Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du mercredi 3 avril 2024 à 17h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à dix-sept heures.

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Dans le cadre du cycle d'auditions consacré à la défense globale, nous auditionnons Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire.

Madame la secrétaire d'État, vous êtes sans doute l'une des plus qualifiées pour parler des actions du ministère des armées pour renforcer la cohésion nationale et diffuser l'esprit de défense.

L'année 2024 est très importante en matière mémorielle, en raison notamment de la célébration du 80e anniversaire de la Libération et des débarquements. Nous auditionnerons prochainement M. Philippe Étienne, président du groupement d'intérêt public (GIP) Mission Libération. Je ne doute pas que vous aurez à cœur de faire de cet anniversaire une occasion pour les citoyens de tout âge de se remémorer ce qui les unit, à l'heure où certains sont tentés de délaisser les cérémonies, voire de céder à la division.

Si nous parlons de mémoire dans un cycle consacré à la défense globale, c'est parce que la résilience nationale commence par la fidélité et le respect dus à nos anciens, dont l'exemplarité doit inspirer les jeunes générations. Leur nombre diminue jour après jour. Vous nous direz sans doute quelles actions vous envisagez pour assurer la pérennité de la transmission des mémoires, tout en permettant aux soldats de la quatrième génération du feu de trouver la place possible dans le monde combattant.

Vous nous direz sans doute aussi quelles actions vous envisagez de promouvoir auprès de la jeunesse afin d'assurer un dialogue intergénérationnel et, plus largement, de développer l'esprit de défense. Le général Givre, qui est à la tête de la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ), nous a fait part de son projet de réforme de la journée défense et citoyenneté (JDC). Nous serions heureux de connaître votre position en la matière.

De nombreux membres de cette commission sont très attachés aux classes de défense. Ils s'interrogent sur la façon de mieux sensibiliser les professeurs et d'accompagner ceux qui souhaitent mettre en œuvre ce dispositif, parfois confrontés à des difficultés d'ordre logistique, telles qu'affréter un bus pour emmener leur classe visiter un lieu de mémoire.

Le ministère des armées est le deuxième acteur culturel de l'État. Quelle est votre vision de la contribution de la culture à l'esprit de défense ? Les armées, les musées, les archives, la production audiovisuelle, l'histoire, les peintres des armées, les écrivains de marine, les résidences d'artistes, les prix de photographie et de bande dessinée sont autant de vecteurs qui disent ce que fut, ce qu'est et ce que sera peut-être l'esprit de défense. Nous aimerions savoir ce que vous envisagez en la matière.

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Patricia Mirallès, secrétaire d'État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire

Mesdames et messieurs les députés, j'aimerais, pour ouvrir mon propos, vous indiquer que j'ai pris la décision de faire rapatrier les corps de six soldats morts pour la France au cours de la guerre d'Indochine. Je sais que vous vous êtes intéressés à cette question, ce dont je vous remercie. Ceux qui sont tombés pour la France méritent d'être honorés. Ni la distance ni le temps ne doivent y faire obstacle.

D'après un sondage récent commandé par le ministère des armées, 77 % des Français âgés de 15 ans et plus approuvent la mission permanente de dissuasion nucléaire, 75 % approuvent l'opération Sentinelle et 65 % approuvent la participation de l'armée française au renforcement des troupes de l'Otan dans l'est de l'Europe, à proximité de l'Ukraine. Ces chiffres révèlent non seulement qu'une très large majorité de nos concitoyens adhèrent aux missions de nos armées, mais aussi qu'ils en partagent les valeurs et qu'ils leur font confiance.

Ce que révèle ce sondage est à rebours d'une certaine vision décliniste du lien armée-nation. Il s'agit au contraire d'une manifestation de l'esprit de défense, qui continue de réunir les Françaises et les Français. Cette confiance, je la partage. Il faut avoir confiance dans nos concitoyens, dans notre jeunesse.

L'histoire a montré que, dès lors que cela était nécessaire, les Français ont eu un sursaut moral salutaire. Ceux qui en doutent, ceux qui entretiennent un discours passéiste, se trouvent souvent du mauvais côté de l'histoire. Cette confiance naît aussi à la lecture des chiffres du recrutement – le général Benoît Durieux, que vous avez récemment auditionné, a partagé avec vous ses réflexions sur ce point.

Toute mon action vise à renforcer encore davantage le lien armée-nation, les forces morales et l'esprit de défense qui caractérisent notre pays, en intéressant pour ce faire nos concitoyens, notamment les plus jeunes, à notre histoire collective, support de notre mémoire.

Je ne suis pas très à l'aise avec la notion de récit national, qui est souvent un moyen détourné de construire un roman national, dont certains seraient exclus. En revanche, je partage l'idée selon laquelle il faut donner envie de s'intéresser à la mémoire et la rendre accessible et attractive. En ce sens, la mémoire est un outil de défense.

Construire et entretenir notre mémoire collective, ce n'est pas seulement cultiver un attachement nostalgique à un passé mort ; c'est regarder l'histoire en face, donc prendre en main et maîtriser les sujets brûlants susceptibles de fracturer la cohésion nationale. Construire et entretenir notre mémoire, c'est adopter une attitude consistant à ne pas avoir peur de l'histoire, celle dont nous avons hérité ou celle qui s'ouvre. Ce rapport à l'histoire distingue une société démocratique d'un régime autoritaire ou totalitaire.

Penser la mémoire comme un outil de défense est un défi collectif qui nous engage toutes et tous. Il suppose de former notre jeunesse, de fortifier historiquement et moralement des générations qui doivent faire face à une guerre informationnelle, à des fake news venues de l'étranger ou de l'intérieur, aux trolls et aux bots venus de l'est.

Je suis convaincue qu'une mémoire solidement étayée ainsi qu'une culture historique précise et honnête participent puissamment à la résilience de la nation. S'engager pour cette conception de la mémoire, c'est nécessairement s'engager pour la rendre accessible à toutes et à tous, quelle que soit la famille où l'on naît et le territoire où l'on vit. Pour cela, il faut placer les jeunes en situation et leur faire faire l'expérience de la transmission mémorielle, qui bien souvent bouleverse des vies.

Le 30 novembre 2023, j'étais à Auschwitz-Birkenau avec Esther Senot, ancienne déportée de 96 ans. À la fin de cette journée d'études, à laquelle participait une classe de Seine-Saint-Denis, j'ai vu une jeune fille se lever et dire à Esther Senot : « Madame, merci ». Il était dix-sept heures trente ; il faisait nuit ; il neigeait. Dans le baraquement où Esther Senot racontait sa déportation, les enfants ne parlaient plus. Ils écoutaient, oubliant leurs téléphones portables. Ils étaient suspendus à cette histoire. La jeune fille a ajouté : « Je me suis déplacée, je vous ai entendue ; je sais que cela a existé ».

Voilà pourquoi il faut aller chercher nos jeunes et les emmener sur place. Esther Senot lui a répondu : « Cela a été le combat de ma vie. Je n'ai jamais compris pourquoi on m'avait laissé la vie, à moi. » Travailler sur notre histoire, prendre possession de notre mémoire, particulièrement pour les jeunes générations, tel est le sens de mon action.

Lorsque nous évoquons la transmission de la mémoire, la première chose qui vient à l'esprit, ce sont les cérémonies et les commémorations – l'acte par lequel nous rendons hommage. Il s'agit d'une particularité de la politique publique de la mémoire : elle accorde une large place aux rites républicains que sont les cérémonies. Cette année, celles-ci seront particulièrement scrutées, car nous sommes entrés dans un cycle mémoriel de grande ampleur.

Après les 70 ans des débarquements et de la Libération, après le centenaire de la Grande guerre, nous célébrons cette année les 80 ans de la Libération de la France et les 70 ans de la bataille de Diên Biên Phu. Ces cycles commémoratifs auront un sens si nous nous en emparons, et si les Français s'y intéressent et participent aux cérémonies. C'est pourquoi j'ai eu à cœur, depuis ma nomination en juillet 2022 de régénérer nos commémorations.

Jusqu'à présent, les cérémonies nationales avaient lieu à Paris – aux Invalides, sous l'Arc de Triomphe ou dans d'autres lieux emblématiques. Au fil du temps, elles rassemblent moins, et souvent les mêmes personnes, issues des mêmes milieux. J'ai donc fait le choix, lorsque cela était possible et avait un sens, d'en délocaliser certaines, pour rapprocher les Françaises et les Français de leur histoire et pour accroître la participation. Je crois aux cérémonies qui honorent les morts et les vivants, qui rassemblent la nation et qui sont des rites vivants associant la jeunesse, qui sera à son tour dépositaire de notre mémoire.

Ainsi, la journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc du 19 mars 2023 a eu lieu à Notre-Dame de Lorette, où repose le soldat inconnu de la guerre d'Algérie. Elle a réuni 200 jeunes, un dimanche après-midi, dans le froid, contre une vingtaine lorsque la cérémonie se déroulait à Paris. La cérémonie du 30 avril 2023 en souvenir des victimes de la déportation a eu lieu au camp de Natzweiler-Struthof, où des centaines de déportés ont été forcés de travailler ou ont été exterminés. Ce dimanche, 150 élèves avaient fait le déplacement avec leurs professeurs.

J'ai également délocalisé la journée nationale d'hommage aux morts pour la France en Indochine du 8 juin au Mémorial des guerres en Indochine à Fréjus, et la cérémonie nationale d'hommage aux Morts pour la France, aux rapatriés, aux personnes disparues et aux victimes civiles pendant la guerre d'Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie du 5 décembre à Port-Vendres, qui fut l'un des principaux ports d'embarquement des appelés pour l'Algérie. À chaque fois, il y avait beaucoup de monde, des jeunes et des plus âgés, qu'une cérémonie à Paris n'aurait sans doute pas mobilisés.

Je me souviens d'une cérémonie au Mémorial Charles de Gaulle, à Colombey-les-Deux-Églises, et des élèves de l'une des classes qui s'y trouvaient auxquels nul n'avait donné les codes. À la fin de la cérémonie, je suis allée les voir pour savoir s'ils avaient compris ce qui s'était passé. Je venais de rencontrer, parmi ceux à qui j'avais serré la main, un ancien d'Indochine, qui revoyait son drapeau pour la première fois. Je lui ai proposé de le prendre en main, ce qui l'a fait pleurer. Il m'a dit que, désormais, il pouvait mourir, ce à quoi j'ai répondu que je préférerais qu'il m'offre l'apéritif.

J'ai demandé aux jeunes, qui étaient en peine de comprendre ce qui s'était passé, s'ils savaient ce qu'est la guerre d'Indochine. Je leur ai demandé s'ils avaient tous un portable connecté à internet, à quoi ils ont répondu « oui ». Je leur ai suggéré d'occuper le trajet de retour en bus à faire des recherches pour comprendre l'émotion de cet homme, qui a retrouvé le drapeau avec lequel il a combattu en Indochine. Le lundi matin, leur professeur m'a appelé pour me dire qu'il n'avait jamais eu un retour aussi calme : les gamins étaient tous sur leur portable pour essayer de comprendre ce qui s'était passé en Indochine et pourquoi cet homme avait embrassé ce drapeau.

Cette anecdote illustre l'utilité d'amener les jeunes aux cérémonies. Cela permet de leur faire comprendre certaines choses. Cette rencontre inattendue a permis de leur faire comprendre ce qui s'est passé en Indochine et les a amenés à s'intéresser par eux-mêmes à une histoire sur laquelle ils ne se seraient peut-être pas renseignés spontanément sur internet.

Je crois profondément à l'utilité de telles décentralisations, aux cérémonies qui se renouvellent et portent l'hommage de la nation par des moyens nouveaux, dans des lieux inédits à la puissance symbolique identique.

J'ai demandé à la direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA) de préparer un guide renouvelé d'organisation des cérémonies destiné à leurs organisateurs, permettant de mieux y associer le public par le biais des chants, des dépôts de gerbes et de la distribution de documents offrant des clés de lecture. Je veux que les jeunes soient acteurs de ces cérémonies, ce qui est le meilleur moyen d'assurer leur présence.

Une politique publique de la mémoire a un sens si elle est tournée vers la jeunesse, qui n'a pas connu les événements de l'histoire. Il faut l'aider à ancrer la mémoire dans la chaleur de la tradition, pour qu'elle ne considère pas qu'elle appartient au musée de l'histoire. C'est pourquoi je suis très attentive aux actions que nous développons avec le ministère de l'éducation nationale à l'attention des enseignants et des élèves.

La loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national a rendu obligatoire l'enseignement de défense.

La DMCA soutient son déploiement en finançant des projets pédagogiques ou associatifs d'enseignement de défense. Chaque année, 700 projets sont financés, à hauteur de 900 000 euros. Ils touchent plus de 70 000 élèves. Le nombre de demandes de subventions pour l'année scolaire 2023-2024 a augmenté de 100 %, ce qui témoigne de professeurs et d'élèves volontaires, débordant d'idées et ne se résignant pas. En 2023, les trinômes académiques ont permis de financer 169 projets, à hauteur de 200 000 euros.

La DMCA organise l'opération Héritiers de mémoire, et participe aux Rendez-vous de l'histoire de Blois et au Concours national de la résistance et de la déportation (CNRD), lequel rassemble chaque année près de 47 000 élèves issus de 2 000 établissements autour d'un thème – « Résister à la déportation en France et en Europe » en 2023-2024, « Libérer et refonder la France » en 2024-2025. Par ailleurs, dans le cadre du cycle commémoratif des 80 ans, le GIP Mission Libération a labellisé plus de 600 projets présentés par des professeurs, des classes et des établissements. Cela démontre la forte adhésion de notre jeunesse aux sujets de défense, dès lors qu'on l'aide à s'en saisir.

S'agissant des ressources pédagogiques, la DMCA les conçoit et les diffuse sur le site Chemins de mémoire, notamment sur la plateforme d'enseignement de défense educ@def, qui est pilotée par la DMCA et placée sous le contrôle scientifique de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR). Ce site est consulté par 100 000 visiteurs par mois en moyenne. La DMCA publie également chaque année quatre numéros et un hors-série de la revue Les Chemins de la mémoire, qui sont diffusés auprès de 50 000 établissements scolaires. Tirée à 23 000 exemplaires, elle est par ailleurs distribuée à 16 000 abonnés.

Pour aider nos concitoyens, notamment les plus jeunes, à s'intéresser à notre histoire, à leur mémoire, nous pouvons nous appuyer sur l'immense patrimoine du ministère des armées, dont je rappelle qu'il est le deuxième opérateur culturel de l'État. De notre histoire, nous avons hérité de nombreux lieux de mémoire, dont nous pouvons nous servir pour réactiver ou créer des milieux de mémoire. La politique culturelle du ministère est de plus en plus axée, outre la conservation du patrimoine, sur l'ouverture et la transmission de celui-ci au profit de la société civile.

Nous pouvons compter sur les musées nationaux, qui participent à l'entretien de la mémoire et au devoir d'histoire pour l'éducation, la formation et l'intégration des jeunes générations. En 2023, les trois plus grands ont accueilli près de 2 millions de visiteurs, dont 600 000 jeunes de moins de 26 ans. Citons aussi les onze hauts lieux de mémoire nationale, les 275 nécropoles nationales et les 2 200 carrés militaires. Depuis septembre 2023, 139 sites funéraires et mémoriels français et belges de la première guerre mondiale ont été inscrits au patrimoine mondial de l'Unesco.

Les musées d'armes, initialement conçus comme des outils de formation internes à l'armée, figurent parmi les rares lieux militaires ouverts au public. Ils sont un carrefour entre le monde des armées et la société civile, entre la jeunesse et les anciens combattants. En 2023, leur fréquentation est revenue au niveau qui était le sien avant la crise du covid-19, dépassant 230 000 visiteurs, dont 30 660 collégiens et lycéens.

L'ouverture et les échanges accrus vers l'univers de la création artistique contemporaine sont illustrés par C215, alias Christian Guémy, graffiteur, artiste engagé dans la défense des valeurs républicaines et le renforcement du lien armée-nation, agréé peintre des armées. Il graffite notamment sur des boîtes aux lettres et à la prison de Fresnes. Décoré de la médaille d'or de la Défense nationale, il a avoué qu'il n'aurait jamais pensé, lorsqu'il était jeune graffiteur, porter l'uniforme à 50 ans et transmettre l'histoire par ses graffitis ainsi que de ce qu'il a ressenti – il a beaucoup peint pour l'Ukraine, où il s'est rendu dès les premiers événements.

Pour construire et soutenir l'esprit de défense de la Nation, nous avons des actes, des cérémonies, des publics et des institutions, notamment celles chargées de la jeunesse et de la culture. Nous avons aussi des acteurs sans lesquels rien ne serait possible. Le rôle des anciens combattants, avec lesquels je travaille énormément, est essentiel.

Ils ont été acteurs et témoins directs des conflits que la France a connus. Ils sont dépositaires de leur mémoire. Ils savent ce que sont l'engagement et la guerre, et peuvent tenir à leur sujet un discours de vérité. Leur contribution à l'éducation, à l'histoire et à la transmission de la mémoire est immense. Cœur battant de nos cérémonies et de nos commémorations, ils sont très engagés dans vos territoires, auprès de notre jeunesse – je pourrais citer mille initiatives en ce sens. Les associations du monde combattant financent des projets de grande ampleur, très structurants, qui réussissent durablement.

Tel est par exemple le cas du prix du civisme et de la mémoire de la Fédération nationale André Maginot (Fnam), que j'ai remis ce matin à l'Assemblée nationale. Cette association a noué un partenariat financier avec le GIP Mission Libération, qu'elle soutient en finançant, à ma demande, des projets pédagogiques à hauteur de 100 000 euros. Ce partenariat se prolongera l'an prochain.

Plus généralement, la Fnam est un partenaire essentiel du ministère des armées en matière de soutien à l'enseignement de défense. Grâce à sa commission Jeunesse et mémoire, des milliers d'élèves partent en voyage scolaire sur les lieux de mémoire chaque année. Je ne peux que l'en remercier.

Avec la Fnam et l'Union des blessés de la face et de la tête (UBFT), le ministère des armées a créé la commission paritaire de financement des projets pédagogiques exceptionnels, qui vise à financer la totalité des projets mémoriels portés par des établissements scolaires et destinés à marquer leur territoire. Elle a d'ores et déjà financé vingt-deux projets, pour un montant de 150 000 euros.

Le réseau associatif du monde combattant est très dense et son maillage territorial très serré. Les anciens combattants d'hier et d'aujourd'hui sont donc en mesure de parler à tout le monde, partout, tout le temps. Ils sont l'incarnation même des valeurs de résistance, de sacrifice et de courage, qui participent de l'esprit de défense. Ils sont un modèle pour notre jeunesse, qui est en demande de modèles et d'un héritage à incarner.

Ils le sont d'autant plus que l'appellation « anciens combattants » ne désigne pas uniquement des anciens. La quatrième génération du feu rassemble des hommes et des femmes de 25, 30 ou 35 ans, qui ont participé à de nombreuses opérations extérieures (Opex), et savent à quel point notre pays a besoin de partager un esprit de défense avec les militaires qui se battent pour lui.

Par ailleurs, souvenons-nous que la spécificité de la mémoire combattante est au cœur du contrat social. Elle le renforce, car elle unit les citoyens, leur pays et ceux qui les défendent. Parmi les acteurs qui animent l'esprit de défense en France, il y a la DMCA, engagée dans une politique tous azimuts en faveur de la transmission mémorielle.

Elle participe à l'organisation des cérémonies et des commémorations. Elle soutient l'enseignement en général et l'enseignement de défense en particulier, en concevant et en diffusant des ressources pédagogiques nationales auprès des réseaux éducatifs. Elle encourage la création artistique en participant au financement de films, de documentaires et d'œuvres littéraires. Dans le domaine de la bande dessinée, la deuxième édition du prix « Les Galons de la BD » incluait un prix spécial pour la jeunesse, décerné par un jury de collégiens et de lycéens, de la 5e à la Terminale, issus de dix-huit classes de défense, représentant les régions académiques de métropole et d'outre-mer.

Le second opérateur qui met en œuvre la politique mémorielle du ministère des armées est l'Office national des combattants et des victimes de guerre (ONACVG), dont la mission mémorielle a été inscrite dans la loi du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense, dite LPM 2024 – 2030. L'ONACVG est un acteur de terrain, au plus proche des territoires. Ses services départementaux, dont le maillage est très fin, assurent l'animation des écosystèmes mémoriels locaux.

Le Bleuet de France fait aussi partie des dispositifs sur lesquels nous pouvons nous appuyer, à deux titres : il permet de collecter des fonds pour aider nos militaires blessés et de mobiliser le monde combattant au sein de la société civile, des amicales régimentaires aux associations d'anciens combattants, des sportifs aux classes. Sa montée en puissance est l'une des grandes priorités que je me suis fixées. La doctrine que j'ai rédigée vise à l'accompagner. Il y a, dans cette petite fleur consacrant la victoire de la vie sur la mort dans la boue des champs de bataille, tout ce qui unit la nation à celles et à ceux qui la protègent. Je remercie les parlementaires, quelle que soit leur formation politique, qui le portent.

Il est primordial de conserver à l'esprit qu'une politique publique de la mémoire ne sera pérenne qu'à condition d'être territorialisée. Tous les déplacements que je fais l'illustrent : toutes les réussites durables sont intégrées à des dynamiques locales anciennes. Dans le Morbihan, un vade-mecum des porte-drapeaux a été réalisé avec le soutien de la députée Anne Le Hénanff, par la délégation militaire départementale (DMD) et l'ONACVG départemental. Ce recensement, unique en France, crée un effet d'entraînement et valorise l'action des porte-drapeaux.

Notre ministère soutient les initiatives locales, car l'État ne peut pas tout faire seul. De surcroît, lui laisser toute la responsabilité de la construction de la mémoire n'est pas très démocratique. Il importe d'encourager le développement d'une mémoire à portée de main et de regard. Notre histoire et notre mémoire ne s'expriment pas uniquement lors des cérémonies officielles, dans les travaux des historiens ou sur le papier glacé des manuels d'histoire. Elles sont surtout dans les noms des rues, des places et des écoles, dans nos villes et nos villages, dans nos campagnes, dans nos plaines et sur nos plages, sur nos monuments et nos mémoriaux, qu'ils soient gérés par l'État ou par les collectivités locales.

J'ai ici un petit livret rédigé par mes services, intitulé Aux combattantes, la France reconnaissante. Il recense cent combattantes et résistantes. Vous pouvez proposer celle qui vous inspire le plus – peut-être parce que son histoire est liée à vos territoires – aux maires de vos circonscriptions. Il est bon, lorsque l'on marche dans la rue, de lever la tête. Les personnes dont les rues portent le nom ont une histoire, qui est aussi une façon d'intéresser notre jeunesse. C'est en soutenant les dynamiques territoriales que nous accélérerons la réactivité des milieux de mémoire.

La mémoire et l'histoire, qui en est le support, sont essentielles à la généralisation d'un esprit de défense et à l'acquisition d'un sentiment individuel et collectif de résilience. L'enjeu est de les rendre accessibles et attrayantes, donnant à notre jeunesse l'envie de s'y intéresser, grâce à la promotion de valeurs positives, sans verser dans l'imaginaire. Il s'agit de promouvoir nos réussites et ce sur quoi nous pouvons nous appuyer, tout en étant capables de regarder l'histoire en face et de reconnaître nos fautes. C'est à cette condition que nous serons en mesure de susciter ce désir de vivre ensemble, dont parlait Ernest Renan, et que nous pourrons faire nation, qui est notre bien commun, dont je refuse d'abandonner l'idée aux nationalistes.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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Madame la secrétaire d'État, au nom des membres du groupe Renaissance, je vous remercie de vos propos très instructifs sur le rôle de votre ministère en matière de défense globale.

Je tiens également à saluer vos interventions et vos rencontres sur le terrain, tout au long de l'année. Elles témoignent de votre attachement profond au monde combattant. Ce fut un honneur de vous accueillir le 7 novembre 2022 en Charente-Maritime pour une cérémonie du ravivage de la flamme de la nation – amenée depuis Paris par l'association Le Relais sacré – dans une petite commune où plus de 500 personnes étaient présentes, et pour votre visite de la base aérienne de l'École d'enseignement technique de l'armée de l'air et de l'espace (EETAAE) de Saintes-Les Gonds-Thénac.

La mémoire collective des sacrifices consentis par nos anciens combattants et la préservation de leur héritage jouent un rôle crucial dans la construction de notre identité nationale et la défense de nos valeurs. Votre ministère incarne la reconnaissance et le respect envers ceux qui ont défendu notre pays, souvent au péril de leur vie. Il veille à ce que leur engagement et leur dévouement ne tombent jamais dans l'oubli, en organisant des commémorations, en entretenant les lieux de mémoire et en soutenant les anciens combattants ainsi que leurs familles.

En préservant la mémoire des conflits passés, nous gardons à l'esprit les leçons apprises, les erreurs à ne pas répéter et les valeurs pour lesquelles nos ancêtres se sont battus. Cette transmission générationnelle est essentielle pour former des citoyens conscients de leur histoire et de leurs responsabilités envers la défense de leur pays.

Cette mission a encore davantage de sens de nos jours, en raison du retour de la guerre sur notre continent. Notre cycle d'auditions sur la défense globale nous rappelle que la défense ne se limite pas aux aspects militaires et qu'elle englobe également la préservation de notre cohésion sociale, de nos valeurs démocratiques et de notre identité culturelle, en contribuant à forger un sentiment d'unité et de solidarité nationales, indispensable à toute politique, qui forme le lien armée-nation si nécessaire en ces temps troublés.

Je suis heureux de constater que la politique mémorielle bénéficie cette année de crédits supplémentaires de 19 millions, qui permettent notamment d'accroître l'effort de restauration du patrimoine mémoriel dans les sites où de lourds travaux sont indispensables.

L'année 2024 est celle du 80e anniversaire du Débarquement et de la bataille de Normandie. Cette commémoration internationale accueillera vingt-quatre chefs d'État, 200 vétérans et près de 50 000 touristes du 5 au 7 juin. Chaque année, nos compatriotes se font un devoir de se souvenir de ce qui s'est passé sur les plages de France à l'été 1944. C'est un devoir de mémoire envers tous ces soldats et civils qui ont péri ainsi qu'une joie de célébrer, ensemble, la liberté retrouvée grâce à eux.

Hormis ces commémorations, si importantes soient-elles, comment pouvons-nous contribuer à développer un esprit de défense et de cohésion nationale dans la société civile, parmi les jeunes et les moins jeunes ?

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Patricia Mirallès, secrétaire d'État

La culture est un vecteur essentiel non seulement du développement de l'esprit de défense mais aussi de la transmission de la mémoire. Je souhaite développer l'action culturelle de mon ministère dans deux directions.

La première, de long terme, est l'ouverture vers la société civile, le public et les artistes, pour faciliter et encourager la transmission de la mémoire. La seconde est tournée vers l'actualité mémorielle et culturelle, soit, en 2024, les commémorations du 80e anniversaire de la Libération et les Jeux olympiques et paralympiques (JOP). Ceux-ci permettent, grâce à un programme culturel dense et varié, de faire découvrir les liens étroits unissant le sport et l'armée, de la préparation physique et opérationnelle du soldat, perçue sous l'angle de son ancrage historique, au rayonnement du sport militaire sur les scènes nationale et internationale en passant par l'importance du sport dans le processus de reconstruction du blessé.

La directive culturelle triennale est en cours d'actualisation pour la période 2024-2027. Sa mise en œuvre incombe au directeur de la DMCA. Les objectifs de la politique culturelle sont clairs : renforcer les forces morales des armées ; développer l'esprit de défense ; participer au rayonnement de la France. Les ambitions du plan « Musées » pour les trois grands établissements publics prévoient, outre la réouverture du Musée national de la marine en novembre dernier, que je vous invite à visiter si ce n'est déjà fait, l'extension des parcours dans les collections du Musée de l'armée, grâce à l'introduction de quatre nouveaux parcours, dont l'un, intitulé « Forces armées et engagements militaires de la France », portera sur les théâtres d'opérations extérieurs.

Les musées d'armes, lieux de rencontre entre l'institution militaire et la société civile, et de transmission entre les anciennes et les nouvelles générations, ont également un rôle essentiel à jouer, notamment en raison de leur insertion dans la vie locale et de leur réseau culturel territorial.

La production audiovisuelle bénéficie du soutien financier de la DMCA, qui participe chaque année à une trentaine de documentaires, de web-documentaires et d'œuvres de fiction, qui traitent des conflits du XXe siècle, favorisent le patrimoine et contribuent à l'entretien de l'esprit de défense, en lien avec la mission Cinéma de la Délégation à l'information et à la communication de la défense (Dicod).

S'agissant de l'Établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (ECPAD), le cœur de sa mission est l'encouragement à la création artistique contemporaine. Il concerne tous les services et établissements culturels du ministère et prend de nombreuses formes, des « Galons de la BD » aux résidences d'artistes – l'ECPAD en a ouvert une en 2022, que deux photographes intégreront en 2024, le Musée de l'air et de l'espace en a ouvert une en 2023, et le Musée national de la marine en ouvrira une dans le courant de l'année 2024.

La première édition du Prix de la création musicale, qui se tiendra à l'automne 2024, récompensera une marche militaire.

S'agissant des peintres des armées, j'ai illustré leur action en évoquant C215.

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Madame la secrétaire d'État, permettez-moi d'exprimer, à titre personnel et au nom du groupe Rassemblement national, qui défend une Europe de nations, le plaisir que nous avons à vous auditionner, qui est proportionné à l'intérêt que nous portons à nos anciens combattants.

Six mois se sont écoulés depuis votre dernière audition. Il me semble légitime de vous interroger sur les propositions que j'avais formulées alors, acceptées par la commission et malheureusement sacrifiées par le Gouvernement, avec un mépris sans bornes pour la démocratie et nos anciens combattants, sur l'autel de l'article 49-3.

Nous avions proposé de revaloriser la pension militaire d'invalidité (PMI) pour faire face à l'inflation. Nous avions aussi proposé d'élargir le champ d'application de l'arrêté du 12 janvier 1994 fixant la liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de la carte de combattant au titre de l'article L. 253 ter du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, pour que les combattants des Opex aient la reconnaissance qu'ils méritent.

Nous avions proposé une revalorisation de l'allocation de reconnaissance du combattant pour soutenir financièrement nos anciens combattants. Nous avions proposé une hausse des crédits dédiés aux sépultures militaires inscrites au patrimoine de l'Unesco. Nous avions proposé l'exonération des redevances pour les associations d'anciens combattants installées dans des locaux militaires. Nous avions proposé une hausse des crédits de l'ONACVG, pour accompagner la transition vers ses fonctions de mémoire.

Où en sommes-nous dans l'avancement de ces propositions portées par notre groupe ? Le Gouvernement en a-t-il repris quelques-unes à son compte dans l'intérêt des anciens combattants ?

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Patricia Mirallès, secrétaire d'État

Si le Gouvernement a eu recours à l'article 49-3, c'est parce que les groupes d'opposition, dont le vôtre, ont refusé de voter le budget. Si vous voulez que vos amendements soient adoptés, il faut voter le budget. C'est la règle. Je me contente de la rappeler.

S'agissant de la revalorisation du point d'indice de la PMI, elle fait l'objet d'une clause de revoyure cette année. Nous y travaillons – c'est un travail de dentellière – avec les associations nationales d'anciens combattants.

L'accord de la Première ministre pris dans le cadre du PLF leur permet de bénéficier de l'augmentation du point d'indice de la PMI un an plus tôt que prévu, comme l'année précédente, en écartant le risque de devoir attendre dix-huit mois pour en bénéficier.

Concernant l'assouplissement des conditions d'attribution de la carte du combattant. Il ne vous a sans doute pas échappé que, dès la première réunion de la Commission nationale de la carte du combattant (CNCC) à laquelle j'ai participé, j'ai relevé des incohérences. J'ai consulté le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG), qui est en quelque sorte la bible de nos militaires. Une autre lecture que celle habituellement faite nous a semblé possible.

La carte du combattant était attribuée selon un calcul fondé sur le nombre de jours passés en unité combattante. Depuis l'été dernier, il faut avoir passé quinze semaines et un jour en unité combattante, ce qui a permis à la CNCC d'attribuer, en janvier 2024, environ 270 cartes à d'anciens combattants de la guerre d'Algérie. En fixant le seuil à 112 jours de service, nous élargissons le champ des bénéficiaires potentiels de la carte du combattant.

Vous m'avez interrogée sur les crédits de la mission Mémoire. Je pourrais vous rappeler certains amendements au projet de loi de finances pour 2024 visant à supprimer les crédits d'indemnisation des victimes de la Shoah, que j'ai catégoriquement rejetés. Je me suis battue pour que le budget de cette mission ne diminue pas l'an dernier. Nous continuerons à nous battre pour valoriser nos anciens combattants et leurs familles.

S'agissant de l'aide qui leur est apportée, elle relève de la mission de solidarité de l'ONACVG.

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Je suis heureux d'apprendre le rapatriement des corps de six soldats français morts à la bataille de Diên Biên Phu. À ce propos, je regrette que la guerre d'Indochine soit à peine mentionnée en cours de la classe de Terminale. La bataille de Diên Biên Phu, riche d'enseignements, constitue un point de rupture.

Le politiste Yuen Foong Khong a dit de l'histoire des guerres : « Les politiques sont de piètres historiens. […] Leur répertoire de parallèles historiques est restreint, si bien qu'ils choisissent et appliquent les mauvaises analogies. » Or l'histoire et la mémoire sont des armes. Les guerres du XXe siècle relèvent d'une question qui est toujours d'actualité : le droit à l'autodétermination des peuples. Dans le contexte actuel, il est nécessaire que la population soit sensibilisée à ces événements, qui ont forgé notre nation.

En 2021, la Cour des comptes a dressé le bilan des référents académiques « Mémoire et citoyenneté ». On y lit : « D'une part, les référents sont le plus souvent des inspecteurs du second degré (surtout d'histoire-géographie) qui conservent d'autres missions et ne consacrent à leur dossier académique qu'un temps limité. D'autre part, ils sont dépourvus de moyens. »

Qu'en est-il à présent ? Pourquoi ne pas assurer à la jeunesse l'accès à des cours d'histoire permettant de lever le tabou entourant les guerres coloniales ou de libération, auxquelles la France a pris une part active par le déploiement de ses soldats et de ses conscrits, et d'assurer la cohésion nationale autour d'une mémoire commune au service des défis auxquels nous ferons face.

Thomas Sankara disait : « La Francophonie peut être un instrument de notre libération ». Le travail de mémoire collective mené dans le cadre de la Francophonie offre de multiples opportunités de construire, avec les peuples, une relation libérée des restes de colonialisme. Le secrétariat d'État aux anciens combattants et à la mémoire peut jouer un rôle central au service de la paix et de la sécurité collective, et du redéploiement de l'action internationale de premier plan de la France auprès des États dits du Sud. Que comptez-vous faire à ce sujet à l'aube des 80 ans de la Libération ?

Par ailleurs, que comptez-vous faire de la proposition de reconnaissance mémorielle des malgré-nous d'Alsace-Moselle formulée par notre collègue Emmanuel Fernandes ?

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Patricia Mirallès, secrétaire d'État

La décolonisation est enseignée au lycée, sans exclure les guerres qu'elle a suscitées. Je fais confiance aux enseignants. J'en ai rencontré aujourd'hui encore. Nous pouvons les saluer, d'autant qu'ils vivent un contexte difficile. Hussards de la République, ils s'investissent davantage que ce qui leur est demandé. La plupart de vos questions relevant de l'éducation nationale, je ne peux que les transmettre à ma collègue Nicole Belloubet pour qu'elle y réponde.

Pour ma part, j'effectue de nombreux déplacements en France, notamment dans les petites collectivités, dont il importe que les habitants voient, eux aussi, les membres du Gouvernement. Dans les collèges et les lycées, je discute avec les élèves. J'ai récemment participé à un colloque sur la guerre d'Algérie à Sciences-Po Aix.

Nous sommes aussi là pour ouvrir la discussion et pour écouter. Nous ne pouvons pas nous contenter de dire que la jeunesse ne va pas bien. Nous avons en France une belle jeunesse. Il faut aller vers elle. J'en prends ma part, dans le cadre de la mission qui est la mienne. Je souhaite que les jeunes soient acteurs de leurs projets et de leurs cérémonies, accompagnés par leurs enseignants.

Nous commémorerons bientôt les 70 ans de la bataille de Diên Biên Phu. Comme l'an dernier, la cérémonie, qui se tiendra le 8 juin, sera délocalisée au Mémorial des guerres en Indochine. À cette occasion, nous poserons la première pierre de sa rénovation, située face à la mer et très abîmée. Je souhaite qu'à chaque cérémonie assistent des enfants, des collégiens et des lycéens, pour qu'ils en ressentent et en comprennent les enjeux.

S'agissant des malgré-nous, nous travaillons avec l'ONACVG. Nous ferons prochainement des annonces dans le domaine mémoriel. À Strasbourg, des familles de malgré-nous m'ont indiqué que l'important, pour elles, est que les malgré-nous fassent l'objet d'une reconnaissance et soient inclus dans les commémorations des 80 ans de la Libération.

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Madame la secrétaire d'État, vous avez rappelé votre engagement auprès des anciens combattants, en faveur du lien armée-nation et de la mémoire, que nous soutenons et encourageons. Vous recevoir dans ma circonscription le 24 août prochain, pour la commémoration des 80 ans du massacre de Buchères, sera un honneur.

Une inquiétude plane sur le budget alloué à votre ministère et sur son évolution depuis la publication du décret d'annulation de crédits le 21 février dernier. J'aimerais savoir quels sont les projets concernés. Leur liste est-elle définitivement arrêtée ? Avez-vous défini une courbe de redéploiement des dépenses ? Si oui, à quel rythme et selon quel ordre de priorité ?

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Patricia Mirallès, secrétaire d'État

Les propositions d'annulation de crédits faites par le ministère des armées concernent le programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation. Les 17 millions annulés par le décret du 21 février 2024 seront déduits de la ressource prévue pour le financement de la dette viagère, soit la PMI et la revalorisation de la retraite du combattant. Le montant de la dette viagère diminue chaque année en raison de la diminution du nombre de ses bénéficiaires.

Cette diminution de la ressource ne remet pas en cause les droits des bénéficiaires, qui sont garantis par la loi. Les pensionnés de guerre et les anciens combattants ne constateront aucune interruption dans le versement de leurs prestations. J'ai souhaité que l'équilibre général du programme 169 soit préservé.

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Madame la secrétaire d'État, le groupe Démocrate s'associe à vos propos sur les commémorations, sur la sauvegarde des lieux de mémoire et sur le rôle des anciens combattants, qui demeure essentiel.

Le travail de mémoire est indispensable. Il doit toucher tous les citoyens. Le ministère des armées s'y attache, notamment auprès de la jeunesse, grâce à plusieurs programmes menés en partenariat avec l'éducation nationale, tels que les classes de mémoire et le concours national de la résistance et de la déportation (CNRD). Un véritable parcours de citoyenneté offre aux jeunes la possibilité de s'éveiller à l'esprit de défense et d'être sensibilisés à l'importance du lien entre l'armée, la jeunesse et la citoyenneté. Il leur permet d'acquérir, de façon ludique, les connaissances, les compétences et la culture nécessaires en matière de défense et de sécurité nationale, par le biais de l'histoire, des enjeux de société et du patrimoine. Le groupe Démocrate salue votre engagement et la qualité des travaux effectués en la matière.

L'esprit de défense, sa diffusion et son renforcement auprès du plus grand nombre s'appuient sur un équilibre essentiel entre les actions du ministère des armées et celles de l'éducation nationale. Comment conjuguer jeunesse et citoyenneté ? Cette question soulève d'autres interrogations relatives au rôle des parents, qui est complémentaire de celui des ministères précités et du service national universel (SNU).

Quels sont les autres leviers d'action qui mériteraient d'être pris en considération afin d'accentuer le plus largement possible le renforcement de l'esprit de défense auprès de notre jeunesse ? Les parents doivent-ils jouer un rôle dans ce processus ? Si oui, lequel ?

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Patricia Mirallès, secrétaire d'État

Le renforcement de l'esprit de défense au sein de la jeunesse est une priorité de toute nation consciente de l'histoire et des défis à venir. C'est pourquoi le législateur l'a introduite en 1997 dans le code de l'éducation et dans le code de la défense. Il est donc enseigné dans les établissements relevant des ministères des armées, de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et de l'agriculture. Je travaille avec mon collègue Hervé Berville à l'extension de ce protocole aux lycées de la mer, afin d'assurer la couverture la plus large possible des lieux d'enseignement.

L'éducation à la défense vise à sensibiliser les élèves et les équipes pédagogiques à l'organisation, aux missions et aux enjeux de la défense et de la sécurité nationales, par le biais d'enseignements et d'actions pédagogiques. Je me réjouis que vous ayez évoqué le rôle fondamental des familles et de l'échelle locale, celle à laquelle s'enracine le mieux l'esprit de défense, soit la conscience individuelle d'appartenir à une société qui doit être défendue.

Le rôle du dernier kilomètre, en l'espèce l'école, est essentiel. Avec ma collègue Nicole Belloubet, nous partageons la conscience du rôle vital que jouent les enseignants à l'école. Un projet réussi transcende les élèves, les professeurs, les établissements scolaires et les parents.

Les élèves de Mme Robert, enseignante au collège Les Giraudes, près de Gap, ont réalisé un projet audiovisuel sur la prise en charge des blessés dans les armées depuis la Grande guerre. La réalisation de ce film est exceptionnelle. Son impact sur les jeunes, ceux qui l'ont réalisé et ceux qui l'ont vu dans d'autres établissements, contribue utilement à l'esprit de défense. Je leur adresse une nouvelle fois, ainsi qu'aux enseignants, mes félicitations. Votre commission devrait proposer à tous les membres de l'Assemblée nationale de le voir. J'oserai parler de chef-d'œuvre, compte tenu de l'âge des élèves qui l'ont réalisé, et dont certains sont aussi acteurs.

Il est primordial de préserver l'intégrité du territoire face aux menaces et aux enjeux contemporains. Dans cette perspective, les trinômes académiques, qui réunissent autour du recteur les représentants des armées et les associations régionales de l'Institut des hautes études de défense nationale (Ihedn), jouent un rôle essentiel. Ils prennent en charge de nombreuses activités de formation destinées aux élèves, telles que les rallyes citoyens. Celui du camp de Souge rassemble chaque année plus de 500 élèves de l'académie de Bordeaux. Ces activités, qui sont souvent des moments de découverte de l'esprit de défense et de ses enjeux, doivent trouver des relais plus profonds et plus réguliers, notamment dans le cadre des familles, dont certaines pourraient, à cette occasion, raconter enfin leur histoire.

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Madame la secrétaire d'État, je vous remercie d'avoir évoqué le travail de notre collègue Anne Le Hénanff, qui illustre bien l'attachement du groupe Horizons et apparentés au monde combattant.

Je vous remercie aussi d'avoir rappelé que la mémoire vit d'abord dans nos territoires et vous félicite de votre formidable effort de décentralisation des cérémonies et de présence dans nos territoires, dont certains de vos collègues pourraient s'inspirer. Je ne doute pas que l'année 2024 m'offrira au moins une occasion d'avoir le plaisir de vous accueillir dans ma circonscription, peut-être le 13 septembre pour les cérémonies de la libération du sud du Cher.

Attaché aux anciens combattants, notre groupe éprouve reconnaissance et admiration à l'égard des anciens combattants, notamment aux porte-drapeaux, qui donnent une coloration si particulière aux cérémonies.

J'aimerais savoir ce que votre ministère peut faire en matière de dialogue avec celui de l'éducation nationale pour renforcer la présence des élèves et des enseignants lors des cérémonies. Ma circonscription est très rurale. Avec 162 communes, les cérémonies y sont innombrables. Je suis toujours sensible à la différence entre celles auxquelles assistent des élèves ainsi que des enseignants et les autres.

S'agissant du sujet plus technique que certaines associations appellent les théâtres oubliés, tels celui du Tchad avant 1969, j'aimerais connaître l'évaluation que fait votre ministère des progrès de leur prise en compte. L'appellation est très désagréable. En la matière, on ne peut pas se permettre d'oublier quiconque. Compte tenu de l'engagement de nos anciens combattants, on ne peut se permettre d'oublier aucun théâtre d'opérations sans jeter un doute.

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Patricia Mirallès, secrétaire d'État

Dans les collèges et les lycées, il y a souvent des plaques commémoratives. Il y en a dans le lycée où étaient scolarisés mes enfants ; pourtant, ils n'ont jamais rien commémoré. Lorsque Gabriel Attal était ministre de l'éducation nationale, nous avions envisagé d'effectuer des déplacements ensemble dans des établissements scolaires. J'y travaille avec Nicole Belloubet.

Cela suppose que des classes travaillent au préalable sur ceux qui y sont commémorés, en cours de français ou d'histoire, voire de sport – j'ai eu l'occasion de constater que certains professeurs d'EPS parvenaient à mener un travail mémoriel par le biais du sport. Si une plaque commémorative a été posée dans un établissement scolaire, c'est qu'une histoire lui est associée. Il faut valoriser ce patrimoine et travailler cette mémoire.

L'élue locale que je suis estime qu'il est bon, pour réinventer les cérémonies, de faire appel aux maires, qui doivent pour leur part écouter les parlementaires et les autres élus. L'organisation des cérémonies s'inscrit dans le cadre d'un protocole. Je ferai rédiger un guide à l'attention des maires. À Londres et en Écosse, j'ai constaté que tout un chacun a le droit de déposer une offrande. J'aimerais que les jeunes assistant à une commémoration travaillent au préalable sur une telle démarche. Ainsi, ils en seraient acteurs.

Pour le centenaire du premier allumage de la Flamme, le 11 novembre 2023, nous avons rassemblé un samedi soir, dans le froid, 350 jeunes, en appelant nous-mêmes les établissements scolaires. Ils sont venus par la Voie sacrée. Je les appelle « les petits veilleurs ». Chacun était placé avec une lampe devant un porte-drapeau. Raviver la Flamme, cela marque. La présence des jeunes permet de faire venir les parents, voire les grands-parents.

Pour la cérémonie de veillée en hommage à Missak Manouchian, nous avons rassemblé d'autres petits veilleurs, en contactant les établissements scolaires. Certains n'avaient jamais vu de cercueil ; ils étaient très émus et s'en souviendront. Tel est bien l'enjeu : créer un souvenir, qui incitera à participer à d'autres commémorations, voire à en proposer des évolutions. Je formulerai prochainement des propositions pour le centenaire du Bleuet de France, auquel des jeunes seront associés.

S'agissant des théâtres oubliés, nous travaillons avec les associations d'anciens combattants et avec les titulaires de la carte des anciens combattants. Quelques difficultés restent à surmonter, mais nous ne les oublions pas. Mon cabinet réfléchit à des solutions permettant de ne pas amoindrir le statut des titulaires de la carte du combattant et de n'oublier personne, peut-être en faisant évoluer la reconnaissance dont bénéficient les anciens combattants.

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Nous en venons aux interventions des autres orateurs.

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Les manifestations organisées pour le 80e anniversaire du Débarquement, de la libération de la France et de la victoire forment un cycle commémoratif qui importe à la nation tout entière et à chaque citoyen français. Elles constituent autant d'occasions de nous rassembler derrière nos valeurs et de faire preuve de cohésion nationale. Elles offrent l'occasion de transmettre la culture de l'engagement à notre jeunesse et de faire rayonner notre histoire internationale.

Pouvez-vous détailler les moyens mis en œuvre pour populariser cet événement, afin que chaque Français se l'approprie dans tous les territoires, même à l'écart des grandes cérémonies militaires ?

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En tant que secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire auprès du ministre des armées, vous savez comme moi que le nombre d'anciens combattants diminue malheureusement. Or ils entendent faire vivre leur engagement passé. Si des enfants sont parfois présents lors des cérémonies commémoratives, voyez-vous un intérêt à augmenter la présence de ces ambassadeurs de l'esprit de défense lors d'entretiens ou de conférences dans les écoles françaises, afin de renforcer la cohésion nationale, voire de susciter des vocations, en tout cas de faire vivre leur engagement et notre histoire ?

Par ailleurs, faire vivre cette mémoire, c'est aussi rendre hommage à nos soldats qui tombent au champ d'honneur de nos jours pour que nous vivions en paix. En 2019, le caporal-chef Cédric Guyot, natif de Château-Gombert, dans ma circonscription marseillaise, est décédé au combat contre des orpailleurs illégaux, dans le cadre de l'opération Harpie, en Guyane. Pour sa famille et ses camarades de régiment, à la demande de l'association des anciens combattants de Château-Gombert, je souhaite savoir si vous êtes favorable à l'apposition d'une plaque à son nom sur le monument aux morts de Château-Gombert.

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La notion de défense globale concerne un vaste spectre d'acteurs de notre société. Un objectif commun les rassemble : assurer la sécurité des citoyens et les défendre contre toute forme d'agression et d'injustice. Face à la nouvelle donne internationale et aux risques auxquels notre pays est confronté, cette notion prend tout son sens.

Toutefois, la défense globale repose sur les citoyens. Il importe de rappeler aux Français les raisons pour lesquelles les orientations prises en matière de défense et de sécurité sont non seulement légitimes, mais aussi et surtout nécessaires, dans la mesure où elles visent à protéger leurs conditions de vie ainsi que notre souveraineté et nos institutions. Tel est l'objet de la politique mémorielle du ministère des armées, qui permet de construire et de nourrir, tout au long de la vie, les éléments qui constituent notre mémoire collective. Si le ministère des armées pilote la politique mémorielle de la nation, sa mise en œuvre relève de nombreux acteurs sur tout le territoire, au premier rang desquels les élus locaux.

De quelles aides les élus locaux bénéficient-ils en tant qu'acteurs majeurs de notre politique mémorielle ?

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Ma question porte sur l'attribution de la médaille d'outre-mer avec agrafe « Tchad » aux militaires ayant participé à l'opération menée du 25 août au 25 novembre 1968 au Tchad. Depuis le 23 septembre 2014, seuls les militaires ayant participé aux opérations militaires au Tchad à compter du 15 mars 1969 peuvent l'obtenir. Pourtant, l'action des acteurs des opérations antérieures mérite la considération et la reconnaissance de la nation. Ils sont nombreux à nous solliciter à ce sujet.

Dans une question écrite, notre collègue Grégoire de Fournas vous a demandé si vous comptez intervenir pour que ces anciens combattants puissent obtenir cette médaille. Je me fais leur porte-voix : comptez-vous prendre leur action en considération afin qu'ils puissent être décorés de cette médaille ? La reconnaissance envers nos anciens combattants est un enjeu essentiel de notre défense. Aucune raison ne justifie d'en exclure certains d'entre eux.

S'agissant des propositions de notre groupe en faveur des anciens combattants, évoquées par notre collègue José Gonzalez, vous avez dit vous être opposée à des amendements visant à supprimer les crédits d'indemnisation des victimes de la Shoah. Ces propos sont scandaleusement faux. Nous n'avons jamais déposé de tels amendements. Il s'agissait de gages.

Je me permets de vous rappeler, Madame la secrétaire d'État, que les parlementaires sont obligés d'assortir leurs amendements de gages. S'agissant de ceux auxquels vous faites allusion, nous ne pouvions les gager autrement qu'en prélevant des crédits dédiés au devoir de mémoire. Seul le Gouvernement peut lever le gage. Vous avez refusé de le faire, donc de mettre en application les propositions du groupe Rassemblement national. Nous n'avons fait que respecter une obligation constitutionnelle.

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J'ai dans ma circonscription, dans la Haute-Vallée de l'Azergues, une classe de défense, qui joue un rôle de relais essentiel du lien armée-nation et des Chemins de la mémoire. Ce rôle tient à la volonté d'un professeur, soutenu par son proviseur, ce qui est une bonne illustration des difficultés. Comment renforcer le lien avec l'éducation nationale ? Vos services peuvent-ils travailler avec ceux de l'éducation nationale pour faire en sorte que, chaque année, une journée soit consacrée aux classes de défense de chaque territoire ?

Dans un lycée polyvalent de ma circonscription, une professeure d'histoire-géographie absolument géniale fait participer au CNRD des élèves plâtriers-peintres, en leur faisant fabriquer des Stolperstein. La classe de défense précitée a reçu le drapeau d'un maquis ; les élèves n'en croyaient pas leurs yeux.

Ces expériences sont extraordinaires. Les territoires sont demandeurs de classes de défense. Ils ne manquent ni de volonté ni d'énergie. La difficulté, c'est le financement, qui manque cruellement, surtout dans le contexte que nous connaissons à ce sujet. Il ne manque pas grand-chose pour aider la volonté des élus à favoriser de telles initiatives.

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De nombreuses questions portent sur l'éducation, ce qui confirme la pertinence de la mission d'information sur le rôle de l'éducation et de la culture dans la défense nationale de nos collègues Christophe Blanchet et Martine Etienne. Nous devrions auditionner Nicole Belloubet courant mai.

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Patricia Mirallès, secrétaire d'État

Monsieur Sorez, le souhait du Président de la République, sur lequel je travaille régulièrement avec l'équipe de direction du GIP Mission Libération, est de faire du cycle de commémoration de la Libération de la France un temps de commémoration internationale, ainsi que de partage et de cohésion pour tous les Français, dans tous les territoires. Je salue l'équipe du GIP, qui travaille sous la houlette de l'ambassadeur Philippe Étienne, du général Delion et du préfet Sudry. Cette équipe, réduite mais engagée, coordonne un nombre considérable de cérémonies et de commémorations, notamment celle du 6 juin prochain, et ce jusqu'en 2025.

Rendre ces commémorations accessibles à tous, tel est notre objectif. C'est pourquoi nous avons opté pour une longue séquence normande, du 5 au 7 juin. Si la cérémonie internationale du 6 juin, autour des derniers vétérans, sera la clé de voûte de cette architecture, nous avons souhaité que les populations civiles normandes soient pleinement associées à la mémoire de la Libération. La libération de la Normandie a aussi été une période de mort de masse pour les Normands, et de destruction, parfois intégrale, de villes de la région.

La journée du 5 juin sera consacrée aux actions des commandos SAS en Bretagne et à Saint-Lô, à la mémoire des populations civiles libérées mais meurtries. Nous souhaitons faire évoluer nos commémorations, afin qu'elles évoquent directement la vie quotidienne des habitants de l'époque. J'aimerais que tous les participants de ces cérémonies, notamment les jeunes, puissent entendre et ressentir, grâce à une voix off, l'émotion mêlée de joie, de peine et de douleur que pouvaient ressentir les soldats, les résistants et la population il y a 80 ans, lors de la Libération.

Les comités départementaux de la Libération animent les services départementaux de l'ONACVG sous l'autorité des préfets, qui labellisent les projets, recensent et encouragent les actions de commémoration de la Libération, en lien avec les territoires. Plus de 1 000 projets ont été labellisés. L'éducation nationale a labellisé plus de 600 projets pédagogiques relatifs à la mémoire et à la Libération. Les entreprises publiques et privées sont aussi mobilisées. Le 21 mars dernier, le président du GIP, Philippe Étienne, et le président de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, ont signé un accord de mécénat en soutien du cycle commémoratif 2024-2025.

Madame Lelouis, pour faire des jeunes des ambassadeurs de la mémoire, il faut de beaux projets sur lesquels travailler, tels ceux réalisés par les ambassadeurs de la Shoah. Il faut aussi que les établissements scolaires invitent des intervenants. Lorsque j'étais députée, j'écrivais chaque année aux établissements de ma circonscription pour leur proposer de venir discuter de leurs projets mémoriels. Les enseignants doivent faire confiance aux parlementaires que vous êtes. En discutant avec la jeunesse, nous participons à leurs projets pédagogiques.

S'agissant du caporal-chef Guyot, il est mort lors d'une opération sur le territoire national. Il ne peut donc être considéré comme mort pour la France. Toutefois, le CPMIVG autorise le maire à inscrire un nom, sinon sur le monument aux morts, sur un autre monument de la commune, afin de le mettre à l'honneur. Vous pouvez explorer cette piste avec le maire de sa commune et avec sa famille. Je comprends cette démarche et j'y suis favorable, car elle est destinée à ceux qui restent.

Monsieur Fiévet, l'engagement des élus locaux détermine la vitalité de la mémoire combattante dans les territoires. Sans eux, rien n'est fait avec ampleur et pérennité. Ceux qui se sont engagés dans des actions mémorielles peuvent bénéficier de subventions du ministère des armées, auprès de la direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA), ce que peu d'élus savent. Le ministère des armées s'appuie sur les dynamiques locales en soutenant, dans le cadre des projets partenaires territoriaux (PPT), les ambitions de collectivités territoriales ou d'associations porteuses de projets d'équipements mémoriels à portée nationale, voire internationale.

Depuis le lancement du cycle du centenaire de la première guerre mondiale, le ministère des armées a apporté son soutien à près de soixante-dix collectivités locales et associations porteuses de projets mémoriels d'envergure, pour plus de 20 millions d'euros, en tenant compte de tous les conflits contemporains et de l'équilibre entre territoires. En 2024, compte tenu du nombre de projets portés par les territoires, 950 000 euros pourront être consacrés à des projets pédagogiques, muséographiques et mémoriels soutenus par des collectivités territoriales et des associations, dans le cadre des PPT.

Les projets dont l'intérêt national est moindre peuvent bénéficier d'une subvention, instruite dans le cadre de la commission de subventions présidée par la DMCA. Elle permet notamment d'accompagner la restauration et la création d'éléments mémoriels de proximité, tels que les monuments et les plaques commémoratives, ainsi que les actions de valorisation du tourisme de mémoire telles que les chemins, les bornes et les divers événements mémoriels.

J'ai eu l'honneur d'inaugurer un monument aux morts à Saint-Sériès, où les plaques étaient posées sur un trottoir. Nous avons travaillé avec le maire de la commune, qui a obtenu une subvention de la DMCA pour enfin ériger un monument. À Murles, petite commune de 400 habitants dont aucun habitant n'est mort pendant la Grande guerre, se demandait comment participer aux commémorations avec l'école élémentaire du village. Nous l'avons aidé à créer, sur une pierre, un monument consacré aux morts de toutes les guerres, ce qui lui permet d'organiser des commémorations.

Dans le cadre de l'Agenda rural 2, une enveloppe de 350 000 euros est prévue en 2024 pour moduler l'aide aux communes de moins de 2 000 habitants introduite en 2023. Sur ce montant, 250 000 euros sont réservés aux communes rurales, ce qui permet de porter l'aide à 50 % du budget nécessaire à la restauration des monuments. Chaque subvention est plafonnée à 5 000 euros, au lieu de 1 600 euros pour les autres communes, quel que soit le montant du projet.

Monsieur Boccaletti, la notion d'Opex a été créée par la loi du 6 août 1955. Seuls sont susceptibles d'être qualifiés d'Opex les engagements présentant des conditions d'intensité et d'exposition à une menace opérationnelle particulières. Cette qualification fait l'objet d'un examen au cas par cas. La décision est prise au vu de la nature des actions conduites sur le terrain.

Les missions menées par les militaires engagés en République du Tchad avant 1969 n'ont pas été qualifiées d'Opex, car elles ne remplissaient pas les conditions d'intensité et de menace opérationnelle requises. Il n'en résulte pas que les mérites des militaires ayant pris part à cet engagement opérationnel sont méconnus.

S'agissant de ma mauvaise expression que vous avez évoquée, le gage doit être équilibré. Souvent, il porte sur l'imposition du tabac. Vos amendements prévoyaient un gage d'un montant supérieur aux crédits du programme 158.

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J'ai rencontré dans ma circonscription un porte-drapeau accompagné de son petit-fils de 17 ans, lui-même porte-drapeau depuis l'âge de 10 ans. Il m'a demandé si celui-ci ne pouvait recevoir, en sus de son diplôme, une médaille. Je lui ai remis la médaille de l'Assemblée nationale. Cette question m'a été posée à plusieurs reprises. Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous m'éclairer sur ce point ?

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Dans les classes de défense, beaucoup dépendent de la mobilisation d'un enseignant. Ce matin, l'un d'entre eux accompagnait une lycéenne de l'institut Saint-Dominique, à Pau, pour une remise de prix, à la grande fierté du père de la lauréate – en général, les parents des élèves des classes de défense accompagnent cette démarche, d'autant que les cérémonies ont lieu en général le samedi, le dimanche et les jours fériés. Un autre enseignant de ma circonscription, auquel nous remettrons la médaille de l'Assemblée nationale, accompagne des élèves de CM1 et de CM2, ce qui exige d'obtenir l'autorisation des parents. Associer ces derniers est essentiel.

À chaque dépôt de gerbe, je m'entoure de Jeunes sapeurs-pompiers (JSP) et d'élèves pour que les parents aient la fierté de voir leurs enfants mis en valeur. Il faut trouver le moyen de mobiliser les parents d'élèves, peut-être par le biais de leurs associations, par-delà le cadre de l'éducation nationale.

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Patricia Mirallès, secrétaire d'État

Madame Serre, il est possible d'obtenir des financements par les crédits budgétaires et par le biais de la commission tripartite que j'ai instituée avec la Fnam. Certaines classes ont déjà effectué deux ou trois voyages.

S'agissant de la reconnaissance, je vous invite à suggérer la remise des Palmes académiques, car l'éducation nationale en a beaucoup à remettre. J'ai eu l'honneur de les remettre à un professeur de Gennevilliers, devant ses élèves, qui étaient très fiers que leur enseignant, qu'ils adoraient, soit récompensé. Elles sont souvent remises lors de la présentation du mémoire rédigé en classe de défense.

S'agissant des jeunes porte-drapeaux, certains sont présents aux cérémonies parce que leur grand-père commence à fatiguer, d'autres parce qu'il n'est plus là où parce qu'ils ont une histoire. La possibilité d'être porte-drapeau est ouverte à partir de quinze ans. Il faut l'être pendant trois ans pour obtenir une médaille. J'en ai créé une pour les trois qui le sont depuis soixante ans ou plus. Si le nombre de jeunes porte-drapeaux augmente, il faudra réfléchir au sujet. Quoi qu'il en soit, il faut toujours récompenser l'engagement, notamment celui des jeunes afin qu'ils soient présents à nos cérémonies.

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Madame la secrétaire d'État, nous vous remercions.

La séance est levée à dix-huit heures trente-cinq.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Jean-Philippe Ardouin, Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Christophe Bex, M. Frédéric Boccaletti, M. Yannick Chenevard, Mme Caroline Colombier, M. François Cormier-Bouligeon, M. Jean-Pierre Cubertafon, M. Jean-Marie Fiévet, M. Thomas Gassilloud, M. José Gonzalez, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, Mme Gisèle Lelouis, Mme Lysiane Métayer, Mme Josy Poueyto, M. Lionel Royer-Perreaut, Mme Nathalie Serre, M. Philippe Sorez, Mme Corinne Vignon

Excusés. - M. Xavier Batut, M. Mounir Belhamiti, M. Pierrick Berteloot, M. Christophe Blanchet, M. Benoît Bordat, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Steve Chailloux, Mme Cyrielle Chatelain, Mme Martine Etienne, M. Emmanuel Fernandes, Mme Anne Genetet, M. Christian Girard, Mme Patricia Lemoine, M. Olivier Marleix, Mme Alexandra Martin (Alpes-Maritimes), M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Valérie Rabault, M. Fabien Roussel, M. Mikaele Seo, Mme Mélanie Thomin