Intervention de Thibaut François

Réunion du mardi 27 septembre 2022 à 17h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThibaut François :

Villeroy de Galhau. S'agissant du taux de l'usure, le rôle de la Banque de France se situe dans l'intérêt général, et elle est à l'écoute de tous, en pondérant tous les points de vue. La mécanique actuelle concernant le taux de l'usure, revu trimestriellement, correspond à la loi, à l'intérêt général et au bon équilibre économique et social. Un relèvement exceptionnel et accéléré du taux de l'usure impacterait sans doute des sans-voix, à savoir tous les emprunteurs qui ne rencontraient pas de problème.

Je prends votre question sur les emprunts à taux variable et je réserve ma réponse. Il convient de voir si un plafond de taux a été fixé, de manière protectrice.

M. Lefèvre a comparé notre scénario de croissance à celui du Gouvernement. L'impact du bouclier tarifaire semble difficile à apprécier, et nous avons pour notre part émis une hypothèse un peu différente car nous ignorions alors celles du PLF. Nous n'avons pas procédé à de nouveaux calculs depuis, car l'incertitude demeure forte pour 2023. Je vous renvoie au débat que vous aurez.

La croissance potentielle constitue un concept utile, mais difficile à apprécier. Elle représente plutôt une zone qu'un chiffre précis, et peut s'assimiler à la vitesse de croisière de l'économie française, quand elle ne se trouve ni en haut ni en bas de cycle. Je n'ai pas de raison de m'éloigner du 1,35 % évoqué, mais je resterai prudent sur l'appréciation de ce chiffre. Les effets du Covid me semblent désormais limités sur l'appareil productif, et nous n'avons jamais eu autant de Français au travail. Cela constitue une bonne nouvelle, même si 57 % des entreprises connaissent des difficultés de recrutement. Nous pouvons espérer proposer des emplois, et de meilleure qualité, en menant la bataille de la formation et de l'apprentissage. Nous pouvons aussi espérer que la révolution numérique finisse par accroître la productivité.

Je rejoins totalement M. Margueritte concernant le prêt à taux fixe, qui constitue un patrimoine français et un élément essentiel de sécurité. Je n'ai aucune raison de le penser menacé, mais nous le défendrons corps et âme. Il revient à faire porter le risque de taux par les banques, et non par les emprunteurs, mais les banques françaises me semblent suffisamment solides, et nous l'expliquons aux différentes autorités. Parallèlement, le système de cautionnement fonctionne bien, et nous constatons très peu de défaillances dans les crédits immobiliers français.

L'idée de sortir la prime d'assurance des calculs relatifs au taux de l'usure circule parfois, mais cette décision relève du législateur et non de moi. Je comprends que la prime d'assurance varie selon l'âge, aussi le taux de l'usure pèse davantage sur les emprunteurs les plus âgés. Cependant, la retirer du calcul ne sera pas sans effet sur les primes d'assurance.

Nous n'avons pas regardé la charge de la dette associée aux OAT. Le chiffre avancé ne provient pas de la Banque de France et nous ne l'avons pas contre expertisé.

Les taux à court terme fixés par la Banque centrale remontent très progressivement, s'établissant à 0,75 %, mais les taux à dix ans fixés par les marchés remontent très rapidement, puisqu'ils sont passés de 0 % à 2,5 %, après avoir sensiblement diminué cet été. En effet, les marchés anticipent ce qu'il adviendra d'ici dix ans. Si l'inflation revient à 2 %, un taux de 2,5 % se justifie sans doute. Nous n'avons pas calculé la charge de la dette associée à ce taux précis, mais nous devrons sans doute actualiser nos projections. Selon nos hypothèses actuelles, la dette se stabiliserait jusqu'en 2024 au mieux. Cela appelle une grande vigilance budgétaire.

Nous devons également rester attentifs aux délais de réponse pour les crédits immobiliers et aux blocages chez les notaires, mais je ne reçois pas d'alerte particulière dans ce domaine. L'évolution du taux de l'usure devrait contribuer à régler certaines situations.

Il existe des associations de consommateurs, associations familiales et associations d'emprunteurs, et nous les réunissons au sein de l'Observatoire de l'inclusion bancaire. Il me paraîtrait important qu'elles étudient le sujet et nous signalent tout problème du côté des emprunteurs.

Quel est le meilleur indice entre l'IPCH et l'IPC ? Je l'ignore, et je suggère que le directeur de l'INSEE les compare. Je sais que la santé pèse davantage dans l'IPC, alors que l'énergie pèse davantage dans l'IPCH. Ce dernier repose sur des définitions harmonisées, mais je ne saurais l'estimer meilleur pour autant.

Je peux vous rassurer concernant l'euro numérique. S'il se met en place, personne ne sera obligé de posséder un portefeuille numérique et tous ceux qui le souhaiteront pourront conserver leurs espèces ou utiliser les deux. L'euro numérique vise à offrir une option supplémentaire pour ceux qui souhaitent disposer d'un actif de paiement numérique, et il serait regrettable qu'ils n'en disposent qu'en bitcoins ou cryptoactifs. La sécurité d'un actif digital public constituerait un progrès. La Banque de France et la Banque centrale européenne n'auront pas à connaître les détails des transactions et la protection de la vie privée restera vitale. Du reste, la Banque de France a cessé de tenir des comptes privés en 2004 et ne souhaite pas en rouvrir. Le dispositif passerait probablement par le système bancaire, avec une protection des données.

M. Mattei a réutilisé le qualificatif d'optimiste, aussi je répète que tel n'est pas notre objectif. Nous restons attentifs à la cotation des entreprises, mais cette année, nous devrions observer davantage de hausses que de baisses de cote. En effet, les bilans 2021 apparaissent très satisfaisants et les entretiens que nous avons menés avec les chefs d'entreprise ne nous conduisent pas à des baisses de cote. Je ne prévois donc pas de difficulté accrue dans l'accès aux financements.

La consolidation des PGE en fonds propres est techniquement possible, mais avec un effet très important sur la dette publique, à raison de plusieurs points de PIB. Par ailleurs, la puissance publique devient-elle actionnaire des entreprises considérées ? Je crois profondément au service public, mais j'ignore si tel est son rôle.

Je vous rejoins en revanche sur la nécessité de trouver des mécanismes pour développer les fonds propres. L'Union des marchés de capitaux vise, au niveau européen, à soigner cette maladie. En comparaison des États-Unis, l'Europe manque en effet de fonds propres en entreprise, ce qui explique selon moi en partie notre retard d'innovation. Nous pouvons agir au travers de financements de droit commun.

Je n'ai pas de raison de penser que la remontée des taux freinera l'investissement dans la rénovation. Quand les taux étaient bas, un certain nombre d'entre vous et certaines professions dénonçaient leurs défauts, mais ils remontent aujourd'hui et il semble que leur niveau soit devenu décisif dans les investissements. Je relève donc une légère asymétrie dans le raisonnement des professionnels. Selon moi, les perspectives de demande et de commande déterminent beaucoup plus les décisions d'investissement que les conditions de financement. Pour autant, je prends ce point.

À partir d'octobre 2022, nous rachèterons des obligations d'entreprise afin de maintenir notre portefeuille, mais ce sera en fonction de leur performance énergétique. Un autre chantier porte sur le collatéral, soit les titres pris en garantie.

Mme Dalloz, nous n'avons pas établi de projection pour 2027, mais nous devons actualiser nos projections de dette pour 2024. Je vous apporterai une réponse par écrit sur la répartition de nos prêteurs. Un peu moins de la moitié sont non-résidents, dont des Européens, ce qui paraît positif car un grand nombre de prêteurs contribue à des taux plus faibles. À ma connaissance, leur répartition a peu évolué ces dernières années.

Enfin, la collecte du livret A durant l'été constitue une bonne nouvelle. Il ne représente toutefois qu'une partie de l'épargne des Français, qui recouvre aussi des assurances vie, des dépôts bancaires et des placements en action. Dans une telle situation, soit les ménages puisent dans leur épargne pour maintenir leur consommation, soit ils accroissent leur épargne face aux incertitudes. Il est possible que ces deux effets se compensent actuellement. Le taux d'épargne ne connaît en tout cas pas d'évolution significative et nous n'en prévoyons pas.

Au-delà des mesures budgétaires et monétaires, et de tous les sujets que nous avons évoqués, ne perdons pas de vue notre cap de long terme : la nécessité de muscler la capacité de production française, d'améliorer sa quantité et sa qualité. Je crois aux trois transformations, numérique, écologique et du travail, même si les choix en la matière ne relèvent pas de la Banque de France. Ces transformations peuvent permettre à la fois de réduire l'inflation, d'augmenter la croissance et d'améliorer sa qualité.

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