La réunion

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La séance est ouverte à 15 heures.

Présidence de M. Sacha Houlié, président.

La Commission poursuit l'examen de la proposition de loi relative à la confidentialité des consultations des juristes d'entreprise (n° 2033) (M. Jean Terlier, rapporteur).

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Nous poursuivons l'examen de la proposition de loi visant à garantir la confidentialité des consultations juridiques des juristes d'entreprise.

Amendements CL43 de Mme Catherine Jaouen, CL59 de M. Jean Terlier, amendements identiques CL54 de M. Philippe Pradal et CL48 de Mme Caroline Yadan (discussion commune)

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Le président de la juridiction n'étant pas le seul à pouvoir ordonner une mesure d'instruction, je vous propose de permettre la saisine en référé dès qu'une telle mesure est ordonnée par un magistrat au cours d'un procès, et non pas seulement par le président de la juridiction.

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Mon amendement réécrit la procédure de levée de la confidentialité des consultations des juristes d'entreprise. Tout d'abord, dès que la levée aura été demandée, les consultations concernées seront appréhendées par un commissaire de justice, qui les conservera sous scellés le temps que le juge se prononce. Ensuite, il supprime l'obligation faite au juge de se prononcer dans un délai de quinze jours, ce qui paraissait très court et pas nécessairement adapté à la totalité des procédures en cours.

Il ne s'agit pas de reprendre in extenso la proposition du Sénat de créer une procédure parallèle lorsqu'une autorité administrative demande la consultation d'un document, qui ne présentait pas les garanties suffisantes s'agissant de l'intégrité des documents concernés. C'est la raison pour laquelle je demanderai le retrait des amendements CL48 et CL54, qui reprennent la procédure adoptée par le Sénat.

Cet amendement répond par ailleurs en partie aux préoccupations exprimées par Mme Jaouen puisqu'il ne mentionne plus le président de la juridiction mais bien « les mesures d'instruction ordonnées dans le cadre d'un litige civil ou commercial ». Je souhaite donc également le retrait de l'amendement CL43.

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L'amendement CL54 vise à préciser la procédure de contestation ou de levée de confidentialité d'une consultation juridique et à assurer la protection de l'intégrité du document par sa remise entre les mains d'un commissaire de justice. C'est la reprise du dispositif adopté au Sénat le 14 février dernier.

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Je retire l'amendement CL48 au profit de celui du rapporteur.

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Toute la philosophie de ce texte consiste à dresser des barrières à l'office du juge, ce qui est éthiquement contraire à ce que nous devrions faire comme députés. Que certains cherchent à empêcher les juges et les autorités de régulation d'effectuer leur travail, c'est une chose, mais qu'ils trouvent des relais à l'Assemblée nationale pour ce faire me semble vraiment grave pour l'éthique des députés.

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Ce sont les autorités administratives indépendantes qui ont demandé que l'on permette à un commissaire de justice de récupérer des consultations pour les placer sous scellés, précisément pour éviter leur altération et pour mieux protéger les investigations. Quant à la suppression du délai de quinze jours, elle vise à donner plus de temps au juge pour apprécier les conditions dans lesquelles il peut être procédé à la levée de la confidentialité ; cela renforce donc ses prérogatives. Je ne comprends vraiment pas votre position.

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Le droit positif ne prévoyant pas de confidentialité, le juge et les autorités administratives ont un accès direct à ces consultations. Nous inventons nous-mêmes un problème en créant ex nihilo un obstacle à l'office du juge. Il serait préférable d'apporter notre aide, et non de créer des obstacles, à la justice et à la régulation, en particulier dans le domaine des activités économiques.

Les amendements CL54 et CL48 sont retirés.

Successivement, la commission rejette l'amendement CL43 et adopte l'amendement CL59.

En conséquence, les amendements CL27 de Mme Élisa Martin, CL50 de Mme Béatrice Roullaud et CL39 de Mme Cécile Untermaier tombent.

Amendement CL61 de M. Jean Terlier

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Cet amendement modifie la sanction pénale encourue en cas de mention frauduleuse de la confidentialité sur un document. Il me semble plus pertinent de prévoir la sanction applicable en cas de violation des règles prévues à l'article 66-2 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dont le quantum est d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, plutôt que celle prévue en cas de faux et usage de faux. En effet, apposer la mention « confidentiel » sur un document juridique n'est pas tout à fait assimilable à la production d'un faux. Nous reprenons ainsi en substance la disposition qui avait été adoptée par le Sénat.

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Si j'ai bien compris, vous souhaitez un quantum de peine moins élevé. C'est bien la première fois que vous faites de la déflation pénale – vous en êtes capables, finalement ! – mais il est vrai qu'il s'agit de défendre les intérêts des entreprises et du capital. Peut-être vous êtes-vous dit qu'on ne pouvait pas détruire la vie des fusibles d'entreprise ad vitam aeternam. Toutefois, la responsabilité du dirigeant n'est jamais mise en cause dans ce texte. Un dirigeant qui aurait obligé son salarié à faire un faux, ce n'est pas votre sujet : ça n'arrive pas, ça n'arrivera jamais ! C'est mieux que si c'était pire…

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Ce n'est pas moins-disant du point de vue de la sanction mais plus adapté à la réalité. Quant aux dirigeants qui auraient des comportements anormaux à l'égard de leurs subordonnés, par exemple en forçant un juriste d'entreprise à inclure dans une consultation des choses qui n'ont rien à y faire, nous sommes preneurs de solutions pour trouver une qualification juridique et une sanction pénale adéquates. J'attends donc avec impatience les propositions que vous pourriez me faire en ce sens en vue de la séance.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CL36 de M. Jean-François Coulomme

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Il est proposé de ne pas renvoyer à un décret la définition des modalités de mise en confidentialité des documents. Inscrire celles-ci dans la loi permet en effet de rendre le dispositif pérenne en s'affranchissant des différentes sensibilités politiques et d'éviter ainsi que des majorités encore plus fanatiquement libérales que la vôtre ne soient un jour en mesure de compliquer davantage l'accès à l'information cachée des entreprises. Nous préférons que cela figure dans une loi, quitte à ce que la loi soit, comme celle que vous proposez, mauvaise.

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Le renvoi au décret ne vise que des dispositions de niveau réglementaire, ni plus ni moins. Avis défavorable.

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Vous êtes en train de créer un régime juridique distinct contraire aux objectifs de transparence et d'éthique dans la vie des affaires. L'élément déclencheur sera, pour le juriste d'entreprise, le fait d'apposer une mention « confidentiel » : il sera donc à la fois juge et partie. En outre, il faudrait déléguer à l'exécutif le soin d'en définir les modalités. N'avez-vous pas l'impression que la commission des lois ne fait pas ce qu'elle est censée faire pour protéger l'office du juge et garantir la transparence et l'éthique dans la vie des affaires ?

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte l'article unique modifié.

Après l'article unique

Amendement CL47 de Mme Caroline Yadan et sous-amendements CL65 et CL64 de M. Jean Terlier

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Il s'agit de prévoir une équivalence pour les titulaires d'une maîtrise en droit justifiant de huit ans de pratique professionnelle. Cette disposition vise à permettre à des juristes d'entreprise de ne pas se voir pénalisés par la condition de qualification, liée à l'obtention d'un master et non d'une maîtrise, lorsque leur diplôme a été obtenu antérieurement à la réforme licence-master-doctorat (LMD). Cette « clause du grand-père » permettrait aux juristes en place depuis des années de préserver une grande partie de leurs droits acquis.

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Je vous propose deux sous-amendements, l'un rédactionnel et l'autre visant à inclure dans ce dispositif les personnes titulaires d'un master 1.

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Je suis favorable à la clause du grand-père en ce qui concerne les juristes d'entreprise. Cependant, votre proposition confirme que votre texte vise à protéger des individus : il s'agit d'une disposition in personam, et non in rem, comme vous ne cessez de l'affirmer depuis ce matin. Vous nous vendez quelque chose qui est faux – et je me permets de vous rappeler que fraus omnia corrumpit – en affirmant que ce dispositif serait anodin, alors qu'il entraînerait de fait un grand bouleversement de notre système judiciaire.

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Pour les non-latinistes, « la fraude corrompt tout ».

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Ce matin, vous n'avez cessé de nous reprocher d'appliquer cette disposition à n'importe qui. Mais quand on précise que cela concernera des juristes titulaires soit d'une maîtrise de droit ou d'un master 1avec huit années d'expérience, soit d'un master 2, vous nous en faites également le reproche : ce n'est pas raisonnable !

La commission adopte successivement les sous-amendements et l'amendement sous-amendé.

Amendement CL45 de Mme Caroline Yadan

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Il s'agit de demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur les conséquences de l'adoption de la loi trois ans après sa publication.

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À titre exceptionnel, j'émets un avis favorable. Cela fera plaisir à Mme Garrido, qui a souligné ce matin, de manière très juste, que ce dispositif était très innovant. Si nous devons, en tant que parlementaires, mesurer l'effectivité de la loi et vérifier qu'elle n'entraîne pas d'effet de bord préjudiciable, le Gouvernement doit faire le nécessaire de son côté pour nous communiquer les éléments servant de base à la modification du mécanisme juridique de la confidentialité des avis des juristes d'entreprise.

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Je voterai en faveur de cette demande de rapport ; simplement, nous aurions aimé en disposer avant de légiférer. En donnant un avis favorable à cet amendement, vous reconnaissez que nous sommes en train d'adopter un dispositif dont on ne connaît pas les effets. On ne sait même pas exactement pourquoi on le fait. Qui le demande : les grandes ou les petites entreprises ? Je ne crois pas que les petites entreprises aient été auditionnées. Ce n'est pas très sérieux d'agir ainsi. Chacun est conscient qu'il s'agit en réalité d'une commande, sans savoir de qui elle émane.

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Petite remarque amusée : le règlement de l'Assemblée nationale prévoit que nous devons faire des rapports d'évaluation des textes que nous votons dans un délai de trois ans. Il serait bien que nous travaillions davantage sur ces rapports, qui ne sont souvent pas rédigés, faute de volontaires.

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Cette demande de rapport cache mal le fait qu'il n'y a pas d'étude d'impact. Lorsque j'étais rapporteur pour évaluation du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques en 2021 sur la lutte contre la délinquance économique et financière, l'ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) et l'AMF (Autorité des marchés financiers) nous avaient indiqué qu'il ne serait pas pertinent d'accorder aux juristes d'entreprises la confidentialité de leurs consultations.

Étant favorables aux demandes de rapports au Gouvernement, nous serons constants et voterons pour la présente demande. J'ajouterai que si le Gouvernement pouvait remettre le rapport le moment venu, ce serait vraiment génial : il me semble en effet que quelques rapports votés dans quelques lois tardent à être publiés. Il en va ainsi de celui sur les conditions de détention des femmes et de leur accès aux aménagements de peine, voté dans la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, que nous attendons toujours – et il y en a évidemment bien d'autres !

La commission adopte l'amendement.

L'ensemble de la proposition de loi est adopté.

La séance est levée à 15 heures 25.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Jean-Félix Acquaviva, M. Erwan Balanant, M. Ugo Bernalicis, M. Florent Boudié, Mme Pascale Boyer, Mme Blandine Brocard, M. Jean-François Coulomme, M. Philippe Gosselin, M. Benjamin Haddad, M. Sacha Houlié, M. Jérémie Iordanoff, M. Gilles Le Gendre, Mme Élisa Martin, Mme Laure Miller, M. Paul Molac, M. Didier Paris, M. Éric Poulliat, M. Philippe Pradal, Mme Béatrice Roullaud, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, M. Guillaume Vuilletet, Mme Caroline Yadan

Excusés. - M. Éric Ciotti, M. Mansour Kamardine, Mme Marietta Karamanli, M. Didier Lemaire, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Rémy Rebeyrotte

Assistait également à la réunion. - Mme Catherine Jaouen