La séance est ouverte à 17 heures 30.
Présidence de M. Erwan Balanant, vice-président de la Commission.
La Commission auditionne M. Philippe Vigier, ministre délégué chargé des Outre-mer, sur les crédits de la mission « Outre-mer ».
Lien vidéo : https://assnat.fr/sV28rD
Nous poursuivons l'examen pour avis des missions budgétaires relevant de notre commission avec la mission Outre-mer. Je suis ravi de vous recevoir pour la première fois devant la commission des lois, monsieur le ministre délégué chargé des outre-mer, pour que vous nous présentiez les grandes lignes de ce budget. Le président Houlié nous rejoindra, dont le train est actuellement bloqué, nous rejoindra dès que possible. Après votre intervention s'exprimeront notre rapporteur pour avis, Yoann Gillet, puis un orateur par groupe. Les députés qui souhaitent vous interroger pourront ensuite le faire. Après vos réponses, nous examinerons enfin les amendements, fort nombreux cette année.
Je suis très heureux de vous retrouver, mesdames et messieurs les députés, et de venir m'exprimer devant la commission des lois. Avant d'aborder le budget pour 2024, je voudrais commencer par retracer ce qui a été fait depuis 2017. C'est en effet le temps long qui permet d'apprécier les efforts budgétaires réalisés. L'effort budgétaire global de l'État en faveur de l'outre-mer mérite d'être souligné : il a progressé de près de 6 milliards d'euros depuis 2017 en autorisations d'engagement (AE), et de 7,4 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Tous ministères confondus, l'État a mobilisé 120 milliards d'euros pour l'outre-mer depuis 2017.
Dans le domaine de la santé, je rappellerai la construction et la rénovation d'hôpitaux aux Antilles, en Guyane, à Mayotte et à La Réunion, et un plan de 92 millions d'euros pour la lutte contre la pollution au chlordécone aux Antilles. S'agissant des infrastructures, 740 millions d'euros ont été alloués aux collectivités pour améliorer l'accès à l'eau, pour la livraison du premier tronçon de la nouvelle route du littoral à La Réunion ou encore pour le déploiement du plan séisme aux Antilles, visant à conforter les bâtiments publics. Les jeunes n'ont pas été oubliés, avec le financement à hauteur de 120 millions d'euros par an – 600 millions d'euros au total – de la construction de lycées, de collèges et d'écoles. Pas moins de 130 000 jeunes ultramarins bénéficient d'un contrat d'apprentissage, d'une garantie jeunes ou d'un contrat d'engagement jeune.
Dans le domaine de l'emploi, il convient de noter le renforcement significatif en 2019 des exonérations de cotisations patronales, au titre du dispositif issu de la loi pour le développement économique des outre-mer, la Lodeom. Même si le taux de chômage reste deux à trois fois plus élevé que celui que l'on observe dans l'Hexagone, ce dispositif a permis de réduire de 40 000 le nombre de chômeurs. Enfin, le service militaire adapté (SMA) n'a pas perdu de sa vitalité, bien au contraire, avec de nouvelles implantations à Hao et à Mayotte. S'agissant de la formation, sept pactes ultramarins ont permis de mobiliser 562 millions d'euros. L'État a également agi pour la protection sociale, avec la construction ou la réhabilitation de 55 000 logements sociaux. Même si le besoin reste très important, il n'est pas inutile de rappeler cet effort déjà réalisé. Pour la sécurité, il convient de noter le renforcement à hauteur de 1 267 personnes des effectifs des forces de sécurité intérieure. Quant au déploiement des services publics, il n'a pas été oublié, avec l'ouverture de 110 maisons France Services.
S'agissant enfin de l'accompagnement des collectivités ; au sujet duquel je suis souvent interpellé lors de mes déplacements, je voudrais souligner la revalorisation de 150 millions d'euros de la dotation d'aménagement des communes et circonscriptions territoriales d'outre-mer (Dacom) et le succès des contrats de redressement en outre-mer (Corom), lancés en 2021 : neuf ont été signés dès 2021, suivis de douze en 2022. Quant au fonds exceptionnel d'investissement (FEI), il a été porté à 110 millions d'euros par an.
Venons-en au budget pour 2024. Je voudrais d'emblée souligner qu'il est en augmentation de 4,4 % en autorisations d'engagement si l'on tient compte – avec honnêteté – d'une inflation attendue de 2,6 %. Si l'on n'en tient pas compte, l'augmentation ressort à 7 %. Il est vrai que cette augmentation se limitera à 2 % en crédits de paiement, mais je rappelle que ce n'est pas le Gouvernement qui est à la manœuvre en la matière.
Le budget traduit d'abord un effort significatif de 70 millions d'euros en faveur du logement, qui souffre d'un retard considérable – dont 50 millions d'euros au titre de la ligne budgétaire unique (LBU), laquelle atteindra pratiquement 300 millions d'euros en 2024. Répondant à une demande formulée en ce sens, le Gouvernement a également décidé d'augmenter de 20 millions le crédit d'impôt dédié à la rénovation des logements sociaux, et de l'étendre en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Un effort est également réalisé pour les logements privés, avec un relèvement des aides de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) de 30 % à 50 % du montant des travaux de rénovation.
S'agissant de l'accès à l'eau, nous continuerons de traiter en urgence le problème de Mayotte. Si 35 millions d'euros y ont été consacrés en 2023, c'est un plan de 411 millions au total qui est prévu pour les quatre prochaines années. Bien que l'eau soit une compétence des collectivités, l'État est au rendez-vous, et nous veillerons ensemble à la réalisation des projets prévus sur le papier. J'ajoute que nous avons signé la semaine dernière, avec le Syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe (SMGEAG) un contrat de 320 millions d'euros. La région se mobilise fortement pour la première fois, y consacrant 80 millions d'euros issus du Fonds européen de développement régional (Feder). À ses côtés, le conseil départemental alloue 20 millions d'euros et l'État abonde dans un premier temps à hauteur de 100 millions. Je sais, comme l'a souligné le président de la délégation aux outre-mer, que le problème de l'eau est de plus en plus prégnant également en Guyane ; nous aurons à y faire face ensemble.
Nous augmentons par ailleurs de 1,4 million d'euros les crédits dédiés à la lutte contre les sargasses, qui touchent particulièrement les Antilles. Je rappelle à cet égard que le FEI, d'une utilisation souple, pourra être mobilisé, le cas échéant, à la demande des élus.
Le volet outre-mer du pacte des solidarités, doté de 50 millions par an à horizon 2027, se décline selon trois axes : 10 millions financeront les petits-déjeuners à l'école, 20 millions d'euros feront l'objet d'une contractualisation avec les collectivités pour la gratuité des manuels scolaires, et les 20 millions restants financeront des mesures spécifiques liées au prix des repas de cantine, à la médiation en santé, à la lutte contre les bidonvilles ou encore à celle contre l'illettrisme.
Un effort singulier sera fait, en 2024, en faveur de la mobilité des Ultramarins : les crédits alloués à la continuité territoriale progresseront de 23 millions d'euros, passant de 70 à 93 millions. Deux nouveautés sont à noter à cet égard : le relèvement de 50 % du quotient familial, qui passe de 12 000 à 18 000 euros, et l'élargissement du dispositif aux chômeurs, aux talents de la culture et du sport, ainsi qu'aux personnes se trouvant dans une situation d'urgence en matière sociale. Quant à l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom), son cadre d'emploi augmentera singulièrement pour atteindre 140 personnes. La question de l'augmentation tarifaire des billets d'avion est régulièrement évoquée et, même si la réponse convoque aussi le sujet de la concurrence, l'État souhaite être à la hauteur des enjeux.
Le dispositif Cadres d'avenir, qui accompagne la formation et le retour sur leur territoire de cadres ultramarins, est en cours de déploiement en Guadeloupe et à Saint-Martin, et sera étendu à la Martinique en 2024. Sachez que je suis favorable à son déploiement en Guyane et à Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que le souhaitent certains parlementaires, et que nous trouverons un aboutissement ensemble.
J'en viens à la création d'emploi et au développement économique. Le dispositif d'exonération de cotisations sociales, dit Lodeom, restera inchangé en 2024. Une évaluation a été lancée mais, si des modifications doivent intervenir, elles feront l'objet de discussions dans le cadre du comité interministériel des outre-mer (Ciom), dont la prochaine réunion rassemblera l'ensemble des parlementaires, des présidents de collectivité et des représentants d'association de maires des territoires concernés les 23 et 24 novembre prochains.
Les crédits du SMA augmenteront en 2024 de 12 millions d'euros. C'est un dispositif désormais connu, qui parvient à insérer dans l'emploi 80 % des jeunes formés. Nous menons actuellement des études sur son déploiement dans d'autres territoires, par exemple à Saint-Martin, qui en fait la demande récurrente.
Les dépenses fiscales relatives à l'investissement productif ont été prolongées jusqu'en 2029, et les modifications apportées à trois niches avaient fait l'objet d'échanges au préalable. Je rappelle, à cet égard, que rien ne changera pour les chauffe-eau solaires à usage professionnel ; quant à ceux qui sont à usage particulier, ils peuvent bénéficier d'autres dispositifs, comme MaPrimeRénov'. De la même façon, la défiscalisation restera possible pour les véhicules de tourisme à usage professionnel, lorsqu'ils sont indispensables à l'activité. S'agissant enfin des loueurs de voitures, j'ai été sensible aux objections qui m'ont été faites et nous travaillons, avec la profession, à une différenciation en fonction des catégories de véhicules ; nous conserverons quoi qu'il en soit une réserve de précaution.
Le seul dispositif remis en cause, s'agissant du tourisme, est celui qui bénéficie aux propriétaires de meublés de tourisme dont l'usage ne correspond plus à celui qui était initialement prévu. Dans un contexte de crise du logement, de tels détournements ne peuvent qu'accentuer les tensions sur le foncier. À la demande de certains d'entre vous, nous sommes prêts néanmoins à regarder avec une attention particulière le cas des meublés proposant un certain nombre de couchages, qui sont source d'activité économique et d'emploi.
Il convient par ailleurs de souligner que les zones franches d'activité nouvelle génération (Zfang) seront élargies et renforcées. Quant aux contrats de convergence et de transformation (CCT), qui sont l'équivalent en outre-mer des contrats de plan État-région, ils se verront allouer 400 millions d'euros supplémentaires. Même s'il demeure des retards à combler, je vous invite à mesurer l'importance de cet effort par rapport à celui dont bénéficient les territoires hexagonaux. L'Office français de la biodiversité (OFB) bénéficiera de 120 millions d'euros supplémentaires pour se mobiliser sur l'eau et l'assainissement. L'effort portera aussi sur les transports, notamment à Mayotte et en Guyane, ainsi que sur l'éducation.
Les Corom, qui couvrent la moitié des quarante-deux communes éligibles, s'inscrivent dans une démarche gagnant-gagnant : celui que j'ai signé la semaine dernière en Guadeloupe apportera ainsi 2,1 millions d'euros à la collectivité concernée, en échange d'une évolution de sa gestion vers le respect des critères fixés. Nous poursuivrons cet effort, et un nouvel appel à candidatures sera lancé pour la période 2024-2026.
Pour soutenir l'investissement des collectivités, le montant actuel du FEI sera préservé et probablement augmenté, une fois le présent budget finalisé. Un effort de 120 millions d'euros sera consenti, au-delà des CCT, pour les constructions scolaires en Guyane, à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie. Quant à la reconversion de l'économie polynésienne, elle est financée à hauteur de 60 millions d'euros par an.
Quelques mots sur l'ingénierie : je vous propose, si le président de la commission en est d'accord, d'organiser une séance de travail au cours de laquelle nous pourrons envisager ensemble la façon d'améliorer le niveau d'expertise dans ce domaine, à la main des territoires. Les opérations prennent en effet trop souvent du retard, ce que je déplore. Il s'ensuit en effet des surcoûts, voire une non-réalisation des opérations. Le centre hospitalier de Guadeloupe, dont les travaux s'achèveront bientôt, aura ainsi coûté 650 millions au lieu des 380 millions prévus – nul doute qu'il sera superbe !
Je n'oublie pas, enfin, les moyens supplémentaires alloués à la sécurité. Je tiens à votre disposition un tableau montrant l'évolution des effectifs des différentes forces de sécurité par territoire au cours des cinq dernières années, ainsi que des informations sur les questions relatives à la justice et aux programmes pénitentiaires. Je le répète : ce n'est pas sur une année mais dans la durée que l'effort doit être mesuré.
Le Gouvernement se félicite d'une augmentation des crédits pour l'outre-mer pourtant bien timide : la hausse de 4,5 % par rapport à l'an dernier, qui portera les crédits à 2,7 milliards d'euros, apparaît en fait inférieure à 2 % si l'on tient compte des prévisions d'inflation pour 2024. Alors qu'il aurait nécessité une rupture, ce budget s'inscrit dans la continuité des précédents. À ce titre largement insuffisant, il n'est pas à la hauteur des enjeux ; car, si les Français d'outre-mer sont confrontés aux mêmes problèmes que les Français de l'Hexagone ainsi qu'à bien d'autres plus spécifiques, l'éloignement les rend plus prégnants, et ils sont moins bien traités par les pouvoirs publics.
Il y a d'abord – c'est le thème de mon rapport – une immigration hors de contrôle, qui déstabilise les sociétés et aggrave la délinquance et la criminalité, notamment en Guyane et à Mayotte. En lien avec ce premier problème, on constate une insécurité galopante, faute d'une volonté politique et de moyens, notamment en matière pénale. Le pouvoir d'achat, insuffisant, est inférieur à celui de la métropole, ce qui constitue une injustice aggravée par la vie chère. Le chômage de masse est la conséquence d'une absence de politique économique adaptée aux spécificités ultramarines. Les infrastructures, enfin, sont insuffisantes : des routes et des transports lacunaires, des logements insalubres, des écoles et des hôpitaux sous pression, sans parler d'un accès défaillant à l'eau potable.
Au regard de ces enjeux brûlants, le budget des outre-mer dans le projet de loi de finances pour 2024 illustre le cruel manque d'ambition et de vision du Gouvernement pour ces territoires. Pire, il reflète un certain mépris. La hausse timide des crédits – qui concerne pour l'essentiel les dispositifs d'exonération de charges sociales – est très insuffisante. Les crédits d'actions importantes – Financement de l'économie, Aménagement du territoire ou encore Aide à l'insertion et à la qualification professionnelle – n'augmentent pas. Compte tenu de l'inflation, ils accusent même une baisse significative.
Soucieux de dépasser le strict périmètre de la mission Outre-mer, j'ai choisi cette année de consacrer la deuxième partie de mon rapport à l'immigration massive dans les outre-mer. Ce sujet reste malheureusement au cœur de l'actualité, avec celui de l'insécurité auquel il est, bien sûr, lié. Vols avec violence, agressions, scènes de guérilla urbaine sont trop souvent le lot de nos compatriotes ultramarins, et les statistiques tenues par les administrations judiciaire et pénitentiaire soulignent sans équivoque la surreprésentation des étrangers dans la délinquance et la criminalité outre-mer. Au-delà des coups de projecteur médiatiques, les chiffres sont parlants. Alors qu'il y a en moyenne 4,5 faits de coups et blessures volontaires enregistrés pour 1 000 personnes en France hexagonale, il y en a 7,4 en outre-mer, 8,4 en Guadeloupe et 9,8 en Guyane. Les conséquences sont directes et quotidiennes pour plus de 2 millions de nos compatriotes. Comment vivre normalement lorsque l'on craint d'être agressé ou victime d'un vol violent ? Comment aller travailler si les routes sont bloquées ? Comment assurer une éducation à ses enfants si sa propre voiture, le car scolaire ou l'école ont été incendiés ? Sans compter les conséquences de l'insécurité pour le tourisme et l'attractivité économique de ces territoires.
L'incapacité du Gouvernement à contrôler nos frontières outre-mer est l'un des principaux facteurs d'insécurité. Elle tient au fait que les effectifs de la police aux frontières sont insuffisants et que, de l'aveu même des forces de l'ordre, les matériels – drones, radars, bateaux intercepteurs – ne sont pas à la hauteur, notamment en Guyane. Dans un environnement géographique souvent instable et économiquement défavorisé, la porosité des frontières expose les territoires à une immigration clandestine qui apporte tous types de trafics – armes, stupéfiants et même migrants. S'ensuivent des règlements de comptes, des infractions violentes, des coups de sang sous l'emprise de stupéfiants ou d'alcool.
Ces territoires connaissent de façon générale une situation socioéconomique plus dégradée que le reste de la France, avec des nuances locales. Le chômage, les difficultés familiales et la pauvreté entretiennent certes l'insécurité, mais le point de départ est souvent la présence de personnes en situation irrégulière, habituées à une violence banalisée et aux infractions ou trafics lucratifs. La situation sécuritaire à Mayotte, submergée par une immigration incontrôlable en provenance des Comores, l'illustre suffisamment.
Les timides hausses d'effectifs des forces de l'ordre ne sont pas suffisantes. Sans un choc de moyens, la situation deviendra hors de contrôle. Coopération diplomatique, réponse judiciaire, développement socioéconomique, moyens de surveillance et de contrôle aux frontières, présence de forces de l'ordre : tous ces axes doivent être renforcés. Les dix propositions que je formule dans mon rapport sont consultables par toutes les bonnes volontés. Rien ne sera possible sans une volonté politique forte.
Bien sûr, comme le démontre mon rapport, les conséquences de l'immigration ne se limitent pas à l'insécurité. Le bâti scolaire, mis sous pression, ne peut pas suivre la cadence : vingt nouvelles classes sont ainsi construites chaque année à Saint-Laurent-du-Maroni. L'hôpital est également concerné : il doit assurer des soins urgents qui ne seront jamais payés, et les maternités sont elles aussi sous pression. L'économie est paralysée par une économie clandestine d'ampleur, qui plombe les recettes fiscales comme le développement des territoires. Enfin, le logement est aussi touché, et l'on constate l'essor de bidonvilles en Guyane et à Mayotte notamment. En un mot, les conséquences sociales de l'immigration bouleversent à la fois les services publics et les sociétés d'outre-mer.
Lors des auditions que j'ai menées, les élus et les représentants des syndicats de police ont dit leur lassitude d'être souvent entendus par des parlementaires sans que rien ne change jamais. Ils estiment qu'à ce rythme, la situation sera incontrôlable dans dix ans, notamment en Guyane et à Mayotte.
Collègues, allez-vous vous contenter de refiler le bébé aux élus suivants en détournant le regard pendant quatre années encore ? Monsieur le ministre délégué, allez-vous laisser la situation pourrir, comme vos prédécesseurs ? Davantage que lassés, les élus, les professeurs, les médecins, les forces de l'ordre et les habitants de ces territoires sont en colère – et ils ont raison. Ils doivent non seulement être écoutés mais aussi entendus, afin de jouir enfin du cadre de vie auquel ils ont droit.
J'ai bien écouté ce que vient de dire le rapporteur pour avis. On peut toujours trouver qu'un budget n'est pas bon par principe, parce que l'on est dans l'opposition. Mais on peut aussi mesurer le chemin parcouru au cours des dernières années. Souvenons-nous qu'en 2016, alors qu'elle était ministre des outre-mer, Ericka Bareigts exprimait sa fierté que le budget de l'outre-mer atteigne 2 milliards d'euros. Il s'établit aujourd'hui à 3 milliards : ces chiffres ne témoignent pas vraiment d'un désengagement de l'État et d'un désintérêt du Gouvernement. Au-delà du budget dédié spécifiquement à l'outre-mer, en augmentation de 7 % en autorisations d'engagement et de 5 % en crédits de paiement, les crédits transversaux que l'État consacre à ses actions en outre-mer sont passés de 17 à près de 23 milliards d'euros. L'actuelle majorité ne peut donc être taxée d'avoir négligé les outre-mer.
La situation actuelle est-elle pour autant satisfaisante ? La réponse est évidemment non. Il faut aujourd'hui compenser des décennies de sous-investissement de l'État dans ces territoires. C'est le rôle des contrats de convergence et de transformation, dont les crédits sont passés de 1,8 à 2,4 milliards d'euros ; nous savons néanmoins que les territoires auront besoin de temps pour mener les opérations, comme le montre le rythme de consommation des crédits. Un effort considérable est réalisé en faveur du logement : la LBU connaît une augmentation de près de 50 millions d'euros, atteignant ainsi un montant inédit de près de 300 millions. Si cette augmentation intervient cette année, alors que l'actuelle majorité est au pouvoir depuis six ans, c'est parce que nous pouvons désormais consommer efficacement ces crédits grâce à l'ingénierie que nous avons mise en place – même si, je le répète, cela ne gommera pas des années d'inertie dans le secteur du logement.
Les crédits de l'outre-mer méritent d'être améliorés et peuvent toujours être discutés. L'exigence et la rigueur doivent présider à leur mise en œuvre et je pense, chers collègues, que ce débat budgétaire peut nous réunir. Je souhaite que, contrairement à celui qui s'est tenu en commission des finances, le nôtre puisse être constructif et qu'il nous permette de répondre aux différentes urgences, comme celle de l'eau.
Ne m'en veuillez pas, monsieur le ministre délégué, mais je voudrais aussi rendre hommage à votre prédécesseur : le Ciom qui s'est réuni en juillet a permis de définir, avec les collectivités locales et les acteurs ultramarins, soixante-douze mesures validées par la Première ministre. Nous allons ainsi pouvoir franchir un cap.
Je terminerai mon intervention par deux questions. Je suis surpris sur la remise en cause, en première partie du budget, de certaines exonérations fiscales. Sans doute est-ce souhaitable s'agissant des chauffe-eau, mais ça l'est moins dans d'autres domaines. Enfin, un rapport nous avait été promis sur les mesures relatives au fret – dont on sait qu'elles n'étaient pas efficaces. Quand l'aurons-nous ?
Nous ne pouvons nous satisfaire, monsieur le ministre délégué, de votre présentation qui n'est qu'une énième opération de communication. Le groupe Rassemblement national rejoint les préconisations du rapporteur pour avis Yoann Gillet, dont je salue la qualité du travail. Son avis budgétaire pointe les conséquences sociales de l'immigration incontrôlée dans la France des outre-mer.
Certes, le Gouvernement propose une augmentation du budget ; c'est déjà ça, mais c'est tellement peu. Cette hausse, en effet, ne masquera pas la situation catastrophique dans laquelle se trouvent nos territoires ultramarins depuis bien trop longtemps – le pire ayant été atteint après 2017. Les problèmes se sont plus que jamais aggravés : criminalité croissante, immigration massive, pouvoir d'achat en chute libre, chômage endémique, jeunesse sous le seuil de pauvreté, agriculture en berne, pénurie d'eau potable dans trois départements français – au XXIe siècle ! –, chlordécone, sargasses, octroi de mer anachronique… Sans parler de la concurrence avec des pays tiers qui se traduit, pour nos compatriotes ultramarins, par un coût de la vie élevé. Comment pouvons-nous accepter que le prix du panier de la ménagère en outre-mer soit supérieur de près de 20 % à celui de l'Hexagone ? Comment pouvons-nous accepter, quand le gouvernement vante le plein emploi et l'industrie verte à tous les étages, que l'on prenne nos compatriotes ultramarins pour des citoyens arriérés en leur suggérant, pour pallier le manque d'eau, d'en faire bouillir dans une casserole ? C'est un manque de respect, une atteinte à leur dignité. Comment pouvons-nous accepter que, pour des raisons partisanes et de pure tactique politicienne, vos représentants au Parlement européen aient refusé l'inscription de ce sujet à l'ordre du jour et qu'ils n'aient ensuite pas voté un amendement budgétaire du Rassemblement national visant à favoriser l'accès à l'eau courante et potable dans ces régions ?
Vous ne créez pas les conditions d'un retour à l'ordre républicain dans nos départements et territoires ultramarins. Mayotte, la Guyane et les Antilles, notamment, sont exposés à la criminalité, à la violence, au développement du trafic de stupéfiants et aux effets délétères et ruineux de l'immigration qui, comme le souligne notre rapporteur pour avis, pèsent en premier lieu sur le quotidien de nos compatriotes ultramarins. Rappelons qu'à Mayotte, plus d'un tiers de la population est de nationalité étrangère, dont au moins la moitié en situation illégale. Rappelons aussi que l'opération Wuambushu, censée mettre un terme au chaos migratoire, n'a fait que l'accentuer depuis le retrait des forces de l'ordre et n'aura été qu'un fiasco retentissant.
Les territoires ultramarins attendent bien plus que la réorganisation du Ciom, que des assises, des états généraux et que des livres bleus et blancs. Les Français des outre-mer veulent savoir où le Gouvernement les emmène à court, moyen et long terme, et comment il le fera. La France des outre-mer a besoin d'un électrochoc, d'une véritable politique de croissance et d'autonomie économique – nous en sommes malheureusement bien loin. Le groupe Rassemblement national a déposé des amendements visant en premier lieu à répondre aux urgences vitales et à agir sur les infrastructures, en particulier s'agissant de l'eau. Mais il s'abstiendra lors du vote : ce budget manque autant de clairvoyance que d'ambition et n'apporte aucune réelle solution aux problèmes endémiques qui pénalisent nos compatriotes ultramarins, pourtant citoyens à part entière – et non entièrement à part – de notre nation. Ils méritent, à ce titre, tout notre respect et notre considération.
D'un point de vue comptable, la mission Outre-mer affiche fièrement une augmentation de ses crédits. Je salue l'honnêteté dont vous avez fait preuve, monsieur le ministre délégué, en la corrigeant de l'inflation : elle ressort ainsi à 4,4 % en autorisations d'engagement et à 2 % en crédits de paiement. Bravo. J'ose pourtant dire qu'à l'image de ce budget, l'État manque cruellement d'ambition pour nos territoires. Le programme 123, Conditions de vie outre-mer, est un exemple particulièrement éloquent de ces chiffres en trompe-l'œil, en particulier l'action 01, Logement. La LBU a certes augmenté, passant à 291 millions d'euros, mais rappelons-nous qu'elle s'établissait à 289 millions d'euros en 2010 : il y a de quoi tempérer l'euphorie, alors même que l'inflation est galopante, que 13 % du parc de logements est insalubre, que 600 000 personnes sont mal logées, que les plans logement outre-mer n'ont jamais atteint leurs objectifs, que 100 000 logements sociaux font défaut et que d'innombrables logements ne répondent pas aux normes antisismiques.
Ce que nous voulons, pour en finir avec la pénurie de logements sociaux, c'est un véritable plan pluriannuel doté de moyens financiers et d'une stratégie à la hauteur des enjeux. Ce que nous voulons, ce sont des dispositifs spécifiques et innovants, prenant en compte par exemple le coût du désamiantage des logements individuels et des bâtiments publics. Ce que nous voulons, c'est la création d'un véritable observatoire du logement qui soit à même de fournir des données fiables et d'évaluer objectivement les politiques publiques passées et futures. J'appelle d'ores et déjà votre attention – de manière un peu opportuniste, je l'avoue – sur la prochaine journée de niche du groupe La France insoumise. J'aurai en effet l'honneur de présenter une proposition de résolution portant sur la création d'une commission d'enquête parlementaire relative à la gestion par l'État des risques majeurs dans les outre-mer, et je comprendrais mal que la majorité n'accompagne pas cette initiative.
S'agissant du programme 138, Emploi outre-mer, le taux de chômage atteint jusqu'à 30 % dans les outre-mer pour les jeunes de 15 à 29 ans, soit, faut-il encore le rappeler, un taux deux fois supérieur à celui de l'Hexagone. Face à ce fléau qui accélère le départ massif des jeunes sans perspective d'épanouissement au pays, il importe d'adopter un certain nombre de mesures courageuses.
Il est vrai que les politiques menées pendant des décennies par les gouvernements successifs à travers le Bureau pour le développement des migrations dans les départements d'outre-mer (Bumidom) et Ladom ont favorisé une saignée démographique sans précédent, en laissant croire que pour trouver un emploi il suffisait non pas de traverser la rue, mais l'océan Atlantique.
Pour retenir ces jeunes, il faut réellement aider et accompagner les entreprises qui produisent localement. Monsieur le ministre délégué, comptez-vous répondre favorablement à la demande d'augmentation de la dotation du régime spécifique d'approvisionnement (RSA) formulée par les industriels ultramarins ? L'insuffisance de ces crédits est un facteur d'augmentation du coût de la vie, de détérioration de la compétitivité et de perte d'emplois dans un contexte de chômage endémique. Nos filières de production ne comprennent pas ce qui ressemble à un revirement de l'État, puisque le Président de la République s'était engagé fermement en faveur d'une compensation de 8 millions pour tous nos territoires.
Nous attendons une vision véritablement à long terme, qui permette d'ancrer profondément les conditions du développement économique et social dans nos territoires.
Monsieur le ministre délégué, je note avec beaucoup d'intérêt que vous vous battez pour que les choses aillent mieux. Malheureusement, on peut retourner le budget dans tous les sens mais le compte n'y est pas. La commission des finances a d'ailleurs complètement modifié la répartition des crédits de la mission.
Vous dites que le Gouvernement fait beaucoup de choses. Mais, s'agissant de Mayotte, il y a une très grande différence entre les priorités de l'État et celles de Mahorais. Ce ne sont pas des écoles et des logements sociaux que nous souhaitons, car ils agissent comme des aimants pour l'immigration clandestine.
La majorité a rejeté ma proposition de loi destinée à assouplir les conditions d'expulsion des étrangers constituant une menace grave pour l'ordre public, alors qu'il s'agit d'une priorité pour les Mahorais. Nous voulons que l'État agisse dans ses domaines de compétences que sont les universités ou la construction des routes nationales, d'une piste longue d'atterrissage et des aménagements structurants pour le territoire. Nous voulons que vous contrôliez efficacement l'immigration.
M. Vuilletet a raison lorsqu'il dit qu'il faut rattraper des décennies de sous-investissement outre-mer. On compte 40 % de chômeurs à Mayotte ! Et il n'y a pas d'assainissement des eaux usées, alors que c'est-ce une obligation pour l'État. J'ai le sentiment qu'il y a une forme de cynisme et que l'on est prêt à payer des amendes à la Commission européenne, mais pas à investir à Mayotte. Telle est la réalité.
Je salue les efforts menés en matière de lutte contre l'immigration, mais il faut aller encore plus loin. De plus, au nom de cette même lutte, on a chassé les marins mahorais de leur lagon au motif que leurs bateaux ne seraient pas aux normes. Mais on ne fait rien pour les aider à avoir des bateaux conformes à la réglementation.
On peut dire que des choses sont faites par le Gouvernement, mais le compte n'y est pas.
Vous nous parlez des CCT mais on ne trouve pas les crédits nécessaires dans le PLF. Je ne sais pas comment vous allez faire pour financer ces CCT.
Vous avez dit tout à l'heure que 411 millions étaient consacrés au problème de l'eau à Mayotte. Mais cette somme était déjà prévue en 2017. Quelle part a-t-elle été mobilisée en réalité ? Certains expliqueront que c'est de la faute des élus… Non ! Des articles parus dans des grands quotidiens nationaux montrent que c'est bien l'État qui est responsable de la situation. Il s'agit certes d'une compétence des collectivités, mais qu'en est-il quand l'État n'accorde pas les moyens nécessaires et que le préfet ferme les robinets pour – et je pèse mes mots – assoiffer délibérément les populations ? Nous avons le sentiment d'être rejetés. Chaque fois qu'il s'agit de Mayotte, on dit que cela coûte cher.
Je vous ai adressé un courrier aujourd'hui au sujet de l'application de la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer, qui prévoit d'établir un plan de convergence s'appuyant sur un diagnostic complet.
Je sais que vous faites l'effort d'essayer de nous convaincre de voter en faveur de ce budget, mais je prendrai ma décision en fonction des amendements qui seront retenus lors de la suite de nos débats.
Le projet de budget 2024 pour les territoires d'outre-mer et sa méthode d'élaboration traduisent la volonté du ministre de s'engager sinon dans une coconstruction, du moins dans un dialogue avec les représentants des territoires. Ce PLF prend en compte certaines propositions issues du Ciom et cherche à être cohérent avec les politiques menées par les autres ministères.
Je vais passer sur les chiffres, qui ont été rappelés par le ministre et par le rapporteur, pour me contenter de quelques commentaires d'ordre qualitatif.
Ce budget ne répond sûrement pas à tous les besoins de rattrapage économique de nos territoires lointains. Mais force est de constater que des efforts significatifs sont faits, en ciblant les situations les plus tendues et avec une meilleure prise en compte des réalités de terrain et l'affichage de certaines priorités.
Monsieur le ministre délégué, vous revenez d'un déplacement en Guadeloupe ainsi que dans ma circonscription de Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Vous avez fait des annonces sur nombre de sujets, en particulier à la suite de l'émoi provoqué par l'amendement dit Cazeneuve. Vous avez cherché à rassurer les professionnels du tourisme quant au devenir des dispositifs de défiscalisation, en particulier sur la location de véhicules et de meublés de tourisme. Si j'ai bien compris, vous avez confirmé que les petites structures consacrées exclusivement au tourisme continueront à être éligibles. Je choisis de faire confiance à la parole ministérielle sur ce sujet, de même que sur l'implantation prochaine d'Action logement à Saint-Martin.
Le quotidien des Ultramarins est marqué par une vie chère structurelle. Elle résulte des contraintes liées à la situation géopolitique de ces territoires, mais aussi aux choix de modèles de développement économique qu'ils subissent. Je me réjouis de la priorité accordée au logement à travers l'accélération de la construction et de la réhabilitation du parc de logements locatifs privés et sociaux ainsi que la lutte contre l'habitat indigne.
Les besoins des Ultramarins en matière de mobilité sont également pris en compte, non seulement pour aller dans Hexagone mais aussi et surtout pour retourner sur leur territoire. Le dispositif « Cadres d'avenir » va ainsi être étendu à la Guadeloupe et à Saint-Martin en 2023. Il a vocation à s'étendre aux autres territoires, et j'en suis heureux. Il reste désormais à prendre en compte les déplacements entre les territoires d'un même bassin, qu'ils soient liés à des besoins de formation ou à des rencontres sportives.
Le développement économique et la création d'emplois sont une préoccupation constante dans nos territoires. Les dispositifs d'exonération des cotisations sociales spécifiques aux outre-mer sont maintenus, mais ils feront l'objet d'une réévaluation. Il sera nécessaire, monsieur le ministre, d'aboutir à des évolutions justes et justifiées.
Pour terminer, je retiens que l'accompagnement des collectivités territoriales reste une orientation principale de ce budget. Il se décline en plusieurs mesures, parmi lesquelles le soutien à l'ingénierie – nécessaire à la réalisation des projets structurants –, la pérennisation du dispositif Corom et la progression des budgets relatifs aux contrats de convergence et du fonds exceptionnel d'investissement. Ce budget envoie un signal positif pour l'exercice 2024. Mais nos territoires ont besoin de davantage de planification à long terme en matière d'infrastructures, d'économie et même d'évolution de nos relations nationales et régionales.
En tout état de cause, je me réjouis de l'évolution globale des crédits et vous ne serez pas étonné d'apprendre que mon groupe soutiendra vos propositions. J'attends que le Gouvernement s'engage sur les suites qui seront données aux mesures annoncées lors du Ciom.
Je rends hommage aux quatre députés ultramarins du groupe Socialistes et apparentés. Christian Baptiste, Elie Califer, Johnny Hajjar et Philippe Naillet ont beaucoup travaillé pour renforcer les crédits alloués à la mission Outre-mer.
Je souhaite également vous interroger sur les suites que vous entendez donner au vote intervenu le mercredi 25 octobre dernier en commission des finances. Mon groupe, avec d'autres, a réussi à faire adopter 735,7 millions de crédits supplémentaires en faveur des territoires ultramarins.
Pour lutter contre la vie chère, nous avons fait voter des crédits pour majorer les prestations sociales légales versées outre-mer. Pour répondre au problème de la hausse des coûts de l'énergie, nous avons également accordé des moyens supplémentaires afin de lutter contre des situations de monopole ou d'oligopole qui sont à l'origine de superprofits au détriment des populations.
Pour favoriser la mobilité des Ultramarins, nous avons fait voter 500 millions d'euros afin de porter les dépenses de l'État en matière de continuité territoriale pour les habitants d'outre-mer au même niveau que celles accordées à la Corse. Ces dépenses sont actuellement de 257 euros par habitant en Corse contre 16 euros par habitant outre-mer.
Pour lutter contre les effets du changement climatique, nous avons fait voter le renforcement du fonds de secours pour les outre-mer (FSOM), qui leur permet de faire face aux aléas naturels et d'adopter un plan de rattrapage des infrastructures indispensables – eau, assainissement, déchets et voirie.
Pour préserver la santé publique et la biodiversité, nous avons fait voter 50 millions supplémentaires au titre des actions de prévention et de dépollution du chlordécone, ainsi que des moyens budgétaires pour assurer le ramassage des sargasses au large de la Martinique et de la Guadeloupe.
Tous ces amendements ont fait l'objet d'un chiffrage raisonnable, sur la base de constats établis dans le cadre du rapport spécial ou de la commission d'enquête sur la vie chère – dont notre collègue Johnny Hajjar était le rapporteur.
Ma question est simple : allez-vous entendre la demande de crédits supplémentaires formulée par nos collègues ultramarins ?
La plupart des territoires d'outre-mer sont enclavés, économiquement et politiquement. C'est le résultat soit de l'insularité, soit de relations trop faibles avec les pays voisins dans le cas de la Guyane.
Ces territoires ont des spécificités locales et des besoins de financement particuliers. Plusieurs orateurs ont rappelé le besoin de rattrapage. Monsieur le ministre délégué, allez-vous entendre nos collègues et retenir tout ou partie de leurs amendements ? Ou bien allez-vous une nouvelle fois tout balayer lors de l'utilisation du 49.3 ?
Pour 2024, les crédits de cette mission s'élèvent à 2,9 milliards en AE et à 2,6 milliards en CP à périmètre constant, soit des hausses substantielles par rapport à 2023. Nous saluons cette augmentation des moyens mis au service des territoires ultramarins.
Avec un programme consacré spécifiquement à l'emploi outre-mer, le travail occupe une place centrale dans cette mission, puisque 1,85 milliard d'AE et de CP sont consacrés au renforcement de la compétitivité des entreprises et à la qualification professionnelle des actifs ultramarins, notamment des jeunes – dont le taux de chômage est malheureusement encore deux à trois fois plus élevé que dans l'Hexagone. La qualification professionnelle est un enjeu majeur pour l'emploi. Nous regrettons donc que l'adoption de quatre-vingt-quatorze amendements par la commission des finances ait conduit à transférer l'intégralité des crédits de ce programme au profit du non moins important programme 123, Conditions de vie outre-mer.
Face à la crise que connaît le secteur, le logement est l'une des priorités de ce projet de budget, avec une impulsion significative donnée à la construction de logements sociaux, à la réhabilitation et à l'adaptation du parc vieillissant ainsi qu'à la lutte contre l'habitat indigne.
La mobilité des Ultramarins constitue une autre priorité importante, avec une montée en puissance des moyens affectés à la continuité territoriale. Cela permettra notamment d'augmenter le seuil de ressources pour les publics bénéficiaires de l'aide à la continuité territoriale, qui passera à 18 000 euros par part de quotient familial. Les aides à la mobilité seront également renforcées pour des publics particuliers, comme les étudiants, les actifs, les talents de la culture et du sport ainsi qu'en matière sociale. Ladom va être réformée pour être placée au cœur de la mobilité outre-mer et améliorer le service rendu aux Ultramarins.
Enfin, les dispositifs d'accompagnement des collectivités territoriales doivent continuer à s'étoffer. Ils sont déterminants pour aider les communes en difficultés financières et fournir aux collectivités ultramarines l'ingénierie nécessaire à la réalisation de leurs projets d'infrastructures – notamment dans des domaines comme l'eau, l'assainissement et la rudologie. Il est en effet nécessaire de maintenir les capacités financières de ces collectivités afin de favoriser l'égal accès aux services publics locaux, d'apporter une aide d'urgence financière et humaine aux populations et aux collectivités – notamment lors d'épisodes climatiques extrêmes – et de soutenir les actions en matière de sécurité et de défense civiles.
C'est pourquoi le groupe Horizons et apparentés votera en faveur des crédits de la mission Outre-mer tels qu'ils ont été proposés par le Gouvernement.
En mai 2022, l'appel de Fort-de-France réclamait un changement profond de la politique menée outre-mer de l'État. Ses signataires déploraient une situation de mal-développement structurel dans l'ensemble des territoires ultramarins. Et s'ils appelaient évidemment par ce cri d'urgence et d'exigence à une évolution institutionnelle pour sortir du paradigme de la carence structurelle et de la dépendance vis-à-vis de l'Hexagone, ils demandaient aussi la mise à disposition de moyens suffisants pour permettre à ces territoires de relever les défis sociaux, écologiques, économiques et culturels auxquels ils font face.
Avec une augmentation des crédits de seulement 5 % – donc bien inférieure à l'inflation –, nous pouvons dire que malgré ses annonces le Gouvernement rate encore une fois le coche. Le projet de budget comporte certes quelques adaptations et améliorations, mais il ne procède à aucune rupture par rapport à la situation actuellement vécue dans les territoires d'outre-mer. Or c'est justement d'un budget de rupture, d'un « quoi qu'il en coûte » ultramarin, que nous aurions besoin.
Aux problématiques structurelles sur lesquelles nos collègues d'outre-mer ne cessent de nous interpeller – pauvreté, chômage, insuffisances des services publics, cherté des produits importés – se sont ajoutées d'autres crises avec l'inflation, la crise de l'eau à Mayotte et en Guadeloupe, la contamination au chlordécone dans les Antilles, la prolifération des sargasses.
Où sont donc les moyens pour répondre à la hauteur de ces enjeux ? Où sont les investissements massifs dans les infrastructures et dans l'économie locale pour rendre ces territoires autonomes en matière d'énergie et d'alimentation ? Où est la transformation de la gouvernance de ces territoires qui permettrait d'associer bien davantage les populations locales aux décisions qui concernent leur destinée ? Où se trouve le volet d'adaptation au réchauffement climatique, pourtant très prégnant dans ces territoires ? Mayotte connaît une sécheresse historique.
Ces territoires possèdent une biodiversité d'une richesse incroyable, puisqu'ils représentent 80 % de la biodiversité française, et ils offrent à notre pays la deuxième zone économique exclusive au monde. Qu'est-il fait pour contrecarrer la diminution de cette biodiversité ? Où sont les budgets pour indemniser les populations contaminées par le chlordécone ? Où est le plan Marshall demandé par les collectivités ultramarines pour faire face à la pollution des déchets ? Où sont les investissements massifs pour garantir à tous l'accès à l'eau potable ?
Ce budget s'ancre malheureusement dans le monde d'avant, alors que les alertes se multiplient et que nous devons passer à autre chose car les crises écologiques et sociales se nourrissent entre elles. On le constate aujourd'hui en ce qui concerne l'eau. On le verra dans de nombreux autres domaines dans les années qui viennent.
Le groupe Écologiste présentera plusieurs amendements pour améliorer ce budget, mais il appelle le Gouvernement à une véritable bifurcation de ses politiques dans les territoires ultramarins.
Je ne rentrerai pas dans le débat sur les chiffres, puisque certains collègues ont déjà fait état des réalités, notamment en ce qui concerne la LBU, la ligne budgétaire unique. Je voudrais seulement savoir d'où vient le chiffre de 5 % d'inflation. Il s'agit sans doute du taux enregistré dans l'Hexagone, mais on constate dans nos collectivités que l'inflation est en réalité supérieure de 30 % par rapport à ce taux.
Comme l'a relevé notre collègue Jean-Philippe Nilor, les crédits de la LBU retrouvent simplement le niveau enregistré en 2010. Vous parlez d'effort ; nous disons que c'est seulement un rattrapage.
Certains disent que le budget est bon. Le ministre délégué n'a de cesse de dire partout où il passe que l'État fait un effort conséquent en matière budgétaire. Mais tant que ce budget sera organisé de cette manière, vous ne réglerez jamais les problèmes que rencontrent les territoires outre-mer.
Beaucoup d'amendements ont été adoptés et ont complètement modifié le projet du Gouvernement. Mais nous ne sommes pas dupes. Nous savons très bien qu'une très grande majorité de ces amendements vont être liquidés comme l'année dernière à l'issue du 49.3 qui arrive à grandes enjambées. Je ne souhaite pas perdre mon temps à parler du budget tel qu'il va être décliné, parce qu'il ne changera rien.
Le rapporteur pour avis et l'État aiment faire des comparaisons qui n'ont pas lieu d'être. Vous regardez la Guyane et Mayotte à travers le même prisme, ce qui est une erreur. La superficie de Mayotte représente un peu moins de 400 kilomètres carrés, alors que celle de la Guyane couvre 89 000 kilomètres carrés. Quant à la densité de population, elle est de 800 habitants par kilomètre carré dans la première et de quatre dans la seconde. Mayotte est une île ; la Guyane est située sur un continent et a deux fleuves pour frontières. Vous pourrez toujours dire qu'il n'y a pas assez de moyens pour contrôler les frontières, mais comment voulez-vous le faire pour un fleuve long de plus de 400 kilomètres ? Cela relève de l'impossible. En Guyane, nous ne considérons pas les fleuves comme des frontières mais comme des bassins de vie. L'approche doit donc être différente en matière d'immigration et doit avoir pour objectif de fournir un accueil digne de ce nom, pour éviter la prolifération des bidonvilles. Il faut accueillir les personnes, leur indiquer ce qui est de l'ordre du possible et ensuite traiter leurs dossiers. Pour cela, il faut effectivement des moyens. Et arrêtez de dire que l'insécurité est due à l'immigration, car cela a le don de me hérisser le poil. Il faut regarder la réalité en sachant faire des distinctions.
L'article 49.3 sera utilisé et la majorité dit que le budget est bon. Je vous dis que ce n'est pas le cas et que vous ne réglerez pas les problèmes de nos territoires. Il va falloir d'urgence changer de paradigme en ce qui concerne la politique économique, sociale et sanitaire des territoires ultramarins.
J'entends souvent que les outre-mer sont une chance et un véritable atout pour la République. Si notre groupe souscrit à cette vision, il tient à rappeler que cette chance vous oblige et nous oblige.
En septembre, vous annonciez une progression significative des crédits en faveur de l'outre-mer, signe d'une volonté forte du Gouvernement. Mais ce budget est au mieux stable si l'on prend en compte l'inflation – ce qui peut sembler louable compte tenu du contexte budgétaire.
S'il ne faut pas tomber dans la caricature, il faut aussi reconnaître que depuis des années la réalité quotidienne des territoires ultramarins est bien éloignée de celle de l'Hexagone. Outre-mer, les promesses d'égalité réelle et de fraternité ne sont pas tenues. La grande pauvreté est par exemple cinq à dix fois plus élevée que dans l'Hexagone en raison de salaires bas et de la cherté de la vie. C'est aussi le résultat d'un manque de volonté politique pour réduire les écarts qui se creusent.
Chaque année, nous attendons une révolution budgétaire et politique qui ne vient pas.
Prenons, par exemple, la question de l'habitat. On compte 70 000 logements précaires ou indignes dans les cinq départements d'outre-mer. Ils représentent à eux seuls 13 % des logements insalubres en France pour seulement 4 % de la population. La ligne budgétaire unique a été augmentée cette année, mais elle devra l'être encore pendant de nombreuses années pour rattraper le retard.
Ce texte entend aussi accompagner la mobilité des Ultramarins, notamment en élargissant le nombre des bénéficiaires de la continuité territoriale. Enfin ! Il s'agissait d'une proposition que notre groupe avait inscrite lors de sa journée réservée.
L'accès à l'eau devrait aussi être une priorité. Comme vous le savez, c'est un sujet qui est cher à ma collègue Estelle Youssouffa à Mayotte, mais aussi à Olivier Serva et Max Mathiasin en Guadeloupe. Le PLF prévoit de soutenir le syndicat mixte de gestion et d'assainissement des eaux de la Guadeloupe, avec une dotation de 20 millions. Nous estimons qu'il faut aller plus loin et nous demandons que les factures des Guadeloupéens et des Mahorais soient prises en charge en cas de coupure d'eau.
La majorité mettra en avant une hausse des crédits dédiés à la mission. Nous autres ultramarins savons qu'elle masque des années de sous-investissement – dont vous n'êtes pas le seul responsable, monsieur le ministre délégué. D'ailleurs, le déficit d'ingénierie que vous avez mentionné aboutira sans doute à une sous-consommation des crédits et retardera le développement des projets sur nos territoires. Il faut essayer d'y remédier.
Si beaucoup d'amendements ont été adoptés par la commission des finances, cela n'effacera pas le fait que le Gouvernement va recourir au 49.3 – avec le risque que la défiance s'installe dans les outre-mer.
Je relèverai à cet égard quelques exemples qui concernent mon département.
Un amendement prévoyait de répartir différemment les crédits destinés à préserver la biodiversité, sans les augmenter. Cela a été refusé.
Les moyens retracés dans le prochain contrat de plan État-région concernant Saint-Pierre-et-Miquelon baisseront par rapport au précédent.
J'ai présenté trois amendements qui ont franchi le cap de la commission des finances. L'un concerne les infrastructures portuaires, qui sont délabrées et qui relèvent de la compétence de l'État. J'en ai aussi déposé un au sujet de la déconstruction d'un ancien hôpital, qui bloque des projets de revitalisation du centre-ville et la construction d'un Ehpad. Enfin, l'un de mes amendements portait sur la nécessaire transition énergétique. Je rappelle qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon presque 40 % du budget des familles est consacré au chauffage.
Je crains que, comme l'an passé, tout cela soit gommé par le 49.3, ce qui créera une nouvelle frustration. Mais, optimiste de nature, je terminerai sur deux aspects positifs.
Il nous reste un ministre doté d'une grande expérience d'élu local et qui nous a annoncé qu'il travaillerait mieux le budget de 2025, ainsi qu'un préfet qui a su installer une bonne entente dans le travail avec les élus locaux à Saint-Pierre-et-Miquelon. Vous me direz que c'est bien insuffisant eu égard aux défis que nous avons à relever, monsieur le ministre délégué. Mais je crois que c'est quand même un préalable.
Notre groupe est prêt à travailler avec vous si vous êtes d'accord pour retrousser vos manches sans tomber dans les grand-messes qui ont caractérisé le premier quinquennat. Nous avons besoin de pragmatisme outre-mer. Un problème, une solution – et ces solutions doivent être construites territoire par territoire.
Je mesure combien la tâche est immense, les attentes grandes et le retard important, de même que l'ampleur de certaines frustrations.
Il y a des situations inacceptables, notamment en ce qui concerne l'accès à l'eau. Je repars dès demain soir à Mayotte. Il faut absolument mettre les moyens sur la table mais aussi sensibiliser tous les acteurs. Le Gouvernement peut faire beaucoup, mais il ne peut rien faire seul. C'est une affaire collective, comme d'ailleurs pour tous les sujets. J'irai au bout de la logique de coconstruction, parce qu'il n'y a pas de solution miracle.
J'ai moi aussi été rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, et je peux comprendre que l'on passe tout au vitriol en expliquant que rien ne va. Mais je voudrais replacer certaines choses dans leur contexte.
Les effectifs déployés en cinq ans par la gendarmerie nationale et la police nationale ont augmenté respectivement de 10 % et de 21 %. Je ne peux pas laisser dire que nous n'avons rien fait. Je ne vais pas vous infliger les chiffres d'une époque précédente, mais ils étaient bien différents.
En 2022, 15 545 titres de séjour ont été délivrés. Nous en sommes à moins de 11 000 en 2023. Je sais que vous êtes sensible à la question des obligations de quitter le territoire français (OQTF). Il y en a eu 3 103 en 2022 et nous en sommes à 3 459 en 2023, soit une hausse de 10 %. Les éloignements ont augmenté de 30 % et les refus d'admission sur le territoire vont progresser de 20 %. Tout n'est pas parfait, mais Gérald Darmanin a déployé beaucoup de moyens.
La lutte contre le trafic de stupéfiants a permis de saisir 71 kg de cocaïne, tandis que 877 interdictions d'embarquer ont été prononcées. Tous les passagers sont désormais contrôlés à l'aéroport de Cayenne. Nous avons donc fait un certain nombre d'efforts, et il est hors de question de ne pas les prolonger.
Nous allons aussi intensifier la collaboration avec la justice. S'agissant de la prison de Saint-Laurent-du-Maroni, il est prévu que 500 places seront disponibles en 2027. Plus de 1 000 mineurs ont été pris en charge par la protection judiciaire de la jeunesse en 2023 et des brigades de soutien d'urgence ont été créées pour soutenir les services de la justice en Guyane, en plus des quarante-sept postes de magistrats créés à Cayenne. C'est un effort important. Il peut paraître insuffisant, certes, mais accordez-moi au moins qu'il existe.
Comme le savent bien mieux que moi les députés de la Guyane, si vous mettez dehors les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) il manquera 70 % des médecins dans les hôpitaux et nous n'aurons plus qu'à les fermer – comme d'ailleurs dans l'Hexagone. De nombreux Padhue ont été régularisés l'an dernier car ils disposaient des compétences nécessaires au titre de la validation des acquis de l'expérience (VAE).
La réserve sanitaire a été mobilisée pour Mayotte à ma demande ainsi qu'à celle du ministre de la santé, et 53 personnels sont arrivés pour soulager des soignants à bout de souffle.
Monsieur le rapporteur pour avis, les débats sur les projets de loi relatifs, respectivement, à l'immigration et à Mayotte vous laisseront le temps de vous exprimer et d'exposer votre vision des choses. Nous apportons des réponses à quatre au moins de vos dix propositions, avec les chiffres que je viens de vous donner. J'espère que qu'à défaut d'adhérer à notre projet, vous nous en donnerez acte.
Monsieur Vuilletet, je vous remercie d'avoir recadré la question et expliqué que le Ciom, à l'initiative de Jean-François Carenco, de Gérald Darmanin et de la Première ministre, est une belle démarche, qui fait suite, comme vous l'avez dit, madame Rousseau, à l'appel de Fort-de-France. Pour une fois, en effet, on a commencé à s'intéresser à la singularité des territoires ultramarins pour savoir comment mieux les prendre en compte. Après le Ciom du 18 juillet 2023, pour lequel vous avez été très actifs, vous êtes tous invités, mesdames et messieurs les députés, les 23 et 24 novembre, pour un autre rendez-vous où les parlementaires, grands élus et responsables de collectivités pourront voir, territoire par territoire, quelles sont les mesures décidées par le Ciom, et d'autres encore.
Merci donc à M. Vuilletet d'avoir rappelé que les montants engagés sont passés, entre 2016 et 2024, de 2 à 3 milliards. Les comparaisons sont toujours intéressantes, car elles permettent de voir où l'effort a porté. J'ai, pour ma part, comparé les sommes budgétées en autorisations d'engagement et crédits de paiement entre 2012 et 2017. Merci donc d'avoir rappelé que les contrats de convergence et de transformation ont augmenté de 400 millions et que la ligne budgétaire unique a été portée à 300 millions, même si les observations de M. Nilor étaient parfaitement justes.
Quant au rapport sur le fret, nous l'avons reçu et transmis au secrétariat général du Gouvernement. Il ne va donc pas tarder à arriver et j'en ai pris bonne note, avec l'équipe qui m'entoure. Monsieur Vuilletet, vous connaissez parfaitement ces territoires, pour lesquels vous vous passionnez. Je m'engage, pour ma part, à transmettre ces éléments.
Pour ce qui est enfin du coût du fret, vous avez insisté sur l'aide apportée par l'État. Cette aide est bicéphale, car provenant à la fois de l'État et des régions, avec des régimes parfois différents pour ces dernières, ce qui crée certaines distorsions. Il s'agit là d'une question que nous devrons évoquer dans les débats du Ciom.
Madame Goulet, vous jugez, dans une perspective assez proche de celle du rapporteur pour avis, que mon voyage à Mayotte est une opération de communication. Il n'en est rien et, si vous en doutez, venez-y donc avec moi demain soir, et vous verrez. M. Kamardine était présent lorsque j'ai présidé un comité de l'eau et j'en présiderai un autre mercredi. Si vous venez, vous verrez que le processus est transparent, que tout le monde peut s'exprimer et que la presse est là. Je vous invite à méditer tout cela. Il ne s'agit vraiment pas d'une opération de communication et j'aborde ce dossier avec une très grande humilité, car je vais au contact des populations et je vois ce qu'elles vivent. Nous devons nous demander comment il se fait que 34 % des habitants ne soient pas connectés à un réseau. Imaginez ce qui se passerait dans l'Hexagone si nous faisions ce constat dans vos circonscriptions !
Présidence de M. Sacha Houlié, président de la commission
Pour ce qui est des prix et de la vie chère, certaines mesures sont prévues. Il s'agit d'abord de la réforme de l'octroi de mer, qui fera l'objet d'une concertation et d'une coconstruction, et qui ne viendra pas tout droit de Bercy ni du ministère de l'intérieur et des outre-mer. J'enverrai à tous les territoires, comme je m'y suis engagé, une maquette de l'octroi de mer, territoire par territoire puisqu'il diffère d'un territoire à l'autre. On verra ainsi quelle est sa part, par qui il est levé, à qui il revient – aux communes ou aux régions ? –, quel est le niveau de TVA et comment elle s'applique, afin que chacun puisse en comprendre le fonctionnement. Une démarche sera ensuite engagée dans chaque territoire dans le cadre d'un groupe de travail organisé autour du préfet, et tous les parlementaires y seront associés. J'ai été assez longtemps membre de votre assemblée pour savoir que les parlementaires doivent être présents à tout moment pour pouvoir se saisir des questions qui se posent.
Le problème du prix du carburant, qui se pose notamment aux Antilles et en Guyane, est un chantier que je démarre, comme le savent en particulier les élus guyanais.
La mission visant à identifier et combattre les monopoles économiques outre-mer n'est pas d'un coup de bluff, comme certains ont voulu le dire. Gérald Darmanin, Bruno Le Maire et moi-même avons signé un courrier qui permettra à la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, sur la base d'une lettre de mission gouvernementale, de nous éclairer sur ce problème. J'ai cru comprendre durant mes déplacements que cette annonce n'était pas toujours reçue avec une grande chaleur, mais nous irons au bout de la démarche, parce que les monopoles sont bien là.
En matière d'aide aux intrants et d'aides aux agriculteurs, un plan avait été proposé par la Première ministre lors de son déplacement à La Réunion au mois de mai et, lorsque je me suis rendu en Martinique, j'ai annoncé que certains agriculteurs pourraient en bénéficier.
Pour ce qui est enfin de l'emploi, un seul territoire – La Réunion – avait été désigné pour l'expérimentation de France Travail, mais je souhaite désormais élargir très rapidement l'expérimentation aux autres territoires.
Vous avez enfin dit que l'opération Wuambushu était une opération de communication, mais le processus est engagé et se poursuivra. Nous aurons démoli plus de 1 300 habitats totalement insalubres – que, du reste, nous reconstruisons. On peut toujours faire plus et mieux, certes, mais reconnaissez au moins qu'il a fallu un peu de courage et de détermination pour ces opérations. Le ministre de l'intérieur a été présent au rendez-vous.
Je remercie M. Nilor pour la tonalité de son intervention et pour avoir souligné à juste titre que le montant de la LBU est revenu à son niveau de 2010, où il était de 289 millions. La baisse du montant était liée à un problème de consommation des crédits : il faut consommer les crédits. Ne m'accusez pas, monsieur Kamardine, de ne pas être le bâtisseur, car ce sont les collectivités et des organismes d'État, publics ou parapublics, qui interviennent dans ce domaine – à moins, bien sûr, que vous ne vouliez que nous nationalisations tout, mais il me semble que vos convictions politiques vont plutôt vers la décentralisation.
Il faut des plans pluriannuels, certes, et j'en ai demandé un lorsque je me suis rendu à La Réunion. Je sais toutefois que cela pose question en Guyane et en Guadeloupe, compte tenu notamment du problème de foncier qui se pose en Guyane. J'ai proposé au président de la délégation aux outre-mer, M. Rimane, qui est à côté de vous, d'en reparler, car je voudrais connaître l'approche des parlementaires sur ce point. Les collectivités et l'État – qui est propriétaire de 95 % du foncier – ont un rôle important, mais ce n'est pas de raison pour que nous ne puissions pas trouver ensemble des solutions.
Vous m'avez aussi interpellé à propos des risques majeurs, et vous avez bien fait. Comme vous l'avez vu, j'étais sur place le lendemain de la tempête Philippe, à la demande du Président de la République, de la Première ministre et de Gérald Darmanin. Nous avons déclenché immédiatement le plan catastrophe naturelle et vous pouvez aussi utiliser les fonds Barnier, qui sont disponibles.
Quant au régime spécifique d'approvisionnement, ou RSA, il n'est pas acceptable que le niveau n'en ait pas été revalorisé et nous avons entamé à ce propos des discussions au niveau interministériel. Je rappelle toutefois que, pour ce qui est des aides agricoles, le programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (Posei) est toujours fixé à 320 millions et la France peut apporter une aide complémentaire, qui passe de 45 à 60 millions d'euros dans le budget pour 2024, ce qui représente un effort supplémentaire, même si cela ne règle pas le problème du RSA. Je vous remercie d'avoir appelé notre attention sur ce point – vous êtes le seul à l'avoir fait. Je vous tiendrai informé de l'évolution de ce dossier.
Je conclurai en évoquant la proposition de résolution que vous préparez. Elle devra s'inscrire dans une niche parlementaire et je ne doute pas que vous saurez user de votre poids pour qu'elle y figure en bonne place, afin qu'elle puisse être entendue. Je serai heureux d'être au banc des ministres pour vous répondre.
Monsieur Kamardine, nous nous voyons régulièrement et j'imagine que nous allons encore passer deux jours ensemble à Mayotte. Vous avez reconnu dans la presse locale que mon engagement n'était pas feint, en déclarant que nous commencions enfin à nous donner des moyens. Vous êtes d'ailleurs venu me demander l'autre jour comment nous pouvions être plus efficaces. Je vous le répète : l'État ne peut pas tout faire seul. Il ne peut pas donner d'instructions aux syndicats des eaux ou aux autres structures chargées de l'assainissement ou des routes pour ce qui relève de leur compétence. Il y a certes du retard à Mayotte où, dans le domaine de la santé, nous devons tenir la promesse présidentielle de la construction et de l'agrandissement de l'hôpital de Mayotte. J'ai d'ailleurs écrit à Aurélien Rousseau pour demander un programmiste afin d'entrer dans les phases actives. Vous voyez donc que je vais dans votre sens.
Pour ce qui est de l'eau, en revanche, j'imagine que je vous retrouverai sur mon chemin – mais nous serons alors côte-à-côte, et non pas face-à-face comme aujourd'hui. Vous avez évoqué à juste titre les crédits mobilisés, mais je vous rappelle que, dans le cadre du précédent CCT, pour la période 2019-2022 – vous ne m'en ferez pas reproche, puisque je n'étais pas en responsabilité –, sur 70 millions prévus, 30 millions ont été engagés et 8 millions seulement ont été payés Ne reprochez pas à l'État, lorsqu'il met de l'argent sur la table, que les crédits de paiement ne suivent pas.
Quant aux 411 millions destinés à l'eau, travaillez avec moi à apporter enfin aux Mahorais la réponse qu'ils méritent. Je l'ai dit à plusieurs reprises à Mayotte en votre présence et j'imagine que vous serez avec moi mercredi matin pour aller voir le premier forage, que nous avons lancé le 2 septembre et qui produit déjà 500 mètres cubes par jour. Nous irons le voir tous les deux ensemble mercredi matin.
Merci à M. Gumbs de nous faire confiance pour ce dialogue de la coconstruction. Il nous avait sensibilisés à la situation d'Action logement et a pu voir qu'il a été non seulement écouté, mais aussi entendu, comme je l'ai annoncé en arrivant sur le territoire. Les déplacements entre les bassins de vie sont en effet un problème. Si certains d'entre vous ont des suggestions à faire à propos du transport aérien, qu'ils n'hésitent pas. Je vous rappelle que le Gouvernement a massivement soutenu le transport aérien et que plusieurs compagnies ont bénéficié du soutien financier de l'État et des régions – La Réunion investit massivement dans ce domaine, avec près de 300 millions en moins de quatre ans. Il faut cependant tenir compte aussi des liaisons capillaires intrarégionales : comment se rendre de Guyane au Suriname, à Sainte-Lucie ou en République dominicaine, de Martinique en Guadeloupe ou de La Réunion à Maurice ? Je suis très conscient que le prix des billets est très élevé – je me suis renseigné voilà quatre jours.
Le rayonnement géopolitique que nous recherchons pour tous les territoires de l'océan Indien, de la Caraïbe et de Polynésie exige une nouvelle politique de transport aérien. Nous formulerons des propositions et j'ai d'ailleurs déjà évoqué avec Clément Beaune le lancement de nouvelles modélisations pour remplacer celles qui sont aujourd'hui à bout de souffle.
Merci à M. Leseul d'avoir rappelé que la vie chère était au cœur de ses préoccupations en proposant une dépense de pas moins de 500 millions d'euros sur un amendement. L'augmentation de 400 millions du budget des contrats de convergence et de transformation représente un véritable effort.
En réponse à une question posée également par Mme Rousseau, je répondrai que nous augmentons de 1,6 million les crédits consacrés aux sargasses, ce qui les porte à 6,4 millions. Le 2 décembre, à Doha, ce problème majeur, que nous ne pouvons pas régler seuls, fera l'objet d'une initiative à l'échelle internationale. Il faut intervenir à la source de la création de ces sargasses, que nous avons identifiée autour des fleuves concernés. C'est nous qui avons créé le groupement d'intérêt public (GIP), et la France joue un rôle de tête de pont en la matière, finançant 60 % de l'effort international consacré aux sargasses. J'ai constaté la semaine dernière qu'il s'agit d'une véritable endémie et j'irai plaider pour qu'il y soit porté remède. Comptez sur mon engagement.
Quant à la valorisation de ces sargasses, madame Rousseau, elles peuvent parfois, en effet, être utilisées dans la méthanisation et nous allons voir comment y parvenir. Nous nous attacherons donc à couvrir la source, le traitement et la valorisation de ces déchets.
Merci à Mme Poussier-Winsback d'avoir bien voulu noter les efforts que nous avons faits notamment pour la construction de logements, la continuité territoriale et les mobilités. En Guadeloupe, je suis assez fier que, pour la première fois, l'État, la région et le département aient défini ensemble une planification et des dates. Vingt-cinq opérations ont été prévues, avec une triple signature et un engagement sur une clause de revoyure : tous les mois se tiendra – je le dis en pensant à M. Kamardine – un conseil de l'eau, auquel participeront tous les acteurs concernés en Guadeloupe. Nous explorons là une nouvelle voie, que j'appelle de mes vœux en espérant qu'elle nous permettra aussi d'avancer ensemble à Mayotte. Le régime est donc un peu sévère, mais l'enjeu est important.
Merci également d'avoir rappelé les capacités financières en jeu.
À propos de la sécurité, j'ai donné des éléments en répondant au rapporteur pour avis. Même s'il les trouve insuffisants, il aura pu constater que l'augmentation était réelle et que des moyens ont été mis sur la table.
Madame Rousseau, vous avez évoqué l'appel de Fort-de-France et le Ciom du 18 juillet 2023, qui sera décliné sous la forme que j'ai exposée. Quatre rendez-vous seront donc proposés d'ici juillet 2024 aux parlementaires pour faire vivre le Ciom – mais pas seulement. Sur les 200 mesures proposées pour ce dernier, 72 ont été retenues et nous pourrons donc élargir ainsi nos réflexions. C'est là une démarche assez nouvelle. Comptez sur moi pour aller jusqu'au bout.
Les énergies renouvelables représentent 60 % de la production et les outre-mer dépassent désormais l'Hexagone, avec l'objectif d'atteindre en 2030 un taux d'émission de gaz à effet de serre égal à zéro.
Pour ce qui est du chlordécone, j'ai présidé une réunion sur ce thème voilà trois semaines à la Martinique. On sort enfin de ce drame et j'ai utilisé à ce propos, ce matin encore, des mots très forts devant les agriculteurs. Le plan Chlordécone, doté de 93 millions, commence à être bien accepté par les acteurs. Les associations étaient présentes à cette réunion et un chemin de confiance commence à se bâtir, qui devra être solidifié au fil du temps. J'ai pleinement confiance et j'ai trouvé l'assemblée plutôt apaisée sur cette question. Il faut toutefois une réparation, car le manque de transparence est scandaleux. Il existe désormais des prises en charge et je rappelle que toutes les analyses de terre et de sang sont gratuites et que les dossiers sont montés dans les mairies. Une convention a été conclue avec l'association des maires, notamment en Martinique, afin de pouvoir avancer – j'y tiens particulièrement. Vous avez rappelé à juste titre que 80 % de la biodiversité se trouve dans les territoires ultramarins, et 15 % dans les coraux. J'ai pu constater avec joie en Polynésie qu'un organisme de recherche français, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), était en mesure de trouver des solutions.
Les déchets sont un problème très difficile et on peut déplorer dans de nombreux territoires ultramarins l'absence d'usines de traitement des ordures ménagères. Ce n'est toutefois pas vrai partout : Saint-Barthélemy a ainsi adopté un système très efficace, comprenant une cogénération et Bois-Rouge, à La Réunion, utilise également une cogénération très intéressante. Dans d'autres territoires, en revanche, nous sommes dans l'impasse, alors qu'il faudrait avancer.
Monsieur Rimane, je répondrai par écrit à la question très précise que vous m'avez posée. Si je vous ai bien écouté, l'inflation serait plus importante dans les territoires ultramarins que dans l'Hexagone, mais cela ne correspond pas aux chiffres dont je dispose. Je propose donc que nous confrontions nos données et je m'engage devant le président de la commission à vous transmettre les miennes.
À propos de la LBU, vous avez, comme M. Nilor, insisté à juste titre sur le rattrapage. Vous avez rappelé que la Guyane a la taille du Portugal ou de la grande région Nouvelle-Aquitaine, ce qui la distingue fortement de territoires plus petits, comme la Martinique ou d'autres. Sa population vient pour 35 % de Haïti, du Suriname et du Brésil. Cette population très jeune – 50 % ont moins de 25 ans – rencontre un problème de foncier majeur. Le niveau des eaux s'est encore dégradé ces derniers jours, de telle sorte que certaines navigations ne sont plus possibles. Pour l'achèvement de la route de Maripasoula, nous devrons trouver des solutions ensemble. J'ai été interrogé à ce propos pas plus tard que ce matin et votre amendement me semble pertinent. Je suis donc persuadé que nous aboutirons.
En Guyane, l'école connectée, à laquelle nous avons consacré 800 000 euros, est une belle initiative, qui permet aux enfants de quatre villages distants les uns des autres de deux heures et demie de pirogue de bénéficier d'un enseignement. Le développement du numérique le fort engagement des enseignants nous ont permis de commencer à apporter une réponse, qu'il convient de multiplier sur le territoire. Vous trouverez en moi quelqu'un qui vous y aidera.
Monsieur Lenormand, vous avez eu raison de souligner la stabilité du budget. Vous avez également cité le chiffre de 70 000 logements indignes présentant des problèmes d'insalubrité et vous avez insisté sur ce que nous faisons pour assurer l'accès à l'eau. J'ai évoqué à ce propos la Guadeloupe et Mayotte, mais il faudra très probablement parler aussi de la Guyane. Quant à Saint-Pierre-et-Miquelon, j'ai déjà reçu les délégations et vous-même, et je m'y rendrai dans quelques jours. Je reviendrai vers vous pour évoquer un sujet qui n'a pas encore fait l'objet d'un arbitrage, mais pour lequel j'ai bon espoir d'y parvenir.
Le CCT passera de 19 à 25 millions : si minimes soit-elle, il y a donc déjà là une augmentation.
Le problème de l'ancien hôpital ne m'a pas échappé, pas plus que celui des normes. Le 15 mars 2024 seront définitivement adoptées les normes applicables aux régions ultrapériphériques (RUP), qui se substitueront aux normes CE. Cela ne suffira pas, mais ce sera déjà un élément très structurant car on transporte parfois des matériaux sur 5 000 10 000 ou 20 000 kilomètres pour qu'ils portent l'estampille de l'Union européenne. Nous achevons de défendre au niveau européen cette norme RUP, attendue depuis de nombreuses années, et engagerons un travail de révision des autres normes, compte tenu du volet ultramarin que chaque ministre a accepté de voir figurer dans les nouvelles lois. Je serai attentif à cette révision des anciennes normes, car il y a là un important facteur de discrimination de compétitivité.
Monsieur Rimane, la Guyane est grande, ses frontières sont longues et, à vous entendre, nous ne pourrions rien faire en matière d'immigration et de contrôle des frontières. Selon vous, il faudrait accueillir toujours plus et construire toujours plus de logements d'hébergement d'urgence. Je suis assez surpris de vos propos, mais je comprends que vous soyez gêné pour assumer votre double discours à l'Assemblée nationale, aux côtés de Mme Rousseau, membre éminente de la NUPES. Les propos que vous tenez à l'Assemblée et dans votre circonscription en Guyane sont en effet très différents : en Guyane, votre discours auprès de vos électeurs est très clairement hostile à l'immigration massive et vous affirmez que vous voulez stopper toute immigration, alors que vous nous dites ici que ce n'est pas un problème et même, comme vous venez de le faire, qu'il n'y a pas de lien entre sécurité et immigration.
Je suis stupéfait par ce double discours, et d'autant plus que vos propos n'ont aucun fondement. Que sécurité et immigrations soient liées est une évidence. Vous vous êtes d'ailleurs rendu voilà quelques semaines au centre pénitentiaire de Cayenne, où je suis moi-même allé – j'ai su que vous y étiez passé car j'ai vu votre nom juste avant le mien dans le livre d'or de l'établissement. Durant cette visite, vous avez nécessairement vu la réalité et constaté que la moitié des détenus étaient étrangers. Dire qu'il n'y a pas de lien entre immigration et insécurité, c'est tout simplement nier la réalité.
Monsieur le ministre délégué, je sens que vous aussi, vous préférez nier la réalité, mais que vous la connaissez comme moi. Comme moi, vous vous êtes rendu en Guyane voilà quelques semaines et y avez rencontré les acteurs du territoire, même si vous en avez rencontré moins que moi – vous avez même modifié le programme de votre déplacement après avoir eu connaissance du mien. Les Guyanais ne vous ont-ils pas fait part de leur sentiment d'être des Français de seconde zone ? N'avez-vous pas entendu la population et les acteurs du territoire dire qu'ils avaient un pays à construire ? N'avez-vous pas, comme moi, traversé de longues zones blanches en vous rendant de Saint-Georges à Cacao ou à Saint-Laurent ? N'avez-vous pas rencontré des maires contraints, pour venir à Cayenne, de se déplacer en pirogue ? N'avez-vous pas rencontré des élus locaux qui vous ont dit qu'ils avaient de grandes difficultés pour construire des écoles et qu'il leur fallait, comme Mme la maire de Saint-Laurent-du-Maroni, construire vingt classes supplémentaires chaque année ? Certes, l'État accompagne, en partie, ces collectivités qui souffrent beaucoup financièrement, mais sont-elles obligées de mettre la main à la poche ? C'est d'autant plus gênant que, lorsque vous évoquez les sommes que vous investissez et l'effort de l'État, vous oubliez qu'il y a déjà un retard à rattraper et que vos investissements, très insuffisants, ne font qu'absorber une partie du coût des infrastructures rendues nécessaires notamment par l'augmentation de la population et par l'immigration de masse.
Les vingt nouvelles classes qu'il faut ouvrir à chaque rentrée scolaire à Saint-Laurent-du-Maroni s'expliquent en effet pour partie à la natalité importante de la Guyane, mais aussi et surtout par cette immigration de masse.
Monsieur le ministre délégué, lorsque vous vous êtes déplacé en Guyane, n'avez-vous pas vu également que le coût de la vie y est relativement élevé ? Le prix des packs d'eau, par exemple, peut atteindre 15 euros et, de manière générale, l'alimentation coûte 42 % plus cher qu'en France hexagonale.
N'avez-vous pas également traversé la Guyane sur un réseau routier quasiment inexistant ? Il n'y a en effet sur ce territoire que quelques routes, et encore sont-elles défoncées. Vous avez, je suppose, dormi à Cayenne et êtes sorti après dix-huit heures : vous avez alors vu une ville gangrenée par l'insécurité, avec une très forte immigration et ce qu'on appelle là-bas des « zombies » : des personnes sous l'emprise du crack. La situation est intenable. Le préfet lui-même m'a dit dès mon arrivée que l'insécurité n'était pas aussi grande qu'on le dit, me recommandant toutefois peu après d'éviter de sortir après dix-huit heures, parce que cela pouvait être dangereux. Il faut redescendre sur terre et être conscient de ce qui se passe. Vous avez nécessairement vu cela, monsieur le ministre délégué, lors de votre déplacement.
Vous avez dit que les magistrats étaient plus nombreux que d'autres encore allaient arriver dans les prochaines semaines ou les prochains mois. Tant mieux ! Nous nous en félicitons et pourrions presque vous applaudir pour cela, mais avez-vous rencontré le monde judiciaire en Guyane ? Ces personnels ne vous ont-ils pas dit que des magistrats supplémentaires étaient certes une bonne chose, mais qu'il n'y avait pas assez de greffiers et que, sans greffiers, cela ne pouvait pas tourner ? Ne vous ont-ils pas dit aussi qu'ils n'avaient pas de locaux appropriés pour travailler correctement ?
Vous avez dit également qu'une prison serait livrée à l'horizon 2027. Si c'est le cas, tant mieux, mais nous avons du mal à vous croire, car cette prison avait déjà été promise pour 2023 et qu'aucune démarche administrative n'a encore commencé pour la réaliser.
Vous avez évoqué les OQTF, dont le nombre est indéniablement impressionnant sur le papier mais, dans la réalité, bien que les OQTF délivrées soient exécutées, de nombreux étrangers en situation irrégulière n'en font pas l'objet. Qui plus est, alors même que les OQTF sont exécutées, les étrangers expulsés reviennent sur le territoire français parce que les frontières ne sont pas surveillées. Pis que cela, les agents de la police aux frontières ont dû vous dire comme à moi que certains étrangers faisant l'objet d'une OQTF viennent carrément toquer à leur porte pour que cette obligation soit exécutée – c'est en particulier le cas des Brésiliens, qui peuvent ainsi rentrer gratuitement au pays à Noël ou pour la fête nationale, après quoi, la fête terminée, ils reviennent illégalement en Guyane.
Je pense, monsieur le ministre délégué, que vous n'avez pas lu mon rapport, mais j'espère que vous aurez l'occasion de le lire, car il pourra vous servir.
Nous nous sommes rendus en Guyane. Monsieur le rapporteur pour avis, le lien que vous faites constamment entre immigration et insécurité est infondé, car ce sont les Guyanais que les cartels instrumentalisent, et les mules qui passent de la Guyane vers la France sont françaises. Vous avez employé l'expression assez incohérente de « pays à construire », mais la Guyane, c'est la France. Ce n'est pas parce que les gens sont différents qu'ils ne sont pas des Français.
Ensuite, vous avez bien rapidement absous les collectivités, en évoquant les compétences, mais on ne peut pas les exonérer de leurs responsabilités. Les collectivités ont une part à prendre dans la construction des écoles et pour proposer de terrains pour la construction de prisons. Vous savez d'ailleurs que la construction des 3 000 places supplémentaires prévues au-delà du plan 15 000 est conditionnée aussi aux autorisations d'urbanisme délivrées par les collectivités. Nous voulons bien allouer des crédits et donner des autorisations pour construire ces établissements, mais encore faut-il que les collectivités nous donnent les permis de construire. Pour déposer un permis de construire, il faut un terrain, et l'État ne peut pas en inventer ! En parlant avec le président Rimane, vous connaîtrez toutes les difficultés de la propriété foncière en Guyane, notamment de son remembrement.
Il est vrai, et personne ne le réfute, que la Guyane connaît une immigration de masse. Vous avez en effet vous-même constaté que les frontières étaient incontrôlables. Comment votre parti contrôlerait-il les frontières d'un territoire de la taille du Portugal au cœur de la forêt amazonienne ? Comment parviendrez-vous à arrêter totalement l'immigration illégale sur le Maroni ? C'est impossible. Ainsi, pendant le confinement, le préfet de Guyane, Marc Del Grande, a pris des dispositions particulières parce que les frontières, notamment avec le Suriname, étaient incontrôlables. Nous avons montré que les crédits de la mission Immigration, asile et intégration connaissent une augmentation considérable.
Vous parlez également d'un territoire gangrené par l'insécurité. C'est précisément la raison pour laquelle nous avons procédé à un renforcement des forces de l'ordre, qu'il s'agisse du GIGN, le Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale, des CRS ou de forces spécialisées répandues sur le territoire à la demande du préfet. Certains escadrons sont en effet redéployés et des questions de sécurité à Mayotte ou en Nouvelle-Calédonie nécessitent un redéploiement et des interventions. Nous avons donc créé des forces de police, avec 8 500 unités durant ce quinquennat, et cela tombe bien puisque vous considérez qu'il en manquait.
Pour ce qui concerne le monde judiciaire, non seulement nous procédons à de nouvelles affectations de magistrats et de greffiers, mais nous prenons également certaines dispositions. Ainsi, la loi sur la justice a permis que, dans le cadre de la juridiction interrégionale spécialisée (Jirs), les audiences puissent se tenir en vidéo afin d'éviter des transfèrements de prévenus effectués de la Guyane à la Martinique pour auditionner ces personnes à Fort-de-France et les renvoyer ensuite. Ces dispositions permettent en outre d'accélérer les procédures et d'éviter la surcharge de travail de l'administration pénitentiaire et, par ailleurs, de mieux faire fonctionner les services publics.
Monsieur le rapporteur pour avis, je veux bien que vous soyez un peu ironique, mais vous vous décrivez une situation de tiers-monde dans des territoires où l'État investit énormément au profit de populations qui connaissent par ailleurs la difficulté que nous rencontrons dans le déploiement des services publics et la construction des infrastructures, et qui vivent une réalité bien moins noire que celle que vous venez de présenter.
En complément de l'intervention de M. Gumbs, qui a souligné avec beaucoup de conviction les besoins de son territoire, j'observe que la mobilité, telle qu'elle est prévue dans ce budget, concerne les déplacements entre l'outre-mer et l'Hexagone. Cependant, à Saint-Barthélemy par exemple, des apprentis ne trouvent pas assez d'entreprises pour les accueillir et leur offrir un contrat. L'apprentissage n'est alors possible que dans le cadre de la mobilité, ce qui signifie que certains d'entre eux doivent se rendre en Guadeloupe. Peut-on envisager la prise en charge de ces déplacements entre les îles d'un même bassin ou d'une même zone géographique – en l'espèce, de Saint-Barthélemy à la Guadeloupe ou la Martinique ? Nous savons que vous déployez de vrais efforts pour apporter des réponses concrètes et que vous avez à cœur de donner les perspectives à la jeunesse ultramarine. Je vous remercie donc des éléments que vous voudrez bien nous donner.
Monsieur le président, vous avez souligné des arguments que j'avais déjà évoqués dans mon intervention liminaire.
Monsieur le rapporteur pour avis, je n'ai pas pour habitude de caler mes déplacements en fonction du passage des parlementaires.
Par ailleurs, et même si je l'ai fait tardivement, j'ai lu votre rapport, ce qui est la moindre des courtoisies vis-à-vis des parlementaires. Comme je l'ai dit tout à l'heure, quatre au moins des dix points que vous soulevez sont déjà satisfaits. Vous dites que ce n'est pas vrai parce que, bien évidemment, ce ne sera jamais assez, et parce que l'original est toujours supérieur à la copie, mais des moyens considérables ont été déployés.
Vous me dites que vous connaissez la Guyane mais, ayant quelques cheveux blancs de plus que vous, je la connais depuis plus longtemps que vous. C'est un très grand pays et dire qu'on en contrôlera chaque mètre n'est pas crédible un seul instant. Nous avons déployé des moyens considérables. Il faut aller plus loin, mais je ne pense pas que nous soyons sur une trajectoire inverse. Un projet de loi sur l'immigration sera prochainement débattu et nous verrons quelles seront les responsabilités que vous prendrez lorsque ce texte viendra devant l'Assemblée nationale.
Jamais autant d'initiatives n'ont été prises en matière de coopération avec les pays voisins – j'ai moi-même rencontré l'ambassadeur du Brésil. Il nous faut bien sûr conclure des accords avec eux. Nous avons engagé des moyens considérables, et accompli des progrès, dans la lutte contre l'orpaillage clandestin, même si celui-ci est encore cinq fois plus développé que la recherche aurifère légale.
En matière de droit des étrangers, la durée de l'examen des demandes d'asile a été réduite. Beaucoup a été fait dans les domaines de la justice et de la police. Nous menons des programmes avec l'Apij, l'Agence publique pour l'immobilier de la justice. La cité judiciaire de Saint-Laurent-du-Maroni, qui sera constituée d'un centre pénitentiaire, d'un tribunal judiciaire, d'un service pénitentiaire d'insertion et de probation (Spip) et d'une unité éducative en milieu ouvert, devrait être achevée en 2027. Une structure de 200 millions d'euros ne se bâtit pas en douze mois : il faut respecter un ensemble de procédures, en particulier celles prescrites par le code des marchés publics.
Lors de ma visite, j'ai annoncé à la maire de Saint-Laurent-du-Maroni que l'État apportait 120 millions pour la construction de vingt écoles. Elle a fait part publiquement de sa vive satisfaction. Je ne conteste pas le chiffre de vingt classes annuelles à construire, mais on ne peut pas dire qu'un effort financier particulier n'ait pas été accompli pour aider la commune.
Monsieur Mandon, nous devons en effet revoir l'organisation de la desserte de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, mais aussi, par exemple, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna. Les délégations de service public (DSP) sont très coûteuses, et le remplissage n'est pas toujours très élevé. Avec le cabinet de Clément Beaune, nous sommes en train d'élaborer un nouveau cahier des charges. Les habitants de ces territoires doivent bénéficier d'une véritable continuité territoriale grâce à des tarifs plus abordables.
La réunion est suspendue de dix-neuf heures quinze à dix-neuf heures vingt.
Puis, la Commission examine pour avis les crédits de la mission « Outre-mer » (M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis).
Présidence de M. Erwan Balanant, vice-président de la commission
Article 35 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-CL442 de M. Yoann Gillet
Les taux de chômage outre-mer excèdent de beaucoup la moyenne nationale. Au deuxième trimestre 2023, ils s'élevaient, par exemple, à 34 % à Mayotte, à 19,5 % en Guadeloupe, à 13,8 % en Guyane ou encore à 18,8 % à La Réunion, ce qui montre l'étendue des disparités régionales. L'État doit prendre conscience de l'importance de l'insertion professionnelle dans les outre-mer, laquelle ne se limite pas à la recherche d'emploi mais englobe également la formation, l'accès à l'éducation, l'entrepreneuriat et le soutien aux jeunes diplômés. Il doit envoyer un signal fort aux citoyens de ces territoires et montrer que la France est pleinement engagée à les soutenir. L'amendement vise à abonder de 10 millions les autorisations d'engagement et les crédits de paiement de l'action 02, Aide à l'insertion et à la qualification professionnelle, du programme 138, Emploi outre-mer.
On est en train de réformer Ladom, qui est l'un des bras armés de l'État pour garantir l'insertion professionnelle en outre-mer. On renforce également les régiments du service militaire adapté (RSMA). Nous avons un dispositif robuste. Des transferts de crédits sont en cours vers Pôle emploi – bientôt France Travail –, mais l'État maintient un effort important. Cet amendement nous paraît donc inutile.
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-CL340 de Mme Florence Goulet
La filière du nickel en Nouvelle-Calédonie est constituée de deux types d'entreprises : les premières, qui n'ont pas d'activité métallurgique, exploitent le minerai brut pour l'exporter ; les secondes disposent d'activités minières et métallurgiques intégrées. La première activité est bénéficiaire, mais tous les métallurgistes présentent, à l'inverse, des résultats négatifs depuis plus de dix ans et dépendent donc de financements privés et publics pour poursuivre leur activité. Il paraît nécessaire de réviser le cadre juridique du contrôle des exportations de minerai brut, afin de permettre le versement de subventions croisées entre les activités minière et métallurgique, comme le recommande l'Inspection générale des finances (IGF). Par ailleurs, le pilotage financier de l'activité semble défaillant. L'IGF appelle à rationaliser l'actionnariat public de la filière, ce qui fait écho à la volonté du Rassemblement national de créer une société minière nationale.
Convenons qu'il s'agit d'un amendement d'appel, car 100 000 euros sont peu de chose au regard des enjeux financiers de la filière, qui a bénéficié d'investissements de centaines de millions d'euros. C'est une filière stratégique en proie à des difficultés majeures dues à des problèmes de compétitivité. Une réorganisation est en cours. Cet amendement n'étant pas à la dimension du problème, nous nous y opposerons.
La commission rejette l'amendement.
Amendements II-CL170 et II-CL408 de M. Yoann Gillet
Le coût très élevé du fret, qui a connu une forte augmentation au cours des dernières années, a des conséquences importantes sur le niveau de vie de nos compatriotes ultramarins, alors que le coût de la vie dans les territoires d'outre-mer est déjà bien plus élevé qu'en métropole. Dans le PLF, l'aide au fret bénéficie de 7,8 millions d'euros en AE – soit un niveau inchangé par rapport au PLF 2023 – et de 5,6 millions d'euros en CP, en repli de 5,1 %. Cette baisse est particulièrement inquiétante dans des territoires où le chômage avoisine 30 % et où le niveau de pauvreté est parfois cinq fois plus élevé qu'en métropole. Il est du devoir de l'État d'agir dans l'intérêt des Français ultramarins.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CL365 de M. Perceval Gaillard
Il s'agit par cet amendement de doubler la LBU consacrée au logement dans les outre-mer. L'effort de l'État en matière de construction de logements est notoirement insuffisant depuis des décennies. Il convient d'envoyer un signal fort à la population et de sortir de la sous-dotation en logements, en particulier en logements sociaux.
Il s'agit d'un amendement d'appel, car l'abondement proposé – 200 millions – est insuffisant pour résoudre réellement ces difficultés. J'émets un avis favorable car le besoin en logements est criant.
Cette somme ne constituerait pas un doublement de la LBU car les crédits prévus par le PLF s'élèvent à 300 millions. Ce que vous décrivez, monsieur Nilor, est parfaitement juste, mais nous devons d'abord utiliser les crédits disponibles – ce qui commence à être le cas – et faire sortir les logements de terre : c'est le premier signal à envoyer à la population. Notre groupe sera défavorable à cet amendement.
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-CL380 de M. Jean-Hugues Ratenon
Cet amendement vise à apporter un soutien financier aux communes des outre-mer afin de répondre, notamment, à leurs besoins d'aménagement, complément essentiel au développement du logement social. Confrontées à un certain nombre d'obligations légales, en particulier concernant le logement social, beaucoup de communes se sentent esseulées. La construction de logements sociaux entraîne nécessairement l'aménagement de l'éclairage, de la route, d'aires de jeux, de parking, etc. Il est important que l'État accompagne les communes, notamment celles qui sont exsangues, dans cet effort.
Contre la préconisation du rapporteur pour avis, la commission rejette l'amendement.
Amendements II-CL342 de Mme Florence Goulet et II-CL452 de Mme Sandrine Rousseau (discussion commune)
L'amendement II-CL342 vise à augmenter les crédits dédiés à la lutte contre la prolifération des algues sargasses. Il appartient à l'État de fournir les moyens aux collectivités de mener cette action, sans que cela se traduise par une augmentation de la pression fiscale pesant sur nos compatriotes guadeloupéens et martiniquais. Les crédits prévus par le PLF sont insuffisants.
L'amendement II-CL452 vise à renforcer le financement du plan Sargasses. Depuis plusieurs années, l'arc antillais fait face à la prolifération de ces algues, qui s'échouent en particulier sur les plages de la Guadeloupe et de la Martinique. Ce phénomène serait dû, entre autres, au réchauffement de l'océan et à des apports importants en nutriments liés aux fertilisants. La putréfaction des algues échouées provoque des émanations de gaz qui entraînent des troubles respiratoires, une irritation des yeux, des vertiges et des maux de tête. Elle engendre une odeur fétide très gênante pour les populations avoisinantes. En outre, les conséquences économiques sont importantes pour la population, qui voit le tourisme décliner.
Pour lutter contre ce phénomène, le Gouvernement a lancé le plan Sargasses 2, qui va dans le bon sens. Toutefois, face à l'ampleur de l'échouage des algues, il nous semble essentiel de renforcer les moyens alloués à leur ramassage. Telle est la finalité principale du mouvement de crédits, d'un montant de 2 millions, que nous proposons.
Des crédits ont déjà été affectés au ramassage des algues et au traitement des sargasses, dans le cadre de plans élaborés avec les collectivités locales. Celles-ci se montrent satisfaites de l'effort engagé. Le PLF prévoit des crédits supplémentaires de 1,4 million. Peut-être faudrait-il demander au Gouvernement, en séance, s'il souhaite accroître cet effort mais, en l'état actuel des choses, nous voterons contre les amendements.
Je soutiens vivement ces amendements, car ils répondent à une impérieuse nécessité. L'échouage des algues entraîne des problèmes économiques mais avant tout sanitaires. On a subi suffisamment avec le chlordécone. Les moyens de l'État doivent être à la hauteur des enjeux sanitaires. Face au drame qui est en train de se nouer en Martinique et en Guadeloupe, il faut engager le maximum de moyens maintenant pour éviter d'avoir à le regretter par la suite.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CL168 et II-CL409 de M. Yoann Gillet, amendements II-CL359, II-CL360 et II-CL346 de M. Mansour Kamardine (discussion commune)
Dans nos territoires d'outre-mer, les équipements culturels et sportifs, les services d'urgence et d'action sociales sont beaucoup moins nombreux qu'en France hexagonale. Le renforcement des crédits du FEI est essentiel pour soutenir les projets des élus locaux. En outre-mer comme en métropole, nos compatriotes doivent avoir accès à des services efficaces et en nombre suffisant pour répondre à leurs besoins. Les amendements d'appel II-CL168 et II-CL409 visent à souligner l'insuffisance du budget prévu par le Gouvernement. Mon avis est favorable sur les trois amendements suivants.
Nous serons défavorables à ces amendements. Une renégociation des CCT est en cours, qui doit faire passer les crédits de 1,8 à 2,8 milliards sur la période envisagée. C'est dans ce cadre que nous devons travailler. Le FEI, quant à lui, est un outil très efficace, à la main du ministère des outre-mer, pour intervenir en cas de nécessité. Ces crédits d'urgence doivent être conservés pour faire face à des situations exceptionnelles.
Monsieur Vuilletet, je suis en profond désaccord avec vous. En 2019, la majorité avait rejeté la proposition de loi que nous avions déposée pour répondre aux sollicitations des Mahorais. Vous nous aviez fait miroiter, à cette occasion, ce contrat, que je qualifierais de « divergence ». Lorsque ce document nous a été soumis, nous avons constaté qu'il n'offrait aucune réponse aux questions que nous avions soulevées. Le divorce se poursuit jour après jour, car vous ne prenez pas en considération les problèmes dont souffre Mayotte et suivez d'autres priorités. Depuis quarante ans, l'État nous dit ce qui est bon pour Mayotte. Aujourd'hui, nous sommes dos au mur : nous constatons tous que cela ne marche pas. Il serait souhaitable que l'État accepte enfin de nous entendre.
La commission rejette successivement les amendements.
Présidence de M. Sacha Houlié, président de la commission
Amendements II-CL402 de M. Jean-Hugues Ratenon, II-CL341 et II-CL344 de Mme Florence Goulet, II-CL447 et II-CL448 de Mme Sandrine Rousseau, II-CL366 de M. Jean-Hugues Ratenon, II-CL356 de M. Mansour Kamardine, II-CL339 de Mme Florence Goulet et II-CL172 de M. Yoann Gillet (discussion commune)
L'amendement II-CL402 est d'une importance cruciale car il vise à créer un programme destiné à financer la rénovation totale des canalisations dans les territoires dits d'outre-mer. Dans ces territoires insulaires et éloignés, l'accès à l'eau n'est souvent pas garanti. En Guyane, 40 000 personnes en sont privées. Mayotte est affectée depuis plusieurs mois par une crise de l'eau. Le problème de l'eau se pose aussi avec beaucoup d'acuité en Guadeloupe et en Martinique. Garantir l'accès des populations à l'eau doit être une priorité absolue.
Selon plusieurs évaluations, la remise en état des réseaux d'eau en Guadeloupe exigerait un investissement d'au moins 2 milliards d'euros, ce qui représente quinze fois les crédits que le PLF consacre cette année à l'aménagement du territoire outre-mer. Nous devons à nos compatriotes guadeloupéens un service d'eau potable efficace et digne de ce nom.
Les amendements II-CL447 et II-CL448 sont fondamentaux car ils visent à lancer le plus rapidement possible un grand plan d'investissement pour les infrastructures de distribution d'eau potable dans les territoires d'outre-mer. Nous connaissons des situations insupportables à Mayotte et en Guadeloupe. Au terme de son enquête sur la gestion de l'eau, la Cour des comptes a relevé que la situation était alarmante dans les territoires ultramarins.
Les problèmes sont nombreux : défectuosité des systèmes d'assainissement – qui concerne 80 % d'entre eux en Guadeloupe –, vétusté et défaillance du réseau de distribution – 30% de l'eau est perdue en raison de fuites à Mayotte, 38 % à La Réunion –, ou encore contamination de l'eau. À Mayotte, exemple le plus symptomatique des défaillances de l'État en matière de gestion de l'eau, la situation est catastrophique. Du fait de la sécheresse et du manque d'anticipation des autorités publiques, la crise de l'eau y a pris une ampleur inégalée. L'accès à l'eau est de nouveau réduit, passant de vingt-quatre à dix-huit heures, un jour sur trois. En Guadeloupe et en Martinique, les coupures sont régulières et l'eau de mauvaise qualité dans plusieurs zones.
Les coupures d'eau ont des conséquences pour les familles ; elles impliquent régulièrement la fermeture de crèches et d'écoles. Au-delà des seules restrictions, l'accès à l'eau potable n'existe toujours pas, ou seulement partiellement, pour une part encore très importante des populations ultramarines. En Guyane, près de 20 % de la population n'a pas accès à l'eau potable à son domicile. À La Réunion, la moitié des usagers de l'île n'a pas accès à l'eau potable, de façon permanente.
Le Gouvernement semble rester relativement sourd aux appels de nos concitoyens ultramarins. Il ne met pas sur la table l'argent nécessaire aux investissements titanesques que requiert l'accès à l'eau potable pour tous et toutes.
L'état des canalisations de nos territoires est catastrophique : les pertes y atteignent un litre sur deux contre un litre sur cinq dans l'Hexagone. Ce seul chiffre témoigne des conséquences du manque d'investissement, de la volonté de ne pas s'impliquer dans la résolution de problèmes touchant la santé publique. En Martinique et en Guadeloupe, les canalisations sont contaminées au chlordécone. L'eau qui s'y écoule se trouve donc contaminée ; rien ne sert de la faire bouillir.
Nos compatriotes des outre-mer vivent un drame. En Guyane, 35 000 personnes sont privées des services de base d'accès à l'eau potable, 26 000 personnes n'ont pas accès aux installations sanitaires améliorées. À Mayotte, 41 000 personnes n'ont pas accès à des services d'eau potable gérés en toute sécurité. En Martinique et en Guadeloupe, des tours d'eau sont organisés, des coupures tournantes interviennent entre vingt et une heures et six heures du matin, selon un planning hebdomadaire. En Guadeloupe, le rendement du réseau d'eau potable est très faible : le taux de perte s'établit à 60 % en moyenne, jusqu'à 80 % dans certaines zones du département. L'amendement II-CL339 vise à abonder de 50 millions les autorisations d'engagement et les crédits de paiement de l'action 08, Fonds exceptionnel d'investissement, du programme 123.
Manque d'assainissement, défaillance, voire absence de réseaux d'adduction, ou encore eau contaminée : telle est l'ampleur des problèmes auxquels sont confrontés nos compatriotes ultramarins. Un tiers des Antillais, 40 % des Guyanais et 31 % des familles mahoraises n'ont pas de raccordement à l'eau potable. Cette situation est totalement inacceptable dans la septième puissance économique mondiale, et l'État reste très en retrait sur ces questions.
Le PLF ne prévoit une enveloppe exceptionnelle qu'au profit de la seule Guadeloupe. Nous devons garantir l'accès à l'eau potable qui, rappelons-le, est un droit reconnu. Par l'amendement II-CL172, je souhaite vous alerter sur la nécessité de lancer un véritable plan d'urgence pour rendre effectif le droit d'accès à l'eau dans les outre-mer et montrer à nos compatriotes ultramarins qu'ils sont respectés et considérés.
Avis favorable sur l'ensemble des amendements.
Il y a indiscutablement urgence à résoudre le problème de l'eau dans les territoires ultramarins. Cela étant, il est toujours commode de mettre des centaines de millions sur la table et de dire : on va faire. Je passe sur le fait que l'eau et l'assainissement sont des compétences de niveau infra-étatique, car l'urgence commande de passer outre ces considérations. Des actions sont menées dans le cadre du plan Eau DOM (Pedom), qui a mobilisé plus de 200 millions sous la forme, notamment, de subventions et de prêts. Parmi les autres actions menées à l'heure actuelle, on peut citer la refondation du SMGEAG et la réalisation d'investissements, à hauteur de 35 millions, à Mayotte. La commission d'enquête qui s'était tenue sur ce sujet avait préconisé une grande partie des mesures actuellement appliquées. On peut toujours dire qu'il faut aller plus vite et plus fort, mais il faut aussi tenir compte de la réalité : les crédits doivent être adaptés aux actions que l'on peut mener. J'ai moi-même déposé un amendement proposant un abondement plus modeste, qui a été déclaré irrecevable. Continuons le dialogue, que je crois possible, avec le Gouvernement. Compte tenu des sommes proposées, il ne nous paraît pas souhaitable d'adopter ces amendements.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CL347 de M. Mansour Kamardine, II-CL439 de M. Yoann Gillet et II-CL348 de M. Mansour Kamardine (discussion commune)
L'amendement II-CL347 vise à favoriser la bonne application des CCT. On nous fait de belles déclarations, dans lesquelles on annonce des financements pour l'outre-mer – je pense en particulier à Mayotte –, puis on constate, au bout de quelques années, que les programmes ne sont exécutés qu'à raison de 20 %. Voilà quatre-vingts ans que les quatre « vieilles » – Guadeloupe, Martinique, Guyane et La Réunion – se battent, vainement, pour une intégration égalitaire – je ne parle pas de Mayotte, tant l'écart est important. L'État ne manifeste pas réellement la volonté de permettre à l'outre-mer de rejoindre le niveau de vie de l'Hexagone. Cet amendement a pour objet de combler, même partiellement, cet écart. Il est donc essentiel, car il permettrait d'améliorer les conditions de vie des populations d'outre-mer, en particulier à Mayotte.
L'amendement II-CL348 est aussi très important car il vise à assurer l'égalité des chances. Toutes les collectivités d'outre-mer, à l'exclusion de Mayotte, disposent de moyens d'accès au haut débit numérique. En 2018, alors que nous nous battions pour en bénéficier, les ministres nous avaient dit qu'il n'y avait pas de problème financier et que nous obtiendrions satisfaction. Or ce n'est toujours pas le cas. Nous voulons permettre au Gouvernement de tenir ses engagements vis-à-vis de Mayotte.
Contre la position du rapporteur pour avis, la commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CL368 de M. Jean-Hugues Ratenon
Par cet amendement nous proposons de renforcer le budget des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR), qui s'élève à près de 50 000 euros dans les différents territoires. Ces crédits sont notoirement insuffisants, selon un constat unanime ; ils ne confèrent pas les moyens de contrôler les prix et de lutter contre la vie chère. Il est indécent d'imposer à ces structures de travailler avec un budget aussi modeste.
C'est l'une des recommandations du rapport de la commission d'enquête sur le coût de la vie outre-mer. L'un des enjeux, en la matière, est de parvenir à mobiliser les administrations et les citoyens dans la lutte contre les entorses à la concurrence. Je voterai en faveur de l'amendement.
La commission adopte l'amendement.
Amendement II-CL432 de M. Guillaume Vuilletet
Cet amendement vise à instituer un dispositif d'assistance spécifique pour l'application des Corom. Ces contrats ont pour objet de soutenir les collectivités locales qui entendent redresser leur situation budgétaire. Ils réclament une ingénierie particulière. Toute collectivité, qu'elle soit ultramarine ou hexagonale, a besoin, dans une telle situation, d'un accompagnement, que cet amendement propose de renforcer.
Suivant la préconisation du rapporteur pour avis, la commission adopte l'amendement.
Amendement II-CL233 de M. Davy Rimane
Cet amendement vise à accroître la participation de l'État dans les DSP relatives aux liaisons intérieures en cas d'absence de route. La sécheresse qui frappe la Guyane rend la navigation fluviale quasiment impossible. La DSP qui est en train d'être revue à la suite de la liquidation d'Air Guyane doit permettre à la collectivité de répondre à une demande en augmentation liée à l'accroissement de la population. Comme le préconise le rapport du Sénat de mars 2023, nous proposons de porter la participation de l'État à 50 % afin de financer les liaisons entre les communes enclavées et le littoral, ce qui implique de faire passer les crédits de 1,5 à 5 millions.
Contre la position du rapporteur pour avis, la commission rejette l'amendement.
Amendements II-CL407 de M. Jean-Philippe Nilor, II-CL437 de M. Yoann Gillet et II-CL354 de M. Mansour Kamardine (discussion commune)
Par cet amendement nous proposons de porter la dotation de continuité territoriale (DCT) dans les outre-mer au moins au niveau de celle qui est attribuée à la Corse. Ce qui est bon pour la Corse doit l'être aussi pour nous. L'État débourse annuellement 187 millions pour 340 000 Corses, ce dont on peut se féliciter, mais seulement 73 millions pour 2,8 millions d'Ultramarins. Il s'agit de mettre fin à ce qu'on pourrait qualifier de discrimination et d'établir l'égalité de traitement entre nos compatriotes, afin qu'ils bénéficient tous des mêmes conditions d'accessibilité et de mobilité. C'est une mesure à mes yeux fondamentale.
En un an, la hausse des prix du transport aérien a atteint 40 %. Elle concerne en premier lieu les destinations antillaises : on a ainsi relevé une augmentation de 57 % sur l'axe Antilles-Paris. Il est nécessaire d'accroître les crédits alloués au programme 123, Conditions de vie outre-mer, pour réduire le prix des billets d'avion.
Je partage ces observations. La concurrence dans le domaine du transport aérien n'est pas au rendez-vous. Pour rallier Mayotte au départ de Dzaoudzi, il faut compter au bas mot 1 800 euros, alors que 77 % de la population, je le rappelle, vivent en dessous du seuil de pauvreté. Il ne faut pas priver les habitants de l'espoir de venir visiter, un jour, la mère patrie. Cet amendement, qui vise à accroître les crédits alloués au programme 123, Conditions de vie outre-mer, revêt à mes yeux une grande importance.
On peut s'accorder sur le fait qu'il faut soutenir les compagnies aériennes – le Gouvernement a toujours été au rendez-vous en la matière –, même si l'abondement d'une ligne budgétaire n'aura sans doute pour seul effet que de contribuer à l'inflation. Autre est la question de savoir si l'on peut comparer la Corse et les territoires ultramarins à l'aune de la continuité territoriale. Personnellement, je ne le crois pas.
Le Ciom avait fixé des priorités et renforcé les crédits à hauteur de 23 millions. Par ailleurs, la réforme en cours de Ladom concerne tous les publics concernés. L'ensemble des collectivités et des partenaires ultramarins sont engagés sur un même chemin. En l'état actuel des choses, nous serons défavorables à ces amendements, ce qui n'empêche pas de continuer le dialogue avec l'exécutif.
Monsieur Vuilletet, vos positions me paraissent à géométrie variable. Vous vous êtes opposé au passage de 1,5 à 5 millions des crédits destinés à assurer la continuité territoriale en Guyane. Nous parlons à présent de la continuité territoriale pour des millions de Français. Ladom ne répond pas à cette préoccupation mais traite de la question de la mobilité, qui concernait à l'origine les étudiants avant de toucher un public plus large.
La politique en faveur de la continuité territoriale ne peut se résumer à l'action de cette agence. Je ne comprends pas la position de la majorité sur le sujet. Chaque fois que l'on propose d'augmenter les crédits pour répondre à une situation plus que dramatique dans nos territoires, vous mobilisez une litanie d'arguments pour vous y opposer. Il faut prendre en considération le fait que les réalités ultramarines diffèrent complètement de celles de l'Hexagone. L'année dernière, on n'a eu aucun mal à voter les crédits pour répondre aux difficultés de l'Ukraine. Il faut cesser de tenir deux discours dissemblables face à des situations dramatiques.
Monsieur Vuilletet, les compagnies aériennes n'ont pas attendu que nous fassions cette proposition pour augmenter le prix des billets. La question est de savoir si on assure un équilibre entre tous les territoires. On ne peut pas accorder annuellement 180 millions à 340 000 personnes et seulement 73 millions à 2,8 millions de personnes. La mobilité des Martiniquais compte autant que celle des Corses, à moins que vous n'acceptiez le principe d'une discrimination. Pour notre part, nous refusons ces injustices et les combattrons jusqu'au bout.
Je veux dire à nos collègues de la majorité qu'ils doivent éviter de réitérer l'erreur commise l'année dernière. Vous étiez alors fortement mobilisés contre les propositions faites en faveur de l'outre-mer. Cette année, on va aboutir à un budget auquel s'opposeront tous les élus ultramarins. Quel message êtes-vous en train d'envoyer à l'outre-mer ?
Notez tout de même que nous venons d'adopter trois amendements, dont deux émanent des oppositions.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant la préconisation du rapporteur pour avis, elle adopte l'amendement II-CL351 de M. Mansour Kamardine.
Amendements II-CL176 et II-CL410 de M. Yoann Gillet, II-CL390 de M. Jean-Hugues Ratenon, II-CL173 et II-CL449 de M. Yoann Gillet, II-CL411 de Mme Sandrine Rousseau et II-CL419 de Mme Florence Goulet (discussion commune)
Une fois de plus, le Gouvernement n'a pas tenu ses promesses. Les chiffres le démontrent : les ménages les plus modestes sont en première ligne face au problème du coût de la vie. Les prix payés dans les départements d'outre-mer sont 30 % à 42 % plus élevés qu'en France hexagonale. Cette situation est essentiellement due à la part de l'alimentation dans le budget des ménages, celle-ci étant particulièrement touchée par la hausse des prix. L'argument selon lequel l'inflation serait moins forte que dans l'Hexagone est irrecevable, parce qu'il faut prendre en compte la réalité sociale et parce que le coût de la vie était déjà extrêmement élevé auparavant. À La Réunion, par exemple, 37 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et 150 000 personnes ont eu recours aux colis alimentaires en 2021, ce qui est considérable. Venir en aide à nos compatriotes ultramarins est plus qu'une obligation, c'est un véritable devoir. La création d'un fonds exceptionnel de 65 millions d'euros permettrait de renforcer les aides alimentaires et ainsi de répondre en partie au coût trop élevé de la vie dans ces territoires.
Nous souhaitons étendre la prime de vie chère aux bénéficiaires des minima sociaux et aux personnes rémunérées au Smic. L'État reconnaît que le coût de la vie est plus élevé – de 40 % en moyenne – en outre-mer que dans l'Hexagone, en accordant une surrémunération à ses fonctionnaires. Les bénéficiaires des minima sociaux, quant à eux, ne perçoivent pas de surallocation, alors que la vie est chère pour tout le monde. Le principe d'égalité, que j'évoquais tout à l'heure en comparant nos territoires avec la Corse, vaut aussi à l'intérieur de chaque territoire. La République doit mettre en phase ses discours et ses actes. La surrémunération perçue par les fonctionnaires est fondée : elle s'explique par le coût très élevé de la vie dans nos territoires. Mais l'ensemble de la population a les mêmes besoins, et doit bénéficier des mêmes avantages. Je vous appelle à voter l'amendement II-CL390, chers collègues, au-delà de toute considération partisane.
Les territoires ultramarins comptent deux à cinq fois plus de personnes en situation de pauvreté que la métropole, comme le montre le rapport de la commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution. Alors que le PIB par habitant s'élève à plus de 38 000 euros en métropole, il n'est que de 1 706 euros à Mayotte, de 23 059 euros en Guadeloupe, de 22 148 euros à La Réunion et de 15 000 euros en Guyane : l'écart entre la France hexagonale et les outre-mer est considérable. Mes amendements ont donc pour objectif d'augmenter les crédits alloués au programme 123, Conditions de vie outre-mer.
Nos collègues de la commission des finances ont adopté un amendement au contenu identique à celui-ci, qui vise à instaurer un chèque alimentaire d'urgence pour Mayotte. Ce territoire est en effet le plus pauvre de France : 84 % de la population y vit sous le seuil de pauvreté et le chômage y dépasse 35 %. Faute d'anticipation suffisante de l'État et des pouvoirs publics, les Mahorais subissent de plein fouet les conséquences économiques de la crise de l'eau : en plus des coupures, les packs d'eau y sont vendus entre 6 et 10 euros, contre 2 à 3 euros en métropole. La spéculation fait même parfois monter le prix du pack à plus de 15 euros.
Ce surcoût aggrave une situation économique déjà tendue pour les familles. À Mayotte, les prix des aliments sont ainsi 30 % plus élevés qu'en France hexagonale. Le groupe Écologiste plaide pour des mesures structurelles de soutien au pouvoir de vivre des Mahorais et des Mahoraises, mais la situation devenue insoutenable pour la population locale impose de prendre des mesures d'urgence. Nous proposons donc la création d'un chèque alimentaire pour alléger la précarité à laquelle est confrontée une part importante des familles mahoraises ; c'est une question de survie pour bien des Mahorais.
Mayotte est le département le plus pauvre de France : 77 % de la population mahoraise vit sous le seuil de pauvreté, contre 14 % de la population totale en France. Alors que le niveau de vie médian s'élève à 1 700 euros en France hexagonale, il n'est que de 260 euros à Mayotte, où 10 % au moins de la population vit avec moins de 1 euro par jour. Alors que l'île fait face à une inflation qui n'est plus supportable, je propose donc d'augmenter la valeur nominale du chèque alimentaire versé à Mayotte et d'abonder pour cela les crédits du programme Conditions de vie outre-mer de 4 millions d'euros.
J'émets un avis favorable aux amendements II-CL411 et II-CL419, et défavorable à l'amendement II-CL390.
Je remercie l'ensemble de celles et ceux qui se mobilisent à nos côtés pour soutenir Mayotte, quelle que soit leur appartenance politique. Je constate une prise de conscience progressive de la détresse de notre territoire, dont aucun collègue de l'Hexagone ne supporterait la situation.
Je voudrais revenir sur l'amendement défendu par mon collègue Nilor. En janvier dernier, plusieurs d'entre nous, députés ultramarins, nous sommes réunis en Guyane où nous avons travaillé sur plusieurs résolutions. L'une d'entre elles concernait la revalorisation de l'ensemble des minima sociaux dans nos territoires par l'introduction d'une prime de vie chère, destinée également aux salariés percevant le Smic. Les bénéficiaires de ces minima ne bénéficient pas de réductions lorsqu'elles achètent leurs denrées alimentaires, si bien que nos territoires fonctionnent désormais à deux, voire trois vitesses. Il est très important que le Parlement prenne conscience qu'il est urgent de rétablir l'équité sociale entre les rémunérations.
Il faut toujours donner aux documents la valeur qu'ils ont. Je ne crois pas me souvenir que la commission d'enquête que j'ai eu l'honneur de présider, et dont le rapporteur était Johnny Hajjar, ait axé ses conclusions sur les chèques alimentaires. Nous avons au contraire proposé des réponses structurelles au problème de la vie chère – ce que ne sont pas les réponses, certes nécessaires, aux situations d'urgence. Le groupe Renaissance votera contre l'ensemble de ces amendements à l'exception de l'amendement II-CL411, sur lequel il s'abstiendra.
Successivement, la commission rejette les amendements II-CL176, II-CL410, II-CL390, II-CL173 et II-CL449, adopte l'amendement II-CL411 et rejette l'amendement II-CL419.
Amendement II-CL450 de Mme Sandrine Rousseau.
Cet amendement vise à faire en sorte que l'État assume davantage ses responsabilités s'agissant du chlordécone en renforçant les moyens alloués au plan en cours.
Plus de 90 % de la population adulte de Guadeloupe et de Martinique seraient contaminés par ce pesticide, utilisé pour la culture de la banane. Les populations antillaises présentent un taux d'incidence du cancer de la prostate parmi les plus élevés au monde. Très persistante dans l'environnement, la molécule de chlordécone peut y perdurer pendant 700 ans et continuera donc d'empoisonner les populations antillaises pendant de nombreuses années.
Le groupe Écologiste souhaite renforcer les moyens alloués aux outils de dépollution, dans le but de réduire les zones d'exposition mais aussi de soutenir le développement d'autres axes de recherche et de prévention – concernant par exemple les impacts du chlordécone sur la biodiversité, ou l'effet combiné du chlordécone lorsqu'il est utilisé avec d'autres produits phytosanitaires. Nous souhaitons enfin que soit lancé le chantier de la mise en place de politiques de réparation à destination des personnes ayant subi des dommages sanitaires liés à la contamination au chlordécone.
Contre la préconisation du rapporteur pour avis, la commission rejette l'amendement.
Amendement II-CL412 de Mme Sandrine Rousseau.
Nos collègues de la commission des finances ont adopté un amendement au contenu identique à celui-ci, qui propose d'abonder de 2 millions d'euros supplémentaires le plan Écophyto II+ des départements d'outre-mer, lequel a pour but de réduire de 50 % l'utilisation des pesticides.
L'histoire de plusieurs territoires ultramarins est marquée par la pollution, laquelle a encore des conséquences au quotidien sur la santé des habitants. Le glyphosate et autres dérivés restent encore très utilisés, au risque d'effets cocktail catastrophiques pour les populations locales. Dans ce contexte, une démarche de réduction drastique des applications de pesticides devrait être lancée prioritairement.
Le présent amendement a pour but d'accompagner les agriculteurs locaux, afin de leur permettre de réduire dans de bonnes conditions leur usage des produits phytosanitaires. C'est un enjeu de santé publique et de protection de l'environnement, mais aussi un enjeu économique.
Je me permets de vous rappeler, madame Rousseau, que nous sommes ici en commission des lois et non en commission des finances…
La commission rejette l'amendement.
Amendements II-CL177 de M. Yoann Gillet, II-CL343 de Mme Florence Goulet et II-CL420 de M. Yoann Gillet (discussion commune)
L'amendement II-CL177 vise à renforcer les crédits alloués à l'opération Harpie. La grande majorité des exploitations d'or en Guyane sont illégales : on estime que l'orpaillage illégal, pratiqué par plusieurs milliers de personnes, représente une production de dix à douze tonnes par an, tandis que la production annuelle autorisée oscille entre une et deux tonnes.
Véritable fléau sécuritaire mais aussi économique, sanitaire et environnemental, l'orpaillage illégal concourt au développement des trafics et à la délinquance, de par les affrontements entre groupes rivaux, lesquels recrutent parmi la population brésilienne, pour laquelle l'orpaillage est un véritable mode de vie.
Les gendarmes et légionnaires de l'opération Harpie ne sont pas épargnés par ces affrontements. Pour m'être rendu en Guyane et les avoir rencontrés, je puis témoigner de leur inquiétude face à la montée de la violence ; je veux d'ailleurs rendre hommage à ces hommes et femmes engagés. Quant à l'amendement II-CL420, il est de repli.
Contre la préconisation du rapporteur pour avis, la commission rejette successivement les amendements.
La séance est levée à 20 heures 15.
Membres présents ou excusés
Réunion du lundi 30 octobre 2023 à 17 h 30
Présents. - M. Erwan Balanant, M. Romain Baubry, Mme Pascale Bordes, Mme Clara Chassaniol, M. Yoann Gillet, M. Guillaume Gouffier Valente, M. Jordan Guitton, M. Frantz Gumbs, M. Pierre Henriet, M. Sacha Houlié, M. Timothée Houssin, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Mansour Kamardine, M. Gilles Le Gendre, Mme Annaïg Le Meur, Mme Marie-France Lorho, M. Emmanuel Mandon, Mme Laure Miller, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Stéphane Rambaud, M. Davy Rimane, Mme Béatrice Roullaud, M. Philippe Schreck, Mme Liliana Tanguy, M. Jean Terlier, M. Guillaume Vuilletet
Excusés. - M. Ian Boucard, M. Éric Ciotti, Mme Mathilde Desjonquères, Mme Marie Guévenoux, Mme Emeline K/Bidi, M. Andy Kerbrat, M. Didier Lemaire, Mme Naïma Moutchou, M. Philippe Pradal, M. Rémy Rebeyrotte, M. Roger Vicot
Assistaient également à la réunion. - Mme Florence Goulet, M. Stéphane Lenormand, M. Gérard Leseul, M. Jean-Philippe Nilor