020 ; puis la vigueur de la reprise, avec des goulets d'étranglement mondiaux en 2021 ; et la guerre russe en Ukraine cette année. C'est dans ce contexte hautement incertain que nous avons conduit, avec humilité, nos projections macroéconomiques de septembre. Nous ne prétendons pas à des certitudes à la décimale près, et nous présentons des fourchettes pour 2023.

Notre conviction de fond sur le cycle de l'économie française peut se résumer en trois temps autour de trois R.

R comme résilience en 2022 d'abord. L'économie française résiste mieux que prévu aux chocs récents. Nous avons même révisé légèrement à la hausse nos prévisions pour 2022, qui s'élèvent désormais à +2,6 % (contre +2,3 % en juin). En effet, le diagnostic d'ensemble aboutit à une bonne tenue de la demande et des commandes, s'agissant de la consommation et des investissements, mais les entreprises font face à de sérieux problèmes d'offre, d'approvisionnements, d'énergie et de recrutement.

R comme ralentissement à partir de l'hiver 2022-2023. Étant donné l'ampleur des incertitudes entourant les approvisionnements en gaz et leur prix, nous avons décidé de présenter une fourchette de prévision pour 2023, ce qui s'avère assez inhabituel. Cette fourchette se situe entre + 0,8 %et - 0,5 %. Nous n'excluons donc pas une récession, mais si celle-ci devait avoir lieu, elle serait limitée et temporaire. Il ne s'agit du reste pas du scénario le plus probable puisque notre scénario de référence réside dans une croissance du PIB de + 0,5 %. Nous ne prévoyons donc pas de scénario catastrophe comparable à celui du Covid en 2020, avec un recul de 7,9 %.

R comme reprise économique à l'horizon 2024 enfin. Dans un contexte de détente graduelle des tensions sur les marchés de l'énergie, l'économie française renouerait alors avec une croissance plus soutenue.

Je mesure comme vous les inquiétudes et les difficultés de nos concitoyens, mais malgré les incertitudes, je porte aujourd'hui un message marqué par la lucidité et une certaine confiance : si nous nous mobilisons collectivement, l'économie française a les moyens de faire face à ce choc extérieur et ce surcoût énergétique. Au fil de nos trois années de prévision, l'économie française montrerait une relative résilience de l'emploi, du pouvoir d'achat des ménages en moyenne et du taux de marge des entreprises. Chacune de ces trois variables pourrait être meilleure en 2024 que dans la situation pré-Covid. En revanche, le ratio d'endettement public, déjà fortement dégradé à la suite du choc Covid, serait au mieux stabilisé à l'horizon 2024. Nous devrons en outre gagner la bataille contre l'inflation.

La hausse de l'inflation s'est amplifiée ces derniers mois, atteignant en août + 6,6 % selon l'indice harmonisé européen des prix à la consommation ou + 5,9 % selon l'indice national. Grâce notamment au bouclier tarifaire, ce niveau reste néanmoins le plus bas de la zone euro, dont la moyenne d'inflation s'établit à 9,1 %.

La nature de l'inflation explique notre réponse de politique monétaire. Elle est largement importée, et la moitié environ est imputable aux prix de l'énergie et de l'alimentation. La récente envolée des prix du gaz nous amène à prévoir un pic d'inflation d'ici début 2023. Une fois encore, nous avons établi une fourchette d'inflation pour 2023, entre 4,2 % et 6,9 %, avec un scénario de référence à 4,7 %. La guerre devrait malheureusement perdurer, néanmoins les prix de l'énergie finiront par se stabiliser, voire baisser sur les deux prochaines années. Nous l'avons déjà constaté avec le pétrole ces derniers mois.

Cependant, l'inflation devient également plus interne et plus large, dans la mesure où ses autres composantes affichent toutes une progression : l'inflation sous-jacente (hors énergie et produits agricoles) s'élève à + 4,1 % en France et + 4,3 % en zone euro, et la hausse des prix se généralise aux biens et services. Ce phénomène représente l'autre moitié de l'inflation totale. Les banques centrales ont la responsabilité de cette inflation plus domestique, qu'elles ne doivent pas laisser déraper et persister. Tel est le sens de l'action que nous menons avec la Banque centrale européenne : nous sommes fermement engagés à ramener l'inflation vers les 2 % dans les deux à trois années à venir, en France comme en Europe.

À cette fin, nous avançons de façon déterminée mais ordonnée sur le chemin de la normalisation monétaire. Nous sortons d'une période marquée par des taux d'intérêt exceptionnellement bas en raison d'une inflation insuffisante. Aujourd'hui, pour lutter contre le retour de l'inflation, nous revenons vers des taux d'intérêt normaux. Les économistes soulignent d'ailleurs l'importance des taux réels, déduction faite de l'inflation anticipée sur la durée des prêts. Or à ce stade, ces taux restent significativement négatifs.

Cette normalisation monétaire ne se fera pas au prix d'une récession, qui ne constitue pas à ce jour le scénario le plus probable, et serait en tout état de cause limitée et temporaire. Elle ne se fera pas non plus au prix d'un chômage remontant trop rapidement, puisque la situation de l'emploi reste relativement favorable. Pour autant, plus nous réagirions tard face à cette maladie que constitue une inflation trop élevée, plus le remède serait lourd.

Nous constatons depuis quelques jours une volatilité plus forte sur les marchés financiers, en particulier les changes, avec l'appréciation du dollar comme valeur refuge, et les taux d'intérêt, avec la très forte hausse des taux britanniques après l'annonce de déficits budgétaires massifs. Nous y reviendrons peut-être, mais il semble vital de ne pas ajouter l'incertitude à l'incertitude, et de garder nos caps : celui d'une politique monétaire européenne de stabilité des prix ; celui d'une politique budgétaire française ancrée sur une norme de dépenses réellement tenue, quel que soit son niveau, et permettant le désendettement dans la durée. Il s'avère aussi vital d'agir dans une forte coordination européenne et internationale, car le cavalier seul s'avère contre-productif.

Malgré les urgences successives auxquelles nous devons faire face, il reste essentiel de se projeter sur un horizon plus long et d'orienter en conséquence nos réponses de politiques économiques. Il ne peut s'agir d'un nouveau « quoi qu'il en coûte ». J'avais soutenu des politiques de soutien à la demande, largement justifiées dans le contexte du choc Covid. Cependant, elles sont aujourd'hui à la fois moins disponibles et moins adaptées à la crise actuelle, qui se traduit essentiellement par des problèmes d'offre. L'enjeu crucial consiste plutôt à muscler notre capacité productive, afin de produire plus et mieux, pour à la fois réduire l'inflation et accroître notre potentiel de croissance. Cette croissance serait en outre de meilleure qualité, plus verte et plus juste.

Je crois profondément au modèle social et environnemental européen, qui montre encore plus sa pertinence face aux chocs de l'époque. Néanmoins, ce modèle ne sera durable qu'à une condition clé : renforcer son efficacité économique. Nous devons pour cela réussir trois transformations de notre offre productive : deux sont communes à toute l'Europe – la transition écologique et la transition numérique – et une autre est plus spécifique à notre pays – la transformation du travail, pour accroître sa quantité et sa qualité. Nombre des leviers possibles relèvent naturellement des choix du débat démocratique.

Les chocs externes qui affectent notre pays sont sévères, mais la France dispose de plus d'atouts qu'elle ne l'imagine pour les surmonter. Plus que jamais, dans les lourdes incertitudes actuelles, la Banque de France se tiendra prête à écouter, aider, expliquer et rendre des comptes.

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. Monsieur le gouverneur, je tiens à vous féliciter pour la décision que vous avez prise concernant l'investissement de Refondation, pour le renforcement du pôle imprimerie-papeterie. Vous connaissez toutefois mes critiques sur le maintien d'une privatisation du tri des billets et de l'externalisation aux transporteurs de fonds.

Dans la lettre que vous avez adressée le 12 juillet 2022 au chef de l'État, vous exprimez certains considérants que je ne partage pas. Vous soulignez que l'illusion de dépenses sans coût et sans limites est terminée, et vous estimez possible de faire redescendre l'endettement public en dessous de 100 % du PIB si, avec persévérance, nous nous mobilisons autour d'un effort juste, en donnant la priorité aux dépenses d'avenir comme l'éducation, la meilleure efficacité des dépenses courantes par un vrai management public, une prudence sur des baisses d'impôts ou de charges difficilement finançables. Il me semble que vous oubliez là la dette écologique, plus importante que la dette financière, ainsi que les investissements en faveur de la bifurcation écologique.

Vous recommandez aussi la prudence dans la baisse des impôts, cotisations et contributions sociales. Je vous rejoins, mais que pensez-vous du maintien de la baisse de CVAE à hauteur de 4 milliards d'euros ? Cette dépense fiscale me semble inutile au plan économique et problématique pour les recettes de l'État.

Ma deuxième remarque porte sur les chiffres que vous aviez avancés l'été dernier, et qui apparaissaient plus objectifs et réalistes que le programme de stabilité du Gouvernement. Pour preuve, ce dernier a désormais abaissé sa prévision de croissance de 1,4 % à 1 % et sa prévision d'inflation pour 2023 de 3,4 % à 4,2 %. Vous fournissez aujourd'hui des chiffres que le Gouvernement qualifierait sans doute de pessimistes, mais que je pense réalistes, évoquant même un risque de récession. Si nous atteignons la moyenne que vous avancez, soit 0,5 point de croissance seulement, nous constaterions des implications budgétaires fortes ; tel serait encore plus le cas si nous entrions en récession. Il en va de même pour l'inflation, puisque votre moyenne atteint 4,7 %, et non 4,2 %. Aujourd'hui, le Gouvernement prévoit une augmentation budgétaire correspondant à 1 % de plus que l'inflation — ou, pour une inflation de 4,7 %, une augmentation de 0,5 % de plus que l'inflation. Les dépenses publiques s'en trouvent d'autant plus contractées. Quelle est votre analyse sur ce point ? N'approchons-nous pas d'un budget insincère dans ses prévisions ?

S'agissant des enjeux d'actualité et de la dette, je considère pour ma part que le « quoi qu'il en coûte » ne relève pas du passé. Il me semble toujours nécessaire de consacrer de l'argent aux besoins d'urgence, notamment écologiques. Lors de la pandémie de Covid, la Banque centrale européenne a décidé de prêter directement aux États au travers des banques centrales et a sorti une partie des prêts du marché, avec tous les inconvénients que nous connaissons. Ne devrions-nous pas poursuivre cette démarche, car elle permet un contrôle accru sur nos dettes ?

Enfin, je souhaite revenir sur ceux qui paient l'inflation. Il y a une trentaine d'années, l'inflation était beaucoup plus élevée, mais le partage des richesses s'opérait beaucoup plus en faveur des revenus du travail que des revenus du capital. Je souhaiterais connaître votre opinion sur un mécanisme que revendique le Gouvernement pour le SMIC et certaines allocations, mais qui pourrait s'étendre à tous les salaires, à savoir l'indexation sur l'inflation.

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. L'inflation s'est révélée plus forte et persistante qu'initialement prévu, ce qui a rendu nécessaire une restriction de la politique monétaire menée par la BCE. Pour autant, l'inflation reste principalement importée, en lien avec la hausse des prix de l'énergie, et le dernier bulletin économique de la BCE fait état d'anticipations d'inflation à long terme de l'ordre de 2 %. N'existe-t-il dès lors pas un risque à relever brusquement les taux directeurs et déprimer l'activité économique ? N'existe-t-il pas aussi un risque à augmenter les spreads de taux d'intérêt dans la zone euro ? Je crains qu'une baisse trop forte ou rapide de l'inflation n'entraîne une augmentation du chômage. Dans un contexte inflationniste, quels sont les outils à la disposition de la BCE pour limiter le risque de fragmentation de la zone euro ?

S'agissant de l'accès au crédit, nous avons lu à la rentrée que les taux de refus atteignaient 40 % à 45 %. Pourtant, les chiffres que vous avez publiés récemment montrent une augmentation en valeur des crédits en juillet et août 2022. Comment expliquez-vous cet écart ?

L'encours de dette des entreprises décroît depuis mi-2021 mais reste plus élevé que celui de nos principaux partenaires. Considérez-vous que ce taux d'endettement des entreprises pénalise leur capacité à faire face à la hausse des prix de l'énergie ? La situation des entreprises vous paraît-elle suffisamment solide pour faire face à cette forte hausse des prix de l'énergie et aux échéances de remboursement des PGE (prêts garantis par l'État) ?

Enfin, la BCE a annoncé qu'elle poursuivrait le resserrement de sa politique monétaire ces prochains mois. Comment intégrez-vous l'impact de ce resserrement dans vos scénarios de croissance ?

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Villeroy de Galhau. Je vous remercie d'abord, monsieur le président, pour votre soutien au projet de nouvelle imprimerie pour les billets dans le Puy-de-Dôme, associé à un plan de compétitivité respectueux des droits sociaux existants. Je redis que la filière fiduciaire constitue une mission centrale de la Banque de France. À l'heure où une monnaie numérique est évoquée, il n'est pas question d'abandonner les billets et les pièces que beaucoup de nos concitoyens utilisent.

S'agissant de ma lettre au Président de la République, il ne revient pas à la Banque de France de retenir des priorités de dépenses d'avenir. Je suis désolé si nous n'avons pas cité les investissements écologiques, mais ma lettre comporte une page nourrie sur la transformation écologique et énergétique. La Banque de France se montre leader parmi les banques centrales dans ce domaine, ce qui peut constituer un motif de fierté pour la France, et nous avons créé à Paris un réseau international qui fait référence pour verdir le système financier.

Les baisses d'impôt relèvent de votre débat budgétaire démocratique. La Banque de France est indépendante dans ses prévisions économiques et n'est pas responsable des choix budgétaires et fiscaux. Je ne me prononce donc pas sur les mesures proposées. Pour autant, je signale que, compte tenu de la situation de nos finances publiques, les dépenses additionnelles ou les baisses d'impôt supplémentaires ne sont pas nécessairement financées.

Nos prévisions indépendantes de croissance ont légèrement diminué pour 2023, dans un contexte d'incertitude qui justifie l'utilisation de fourchettes de notre part. La frontière entre l'incertitude et l'insincérité constitue cependant un vaste espace. Je dois procéder à une vérification technique concernant les projections d'inflation du Gouvernement, mais elles pourraient reposer sur l'indice national, alors que la Banque de France utilise l'indice européen. Cela expliquerait une partie de l'écart entre les 4,2 % du Gouvernement et les 4,7 % de la Banque de France.

Nous constatons tous, dans nos contacts avec les entreprises sur le terrain, que l'incertitude majeure des chefs d'entreprise a changé. Il y a six mois, ils s'inquiétaient avant tout de leurs approvisionnements en matières premières et de leurs difficultés de recrutement ; désormais, leurs factures énergétiques les préoccupent. L'aléa majeur dans nos prévisions de croissance et d'inflation concerne l'évolution des prix de l'électricité et du gaz, mais aussi des factures individuelles des entreprises.

Le « quoi qu'il en coûte » peut recouvrir des réalités différentes. Lors du choc Covid de 2020, sans précédent, la puissance publique a assumé les risques qui auraient sinon pesé sur les entreprises et les ménages. La dette publique s'est alors creusée de manière importante mais, à mes yeux comme aux vôtres, justifiée. La situation diffère aujourd'hui. D'une part, le choc s'avère nettement moins violent, puisque le bas de notre fourchette se situe à -0,5 %. Nous ne vivrons pas un scénario catastrophe de type Covid. D'autre part, si les politiques de soutien à la demande étaient adaptées au choc Covid (soutien monétaire face à une menace déflationniste, soutien budgétaire à la demande), la situation s'est inversée. La politique monétaire se trouve face à une menace inflationniste, et une politique budgétaire favorisant la demande resterait peu efficace car la croissance est avant tout entravée par des problèmes d'offre. Par ailleurs, nous disposons d'une moindre marge de manœuvre compte tenu d'une dette plus élevée.

Déjà avant 2020, lorsque l'inflation ne suffisait pas, la Banque centrale avait décidé d'acheter de la dette en volumes importants. Tel est également le cas de la Banque de France, qui détient plusieurs centaines de milliards d'OAT françaises. Les derniers achats de dette sont intervenus en juin 2022, puis nous les avons interrompus, car la situation de l'inflation a radicalement changé. Nous maintenons toutefois, à la différence des États-Unis, la taille du bilan en la matière et nous rachetons donc de la dette française ou d'autres pays européens. En revanche, acheter de la dette supplémentaire semblerait contradictoire avec la priorité donnée à la lutte contre l'inflation.

Enfin, il existe déjà en France une indexation pour les salariés les plus modestes, au travers du SMIC, qui a augmenté de 8 % depuis un an. Le reste relève de la négociation sociale décentralisée, au plus près de la réalité économique. Une indexation généralisée nous ferait courir le risque d'une spirale prix – salaires et les salariés seraient à terme perdants.

J'en viens aux questions du rapporteur général. L'inflation s'avère plus persistante que prévu, mais surtout plus large, et elle a changé de nature. Une inflation avant tout importée et énergétique est devenue pour partie une inflation généralisée, ce qui semble justifier la normalisation monétaire.

Je ne pense toutefois pas que cette remontée des taux pèsera excessivement sur la croissance et le chômage. Les économistes étudient un taux neutre, ou taux normal de milieu de cycle, qui n'amplifie pas l'inflation et ne resserre pas l'activité. Ils n'en fournissent pas un niveau unique, mais la plupart des estimations en zone euro se situent en dessous ou près des 2 %. Nous n'en sommes pas là, puisque nous avons remonté les taux à 0,75 %. Jusqu'au taux neutre, la normalisation monétaire ne pèse pas sur l'activité et permet de franchir une étape indispensable et naturelle dans la lutte contre l'inflation. Quand nous aurons atteint le taux neutre, probablement au tournant de l'année, nous évaluerons les perspectives d'inflation et les perspectives de croissance.

Vous avez aussi évoqué le risque de fragmentation dans la zone euro. En juillet 2022, le Conseil des gouverneurs a adopté à l'unanimité l'instrument de protection de la transmission (TPI). Si nous constatons des écarts de taux d'intérêt injustifiés dans certains pays de la zone euro, nous pouvons reprendre une politique d'achat de dettes afin d'éviter une fragmentation. Depuis l'annonce de cet instrument en juillet 2022, nous n'en avons constaté aucun.

Les chiffres de la Banque de France montrent que le crédit se porte globalement bien en France. En juillet 2022, il croît de 6,4 %, soit plus que la moyenne de la zone euro, et le taux moyen hors frais et assurances s'établit à 1,45 %, soit nettement moins que la moyenne de la zone euro et moins que la moyenne historique des quinze dernières années (2,7 %). En dépit d'une remontée progressive, la situation demeure très favorable. Par ailleurs, 97 % des crédits immobiliers français sont à taux fixe, ce qui protège les emprunteurs existants. Tel n'est pas le cas ailleurs. Nous restons attentifs à certaines situations, mais les chiffres d'exclusion qui ont circulé sont relativement peu crédibles.

Quant à la dette des entreprises françaises, elle s'avère plus élevée que la moyenne européenne et les moyennes internationales, mais la dette consolidée des entreprises françaises, tenant compte des financements intragroupes élevés en France, se révèle moins éloignée de la moyenne européenne. Par ailleurs, la dette nette de trésorerie s'inscrit dans la moyenne internationale.

Enfin, les PGE se sont traduits par une forte augmentation de la dette des entreprises, mais aussi par une forte augmentation de la trésorerie. La dette nette n'a donc pas progressé. Selon moi, les entreprises manquent plutôt de capital que de crédit et nous devons nous interroger sur notre système de financement collectif.

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En dépit de la réévaluation du taux d'usure en juillet 2022, de nombreux professionnels nous alertent sur son niveau trop bas, qui entraîne des refus pour près d'un crédit sur deux. De nombreux dossiers sont placés en attente de la réévaluation du 1er octobre 2022. Vous contestez toute forme de tension sur le marché de l'emprunt immobilier, mais j'en ai moi-même été directement témoin la semaine dernière, à l'occasion des Journées du courtage organisées à Paris. J'y étais conviée à une table ronde sur l'assurance emprunteur, dont le coût est intégré dans le taux d'usure.

Je souscris à une augmentation mesurée du taux d'usure pour protéger l'emprunteur, mais il apparaît important de maintenir la dynamique des transactions immobilières, qui apporte aux collectivités des recettes au travers des DMTO et évite de ralentir les constructions de logements, notamment dans les zones tendues. Par conséquent pouvez-vous nous rassurer sur la situation du marché du crédit immobilier, ses perspectives à court et moyen terme, ainsi que l'évolution du taux d'usure ?

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Un trou noir semble désormais caractériser la théorie économique, et un fossé se creuse entre la capacité théorique des banques centrales à maîtriser l'inflation et la réalité. Depuis la crise japonaise, nous nous interrogeons sur les banques centrales des pays occidentaux et la capacité réelle de politiques monétaires à orienter l'inflation et à la prévoir, même sous la forme d'écarts. Quelle est notre capacité partagée à adopter les bonnes politiques, avec les bonnes prévisions ?

Nous connaissons les causes de l'inflation aux États-Unis. Le stock de dette publique que vous avez évoqué ne constitue-t-il pas une bombe à retardement pour l'inflation ?

Par ailleurs, quelle est la position de la Banque de France sur la rationalité des marchés financiers en matière de taux d'intérêt ? Par définition, un taux d'intérêt correspond à un risque, mais aucun État européen n'est amené à la défaillance depuis la nouvelle politique de la Banque centrale européenne. En l'absence de risque, comment justifier auprès des contribuables, qui les paient, des taux d'intérêt croissants ?

L'inflation est en train de ruiner les épargnants, en particulier l'épargne populaire. Comment la Banque de France peut-elle proposer des solutions pour les protéger ? Par ailleurs, les mesures promises pour limiter les frais bancaires ont-elles été réalisées afin de protéger le pouvoir d'achat des Français ? Enfin, quelle est la position de la Banque de France sur l'indexation d'une partie des OAT et bons du Trésor sur l'inflation ?

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La BCE entend ramener l'inflation à un niveau voisin de 2 % en 2024 au sein de l'Union européenne. À cette fin, elle augmente les taux directeurs de 0,75 % afin d'attirer des capitaux vers l'Europe pour renforcer la monnaie. Les importations, et notamment celles de l'énergie, deviennent donc plus chères et constituent l'une des causes majeures de l'inflation. N'oublions pas non plus l'opportunisme des multinationales, qui augmentent leurs prix pour gonfler leurs profits. Ce resserrement des taux est-il efficace contre l'inflation européenne, l'Europe étant un continent hétérogène, constitué de pays où les prix de l'énergie et les taux des crédits varient ? Ne risque-t-il pas de provoquer des dégâts sociaux et une récession ?

Cette orientation revient à faire payer à la population le prix de l'inflation. Elle représente donc une double peine pour les catégories populaires, frappées par une hausse des prix alors que les salaires n'augmentent pas, mais aussi par un renchérissement du crédit. À cette politique monétaire de la BCE s'ajoute une politique d'austérité de la part du Gouvernement, qui veut atteindre coûte que coûte les 3 % dès 2025.

D'après des résultats publiés par la BCE en juillet 2022, les risques de crédit associés aux propriétés à faible performance énergétique sont trois fois plus élevés que ceux des propriétés à haute performance énergétique. La précarité énergétique constitue un fléau, et la France compterait aujourd'hui entre huit et neuf millions de passoires énergétiques. Nous demandons que la BCE offre des taux d'intérêt plus bas aux banques, afin qu'elles proposent aux ménages des prêts à la rénovation énergétique de leur logement.

En matière de surendettement, qui relève aussi de vos missions, le nombre de dossiers semble reculer de 9 % en cumul depuis le début de l'année par rapport à 2021. Néanmoins d'autres indicateurs nous inquiètent. Ainsi, les inscriptions au fichier FICP augmentent de 18 % et les inscriptions au fichier FCC de 12 %. Comment agir sur les défauts de paiement en matière de crédits immobiliers, qui peuvent confronter le secteur bancaire à une crise de stabilité financière ? Comment prévenir le risque accru de surendettement ?

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Monsieur le gouverneur, vous avez souligné la nécessité de se mobiliser collectivement, ce qui rejoint des propos que vous aviez déjà tenus cet été : « chacun doit prendre un peu sa part de l'effort en protégeant les plus défavorisés de nos concitoyens ». Pourriez-vous préciser vos pensées ?

S'agissant du niveau de la dette en France, il suscite l'inquiétude chez un certain nombre d'entre nous car il atteint 3 000 milliards d'euros. Selon vous, ce niveau reste-t-il acceptable et compatible avec un fonctionnement effectif de l'économie ? La charge de la dette a-t-elle dépassé un niveau insupportable ?

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Dem). L'élection d'une coalition eurosceptique en Italie suscite-t-elle des inquiétudes quant à la stabilité de la zone euro ? Pensez-vous que la zone euro est mieux armée qu'en 2010 ? Pouvons-nous, même en l'absence d'une faculté budgétaire commune permanente, éviter une crise des dettes souveraines ?

Par ailleurs, plusieurs instituts, dont l'OCDE, prévoient pour 2023 une récession en Allemagne et une croissance nulle pour le reste de la zone euro, avec une meilleure performance pour la France. Quels en sont les effets sur vos anticipations d'inflation ?

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La stratégie actuelle de l'Eurosystème, consistant à augmenter les taux, ne permettra en rien de réduire la pression inflationniste importée sous l'effet des prix de l'énergie. En revanche, elle pénalise les investissements, notamment ceux dont nous avons cruellement besoin en matière de rénovation énergétique des bâtiments. Comment la Banque de France peut-elle éviter ces répercussions contre-productives ?

La Banque de France est très ancrée dans les territoires et connaît la situation des entreprises et particuliers en difficulté. Vous voyez bien que l'économie se trouve en situation de zombification. Le directeur général de l'Urssaf déclarait récemment que la dette Covid des entreprises à l'égard de l'Urssaf s'élevait à 18 milliards d'euros. Par ailleurs, le nombre de défaillances a déjà augmenté de 69 % au mois de juillet et ces chiffres restent éloignés des niveaux prépandémiques car l'économie se trouve toujours en situation de glaciation. Comment intégrez-vous dans vos prévisions les séquelles du Covid, qui ont été figées jusqu'ici donc invisibles dans les données ? Elles pourraient se réveiller et amener à relativiser la résilience évoquée à la fois par vos études et par le Gouvernement.

Enfin, la dette française comporte 11 % d'actifs particulièrement risqués, à savoir les OATi, des obligations indexées sur l'inflation. À titre de comparaison, la dette de l'Allemagne n'est indexée qu'à hauteur de 4 % sur l'inflation. Ce risque nous a conduits, en loi de finances rectificative, à décaisser 11 milliards d'euros supplémentaires — et probablement 15 milliards d'euros sur l'ensemble de l'année. Cela accroît considérablement la charge de la dette, bien plus que la hausse des taux.

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Après une crise sanitaire mondiale, notre pays affronte une crise énergétique inflationniste accentuée par le conflit en Ukraine. Les projections macroéconomiques de la Banque de France restent toutefois optimistes.

Les entreprises ont bien résisté à la crise Covid, notamment grâce aux aides de l'État et aux PGE. Quelle dynamique observe la Banque de France en matière de défaillances d'entreprises dans le cadre de son suivi hebdomadaire ? Craignez-vous des défaillances ? Dans quelles proportions ? Le remboursement des PGE représente-t-il une difficulté supplémentaire ? Je pense plus particulièrement aux PME.

Par ailleurs, le président de la Fed américaine a récemment assumé avoir besoin de faire augmenter le chômage afin de lutter contre l'inflation. Dans la mesure où la BCE a elle aussi augmenté ses taux directeurs, estimez-vous que nous nous trouvons dans une situation similaire ? Partagez-vous cette analyse ou, au contraire, pensez-vous que l'État a les moyens de lutter contre l'inflation tout en continuant à protéger les entreprises et les Français ?

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L'augmentation des prix de l'énergie impacte durement les ménages et pourrait conduire les plus fragiles d'entre eux à des difficultés dans le remboursement de leur crédit immobilier, voire à des risques de défaut. Dans quelle mesure cette exposition au risque, en lien avec la facture énergétique des ménages et donc la performance énergétique de leur logement, est-elle prise en compte dans les stress tests auxquels sont soumises les banques françaises ? D'après un collectif, seules 35 % des banques auraient pu utiliser des diagnostics de performance énergétique sur les logements des ménages lors de leur participation aux tests de résistance climatique.

Pour accélérer la rénovation thermique des bâtiments, il faut favoriser l'accès à des prêts bancaires attractifs. Dans quelle mesure la Banque de France ou la BCE contribuent-elles à trouver des solutions de financement pour ces projets, à la fois pour les ménages, pour les collectivités et pour les entreprises ?

Enfin, les sociétés de gestion de portefeuilles sont déjà soumises à des obligations d'information en matière de risques associés au changement climatique. Une réflexion est-elle engagée pour évaluer l'empreinte carbone des portefeuilles gérés à l'échelle d'un ménage ? Les outils et méthodologies nécessaires pour établir un score carbone des placements existent-ils ou sont-ils en voie de développement ?

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Aujourd'hui, un dossier immobilier sur cinq est refusé pour cause de dépassement du taux d'usure. Pouvez-vous nous préciser le niveau du taux à compter du 1er octobre 2022 ? De quelles solutions disposerez-vous si les difficultés à emprunter perdurent malgré cet ajustement ?

Par ailleurs, la charge de la dette représente environ 50 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent 17 milliards d'euros. Comment en assurer la soutenabilité dans un contexte de hausse des taux ? Quelles sont vos préconisations en matière de politique budgétaire ?

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Villeroy de Galhau. Je ne souhaite pas consacrer trop de temps au taux de 40 % à 45 % de refus qui a circulé. D'autres que moi ont indiqué qu'il ne figurait pas dans les enquêtes des courtiers. Pour autant, nous sommes vigilants.

Le rôle de la Banque de France sur ce sujet important consiste d'abord à écouter tous les acteurs. Nous avons donc rencontré les courtiers et les banques et nous sommes à l'écoute des associations d'emprunteurs — qui n'ont d'ailleurs pas évoqué ce sujet.

Nous devons par ailleurs viser l'intérêt général. Le délicat équilibre sur cette question consiste à éviter l'augmentation accélérée du taux d'emprunt pour une majorité d'emprunteurs, tout en évitant des situations d'exclusion, notamment pour des emprunteurs plus âgés davantage touchés par l'assurance des emprunteurs.

Enfin, nous devons appliquer la loi, qui s'avère extrêmement simple et claire en la matière : le taux de l'usure est fixé chaque trimestre, donc le sera à nouveau le 1er octobre 2022, et représente les quatre tiers de la moyenne des taux observés sur le marché au cours du trimestre précédent. Nous jouons donc dans ce domaine un rôle statistique.

La loi prévoit la possibilité de déroger à cette règle dans des circonstances exceptionnelles, mais elle n'a jamais été utilisée. Nous n'estimons pas avoir de raison pour y recourir et relever de manière accélérée le taux de l'usure, ce qui reviendrait à renchérir encore le coût du crédit pour tous les Français. Selon nous, l'application de la loi dans ses dispositions normales permet de résoudre les situations observées. Compte tenu des données collectées auprès des banques, le taux de l'usure se trouvera relevé de manière significative mais bien proportionnée au 1er octobre 2022, en application des seules dispositions de la loi et en accord avec le ministre de l'Économie et des Finances. Ce dispositif de droit commun continuera ensuite à s'appliquer chaque trimestre. Quand il permet de résoudre les situations, il est préférable selon moi de s'y tenir. Il s'agit du bon point d'équilibre pour l'intérêt général, et il contribuera au bon fonctionnement du crédit immobilier en France.

J'espère avoir répondu de la façon la plus claire, équilibrée et respectueuse de la loi républicaine aux préoccupations exprimées par plusieurs parlementaires sur ce sujet important. Encore une fois, nous écoutons tout le monde, et le crédit immobilier fonctionne plutôt mieux en France qu'ailleurs.

M. Tanguy nous a légitimement appelés à la modestie, mais vous me permettrez de ne pas vous rejoindre sur l'existence d'un trou noir des banques centrales depuis la crise japonaise. Les banques centrales se sont montrées efficaces dans la réponse à la grande crise financière de 2009-2011, mais aussi pour éviter la déflation au moment du Covid. Les banques centrales constituent selon moi des atouts pour gagner la bataille contre l'inflation.

Nous pourrions organiser, en dehors d'une audition officielle, une rencontre de travail sur la politique monétaire, comme lors de la précédente législature. Des chiffrages ont porté sur les effets de la politique monétaire accommodante, afin d'atteindre à l'époque davantage d'inflation et de croissance.

Vous avez demandé pourquoi les taux d'intérêt ne s'alignaient pas partout si la Banque centrale européenne fait disparaître le risque dans les différents pays. Je rappelle qu'elle n'a pas pour objectif de faire disparaître les risques individuels des différents emprunteurs publics, mais d'atteindre le juste niveau d'inflation. Tel était le but des achats de dette publique. Nous ne pouvons du reste pas acheter de titres sur le marché primaire. Des investisseurs doivent toujours prendre ce risque, et il demeure fort heureusement des différences de taux d'intérêt au sein de la zone euro.

S'agissant de la protection de l'épargne contre l'inflation, le taux du livret A a significativement augmenté, passant de 0,5 % à 2 % en 2022, et un autre relèvement interviendra début 2023. Le cœur de la réponse dans ce domaine réside toutefois dans le livret d'épargne populaire (LEP). Son taux, qui dépasse actuellement les 4 %, augmentera sans doute également début 2023. Il est par ailleurs indexé sur l'inflation des six mois précédents, donc protégé. Comme vous, je ne peux que regretter que ce produit ne soit pas assez connu des Français, puisque nous ne comptabilisons que 7 millions de LEP ouverts pour 15 millions de Français éligibles. Une campagne me semblerait importante afin de le développer.

La baisse des frais bancaires s'avère significative pour les Français en situation de fragilité, avec le développement de l'offre spécifique plafonnée à 20 euros par mois tous frais compris et un plafonnement hors offre spécifique pour tous les clients fragiles. Il me semble que les frais bancaires ont reculé de 18 % à 20 %. La Banque de France, au travers de son Observatoire de l'inclusion bancaire, a donc modestement contribué à améliorer la situation de plusieurs centaines de milliers de Français.

M. Brun a évoqué les OATi, mais je ne suis pas un spécialiste des émissions de dette, dont la Banque de France n'a pas la charge. Il semble évident que les OATi coûtent plus cher en situation de dette élevée, mais il convient de les observer sur toute la durée d'un cycle.

M. Sala m'a interrogé sur les causes de l'inflation et M. Brun a exprimé une forme de reproche sur l'inefficacité de notre action. Une partie de l'inflation découle du choc sur l'énergie et les matières premières, mais les prix du pétrole se stabilisent d'ores et déjà. En économie, les arbres ne montent jamais jusqu'au ciel, aussi les prix de l'énergie sont-ils appelés à se stabiliser. Le problème central réside dans la diffusion de l'inflation, initialement énergétique, à l'ensemble de l'économie. Ainsi, les services connaissent une inflation de plus de 4 % alors même qu'ils consomment assez peu d'énergie et de matières premières. Cette généralisation de l'inflation justifie l'intervention de la politique monétaire.

Par ailleurs, la politique monétaire nécessite toujours entre 18 et 24 mois pour devenir efficace. L'effet du relèvement des taux en juillet 2022 n'est donc pas immédiat, mais garanti. En effet, un relèvement des taux et une politique monétaire sont toujours et partout efficaces face à une inflation généralisée. Ils doivent toutefois rester proportionnés. Nous ne voulons pas faire payer aux ménages le prix de l'inflation, mais juste soigner une maladie qui pénalise toute l'économie française. Si nous laissons s'installer une inflation à deux chiffres, comme à la fin des années 1970, nous y perdrons tous, à commencer par les ménages les plus modestes. Notre objectif rejoint ici le vôtre, à savoir la justice sociale.

Je partage votre point d'attention sur la nécessité de préserver le financement des crédits immobiliers et des travaux de rénovation énergétique. Nous n'avons pas d'indication que la bonne santé actuelle du crédit immobilier dissimule un sacrifice sur les prêts de rénovation. Tous les dispositifs budgétaires se poursuivent dans ce domaine.

Je remercie M. Sala de l'attention qu'il porte à notre Baromètre de l'inclusion financière. La Banque de France est très attachée à ses missions sociales, dans chaque département. Depuis 2021, nous publions chaque mois des indicateurs sur notre action auprès des Français défavorisés (surendettements, fichiers, droits aux comptes). Cette année, les dossiers de surendettement reculent de 9 % par rapport à l'année dernière et de 23 % par rapport à 2019 (année de référence pré-Covid). Nous n'abaissons pas notre vigilance pour autant. Les inscriptions aux fichiers nous semblent moins significatives, mais nous continuons à les observer.

Mme Louwagie a abordé la répartition de l'effort collectif, mais je préfère rester sur l'ordre économique qui me concerne. Les choix démocratiques relèvent de vous. Dans ma lettre annuelle, j'ai seulement rappelé que nous devions collectivement faire face à un prélèvement sur l'économie française, en raison d'une facture extérieure alourdie de 2 % à 3 % du PIB. Il semble difficile d'imaginer que la puissance publique assumera l'intégralité de cette facture cette fois, d'où mes propos sur une répartition collective de l'effort. Les entreprises constateront un effritement des marges, mais à partir d'une situation très favorable en 2021. Quant aux ménages, ils vivront un léger recul de leur pouvoir d'achat, de 0,5 % en moyenne. Je sais que nos concitoyens ne se retrouvent pas dans ces chiffres moyens, notamment ceux placés dans des situations plus défavorables. Si nous devons selon moi faire face au choc de manière collective, nous devons le faire avec équité, en portant une attention particulière à nos concitoyens les plus défavorisés.

Vous demandez si le niveau de la dette semble acceptable. Plus que par son niveau, je suis pour ma part préoccupé par sa tendance. Sur le long terme, nous n'avons jamais su faire reculer le poids de la dette par rapport au PIB. Il a augmenté dans les périodes conjoncturellement défavorables, et s'est stabilisé dans les périodes favorables. Disons-le franchement : quand on dit que l'État prend en charge un effort, au travers de la dette, il s'agit d'une abstraction. En réalité, le partage de l'effort pèse sur les générations futures, auxquelles nous transmettons la facture. Je n'identifie pas une limite absolue au niveau de dette, mais nous devons inverser la tendance. J'avais donc émis l'idée de revenir, d'ici dix ans, au niveau de dette rapporté au PIB que nous observions avant le Covid. Cette question difficile relève éminemment du choix politique, et je reste dans le rôle de conseil indépendant de la Banque de France en portant une alerte, au nom de la durabilité de notre société et de sa solidarité intergénérationnelle.

S'agissant des élections italiennes, je n'émettrai aucun commentaire sur une coalition dans un autre pays. Je note seulement que ses leaders ont indiqué vouloir rester en Europe et appliquer les règles du jeu européen. Nous verrons ce qu'il en sera dans les actes.

Dès qu'un événement survient en Europe, de nombreux commentateurs extérieurs arguent de la fragilité de la zone euro et prédisent qu'elle ne résistera pas. Or nous avons traversé de nombreuses difficultés depuis plus de vingt ans, et l'attachement des Européens à l'euro s'est plutôt renforcé à chaque fois. Il atteint aujourd'hui un niveau record de 80 % pour les citoyens de la zone euro, et de 74 % pour les Français.

Vous avez souhaité savoir si une croissance nulle pourrait affecter la politique monétaire. La situation restera assez naturelle jusqu'à l'atteinte d'un taux neutre, puis il conviendra d'étudier la situation de l'inflation et de la croissance.

Comme vous, je rencontre de nombreux chefs d'entreprise car la Banque de France est très présente sur le terrain. Je réaffirme d'ailleurs ici notre attachement irréfragable à cette présence dans chaque département au travers de nos succursales. Nous les conserverons durablement, pour garantir une présence auprès des ménages surendettés ou des entreprises. Je ne sais pas si les nouveaux parlementaires sont déjà entrés en contact avec le directeur de succursale de leur département, mais il se trouve à leur disposition.

M. Brun a évoqué une zombification de l'économie. Pour ma part, je n'ai pas l'impression de me trouver face à des zombis quand je rencontre des chefs d'entreprise. Certains connaissent sans doute des difficultés, mais les entreprises se montrent plutôt fortes. Il y a un an, tout le monde redoutait des catastrophes économiques au terme des aides liées au « quoi qu'il en coûte », et elles n'ont pas eu lieu. Les difficultés économiques actuelles tiennent à l'invasion de l'Ukraine, et non à l'arrêt des dispositifs Covid.

M. Plassard a qualifié les prévisions de la Banque de France d'optimistes, mais je me méfie de ce mot. Nous tâchons de nous montrer lucides et indépendants. Du reste, certains commentaires de presse ne nous ont pas jugés particulièrement optimistes quand nous avons indiqué ne pas exclure une récession.

S'agissant des PGE, nous estimons régulièrement leurs pertes. Lors de la première estimation en janvier 2021, à la demande de l'Assemblée, le taux de perte était estimé à 5,2 %. En janvier 2022, la situation économique semblait nettement plus optimiste, avec la très forte reprise post-Covid. Le taux de perte estimé redescendait donc à 3,1 %. Cet été, nous l'avons recalculé en intégrant la crise ukrainienne, portant ce taux à 4,6 %. Il croît donc par rapport à janvier, mais reste inférieur à l'estimation initiale, et nous n'anticipons pas d'évolution forte.

La très grande majorité des entreprises se trouvent en situation de rembourser leur PGE, ce qui constitue une bonne nouvelle. En effet, un PGE non remboursé crée une dette publique supplémentaire, car sa charge passe de l'entreprise à l'ensemble des contribuables. Certaines situations individuelles peuvent évidemment s'avérer plus difficiles, et la Médiation du crédit se trouve alors à disposition. Elle n'a toutefois reçu que quelques centaines de dossiers depuis le début de l'année, à comparer aux 700 000 PGE accordés.

Je ne commenterai pas les propos du président de la Fed sur l'augmentation nécessaire du chômage. Je pense qu'ils étaient plus nuancés que cette phrase isolée. Par ailleurs, la nature de l'inflation diffère aux États-Unis, où la composante hors énergie s'avère plus élevée. Nous allons dans la même direction, mais pas nécessairement au même rythme et au même niveau.

Je note le point d'attention de Mme Sas concernant la transition énergétique. Parmi les solutions de financement pour les ménages figurent des prêts verts, mais aussi des solutions budgétaires telles que MaPrimeRénov'. Reste à déterminer si d'autres apparaissent nécessaires.

Je prends note de votre question sur l'empreinte carbone des ménages, et je compléterai ma réponse ultérieurement. Nous mesurons précisément l'empreinte carbone de la Banque de France et nous avons rendu tous nos portefeuilles d'investissement compatibles avec l'objectif de 2 °C. Nous atteindrons même un objectif de 1,5 % au plus tard à la fin de l'année prochaine.

Enfin, je ne dispose pas d'expertise particulière sur le chiffre de 50 milliards d'euros avancé par M. Castellani. Je vous renvoie à mon commentaire sur les OATi.

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Le relèvement du taux d'usure est très attendu par les professionnels. Pensez-vous qu'il soit en phase avec leurs attentes ? Combien de dossiers pourraient se trouver débloqués de ce fait ? Quelles en seront les conséquences pour les 3 % de prêts à taux variable ?

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Le Gouvernement évalue à 1 % la croissance pour 2023. La divergence avec l'évaluation de la Banque de France porte principalement sur l'évolution des tarifs réglementés de vente du gaz et de l'électricité. Vous avez établi plusieurs scénarios, dont l'un où ces prix restent limités, et il s'avère convergent avec celui du Gouvernement. Pourriez-vous nous expliciter cette divergence et cette convergence ?

Le Gouvernement a choisi de maintenir à 1,35 % la croissance potentielle pour la prochaine période de la loi de programmation. Quel regard portez-vous sur cette prévision ? Pensez-vous que les crises n'ont eu aucun impact sur nos capacités de production et notre offre de services ? Rejoignez-vous le Gouvernement pour dire que les facteurs globaux de production ont diminué mais que l'offre de travail a augmenté ?

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La prédominance des crédits immobiliers à taux fixe constitue selon vous une spécificité française, et sans doute un atout, mais l'autorité bancaire européenne et le Comité de Bâle ne sont pas très friands de ce type de crédit, qui fait porter le risque sur le bilan des banques. Pourrons-nous préserver cet atout dans les prochaines années ?

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Monsieur le gouverneur, êtes-vous favorable à ce que les primes d'assurance ne soient pas prises en compte dans le calcul du taux de l'usure ? Par ailleurs, comment envisagez-vous l'évolution des taux des OAT à dix ans en 2023 ? Le surcoût de 18 milliards d'euros estimé par le Gouvernement pour 2023 vous semble-t-il suffisant ?

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Vous nous indiquez que l'économie ralentira à partir de l'hiver et que l'inflation atteindra un pic début 2023. Par ailleurs, en un an, les taux à 10 ans sont passés de 0 % à 2,5 %, soit une évolution considérable. La Banque de France comme la Banque centrale européenne cesseront progressivement de racheter de la dette. Sachant que chaque point de dette supplémentaire représente 2 milliards d'euros en plus, cela représente un coût annuel de 40 milliards d'euros de plus sur dix ans. Dans ce contexte et avec cette stratégique, comment la Banque de France anticipe-t-elle l'évolution de la charge de la dette, sa soutenabilité et ses conséquences sur l'économie ?

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La hausse des taux d'intérêt découlait d'une volonté de limiter l'inflation jusqu'à l'atteinte d'un taux neutre, et n'a pas encore d'effet sur la volonté de nos compatriotes d'investir dans l'immobilier. Cependant, les banques allongent de plus en plus leurs délais de réponse, laissant planer une certaine inquiétude pour l'avenir et posant quelques problèmes aux notaires, car les dossiers s'accumulent.

Hier, Bruno Le Maire a rappelé que la Banque de France calculait le taux de croissance et le taux d'inflation à partir de l'indice des prix harmonisés à l'échelle de l'Europe, tandis que les taux retenus pour le PLF le sont à partir de l'IPC de l'INSEE. Dans la mesure où la crise actuelle est en partie liée à des problématiques européennes, lequel de ces indices rend-il selon vous le mieux compte de la réalité ?

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La BCE envisage de mettre en place l'euro numérique en 2026, et il suscite beaucoup d'inquiétudes en raison des risques de traçage, de collecte des données personnelles, de contrôle social. Où en est techniquement ce projet ? Qu'apportera-t-il ? Quelles garanties portent sur la protection des libertés et sur le caractère non obligatoire de ce dispositif ? La BCE ne risque-t-elle pas d'indiquer, à terme, que l'euro numérique n'a de sens que généralisé ? Ne nous engageons-nous pas dans un engrenage qui entraînerait la disparition de la monnaie fiduciaire à court terme ?

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Dem). Je suis un peu moins optimiste que vous, monsieur le gouverneur, quant à l'évolution des entreprises, notamment des petites, compte tenu de la flambée des coûts de l'énergie conjuguée au remboursement des PGE. La situation risque de se tendre, et je m'interroge sur ses effets domino, en particulier sur la cotation Banque de France des entreprises et sur l'assurance export. Je reçois en effet quelques alertes sur ces sujets.

Par ailleurs, vous avez évoqué la faiblesse des capitaux dans les entreprises françaises. Que pensez-vous de la consolidation des PGE en fonds propres ?

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Ce matin, nous nous trouvions à la Maison de la Chimie avec les industries de la rénovation, et elles nous ont alertés. Actuellement, la hausse des prix des matières premières et de l'énergie fait chuter les investissements dans la rénovation de 83 %. Comment la Banque de France assurera-t-elle que les hausses de taux d'intérêt et l'inflation ne se répercutent pas de façon disproportionnée sur le coût des investissements dans l'efficacité énergétique des bâtiments ? Quelles mesures de politique monétaire la Banque de France envisage-t-elle afin d'améliorer l'accessibilité et l'attractivité des prêts bancaires dédiés à la rénovation thermique ? Est-il possible de traiter ce sujet de manière spécifique ?

De manière plus générale, nous avons entendu les grandes annonces de la Banque centrale européenne cet été sur la réorientation du quantitative easing vers les entreprises performantes en matière environnementale, avec de premières mesures en octobre 2022. Disposez-vous d'informations à ce sujet ?

Enfin, la BCE et la Banque de France envisagent-elles d'assouplir les règles monétaires actuelles pour permettre des prêts directs aux États en faveur de la transition écologique dans les prochaines années ?

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Les taux d'intérêt sont passés de 2,50 % il y a quelques jours à 2,71 % aujourd'hui. Quels en sont les conséquences et les coûts pour le budget 2023, mais aussi à l'horizon 2027 ? À quel niveau de taux l'impact deviendra-t-il beaucoup trop lourd pour nos finances publiques ?

Par ailleurs, disposez-vous de la répartition géographique mondiale et de la répartition par type de prêteur (institutionnel ou fonds de pension) de notre dette ?

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Cet été, la collecte du livret A et du LDD a atteint des montants records depuis 2009. Une telle hausse de l'épargne des ménages ne constitue-t-elle pas une contradiction, en période d'inflation ? Quelles conclusions en tirez-vous sur la capacité d'absorption de l'inflation par l'économie française et les ménages ? Le même phénomène s'observe-t-il ailleurs dans la zone euro ?

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. J'appuie la question de M. Mattei sur les PGE. Des informations de la CGPME me font craindre que la remontée des dossiers vers la Banque de France ne lui permette pas de cerner toute l'étendue des problèmes. Certaines entreprises ferment même avant que leur dossier ne vous arrive. La question de l'étalement se pose donc.

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Villeroy de Galhau. S'agissant du taux de l'usure, le rôle de la Banque de France se situe dans l'intérêt général, et elle est à l'écoute de tous, en pondérant tous les points de vue. La mécanique actuelle concernant le taux de l'usure, revu trimestriellement, correspond à la loi, à l'intérêt général et au bon équilibre économique et social. Un relèvement exceptionnel et accéléré du taux de l'usure impacterait sans doute des sans-voix, à savoir tous les emprunteurs qui ne rencontraient pas de problème.

Je prends votre question sur les emprunts à taux variable et je réserve ma réponse. Il convient de voir si un plafond de taux a été fixé, de manière protectrice.

M. Lefèvre a comparé notre scénario de croissance à celui du Gouvernement. L'impact du bouclier tarifaire semble difficile à apprécier, et nous avons pour notre part émis une hypothèse un peu différente car nous ignorions alors celles du PLF. Nous n'avons pas procédé à de nouveaux calculs depuis, car l'incertitude demeure forte pour 2023. Je vous renvoie au débat que vous aurez.

La croissance potentielle constitue un concept utile, mais difficile à apprécier. Elle représente plutôt une zone qu'un chiffre précis, et peut s'assimiler à la vitesse de croisière de l'économie française, quand elle ne se trouve ni en haut ni en bas de cycle. Je n'ai pas de raison de m'éloigner du 1,35 % évoqué, mais je resterai prudent sur l'appréciation de ce chiffre. Les effets du Covid me semblent désormais limités sur l'appareil productif, et nous n'avons jamais eu autant de Français au travail. Cela constitue une bonne nouvelle, même si 57 % des entreprises connaissent des difficultés de recrutement. Nous pouvons espérer proposer des emplois, et de meilleure qualité, en menant la bataille de la formation et de l'apprentissage. Nous pouvons aussi espérer que la révolution numérique finisse par accroître la productivité.

Je rejoins totalement M. Margueritte concernant le prêt à taux fixe, qui constitue un patrimoine français et un élément essentiel de sécurité. Je n'ai aucune raison de le penser menacé, mais nous le défendrons corps et âme. Il revient à faire porter le risque de taux par les banques, et non par les emprunteurs, mais les banques françaises me semblent suffisamment solides, et nous l'expliquons aux différentes autorités. Parallèlement, le système de cautionnement fonctionne bien, et nous constatons très peu de défaillances dans les crédits immobiliers français.

L'idée de sortir la prime d'assurance des calculs relatifs au taux de l'usure circule parfois, mais cette décision relève du législateur et non de moi. Je comprends que la prime d'assurance varie selon l'âge, aussi le taux de l'usure pèse davantage sur les emprunteurs les plus âgés. Cependant, la retirer du calcul ne sera pas sans effet sur les primes d'assurance.

Nous n'avons pas regardé la charge de la dette associée aux OAT. Le chiffre avancé ne provient pas de la Banque de France et nous ne l'avons pas contre expertisé.

Les taux à court terme fixés par la Banque centrale remontent très progressivement, s'établissant à 0,75 %, mais les taux à dix ans fixés par les marchés remontent très rapidement, puisqu'ils sont passés de 0 % à 2,5 %, après avoir sensiblement diminué cet été. En effet, les marchés anticipent ce qu'il adviendra d'ici dix ans. Si l'inflation revient à 2 %, un taux de 2,5 % se justifie sans doute. Nous n'avons pas calculé la charge de la dette associée à ce taux précis, mais nous devrons sans doute actualiser nos projections. Selon nos hypothèses actuelles, la dette se stabiliserait jusqu'en 2024 au mieux. Cela appelle une grande vigilance budgétaire.

Nous devons également rester attentifs aux délais de réponse pour les crédits immobiliers et aux blocages chez les notaires, mais je ne reçois pas d'alerte particulière dans ce domaine. L'évolution du taux de l'usure devrait contribuer à régler certaines situations.

Il existe des associations de consommateurs, associations familiales et associations d'emprunteurs, et nous les réunissons au sein de l'Observatoire de l'inclusion bancaire. Il me paraîtrait important qu'elles étudient le sujet et nous signalent tout problème du côté des emprunteurs.

Quel est le meilleur indice entre l'IPCH et l'IPC ? Je l'ignore, et je suggère que le directeur de l'INSEE les compare. Je sais que la santé pèse davantage dans l'IPC, alors que l'énergie pèse davantage dans l'IPCH. Ce dernier repose sur des définitions harmonisées, mais je ne saurais l'estimer meilleur pour autant.

Je peux vous rassurer concernant l'euro numérique. S'il se met en place, personne ne sera obligé de posséder un portefeuille numérique et tous ceux qui le souhaiteront pourront conserver leurs espèces ou utiliser les deux. L'euro numérique vise à offrir une option supplémentaire pour ceux qui souhaitent disposer d'un actif de paiement numérique, et il serait regrettable qu'ils n'en disposent qu'en bitcoins ou cryptoactifs. La sécurité d'un actif digital public constituerait un progrès. La Banque de France et la Banque centrale européenne n'auront pas à connaître les détails des transactions et la protection de la vie privée restera vitale. Du reste, la Banque de France a cessé de tenir des comptes privés en 2004 et ne souhaite pas en rouvrir. Le dispositif passerait probablement par le système bancaire, avec une protection des données.

M. Mattei a réutilisé le qualificatif d'optimiste, aussi je répète que tel n'est pas notre objectif. Nous restons attentifs à la cotation des entreprises, mais cette année, nous devrions observer davantage de hausses que de baisses de cote. En effet, les bilans 2021 apparaissent très satisfaisants et les entretiens que nous avons menés avec les chefs d'entreprise ne nous conduisent pas à des baisses de cote. Je ne prévois donc pas de difficulté accrue dans l'accès aux financements.

La consolidation des PGE en fonds propres est techniquement possible, mais avec un effet très important sur la dette publique, à raison de plusieurs points de PIB. Par ailleurs, la puissance publique devient-elle actionnaire des entreprises considérées ? Je crois profondément au service public, mais j'ignore si tel est son rôle.

Je vous rejoins en revanche sur la nécessité de trouver des mécanismes pour développer les fonds propres. L'Union des marchés de capitaux vise, au niveau européen, à soigner cette maladie. En comparaison des États-Unis, l'Europe manque en effet de fonds propres en entreprise, ce qui explique selon moi en partie notre retard d'innovation. Nous pouvons agir au travers de financements de droit commun.

Je n'ai pas de raison de penser que la remontée des taux freinera l'investissement dans la rénovation. Quand les taux étaient bas, un certain nombre d'entre vous et certaines professions dénonçaient leurs défauts, mais ils remontent aujourd'hui et il semble que leur niveau soit devenu décisif dans les investissements. Je relève donc une légère asymétrie dans le raisonnement des professionnels. Selon moi, les perspectives de demande et de commande déterminent beaucoup plus les décisions d'investissement que les conditions de financement. Pour autant, je prends ce point.

À partir d'octobre 2022, nous rachèterons des obligations d'entreprise afin de maintenir notre portefeuille, mais ce sera en fonction de leur performance énergétique. Un autre chantier porte sur le collatéral, soit les titres pris en garantie.

Mme Dalloz, nous n'avons pas établi de projection pour 2027, mais nous devons actualiser nos projections de dette pour 2024. Je vous apporterai une réponse par écrit sur la répartition de nos prêteurs. Un peu moins de la moitié sont non-résidents, dont des Européens, ce qui paraît positif car un grand nombre de prêteurs contribue à des taux plus faibles. À ma connaissance, leur répartition a peu évolué ces dernières années.

Enfin, la collecte du livret A durant l'été constitue une bonne nouvelle. Il ne représente toutefois qu'une partie de l'épargne des Français, qui recouvre aussi des assurances vie, des dépôts bancaires et des placements en action. Dans une telle situation, soit les ménages puisent dans leur épargne pour maintenir leur consommation, soit ils accroissent leur épargne face aux incertitudes. Il est possible que ces deux effets se compensent actuellement. Le taux d'épargne ne connaît en tout cas pas d'évolution significative et nous n'en prévoyons pas.

Au-delà des mesures budgétaires et monétaires, et de tous les sujets que nous avons évoqués, ne perdons pas de vue notre cap de long terme : la nécessité de muscler la capacité de production française, d'améliorer sa quantité et sa qualité. Je crois aux trois transformations, numérique, écologique et du travail, même si les choix en la matière ne relèvent pas de la Banque de France. Ces transformations peuvent permettre à la fois de réduire l'inflation, d'augmenter la croissance et d'améliorer sa qualité.

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. Je vous remercie, monsieur le gouverneur.

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mardi 27 septembre 2022 à 17 heures 15

Présents. - M. Franck Allisio, Mme Christine Arrighi, M. Mickaël Bouloux, M. Philippe Brun, M. Michel Castellani, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Dominique Da Silva, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jocelyn Dessigny, M. Fabien Di Filippo, M. Benjamin Dirx, Mme Alma Dufour, M. Luc Geismar, Mme Perrine Goulet, M. Daniel Grenon, M. Victor Habert-Dassault, M. Michel Lauzzana, Mme Charlotte Leduc, M. Mathieu Lefèvre, Mme Patricia Lemoine, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, M. Louis Margueritte, M. Denis Masséglia, M. Jean-Paul Mattei, M. Damien Maudet, M. Kévin Mauvieux, M. Christophe Plassard, M. Robin Reda, M. Sébastien Rome, M. Alexandre Sabatou, M. Michel Sala, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Jean-Marc Tellier

Excusés. - M. Karim Ben Cheikh, M. Christian Baptiste, Mme Karine Lebon, Mme Christine Pires Beaune

Assistait également à la réunion. - M. Dino Cinieri