Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 19 juillet 2023 à 13h30

La réunion

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La commission des affaires économiques a auditionné conjointement avec la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, M. Luc Rémont, président-directeur général du groupe EDF, sur le financement des nouveaux réacteurs nucléaires.

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La commission des affaires économiques et la commission des finances se retrouvent à nouveau réunies conjointement pour faire le point sur le financement des nouveaux réacteurs nucléaires et entendre M. Luc Rémont, président-directeur général d'Électricité de France (EDF). M. Rémont, lors de notre précédente audition conjointe des ministres Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher, il est apparu que les pistes envisagées pour financer les nouveaux réacteurs EPR2 sont encore très ouvertes. Nous aimerions avoir votre avis sur les solutions envisagées, notamment sur la part de financement qui pourrait être prise en charge par EDF. De même, Bruno Le Maire a clairement réaffirmé que le projet Hercule était totalement abandonné, mais a rappelé que vous étiez chargé de formuler des propositions de réorganisation du groupe EDF. Quel est l'état de vos réflexions en ce domaine ?

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Je suis heureux que nos deux commissions siègent conjointement pour cette série d'auditions qui ont une grande utilité sur cette question des nouveaux réacteurs nucléaires. Il s'agit d'un cycle indispensable de réflexion sur la transition écologique en vue des projets de loi de finances à venir.

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Luc Rémont, président-directeur général d'Électricité de France

Je vous remercie de cette occasion qui m'est donnée de parler de notre belle entreprise EDF et du projet qui l'anime pour poursuivre sa mission, qui consiste à fournir à notre pays de l'électricité abondante, décarbonée et pilotable, notamment au travers des réacteurs nucléaires.

Je souhaite tout d'abord évoquer l'entreprise avant de parler du nouveau nucléaire. Comme vous le savez, nous avons passé un hiver difficile, après être entrés dans la crise énergétique et dans une crise industrielle associée à la découverte du phénomène de corrosion sous contrainte de certains de nos réacteurs nucléaires à la fin 2021. L'entreprise redresse aujourd'hui la tête après un effort considérable de mobilisation de l'ensemble de nos collaborateurs, mais aussi de la filière industrielle, qui nous a aidés à maîtriser le phénomène de corrosion sous contrainte pour raccorder le plus rapidement possible au réseau l'ensemble des réacteurs affectés. Désormais, nous sommes dans une phase d'investigation de tous les réacteurs et traitons le phénomène de corrosion sous contrainte dans le cadre des visites régulières dont nos réacteurs font l'objet.

Nous ne sommes pas encore en pleine capacité mais l'accélération de notre capacité de traitement nous permet d'envisager l'hiver prochain avec beaucoup plus de sérénité que l'hiver précédent. En outre, l'hiver dernier, nos concitoyens ont répondu massivement à l'appel du Gouvernement, d'EDF et de l'ensemble des parties prenantes pour modérer leur consommation et faire preuve d'efficacité énergétique. De plus, notre hydrologie est beaucoup plus favorable que l'été dernier. Ces facteurs alignés nous permettent d'envisager l'hiver prochain avec plus de sérénité, mais une vigilance maintenue et un effort soutenu de la part de toutes nos équipes sont nécessaires, pour faire en sorte que nos arrêts de réacteurs soient les plus courts possibles, y compris pour le traitement de la corrosion sous contrainte.

Nous nous tournons à nouveau vers l'avenir pour regarder comment EDF sera en mesure de répondre aux enjeux du pays en termes de satisfaction de la demande électrique, de développement des infrastructures associées au réseau, de construction et de maintenance de nos différents parcs de production. Cet ensemble de facteurs doit nous permettre de construire le projet d'entreprise sur lequel nous travaillons de manière très étroite avec les pouvoirs publics pour aligner l'ensemble des vecteurs et arriver à un projet soutenable pour les métiers d'EDF.

La cohérence de ce projet doit servir in fine un système électrique robuste. Demain encore plus qu'aujourd'hui, ce système sera fondé sur une production décarbonée. Il doit faire preuve d'une très grande résilience pour arriver à intégrer une production intermittente associée aux renouvelables, dont la proportion dans le mix électrique augmente. Ce système doit évidemment régénérer et augmenter les capacités de production commandables décarbonées que sont principalement l'hydraulique et le nucléaire, pour répondre à des besoins croissants en matière d'électricité. Ces derniers sont estimés à ce stade par Réseau de transport d'électricité (RTE) à 650 térawattheures à l'horizon 2035 et à 750 térawattheures à l'horizon 2050, ces chiffres étant en cours de révision.

Naturellement, nous sommes à la veille d'un défi industriel sans commune mesure avec l'histoire du groupe, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, nous commençons ce chemin escarpé vers davantage d'investissements pour l'électrification lestés d'une dette 65 milliards d'euros, soit le montant le plus lourd qu'une entreprise puisse connaître en Europe.

Ensuite, jamais dans l'histoire le groupe EDF n'a eu à investir autant dans plusieurs domaines simultanément. En effet, nous sommes confrontés aux obligations suivantes : la construction d'un nouveau parc nucléaire, la maintenance du parc actuel, construit entre 1975 et 1995, la prolongation de la durée de vie de ce parc existant regroupant 56 réacteurs, et l'augmentation des capacités du réseau pour répondre à une croissance exponentielle des demandes de raccordement associées aux renouvelables.

Il s'agit là d'une problématique de continuité d'exploitation, puisque nos cinquante-six centrales ont été construites en vingt ans. La fin de leur exploitation pourrait nous confronter à un « effet falaise ».

Nous ferons tout pour être au rendez-vous de l'ensemble de ces investissements simultanés, inédits. Pour avoir un ordre de grandeur, il nous faut passer à un niveau d'investissement de 25 milliards d'euros par an, dont 80 % seront concentrés sur la France, alors qu'aujourd'hui une part plus importante est affectée à l'international. Il nous faut être capables de soutenir ce niveau d'investissement sur la base de la rentabilité du groupe, qui est la seule nous permettant d'augmenter notre dette, selon nos analystes financiers et les agences de notation.

Le deuxième enjeu est naturellement industriel : nous devons engager une phase de construction de centrales nucléaires neuves en série, pour la première fois depuis plus de trente ans. Comme dans toutes les industries, la série permet la performance en matière de qualité et de vitesse de construction et, in fine, la performance économique de ce nouveau parc. C'est bien avec l'expérience que nous retirons des six réacteurs de Taishan, d'Olkiluoto, de Flamanville et de Hinkley Point que nous concevons aujourd'hui le programme EPR2, pour engager cette nouvelle série avec une ambition industrielle, c'est-à-dire construire vite et bien du premier coup, grâce à l'acquisition des compétences nécessaires pour de tels chantiers. L'objectif consiste bien à gagner en vitesse récurrente, de réacteur en réacteur.

Il s'agit d'un défi industriel pour toute la filière, qui est mobilisée notamment au travers du groupement des industriels français de l'énergie nucléaire (GIFEN) et son programme « Match » destiné à faire entrer dans la filière toutes les compétences nécessaires, soit 10 000 emplois par an sur la décennie à venir. Naturellement, les pouvoirs publics sont parties prenantes intégrales de ce grand défi, puisque pour gagner en vitesse, il nous faut aussi accélérer les procédures administratives. Je vous remercie d'ailleurs d'avoir soutenu la loi du 22 juin 2023 relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, qui est un pas très important pour permettre de raccourcir les périodes préalables aux travaux.

En ce qui concerne la situation financière du groupe, plusieurs paramètres restent encore à préciser. Comme vous le savez, parmi nos défis, figure aussi notre modèle économique de moyen terme. Le modèle actuel est déterminé par une décision datant de 2012, par laquelle l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) fixe les conditions de vente de deux-tiers de notre production par effet induit. La combinaison de l'arrêt de ce dispositif fin 2025 et de la perspective de nouvelles règles de marché européennes conduit à se poser la question de ce que sera le modèle économique d'EDF à cette échéance.

Le deuxième paramètre concerne notre quantum de production, qui doit augmenter pour être capable de soutenir nos 25 milliards d'euros d'investissements annuels. En matière de production, nous sommes malheureusement descendus à 279 térawattheures en 2022, compte tenu de la crise industrielle que nous avons connue. Nous serons entre 300 et 330 térawattheures en 2023 et notre objectif est de remonter à 350 térawattheures dès 2025, en espérant avoir terminé d'ici là le traitement industriel du phénomène de corrosion sous contrainte, tout en continuant le « grand carénage » du parc actuel. Notre plan d'investissement visera à nous ramener le plus près possible de 400 térawattheures produits par le parc existant, ce qui prendra quelques années supplémentaires. Ce plan est ambitieux car le parc actuel a produit 422 térawattheures lors de sa meilleure année. Nous nous engageons à relever ce défi colossal, ce qui suppose d'accélérer nos investissements pour aller chercher cette productibilité supplémentaire.

Ensuite, notre modèle économique dépendra de décisions européennes et françaises. Pour aborder la phase d'investissement que je viens de décrire, il est indispensable de travailler à un nouveau consensus national sur le prix de l'électricité. Une direction de principe a été donnée par la discussion communautaire en faveur des contrats de long terme, dans laquelle nous nous inscrivons. Ces contrats apportent une faculté qui n'existe pas aujourd'hui, qui autorise la stabilisation des conditions de commercialisation sur le long terme pour les clients. Actuellement, bon nombre de nos concitoyens et les entreprises, notamment les PME, sont exposés à des fluctuations de court terme, associées à celles du prix du gaz servant à la production d'électricité, contre lesquelles rien ne les protège – à part une intervention publique qui a eu lieu en 2023 à travers le bouclier tarifaire et des amortisseurs. La faculté d'accorder des prix de long terme à partir de 2026 nous permettra de fournir un amortisseur naturel. Il s'agit là d'un élément fondamental dont nous considérons qu'il devrait fonder le modèle économique futur d'EDF. Nous travaillons à cet ensemble de dispositions pour nous permettre d'aborder le futur dans une perspective de l'économie de l'électricité qui soit à la fois stable et raisonnable. Elle devrait permettre aux clients et à EDF d'avoir plus de visibilité.

S'agissant du financement proprement dit de l'investissement, compte tenu du poids de sa dette, EDF ne sera pas en mesure de financer sur son propre bilan la totalité de l'investissement dont nous parlons. EDF aura donc besoin d'une forme d'aide de l'État pour arriver à boucler le financement de ce projet. EDF a investi de façon marchande, à risques propres, sur Flamanville et sur son parc nucléaire depuis vingt ans, ce qui constitue un d'un des très rares contre-exemples de prise de risque économique sans garantie étatique sur les investissements électriques depuis une vingtaine d'années. Cette forme d'aide de l'État est en cours de discussion et différentes modalités sont sur la table. Elles sont toutes examinées.

Dans le même temps, nous travaillons sur le projet de nouveaux réacteurs en lui-même, qui est en phase de définition détaillée par les ingénieurs de l'entreprise, ses filiales et l'ensemble de la filière industrielle. L'année 2023 est une année charnière pendant laquelle ce travail autour du réacteur EPR2 permettra d'affiner la maturité technique, la constructibilité, les coûts et le modèle financier qui permettront de lancer le projet.

Il nous faut avancer pas à pas sur les éléments techniques, les éléments de coûts, mais également le montage financier pour aboutir à la validation des principes d'ici la fin de l'année. Il s'agira ensuite de mener les consultations nécessaires, notamment européennes, avant la décision finale, dont l'horizon est la fin de l'année 2024.

M. le président Kasbarian, il est difficile de vous répondre à ce stade sur la part d'EDF dans le financement des nouveaux réacteurs car cela dépendra beaucoup de notre modèle économique. EDF souhaite évidemment être l'actionnaire et l'opérateur de ces réacteurs puisqu'il s'agit de la continuité de l'exploitation du nucléaire en France. Cela suppose que les revenus dégagés sur les activités existantes permettent un niveau d'investissement compatible avec cet objectif.

Il nous faut aussi être au rendez-vous de ce formidable défi industriel, ce qui implique d'adapter les capacités du groupe et de la filière. Le premier chantier que nous avons lancé concerne ce que chez EDF nous dénommons le « temps métal », ce qui signifie la capacité d'être plus efficace sur la machine et de ne pas perdre de temps dans l'exécution, domaine où nous devons progresser. Cela concerne aussi la numérisation de l'ensemble de nos procédés, qui a besoin de franchir un cap d'industrialisation, mais aussi un très vaste plan de compétences et enfin la manière dont nous pilotons la performance de l'ensemble de nos activités.

Enfin, nous avons la volonté d'adapter notre organisation pour répondre à un certain nombre de préoccupations. Le premier élément concerne la nécessité de faire émerger de manière structurelle le rôle du « client » au sein d'EDF, c'est-à-dire le client qui achète un réacteur pour pouvoir l'opérer. La seconde adaptation est destinée à répondre aux défis d'industrialisation de la construction des réacteurs. Aujourd'hui, nous pilotons un seul projet en France, mais demain, nous devrons en piloter plusieurs en parallèle, ce qui suppose de créer à nouveau une compétence à part entière. Cette compétence est présente au sein de l'entreprise, mais il nous faut la rassembler au sein d'une organisation dédiée, qui devra être opérationnelle fin 2024. Tels sont les deux piliers de l'adaptation de notre organisation qui sera détaillée à partir de l'automne, en lien avec les partenaires sociaux.

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Je considère que nous sommes aujourd'hui dans la même situation que dans les années 60, au moment où a été décidée la construction du parc nucléaire actuel. Je n'épiloguerai pas sur la dangerosité et le caractère périlleux de ce choix, alors même que RTE a montré qu'il existait des alternatives avec 100 % de renouvelables. La question des déchets n'est, par exemple, pas résolue.

Quand le premier plan de développement du nucléaire a été établi, il avait été financé par EDF sur des fonds propres, puis par emprunt. Aujourd'hui, EDF est endetté à plus de 60 milliards d'euros, sa note crédit est de BBB+ chez l'agence Fitch depuis 2022. Dans ce contexte, il est inenvisageable pour le groupe d'imaginer investir seul. Quelles sont les pistes qui vous paraissent les plus crédibles ? Quel pourcentage doit atteindre l'aide de l'État selon vous, compte tenu de vos difficultés ? Je rappelle que les travaux sont estimés à 51,7 milliards d'euros.

Ensuite, la taxonomie européenne, qui vise à faciliter le financement des activités vertes, n'inclut que les projets nucléaires dont les permis de construire seront déposés avant 2040 pour les chantiers de prolongation et 2045 pour les nouveaux chantiers. Ces échéances vous semblent-elles compatibles avec le cycle d'investissement long du nucléaire ?

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Luc Rémont, président-directeur général d'Électricité de France

Je ne reviendrai pas sur les 100 % renouvelables alternatifs : au final, il faut de l'électricité qui soit disponible tous les jours, décarbonable et pilotable.

Ensuite, il est difficile de comparer la période des premiers constructeurs et la période actuelle, tant les contextes sont différents. Le niveau de dette rapporté aux fonds propres était à l'époque plus important que celui que nous avons aujourd'hui. À l'heure actuelle, la dette d'EDF est soutenable sur le plan économique mais nous avons changé d'environnement financier : les ratios prudentiels ne sont pas ceux d'il y a trente ans. De plus, à l'époque, l'environnement juridique de l'électricité était aussi très différent, sans marché européen ni dispositif permettant d'échanger l'électricité avec nos voisins. Désormais, nous devons suivre les règles de marché, conduisant nos concurrents à demander des financements publics pour compenser la volatilité des prix de marché.

Nous disposons de pistes nombreuses sur les modalités de financement. Ces financements doivent d'abord être proportionnés aux besoins et nous devrons donc nous justifier auprès des autorités communautaires du fait qu'EDF ne bénéficie pas d'une aide disproportionnée par rapport aux besoins. Nous devrons également justifier que l'investissement lui-même porte un intérêt collectif. À nos yeux, cet intérêt est non seulement français, mais également communautaire. Ensuite, sur cette base, nous devrons décliner les différentes options de financement possibles : l'avance remboursable nous semble être un bon dispositif, mais d'autres véhicules peuvent également être considérés. Tous seront examinés pour leurs mérites propres et le moment venu, nous ferons une synthèse, en fonction de la révision du projet lui-même, pour être en mesure de pouvoir le boucler.

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Nous en venons aux questions des orateurs des groupes.

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Durant la décennie 2030, EDF sera constructeur et opérateur de capacités nucléaires nouvelles de la nation, ce qui nécessite une filière industrielle à reconstruire. Vous êtes chargé par le président de la République qui vous a choisi de mener de nouveau EDF vers la stabilité. Vous avez rappelé les dimensions essentielles de l'équation financière dont vous avez la charge.

Trois sources de financement sont possibles : l'usager, le contribuable et l'investisseur. La première option serait de tout faire payer au consommateur, par avance. Le Gouvernement ayant réussi cet hiver à protéger les ménages contre l'augmentation des prix de l'énergie, nous aurions un fort contraste. Nous voulons aussi réindustrialiser et éviter de ralentir le passage à une économie décarbonée qui serait essentiellement alimentée par la production électrique. Ne faut-il donc pas limiter la réflexion à des contrats de long terme dont vous avez évoqué les tenants et aboutissants européens ?

La deuxième option est un financement par le budget. Ne faut-il pas isoler, comme dans les transports ou comme pour le Grand Paris, des organismes donneurs d'ordre dédiés, segment par segment, notamment pour les infrastructures de transport d'électricité, dont une bonne partie reste à construire et qui peuvent d'ailleurs faire débat dans les territoires. Peut-on penser au GPI (Grand plan d'investissement), à des fonds et des agences pour les premiers EPR et leur raccordement ?

Vous avez évoqué les avances remboursables. Lorsque l'État a soutenu l'A380 d'Airbus, les programmes avaient une taille financière commensurable, avec des durées et des risques technologiques comparables. À l'avenir, les lois de finances vont probablement dessiner une véritable planification énergétique de ce point vue.

La troisième source de financement est le marché. L'État dispose d'instruments comme Bpifrance ou la Caisse des dépôts et consignations pour soutenir la filière des industries de base. On a le sentiment qu'une partie de la solution consistera à soutenir par les financements de marché chacune des entreprises qui seront choisies comme fournisseurs d'EDF, à la fois dans les infrastructures et dans la mise en place des capacités. Les acteurs internationaux de la construction dans ce secteur peuvent être sollicités. L'épargne nationale peut constituer, grâce à un fonds technologique dédié au soutien à ces entreprises, un vecteur pour renforcer l'indépendance nationale, la confiance, la science et les capacités technologiques d'EDF.

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Luc Rémont, président-directeur général d'Électricité de France

EDF a effectivement construit son parc sur la base du financement par l'usager, le client. Les deux sources d'investissement pérennes sont le contribuable et l'usager. L'investisseur viendra en anticipation d'un modèle économique défini en s'appuyant sur l'un ou l'autre. L'un des enjeux pour EDF est d'être capable de fournir aux investisseurs qui soutiennent la dette d'EDF et à l'État actionnaire un modèle économique soutenable pour être capable d'anticiper sur les revenus durables que l'ensemble de ce parc engendrera. Pour y parvenir, il est nécessaire que des formes de garantie ou de soutien interviennent. Il peut s'agir de formes de garanties sur les conditions de commercialisation de l'électricité après la construction. Cela peut être une forme de soutien pour compenser un défaut de marché, par exemple une garantie sur la capacité de lever de la dette ou une avance remboursable. Il nous faudra déterminer au sein de ces options ce qui est le plus pertinent.

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Il y a quelques mois, EDF a publié de très mauvais résultats pour l'année 2022, avec une perte nette de près de 18 milliards d'euros. L'endettement atteint ainsi le niveau record de 64,5 milliards d'euros. Dans le même temps, les prix de l'énergie ont connu une hausse exceptionnelle l'année dernière et ceux de l'électricité ont atteint des niveaux record en France pendant l'été dernier. Une augmentation totale de plus de 25 % est aussi prévue début août.

Malheureusement, EDF n'a pas pu profiter de cette hausse de prix en raison d'un taux d'indisponibilité du parc nucléaire élevé. Au contraire, le groupe a été obligé d'acheter de l'électricité (13,8 térawattheures), mais aussi du gaz sur les marchés à des prix exorbitants. La France a donc été pour la première fois depuis 1980 importatrice nette d'électricité en 2022, au plus mauvais moment.

Plusieurs raisons expliquent cette indisponibilité : les visites décennales, les travaux de maintenance ou encore le phénomène de corrosion sous contrainte. La production nucléaire est donc passée de 361 térawattheures à 279 térawattheures entre 2021 et 2022, soit son plus bas niveau depuis 1988. Pour ne rien arranger, l'État a obligé EDF à vendre davantage d'électricité à bas prix (42 euros en moyenne le mégawattheure) à ses concurrents fournisseurs alternatifs. Dans l'immédiat, l'essentiel est de rétablir dans les meilleurs délais l'intégralité durable de la production électrique d'EDF. La construction des six nouveaux réacteurs a été actée par la loi relative à l'accélération des procédures liées à la construction des nouvelles installations nucléaires, mais bien que « nationalisé », EDF devra trouver de nouveaux financements.

Cela suppose aussi de mobiliser et de reconstituer toute une filière qui va devoir former et recruter des milliers d'ingénieurs et de techniciens. La ministre de la transition énergétique a avancé la date de 2027 pour la première coulée de béton et de 2035-2037 pour la mise en service des deux réacteurs à Penly. Toutefois, les calendriers en matière de construction de centrales nucléaires et leurs budgets sont bien souvent dépassés, comme en témoigne l'EPR de Flamanville.

Il est donc important de pouvoir compter sur le parc existant des cinquante-six réacteurs. C'est la raison pour laquelle EDF doit rapidement apporter la preuve que leur durée de vie pourra être prolongée au-delà de cinquante ans et financer de lourds investissements pour en assurer la prolongation. EDF, déjà largement endetté sur les marchés financiers, ne peut plus reproduire ce schéma. Comment envisagez-vous le financement de la construction des six nouveaux EPR nouvelle génération ? Pourriez-vous retenir la proposition d'un fonds volontaire auquel souscriraient les Français pour un taux d'intérêt de 2 à 3 %, ou comme l'a suggéré mon collègue Jean-Philippe Tanguy en discuter avec la Banque centrale européenne (BCE) ?

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Luc Rémont, président-directeur général d'Électricité de France

Au risque de me répéter, nous sommes dans une phase durant laquelle nous travaillons d'arrache-pied pour affermir le projet. Le premier objectif consiste à obtenir une vitesse industrielle sur ce projet. Avec Flamanville, il a fallu construire un prototype : nous tirons profit de cette expérience. Cette fois-ci, nous engageons la construction d'une série de réacteurs et l'objectif consiste à ce que tout soit prêt au moment où nous engagerons les travaux.

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M. Rémont, je vais aller droit au but avec une série de questions. La première est la suivante : de combien de nouveaux réacteurs parle-t-on ? S'agit-il de six, de quatorze ou davantage dans les vingt ou trente prochaines années ?

Ensuite, nous savons que les quelques réacteurs EPR qui fonctionnent dans le monde ont connu de gros retards et de gros dérapages budgétaires. Ne peut-on pas s'attendre par conséquent aux mêmes types de difficultés ? Vous avez parlé notamment du fait que nous avons du mal à produire certaines pièces. Le PDG de Framatome me répondait, il y a quelques mois en audition ici même, qu'à l'heure actuelle, il ne sait pas produire par exemple les couvercles des cuves. De même, sur les EPR construits, vous avez été obligés de faire appel à Mitsubishi, un constructeur japonais. Si nous sommes dans la main d'un industriel japonais pour construire les prochains EPR, comment faisons-nous pour nous assurer de la maitrise des coûts ?

Ma question suivante porte sur le chiffrage du grand carénage qui, il me semble, était engagé antérieurement aux problèmes de corrosion sous contrainte que nous avons rencontrés. Y a-t-il eu une mise à jour du coût de la prolongation du parc existant ? Toujours s'agissant du chiffrage, EDF doit provisionner également pour le traitement des déchets et le démantèlement des centrales qui finira bien par arriver même au bout de cinquante ou soixante ans.

Ensuite, il a été question des CFD, ces contrats pour différence qui seraient une forme de soutien de l'État. Par conséquent, est-il nécessaire de se contraindre à passer par le marché si l'État offre finalement un soutien. Récemment, vous avez dit qu'EDF n'avait pas été nationalisé mais avait simplement connu un rachat d'actions par l'État, qui se retrouve être le seul actionnaire. Le regrettez-vous, d'une certaine façon ? S'il y avait une nationalisation et peut-être un retour au statut d'établissement public industriel et commercial (EPIC) d'EDF, cela ne permettrait-il pas à l'État de financer directement les investissements nécessaires ?

Par ailleurs, pouvez-vous expliquer ce que vous appelez un client qui achète un réacteur ? Cela ressemble-t-il au contrat Exceltium ? Est-ce différent ? Quel bilan peut-on faire du contrat avec Exceltium ?

S'agissant des contrats d'achat d'électricité ou Power Purchase Agreement (PPA), pouvez-vous nous confirmer qu'ils concernent des gros consommateurs qui vont bénéficier de tarifs avantageux dont ne vont pas bénéficier les autres consommateurs comme les foyers, les TPE/PME, les collectivités ? Avez-vous sondé l'existence de candidats potentiels, c'est-à-dire des industriels prêts à s'engager sur des gros volumes et sur plusieurs années, sachant les aléas de construction des réacteurs, alors que vous avez bien rappelé les défis auxquels EDF doit faire face ? Ne serait-il pas plus simple, puisqu'on partage les objectifs de visibilité et de stabilité, de revenir à des tarifs réglementés de vente établis sur les coûts de production avec le statut d'EPIC dont je parlais tout à l'heure ?

Enfin, à quel prix du mégawattheure faudrait-il vendre votre électricité pour que ce soit soutenable ? Une fois que l'on aura mis tant d'argent dans le nucléaire, que restera-t-il pour développer les renouvelables dont on sait qu'il faudra largement augmenter leur capacité, comme RTE l'indique, même dans le scénario le plus nucléarisé ?

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Luc Rémont, président-directeur général d'Électricité de France

À ce stade, le Président de la République nous a demandé de travailler sur six réacteurs et d'étudier la possibilité de huit réacteurs supplémentaires. Si l'on se projette à plus long terme, tout en restant dans l'environnement connu de technologies disponibles pour une énergie commandable décarbonée, il en faudra davantage, parce que les cinquante-six actuels seront un jour rattrapés par l'obsolescence. Les retards constituent notre principal défi industriel. C'est pourquoi nous nous concentrons dès maintenant sur la capacité à construire vite, bien et en série. Il s'agit d'un énorme défi, que nous entendons néanmoins relever.

Le terme de grand carénage englobe un grand nombre d'actions relevant de la maintenance lourde et de la prorogation de la durée de vie des centrales existantes. Cela correspond à peu près à 5 milliards d'euros d'investissement par an. Les provisions sont strictement encadrées en termes réglementaires.

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Un budget a été défini pour le nouveau programme nucléaire, autour de 60 milliards d'euros. Une des solutions pour son financement avait été proposée par Les Républicains et passait par le relèvement du prix de l'Arenh. Le groupe avait d'ailleurs fait adopter lors de l'examen de la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat un prix minimum de vente à 49,50 euros par mégawattheure à partir du 1er janvier 2023. Cependant, la mention d'une exigence de conformité au droit européen avait aussi été introduite, obligeant le Gouvernement à notifier la mesure à la Commission européenne en amont, ce qui a malheureusement permis de suspendre l'application de ce prix minimum réhaussé.

Lors de votre audition dans le cadre de la commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France, vous aviez d'ailleurs expliqué que « nous devons accepter qu'EDF facture son électricité au-dessus de 42 euros du mégawattheure ». Qu'en est-il aujourd'hui ? Comment envisager ce besoin de financement à venir ? Estimez-vous que la levée de l'impôt sera une option inévitable pour la France ?

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Luc Rémont, président-directeur général d'Électricité de France

L'Arenh oblige EDF à vendre 100 térawattheures au prix de 42 euros le mégawattheure, avec la faculté de réviser ses conditions de prix. Cette décision est valable jusqu'en 2025. Il est donc nécessaire d'établir un nouveau consensus national, en créant une économie restant compétitive pour nos citoyens, particuliers et entreprises, tout en permettant à EDF de financer la pérennité de la fourniture électrique.

L'Arenh est aujourd'hui une des composantes du prix de l'électricité pour les différents clients : il y a toujours une quote-part associée à l'Arenh et une quote-part associée au marché. Au-delà de la date d'extinction de l'Arenh, il faut créer des instruments qui permettent d'avoir cette visibilité de long terme, tout étant compatibles avec les règles communautaires. Notre proposition consiste à fonder le nouveau consensus sur la capacité de former les prix de long terme sur la base de nombreux contrats de gros que nous fournirions à horizon de cinq ans.

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Nous avons, lors de notre audition des ministres de l'économie et de la transition énergétique la semaine dernière, beaucoup parlé des limites de la capacité d'investissement du groupe EDF, ainsi que de la principale raison de ces limites, c'est-à-dire l'endettement de 65 milliards d'euros de votre groupe. Celui-ci est le résultat d'une baisse de la production, liée notamment à la corrosion sous contrainte, découverte dans ma circonscription, à Civaux.

À combien évaluez-vous aujourd'hui la capacité d'investissement d'EDF pour le développement des nouveaux réacteurs nucléaires ? En d'autres mots, quelle part, évidemment complétée par différents mécanismes, reposant sur l'État et les consommateurs, mécanismes qui seront arrêtés l'année prochaine, EDF pourra-t-elle prendre des 52 milliards d'euros de besoins estimés pour les six nouveaux réacteurs ? Quelle stratégie envisagez-vous pour la renforcer ?

Vous avez annoncé récemment une grande réorganisation interne : en quoi consistera-t-elle ? Comment s'inscrira-t-elle dans la perspective des nouvelles capacités nucléaires ? Face à ce chantier crucial, pouvez-vous nous en dire plus sur la stratégie établie pour attirer les meilleurs talents, dans le contexte d'un marché de l'emploi particulièrement tendu ?

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Luc Rémont, président-directeur général d'Électricité de France

Un montant de 25 milliards d'euros d'investissements par an représente un défi colossal pour l'entreprise, mais cela est possible, sans faire exploser les prix, en adoptant une approche raisonnable sur le plan marchand pour nos concitoyens. EDF a pour objectif de fournir une énergie électrique compétitive, commandable, décarbonée et durable. Nous pensons donc que cette courbe d'investissement est raisonnable.

Toutes les bonnes volontés sont bienvenues pour contribuer au financement, mais la dette reste de la dette, quels que soient les créanciers. Elle devra donc être soutenable pour EDF. Nous estimons que l'opérateur industriel, c'est-à-dire nous-mêmes, est le mieux à même de déterminer l'investissement en fonds propres. À cela doit s'ajouter la partie d'aide provenant des pouvoirs publics, pour rendre l'ensemble du projet soutenable sur le plan économique. L'ensemble de ces éléments devront être précisés.

La réorganisation est destinée à focaliser toute notre attention sur la performance de chacun des métiers au sein d'EDF et vis-à-vis de la filière industrielle. Pour attirer les talents, nous avons mis en place un plan de bataille avec l'Université des métiers du nucléaire, les régions et nos représentants territoriaux, pour faire en sorte que dès le collège, nous attirions à nouveau vers les métiers techniques.

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Lors de l'audition des ministres la semaine dernière, j'avais évoqué mes inquiétudes quant au financement des nouveaux réacteurs. EDF n'est pas en capacité d'assumer à lui seul ces investissements extrêmement importants. L'État a l'intention de participer, à un niveau restant à déterminer. Mais la Commission européenne pourrait considérer cela comme des aides d'État, y compris les avances remboursables. Un nouvel Arenh serait une très mauvaise option. « L'après-Arenh » nécessite donc une réflexion anticipée, mais nous ne semblons pas tout à fait prêts. N'est-il pas temps d'élargir les tarifs réglementés de vente pour les particuliers, les entreprises et les collectivités ? Vous avez d'ailleurs évoqué les contrats de long terme, qui constituent un amortisseur nécessaire.

Dans un entretien accordé en janvier, Nicolas de Warren demandait une réforme structurelle du mode de formation des prix de gros de l'électricité en Europe et souhaitait également obtenir des contrats de long terme pouvant intégrer une partie du financement d'une tranche du futur nucléaire en contrepartie d'une capacité réservée à un prix préférentiel. Y êtes-vous favorable ?

Enfin, après douze années de résistance, il est désormais temps de sécuriser nos ouvrages hydroélectriques, tant ils jouent un rôle essentiel par leurs capacités de stockage et leur flexibilité, sans parler de leur impact pour la gestion de la ressource en eau, du multi-usage et de leur contribution au maintien d'un prix de l'électricité bas. Comment voyez-vous l'aboutissement de ce contentieux ?

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Luc Rémont, président-directeur général d'Électricité de France

Un soutien de l'État est effectivement une aide d'État. Mais tous les investissements dans le secteur de l'électricité bénéficient d'une aide d'État. L'enjeu consiste ici à justifier sa proportionnalité et son utilité. Nous pensons que nous serons capables de le faire, d'autant plus que cette aide sera limitée au strict nécessaire. Si nos revenus sur nos opérations existantes sont suffisants pour maximiser notre autofinancement, l'aide que nous solliciterons sera minimisée, tout comme les compensations que nous serons susceptibles de devoir discuter. Il ne nous appartient pas de déterminer les tarifs réglementés d'électricité, mais il existe des voies possibles pour étendre un peu leur périmètre.

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La facture d'électricité d'un particulier ou d'une entreprise est portée par trois principaux déterminants : la fourniture de l'électricité consommée – qui intègre tant le coût de l'énergie consommée que le coût de capacité ou des flexibilités nécessaires au réseau ; le coût du réseau via le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE) ; et les taxes payées à l'État.

Historiquement, chacun de ces postes représentait environ un tiers de la facture. Depuis la crise énergétique de début 2022, la part correspondant à la fourniture de l'électricité consommée représente 50 % de la facture et les taxes plus que 20 %. La maîtrise des coûts de l'électricité pour les consommateurs, particuliers et professionnels, implique de maîtriser a minima les évolutions des composantes « fourniture » et « réseau », la partie taxe revêtant une dimension plus générale d'équilibre budgétaire de l'État.

À cet égard, l'appréciation du coût d'un système électrique doit s'entendre comme la somme de ces deux paramètres, afin de tenir compte des coûts directs et indirects tels que la variabilité de la production, qui doit être compensée par des moyens de flexibilité. Leur intégration au système nécessite de renforcer les réseaux. Au sein de cette équation complexe, nous devons relancer notre politique nucléaire et construire au moins six nouveaux EPR.

Le ministre Bruno Le Maire a été très clair la semaine dernière : aucune porte n'est fermée pour le financement de ces réacteurs. Une solution émergera d'ici fin 2024. Mais l'annonce d'une hausse des tarifs de l'énergie de 10 % au 1er août fait déjà grincer des dents et les Français y voient un grignotage de leur pouvoir d'achat, alors même qu'ils sont mieux protégés historiquement que les Allemands, les Espagnols et les Italiens, pour ne citer qu'eux. Quels mécanismes novateurs de la construction du prix payé par le consommateur, particulier comme professionnel, sont-ils possibles ? En effet, l'aval conditionnera aussi l'amont.

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Luc Rémont, président-directeur général d'Électricité de France

Nous vivons une situation exceptionnelle, dont nous avons conscience qu'elle est critique pour nos concitoyens. L'objectif consiste à trouver dans le nouveau consensus que nous voulons créer des instruments offrant une plus grande stabilité. Aujourd'hui, dans le cadre de l'Arenh, la capacité de former des prix au-delà d'un horizon à deux ou trois ans est quasiment impossible. Nous proposons d'émettre des contrats de gros à cinq ans et plus, dès le mois de septembre. Ils seront situés dans des gammes de prix raisonnables, plutôt à deux chiffres qu'à trois chiffres. À partir du moment où une masse de contrats de gros de ce type est disponible, les fournisseurs peuvent structurer un tarif ou un prix de marché qui tiennent dans la durée. Cela contribuerait à rendre le modèle économique d'EDF plus robuste et la visibilité sur les prix plus stable pour les clients.

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Les écologistes avaient saisi les présidents de la commission des finances et de la commission des affaires économiques le 13 mars dernier, afin d'auditionner le ministre des finances sur le financement des nouveaux réacteurs nucléaires. En effet, l'Assemblée nationale vote désormais des textes qui nous engagent pour cinquante ans sans que nous soyons éclairés sur le financement de l'ensemble de ces dispositifs.

Le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) a déclaré il y a quelques mois que l'épargne réglementée peut davantage encore financer la transformation de notre appareil de production énergétique. En septembre 2022, la Cour des comptes s'interrogeait, quant à elle, sur la pertinence de l'utilisation du fonds d'épargne pour financer la construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Elle en concluait que « Si la durée et le niveau de risque de tels financements peuvent correspondre aux caractéristiques de stabilité des ressources de l'épargne réglementée, (…) d'autres pistes probablement plus proches de l'expertise de la CDC mériteraient d'être étudiées, concernant par exemple les équipements publics destinés à prévenir les effets du réchauffement climatique. On peut évoquer par exemple les investissements probablement élevés qui seront nécessaires pour protéger de nombreuses communes du littoral ou de l'intérieur face au risque de montée du niveau de la mer ou de débordement des cours d'eau. Les solutions de couverture par les assurances risquent d'être insuffisantes et il est probable que les compagnies d'assurance exigent des primes à des tarifs de plus en plus élevés voire refusent purement et simplement de couvrir certaines zones ou certaines communes ».

Quelle analyse faites-vous de ces avis divergents ? Si l'option du financement par le livret A des investissements dans le nucléaire était retenue, comptez-vous assurer le maintien d'un lien séculaire de confiance entre les Français et le livret A et selon quel modèle économique prenant en compte la gestion des déchets, le grand carénage et le démantèlement des cinquante-six plus vieilles centrales ? Enfin, pourriez-vous nous préciser les montants, à ce stade, des prises en charge financières des arrêts ou de la moindre production qui ont été contractuellement prévues avec les EPR de Taishan ?

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Luc Rémont, président-directeur général d'Électricité de France

Je ne suis pas sûr d'avoir compris votre dernière question, mais je vais répondre à la première. Je n'ai pas d'expertise sur la gestion du fonds d'épargne ni leur affectation. Mais comme je le disais, toutes les bonnes volontés sont les bienvenues pour financer les infrastructures énergétiques que porte EDF, à condition que cela corresponde à leur domaine d'emploi.

EDF veut de son côté apporter à l'ensemble de ses créanciers, la visibilité, la transparence et la robustesse de la performance industrielle. Dans ce cadre, si c'est le souhait de ceux qui ont la charge de l'allocation du fonds d'épargne, nous regarderons comment une source de financement de ce type peut s'inscrire et avec quel type de gouvernance, le souhait d'EDF étant d'être totalement irréprochable vis-à-vis de l'ensemble de ses créanciers.

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Les missions affectées à EDF ne sont pas minces : on vous demande de soutenir financièrement et industriellement le nouveau programme nucléaire tout en assurant le prolongement des centrales, en développant les contrats de fourniture de longue durée, en garantissant le développement des énergies renouvelables, en prévoyant un nouveau cadre juridique pour l'hydraulique, en anticipant les investissements dans le réseau électrique et en maintenant un engagement opérationnel d'excellence pour l'industrie.

Je veux vous faire part de ma frustration. Il n'a échappé à personne que votre audition a été décalée pour arriver après celle des ministres, qui n'ont, en fait, rien dit. Mme Agnès Pannier-Runacher est la dernière à faire l'apologie de l'Arenh et le ministre de l'économie ne ferme aucune porte, sans donner pour autant de précisions. Comment sortir de l'Arenh ? Quelles contreparties sont exigées par l'Europe ?

Je pense que le temps long du nucléaire est incompatible avec une exigence de rentabilité à court terme. Comment prévoir un financement public pérenne pour assurer notre souveraineté énergétique, y compris la compétitivité de nos industries ?

Enfin, je fais partie de ceux qui pensent que l'on a nourri les « marchands de sommeil » avec l'Arenh. On me dit qu'ils seront sanctionnés. Le coût de l'amende reviendra-t-il à EDF qui a été siphonné ? Comment avoir des coûts de production couverts tout en protégeant le consommateur ultime, usager particulier et usager industriel ?

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Luc Rémont, président-directeur général d'Électricité de France

Par définition, une personne ne peut y arriver seule. Nous arriverons à ce but tous ensemble ou nous n'y arriverons pas. Cela signifie que nous devons nous mettre d'accord sur des éléments en apparence contradictoires.

Ensuite, je ne crois pas que les discussions avec l'Europe portent sur des contreparties au mécanisme qui fera suite à l'Arenh. L'Europe est en mesure de regarder ce que nous faisons et, éventuellement, de nous demander des contreparties quand nous dévions des règles européennes. Or pour EDF, être un acteur raisonnable dans le marché ne fait pas dévier des règles.

Par ailleurs, avoir l'État pour seul actionnaire nous permet d'avoir une visibilité de long terme. Elle est souhaitable dans les circonstances actuelles, compte tenu des contraintes du moment.

Enfin, je suis extrêmement sensible au sujet des « marchands de sommeil », Je crois que nous pouvons faire mieux, simplement en nous organisant mieux et en travaillant mieux ensemble. EDF restera particulièrement vigilant sur l'ensemble des aspects de la responsabilité sociale et environnementale, qui sont une de ses marques fondamentales.

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Nous prenons désormais les questions des autres députés.

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EDF n'est pas une entreprise comme une autre, ne serait-ce parce que l'électricité n'est pas un bien comme un autre. Partagez-vous cette affirmation ? De cette singularité dépend l'organisation de l'entreprise et du secteur nucléaire au sein de l'entreprise. Vous avez présenté le 28 juin dernier un projet de réorganisation des activités nucléaires autour de cinq grands piliers. Pourquoi n'avez-vous pas maintenu les deux divisions que sont la direction du parc nucléaire thermique (DPNT) et la direction ingénierie et projets nouveau nucléaire (DIPNN) ? Quels points faibles avez-vous décelés dans ces organisations, notamment la DPNT ? Ne croyez-vous pas que multiplier les divisions pose des problèmes d'interface ? Considérez-vous que la stratégie « Cap 2030 » n'a plus lieu d'être ?

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CNews a fait état ce matin d'une hausse tendancielle des prix de l'électricité, avec trois hausses de 17 % d'ici 2025, sans donner la source de son information. Avez-vous connaissance de cette information ? Correspond-elle à une trajectoire de prix que soutient EDF ? Les dispositions que vous semblez proposer pour financer les différents réacteurs m'inquiètent car elles sont inflationnistes. Au contraire, nous proposons des méthodes permettant de garantir un taux d'actualisation très bas et donc un prix très bas. Je m'étonne que vous ne souteniez pas des propositions qui vous permettraient de vous endetter entre 0 et 2 % et donc de garantir un prix très bas.

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Au sein de l'enjeu industriel, vous avez pointé le défi à affronter en matière de recrutements, en évoquant des dizaines de milliers d'emplois. Or les difficultés de recrutement sont patentes et nous sommes également confrontés à des problèmes de vacances de postes. Pouvez-vous nous préciser le nombre exact d'emplois que vous prévoyez ? Avez-vous une idée de la répartition dans le temps de ces embauches ? Avez-vous évalué le risque de vacances de postes ou de manque de formation ? Quels pourraient être les impacts au regard des objectifs que vous vous êtes fixés ?

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Nos concessions hydroélectriques arrivent à échéance pour la plupart entre 2003 et 2080. La Cour des comptes a rendu un référé à la Première ministre en faveur d'une quasi régie. Que pensez-vous de cette hypothèse ? Vous semble-t-elle pertinente en l'état ? Pourrait-elle apporter un équilibre satisfaisant pour nos collectivités territoriales, qui ont quelques craintes à cet égard ? Ce modèle économique nous permettrait-il d'assurer le mur d'investissements qui sera nécessaire en matière hydraulique ?

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Lorsque j'avais effectué à l'automne dernier en ma qualité de rapporteur spécial de la commission des finances un contrôle sur pièces et sur place à Bercy, j'avais notamment saisi une note, le rapport d'un groupe de travail préparatoire aux négociations sur la régulation de l'électricité avec la Commission européenne dans le cadre du financement du nouveau nucléaire. Quatre scénarios y étaient esquissés, mais tous évoquaient les nécessaires remèdes concurrentiels ou des modifications en profondeur de la structure d'EDF afin de rendre légale cette aide d'État. Quelle restructuration du groupe EDF envisagez-vous, compte tenu de cette réglementation européenne ?

Ma deuxième question porte sur l'acquisition de la turbine Arabelle. Quelques rumeurs indiquent qu'EDF ne pourrait y parvenir seul, mais à l'aide de partenaires financiers. Qu'en dites-vous ?

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Les contrats de long terme joueront un rôle très important pour sortir de l'impasse actuelle de l'Arenh et pour fournir un cadre solide à l'électrification croissante de notre économie. Je souhaite vous interroger sur la tarification de ces contrats de long terme. En effet, trois critères me semblent essentiels à ce titre. Tout d'abord, les prix devront être équilibrés pour dégager des ressources permettant à EDF de mettre en œuvre ses investissements et d'augmenter sa production, tout en assurant la compétitivité de nos industriels et en les incitant à la décarbonation. Ensuite, ces prix devront être transparents. Enfin, ils devront autoriser la nécessaire flexibilité de notre système électrique.

Un débat est en cours aux niveaux français et européen sur les différentes options pour tarifer ces contrats de long terme. Pouvez-vous nous dire quels objectifs doivent être poursuivis dans cette tarification et quelle grille d'analyse mettez-vous en place pour évaluer ces différentes options ?

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La relance du nucléaire s'appuie sur EDF mais doit aussi embarquer des start-up. Considérez-vous que l'État met tout en œuvre pour les intégrer ? L'Allemagne est-elle susceptible d'empêcher tout financement européen, s'il en existe ? Par ailleurs, un certain nombre de fondations allemandes diffusent des fake news visant à affaiblir le nucléaire français. Comment les contrecarrer, sachant qu'elles bénéficient de moyens financiers importants et souvent opaques ? Le retour d'expérience de la Finlande et de Flamanville est-il suffisamment intégré pour contenir les délais et les coûts de construction des EPR ?

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Comment faire bénéficier les Français et nos industriels de la rente nucléaire – je pense notamment aux industries hyper électro-intensives – sans qu'ils soient trop exposés au prix de marché, et tout en étant certain qu'EDF soit suffisamment payé pour financer la construction de nouveaux réacteurs nucléaires ?

Ensuite, la Savoie dispose de nombreux barrages hydroélectriques. Qu'en est-il des discussions avec la Commission européenne sur ce point ? Plus que jamais, nous sommes attachés à notre souveraineté énergétique et donc à l'exploitation de ces barrages par une entreprise nationale comme EDF.

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Vous avez fait état des objectifs de production visés dans les années à venir. Avez-vous pris en compte une évolution de la demande, notamment en lien avec le développement de la voiture électrique ? Quelle progression attendez-vous dans les années à venir ?

Ensuite, le barrage de Vouglans, troisième retenue hydroélectrique de France, est situé dans ma circonscription. Comment envisagez-vous l'avenir dans ce domaine ? Les lâchers d'eau en été, qui sont non producteurs d'électricité puisqu'ils servent à rafraîchir les eaux de l'aval, sont aujourd'hui compensés par l'agence de l'eau. Qu'en est-il des discussions dans ce domaine ?

Enfin, le prix de l'électricité au 1er août interroge les consommateurs particuliers.

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Ma première question concerne Fessenheim. Où en est la déconstruction ? Quelles sont les prochaines étapes ? Avez-vous des éléments à fournir sur la revitalisation du site ?

Ensuite, plusieurs centrales hydroélectriques sont situées le long du Rhin. Quelles sont les perspectives pour la production d'électricité à partir des fleuves et en particulier du Rhin ?

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Je m'exprime au nom de ma collègue Christine Arrighi. Pouvez-vous préciser le montant, à ce stade, du coût pour EDF des arrêts ou d'une moindre production des EPR de Taishan, dans lesquels vous êtes actionnaire ?

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Luc Rémont, président-directeur général d'Électricité de France

Madame Bregeon, EDF n'est pas une entreprise comme les autres, compte tenu de sa mission, mais elle est d'abord une entreprise. Elle doit donc pouvoir fonctionner, investir et vivre comme une entreprise avec ses clients.

La DPNT et DIPNN sont à l'heure actuelle deux piliers disposant de l'ensemble des composantes associées à leur périmètre de responsabilité. Ces piliers n'ont pas failli, mais l'enjeu qui nous attend est tel qu'il nous faut être capable d'industrialiser et de mutualiser les moyens, notamment sur les aspects qui sont appelés à monter en puissance industrielle. Au sein du parc nucléaire et thermique, nous arrivons aujourd'hui à réduire nos délais d'arrêt simple. Désormais, le défi consiste à comprimer dans les délais les plus courts possibles les arrêts compliqués, comme les arrêts liés aux visites décennales, qui sont des chantiers complexes impliquant 2 500 personnes.

Aujourd'hui, pour mobiliser l'ensemble des compétences nécessaires à la réussite de ces chantiers dans les délais les plus courts possibles, un certain nombre de moyens sont mobilisés par la DPNT. Demain, nous devrons nous assurer d'avoir les mêmes moyens dans un environnement où, parallèlement, se dérouleront deux ou trois chantiers nécessitant 10 000 à 12 000 personnes simultanément. Nous devons donc garantir que l'ingénierie puisse couvrir à la fois les besoins de l'exploitation et ceux de la construction neuve.

La stratégie « Cap 2030 » a ouvert de nombreuses perspectives à EDF et a permis d'avancer sur plusieurs chantiers, mais il nous faut redéfinir notre projet d'entreprise dans un environnement postérieur à la crise énergétique, au discours de Belfort du Président de la République et à la découverte des problèmes de corrosion sous contrainte. Le monde sera donc différent et il nous faut formuler le projet d'entreprise en tenant compte des éléments nouveaux.

Monsieur Tanguy, je ne sais pas à quoi les journalistes de CNews faisaient référence. Nous allons naturellement chercher un dispositif de financement le plus optimal possible. Quand nous parlons d'avance remboursable, nous faisons bien référence à des capacités de taux bas que seul l'État peut apporter.

Madame Louwagie, nous avons programmé 10 000 recrutements dans la filière nucléaire par an. Nous mettons en œuvre une planification régionale, notamment pour attirer les collégiens vers nos métiers et leur donner envie d'être techniciens ou ingénieurs. Nous concentrons beaucoup d'efforts sur cette phase du développement, dans le cadre d'une collaboration très étroite avec l'Éducation nationale et l'ensemble des formations en alternance. Nous menons également des partenariats très précis avec un grand nombre de collèges et de lycées, selon un maillage territorial très fin. L'ensemble de nos salariés vont être également mobilisés à cet effet.

Mesdames Ferrari et Battistel, l'hydroélectrique a une longue histoire chez EDF. Le pays dispose d'un potentiel dans ce domaine, qui ne nécessite pas nécessairement la construction de nouveaux barrages, mais peut passer par des stations de pompage ou par des réhausses. L'ensemble des opérateurs français opèrent dans le cadre du régime des concessions, quand la plupart des pays européens utilisent le régime des autorisations. De longue date, les autorités françaises ont des échanges avec les autorités européennes sur l'avenir du régime des concessions. Or le régime des concessions en lui-même bloque les investissements qui ne sont pas prévus dans le cahier des charges d'origine.

Globalement, à long terme, il est vraiment important d'avoir une politique hydroélectrique permettant d'anticiper sur davantage d'intermittence dans le système électrique et donc de le rendre plus robuste, tout en ayant une gestion plus durable de la ressource en eau. Pour cette raison, le basculement de l'ensemble du régime des concessions de tous les opérateurs vers le régime des autorisations nous semble souhaitable. En effet, dans ce dernier cas, chacun des opérateurs est en mesure d'investir indépendamment de la durée de l'autorisation. La plupart des pays européens bénéficient de cette faculté.

Naturellement, c'est une proposition d'EDF et il appartiendra au Gouvernement, au Parlement et aux autorités communautaires de prendre les décisions.

La quasi-régie constitue une solution alternative qui présente à nos yeux certains inconvénients. En effet, elle s'inscrit encore dans le régime des concessions, sans répondre aux problèmes que nous avons soulevés, et elle induit quelques considérations de gestion pour l'entreprise qui ne sont pas sans conséquences industrielles.

Monsieur Brun, je n'ai pas connaissance de la note que vous avez évoquée, qui est interne au ministère des finances. Elle doit faire référence à des négociations antérieures à ma nomination. À ce stade, nous privilégions une approche permettant à EDF de développer son projet industriel en demeurant raisonnablement dans les règles de marché européennes. Ceci limite par nature toute forme de discussion avec la Commission européenne sur des contreparties. Le jour où nous solliciterons une nouvelle forme d'aide d'État pour le financement du nouveau nucléaire, cette dernière devra être négociée avec la Commission européenne. Le faire sur un investissement nouveau comme le sont la totalité des investissements européens en matière d'énergie ne différenciera pas EDF de ses concurrents.

Il n'y a pas de nouvelles particulières sur les turbines Arabelle. Nous sommes dans l'attente des autorisations des différentes juridictions qui doivent se prononcer sur ce projet.

Monsieur Amiel, tous les éléments que vous avez cités participent des principes qui doivent guider la formation de contrats de long terme. C'est le cas dans toute forme de fourniture commerciale, notamment quand on parle de commodités. Le fait d'avoir cette approche commerciale avec différents types de clientèle permet également de faire exprimer par chacun ce qu'il souhaite exactement. Un industriel de l'aluminium ne demande pas les mêmes caractéristiques d'électricité, d'interruptibilité et de flexibilité qu'un industriel de l'acier ou du ciment. La flexibilité fait intrinsèquement partie d'une approche contractuelle et bénéficie évidemment aux clients et aux producteurs, et par conséquent au système électrique.

Madame Duby-Muller, nous nous intéressons aux différentes formes d'initiatives qui touchent les différentes technologies de l'énergie. Notre mission consiste en effet à produire aujourd'hui et à long terme la meilleure énergie décarbonée pour notre pays. Nous regardons avec des partenaires et des start-up les projets qui peuvent faire émerger ces technologies alternatives. Ensuite, nous intégrons le retour d'expérience des réacteurs que nous avons construits en Finlande et je suis très heureux de pouvoir vous dire que les réacteurs d'Olkiluoto ont été transférés à l'opérateur et lui donnent satisfaction.

Monsieur Rolland, puisque nous entrons dans une phase d'investissement très significative, le terme de « rente nucléaire » qui fait référence au passé ne me semble pas adapté. Nous devons trouver un consensus national sur la formation des prix futurs, mais il doit intégrer l'ensemble de l'économie du nucléaire, y compris l'investissement dans le nouveau nucléaire.

S'agissant des barrages, j'espère avoir répondu. Il y a évidemment du potentiel nouveau en ce domaine, y compris en Savoie.

Madame Dalloz, nous intégrons les évolutions de la demande et notre propre analyse est assez convergente avec celle de RTE. Elle intègre également une évolution qui doit toujours tendre vers l'efficacité énergétique. Nous considérons en effet que le potentiel d'efficacité énergétique n'est pas à son plein rendement aujourd'hui. Nous pensons qu'il doit pouvoir s'exprimer davantage dans les années à venir pour contribuer à l'équilibre offre-demande.

Nous avons des projets pour augmenter la capacité de pompage à Vouglans, avec l'installation d'un nouvel équipement à Saut-Mortier. Ce projet permet de refroidir le Rhône l'été, de soutenir l'étiage, d'avoir une capacité de stockage hydroélectrique et de retenir l'eau en amont.

En matière de compensation par l'agence de l'eau, selon moi, il n'y a pas de compensation électrique.

Monsieur Sitzenstuhl, nous avançons sur le projet de technocentre à Fessenheim, qui est un projet industriel majeur pour EDF et pour le pays. La première application aura lieu à Fessenheim mais permettra de nous doter de compétences durables pour créer une capacité industrielle que l'on nous enviera un jour.

Quand nous démontons à présent des turbines qui ont été installées en 1950, cela démontre que nos anciens ont effectué un travail remarquable. La technologie et la robustesse des mécanismes sont de très haut niveau. La technique hydroélectrique, qui fournit en l'occurrence plus d'une dizaine de térawattheures par an sur la base d'une installation qui a soixante-dix ans, mérite d'être entretenue et développée. Barrage par barrage, nous effectuons donc les premières grandes visites. L'état des machines démontées est vraiment remarquable. Cela nous inspire.

S'agissant de Taishan, nous sommes coactionnaires avec CGN (China General Nuclear Power Group) et il n'y a donc pas de prise en charge particulière par EDF. Mais nous sommes également partenaire industriel à travers Framatome et nous travaillons donc avec eux dans l'ensemble de l'exploitation des sites de Taishan.

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EDF soutient-il la trajectoire de l'augmentation des prix de l'électricité ?

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Luc Rémont, président-directeur général d'Électricité de France

Qu'on le veuille ou non, EDF ne fixe pas les tarifs de l'électricité. EDF fournit des éléments à la Commission de régulation de l'électricité et à l'État, qui prennent des décisions sur les tarifs. Les sous-jacents de ces tarifs sont associés à un empilement d'éléments publics. Les derniers éléments fournis concernent l'année 2023, mais nous n'avons pas de vue particulière sur long terme.

Pour répondre à Monsieur Laisney, au Japon, nous avons un partenariat de longue date et Mitsubishi est actionnaire de Framatome. Il ne s'agit pas tant d'une maîtrise des coûts mais de la maîtrise de la supply chain. Nous travaillons avec l'ensemble de nos sous-traitants français et étrangers pour faire en sorte que, dans quinze à vingt ans, nous puissions nous assurer de la disponibilité des pièces en temps et en heure pour nos programmes. Cela fait l'objet d'une grande vigilance. Ces partenariats sont stables et fiables dans le long terme et nous comptons continuer à les développer.

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 19 juillet 2023 à 13 h 30

Commission des affaires économiques

Présents. – M. Xavier Albertini, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thibault Bazin, Mme Maud Bregeon, M. Julien Dive, Mme Virginie Duby-Muller, M. Éric Girardin, Mme Géraldine Grangier, M. Guillaume Kasbarian, Mme Sandra Marsaud, M. Vincent Rolland

Excusés. – M. André Chassaigne, M. Perceval Gaillard, M. Johnny Hajjar, M. Bastien Marchive, M. Max Mathiasin, M. Philippe Naillet, M. Jiovanny William

Assistaient également à la réunion. - M. Sébastien Jumel, M. Maxime Laisney

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Présents. – M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Karim Ben Cheikh, M. Fabrice Brun, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Dominique Da Silva, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Fabien Di Filippo, Mme Marina Ferrari, M. Luc Geismar, M. Victor Habert-Dassault, M. Emmanuel Lacresse, M. Marc Le Fur, M. Pascal Lecamp, Mme Véronique Louwagie, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy

Excusés. – M. Christian Baptiste, M. Manuel Bompard, Mme Émilie Bonnivard, M. Mickaël Bouloux, M. Jean-René Cazeneuve, Mme Stella Dupont, M. Joël Giraud, M. Tematai Le Gayic

Assistaient également à la réunion. – M. Sébastien Jumel, M. Maxime Laisney