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Intervention de Philippe Vigier

Réunion du lundi 30 octobre 2023 à 17h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Philippe Vigier, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer :

Je suis très heureux de vous retrouver, mesdames et messieurs les députés, et de venir m'exprimer devant la commission des lois. Avant d'aborder le budget pour 2024, je voudrais commencer par retracer ce qui a été fait depuis 2017. C'est en effet le temps long qui permet d'apprécier les efforts budgétaires réalisés. L'effort budgétaire global de l'État en faveur de l'outre-mer mérite d'être souligné : il a progressé de près de 6 milliards d'euros depuis 2017 en autorisations d'engagement (AE), et de 7,4 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Tous ministères confondus, l'État a mobilisé 120 milliards d'euros pour l'outre-mer depuis 2017.

Dans le domaine de la santé, je rappellerai la construction et la rénovation d'hôpitaux aux Antilles, en Guyane, à Mayotte et à La Réunion, et un plan de 92 millions d'euros pour la lutte contre la pollution au chlordécone aux Antilles. S'agissant des infrastructures, 740 millions d'euros ont été alloués aux collectivités pour améliorer l'accès à l'eau, pour la livraison du premier tronçon de la nouvelle route du littoral à La Réunion ou encore pour le déploiement du plan séisme aux Antilles, visant à conforter les bâtiments publics. Les jeunes n'ont pas été oubliés, avec le financement à hauteur de 120 millions d'euros par an – 600 millions d'euros au total – de la construction de lycées, de collèges et d'écoles. Pas moins de 130 000 jeunes ultramarins bénéficient d'un contrat d'apprentissage, d'une garantie jeunes ou d'un contrat d'engagement jeune.

Dans le domaine de l'emploi, il convient de noter le renforcement significatif en 2019 des exonérations de cotisations patronales, au titre du dispositif issu de la loi pour le développement économique des outre-mer, la Lodeom. Même si le taux de chômage reste deux à trois fois plus élevé que celui que l'on observe dans l'Hexagone, ce dispositif a permis de réduire de 40 000 le nombre de chômeurs. Enfin, le service militaire adapté (SMA) n'a pas perdu de sa vitalité, bien au contraire, avec de nouvelles implantations à Hao et à Mayotte. S'agissant de la formation, sept pactes ultramarins ont permis de mobiliser 562 millions d'euros. L'État a également agi pour la protection sociale, avec la construction ou la réhabilitation de 55 000 logements sociaux. Même si le besoin reste très important, il n'est pas inutile de rappeler cet effort déjà réalisé. Pour la sécurité, il convient de noter le renforcement à hauteur de 1 267 personnes des effectifs des forces de sécurité intérieure. Quant au déploiement des services publics, il n'a pas été oublié, avec l'ouverture de 110 maisons France Services.

S'agissant enfin de l'accompagnement des collectivités ; au sujet duquel je suis souvent interpellé lors de mes déplacements, je voudrais souligner la revalorisation de 150 millions d'euros de la dotation d'aménagement des communes et circonscriptions territoriales d'outre-mer (Dacom) et le succès des contrats de redressement en outre-mer (Corom), lancés en 2021 : neuf ont été signés dès 2021, suivis de douze en 2022. Quant au fonds exceptionnel d'investissement (FEI), il a été porté à 110 millions d'euros par an.

Venons-en au budget pour 2024. Je voudrais d'emblée souligner qu'il est en augmentation de 4,4 % en autorisations d'engagement si l'on tient compte – avec honnêteté – d'une inflation attendue de 2,6 %. Si l'on n'en tient pas compte, l'augmentation ressort à 7 %. Il est vrai que cette augmentation se limitera à 2 % en crédits de paiement, mais je rappelle que ce n'est pas le Gouvernement qui est à la manœuvre en la matière.

Le budget traduit d'abord un effort significatif de 70 millions d'euros en faveur du logement, qui souffre d'un retard considérable – dont 50 millions d'euros au titre de la ligne budgétaire unique (LBU), laquelle atteindra pratiquement 300 millions d'euros en 2024. Répondant à une demande formulée en ce sens, le Gouvernement a également décidé d'augmenter de 20 millions le crédit d'impôt dédié à la rénovation des logements sociaux, et de l'étendre en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Un effort est également réalisé pour les logements privés, avec un relèvement des aides de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) de 30 % à 50 % du montant des travaux de rénovation.

S'agissant de l'accès à l'eau, nous continuerons de traiter en urgence le problème de Mayotte. Si 35 millions d'euros y ont été consacrés en 2023, c'est un plan de 411 millions au total qui est prévu pour les quatre prochaines années. Bien que l'eau soit une compétence des collectivités, l'État est au rendez-vous, et nous veillerons ensemble à la réalisation des projets prévus sur le papier. J'ajoute que nous avons signé la semaine dernière, avec le Syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe (SMGEAG) un contrat de 320 millions d'euros. La région se mobilise fortement pour la première fois, y consacrant 80 millions d'euros issus du Fonds européen de développement régional (Feder). À ses côtés, le conseil départemental alloue 20 millions d'euros et l'État abonde dans un premier temps à hauteur de 100 millions. Je sais, comme l'a souligné le président de la délégation aux outre-mer, que le problème de l'eau est de plus en plus prégnant également en Guyane ; nous aurons à y faire face ensemble.

Nous augmentons par ailleurs de 1,4 million d'euros les crédits dédiés à la lutte contre les sargasses, qui touchent particulièrement les Antilles. Je rappelle à cet égard que le FEI, d'une utilisation souple, pourra être mobilisé, le cas échéant, à la demande des élus.

Le volet outre-mer du pacte des solidarités, doté de 50 millions par an à horizon 2027, se décline selon trois axes : 10 millions financeront les petits-déjeuners à l'école, 20 millions d'euros feront l'objet d'une contractualisation avec les collectivités pour la gratuité des manuels scolaires, et les 20 millions restants financeront des mesures spécifiques liées au prix des repas de cantine, à la médiation en santé, à la lutte contre les bidonvilles ou encore à celle contre l'illettrisme.

Un effort singulier sera fait, en 2024, en faveur de la mobilité des Ultramarins : les crédits alloués à la continuité territoriale progresseront de 23 millions d'euros, passant de 70 à 93 millions. Deux nouveautés sont à noter à cet égard : le relèvement de 50 % du quotient familial, qui passe de 12 000 à 18 000 euros, et l'élargissement du dispositif aux chômeurs, aux talents de la culture et du sport, ainsi qu'aux personnes se trouvant dans une situation d'urgence en matière sociale. Quant à l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom), son cadre d'emploi augmentera singulièrement pour atteindre 140 personnes. La question de l'augmentation tarifaire des billets d'avion est régulièrement évoquée et, même si la réponse convoque aussi le sujet de la concurrence, l'État souhaite être à la hauteur des enjeux.

Le dispositif Cadres d'avenir, qui accompagne la formation et le retour sur leur territoire de cadres ultramarins, est en cours de déploiement en Guadeloupe et à Saint-Martin, et sera étendu à la Martinique en 2024. Sachez que je suis favorable à son déploiement en Guyane et à Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que le souhaitent certains parlementaires, et que nous trouverons un aboutissement ensemble.

J'en viens à la création d'emploi et au développement économique. Le dispositif d'exonération de cotisations sociales, dit Lodeom, restera inchangé en 2024. Une évaluation a été lancée mais, si des modifications doivent intervenir, elles feront l'objet de discussions dans le cadre du comité interministériel des outre-mer (Ciom), dont la prochaine réunion rassemblera l'ensemble des parlementaires, des présidents de collectivité et des représentants d'association de maires des territoires concernés les 23 et 24 novembre prochains.

Les crédits du SMA augmenteront en 2024 de 12 millions d'euros. C'est un dispositif désormais connu, qui parvient à insérer dans l'emploi 80 % des jeunes formés. Nous menons actuellement des études sur son déploiement dans d'autres territoires, par exemple à Saint-Martin, qui en fait la demande récurrente.

Les dépenses fiscales relatives à l'investissement productif ont été prolongées jusqu'en 2029, et les modifications apportées à trois niches avaient fait l'objet d'échanges au préalable. Je rappelle, à cet égard, que rien ne changera pour les chauffe-eau solaires à usage professionnel ; quant à ceux qui sont à usage particulier, ils peuvent bénéficier d'autres dispositifs, comme MaPrimeRénov'. De la même façon, la défiscalisation restera possible pour les véhicules de tourisme à usage professionnel, lorsqu'ils sont indispensables à l'activité. S'agissant enfin des loueurs de voitures, j'ai été sensible aux objections qui m'ont été faites et nous travaillons, avec la profession, à une différenciation en fonction des catégories de véhicules ; nous conserverons quoi qu'il en soit une réserve de précaution.

Le seul dispositif remis en cause, s'agissant du tourisme, est celui qui bénéficie aux propriétaires de meublés de tourisme dont l'usage ne correspond plus à celui qui était initialement prévu. Dans un contexte de crise du logement, de tels détournements ne peuvent qu'accentuer les tensions sur le foncier. À la demande de certains d'entre vous, nous sommes prêts néanmoins à regarder avec une attention particulière le cas des meublés proposant un certain nombre de couchages, qui sont source d'activité économique et d'emploi.

Il convient par ailleurs de souligner que les zones franches d'activité nouvelle génération (Zfang) seront élargies et renforcées. Quant aux contrats de convergence et de transformation (CCT), qui sont l'équivalent en outre-mer des contrats de plan État-région, ils se verront allouer 400 millions d'euros supplémentaires. Même s'il demeure des retards à combler, je vous invite à mesurer l'importance de cet effort par rapport à celui dont bénéficient les territoires hexagonaux. L'Office français de la biodiversité (OFB) bénéficiera de 120 millions d'euros supplémentaires pour se mobiliser sur l'eau et l'assainissement. L'effort portera aussi sur les transports, notamment à Mayotte et en Guyane, ainsi que sur l'éducation.

Les Corom, qui couvrent la moitié des quarante-deux communes éligibles, s'inscrivent dans une démarche gagnant-gagnant : celui que j'ai signé la semaine dernière en Guadeloupe apportera ainsi 2,1 millions d'euros à la collectivité concernée, en échange d'une évolution de sa gestion vers le respect des critères fixés. Nous poursuivrons cet effort, et un nouvel appel à candidatures sera lancé pour la période 2024-2026.

Pour soutenir l'investissement des collectivités, le montant actuel du FEI sera préservé et probablement augmenté, une fois le présent budget finalisé. Un effort de 120 millions d'euros sera consenti, au-delà des CCT, pour les constructions scolaires en Guyane, à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie. Quant à la reconversion de l'économie polynésienne, elle est financée à hauteur de 60 millions d'euros par an.

Quelques mots sur l'ingénierie : je vous propose, si le président de la commission en est d'accord, d'organiser une séance de travail au cours de laquelle nous pourrons envisager ensemble la façon d'améliorer le niveau d'expertise dans ce domaine, à la main des territoires. Les opérations prennent en effet trop souvent du retard, ce que je déplore. Il s'ensuit en effet des surcoûts, voire une non-réalisation des opérations. Le centre hospitalier de Guadeloupe, dont les travaux s'achèveront bientôt, aura ainsi coûté 650 millions au lieu des 380 millions prévus – nul doute qu'il sera superbe !

Je n'oublie pas, enfin, les moyens supplémentaires alloués à la sécurité. Je tiens à votre disposition un tableau montrant l'évolution des effectifs des différentes forces de sécurité par territoire au cours des cinq dernières années, ainsi que des informations sur les questions relatives à la justice et aux programmes pénitentiaires. Je le répète : ce n'est pas sur une année mais dans la durée que l'effort doit être mesuré.

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