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Intervention de Delphine Ernotte

Réunion du mercredi 5 juillet 2023 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions :

Vous m'avez interrogé sur la gestion efficace de l'entreprise, à laquelle nous nous employons. France Télévisions est une société anonyme, dotée d'un conseil d'administration et d'un comité d'audit. Par ailleurs, nous sommes audités sur nombre de sujets, comme notre cahier des charges ou l'équilibre des temps de parole des hommes politiques par l'Arcom. Nous rendons compte aux commissions des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat. Depuis, huit ans, les comptes sont à l'équilibre, tous les ans. L'entreprise s'est mise en ordre de marche pour disposer d'une gestion la plus rigoureuse possible et tenir chaque année les engagements pris à la fin de l'année précédente.

Salto s'est malheureusement arrêtée. Nous y reviendrons peut-être un autre jour. Vous avez également évoqué la représentation des Français sur les antennes. D'abord, nous ne représentons pas la France telle qu'elle est. Si tel était le cas, nous aurions seulement 5 % de femmes parmi les expertes que nous recevons. Nous essayons de représenter la France telle que l'on voudrait qu'elle soit. Ainsi, en matière de mixité, nous sommes passés de 25 % de femmes expertes sur nos plateaux à 50 % et nous essayons de maintenir ce taux, ce qui n'est pas aisé. Nous avons également un nouvel objectif, celui de la mesure du temps de parole des femmes par rapport à celui des hommes.

Le service public est assez exemplaire sur la mixité en règle générale, mais nous avons encore du travail à accomplir. Sur la représentation de toutes et de tous, des différentes origines et du handicap, vous avez raison de dire que même si le service public progresse, nous devons encore fournir des efforts. Depuis plusieurs années, nous veillons par exemple à exposer de la même manière les tournois handisport que les autres grands évènements sportifs, nous diffusons aussi des séries qui parlent du handicap et nous essayons de normaliser cette représentation.

Nous représentons encore trop les catégories sociales élevées et pas suffisamment les catégories sociales populaires Nous progressons sur la représentation des diversités d'origine. Contrairement à la mixité où nous pouvons compter le nombre de femmes, nous ne pouvons pas compter les différents signes de diversité d'origine, ce qui ne nous aide pas à établir des objectifs de progression.

Vous avez posé des questions concernant la gestion. Nous intervenons à Cannes en partenariat avec Brut, un média très implanté à l'étranger et très axé sur les réseaux sociaux. Nous avons ainsi contribué à un million d'euros tout comme Brut. Nous avons effectivement souhaité de délocaliser des éditions, ce qui nous a permis d'obtenir des interviews de très grands acteurs et réalisateurs, qui ne peuvent se réaliser que sur place. Je pense notamment à l'interview de Michael Douglas par Anne-Sophie Lapix et celle d'Harrison Ford par Laurent Delahousse. Nous avons reçu les équipes de films et les réalisateurs, notamment dans l'émission « C ce soir ».

Le Festival de Cannes se chiffre à 5 millions d'euros en coûts de programme, soit un surcoût de 3 millions. Quand on soustrait les recettes publicitaires supplémentaires, le coût net est de 2,5 millions. Nous cherchons à minimiser les coûts, en les partageant avec Brut, mais en contrepartie nous avons pu toucher 35 millions de Français. L'objectif consistait d'abord et avant tout à promouvoir le cinéma.

Vous avez ensuite évoqué les hommes et les femmes de France Télévisions. Nous sortons d'un plan social qui a duré dix ans et qui s'est traduit par une diminution de 15 % des effectifs. Nous étions 10 500 en 2012, nous sommes moins de 9 000 aujourd'hui, avec une chaîne en plus, France Info, au prix d'efforts importants. Compte tenu de la suppression de la redevance et de l'incertitude sur le financement à venir, je vous confirme que le climat n'est pas très positif. L'inquiétude existe, d'autant plus que les crédits ont diminué d'année en année. Le scénario à l'espagnole est effectivement redouté par les salariés. Nous devons pouvoir absorber l'inflation et mener des investissements nouveaux. Je ne prétends pas que nous sommes parfaits ni que nous soyons au maximum de la productivité, mais aucune entreprise ne l'est.

En tant que chef d'entreprise, j'ai à cœur de mener à bien les transformations. L'arrêt des éditions nationales de France 3 fait débat. Je pense pour ma part que c'est essentiel, mais je sais que cela n'est pas simple pour les salariés. Il faut répondre à l'attente des publics et proposer une information sur France 3 qui soit la plus locale possible. Les équipes qui travaillent au réseau représentent environ un tiers des effectifs. J'ajoute que la question de l'utilité de France 3 par rapport à France 2 n'est désormais plus remise en question : les deux chaînes prennent des voies très différentes et remplissent des fonctions distinctes.

Une partie des salariés est en grève aujourd'hui, dans un contexte d'inquiétude généralisée. Une des questions récurrentes des représentants du personnel porte notamment sur la réalisation de ce projet, si nous ne disposions pas du budget. Les personnels se demandent ainsi si nous pourrons maintenir des éditions locales. C'est la raison pour laquelle j'évoquais initialement la question liée des missions et du financement.

Vous avez par ailleurs évoqué la BBC. La BBC a une aura particulière pour les Anglais, puisqu'elle était là pendant la deuxième guerre mondiale. Cela ne l'empêche pas d'être beaucoup questionnée et de faire l'objet de différents scandales. Vu de France, la BBC est idéalisée, mais cela n'est pas le cas sur place. Je rappelle que la grille de la BBC est par exemple remplie de jeux télévisés et de télé-réalités.

Aujourd'hui, mon message est le suivant : soyez fiers de votre audiovisuel public et de sa popularité. Huit Français sur dix regardent un programme de France Télévisions. Regardez les audiences de Radio France : nous n'avons pas à rougir. Vous m'avez également questionné sur les synergies, mais sachez que nous sommes un exemple pour nombre de chaînes publiques européennes. La RAI, la BBC, les chaînes scandinaves viennent nous rendre visite car elles ne comprennent toujours pas comment nous avons réussi à faire France Info avec Radio France sans nous écharper. Peu de services publics en Europe sont leaders sur l'information en numérique. Pourquoi passons-nous notre temps à nous dénigrer nous-mêmes ? France 2 a une audience inégalée depuis treize ans, avec une grille centrée autour de la création française, de l'information, de l'investigation et du cinéma. Soyons fiers.

Enfin, vous avez raison de pointer la place que nous occupons en Europe. Le Media Freedom Act a été fortement inspiré par la vice-présidente de la Commission européenne, Věra Jourová. De nationalité tchèque, elle se préoccupe beaucoup des télévisions d'État, notamment dans certains pays d'Europe centrale. Ella a souhaité qu'il y ait une prise de conscience de l'Union européenne sur la liberté d'expression et des médias. Le Media Freedom Act comporte ainsi un paragraphe dévolu aux médias publics indépendants.

Il serait dommage que la France ne fasse pas partie de ces règles. Nous sommes un service public indépendant : depuis que je suis à la tête de France Télévisions, je répète à qui veut bien l'entendre que nous avons la chance de vivre en France, dans une démocratie qui respecte la liberté d'expression et l'indépendance des services publics. Il faut être capable de la préserver à l'avenir, ce qui ne va pas forcément de soi. La place de la France en matière de culture, de création et d'audiovisuel est prépondérante et tout le monde regarde ce que nous faisons, dans la mesure où nous sommes précurseurs en matière de droits d'auteur et de défense des industries culturelles. A contrario, quand on fait un pas de côté, les gens nous regardent bizarrement. Dites-vous que ce que la France fera sera scruté partout en Europe. Par exemple, je suis sans cesse interrogée par mes collègues européens au sujet de la budgétisation.

S'agissant du calendrier, nous espérons pouvoir présenter un contrat d'objectifs et de moyens à l'automne et avoir un arbitrage budgétaire ce mois-ci, dans une trajectoire pluriannuelle. Cependant, cette décision ne m'appartient pas.

Enfin, Corse ViaStella est une chaîne régionale qui fonctionne extrêmement bien. Elle a d'ailleurs été une source d'inspiration pour renforcer l'information locale sur le reste du réseau. Elle demeurera en l'état : nous n'avons aucune intention de l'affaiblir, bien au contraire.

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