La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a auditionné, en application de l'article 13 de la Constitution, M. Jean Castex, dont la nomination est proposée par le Président de la République aux fonctions de président-directeur général de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) .
(M. Vincent Thiébaut, rapporteur)
Nous sommes réunis en application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et de la loi organique du 23 juillet 2010 pour entendre M. le Premier ministre Jean Castex, que le Président de la République propose de nommer aux fonctions de président-directeur général de la Régie autonome des transports parisiens.
Monsieur le Premier ministre, M. Vincent Thiébaut, que nous avons désigné rapporteur sur cette proposition de nomination, vous a adressé un questionnaire ; vos réponses ont été communiquées aux membres de la commission.
Je salue la proposition de vous nommer aux fonctions de PDG de la RATP. Cet opérateur devra faire face ces prochaines années à des échéances cruciales, comme l'ouverture à la concurrence du réseau historique ou les Jeux olympiques et paralympiques de 2024. D'autres chantiers sont tout aussi importants, tels le verdissement de la flotte, le déploiement de la mobilité comme service (MaaS), le Grand Paris Express (GPE), l'accessibilité du réseau aux personnes à mobilité réduite ou encore les effectifs de conducteurs et le dialogue social.
Les défis ne manquent donc pas. Monsieur le Premier ministre, nous serons très attentifs à vos analyses.
Monsieur le Premier ministre, votre nomination intervient dans un contexte stratégique. La RATP est engagée depuis plusieurs années dans des transformations profondes de son modèle et fait face à des défis majeurs à court, moyen et long termes. Je pense à l'ouverture à la concurrence du réseau de bus historique, au déploiement du Grand Paris Express, à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques mais aussi aux impératifs de décarbonation des transports en Île-de-France.
La note que vous avez transmise à notre commission témoigne de votre connaissance fine de ces défis et des difficultés qu'il vous faudra lever. Je salue votre engagement à offrir un service quotidien de haute qualité à des millions de voyageurs franciliens.
Permettez-moi de revenir ici sur certains points spécifiques qui interrogent notre commission. Vous soulignez, avec beaucoup de transparence, les tensions sociales internes qui traversent la RATP, notamment dans le contexte de l'ouverture, prochaine, à la concurrence. Elles ont pour effet de dégrader massivement la qualité de service sur le réseau de bus parisien. À ce titre, vous rappelez votre attachement au dialogue social et votre volonté de « continuer à associer activement le personnel et ses représentants aux projets et à l'avenir de la RATP ». Pourrons-nous vous entendre sur ce point ? Quelles sont les mesures que vous envisageriez de prendre, ou de renforcer, en réponse aux tensions actuelles ?
L'ouverture à la concurrence constitue un triple défi, social, qualitatif et industriel, qui pourrait déboucher sur une dégradation de la qualité et de l'efficacité des services de transport. Quelles seraient vos solutions et vos actions pour faciliter cette transition au niveau de la RATP ?
Faire de la RATP un acteur majeur de la transition écologique est pour vous une priorité. Nous partageons votre intuition car la RATP occupe une position stratégique pour favoriser un report modal massifié vers les transports collectifs. Quels investissements prioritaires faudrait-il effectuer pour renforcer l'attractivité et la performance des services de transports de la RATP ?
Les défis, dont vous êtes pleinement conscient, sont majeurs. Il ne fait pas de doute que vous avez les qualités et l'expérience nécessaires pour y répondre. Votre attachement au dialogue social et votre sens de l'intérêt général seront des atouts indéniables à la tête de la RATP. C'est la raison pour laquelle j'appelle les commissaires à apporter leur soutien à votre nomination.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je vous dois avant tout quelques explications sur le fait que je reviens ici quelques mois seulement après que vous m'avez auditionné pour ma nomination à la tête de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France). C'est que, depuis cette fin du mois de juillet, un événement nouveau et imprévisible est survenu : la démission de la PDG de la RATP. À l'évidence, personne n'imaginait que le poste se trouverait vacant au 1er octobre lorsque la présidence d'Afit France m'a été proposée.
Je veux saluer, comme je l'ai fait hier au Sénat, l'action de Mme Catherine Guillouard, à la tête de cette grande entreprise publique durant cinq ans, mais aussi la décision qu'elle a prise, pour des raisons personnelles qu'il ne m'appartient pas de commenter.
Je vous le dis d'emblée, c'est sans hésitation aucune que je me suis porté candidat à ce poste. Non que je sous-estime les difficultés qui attendent le futur PDG de la RATP – ceux d'entre vous qui me connaissent bien savent qu'elles ne sont pas de nature à m'arrêter – mais parce que je pressentais que je pouvais ainsi me rendre utile à la nation, après être sorti du champ politique en quittant l'hôtel Matignon. La présidence d'Afit France ne recouvre pas les mêmes enjeux : il s'agit d'un poste non exécutif, puisque je travaille avec une déléguée générale, et l'agence n'emploie que cinq salariés, quand la RATP en compte 70 000. Les défis auxquels est confrontée la RATP sont si nombreux qu'il faut à sa tête quelqu'un d'expérimenté, fort d'une vision politique.
C'est une très belle maison, qui représente la France dans de nombreux pays. Peut-être faudra-t-il diriger le mouvement de filialisation et de diversification vers des objectifs prioritaires ? Il n'en reste pas moins que la RATP est un fer de lance, image des savoir-faire français. Les métiers qui s'y exercent sont nombreux – on en dénombre 174 –, parfois très difficiles. Je n'oublie pas, pour avoir été le coordonnateur de la stratégie de déconfinement en 2020, que les transports publics n'ont pas été fermés durant la pandémie, que les salariés de la RATP sont restés sur le pont et qu'au plus fort de la crise, des bus dédiés ont conduit les personnels soignants sur leur lieu de travail.
J'ai l'intime conviction que la RATP est de taille à surmonter les nombreux défis qui l'attendent. Certains sont immédiats. Demain, un mouvement social très important affectera le fonctionnement des transports. La qualité et la continuité du service se dégradent : au mois d'octobre, les difficultés sur le réseau de bus ont été telles que 25 % de l'offre n'a pu être réalisée. Les manques de personnels, qu'ils proviennent du recrutement ou de l'absentéisme, affectent aussi les lignes de métro. Si vous m'accordez votre confiance, je m'emparerai immédiatement de ces problèmes car ils retentissent sur la vie quotidienne de millions de Franciliens et sur le séjour des visiteurs en Île-de-France. Il s'agit d'une urgence absolue.
Cela dit, si la RATP était la seule entreprise en France à connaître des difficultés de recrutement, ça se saurait ! Tout le monde tombe à bras raccourcis sur la RATP, mais des mesures ont été prises et Île-de-France Mobilités (IdFM), de son côté, a consenti de nombreux efforts. Si vous validez ma nomination, Mme Valérie Pécresse sera l'une des premières personnes que je rencontrerai. Il faudra se dépêcher de mettre en œuvre ou de rechercher, ensemble, les solutions ; rien ne serait pire que donner l'impression qu'on se renvoie la balle, sans assumer ses propres responsabilités. Je ferai donc tout pour que les relations avec l'autorité organisatrice de la mobilité (AOM) soient les plus fluides possible.
Acquitter la facture énergétique constitue un autre défi à très court terme. La RATP consomme 2,5 térawhattheures par an, soit 2 % de la consommation d'énergie en Île-de-France. La facture d'électricité s'élevait à 210 millions d'euros en 2021, elle devrait atteindre 235 millions cette année. Son niveau, en 2023, dépendra des décisions gouvernementales et des votes du Parlement, mais il est estimé, dans le budget en préparation, entre 480 et 550 millions d'euros. Il faudra, là encore, rechercher des solutions avec l'AOM et l'État.
Les tensions inflationnistes ont aussi des incidences sur les négociations salariales. La RATP, sous la houlette de Mme Catherine Guillouard, n'est pas restée sans agir. Le dialogue social approfondi a débouché sur une revalorisation des rémunérations, qui ont progressé de 5,2 % en 2022. Je me réjouis qu'un effort tout particulier ait été consenti pour les bas salaires et les métiers les plus difficiles : ainsi la revalorisation des primes de nuit a été actée au mois d'avril dans le cadre d'un accord avec les organisations syndicales. Compte tenu de l'évolution de l'inflation, la fameuse NAO, la négociation annuelle obligatoire de 2023, devrait être anticipée et s'engager dans les jours qui suivront mon éventuelle prise de fonction.
D'autres défis se poseront à horizon un peu plus lointain, mais c'est dès aujourd'hui que la RATP doit s'y préparer : je pense évidemment à la Coupe du monde de rugby de 2023 et aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Nous devons tirer toutes les conséquences de ce qui s'est passé au Stade de France le 28 mai. On attend, lors des Jeux olympiques, jusqu'à 1 million de visiteurs, et autant d'usagers supplémentaires dans les transports. Ces événements sont l'opportunité d'accélérer les plans de modernisation. Je pense notamment à la billettique : l'objectif est de dématérialiser 40 % des billets. Je retrouve là des sujets que j'avais largement explorés lorsque j'étais délégué interministériel aux jeux olympiques et paralympiques.
L'ouverture à la concurrence a déjà débuté, hors le périmètre historique de la RATP, sur le réseau Optile, en grande couronne – la régie a répondu à certains appels d'offres organisés par IdFM. Les échéances principales sont l'ouverture du réseau historique de bus, le 1er janvier 2025, puis celles du réseau des tramways et du réseau métropolitain. Bien sûr, l'ouverture à la concurrence inquiète. Nous pourrions avoir de grands débats sur le principe même, mais le législateur a tranché. Au-delà, il y a les modalités d'exécution. Or je constate que le compte n'y est pas.
Du point de vue normatif et juridique, il faut encore adapter ou prendre des textes. Le cadre social territorialisé (CST), un décret que j'ai signé quand j'étais Premier ministre, a pour objet de définir des règles communes et de mettre tout le monde à armes égales, afin d'éviter que les parts de marché ne soient remportées par les moins-disants sociaux et d'écarter tout risque de dumping. La RATP se prépare depuis 2016 à cette échéance, elle s'est réorganisée et a déjà négocié un certain nombre de sujets. Cependant, sur le cadre social territorialisé, malgré des heures et des heures de négociation, aucun accord n'a été trouvé. Cela a conduit la direction à prendre une décision unilatérale, contestée par les organisations syndicales représentatives. Une médiation, ordonnée par le juge, est en cours. Il reviendra au prochain PDG de reprendre le chemin de la négociation, de clarifier et de rassurer.
Au passage, je souhaite évoquer un point, que l'un de vous soulèvera sans doute : l'avis rendu par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Cet avis conclut à la compatibilité de l'activité de PDG de la RATP avec les fonctions gouvernementales que j'ai exercées, sous réserve que je m'abstienne de toute démarche auprès des membres du Gouvernement en exercice qui l'étaient aussi lorsque j'étais Premier ministre, dans le contexte de mise en œuvre de l'ouverture à la concurrence des transports publics en Île-de-France. J'ai demandé au président de la Haute autorité de confirmer que ces réserves ne s'appliquaient qu'à ce contexte et ne portaient pas sur d'autres sujets ; M. Didier Migaud a validé publiquement cette interprétation et je tiens son courrier à votre disposition.
Je me conformerai à l'avis de la HATVP, qui a pour objet, entre autres, d'éviter que les concurrents potentiels de la RATP m'accusent d'avoir excipé de mes anciennes fonctions pour obtenir une décision favorable à la RATP. N'oublions pas, cependant, que l'ouverture à la concurrence n'est pas organisée par le Gouvernement mais par la région Île-de-France, que c'est IdFM qui déterminera les lots et les attribuera aux lauréats. Cela dit, certains sujets peuvent relever de l'État, comme le cadre réglementaire. Il se trouve que le ministre concerné est M. Christophe Béchu, et qu'il n'était pas membre du gouvernement que j'ai eu l'honneur de diriger. Je veillerai donc à ce qu'il soit, sur le sujet de l'ouverture à la concurrence, mon seul point d'entrée au Gouvernement.
Ce chantier considérable – il concernera 19 000 salariés et portera sur 1,5 milliard d'euros – occupera beaucoup le futur PDG de la RATP. Mais d'autres enjeux pèsent tout autant. Je pense évidemment au changement climatique.
La première contribution de l'entreprise consiste à conquérir des parts de marché. Qu'elle en gagne ou en perde lors de l'ouverture à la concurrence est une chose, une autre est qu'elle en remporte au quotidien, à iso-organisation. L'enjeu collectif, c'est que les personnes abandonnent leur voiture pour prendre les transports en commun. Et pour cela, car tout se tient, il faut que ces transports fonctionnent bien. Disons-le à l'envers : nous devons retrouver le niveau d'offre qui préexistait à la covid et aux difficultés de recrutement, et repartir de l'avant par des investissements massifs.
Je suis cohérent. Je n'ai cessé de le dire lorsque j'étais Premier ministre, à propos du plan de relance, je l'ai répété devant vous lorsque j'étais candidat à la présidence d'Afit France : il faut investir de l'argent public dans les transports, en particulier dans les transports collectifs. C'est fondamental.
Les lignes du Grand Paris Express ouvriront bientôt. À la faveur des Jeux olympiques et paralympiques, le prolongement de la ligne 14, au nord jusqu'à Pleyel, au sud jusqu'à l'aéroport d'Orly, sera achevé. Le linéaire du métro augmentera de près de 75 %. L'exploitation des lignes fera l'objet d'un appel d'offres, mais la RATP continuera d'assurer la maintenance et la sécurité de ces lignes. En tant que co-maître d'ouvrage de la partie sud de la ligne 14, elle doit mesurer l'impact des lignes nouvelles sur les lieux de raccordement au réseau existant, où des travaux considérables de modernisation doivent être effectués.
Pour repartir de l'avant, l'investissement est la clé de tout. Je prends souvent l'exemple de l'automatisation de la ligne 1, sur laquelle nous avons déjà du recul, pour dire que ces travaux ont résolu des problèmes d'offre, de ponctualité, de sécurité, de prévention du suicide, d'ergonomie ou d'information du public. C'est la voie à suivre.
Il faudrait d'ailleurs accélérer, ce qui m'amène à la question du financement. Grâce à IdFM, nous renouvellerons plus de la moitié du matériel roulant dans les dix prochaines années, ce qui permettra d'améliorer l'ergonomie et la ponctualité et, grâce à un système de freinage innovant, de réduire la consommation électrique.
Rappelons que le transport représente 31 % des émissions françaises de gaz à effet de serre (GES), et que 94 % de ces émissions proviennent des transports routiers ; à distance égale, on émet 50 fois moins de CO2 en métro, en RER ou en tramway qu'en voiture. L'objectif est donc clair : il faut augmenter la part des transports collectifs en Île-de-France. C'est une priorité stratégique, et collective, que de gagner ces parts de marché. C'est d'ailleurs à cette lumière qu'on peut lire l'ouverture à la concurrence, sur laquelle je n'ai pas de religion arrêtée – j'ai demandé qu'un observatoire soit créé pour analyser ses effets sur les prix ou la qualité du service – : plus les intervenants sont nombreux, plus le marché doit croître. Progresser est donc une impérieuse nécessité, pour l'entreprise, la région et le pays.
On me demande souvent quels seront mes objectifs. Plutôt que de me glorifier à en égrener de nouveaux, j'aimerais atteindre ceux qui ont déjà été fixés. Ainsi, le plan Bus 2025 me semble très intéressant : il s'agit de faire en sorte qu'en 2027, le réseau RATP ne compte plus de bus diesel, que 50 % des bus soient électriques et que les 50 % restants roulent au biométhane. Vous mesurez tous à quel point les effets de ce plan, en termes d'émissions de gaz à effet de serre, sont considérables – à la mesure des investissements devant être réalisés par Île-de-France Mobilités. En dépit de nombreuses difficultés, nous avons déjà atteint 57 % de notre objectif. Il reste cependant du chemin à parcourir, et chacun sait que les derniers kilomètres sont généralement les plus compliqués.
J'en viens à la méthode que je compte utiliser dans mes futures fonctions. Je vais faire ce que je sais faire, sans essayer de me changer : mes grands principes resteront donc l'écoute, la concertation et la proximité avant de prendre une décision. La RATP doit travailler en parfaite harmonie avec Île-de-France Mobilités. Il est normal qu'il y ait des désaccords ou des débats entre une autorité organisatrice et un opérateur, mais la RATP est l'opérateur historique des transports parisiens, et les usagers ne peuvent faire les frais d'aucune sorte de guéguerre. Avec Mme Pécresse, nous serons évidemment d'accord sur l'essentiel, et nous devrons trouver les moyens d'atteindre les objectifs stratégiques que j'ai sommairement rappelés.
Un autre grand opérateur des transports en Île-de-France est la SNCF. Il y aurait beaucoup de choses à dire concernant le RER B, dont je connais toutes les saveurs puisque j'en ai très longtemps été un usager. La partie nord de la ligne est exploitée par la SNCF, tandis que la partie sud relève de la RATP ; les jours de grève, l'interconnexion est interrompue à la gare du Nord, ce qui n'a pas été sans conséquence lors des incidents survenus au Stade de France. Nous devons éviter que les usagers pâtissent de cette organisation historique et que les enjeux de pouvoir cèdent le pas aux soucis d'efficacité et de service public.
La RATP est marquée par une tradition de dialogue social. Le fait que les organisations syndicales y soient fortes ne m'apparaît pas comme une contrainte, car j'ai toujours considéré que le dialogue avec les corps intermédiaires était absolument indispensable. Nous devons nous donner les moyens de maintenir un dialogue social de qualité, ce qui n'est pas simple. La grève de demain s'annonce très suivie, si j'en crois les dirigeants actuels de la RATP. Toutefois, les taux de conflictualité ne sont pas aussi élevés qu'ils ne l'étaient il y a quelques décennies. Surtout, les accords d'entreprise conclus dans de multiples domaines sont vivaces – une bonne dizaine d'accords ont d'ailleurs déjà été conclus depuis le début de l'année 2022. Il faut continuer dans cette voie.
Au terme d'un premier diagnostic, j'essaierai aussi d'approfondir le lien avec les usagers de la RATP, qui sont moins organisés que les syndicats de salariés.
Mme Catherine Guillouard a déjà conduit une réorganisation interne très importante, notamment pour faire face aux défis de l'ouverture à la concurrence. Pour ma part, je suis un grand partisan de la déconcentration des responsabilités. Vous avez devant vous un candidat, qui n'a pas une connaissance intime du groupe qu'il ambitionne de diriger et ne peut donc pas vous présenter des certitudes – il n'est d'ailleurs jamais bon d'en avoir. Cependant, dans une structure de plus de 70 000 salariés, il faut à tout prix que la chaîne hiérarchique soit pleinement investie. À tous les étages, le management doit être valorisé.
Ma priorité, ce sera le cœur de métier de la RATP, qui touche à la vie quotidienne de ses usagers. Je vous ai déjà parlé de la ponctualité, et j'ai longuement développé au Sénat ma façon de voir les choses en matière de sécurité, de propreté, d'information des usagers et de convivialité. J'ai demandé combien de personnes faisaient de l'humain, au sein de la RATP, au-delà des nécessaires contrôles et à côté des machines déployées dans les stations. L'un de mes objectifs est de redéployer les gains de productivité permis par la mutation billettique et numérique, qu'il faut d'ailleurs accélérer, vers la relation humaine avec l'usager. Plusieurs milliers d'agents de la RATP sont déjà présents sur le terrain, dans les gares et les stations : nous devrons réexaminer leur répartition et voir si nous pouvons faire mieux ou davantage.
Je pense avoir une certaine expérience à faire valoir pour relever tous ces défis, qui nécessitent une vision transversale. Avoir fait de la politique ne me paraît pas un handicap – en tout cas, je n'en ai pas honte. Diriger le groupe RATP sera pour moi une autre façon de m'occuper des autres et de servir l'intérêt général. Je suis de ceux qui ont toujours cru que le service public doit rester ce qu'il est, sans craindre la concurrence ni la recherche de l'efficience et de la compétitivité, qui ne sont pas des gros mots tant que ces objectifs ne contreviennent pas à ses missions ou à ses valeurs fondamentales.
Il est vrai que je suis très enthousiaste, mais rassurez-vous, je suis lucide. Je vois bien la somme des difficultés auxquelles je serai confronté – si par hasard il m'arrivait de les oublier, on me les rappellerait tous les jours ! Mais c'est justement parce que la tâche est difficile qu'il faut l'accomplir. En tant qu'ancien Premier ministre, j'aurais pu choisir de rester à la tête de l'Afit France, où je serais moins exposé et où je prendrais moins de coups. Mon devoir est cependant d'aller là où se concentrent les enjeux pour nos concitoyens.
Il y a 105 jours, le 27 juillet, vous étiez auditionné par notre commission pour défendre votre nomination à la présidence du conseil d'administration de l'Afit France. Nul ne pouvait imaginer que, le 1er septembre, Mme Catherine Guillouard déciderait de démissionner de ses fonctions de PDG de la RATP. Le Président de la République propose aujourd'hui que vous lui succédiez.
Il vous faudra des qualités certaines pour réussir dans cette mission, à la tête d'une entreprise qui symbolise l'excellence française dans le domaine des transports. Vous avez été délégué interministériel aux Jeux olympiques et paralympiques : vous savez donc le défi que représente, pour les transports franciliens, l'organisation de ces Jeux ainsi que de la Coupe du monde de rugby. Vous êtes en outre un fin connaisseur des sujets relatifs aux infrastructures. Or la RATP sera le gestionnaire des 200 kilomètres de voies nouvelles du Grand Paris Express ouvertes à la circulation et à la concurrence entre 2024 et 2030 – l'étendue de ce réseau sera proche de celle de l'actuel métro parisien.
L'ouverture à la concurrence est un autre défi. J'aimerais que vous nous présentiez en détail votre vision de l'articulation future entre le cœur de métier de la RATP et les activités de RATP Dev, en France – à Boulogne-sur-Mer et à Charleville-Mézières, par exemple – comme à l'étranger – à Florence, à Alger ou aux États-Unis, où RATP Dev est très présent.
Vous vous définissez vous-même comme un gaulliste social. Il faudra beaucoup de passion pour le service public, de sens du dialogue social et de goût du projet pour emmener la RATP et ses salariés vers ces nouveaux défis.
Le rapporteur au Sénat, qui appartient pourtant à l'opposition, a reconnu que vous disposiez de toutes les compétences pour réussir. Nous sommes très nombreux à le penser ici et à l'avoir encore constaté à l'instant. Pour toutes ces raisons, les députés du groupe Renaissance et apparentés soutiendront votre nomination à la tête de notre RATP – je dis « notre » parce que cette entreprise appartient aux Français.
Trois millions de personnes empruntent chaque jour le réseau de bus de la RATP. Or, depuis plusieurs semaines, l'entreprise se trouve confrontée à de graves dysfonctionnements. À Paris et en petite couronne, 26 % des bus prévus ne circulent pas. Dans le métro parisien, la situation n'est pas meilleure puisqu'au mois de septembre, la régularité des rames était de 10 % à 20 % inférieure à la normale. Ma première question, à laquelle vous avez déjà partiellement répondu, est donc simple : que comptez-vous faire pour rétablir rapidement un service de qualité, en particulier dans la capitale ?
Le 27 juillet dernier, vous étiez auditionné par notre commission afin que nous validions votre nomination à la présidence du conseil d'administration de l'Afit France. Ma deuxième question porte donc sur votre job hopping, une expression anglo-saxonne utilisée pour qualifier une instabilité professionnelle chronique. Il y a deux mois, vous aviez indiqué vouloir mener à l'Afit France une action de long terme. Est-ce l'ennui, la quête d'un meilleur salaire ou la recherche d'un meilleur pantouflage qui motive votre arrivée à la RATP ? D'aucuns soulignent votre amour du ferroviaire, ce qui nous fait craindre que vous ne changiez à nouveau de poste prochainement, pour prendre la présidence de la SNCF. Trois mois avant d'être nommé président du conseil d'administration de l'Afit France, vous affirmiez pourtant dans la presse vouloir repeindre les volets et la rambarde de votre maison dans les Pyrénées.
Mais vous en avez peut-être d'autres…
Vous l'avez dit vous-même, la HATVP a donné son accord à votre nomination à la présidence de la RATP à condition que vous vous absteniez, jusqu'en 2025, de toute démarche auprès des anciens ministres de votre gouvernement. Nous ne voyons pas comment vous envisagez sérieusement de traiter dans ces conditions les grands dossiers que sont la prochaine ouverture à la concurrence des transports parisiens ainsi que le transport des passagers lors de la Coupe du monde de rugby en 2023 et des Jeux olympiques en 2024. Vos explications ne sont ni convaincantes ni réalistes.
Vous l'aurez compris, nous ne voterons pas en faveur de votre nomination.
« C'est juste un enfer : des temps d'attente de trente minutes pour des bus blindés. » « Le RER B, c'est la pire ligne. Je vais me taper deux heures de trajet ce matin, au lieu de quarante-cinq minutes quand j'ai de la chance. » Ces témoignages qui illustrent la galère quotidienne des usagers des transports en commun en Île-de-France, nous en recevons par centaines. Comme certains de mes collègues, je vis la même chose en tant qu'usagère. Les Franciliens sont écrasés dans des wagons bondés, ils sont en retard et ils souffrent physiquement de leurs trajets quotidiens, à tel point que les groupes de gauche au conseil régional ont saisi la Défenseure des droits.
Les causes de cette situation, qui dure depuis plusieurs mois, sont connues. L'ouverture à la concurrence, qui est en cours et dont vous avez parlé, occasionne un gâchis financier de 5 milliards d'euros. On fait tout pour grappiller le moindre centime. Résultat pour les salariés : certains conducteurs de bus travaillent une heure de plus par jour sans compensation financière, les primes passent à la trappe et les salaires restent faibles. Les embauches se font de moins en moins en CDI et sous statut. Le nombre de jours d'arrêt maladie a quasiment doublé entre 2018 et 2021, quand les dépenses consacrées à l'amélioration des conditions de travail ont été divisées par trois pendant la même période. Le matériel est défectueux et des bus prennent feu. La RATP doit cesser de maltraiter ses personnels et ses usagers : c'est la raison de la grève prévue demain.
Les solutions aussi sont connues. Dans l'immédiat, il faut dédommager les usagers et geler le prix du passe Navigo. À moyen terme, il faudrait annuler l'ouverture à la concurrence, embaucher massivement, augmenter les salaires et cesser de faire passer des transports pour les riches, comme le CDG Express, avant les lignes du quotidien. Nous doutons que ce soient là vos priorités. À Matignon, vous avez soutenu des projets routiers ultrapolluants et coupé les crédits de la SNCF ; vous vous attaquez maintenant à la RATP, main dans la main avec Mme Pécresse. Il faut dire que les 450 000 euros annuels que touchait votre prédécesseure sont plus alléchants que les maigres 3 500 euros mensuels que vous gagnez à l'Afit France. Dès lors, nous savons que vous n'agirez pas pour mettre un terme à ce désastre. Vous n'aurez ni notre vote ni notre confiance.
Je me réjouis de votre présence devant nous ce matin. Grâce à la révision constitutionnelle de 2008, les nominations importantes ne sont plus le fait du prince mais requièrent désormais l'aval des assemblées. La représentation nationale et le Parlement y ont beaucoup gagné.
Vous avez apporté de nombreux éléments de réponse à nos questions en vous exprimant hier devant nos collègues du Sénat. Néanmoins, quelques questions du groupe Les Républicains de l'Assemblée nationale restent en suspens.
La première, qui nous semble importante alors que revient le débat sur les retraites, concerne votre position à ce sujet en tant que futur PDG de la RATP et ancien Premier ministre. L'homme qui se présente devant nous est-il celui de 2020, qui a affirmé à la tribune de notre assemblée que le contexte budgétaire « implique clairement la disparition à terme des régimes spéciaux », notamment de celui des agents de la RATP ?
Notre deuxième question porte sur l'accessibilité des transports en commun franciliens. La loi de 2005, votée sous l'impulsion de Jacques Chirac, imposait une mise en conformité des services publics dans des délais contraints : son article 41 disposait que, dans un délai de dix ans à compter de la promulgation de la loi, les services de transports collectifs devraient être accessibles aux personnes handicapées et à mobilité réduite. Or, plusieurs années après l'expiration de ce délai, seules 3 % des stations du métro parisien sont accessibles aux personnes en situation de handicap, alors que les métros de Los Angeles et de Washington sont entièrement accessibles. Quel est votre plan d'action dans ce domaine ?
Notre troisième question concerne la sécurité dans les transports en commun. Selon un récent sondage, près de la moitié des usagers redoutent une agression ou un vol dans le métro ou le RER. Quelles mesures comptez-vous prendre pour sécuriser nos transports en commun ?
En fonction de la précision de vos réponses, notre groupe se positionnera avec bienveillance quant à votre nomination.
Vous nous avez déjà apporté un certain nombre de réponses, tant dans le questionnaire que dans votre propos introductif. J'aimerais cependant revenir sur quelques points.
Je voudrais tout d'abord vous interroger sur l'attractivité du métier de conducteur au sein de la RATP, et plus largement sur l'attractivité de l'entreprise elle-même. Vous avez évoqué certaines solutions que vous comptez mettre en œuvre en matière de recrutement, de climat social et d'ouverture à la concurrence. Avant son départ, Mme Catherine Guillouard craignait justement que cette dernière puisse remettre en question l'attachement des salariés à leur activité et à leur entreprise, renforçant ainsi le défaut d'attractivité du groupe. Pensez-vous qu'il s'agisse d'une crainte justifiée ? Comment pourrions-nous accroître l'attractivité de la RATP face à cette concurrence qui se profile ?
J'aimerais revenir également sur les enjeux liés à la transition écologique et technologique de l'entreprise. Électrification du réseau de bus, lutte contre la pollution de l'air dans les stations, nouvelles mobilités, logistique urbaine : les enjeux de la ville de demain sont considérables. Pour y répondre a été créée l'année dernière RATP Solutions Ville, une filiale dont l'objectif est « d'être le partenaire privilégié des villes intelligentes, humaines et durables ». Quelle place la RATP doit-elle tenir dans la ville de demain ? Quelle place faut-il accorder aux nouvelles technologies au sein de l'entreprise ? Je pense par exemple à l'usage de la vidéo intelligente.
Enfin, l'accessibilité des transports pour les personnes en fauteuil, que vient d'évoquer M. Vermorel-Marques, est un sujet qui me tient particulièrement à cœur. Si les bus parisiens et les tramways sont 100 % accessibles, ce n'est pas le cas des bus de banlieue. S'agissant du métro, seule la ligne 14 est accessible. De nombreux progrès sont attendus. Aussi, quelles actions comptez-vous mener pour rendre nos transports accessibles à tous ?
Le Mouvement démocrate soutient votre candidature.
C'est dans un contexte périlleux qu'intervient votre nomination à la tête de la RATP. Vous le savez, cette entreprise se trouve dans une situation particulièrement inquiétante : les usagers sont exaspérés par les temps d'attente toujours plus longs, tandis que les responsables syndicaux dénoncent de mauvaises conditions de travail. À cela s'ajoutent les Jeux olympiques et l'enjeu de l'ouverture à la concurrence. Le prochain PDG de la RATP devra donc marcher sur des œufs.
Votre nomination intervient à peine trois mois après que vous avez remplacé M. Christophe Béchu à l'Afit France. Nous assistons à un véritable jeu de chaises musicales depuis le début de la législature ; alors que nous pensions que la musique s'était arrêtée, la voilà qui reprend !
Bien que nous ne doutions pas de vos compétences, votre nomination nous semble poser plusieurs problèmes. Nous joignons nos doutes à ceux de la HATVP. D'un point de vue symbolique, ce jeu de chaises musicales nuit au pacte républicain, cultivant dans l'esprit de nos concitoyens l'image d'un entre-soi qui amenuise chaque jour un peu plus la confiance accordée aux représentants politiques. D'un point de vue pratique, il vous serait interdit d'entreprendre de nombreuses démarches auprès des anciens membres de votre gouvernement, de votre cabinet et des administrations jadis placées sous votre autorité. Dans le cadre de cette ouverture à la concurrence, que vous qualifiez vous-même de défi majeur pour l'entreprise, comment imaginer que le PDG de la RATP n'ait de contacts ni avec la Première ministre, ni avec le ministre délégué chargé des transports ?
Le 27 juillet dernier, devant cette même commission, vous disiez avoir accepté avec beaucoup d'enthousiasme la présidence du conseil d'administration de l'Afit France. Pour cette raison, nous vous proposons de conserver ce poste. Nous ne donnerons pas un avis favorable à votre nomination à la présidence de la RATP.
Depuis la rentrée, la RATP est devenue un sujet récurrent pour les journalistes, et pas seulement dans les pages locales du Parisien. Encore lundi dernier, elle faisait l'objet d'un article dans les pages orange du Figaro : « Métro à Paris : la pression monte sur la RATP » La photo illustrant l'article montre une rame de métro archibondée. C'est dire la dimension nationale qu'a prise la crise de la RATP.
Il faut dire que cette entreprise transporte chaque jour 3,5 millions de passagers aux quatre coins de la région capitale et que la moindre anicroche a un effet papillon. Force est de constater que les Franciliens sont à cran : utiliser les transports est devenu une source d'hyper-stress.
Vous vous apprêtez à prendre la tête de l'une des entreprises les plus prestigieuses de notre pays, qui connaît un gros trou d'air. Sur fond d'ouverture à la concurrence, la RATP est le théâtre d'importants conflits sociaux. Vous aurez la lourde tâche de trouver très rapidement les voies du dialogue pour que la journée de grève de demain soit la dernière de l'année. Il vous faudra aussi trouver les solutions pour rétablir un trafic à 100 % des métros et des bus, dans une conjoncture de carence aggravée de personnel formé. Alors que la crise ne touchait il y a quelques semaines que le réseau de bus, avec 25 % de trafic en moins, elle se répercute désormais sur le réseau du métro. Au-delà d'une mauvaise projection des besoins post-covid, la RATP souffre objectivement d'un manque d'anticipation d'autant plus inquiétant qu'elle a la lourde responsabilité de déployer le Grand Paris Express, d'ici aux Jeux olympiques de 2024, ainsi que d'autres projets importants. Les défis sont donc grands. Sans mauvais jeu de mots, il est nécessaire de remettre la RATP sur les bons rails.
La conjoncture est difficile, mais les structures sont solides. Il faut, à la tête de l'entreprise, une personnalité respectée et reconnue tant pour son sens de l'intérêt général que pour sa vision politique et sa ténacité. De la présidente de la région Île-de-France aux leaders syndicaux, chacun place beaucoup d'espoir dans votre méthode de management éprouvée et votre capacité d'entraînement. Cette unanimité est suffisamment rare pour être soulignée. C'est pourquoi les députés du groupe Horizons et apparentés soutiennent sans réserve votre candidature.
Depuis quelques semaines, les rames du métro parisien sont saturées, les quais sont bondés et les malaises se multiplient. Outre la ligne 13, qui est l'une des plus fréquentées au monde, les lignes 3, 4, 6, 8, 11 et 12 présentent un grave problème de régularité. Depuis la rentrée, la RATP peine aussi à assurer son offre de bus, avec 25 % de service non fait à Paris et en petite couronne.
Les difficultés d'exploitation ne viennent pas de la légère baisse de l'offre voulue par Île-de-France Mobilités, mais d'un manque de conducteurs de bus et maintenant de métro. Les difficultés de recrutement et les démissions en masse de conducteurs sont inédites. L'ouverture à la concurrence qui approche ne motive vraisemblablement pas les éventuels candidats, qui s'inquiètent du risque de forte dégradation des conditions de travail qui en découlerait. Un conducteur commence sa carrière avec un salaire de 1 800 euros net : en Île-de-France, cela n'attire plus. Les syndicats demandent une augmentation de salaire de 300 euros par mois. Parmi les autres causes de ce manque de conducteurs, on peut citer les départs à la retraite massifs, la hausse de l'absentéisme depuis le covid-19, la concurrence des autres secteurs en tension, mais aussi sûrement une crise plus profonde. Selon Christophe Cabos, délégué CGT des conducteurs, il n'est pas une ligne qui s'en sort correctement. Il manque entre 140 et 150 conducteurs de métro.
Vous avez évoqué ces difficultés dans votre propos liminaire, mais qu'envisagez-vous de faire pour attirer les nombreux conducteurs qui permettraient d'assurer un service de qualité, à l'heure où la lutte contre le réchauffement climatique nous invite plus que jamais à développer les transports en commun et à en améliorer l'efficacité ?
Par ailleurs, comment comptez-vous gérer les gros dossiers qui s'accumulent sur le bureau du PDG de la RATP, dont le plus important est l'ouverture à la concurrence, alors que la HATVP vous enjoint de ne pas entrer en contact avec vos anciens collègues ministres encore au Gouvernement, parmi lesquels le ministre délégué chargé des transports, Clément Beaune, et la Première ministre, Élisabeth Borne ? Vous avez dit que vous pourriez échanger avec M. Béchu : c'est bien, mais échanger avec les ministres directement concernés par ce dossier nous semble légèrement plus efficace ! Ces conditions ne vous permettront vraisemblablement pas d'exercer correctement les missions liées à ce poste. Les écologistes préféreront éviter de vous mettre dans une telle difficulté : c'est pourquoi ils voteront contre votre nomination.
Mme Guetté a relu avec attention le diagnostic récemment publié par L'Humanité. Vous arrivez en plein orage social. Effectivement, la mise en concurrence a été engagée par Valérie Pécresse, mais en tant qu'ancien et actuel responsable politique, vous avez accompagné ce mouvement, y compris pour d'autres moyens de transport majeurs. On connaît la logique : la région Île-de-France a racheté l'ensemble des moyens de production, et il ne reste plus au prestataire que vous êtes qu'à tirer sur les salaires et les conditions de travail – c'est effectivement ce que fait la RATP, dont l'action s'inscrit dans le cadre social territorialisé en vigueur depuis le mois d'août. Tout cela se traduit par la perte d'acquis sociaux majeurs, par une augmentation du temps de travail quotidien sans compensation financière, par la suppression de la prime de 12 euros et des vingt minutes de temps de travail supplémentaire accordées en cas de service en deux vacations, par la disparition d'autres primes portant sur de maigres rémunérations et par la perspective de perdre six jours de repos par an. Et je ne parle pas de ce qui nous attend en matière de retraites !
On peut améliorer les conditions de transport pour les voyageurs et viser un objectif légitime de protection de l'environnement, mais la réussite de ces actions passe d'abord par des hommes. Êtes-vous prêt à retourner à la table des négociations pour améliorer vraiment les rapports sociaux actuellement dégradés au sein de l'entreprise ?
L'action que vous souhaitez mener à la tête de la RATP relève d'un quintuple défi : le défi de l'ouverture à la concurrence, qui ne doit être réalisée ni au détriment de la qualité de service pour les usagers, ni au détriment des enjeux sociaux internes ; le défi du Grand Paris Express ; le défi de la gestion des grands événements comme Paris 2024 ; le défi de la modernisation des équipements et du déploiement des services de mobilité connectée ; le défi de la transition écologique, avec l'enjeu stratégique de l'intermodalité. Au carrefour de ces grands défis, vous restez confiant. Notre groupe est dans le même état d'esprit, malgré quelques réserves quant à l'image renvoyée par votre nomination.
Nous attendons de vous que vous excelliez dans l'écoute et la concertation, tant avec nous qu'avec l'ensemble des corps intermédiaires, et que vous respectiez, comme vous vous y êtes engagé, les réserves formulées par la HATVP.
Notre groupe souhaite également avoir des compléments d'information sur deux sujets.
Le premier concerne l'accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. On a parfois le sentiment que, dans ce domaine, la RATP a un métro de retard ! Comment entendez-vous renforcer cette accessibilité dans le métro et proposer aux personnes concernées une vraie intermodalité permettant de se déplacer d'un point A à un point B ? Il n'y a pas pire situation qu'une rupture d'accessibilité dans un trajet. Les enjeux tournent autour de l'information et de la concertation avec les autres opérateurs de transport. Les personnes à mobilité réduite feront-elles l'objet d'un traitement particulier dans le cadre du déploiement de la MaaS ?
Notre deuxième interrogation porte sur l'accélération de la transition énergétique et les objectifs de décarbonation.
Enfin, avant de changer de cap, comment évaluez-vous votre bilan à la tête de l'Afit France ?
Je me réjouis que même ceux qui s'opposent à ma nomination ne semblent pas douter de ma compétence. C'est pour moi l'essentiel, car la compétence doit être le premier critère de nomination aux emplois publics.
Il faudrait interroger l'opinion publique s'agissant de « l'image renvoyée » par ma nomination, pour reprendre l'expression utilisée par M. Bricout. J'espère qu'elle n'est pas mauvaise.
Madame Keloua Hachi, je n'ai pas du tout le sentiment de participer à un jeu de chaises musicales. J'ai toujours eu une appétence très forte pour les transports. La presse a d'ailleurs rappelé que j'avais déjà été candidat, en 2019, à la présidence de la SNCF, mais je n'avais alors pas eu le bonheur d'arriver jusqu'à vous – c'est normal, on ne gagne pas à tous les coups ! Si vous ne m'accordez pas votre suffrage, accordez-moi au moins le bénéfice de la cohérence. Je ne recherche ni un poste ni un salaire – ce n'est pas moi qui ai fixé la rémunération du PDG de la RATP. Ma motivation est d'œuvrer pour le service public et de servir mon pays. La présidence de la RATP s'est trouvée vacante dans les conditions que chacun a rappelées. Pour être très honnête avec vous, cela a allumé une petite lueur en moi, mais je n'ai pas pris l'initiative de me porter candidat. J'étais alors à l'Afit France, et je précise bien que ma candidature à la RATP ne s'explique pas par une insatisfaction liée à mon action au sein de cette agence. J'ai pensé que la présidence de la RATP revêtait des enjeux encore plus importants, et que je pouvais y être encore plus utile qu'à l'Afit France. Mais vous êtes parfaitement libres de penser le contraire – je partage les propos de M. Vermorel-Marques, c'est une bonne innovation que le Parlement se prononce sur ma nomination.
D'habitude, lorsqu'on veut recaser des amis, on leur propose plutôt une sinécure. Je ne suis pas certain que la présidence de la RATP puisse être qualifiée ainsi.
Serai-je à la hauteur de la tâche ? Je me suis évidemment posé cette question et si j'ai pris la décision de me présenter devant vous, c'est parce que j'ai la conviction que je peux apporter quelque chose à la RATP.
S'agissant de l'avis de la HATVP, celle-ci précise que je ne peux pas prendre l'initiative de contacter des ministres qui faisaient partie de mon gouvernement concernant l'ouverture à la concurrence. Toutefois, cela ne concerne pas les ministres eux-mêmes, à commencer par la première d'entre eux, qui peuvent entrer en relation avec moi à ce sujet. Je ne serai donc pas sans contact mais les liens qui seront établis le seront dans le cadre fixé par la HATVP. Si j'avais le sentiment que cet avis m'empêchait d'agir, je ne serais pas présent devant vous ce matin.
La politique de diversification et de filialisation, entamée il y a plusieurs décennies, doit être poursuivie sur la base de ce que nous savons faire. À l'étranger, nous devons privilégier le métro automatique car notre savoir-faire en la matière est incontestable. Il faut également bien choisir ses zones : la RATP est intervenue dans quelques pays qui se sont révélés particulièrement difficiles.
J'aime beaucoup le concept de RATP Solutions Ville car une entreprise de transport ne fait pas que cela : elle restructure également le paysage urbain ou rural. La RATP apporte sa contribution à la conception du tissu urbain autour des gares ; elle a également développé une expertise dans certains métiers, qu'elle doit exporter. Toutefois, on ne peut pas, d'un côté, chercher à vendre notre technologie et à exploiter des réseaux de bus ou de métro à l'étranger et, de l'autre, refuser qu'il en aille de même chez nous. La progression massive des transports en commun devrait nous réconcilier sur ce sujet.
Par ailleurs, il ne faut jamais laisser accroire que l'ouverture à la concurrence se ferait au détriment de notre cœur de métier. Je ne pourrais pas expliquer qu'on exploite très bien un réseau de transport en commun dans n'importe quelle ville du monde sous l'étiquette RATP, et pas celui de l'Île-de-France : les gens ne comprendraient pas et ils auraient raison. Je ne souhaite donc pas l'arrêt de ce processus, mais je veillerai à agir dans le bon ordre. L'ouverture à la concurrence est un moyen et non une religion. Elle ne peut porter atteinte à la qualité du service ni aux conditions de travail.
Le cadre social territorialisé nécessitera des négociations dont l'enjeu est loin d'être négatif puisqu'il porte sur un quatorzième mois, notamment pour les conducteurs de bus. Dans la mesure où il a vocation à s'appliquer à tous les opérateurs, il pourrait en outre constituer un progrès pour leurs salariés puisqu'il vise à harmoniser les conditions de la concurrence. Je comprends que cela inquiète car tout n'est pas réglé mais je ne pars pas battu d'avance. Il faut être très pragmatique : la finalité n'est pas la concurrence mais l'amélioration du service. Je ne connais pas de service qui se soit amélioré si les usagers ou les agents y perdent.
La question de l'accessibilité, à peu près réglée pour toutes les lignes de bus et de RER, la ligne 14 et les nouvelles lignes du Grand Paris Express, ne se pose plus que pour le métro historique. Lorsque j'étais délégué interministériel aux Jeux olympiques et paralympiques 2024, nous avions ambitionné de progresser un peu dans ce domaine, la ligne 6 ayant été choisie pour en être le laboratoire. Toutefois, cela posait un problème financier considérable et soulevait la question des autorités de l'État, notamment la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, qui exigeaient de mettre en accessibilité l'ensemble de la ligne et non simplement quelques stations, alors que les exigences n'étaient pas les mêmes pour le métro de Marseille.
Les décisions sur les investissements nécessaires seront liées aux capacités financières d'Île-de-France. Elles seront prises dans le cadre du contrat signé avec IdFM. Le contrat en cours, particulièrement ambitieux en matière d'investissement, devra faire l'objet d'un avenant pour intégrer les JO. Il faudra également préparer le contrat suivant. La question de l'accessibilité ne sera pas réglée d'un seul coup mais le métro historique doit concourir à la réalisation de cet objectif : cela enverra un signal fort en direction des personnes en situation de handicap.
S'agissant de la réforme des retraites, je ne renie rien de ce que j'ai dit et fait en la matière. À l'époque de la première réforme des régimes spéciaux, qui portait sur la disparition des bonifications, à l'automne 2007, j'étais le directeur de cabinet de M. Xavier Bertrand et nous avions, après de sérieuses discussions et des conflits sociaux, obtenu une première avancée sur ce sujet. Ce sera au Président de la République, au Gouvernement et aux parlementaires de décider des contours de la future réforme des retraites, en particulier des régimes spéciaux. Ma demande est d'être consulté en amont sur les modalités et les conditions de faisabilité et de participer aux négociations indispensables.
La sécurité est un sujet essentiel sur lequel nous devons encore faire des efforts. Je me rendrai très rapidement au centre de coordination opérationnelle ouvert en juillet dernier. Le groupement interne à la RATP dédié à la sécurité connaît lui aussi des problèmes de recrutement, les effectifs budgétaires n'étant pas tous pourvus – seuls 920 agents sur les 1 000 envisagés par IdFM devraient être recrutés fin 2022. Il faut à tout prix identifier les obstacles et définir les moyens nécessaires. Il faudra également travailler à la coordination avec la police nationale et avec la région, qui veut créer son propre dispositif de sécurité. Tout cela doit être bien articulé : la finalité, c'est l'efficacité. Mais j'ai parfaitement conscience que la sécurité est un enjeu majeur dans le quotidien des usagers.
Concernant le RER B, IdFM a adopté un grand programme pour remédier aux problèmes constatés sur les voies et sur le système d'exploitation, ainsi que pour remplacer l'ensemble des rames. Sa réalisation s'étalera dans le temps mais elle entraînera d'importantes perturbations du trafic, qui nécessiteront beaucoup de patience de la part des usagers. Nous devons en effet rattraper les retards d'investissement accumulés depuis plusieurs décennies.
L'amélioration de la qualité de l'air à l'intérieur des enceintes ferroviaires souterraines constitue l'une des priorités du plan national santé environnement adopté il y a quelques mois. Selon l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail), depuis le début des années 2000, les concentrations en particules fines en suspension dans l'air y sont en moyenne trois fois plus élevées que dans l'air extérieur urbain. Quelle démarche volontariste engagerez-vous pour améliorer la qualité de l'air dans le réseau souterrain de la RATP ?
Puisque vous avez évoqué la Coupe du monde de rugby, j'espère que, si vous prenez la tête de la RATP, celle-ci pourra non seulement accompagner le XV de France vers la victoire mais surtout faire du mécénat sportif en faveur du rugby.
Alors que la RATP est une vitrine de la France à l'international, comment pensez-vous développer son action extérieure et trouver de nouveaux contrats ? Nous avons toujours à l'esprit les réussites engrangées avec l'Arabie Saoudite, le Qatar ou encore les États-Unis.
Monsieur le Premier ministre, c'est avec surprise que nous vous retrouvons devant cette commission pour ce qui semble être un second entretien d'embauche en moins de trois mois – un chômeur inscrit à Pôle Emploi n'aurait sans doute pas eu autant de chance.
Votre arrivée à la tête de la RATP, troisième opérateur mondial de transport, pose légitimement question car rien, dans votre longue expérience, ne la justifie. Quelles garanties concrètes pouvez-vous apporter à notre commission pour la convaincre de valider votre nomination ?
Dans le Val-d'Oise, où je suis élu, nous subissons depuis près d'un an les conséquences de l'ouverture à la concurrence des lignes de bus. C'est une catastrophe pour les salariés, qui ont vu leurs primes et leurs salaires diminuer et leur amplitude horaire de travail croître dans des proportions considérables, mettant en jeu la sécurité des usagers. À la suite de démissions et d'arrêts maladie, les bus ne circulent plus, près de 100 passages étant supprimés par jour. Le quotidien des usagers est littéralement pourri, notamment celui des travailleurs essentiels qui partent tôt le matin et n'ont pas d'autre moyen de transport. Ne conviendrait-il pas de se montrer prudent et d'appliquer un moratoire sur l'ouverture à la concurrence dans les transports franciliens ?
En permettant de vivre sans voiture dans l'agglomération la plus peuplée du pays – seuls 33 % des foyers parisiens en possèdent une –, la RATP rend un service climatique majeur à la France. Les foyers qu'il vous faudra encore convaincre d'abandonner la voiture à Paris sont les plus aisés et, quand on voit le niveau de service de la RATP, qu'il s'agisse de la ponctualité, de la fréquence, de la propreté ou de la sécurité, on se dit qu'ils ne seront pas convaincus de sitôt. Chaque bus annulé, chaque métro bondé est un argument de plus pour les concessionnaires automobiles. Qu'allez-vous faire concrètement pour que les transports en commun deviennent le choix par défaut de tous les Franciliens ?
Polluer moins est un effort certes louable mais il ne peut se faire au détriment d'une partie des habitants. Tout le monde n'habite pas au centre de Paris et ne peut pas se déplacer à vélo ou en trottinette. De plus, l'accessibilité limitée des infrastructures laisse une partie importante des usagers à l'écart. Vous allez devoir travailler avec deux femmes que tout oppose : Valérie Pécresse, à la région, et Anne Hidalgo, à la ville. L'une veut produire une offre correcte et efficace sans augmenter le prix du passe Navigo, tandis que l'autre fait des travaux pour entraver la mobilité et met en place des zones à faibles émissions. Comment appréhendez-vous ces futures relations et quelles sont vos propositions pour ne pas laisser de côté une partie de la population ?
La RATP, très engagée dans la décarbonation avec le programme Bus 2025, prévoit de migrer l'intégralité de son parc de 4 600 véhicules vers une flotte 100 % écologique – 80 % en électrique et 20 % au biogaz. La moitié du parc aurait déjà été convertie en bus propres, faisant de la métropole parisienne une pionnière dans le monde. Cette première expérience de transition de la flotte de bus a-t-elle permis à la RATP de dégager des enseignements utiles ?
La RATP s'est engagée dans la décarbonation de sa flotte en faisant le choix de l'électricité et du biogaz. Mais est-elle ouverte à la technologie de l'hydrogène vert ? Sera-t-elle un acteur de la stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné en France ? Aura-t-elle un rôle à jouer dans le déploiement de cette filière d'avenir dans le monde du transport ? Cela serait bienvenu au regard de la surface de l'entreprise, dont les orientations sont scrutées et peuvent avoir valeur d'exemple.
Ne serait-il pas plus pertinent et plus transparent que tout contact entre le Gouvernement, une administration, le Parlement et une entreprise soit déclaré à la HATVP, quelle que soit la personne qui en prend l'initiative ?
Par ailleurs, que va-t-il se passer à Afit France ? Votre décision de rejoindre la RATP semble accréditer l'avis de la Cour des comptes, qui qualifie cette entité de « quasi-coquille vide ». Que vont devenir les ambitions que vous avez affichées en juillet dernier, en particulier pour le développement des transports en commun et du ferroviaire, alors que les investissements restent très largement insuffisants ?
Le réseau de la RATP compte 60 000 faces publicitaires, dont 700 écrans. Le chiffre d'affaires lié au marché de la publicité serait compris entre 130 et 150 millions d'euros par an. J'en conclus que la publicité fait partie intégrante du modèle économique de la RATP : ce service public se finance en partie via l'agression publicitaire. Les panneaux numériques avec une face consomment sept fois plus que le plus énergivore des mobiliers non numériques, et un panneau avec deux faces numériques consomme treize fois plus, soit entre 6 800 et 12 600 kilowattheures par an. Dans le contexte actuel de crise énergétique et de sobriété indispensable – la fameuse « fin de l'abondance » –, serez-vous prêt, une fois nommé à la tête de la RATP, à mettre fin au recours à la publicité numérique sur tout le réseau de la RATP ?
Nous vous avons auditionné ici même, en juillet dernier, pour votre prise de fonction à la tête d'Afit France. Que pensez-vous de cette agence d'État et qu'avez-vous eu le temps d'y faire ? Je vous avais interpellé à deux reprises, quand vous étiez Premier ministre, sur l'utilité des agences d'État et j'en avais dénoncé le nombre : la France en compte 1 245 – contre 122 en Allemagne –, qui coûtent 60 milliards par an.
Par ailleurs, la présidente de la région Île-de-France vous a saisi du problème du financement des transports. Selon elle, il lui manque 450 millions d'euros pour boucler son budget. Comment allez-vous travailler ces prochains mois sur cette question cruciale, sachant que les usagers en cette période de crise verraient certainement d'un très mauvais œil une augmentation du passe Navigo ?
Je n'ai pas bien compris la stratégie qui serait la vôtre sur la question des effectifs. Vous avez parlé du dialogue social, des difficultés d'attractivité et de la complexité des différents métiers. Avez-vous d'ores et déjà fixé une feuille de route concernant les effectifs globaux de la RATP ? Considérez-vous, au regard de l'évolution technologique, que l'on pourrait être amené à les diminuer ? Ou bien estimez-vous au contraire qu'il est absolument nécessaire de les maintenir, voire de les augmenter ? Si tel est le cas, dans quels corps de métier envisagez-vous des recrutements ?
Je commence par les questions relatives à la transition écologique et au développement durable.
La qualité de l'air est un sujet prioritaire pour la RATP comme pour IdFM. Ce sont les investissements qui permettront de l'améliorer. Comme je l'ai indiqué, la RATP va remplacer dans les années à venir plus de la moitié du matériel roulant sur le réseau du métro. Les voitures qui ont été commandées émettront lors du freinage 10 % à 15 % de particules de moins.
Vous le savez, monsieur Fugit, il n'existe pas de norme concernant les émissions de particules dans l'environnement intérieur. Il m'est donc difficile de formuler un jugement ou de fixer des objectifs en la matière. Il va de soi que la RATP ne va pas établir son propre référentiel, sinon elle serait juge et partie. Saisie par les services de l'État, l'Anses a rendu en mai dernier un avis sur la qualité de l'air dans les enceintes ferroviaires souterraines (EFS). Elle y indique : « en l'état actuel des connaissances disponibles, aucune conclusion ne peut être tirée concernant d'éventuels effets sanitaires liés à l'exposition des usagers à la pollution de l'air des EFS ». Rappelons que des plaintes ont été déposées.
Dans le diagnostic qu'il a remis en juin sur le dispositif de surveillance et d'information installé par la RATP, Airparif relève que « Paris dispose du système de mesure de référence le plus complet au monde ». Cela n'épuise pas le sujet. Je comprends les interrogations, et il convient de rassurer. Il faut impérativement progresser sur ce point, qui fait partie du plan stratégique ; j'y veillerai.
Le plan Bus 2025, cité par plusieurs d'entre vous, est effectivement l'un des leviers forts de la politique de transition écologique de la RATP. Le remplacement de bus diesel par des bus électriques ou fonctionnant au biogaz améliorera sensiblement son bilan carbone. En tant qu'éventuel président-directeur général entrant, monsieur Bony, je ne dispose pas d'éléments précis à ce sujet, mais je m'engage à vous les communiquer.
Vous avez raison, monsieur Descoeur, nous avons tout intérêt à avancer sur la question de l'hydrogène. Je suis très attaché à la stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné, que nous avons beaucoup soutenue. IdFM a lancé l'expérimentation de centres de bus à hydrogène à Vallée Sud-Grand Paris, notamment à Bagneux. Par construction, je n'en connais pas encore les résultats. Si une entreprise telle que la RATP s'engage dans cette voie, cela peut effectivement avoir valeur d'exemple.
Madame Belluco, il ne serait pas raisonnable de ma part de mettre fin du jour au lendemain à la publicité numérique. Les choses ne fonctionnent pas de la sorte, et je pense que ce n'est d'ailleurs pas ce que vous souhaitez. Le sujet est connu au sein de la RATP, qui met déjà en œuvre un plan visant à diminuer les émissions visuelles et à limiter leur impact environnemental, notamment en passant chaque fois que possible à des écrans LED. Je ne suis pas en mesure de vous dire ce matin s'il est suffisant et pleinement efficace, ni dans quelle mesure il conviendrait éventuellement de l'améliorer. En tant que chef d'entreprise, je ne dédaignerai pas les recettes publicitaires, mais il faut évidemment qu'elles soient compatibles avec les exigences environnementales. Mon objectif sera de réduire significativement leur impact en recourant aux technologies appropriées.
Si je comprends bien, si certains d'entre vous ne veulent pas de moi à la RATP, c'est non pas en raison de mon éventuelle incompétence, mais parce que je suis très bien à l'Afit France ! Il ne m'appartient pas de dresser le bilan de mon bref passage à la tête de celle-ci – je vous invite à le faire –, mais il n'est pas nul : j'ai stabilisé les effectifs ; nous avons adopté de nombreuses conventions de financement en quelques mois ; le taux d'exécution budgétaire sera encore amélioré.
L'Afit France n'est pas à proprement parler une agence, mais un établissement public de l'État. Sa grande force, je le répète, est de rassembler différentes sources de financement en un lieu unique et organiquement distinct – ce qui n'est peut-être pas tout à fait orthodoxe – et de les préserver ainsi de la régulation budgétaire. Je le dis notamment à l'attention de M. Valence, président du Conseil d'orientation des infrastructures (COI), notre pays a devant lui un mur d'investissements en la matière ; j'espère que le COI sera ambitieux, notamment pour l'Île-de-France. En tant que réceptacle de ces politiques publiques, l'Afit France me paraît un relais et un outil adapté. Elle ne doit évidemment pas être une coquille vide. Comme président de son conseil d'administration – où siègent, je le rappelle, des parlementaires –, j'ai pu mesurer sa réelle utilité.
Bien évidemment, il sera mis fin à mes fonctions de président de l'Afit France dès l'instant où je serai nommé au conseil d'administration de la RATP – si le Parlement ne s'y oppose pas –, car il n'est pas possible de cumuler les deux fonctions. Le Gouvernement veillera, je n'en doute pas, à désigner rapidement mon successeur ou ma successeure, qui poursuivra le travail engagé.
Dans le panorama des agences et établissements publics que vous avez dressé, monsieur Guy Bricout, l'Afit France est certainement l'une des plus efficientes : son équipe est très réduite, et on ne peut pas dire qu'elle consomme beaucoup de moyens de fonctionnement ou de frais de structure.
S'agissant du niveau de service, les choses sont désormais claires : la présidente d'IdFM a annoncé le retour à un service complet ; la balle est donc désormais dans le camp de la RATP. En tout cas, IdFM et la RATP ont pris une série de mesures visant à lutter contre l'absentéisme et à recruter des agents. Sur le fondement des données qui m'ont été communiquées, j'observe que le rythme des recrutements s'accélère, tant pour le bus que pour le métro, mais il ne sera pas possible de changer la situation du jour au lendemain d'un coup de baguette magique. D'une part, la RATP n'est pas le seul secteur en tension qui a du mal à pourvoir ses postes. D'autre part, il y a un temps entre le recrutement d'un conducteur de bus et sa prise de poste effective, ne serait-ce qu'en raison de la procédure de criblage et des formations nécessaires.
Je ne peux que vous répéter ce que j'ai indiqué hier au Sénat : mon rôle sera premièrement de m'assurer que les outils déployés par IdFM et par la RATP – le dernier en date étant le recours à l'intérim – sont effectivement mis en œuvre et donnent des résultats, deuxièmement d'identifier, s'il y a lieu, des leviers complémentaires soit pour faire revenir au travail des personnes qui ont quitté l'entreprise, soit pour accroître les recrutements. Je me fixerai deux à trois semaine pour cela, car je suis conscient que c'est la priorité absolue.
En outre, nous devrons tirer un retour d'expérience de la période actuelle et mener une réflexion plus structurelle, au demeurant déjà entamée, pour éclairer les décisions de court terme. Ce travail de fond doit porter sur deux sujets qui se traiteront par la négociation : la qualité de vie au travail – qui est sûrement affectée par l'ouverture à la concurrence – et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences – plusieurs d'entre vous ont parlé à juste titre d'anticipation.
J'en viens aux effectifs. Il va falloir mener avec doigté le transfert de certains employés de l'Epic de tête – dont l'effectif total va donc baisser – vers la filiale dédiée à la réponse aux appels d'offres dans le cadre de l'ouverture à la concurrence. Par ailleurs, je poursuivrai le travail engagé par ma prédécesseure : essayer de limiter au maximum les fonctions support ou de siège pour réaffecter des agents dans les unités opérationnelles. C'est neutre sur l'effectif global, mais cela nous permet de satisfaire nos impératifs de productivité. In fine, ce qui doit déterminer le volume de nos emplois, ce sont nos parts de marché, à savoir les appels d'offres que nous gagnerons ou la clientèle que nous reconquerrons. Il faut effectivement être ambitieux en la matière.
Merci, monsieur le Premier ministre, de nous avoir fait part de vos ambitions pour la RATP.
Après le départ de M. Jean Castex, il est procédé au vote sur la proposition de nomination par appel nominal à la tribune et à bulletins secrets, les scrutateurs d'âge étant M. Antoine Vermorel-Marques et M. Jorys Bovet.
Les résultats du scrutin qui a suivi l'audition sont les suivants :
Nombre de votants | 61 |
Abstention, bulletins blancs ou nuls | 8 |
Suffrages exprimés | 53 |
Pour | 34 |
Contre | 19 |
Informations relatives à la Commission
La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a nommé M. Pierre Cazeneuve et Mme Aude Luquet, corapporteurs pour avis sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (n° 443).
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mercredi 9 novembre 2022 à 9 h 30
Présents. - M. Damien Adam, M. Xavier Albertini, M. Gabriel Amard, M. Antoine Armand, Mme Anne-Laure Babault, M. Christophe Barthès, Mme Nathalie Bassire, Mme Lisa Belluco, M. Emmanuel Blairy, M. Jean-Yves Bony, M. Jorys Bovet, Mme Pascale Boyer, M. Guy Bricout, M. Jean-Louis Bricout, M. Anthony Brosse, Mme Danielle Brulebois, M. Stéphane Buchou, M. Sylvain Carrière, M. Lionel Causse, M. Pierre Cazeneuve, M. Mickaël Cosson, Mme Annick Cousin, Mme Christine Decodts, M. Stéphane Delautrette, M. Vincent Descoeur, M. Nicolas Dragon, M. Jean-Luc Fugit, Mme Clémence Guetté, M. Philippe Guillemard, M. Yannick Haury, Mme Chantal Jourdan, Mme Fatiha Keloua Hachi, Mme Florence Lasserre, M. Didier Lemaire, M. Gérard Leseul, M. Jean-François Lovisolo, Mme Aude Luquet, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Emmanuel Maquet, Mme Sandra Marsaud, Mme Alexandra Masson, Mme Manon Meunier, M. Pierre Meurin, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, Mme Louise Morel, Mme Danièle Obono, Mme Sophie Panonacle, Mme Mathilde Paris, Mme Christelle Petex-Levet, Mme Claire Pitollat, Mme Marie Pochon, M. Nicolas Ray, M. Benjamin Saint-Huile, M. Bertrand Sorre, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, M. Jean-Pierre Taite, M. Vincent Thiébaut, M. Nicolas Thierry, M. David Valence, M. Pierre Vatin, M. Antoine Vermorel-Marques, M. Antoine Villedieu, M. Hubert Wulfranc, M. Jean-Marc Zulesi
Excusés. - Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, Mme Sylvie Ferrer, M. Hubert Ott, M. Loïc Prud'homme, M. David Taupiac
Assistaient également à la réunion. - Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Mickaël Bouloux, M. Jimmy Pahun, M. Paul Vannier