La commission entend Mme Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions.
Mes chers collègues, nous avons le plaisir de recevoir ce matin Mme Delphine Ernotte, présidente-directrice générale de France Télévisions. Nous accueillons également une délégation de députés nigériens, membres de la commission des finances et du budget, conduite par M. Maman Laouali Zabaye Moussa, rapporteur général, qui assistent à nos travaux ce matin. Je leur souhaite la bienvenue en votre nom à tous.
Cette audition a été précédée d'un rebndez-vous avec Mme Ernotte lors du Festival de Cannes, où nous avions évoqué l'avenir de l'audiovisuel public et ses impacts en termes budgétaires et financiers. Cet avenir fait l'objet d'une importante actualité parlementaire avec le rapport d'information sur l'avenir de l'audiovisuel public publié par la commission des affaires culturelles et de l'éducation. De fait, des incertitudes existent quant au financement de l'audiovisuel public par une fraction de TVA et le maintien du compte de concours financier.
Par ailleurs, la manière dont les sociétés de l'audiovisuel public fonctionnent intéresse tout particulièrement notre commission. J'en veux pour preuve que les contrats d'objectifs et de moyens, de même que les avenants à ces contrats, doivent être transmis à la commission des finances, et pas uniquement à la commission des affaires culturelles. La construction de ces contrats et leur exécution représentent des sujets de préoccupation pour notre commission. Mme Ernotte, c'est donc avec beaucoup d'intérêt que nous allons maintenant vous écouter.
Je suis très heureuse de cet échange avec votre commission. J'espère que ce sera l'occasion de répondre à toutes vos questions sur France Télévisions.
Nous avons la chance en France d'avoir un audiovisuel public qui se porte bien. Nous sommes un service public – et j'englobe Radio France, Français Médias Monde, l'INA, Arte – dont le niveau de confiance, d'attachement et de lien quotidien avec les Français est extrêmement élevé. Pour vous donner un ordre d'idée, chaque jour un Français sur deux regarde l'un de nos programmes ; ils sont huit sur dix chaque semaine. France Télévisions est aujourd'hui le premier groupe média en France et nos audiences sont en forte progression ces dernières années. Cependant, notre secteur fait face à de multiples défis.
Notre tout premier défi est celui de la révolution de l'information. France Télévisions est aujourd'hui la première source d'information des Français. Chaque jour, un Français sur trois s'informe sur nos antennes. Nous sommes l'offre d'information télévisée à laquelle les Français accordent la plus grande confiance. Cette confiance s'explique par la richesse et la diversité de notre offre. Les actualités au sens large ont un poids majeur : c'est environ un tiers de notre offre et plus de 40 % de nos dépenses. J'explique aussi cette confiance par la place que nous accordons à l'expertise, au débat, à la lutte contre les fausses informations, à l'actualité européenne et internationale.
Cette offre d'information se heurte cependant à une forme de dérèglement médiatique en France. D'abord, l'actualité s'accélère à un rythme élevé, de même que les crises sanitaires, géopolitiques et climatiques. Elles génèrent une certaine anxiété chez les gens, qui ont tendance à se replier sur eux-mêmes et à se détourner des sources traditionnelles d'information.
En outre, la désinformation progresse également. Une fausse information circule six fois plus vite qu'une vraie sur les réseaux sociaux. En outre, l'intelligence artificielle (IA) générative entraîne aussi une forme d'industrialisation des informations. Nous n'en sommes qu'à ses balbutiements, mais il est déjà possible de reproduire intégralement la réalité grâce à cette technologie.
Par ailleurs, les ingérences étrangères progressent. En tant que présidente de l'Union européenne de radio-télévision, j'ai eu l'occasion de me rendre à Kiev en avril dernier pour soutenir nos collègues ukrainiens. En discutant avec les autorités sur place, je me suis rendu compte à quel point, dans un pays en guerre, l'information et sa maîtrise étaient un sujet prioritaire. Ces dérèglements posent des questions fondamentales, en termes de maîtrise de notre espace informationnel et de notre souveraineté, alors que les réseaux sociaux sont détenus par des acteurs américains ou chinois. Cette organisation des réseaux sociaux est évolutive et ne cesse de poser des questions.
Dans ce paysage, le service public est une réponse et une boussole. Parmi ces réponses, nous défendons notamment une information ancrée à la hauteur des gens et des territoires. France Télévisions dispose notamment de vingt-quatre antennes régionales dans l'Hexagone et de neuf antennes ultramarines. Nos 130 implantations en dehors de Paris regroupent ainsi 50 % de nos effectifs. Ces dernières années, nous avons fortement accéléré la décentralisation de notre offre d'information et de programmes, notamment en travaillant avec les équipes de Radio France, et particulièrement celles de France Bleu.
À la rentrée, nous franchirons une nouvelle étape pour notre groupe, puisque les éditions d'information de 12 heures et 19 heures sur France 3 seront désormais 100 % locales. Elles seront totalement incarnées et pensées depuis nos vingt-quatre antennes régionales à partir du 4 septembre. Ce mouvement répond à une attente forte du public : les gens s'attendent de plus en plus à ce que service public restitue ce qui se passe à côté de chez eux, notamment ce qui s'y passe de positif, comme les dynamiques des territoires et des tissus associatifs ou le rôle des maires dans chacune de leurs communes.
Le second pilier de notre offre concerne l'exposition de la création sous toutes ses formes et sur tous nos supports. J'ajouterais également l'exposition du sport, qui constitue un vecteur de rassemblement des gens, quelles que soient leurs origines ou leurs catégories socioprofessionnelles. Dans cette mission, nous faisons là aussi face à un grand défi en matière de droits sportifs. Roland Garros, qui était diffusé gratuitement en intégralité sur le service public est devenu partiellement payant avec la diffusion des matchs du soir sur Amazon. Nous observons ainsi une forme de privatisation des droits sportifs.
Cette offensive pose la question de la défense de notre souveraineté culturelle française et européenne. Depuis cent-cinquante ans, les États-Unis ont compris que le soft power culturel était en réalité du soft power économique. Je rappelle que dans le cadre du plan Marshall, 50 % des films en salle devaient être américains. De fait, le pouvoir d'influence exercé par les fictions et les films sur l'imaginaire est indéniable. En la matière, j'insiste sur la place des industries culturelles et créatives dans nos économies européennes. Elles représentent ainsi 5 % du PIB européen et sont l'un des secteurs à être fortement excédentaires en termes de balance commerciale.
Dans cette industrie, France Télévisions est un pilier. Nous jouons un rôle de stabilisateur pour toute la filière, soit 50 % des investissements dans la création audiovisuelle et cinématographique. France Télévisions est de loin le premier investisseur dans les séries françaises, le documentaire, l'animation, le cinéma parmi les chaînes en clair. Cette industrie est difficile à valoriser : elle n'a pas d'usines. Mais par notre activité, nous avons calculé que nous générions plus de 60 000 emplois ETP sur tous les territoires.
Au-delà du financement de la création, France Télévisions est le seul groupe média à créer l'événement autour de la culture, notamment le spectacle vivant. À titre d'illustration, rien que cet été, nous capterons une vingtaine de festivals, des Chorégies d'Orange à Rock en Seine en passant par We love Green ou les Rencontres interceltiques de Lorient. Je rappelle que chaque année, 50 % de la population ne se rend pas au cinéma, ce taux étant encore plus faible pour un concert ou une représentation de théâtre. Sur France Télévisions, 7 millions de Français regardent un film de cinéma chaque semaine. Chaque mois, 10 millions regardent une pièce de théâtre, un concert de hip hop ou un opéra sur l'une de nos chaînes, notamment Culturebox. Nous créons donc une forme de continuité territoriale et culturelle. Je pense notamment aux ménages les plus modestes ou les plus éloignés des lieux de culture. Le service public est parfois leur seule fenêtre gratuite sur la création artistique, culturelle et cinématographique. Je rappelle que 20 % des ménages nous reçoivent sur la TNT.
Après le défi de la souveraineté culturelle et économique, notre deuxième défi est technologique. Et il est immense. Certes, la puissance instantanée de la télévision reste incomparable. À 21 heures, 27 millions de Français sont devant une chaîne de télévision en direct, sur la TNT ; 4,5 millions regardent une plateforme, soit environ 3 000 programmes. Simultanément, 4,2 millions de personnes sont sur un réseau social ou une plateforme de partage de contenus (YouTube). Cependant, chez les 15-25 ans, il y a autant de jeunes qui regardent la télévision que de jeunes sur un réseau social ou une plateforme de partage de contenus, à 21 heures. La question consiste à savoir si ces 15-25 suivront le même chemin que les 35 ans, qui sont aujourd'hui majoritairement devant la télévision.
Nous avons doublé nos investissements numériques ces cinq dernières années, en nous concentrant sur deux grandes plateformes: france.tv pour les programmes et francetvinfo.fr pour l'information. Les résultats sont là : francetvinfo.fr, en partage avec Radio France, France Media Monde et l'INA, est le premier site d'information en France et france.tv est la plateforme de streaming qui progresse le plus vite. Elle touche 25 millions de visiteurs uniques chaque mois, quand ils n'étaient que 15 millions il y a trois ans à peine.
Nous devons poursuivre cette trajectoire, ce qui nécessite des investissements importants, en particulier à la lumière des dépenses engagées par les grandes plateformes étrangères. De fait, la révolution numérique ne cesse de s'accélérer, notamment avec l'IA générative. Nous devons nous hisser aux meilleurs standards de marché en matière d'infrastructures technologiques, de maîtrise et d'exploitation de la donnée, de personnalisation des contenus, de présence sur tous les environnements connectés. Aujourd'hui, il y a autant d'environnements technologiques qu'il y a d'opérateurs de téléphonie, de constructeurs de téléviseurs ou d' operating systems. Les investissements sont différents car les demandes de ces interfaces ne sont pas les mêmes.
Ensuite, il convient de nous attarder sur les perspectives économiques de l'audiovisuel public. Tout d'abord, le mode de financement est la première garantie d'indépendance de l'audiovisuel public. Elle est d'ailleurs garantie par la constitution, comme l'a souligné le Conseil constitutionnel dans sa décision du 3 mars 2009. Parmi les gages d'indépendance, le financement est un pilier qui peut être garanti si trois conditions sont remplies.
La première concerne la garantie de nos ressources, à travers une prévisibilité et un mode de financement pérenne. Vous savez que la redevance a été supprimée par la loi de finances 2023. Un compromis a finalement été trouvé pour prévoir l'affectation d'une fraction de TVA à l'audiovisuel public, qui nous semble être une meilleure solution que la budgétisation pure et simple. Son principal avantage est ainsi d'empêcher toute forme de régulation budgétaire infra-annuelle.
Nous l'avons connue encore récemment : une dotation budgétaire avait été décidée par le gouvernement du président Sarkozy pour compenser la suppression de la publicité après 20 heures. Elle était d'un peu plus de 400 millions d'euros, mais cette compensation s'est arrêtée. Surtout, un gel de crédits s'appliquait sur cette dotation tous les ans. Le dégel avait lieu fin décembre : ce n'était donc pas un gel mais une coupe budgétaire. Or il est très difficile pour une entreprise de ne pas savoir sur quelles ressources elle peut compter. À condition qu'il puisse être pérennisé, le dispositif trouvé l'année dernière nous semble être un bon compromis, intermédiaire entre une taxe affectée et une budgétisation pure et simple.
La deuxième condition porte sur le niveau des ressources. Lors du dernier plan stratégique, nous avons dû réaliser de fortes économies, que nous avions acceptées et qui ont été menées intégralement. Je remercie à cet égard les députés Jean-JacquesGautier et Quentin Bataillon de l'avoir souligné dans leur rapport. Notre dernier plan stratégique prévoyait une baisse de crédits de 160 millions d'euros entre 2018 et 2022, tout en augmentant nos investissements dans le numérique et la création. Nous avons, en outre, dû absorber les effets de l'inflation et la hausse naturelle de nos charges.
À périmètre et mission constants, ce fut donc un effort d'économie considérable, de l'ordre de 400 millions d'euros. Nous avons diminué les effectifs de 1 000 ETP en cinq ans, soit une baisse de 10 % de nos effectifs. Rapporté à nos effectifs, je ne connais pas d'entreprises publiques qui ont réalisé un tel effort. Nous avons diminué nos dépenses de programmes également, de 15 % en cinq ans en réduisant fortement les coûts et en renégociant d'arrache-pied les contrats avec les producteurs. Au global, en euros constants, France Télévisions « coûte » 500 millions d'euros de moins à la collectivité qu'en 2010 comme cela a été confirmé par l'Inspection générale des finances.
Mais simultanément, nous devons continuer à investir, à la fois dans les moyens financiers et les moyens humains. Nous allons par exemple fabriquer des formats d'information directement pour YouTube à destination des adolescents et des jeunes adultes. Nous devons également travailler sur les futures versions de france.tv et France info. Grâce à nos investissements dans l'IA, France Info sera la première chaîne d'informations entièrement sous-titrée la fin de l'année, afin que les personnes malentendantes puissent accéder à l'information en continu. L'IA nous permet aussi de traduire de manière quasi simultanée en langue russe et ukrainienne de nombreux sujets d'information pour France 24.
Aujourd'hui, nous ne pouvons pas, à périmètre constant, absorber l'inflation, malgré les efforts déjà accomplis, comme cela est demandé à l'ensemble des opérateurs publics. Nous n'arrivons déjà pas à absorber l'inflation en 2023 en raisons des surcoûts lié au prix de l'électricité, des transports et les augmentations salariales, France Télévisions ne demande pas de moyens supplémentaires pour financer sa structure, mais pour financer les investissements technologiques et les programmes pour la jeunesse, qui constituent notre deuxième priorité. Nous devons en effet être plus présents sur les réseaux sociaux et sur des programmes spécifiques pour les jeunes publics.
Les programmes ne sont pas les mêmes pour les jeunes de 15 à 25 ans que pour leurs aînés. Certains programmes sont par exemple extrêmement populaires chez nos jeunes publics mais sont inconnus de leurs parents, et réciproquement. Nous allons par exemple tourner une fiction quotidienne qui se déroule dans un lycée agricole en Bretagne, qui sera extrêmement suivie par les collégiens et les lycéens. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de développer des fictions, des documentaires, des formats, dans la continuité de ce que nous faisons aujourd'hui.
Voici en quelques mots un très général panorama de France Télévisions et de notre secteur. Je suis à présent disponible pour vos questions.
Un podcast sur France Inter du 25 mai 2023 alertait sur la concentration des médias : onze milliardaires détiennent aujourd'hui 80 % de la presse quotidienne régionale, 60 % des parts d'audience de la télévision et 50 % de l'audience radio. Cette concentration ne peut que nourrir des inquiétudes et je rappelle qu'il s'agissait déjà d'une des préoccupations importantes du Conseil national de la résistance en 1945.
Le service public doit être la garantie de l'indépendance des journalistes et du pluralisme des opinions. Personne d'autre que le service public ne peut assurer aussi bien l'émancipation, l'élévation intellectuelle et l'éducation de nos concitoyens. C'est la raison pour laquelle je tiens à ce que vous ayez les moyens budgétaires d'assurer vos missions.
Une réforme intervenue il y a maintenant près d'un an a consacré la fin de la redevance. J'y étais opposé car elle me semblait faire rentrer les budgets de France Télévisions dans une insécurisation au gré des majorités politiques. Je partage votre souhait que son financement ne soit pas budgétisé. J'ai compris vos propos : la TVA fléchée pouvait être une solution à partir du moment où elle était liée à la garantie des ressources et à la prévisibilité. Pouvez-vous évoquer ce qui s'est passé concrètement depuis la fin de la redevance, en termes de versements ?
Ensuite, vous aviez souligné à l'automne dernier devant la commission des affaires culturelles être devant une impasse financière de plus de 40 millions d'euros pour votre budget 2023. Comment avez-vous fait pour boucler votre budget et quels sont les postes de dépenses que vous avez dû sacrifier ? Si les budgets devaient continuer de baisser à France Télévisions, la situation serait-elle tenable ? Quel est le budget nécessaire à France Télévisions pour les prochaines années ? Certains de vos concurrents privés ont attaqué les moyens publicitaires et de parrainage de France Télévisions. Cela vous inquiète-t-il ?
Enfin, vous avez rappelé la nécessité d'investir beaucoup plus fortement dans le domaine du numérique (analyse des données, amélioration de la plateforme france.tv), mais aussi pour attirer les jeunes, maintenir le niveau d'ambition en matière de création audiovisuelle et cinématographique et développer des programmes de qualité alors que le budget dédié aux programmes nationaux a fortement baissé depuis dix ans. Quel sera le coût de cette ambition ?
Je vous remercie pour cette présentation et vous félicite, ainsi que vos équipes pour le travail accompli depuis de longues années.
Le rapport Gautier-Bataillon a le mérite d'aborder de nombreux sujets et sera important pour les futures discussions budgétaires. Il y est notamment question de l'attribution d'une fraction de la taxe sur les services numériques, de la suppression de la publicité, d'un prélèvement sur recettes pour Arte et d'une holding sur l'audiovisuel. Quel est votre avis sur ces sujets ?
Ensuite, je suis assez circonspect sur le sujet central des modalités budgétaires du financement de l'audiovisuel public. Sur la forme, en 2021, c'est-à-dire très récemment, nous avons voté à une très large majorité une modification de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Nous avons programmé un resserrement des conditions permettant à un tiers de bénéficier de taxes affectées, qui constituent une dérogation au droit commun budgétaire, en maintenant toutefois le régime précédent en faveur des collectivités territoriales et des organismes de la Sécurité sociale. Si nous devions y revenir pour l'audiovisuel, cela créerait un précédent. En outre, d'une certaine manière, une taxe affectée ne permet pas un suivi aussi précis de l'usage des crédits que celui qui peut être fait dans le cadre de notre travail d'examen des missions budgétaires.
Sur le fond, historiquement, l'Assemblée nationale votait chaque année le montant de la redevance, mais également les crédits du compte de concours financiers ce qui créait une incertitude. Or ce pilotage annuel par le Parlement est effectivement ingérable pour une entreprise.
Je vous rejoins sur la nécessité de donner de la visibilité et de faire en sorte que les budgets soient à la hauteur des défis que vous avez parfaitement décrits. En revanche, je ne suis pas certain que tel ou tel mode de financement modifie fondamentalement la visibilité que l'on vous donne sur le sujet. Chacun sait que si un montant de TVA vous a été alloué, il peut être changé chaque année. Je ne voudrais pas que l'on se paye de mots en la matière en mettant en place une simple apparence d'indépendance financière. Je ne suis pas certain que la modification de la LOLF soit le bon choix pour vous garantir, ce que je souhaite, le bon niveau de crédits.
Enfin, pouvez-vous nous dire où vous en êtes de vos négociations sur les contrats d'objectifs et de moyens avec l'État ? À quelle échéance pensez-vous aboutir ? Quels sont les principaux enjeux éditoriaux de cette négociation ? Quel sont les coûts des Jeux olympiques et du Festival de Cannes ?
Il est vrai que le système de la redevance permettait d'en modifier son montant. Cependant, il existait un principe, celui d'une ressource affectée aux missions de l'audiovisuel public et indexée sur l'inflation. Une modification législative était nécessaire pour déroger à ce principe. À l'inverse, il est tout à fait différent de discuter d'un budget sur une mission budgétaire en partant de rien. La vraie question est, selon nous, la suivante : quel principe de financement régit l'audiovisuel public ?
Avons-nous suffisamment de moyens ? Tout repose sur l'adéquation entre nos missions et notre budget. Il est légitime que l'Assemblée nationale discute de ces deux sujets. Mais une fois que vous avez dit que l'on a besoin des neuf stations ultramarines, des équipes en région et de l'augmentation des investissements en création, une partie de la structure de coûts est figée. Il faut donc ensuite être en cohérence avec les moyens qui sont attribués. Compte tenu des missions qui nous sont données, il importe de mettre les moyens en face, au risque de mettre l'entreprise en difficulté. Nous ne pouvons pas continuer à faire croître les territoires et la création avec des budgets toujours en diminution.
Ensuite, nous avons déjà vécu la suppression de la publicité après 20 heures en 2009, qui représentait une manne financière importante. Dans les entreprises privées, il ne reste pas grand-chose de ce chiffre d'affaires qui allait précédemment au service public. Je tiens d'ailleurs ce propos de Nonce Paolini, patron de TF1. Les raisons sont diverses : l'existence d'une guerre tarifaire, le fait que les tarifs de la publicité en France soient les plus bas en Europe. Comme on l'a vu il y a plus de dix ans, cette manne publicitaire ne va pas aller sur les autres supports de télévision, mais sur les plateformes numériques. Avons-nous envie d'enrichir les GAFA, qui se portent déjà très bien ?
Avons-nous les moyens de supprimer une ressource qui est volontairement donnée par les entreprises au service public pour fonctionner ? Je n'en suis pas persuadée. On regarde toujours la publicité comme quelque chose de négatif. Mais la publicité soutient l'économie et la publicité télévisée, qui est clairement signalée, est souvent d'assez belle qualité. L'année prochaine, de grandes entreprises françaises dépenseront des sommes colossales pour être partenaires des Jeux olympiques. Il est bien qu'elles puissent le dire à la télévision et avoir un minimum de retour sur investissement sur ces montants conséquents investis pour être des partenaires premium.
Je comprends que la situation des chaînes privées soit difficile. Ailleurs en Europe, ce sont souvent les services publics qui sont les piliers de ce pluralisme, d'une garantie d'une équité de traitement et d'une forme d'accessibilité à une information qui n'est pas manipulée. Certains de nos voisins ont d'ailleurs choisi d'augmenter les investissements dans les services publics, qui sont les piliers de la création et de l'information.
S'agissant de la budgétisation, nous avons constaté que là où l'audiovisuel a été budgétisé en Europe, ses crédits ont diminué de manière saisissante. C'est le cas en Espagne et au Danemark, qui ont vu les budgets de l'audiovisuel public baisser de 25 %. La question est donc la suivante : budgétise-t-on pour discrètement diminuer les budgets, in fine ? Les exemples européens nous incitent à une forme de réalisme. Je ne fais pas de procès d'intention, mais il faut que nous notre système soit assez robuste. La redevance ne protège peut-être pas plus, mais il me semble essentiel qu'une discussion se déroule à chaque fois à l'Assemblée nationale lorsqu'il est question de l'audiovisuel public. Les représentants de la Nation doivent toujours être impliqués pour une juste dotation à l'audiovisuel public.
Par ailleurs, je ne m'oppose pas à travailler avec les partenaires de l'audiovisuel public. De fait, nous nous y employons déjà avec Sibyle Veil de Radio France, par exemple à travers France Info ou les matinales communes sur France 3. Il en va de même avec Laurent Vallet de l'INA, avec lequel nous avons mis en place des projets de coopération. Je suis favorable à la concentration de nos investissements sur le numérique, à chaque fois que cela est possible. Nous le faisons déjà sur le numérique en région.
Je suis en revanche réservée quant à la nécessité d'aller plus loin sur la holding. En effet, les ruptures technologiques sont en train de s'accélérer. Je suis convaincue que l'intelligence artificielle va bouleverser de nombreux métiers en France, et notamment dans l'audiovisuel public. Je préfère que nous nous concentrions sur ces éléments aujourd'hui et lors des deux prochaines années, plutôt que de nous demander qui sera le directeur financier de l'ensemble. L'accélération de la technologie est incroyable. Aujourd'hui, on peut créer en deux minutes une séquence vidéo ex nihilo, sans que l'on ne puisse discerner s'il s'agit d'un reportage d'un journaliste ou qu'un produit généré par l'IA. La rupture pour l'information et la création sera immense. Nous devons nous approprier ces technologies et construire un code éthique. Ces sujets constituent ma principale source de préoccupation à l'heure actuelle. De même, nous nous interrogeons pour savoir comment mieux travailler nos propositions de fiction et de documentaires pour les jeunes publics entre 15 et 25 ans. De fait, les urgences absolues portent sur la jeunesse et la technologie. D'une certaine manière, il s'agit d'un choix de priorités.
France Télévisions dispose des droits des Jeux olympiques jusqu'en 2032, au même titre que tous les services publics européens. Il y a eu un surcroît de coûts pour les Jeux olympiques 2024 à Paris, mais il n'est pas exorbitant et il devrait être largement compensé l'année même des Jeux olympiques : les coûts des Jeux olympiques s'amortissent en quatre ans. De manière générale, les années de Jeux olympiques produisent des audiences et un chiffre d'affaires publicitaire plus élevés.
Le Festival de Cannes constitue un investissement télévisuel occasionnant des coûts supplémentaires, puisque nous délocalisions des émissions. Nous avions ainsi trois quotidiennes sur place cette année. Il s'agit aussi d'un investissement dans le cinéma. Nous avons acquis des films pour proposer une programmation et une éditorialisation particulières sur France.tv. Nous avons également diffusé un film chaque soir sur Culturebox. Je suis assez satisfaite de voir que la situation a changé : il y a quelques années, les gens commençaient à se détourner du cinéma à la télévision. Désormais, nous constatons un regain d'attrait sur le cinéma, en salle comme à la télévision.
Le Festival de Cannes fournit pour nous une occasion de travailler la cinéphilie, de redonner le goût à certains classiques, de donner envie aux gens d'aller en salle. Si nous y parvenons, nous aurons fait notre travail. Cette année, nous avons touché un grand nombre de personnes et le Festival est très satisfait de l'exposition que nous lui offrons, alors qu'il est en concurrence avec d'autres festivals internationaux. J'ajoute qu'au-delà du Festival de Cannes, nous sommes partenaires des grandes institutions françaises : la Comédie française, l'Opéra de Paris ou les Chorégies d'Orange par exemple. Naturellement, nous rendons compte de l'ensemble de ces éléments à notre conseil d'administration.
À l'automne dernier, les députés de la majorité dans son ensemble n'ont pas hésité à réaffirmer leur attachement à l'audiovisuel public, en votant une hausse nette des dotations de 112 millions d'euros dans la loi de finances 2023, dont près de 51 millions pour France Télévisions. Cette hausse était nécessaire, tant les missions et défis qui incombent à France Télévisions sont nombreux.
France Télévisions doit ainsi produire une information de qualité, fiable, vérifiée et indépendante, à l'ère de la manipulation de l'information, des fake news et de la désinformation. Elle doit également proposer une offre culturelle et sportive de qualité, accessible à tous ; continuer à investir dans la production audiovisuelle et cinématographique, dans le numérique ; mais également se rapprocher de nos compatriotes, dans leurs territoires et leur vie quotidienne, pour porter leurs préoccupations et leurs projets.
France Télévisions a su montrer sa capacité d'adaptation et de résistance, avec des efforts de réduction des dépenses non négligeables ces dernières années. Nous sommes attachés à offrir une visibilité pluriannuelle à France Télévisions, des garanties d'indépendance et des moyens à la hauteur des missions qui vous seront précisées. J'espère ainsi que nous en saurons bientôt, dans les nouveaux contrats d'objectifs et de moyens.
La loi de finances rectificative de l'été 2022 avait proposé un mode de financement transitoire. Nous devons donc enrichir le débat, pour savoir comment passer ce cap et nous diriger vers un mode de financement stable et pérenne. Le débat est désormais lancé au sein de la commission des finances et des différents groupes parlementaires. Nous resterons attachés à ce que les conditions d'indépendance, de prévisibilité et de stabilité soient pleinement intégrées à nos réflexions.
Le coût annuel de l'audiovisuel public est de 3,8 milliards d'euros pour l'État et donc pour les Français. Certes, la suppression de la redevance audiovisuelle rend celui-ci faussement indolore pour le contribuable. Mais malgré ce tour de passe-passe politicien, la charge reste la même pour nos compatriotes. Chaque année, ces milliards, qui pourraient servir à tant d'autres choses, continuent d'alimenter cet audiovisuel public gavé de subventions.
Ainsi que Marine Le Pen l'avait défendu lors de l'élection présidentielle, nous réaffirmons notre volonté de privatiser la majeure partie de l'audiovisuel public, tout en conservant certaines de ses composantes comme l'INA, Arte France ou TV5 Monde. Dans une démocratie mature comme la nôtre, il n'est plus nécessaire que l'État détienne autant de médias. Alors que certains donneurs de leçons n'hésitent pas à faire pression dès que la ligne éditoriale d'un média leur déplaît, c'est-à-dire lorsqu'elle s'éloigne de la doxa au mieux bien-pensante, au pire gauchisante, nous joignons les actes à la parole, en considérant que l'audiovisuel doit être libre.
Si certains dénoncent assez hypocritement un phénomène de concentration des médias, c'est pour mieux masquer leur véritable inquiétude, c'est-à-dire la fin d'une hyper-concentration idéologique de gauche bien-pensante. Nous sommes attachés à la liberté de la presse et nous n'aurions rien à redire si vous dirigiez un média privé d'opinion. Or le statut public de France Télévisions devrait vous astreindre à une stricte neutralité dans les décisions que vous prenez, ce qui n'est manifestement pas le cas.
Bien qu'il s'agisse d'une audition de la commission des finances, je souhaite vous interroger sur des sujets essentiels à mes yeux. Le premier concerne le traitement de l'information. Le mois de juin a été marqué par le naufrage d'une embarcation avec à son bord plusieurs centaines de personnes, qui tentaient de rallier l'Italie, et de l'autre côté un sous-marin, le « Titan » avec à son bord cinq personnes, qui aurait implosé à proximité du Titanic.
Le traitement de ces deux informations dans le journal de 20 heures de France 2 est, je le crois, éloquent : dix minutes consacrées au naufrage du bateau au large de la Grèce, lors de quatre journaux télévisés (JT). Or il s'agit ici de plusieurs centaines de morts potentiels et de la plus grande catastrophe survenue de ces dix dernières années en mer Méditerranée.
En revanche, plus de quatorze minutes, étalées sur quatre JT, ont été consacrées au naufrage d'un submersible, avec à son bord cinq personnes qui ont déboursé des sommes exorbitantes pour réaliser du tourisme sous-marin. Ne pensez-vous pas qu'il y a un problème dans le traitement accordé à ces deux évènements ?
Deuxièmement, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a rendu un rapport au Parlement l'année dernière dans lequel elle pointe du doigt « une représentation marginale du handicap » ; une représentation des personnes perçues comme non-blanches « plus importante dans les rôles à connotations négatives ».
La télévision renvoie également une image biaisée de la population, les catégories socioprofessionnelles supérieures (CSP+) sont très largement surreprésentées : 75 % parmi les personnes apparaissant à la télévision, alors qu'elles ne représentent que 28 % de la population. La situation est encore plus dégradée dans les programmes d'informations, où elles représentent neuf personnes sur dix. Moi qui suis moi-même employé, je dois avouer que je ne vois pas souvent à la télévision des gens qui me ressemblent. Cela me semble tout sauf anodin.
Ces éléments font écho à la manière dont sont traités les sujets : on préfère interroger des « pseudos-experts » plutôt que de donner la parole aux personnes concernées. Je pense ici aux débats récurrents sur le port du voile ou encore sur les jeunes de banlieue, comme on l'a encore vu très récemment à la suite de la mort de Nahel. Tout le monde peut donner son avis, sauf les personnes directement concernées. En tant que présidente de France Télévisions êtes-vous sensibles à ces sujets et quelles mesures entendez-vous prendre pour remédier à la situation ?
Nous avons bien compris que vous avancez dans le brouillard d'un point de vue budgétaire. La redevance a été remplacée par une part de TVA au moins jusqu'en 2024. « Et après ? », serait-on tenté de dire. La question de votre mode de financement et de son niveau va se poser dans la perspective de votre contrat d'objectifs et de moyens 2024-2028. Redoutez-vous un scénario à l'espagnole ?
Ma deuxième question concerne les axes de mutualisation et de coopération entre France Télévisions, Radio France et France Médias Monde. Enfin, comment réagissez-vous quand certains traitent l'audiovisuel public de « nain » du numérique ?
En analysant les données de la Cour des comptes, nous constatons que le programme France Télévisions constitue une part significative des crédits de la mission Avances à l'audiovisuel public, atteignant 64 % pour l'année 2022. Cette prépondérance souligne l'importance du rôle de France Télévisions dans le paysage audiovisuel public.
Il est également essentiel de prendre en compte la baisse des dotations globales accordées à l'ensemble des entités de l'audiovisuel public. Ces contraintes budgétaires ont nécessité une gestion rigoureuse des ressources. La Cour des comptes recommande d'évaluer l'impact environnemental des dépenses de l'audiovisuel public dans le budget vert du PLF pour 2024. J'aimerais donc obtenir des éclaircissements sur les mesures concrètes que vous avez prises pour assurer une gestion efficiente des ressources allouées à France Télévisions, tout en tenant compte de leur impact environnemental. Comment réussirez-vous à maintenir la qualité et la diversité des programmes malgré les contraintes budgétaires ? Pouvez-vous partager avec nous des exemples concrets de décisions ou d'initiatives prises pour améliorer l'offre des programmes de France Télévisions malgré ces limitations budgétaires ?
Je suis préoccupé en outre par la situation de Salto. Malgré les efforts consentis, Salto risque de laisser un passif de près de 86 millions d'euros. Quelles actions avez-vous entreprises pour redresser la situation financière de Salto ? Enfin, quels sont les coûts et les bénéfices de la délocalisation des émissions lors du Festival de Cannes ?
J'aimerais saisir le moment de cette audition pour aborder un sujet qui nous a beaucoup mobilisés ces derniers mois : le financement de l'audiovisuel public à la suite de la suppression rapide et bancale de la contribution à l'audiovisuel public. Plus que jamais, il nous faut des médias publics forts, indépendants, accessibles à un large public, notamment les plus jeunes qui s'informent principalement par Internet avec son lot de dangers.
Par ailleurs, les Français s'informent de plus en plus sur les réseaux sociaux, où, nous le savons, s'opère une tendance à l'effacement des sources d'information et prospèrent les infox. Ainsi, 70 % des jeunes adhéreraient aux fake news et plus d'un tiers de la population française déclare croire aux théories du complot.
Notre audiovisuel public est une réponse à ces constats puisqu'il est garant d'une information de qualité, fiable, capable de contrebalancer la désinformation et de dépassionner des sujets majeurs pour l'avenir de notre pays. Il doit être non seulement soutenu mais renforcé. Ni la suppression de la contribution à l'audiovisuel public qui fragilise nos médias publics, ni la récente mission parlementaire sur le financement de l'audiovisuel public, n'ont eu la clairvoyance de considérer son indispensable rôle.
Il semble plus urgent de faire des économies en conservant la solution instable de la TVA, en supprimant la publicité sans ressources compensatoires fiables, ou en proposant de créer une holding. Mais une réforme instable est un luxe qui n'est pas permis au regard des enjeux actuels.
Comme vous l'aviez souligné au Sénat, Madame la Présidente, le budget de l'audiovisuel public est par ailleurs bien en deçà de celui de nos voisins européens : 3,8 milliards d'euros pour la France contre 5 milliards en Grande Bretagne et 7 en Allemagne. Pourtant, des structures comme France Télévisions remplissent un vrai rôle pour valoriser les productions françaises, diffuser des contenus documentaires et accompagner les enseignants dans l'éducation aux médias. Il s'agit là d'actions indispensables pour notre démocratie et la sincérité du traitement de l'information. Un financement approprié est garant de la pérennité de ces services et du maintien de l'audience qui en bénéficient.
En ces temps inquiétants de progression du journalisme d'opinion, de concentration de médias à des fins idéologiques, de nouvelles sources d'informations opaques sur les réseaux sociaux, il est très mal venu d'affaiblir notre audiovisuel public. La suppression de la contribution à l'audiovisuel public a engendré de légitimes inquiétudes pour son avenir, des dépenses nouvelles pour les structures comme celles liées à l'assujettissement à la taxe sur les salaires, une perte de visibilité financière, après 2024. Cette réforme a des incidences économiques. Quelles en sont les conséquences pour France Télévisions ? Plus largement, décelez-vous de nouvelles contraintes engendrées par les différentes décisions du gouvernement concernant l'audiovisuel public ?
Le mois dernier, la mission d'information sur l'avenir de l'audiovisuel public rendait son rapport devant la commission des affaires culturelles et de l'éducation. Il n'a échappé à personne que cela s'est fait dans un contexte particulier, puisque l'Association des chaînes privées avait interpellé la Première ministre sur ce qu'elle appelle la « concurrence déloyale » de l'audiovisuel public, nous avions d'ailleurs bien pris note de vos réponses à ce sujet. Évidemment, il est normal que chacun défende son institution. J'aimerais en savoir plus sur votre vision de l'audiovisuel public Qu'est-ce qui vous distingue des chaînes privées, d'une part, dans vos objectifs, et, d'autre part, dans votre fonctionnement, y compris dans votre financement ?
Je prends l'exemple de la BBC, qui officie outre-Manche depuis plus de cent ans, à laquelle John Reith a donné pour mission d'informer, d'éduquer et divertir. Aujourd'hui, l'audiovisuel public britannique est un véritable outil du soft power de la Couronne. Cette mission pourrait être attribuée à France Télévisions, plus qu'aux chaînes privées. Ma deuxième question est la suivante : pensez-vous être capables de la remplir, si oui, comment, et avec quels besoins ?
Le groupe écologiste souhaite réaffirmer son soutien au service public de l'audiovisuel, qui est indispensable pour notre démocratie. Il a été récemment fragilisé quand la redevance a été supprimée et je ne peux que m'inquiéter des propos du rapporteur général, notamment lorsqu'il évoque la LOLF. Ils confortent mon inquiétude quant au financement de l'audiovisuel public et, partant, son indépendance.
Mme la présidente, dans cette situation, vous demandez que l'on ne revienne pas sur le mode de financement. Pour ma part, j'estime comme vous qu'il est nécessaire d'investir massivement. Cependant, je constate l'existence d'un mouvement social à France Télévisions, en lien avec le projet Tempo. Pouvez-vous nous en dire plus ? Nous sommes nombreux à soutenir l'idée que France 3 et France Bleu travaillent ensemble pour accentuer leur présence sur le territoire et renforcer le lien avec les informations locales. Mais n'y a-t-il pas ici une volonté de faire baisser les coûts ? Nous sommes inquiets.
Le service public de l'audiovisuel est un patrimoine commun qui fonctionne. Nous nous plaçons en soutien de ce service public et avons combattu la baisse drastique que le gouvernement et la majorité lui ont fait subir, qui s'est traduite par une baisse des dotations de 6,3 % pour France Télévisions et de 3,3 % pour Radio France. C'est un immense gâchis car, dans le même temps, les performances de l'audiovisuel public étaient bonnes.
Nous avons déploré les conditions dans lesquelles il a été mis fin à la contribution de l'audiovisuel public, dans la précipitation. L'enjeu est de consolider les spécificités de l'audiovisuel public et nous ne pensons pas que la création d'une holding permettra de renforcer sa spécificité. Elle n'est pas utile et sera plutôt facteur de déstabilisation. J'ai bien entendu la nécessité d'investir face à l'arrivée de l'intelligence artificielle, du rôle des GAFA et des plateformes. Mais ne pensez-vous pas que la baisse de personnels posera problème si vous souhaitez être à la pointe, à l'heure où les milliardaires se disputent les médias privés ? Le gouvernement doit être présent pour soutenir l'audiovisuel public.
En Corse, les programmes, notamment en langue corse, font partie du quotidien et les audiences sont en hausse constante depuis plusieurs années. Le développement de la formation numérique en langue corse a d'ailleurs significativement élargi l'auditoire. Or la réforme de l'audiovisuel public en cours, qui contient notamment la fusion de différentes entités aux plans national et régional, inquiète les personnels.
Les emplois seront-ils conservés en Corse ? L'autonomie des deux entités télé et radio sera-t-elle garantie ? Pouvez-vous nous assurer que les programmes en langue corse ne seront pas impactés par cette réforme ?
Je souhaite rappeler l'importance de l'audiovisuel public, à une époque où 85 % des jeunes croient au moins à une théorie du complot. L'enjeu est à la fois démocratique, mais également de souveraineté culturelle et économique. Je rappelle en effet que l'audiovisuel public français est le premier financeur en matière de création, de fiction, de documentaire et d'animation.
Il n'est pas trop financé : nous sommes au quatorzième rang européen en euros par habitant ou en pourcentage du PIB. Par ailleurs, la question de la publicité sur les antennes du service public se pose. Selon moi, le poison, c'est la dose. Il n'y a pas de publicité sur la BBC, ni en Allemagne le soir, le dimanche et les jours fériés. Il n'y a pas non plus de publicité dans les pays scandinaves ou en Espagne. Il ne s'agit pas d'offrir des cadeaux aux chaînes privés mais d'avoir une certaine liberté éditoriale et une certaine spécificité éditoriale sur le service public. En France, il existe en outre une exception, avec six sociétés d'audiovisuel public.
Lors de notre mission d'information sur l'avenir de l'audiovisuel public, nous avons auditionné près de 200 personnes. Un quasi-consensus s'est dégagé en faveur du maintien de l'affectation d'une part de TVA pour les sociétés de l'audiovisuel public, mais aussi pour les acteurs de la création au sens large. Il existe une double crainte sur la budgétisation : d'une part, une crainte sur l'attrition des ressources et d'autre part, une crainte réputationnelle, y compris à l'international. Nous l'avons déjà vu en Allemagne avec l'antenne de RFI à Berlin, mais aussi concernant Arte.
Vous m'avez interrogé sur la gestion efficace de l'entreprise, à laquelle nous nous employons. France Télévisions est une société anonyme, dotée d'un conseil d'administration et d'un comité d'audit. Par ailleurs, nous sommes audités sur nombre de sujets, comme notre cahier des charges ou l'équilibre des temps de parole des hommes politiques par l'Arcom. Nous rendons compte aux commissions des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat. Depuis, huit ans, les comptes sont à l'équilibre, tous les ans. L'entreprise s'est mise en ordre de marche pour disposer d'une gestion la plus rigoureuse possible et tenir chaque année les engagements pris à la fin de l'année précédente.
Salto s'est malheureusement arrêtée. Nous y reviendrons peut-être un autre jour. Vous avez également évoqué la représentation des Français sur les antennes. D'abord, nous ne représentons pas la France telle qu'elle est. Si tel était le cas, nous aurions seulement 5 % de femmes parmi les expertes que nous recevons. Nous essayons de représenter la France telle que l'on voudrait qu'elle soit. Ainsi, en matière de mixité, nous sommes passés de 25 % de femmes expertes sur nos plateaux à 50 % et nous essayons de maintenir ce taux, ce qui n'est pas aisé. Nous avons également un nouvel objectif, celui de la mesure du temps de parole des femmes par rapport à celui des hommes.
Le service public est assez exemplaire sur la mixité en règle générale, mais nous avons encore du travail à accomplir. Sur la représentation de toutes et de tous, des différentes origines et du handicap, vous avez raison de dire que même si le service public progresse, nous devons encore fournir des efforts. Depuis plusieurs années, nous veillons par exemple à exposer de la même manière les tournois handisport que les autres grands évènements sportifs, nous diffusons aussi des séries qui parlent du handicap et nous essayons de normaliser cette représentation.
Nous représentons encore trop les catégories sociales élevées et pas suffisamment les catégories sociales populaires Nous progressons sur la représentation des diversités d'origine. Contrairement à la mixité où nous pouvons compter le nombre de femmes, nous ne pouvons pas compter les différents signes de diversité d'origine, ce qui ne nous aide pas à établir des objectifs de progression.
Vous avez posé des questions concernant la gestion. Nous intervenons à Cannes en partenariat avec Brut, un média très implanté à l'étranger et très axé sur les réseaux sociaux. Nous avons ainsi contribué à un million d'euros tout comme Brut. Nous avons effectivement souhaité de délocaliser des éditions, ce qui nous a permis d'obtenir des interviews de très grands acteurs et réalisateurs, qui ne peuvent se réaliser que sur place. Je pense notamment à l'interview de Michael Douglas par Anne-Sophie Lapix et celle d'Harrison Ford par Laurent Delahousse. Nous avons reçu les équipes de films et les réalisateurs, notamment dans l'émission « C ce soir ».
Le Festival de Cannes se chiffre à 5 millions d'euros en coûts de programme, soit un surcoût de 3 millions. Quand on soustrait les recettes publicitaires supplémentaires, le coût net est de 2,5 millions. Nous cherchons à minimiser les coûts, en les partageant avec Brut, mais en contrepartie nous avons pu toucher 35 millions de Français. L'objectif consistait d'abord et avant tout à promouvoir le cinéma.
Vous avez ensuite évoqué les hommes et les femmes de France Télévisions. Nous sortons d'un plan social qui a duré dix ans et qui s'est traduit par une diminution de 15 % des effectifs. Nous étions 10 500 en 2012, nous sommes moins de 9 000 aujourd'hui, avec une chaîne en plus, France Info, au prix d'efforts importants. Compte tenu de la suppression de la redevance et de l'incertitude sur le financement à venir, je vous confirme que le climat n'est pas très positif. L'inquiétude existe, d'autant plus que les crédits ont diminué d'année en année. Le scénario à l'espagnole est effectivement redouté par les salariés. Nous devons pouvoir absorber l'inflation et mener des investissements nouveaux. Je ne prétends pas que nous sommes parfaits ni que nous soyons au maximum de la productivité, mais aucune entreprise ne l'est.
En tant que chef d'entreprise, j'ai à cœur de mener à bien les transformations. L'arrêt des éditions nationales de France 3 fait débat. Je pense pour ma part que c'est essentiel, mais je sais que cela n'est pas simple pour les salariés. Il faut répondre à l'attente des publics et proposer une information sur France 3 qui soit la plus locale possible. Les équipes qui travaillent au réseau représentent environ un tiers des effectifs. J'ajoute que la question de l'utilité de France 3 par rapport à France 2 n'est désormais plus remise en question : les deux chaînes prennent des voies très différentes et remplissent des fonctions distinctes.
Une partie des salariés est en grève aujourd'hui, dans un contexte d'inquiétude généralisée. Une des questions récurrentes des représentants du personnel porte notamment sur la réalisation de ce projet, si nous ne disposions pas du budget. Les personnels se demandent ainsi si nous pourrons maintenir des éditions locales. C'est la raison pour laquelle j'évoquais initialement la question liée des missions et du financement.
Vous avez par ailleurs évoqué la BBC. La BBC a une aura particulière pour les Anglais, puisqu'elle était là pendant la deuxième guerre mondiale. Cela ne l'empêche pas d'être beaucoup questionnée et de faire l'objet de différents scandales. Vu de France, la BBC est idéalisée, mais cela n'est pas le cas sur place. Je rappelle que la grille de la BBC est par exemple remplie de jeux télévisés et de télé-réalités.
Aujourd'hui, mon message est le suivant : soyez fiers de votre audiovisuel public et de sa popularité. Huit Français sur dix regardent un programme de France Télévisions. Regardez les audiences de Radio France : nous n'avons pas à rougir. Vous m'avez également questionné sur les synergies, mais sachez que nous sommes un exemple pour nombre de chaînes publiques européennes. La RAI, la BBC, les chaînes scandinaves viennent nous rendre visite car elles ne comprennent toujours pas comment nous avons réussi à faire France Info avec Radio France sans nous écharper. Peu de services publics en Europe sont leaders sur l'information en numérique. Pourquoi passons-nous notre temps à nous dénigrer nous-mêmes ? France 2 a une audience inégalée depuis treize ans, avec une grille centrée autour de la création française, de l'information, de l'investigation et du cinéma. Soyons fiers.
Enfin, vous avez raison de pointer la place que nous occupons en Europe. Le Media Freedom Act a été fortement inspiré par la vice-présidente de la Commission européenne, Věra Jourová. De nationalité tchèque, elle se préoccupe beaucoup des télévisions d'État, notamment dans certains pays d'Europe centrale. Ella a souhaité qu'il y ait une prise de conscience de l'Union européenne sur la liberté d'expression et des médias. Le Media Freedom Act comporte ainsi un paragraphe dévolu aux médias publics indépendants.
Il serait dommage que la France ne fasse pas partie de ces règles. Nous sommes un service public indépendant : depuis que je suis à la tête de France Télévisions, je répète à qui veut bien l'entendre que nous avons la chance de vivre en France, dans une démocratie qui respecte la liberté d'expression et l'indépendance des services publics. Il faut être capable de la préserver à l'avenir, ce qui ne va pas forcément de soi. La place de la France en matière de culture, de création et d'audiovisuel est prépondérante et tout le monde regarde ce que nous faisons, dans la mesure où nous sommes précurseurs en matière de droits d'auteur et de défense des industries culturelles. A contrario, quand on fait un pas de côté, les gens nous regardent bizarrement. Dites-vous que ce que la France fera sera scruté partout en Europe. Par exemple, je suis sans cesse interrogée par mes collègues européens au sujet de la budgétisation.
S'agissant du calendrier, nous espérons pouvoir présenter un contrat d'objectifs et de moyens à l'automne et avoir un arbitrage budgétaire ce mois-ci, dans une trajectoire pluriannuelle. Cependant, cette décision ne m'appartient pas.
Enfin, Corse ViaStella est une chaîne régionale qui fonctionne extrêmement bien. Elle a d'ailleurs été une source d'inspiration pour renforcer l'information locale sur le reste du réseau. Elle demeurera en l'état : nous n'avons aucune intention de l'affaiblir, bien au contraire.
Vous avez évoqué l'ancrage territorial, la décentralisation, les antennes et les efforts financiers produits, notamment leur traduction en matière de diminution d'effectifs. Il semblerait que de nouvelles émissions produites par France Télévisions fassent l'objet d'une externalisation de leur production. Est-ce le cas ?
L'État verse 2,4 milliards d'euros par an à France Télévisions, ce qui représente 80 % de vos ressources. À notre avis, cela devrait vous obliger à respecter la neutralité politique, ce qui n'est malheureusement pas le cas dans l'audiovisuel public. En 2015, vous aviez indiqué : « On a une télévision d'hommes blancs de plus de 50 ans, il va falloir que ça change. » Où en êtes-vous de ce projet pour le moins discriminant ? Je suis d'autant plus concerné que je suis moi-même un homme blanc de plus de 50 ans et que tout à l'heure, vous avez indiqué que votre projet est de représenter la France, non pas telle qu'elle est, mais « telle que l'on voudrait qu'elle soit. »
Je m'interroge à mon tour sur les revenus. Les collectivités reçoivent des dotations de l'État de plus en plus importantes. La Cour des comptes remet en cause le fait que l'État soit le principal pourvoyeur de France Télévisions, à hauteur de 80 %. Votre propos a été assez succinct sur la publicité. Quelle marge de manœuvre cela représenterait-il en termes d'autonomie financière ?
Enfin, je souhaite vous questionner sur les programmations. Pendant le Covid, des programmes pédagogiques sur les savoirs fondamentaux, à destination de la jeunesse, ont été diffusés. J'ai l'impression qu'ils ne passent plus, au moins aux heures où l'on brosse les dents ou l'on habille les enfants. Est-il prévu de les remettre au goût du jour, au moins sur certains canaux ?
Comme vous l'avez souligné, France Télévisions doit répondre aux défis considérables qui la concernent, à la hauteur de ses investissements. Ils concernent l'information, la création, mais aussi le nombre d'emplois. Par ailleurs, la manière dont le financement public est pourvu ne doit pas être envisagée comme un fétiche. Les questions sur la budgétisation ou de financement par une fraction de TVA ne doivent pas forcément être les plus importantes. Le sujet essentiel concerne en réalité la prévisibilité. Le travail sur les contrats d'objectifs et de moyens, qui seront étalés sur cinq ans, vous permet de disposer de cette visibilité et cette hauteur de vue pour engager les coopérations futures.
Je souhaite enfin revenir sur la publicité. Dans le cadre de la mission conduite par Jean-Jacques Gautier et Quentin Bataillon, nous nous sommes en effet penchés sur la publicité, qui assure une grande partie de vos revenus. Je suis aussi interpellée par vos propos précédents, quand vous disiez que la publicité télévisée était constituée de beaux films. Est-ce le rôle de l'audiovisuel public de donner du temps de cerveau disponible aux publicitaires ? Je ne le crois pas.
Je souhaite vous interroger sur le projet de déplacement des équipes de France 3 Côte d'Azur-Antibes au sein d'une nouvelle emprise immobilière à Nice. À l'heure où France Télévisions voit ses recettes diminuer et traverse une conjoncture difficile, le coût engendré, estimé à près de 20 millions d'euros, présente un intérêt économique et opérationnel contestable. De plus, l'opération de déménagement aura des conséquences en matière de couverture d'informations de proximité, à laquelle les habitants de l'ouest des Alpes Maritimes sont extrêmement attachés.
En effet, le site historique d'Antibes présente depuis 1950 un positionnement stratégique idéal entre Nice et Cannes et lui permet de remplir au mieux sa mission de service public au bénéfice de 1,5 million de téléspectateurs. Les salariés du site d'Antibes contestent majoritairement la pertinence du déménagement, dont les conséquences sociales seront importantes sur l'ensemble d'un bassin de vie. Au vu de ces considérations et dans le souci d'une bonne gestion des finances publiques du groupe, tous les arguments plaident en faveur du maintien du site d'Antibes. Aussi, je souhaiterais que vous puissiez nous faire part des motivations qui ont conduit à opérer ce choix vers Nice, plutôt que le maintien sur le site d'Antibes.
Je partage avec vous l'idée que l'industrie audiovisuelle est extrêmement importante pour notre pays, d'abord par les valeurs qu'elle peut véhiculer. C'est également un vecteur d'emplois et de développement extrêmement important. Vous avez été lauréat pour des investissements à Vendargues. Je m'interroge sur l'ensemble des métiers nécessaires pour réaliser ces créations audiovisuelles, dans une région frappée par un fort taux de chômage. Que mettez-vous en place afin que la formation se développe sur ce territoire, avant ou après le bac ? Je pense de manière élargie aux métiers de techniciens, de chaudronniers, de décorateurs en plus des métiers de la création, de la mise en scène et de l'écriture.
Dans le rapport d'information sur l'avenir de l'audiovisuel présenté par le président Gautier et le rapporteur Bataillon, on lit page 41 que « la tendance récente montre un recul des recettes publicitaires de la télévision, à hauteur de 7,2 % au premier trimestre par rapport au premier trimestre 2022. » Dans ce contexte, depuis 2018, France Télévisions a connu une augmentation de ses recettes publicitaires sur les antennes linéaires, y compris sur le parrainage, et sur les supports numériques.
Compte tenu de l'effondrement des audiences de la télévision chez les générations montantes et de son effritement chez les publics les plus fidèles, France Télévisions a-t-elle adopté ou conservé un positionnement particulier ? Vous avez montré votre maîtrise de l'environnement numérique et avez fait part de vos réflexions sur le rôle des applications. Pratiquez-vous une approche de ciblage publicitaire comme on la connaît chez les GAFAM ? Etes-vous offensifs en matière de publicité ?
En tant que médecin, je suis préoccupé depuis quelque temps par la forte réduction du temps de sommeil des Français. Aujourd'hui, le prime time débute quasiment à 21 heures 15. Or toutes les études montrent que cette privation de sommeil a des conséquences sur la santé des Français. Est-il possible de revenir en arrière dans ce domaine ?
Vous avez été nombreux à m'interroger sur la publicité. La publicité sur le service public représente 10 % du marché publicitaire télévisé. Cependant, nous avons des règles particulières : nous ne coupons pas les œuvres, nous sommes limités en temps de publicité par rapport au privé. Par conséquent, nos espaces ont une valeur particulière pour les annonceurs et notre régie, qui est par ailleurs très efficace, parvient à maintenir un chiffre d'affairesélevé. De plus, la qualité des programmes que nous proposons peut séduire certains annonceurs.
Personne ne m'a entendu demander plus de publicité sur le service public. Le statu quo me semble être un très bon compromis. Je sais que le marché publicitaire est difficile pour les chaînes commerciales, dont on sent l'inquiétude. Par ailleurs, notre régie est très à la pointe sur les sujets de publicité adressée. La publicité représente 15 % de nos ressources, ce qui n'est pas rien. Cependant, elle ne guide, ni n'entrave aucun de nos choix éditoriaux. Cette situation diffère grandement des chaînes privées, où la publicité détermine les programmes.
Vous m'avez également interrogé sur la mixité, qui est un objectif dans notre contrat d'objectifs et de moyens. Comme je l'ai indiqué précédemment, notre objectif consiste à recevoir autant de femmes expertes que d'hommes experts, alors qu'il y a encore quelques années, nous n'étions qu'à 25 %. Cela concerne notamment les émissions en plateau, par exemple « C dans l'air ». L'Arcom veille à l'exécution de ces objectifs. Cette image ne représente pas la société, puisqu'il n'existe pas aujourd'hui un équilibre dans la société. Lors de la pandémie, de nombreux médecins sont venus sur nos plateaux. Mais il y a beaucoup plus de professeurs de médecine hommes à l'AP-HP que de professeures femmes. À l'époque, elles n'étaient que 18 %. Il n'y avait donc pas d'équilibre « naturel ». C'est en cela que je dis que nous ne sommes pas le reflet de la réalité.
J'ai déjà répondu à la question de la représentation de la diversité de notre société. Nous avons des objectifs sur la représentation du handicap, des catégories socioprofessionnelles, de l'origine ou de la couleur de peau si vous préférez. Une fois encore, l'Arcom vérifie la réalisation de ces objectifs, ce qui me paraît une bonne chose. Il est important de représenter la société dans toute sa diversité.
Vous avez également évoqué les programmes jeunesse. Nous avons beaucoup investi sur la marque Okoo, qui se décline sur nos antennes, mais aussi sur une application et un site. Okoo est aujourd'hui la première application gratuite des 4-14 ans, ce dont nous sommes assez fiers. Par ailleurs, nous travaillons avec le ministère de l'éducation nationale sur des programmes éducatifs à destination des élèves, des collégiens, des lycéens et des professeurs. Ainsi, Lumni est une plateforme commune avec l'INA et l'ensemble de l'audiovisuel public. Nous avons lancé en outre un Tour de France des académies pour travailler auprès des professeurs à l'éducation aux médias et à la lutte contre la désinformation. Nous sommes déjà allés à Amiens, en Guyane, à Marseille et à Rennes. Le prochain déplacement aura ainsi lieu à Poitiers. Naturellement, nous allons amplifier cette éducation aux médias.
Ensuite, nous n'avons pas particulièrement externalisé la réalisation de programmes. Des programmes sont confiés à des producteurs, mais l'information est réalisée en interne. Cet équilibre n'a pas changé. Nous avons plutôt développé les moyens internes de fabrication, puisque le site de Vendargues réalise avec les moyens internes de fabrication de la maison, appelés La Fabrique, un feuilleton quotidien. Forts de cette expérience en écoproduction et en effets spéciaux, nous avons candidaté au plan France 2030 et avons pu proposer un plan d'élargissement de ces studios. Dans le domaine de la formation, nous travaillons avec les écoles de Montpellier et avec le rectorat. Vous avez raison : nous avons besoin de compétences variées. Nous allons continuer à le faire, notamment en compagnie de l'INA, spécialiste de la formation sur ce projet, qui se propose de nous rejoindre.
Vous m'avez ensuite interrogé sur Nice et Antibes. Je suis consciente que les déménagements sont très compliqués et je comprends les difficultés que cela suscite. Cependant, le site d'Antibes est en zone inondable et a d'ailleurs été déjà inondé à deux reprises. Je m'y suis d'ailleurs rendue à chaque fois et je vous avoue que j'ai eu peur. Je suis responsable de la santé et la sécurité des salariés. Monsieur le député, vous ne pouvez donc pas me demander de laisser en zone inondable un site qui a déjà été inondé deux fois.
Les horaires de prime time sont effectivement de plus en plus tardifs. Lorsque nous avions arrêté la publicité après 20 heures, nous avions pensé pouvoir débuter les programmes à 20 heures 30. Nous avons essayé, mais cela n'a pas du tout fonctionné. Mais il est exact que les heures de prime sont tardives. Cela ne constitue pas une réponse suffisante, mais sachez que depuis plusieurs années, nous mettons à disposition dès 6 heures du matin sur la plateforme france.tv les programmes du soir. Vous pouvez donc regarder un programme du soir à n'importe quel moment de la journée. Évidemment, le visionnage sur la plateforme est en forte hausse et prendra le pas, à terme. Certes, cela ne règle pas le problème pour ceux qui n'ont que la TNT, et qui n'ont pas accès à la plateforme France.tv. Ils sont encore nombreux, environ 20 % de nos téléspectateurs.
Par ailleurs, vous soulevez le sujet du temps d'écran. Je ne connais pas un parent qui ne se préoccupe du temps que son enfant passe devant les écrans, quels qu'ils soient. Cela devient une véritable problématique de santé publique. Nous ne devons pas y être indifférents et au contraire nous demander comment faire en sorte que le temps de visionnage de France Télévisions soit utile, sans y passer notre vie. En tant que service public, nous voulons être pertinents. Je constate d'ailleurs que ce débat est en train de croître au sein de la société.
Je vous remercie. Je suis d'accord avec vous pour convenir que les actions menées par la France sont souvent scrutées en Europe, notamment concernant la place et le contenu des services publics. S'agissant du projet de loi de finances, à mission constante, les budgets ne peuvent plus baisser et vous nous renvoyez la responsabilité du contenu de votre mission.
Informations relatives à la commission
La commission a désigné, selon la liste ci-après, les rapporteurs spéciaux du projet de loi de finances pour 2024.
N° | Titre | Groupe | Rapporteur spécial |
1 | Action extérieure de l'État | ECOLO | Karim BEN CHEIKH |
2 | Administration générale et territoriale de l'État | LIOT | Charles de COURSON |
3 | Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ; Développement agricole et rural | Modem | Pascal LECAMP |
4 | Aide publique au développement ; Prêts à des États étrangers | LR | Marc LE FUR |
5 | Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation | RN | Bryan MASSON |
6 | Avances à l'audiovisuel public | Ren. | Constance LE GRIP |
7 | Cohésion des territoires : Logement et hébergement d'urgence | Hor. | François JOLIVET |
8 | Cohésion des territoires : Politique des territoires | GDR | Nicolas SANSU |
9 | Conseil et contrôle de l'État | Ren. | Daniel LABARONNE |
10 | Culture : Création ; Transmission des savoirs et démocratisation de la culture | Ren. | Alexandre HOLROYD |
11 | Culture : Patrimoines | RN | Philippe LOTTIAUX |
12 | Défense : Budget opérationnel de la défense | RN | Emeric SALMON |
13 | Défense : Préparation de l'avenir | Hor. | Christophe PLASSARD |
14 | Direction de l'action du Gouvernement ; Publications officielles et information administrative, | LR | Marie-Christine DALLOZ |
15 | Ecologie, développement et mobilité durables : Infrastructures et services de transports ; Contrôle et exploitation aériens | ECOLO | Christine ARRIGHI Eva SAS |
16 | Écologie, développement et mobilité durables : Énergie, climat et après-mines ; Service public de l'énergie ; Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale | Ren. | David AMIEL Emmanuel LACRESSE |
17 | Écologie, développement et mobilité durables : Paysage, eau et biodiversité ; Prévention des risques ; Expertise, information géographique et météorologie ; Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et des mobilités durables ; Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires | LFI | Alma DUFOUR Sébastien ROME |
18 | Écologie, développement et mobilité durables : Affaires maritimes, pêche et aquaculture | Ren. | Michel LAUZZANA |
19 | Économie : Commerce extérieur | RN | Franck ALLISIO |
20 | Économie : Développement des entreprises et régulations ; Plan « France Très haut débit » ; Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés | Ren. | Xavier ROSEREN |
21 | Économie : Statistiques et études économiques ; Stratégies économiques ; Accords monétaires internationaux | LFI | Michel SALA |
22 | Économie : Tourisme | LR | Émilie BONNIVARD |
23 | Engagements financiers de l'État | RN | Kevin MAUVIEUX |
24 | Enseignement scolaire | Ren. | Robin REDA |
25 | Gestion des finances publiques | Ren. | Louis MARGUERITTE |
26 | Gestion des finances publiques : Lutte contre l'évasion fiscale | LFI | Charlotte LEDUC |
27 | Gestion du patrimoine immobilier de l'État | Modem | Mohamed LAQHILA |
28 | Immigration, asile et intégration | Ren. | Stella DUPONT Mathieu LEFEVRE |
29 | Investir pour la France de 2030 | LFI | Damien MAUDET |
30 | Justice | LR | Patrick HETZEL |
31 | Médias, livre et industries culturelles | Ren. | Denis MASSEGLIA |
32 | Outre-mer | SOC et GDR | Christian BAPTISTE Tematai LE GAYIC |
33 | Participations financières de l'État ; Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics | SOC | Philippe BRUN |
34 | Plan de relance | RN | Frédéric CABROLIER |
35 | Pouvoirs publics | LFI | Marianne MAXIMI |
36 | Recherche et enseignement supérieur : Enseignement supérieur et vie étudiante | Ren. | Thomas CAZENAVE |
37 | Recherche et enseignement supérieur : Recherche | SOC GDR | Mickaël BOULOUX Jean-Marc TELLIER |
38 | Régimes sociaux et de retraite ; Pensions | Ren. | Benoît MOURNET |
39 | Relations avec les collectivités territoriales ; Avances aux collectivités territoriales ; | Modem et Ren | Marina FERRARI Joël GIRAUD |
40 | Remboursements et dégrèvements | SOC | Christine PIRES-BEAUNE |
41 | Santé | LR | Véronique LOUWAGIE |
42 | Sécurités ; Police nationale ; Gendarmerie nationale ; Sécurité et éducation routières ; Contrôle de la circulation et du stationnement routiers | Ren. | Nadia HAI |
43 | Sécurités ; Sécurité civile | LFI | Florian CHAUCHE |
44 | Solidarité, insertion et égalité des chances | Modem | Perrine GOULET |
45 | Sport, jeunesse et vie associative | Ren. | Benjamin DIRX |
46 | Transformation et fonction publiques ; Crédits non répartis | Ren. | Sophie ERRANTE |
47 | Travail et emploi | Ren. | Dominique DA SILVA |
48 | Affaires européennes | RN | Alexandre SABATOU |
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 5 juillet 2023 à 9 heures
Présents. - M. Mickaël Bouloux, M. Fabrice Brun, M. Frédéric Cabrolier, M. Michel Castellani, M. Jean-René Cazeneuve, M. Florian Chauche, M. Éric Coquerel, M. Dominique Da Silva, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jocelyn Dessigny, M. Fabien Di Filippo, Mme Stella Dupont, Mme Marina Ferrari, M. Luc Geismar, Mme Félicie Gérard, M. David Guiraud, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Emmanuel Lacresse, M. Michel Lauzzana, Mme Constance Le Grip, M. Pascal Lecamp, Mme Charlotte Leduc, Mme Gisèle Lelouis, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, M. Louis Margueritte, M. Denis Masséglia, M. Bryan Masson, M. Jean-Paul Mattei, M. Damien Maudet, M. Benoit Mournet, Mme Mathilde Paris, Mme Christine Pires Beaune, M. Christophe Plassard, M. Sébastien Rome, M. Xavier Roseren, M. Alexandre Sabatou, M. Emeric Salmon, Mme Eva Sas, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Jean-Marc Tellier
Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, M. Manuel Bompard, M. Thomas Cazenave, M. Joël Giraud, M. Tematai Le Gayic
Assistaient également à la réunion. - Mme Céline Calvez, Mme Virginie Duby-Muller, M. Inaki Echaniz, M. Jean-Jacques Gaultier, M. Éric Pauget, Mme Sophie Taillé-Polian