Intervention de Patricia Mirallès

Réunion du mercredi 3 avril 2024 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Patricia Mirallès, secrétaire d'État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire :

Mesdames et messieurs les députés, j'aimerais, pour ouvrir mon propos, vous indiquer que j'ai pris la décision de faire rapatrier les corps de six soldats morts pour la France au cours de la guerre d'Indochine. Je sais que vous vous êtes intéressés à cette question, ce dont je vous remercie. Ceux qui sont tombés pour la France méritent d'être honorés. Ni la distance ni le temps ne doivent y faire obstacle.

D'après un sondage récent commandé par le ministère des armées, 77 % des Français âgés de 15 ans et plus approuvent la mission permanente de dissuasion nucléaire, 75 % approuvent l'opération Sentinelle et 65 % approuvent la participation de l'armée française au renforcement des troupes de l'Otan dans l'est de l'Europe, à proximité de l'Ukraine. Ces chiffres révèlent non seulement qu'une très large majorité de nos concitoyens adhèrent aux missions de nos armées, mais aussi qu'ils en partagent les valeurs et qu'ils leur font confiance.

Ce que révèle ce sondage est à rebours d'une certaine vision décliniste du lien armée-nation. Il s'agit au contraire d'une manifestation de l'esprit de défense, qui continue de réunir les Françaises et les Français. Cette confiance, je la partage. Il faut avoir confiance dans nos concitoyens, dans notre jeunesse.

L'histoire a montré que, dès lors que cela était nécessaire, les Français ont eu un sursaut moral salutaire. Ceux qui en doutent, ceux qui entretiennent un discours passéiste, se trouvent souvent du mauvais côté de l'histoire. Cette confiance naît aussi à la lecture des chiffres du recrutement – le général Benoît Durieux, que vous avez récemment auditionné, a partagé avec vous ses réflexions sur ce point.

Toute mon action vise à renforcer encore davantage le lien armée-nation, les forces morales et l'esprit de défense qui caractérisent notre pays, en intéressant pour ce faire nos concitoyens, notamment les plus jeunes, à notre histoire collective, support de notre mémoire.

Je ne suis pas très à l'aise avec la notion de récit national, qui est souvent un moyen détourné de construire un roman national, dont certains seraient exclus. En revanche, je partage l'idée selon laquelle il faut donner envie de s'intéresser à la mémoire et la rendre accessible et attractive. En ce sens, la mémoire est un outil de défense.

Construire et entretenir notre mémoire collective, ce n'est pas seulement cultiver un attachement nostalgique à un passé mort ; c'est regarder l'histoire en face, donc prendre en main et maîtriser les sujets brûlants susceptibles de fracturer la cohésion nationale. Construire et entretenir notre mémoire, c'est adopter une attitude consistant à ne pas avoir peur de l'histoire, celle dont nous avons hérité ou celle qui s'ouvre. Ce rapport à l'histoire distingue une société démocratique d'un régime autoritaire ou totalitaire.

Penser la mémoire comme un outil de défense est un défi collectif qui nous engage toutes et tous. Il suppose de former notre jeunesse, de fortifier historiquement et moralement des générations qui doivent faire face à une guerre informationnelle, à des fake news venues de l'étranger ou de l'intérieur, aux trolls et aux bots venus de l'est.

Je suis convaincue qu'une mémoire solidement étayée ainsi qu'une culture historique précise et honnête participent puissamment à la résilience de la nation. S'engager pour cette conception de la mémoire, c'est nécessairement s'engager pour la rendre accessible à toutes et à tous, quelle que soit la famille où l'on naît et le territoire où l'on vit. Pour cela, il faut placer les jeunes en situation et leur faire faire l'expérience de la transmission mémorielle, qui bien souvent bouleverse des vies.

Le 30 novembre 2023, j'étais à Auschwitz-Birkenau avec Esther Senot, ancienne déportée de 96 ans. À la fin de cette journée d'études, à laquelle participait une classe de Seine-Saint-Denis, j'ai vu une jeune fille se lever et dire à Esther Senot : « Madame, merci ». Il était dix-sept heures trente ; il faisait nuit ; il neigeait. Dans le baraquement où Esther Senot racontait sa déportation, les enfants ne parlaient plus. Ils écoutaient, oubliant leurs téléphones portables. Ils étaient suspendus à cette histoire. La jeune fille a ajouté : « Je me suis déplacée, je vous ai entendue ; je sais que cela a existé ».

Voilà pourquoi il faut aller chercher nos jeunes et les emmener sur place. Esther Senot lui a répondu : « Cela a été le combat de ma vie. Je n'ai jamais compris pourquoi on m'avait laissé la vie, à moi. » Travailler sur notre histoire, prendre possession de notre mémoire, particulièrement pour les jeunes générations, tel est le sens de mon action.

Lorsque nous évoquons la transmission de la mémoire, la première chose qui vient à l'esprit, ce sont les cérémonies et les commémorations – l'acte par lequel nous rendons hommage. Il s'agit d'une particularité de la politique publique de la mémoire : elle accorde une large place aux rites républicains que sont les cérémonies. Cette année, celles-ci seront particulièrement scrutées, car nous sommes entrés dans un cycle mémoriel de grande ampleur.

Après les 70 ans des débarquements et de la Libération, après le centenaire de la Grande guerre, nous célébrons cette année les 80 ans de la Libération de la France et les 70 ans de la bataille de Diên Biên Phu. Ces cycles commémoratifs auront un sens si nous nous en emparons, et si les Français s'y intéressent et participent aux cérémonies. C'est pourquoi j'ai eu à cœur, depuis ma nomination en juillet 2022 de régénérer nos commémorations.

Jusqu'à présent, les cérémonies nationales avaient lieu à Paris – aux Invalides, sous l'Arc de Triomphe ou dans d'autres lieux emblématiques. Au fil du temps, elles rassemblent moins, et souvent les mêmes personnes, issues des mêmes milieux. J'ai donc fait le choix, lorsque cela était possible et avait un sens, d'en délocaliser certaines, pour rapprocher les Françaises et les Français de leur histoire et pour accroître la participation. Je crois aux cérémonies qui honorent les morts et les vivants, qui rassemblent la nation et qui sont des rites vivants associant la jeunesse, qui sera à son tour dépositaire de notre mémoire.

Ainsi, la journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc du 19 mars 2023 a eu lieu à Notre-Dame de Lorette, où repose le soldat inconnu de la guerre d'Algérie. Elle a réuni 200 jeunes, un dimanche après-midi, dans le froid, contre une vingtaine lorsque la cérémonie se déroulait à Paris. La cérémonie du 30 avril 2023 en souvenir des victimes de la déportation a eu lieu au camp de Natzweiler-Struthof, où des centaines de déportés ont été forcés de travailler ou ont été exterminés. Ce dimanche, 150 élèves avaient fait le déplacement avec leurs professeurs.

J'ai également délocalisé la journée nationale d'hommage aux morts pour la France en Indochine du 8 juin au Mémorial des guerres en Indochine à Fréjus, et la cérémonie nationale d'hommage aux Morts pour la France, aux rapatriés, aux personnes disparues et aux victimes civiles pendant la guerre d'Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie du 5 décembre à Port-Vendres, qui fut l'un des principaux ports d'embarquement des appelés pour l'Algérie. À chaque fois, il y avait beaucoup de monde, des jeunes et des plus âgés, qu'une cérémonie à Paris n'aurait sans doute pas mobilisés.

Je me souviens d'une cérémonie au Mémorial Charles de Gaulle, à Colombey-les-Deux-Églises, et des élèves de l'une des classes qui s'y trouvaient auxquels nul n'avait donné les codes. À la fin de la cérémonie, je suis allée les voir pour savoir s'ils avaient compris ce qui s'était passé. Je venais de rencontrer, parmi ceux à qui j'avais serré la main, un ancien d'Indochine, qui revoyait son drapeau pour la première fois. Je lui ai proposé de le prendre en main, ce qui l'a fait pleurer. Il m'a dit que, désormais, il pouvait mourir, ce à quoi j'ai répondu que je préférerais qu'il m'offre l'apéritif.

J'ai demandé aux jeunes, qui étaient en peine de comprendre ce qui s'était passé, s'ils savaient ce qu'est la guerre d'Indochine. Je leur ai demandé s'ils avaient tous un portable connecté à internet, à quoi ils ont répondu « oui ». Je leur ai suggéré d'occuper le trajet de retour en bus à faire des recherches pour comprendre l'émotion de cet homme, qui a retrouvé le drapeau avec lequel il a combattu en Indochine. Le lundi matin, leur professeur m'a appelé pour me dire qu'il n'avait jamais eu un retour aussi calme : les gamins étaient tous sur leur portable pour essayer de comprendre ce qui s'était passé en Indochine et pourquoi cet homme avait embrassé ce drapeau.

Cette anecdote illustre l'utilité d'amener les jeunes aux cérémonies. Cela permet de leur faire comprendre certaines choses. Cette rencontre inattendue a permis de leur faire comprendre ce qui s'est passé en Indochine et les a amenés à s'intéresser par eux-mêmes à une histoire sur laquelle ils ne se seraient peut-être pas renseignés spontanément sur internet.

Je crois profondément à l'utilité de telles décentralisations, aux cérémonies qui se renouvellent et portent l'hommage de la nation par des moyens nouveaux, dans des lieux inédits à la puissance symbolique identique.

J'ai demandé à la direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA) de préparer un guide renouvelé d'organisation des cérémonies destiné à leurs organisateurs, permettant de mieux y associer le public par le biais des chants, des dépôts de gerbes et de la distribution de documents offrant des clés de lecture. Je veux que les jeunes soient acteurs de ces cérémonies, ce qui est le meilleur moyen d'assurer leur présence.

Une politique publique de la mémoire a un sens si elle est tournée vers la jeunesse, qui n'a pas connu les événements de l'histoire. Il faut l'aider à ancrer la mémoire dans la chaleur de la tradition, pour qu'elle ne considère pas qu'elle appartient au musée de l'histoire. C'est pourquoi je suis très attentive aux actions que nous développons avec le ministère de l'éducation nationale à l'attention des enseignants et des élèves.

La loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national a rendu obligatoire l'enseignement de défense.

La DMCA soutient son déploiement en finançant des projets pédagogiques ou associatifs d'enseignement de défense. Chaque année, 700 projets sont financés, à hauteur de 900 000 euros. Ils touchent plus de 70 000 élèves. Le nombre de demandes de subventions pour l'année scolaire 2023-2024 a augmenté de 100 %, ce qui témoigne de professeurs et d'élèves volontaires, débordant d'idées et ne se résignant pas. En 2023, les trinômes académiques ont permis de financer 169 projets, à hauteur de 200 000 euros.

La DMCA organise l'opération Héritiers de mémoire, et participe aux Rendez-vous de l'histoire de Blois et au Concours national de la résistance et de la déportation (CNRD), lequel rassemble chaque année près de 47 000 élèves issus de 2 000 établissements autour d'un thème – « Résister à la déportation en France et en Europe » en 2023-2024, « Libérer et refonder la France » en 2024-2025. Par ailleurs, dans le cadre du cycle commémoratif des 80 ans, le GIP Mission Libération a labellisé plus de 600 projets présentés par des professeurs, des classes et des établissements. Cela démontre la forte adhésion de notre jeunesse aux sujets de défense, dès lors qu'on l'aide à s'en saisir.

S'agissant des ressources pédagogiques, la DMCA les conçoit et les diffuse sur le site Chemins de mémoire, notamment sur la plateforme d'enseignement de défense educ@def, qui est pilotée par la DMCA et placée sous le contrôle scientifique de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR). Ce site est consulté par 100 000 visiteurs par mois en moyenne. La DMCA publie également chaque année quatre numéros et un hors-série de la revue Les Chemins de la mémoire, qui sont diffusés auprès de 50 000 établissements scolaires. Tirée à 23 000 exemplaires, elle est par ailleurs distribuée à 16 000 abonnés.

Pour aider nos concitoyens, notamment les plus jeunes, à s'intéresser à notre histoire, à leur mémoire, nous pouvons nous appuyer sur l'immense patrimoine du ministère des armées, dont je rappelle qu'il est le deuxième opérateur culturel de l'État. De notre histoire, nous avons hérité de nombreux lieux de mémoire, dont nous pouvons nous servir pour réactiver ou créer des milieux de mémoire. La politique culturelle du ministère est de plus en plus axée, outre la conservation du patrimoine, sur l'ouverture et la transmission de celui-ci au profit de la société civile.

Nous pouvons compter sur les musées nationaux, qui participent à l'entretien de la mémoire et au devoir d'histoire pour l'éducation, la formation et l'intégration des jeunes générations. En 2023, les trois plus grands ont accueilli près de 2 millions de visiteurs, dont 600 000 jeunes de moins de 26 ans. Citons aussi les onze hauts lieux de mémoire nationale, les 275 nécropoles nationales et les 2 200 carrés militaires. Depuis septembre 2023, 139 sites funéraires et mémoriels français et belges de la première guerre mondiale ont été inscrits au patrimoine mondial de l'Unesco.

Les musées d'armes, initialement conçus comme des outils de formation internes à l'armée, figurent parmi les rares lieux militaires ouverts au public. Ils sont un carrefour entre le monde des armées et la société civile, entre la jeunesse et les anciens combattants. En 2023, leur fréquentation est revenue au niveau qui était le sien avant la crise du covid-19, dépassant 230 000 visiteurs, dont 30 660 collégiens et lycéens.

L'ouverture et les échanges accrus vers l'univers de la création artistique contemporaine sont illustrés par C215, alias Christian Guémy, graffiteur, artiste engagé dans la défense des valeurs républicaines et le renforcement du lien armée-nation, agréé peintre des armées. Il graffite notamment sur des boîtes aux lettres et à la prison de Fresnes. Décoré de la médaille d'or de la Défense nationale, il a avoué qu'il n'aurait jamais pensé, lorsqu'il était jeune graffiteur, porter l'uniforme à 50 ans et transmettre l'histoire par ses graffitis ainsi que de ce qu'il a ressenti – il a beaucoup peint pour l'Ukraine, où il s'est rendu dès les premiers événements.

Pour construire et soutenir l'esprit de défense de la Nation, nous avons des actes, des cérémonies, des publics et des institutions, notamment celles chargées de la jeunesse et de la culture. Nous avons aussi des acteurs sans lesquels rien ne serait possible. Le rôle des anciens combattants, avec lesquels je travaille énormément, est essentiel.

Ils ont été acteurs et témoins directs des conflits que la France a connus. Ils sont dépositaires de leur mémoire. Ils savent ce que sont l'engagement et la guerre, et peuvent tenir à leur sujet un discours de vérité. Leur contribution à l'éducation, à l'histoire et à la transmission de la mémoire est immense. Cœur battant de nos cérémonies et de nos commémorations, ils sont très engagés dans vos territoires, auprès de notre jeunesse – je pourrais citer mille initiatives en ce sens. Les associations du monde combattant financent des projets de grande ampleur, très structurants, qui réussissent durablement.

Tel est par exemple le cas du prix du civisme et de la mémoire de la Fédération nationale André Maginot (Fnam), que j'ai remis ce matin à l'Assemblée nationale. Cette association a noué un partenariat financier avec le GIP Mission Libération, qu'elle soutient en finançant, à ma demande, des projets pédagogiques à hauteur de 100 000 euros. Ce partenariat se prolongera l'an prochain.

Plus généralement, la Fnam est un partenaire essentiel du ministère des armées en matière de soutien à l'enseignement de défense. Grâce à sa commission Jeunesse et mémoire, des milliers d'élèves partent en voyage scolaire sur les lieux de mémoire chaque année. Je ne peux que l'en remercier.

Avec la Fnam et l'Union des blessés de la face et de la tête (UBFT), le ministère des armées a créé la commission paritaire de financement des projets pédagogiques exceptionnels, qui vise à financer la totalité des projets mémoriels portés par des établissements scolaires et destinés à marquer leur territoire. Elle a d'ores et déjà financé vingt-deux projets, pour un montant de 150 000 euros.

Le réseau associatif du monde combattant est très dense et son maillage territorial très serré. Les anciens combattants d'hier et d'aujourd'hui sont donc en mesure de parler à tout le monde, partout, tout le temps. Ils sont l'incarnation même des valeurs de résistance, de sacrifice et de courage, qui participent de l'esprit de défense. Ils sont un modèle pour notre jeunesse, qui est en demande de modèles et d'un héritage à incarner.

Ils le sont d'autant plus que l'appellation « anciens combattants » ne désigne pas uniquement des anciens. La quatrième génération du feu rassemble des hommes et des femmes de 25, 30 ou 35 ans, qui ont participé à de nombreuses opérations extérieures (Opex), et savent à quel point notre pays a besoin de partager un esprit de défense avec les militaires qui se battent pour lui.

Par ailleurs, souvenons-nous que la spécificité de la mémoire combattante est au cœur du contrat social. Elle le renforce, car elle unit les citoyens, leur pays et ceux qui les défendent. Parmi les acteurs qui animent l'esprit de défense en France, il y a la DMCA, engagée dans une politique tous azimuts en faveur de la transmission mémorielle.

Elle participe à l'organisation des cérémonies et des commémorations. Elle soutient l'enseignement en général et l'enseignement de défense en particulier, en concevant et en diffusant des ressources pédagogiques nationales auprès des réseaux éducatifs. Elle encourage la création artistique en participant au financement de films, de documentaires et d'œuvres littéraires. Dans le domaine de la bande dessinée, la deuxième édition du prix « Les Galons de la BD » incluait un prix spécial pour la jeunesse, décerné par un jury de collégiens et de lycéens, de la 5e à la Terminale, issus de dix-huit classes de défense, représentant les régions académiques de métropole et d'outre-mer.

Le second opérateur qui met en œuvre la politique mémorielle du ministère des armées est l'Office national des combattants et des victimes de guerre (ONACVG), dont la mission mémorielle a été inscrite dans la loi du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense, dite LPM 2024 – 2030. L'ONACVG est un acteur de terrain, au plus proche des territoires. Ses services départementaux, dont le maillage est très fin, assurent l'animation des écosystèmes mémoriels locaux.

Le Bleuet de France fait aussi partie des dispositifs sur lesquels nous pouvons nous appuyer, à deux titres : il permet de collecter des fonds pour aider nos militaires blessés et de mobiliser le monde combattant au sein de la société civile, des amicales régimentaires aux associations d'anciens combattants, des sportifs aux classes. Sa montée en puissance est l'une des grandes priorités que je me suis fixées. La doctrine que j'ai rédigée vise à l'accompagner. Il y a, dans cette petite fleur consacrant la victoire de la vie sur la mort dans la boue des champs de bataille, tout ce qui unit la nation à celles et à ceux qui la protègent. Je remercie les parlementaires, quelle que soit leur formation politique, qui le portent.

Il est primordial de conserver à l'esprit qu'une politique publique de la mémoire ne sera pérenne qu'à condition d'être territorialisée. Tous les déplacements que je fais l'illustrent : toutes les réussites durables sont intégrées à des dynamiques locales anciennes. Dans le Morbihan, un vade-mecum des porte-drapeaux a été réalisé avec le soutien de la députée Anne Le Hénanff, par la délégation militaire départementale (DMD) et l'ONACVG départemental. Ce recensement, unique en France, crée un effet d'entraînement et valorise l'action des porte-drapeaux.

Notre ministère soutient les initiatives locales, car l'État ne peut pas tout faire seul. De surcroît, lui laisser toute la responsabilité de la construction de la mémoire n'est pas très démocratique. Il importe d'encourager le développement d'une mémoire à portée de main et de regard. Notre histoire et notre mémoire ne s'expriment pas uniquement lors des cérémonies officielles, dans les travaux des historiens ou sur le papier glacé des manuels d'histoire. Elles sont surtout dans les noms des rues, des places et des écoles, dans nos villes et nos villages, dans nos campagnes, dans nos plaines et sur nos plages, sur nos monuments et nos mémoriaux, qu'ils soient gérés par l'État ou par les collectivités locales.

J'ai ici un petit livret rédigé par mes services, intitulé Aux combattantes, la France reconnaissante. Il recense cent combattantes et résistantes. Vous pouvez proposer celle qui vous inspire le plus – peut-être parce que son histoire est liée à vos territoires – aux maires de vos circonscriptions. Il est bon, lorsque l'on marche dans la rue, de lever la tête. Les personnes dont les rues portent le nom ont une histoire, qui est aussi une façon d'intéresser notre jeunesse. C'est en soutenant les dynamiques territoriales que nous accélérerons la réactivité des milieux de mémoire.

La mémoire et l'histoire, qui en est le support, sont essentielles à la généralisation d'un esprit de défense et à l'acquisition d'un sentiment individuel et collectif de résilience. L'enjeu est de les rendre accessibles et attrayantes, donnant à notre jeunesse l'envie de s'y intéresser, grâce à la promotion de valeurs positives, sans verser dans l'imaginaire. Il s'agit de promouvoir nos réussites et ce sur quoi nous pouvons nous appuyer, tout en étant capables de regarder l'histoire en face et de reconnaître nos fautes. C'est à cette condition que nous serons en mesure de susciter ce désir de vivre ensemble, dont parlait Ernest Renan, et que nous pourrons faire nation, qui est notre bien commun, dont je refuse d'abandonner l'idée aux nationalistes.

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