En mai 2022, l'appel de Fort-de-France réclamait un changement profond de la politique menée outre-mer de l'État. Ses signataires déploraient une situation de mal-développement structurel dans l'ensemble des territoires ultramarins. Et s'ils appelaient évidemment par ce cri d'urgence et d'exigence à une évolution institutionnelle pour sortir du paradigme de la carence structurelle et de la dépendance vis-à-vis de l'Hexagone, ils demandaient aussi la mise à disposition de moyens suffisants pour permettre à ces territoires de relever les défis sociaux, écologiques, économiques et culturels auxquels ils font face.
Avec une augmentation des crédits de seulement 5 % – donc bien inférieure à l'inflation –, nous pouvons dire que malgré ses annonces le Gouvernement rate encore une fois le coche. Le projet de budget comporte certes quelques adaptations et améliorations, mais il ne procède à aucune rupture par rapport à la situation actuellement vécue dans les territoires d'outre-mer. Or c'est justement d'un budget de rupture, d'un « quoi qu'il en coûte » ultramarin, que nous aurions besoin.
Aux problématiques structurelles sur lesquelles nos collègues d'outre-mer ne cessent de nous interpeller – pauvreté, chômage, insuffisances des services publics, cherté des produits importés – se sont ajoutées d'autres crises avec l'inflation, la crise de l'eau à Mayotte et en Guadeloupe, la contamination au chlordécone dans les Antilles, la prolifération des sargasses.
Où sont donc les moyens pour répondre à la hauteur de ces enjeux ? Où sont les investissements massifs dans les infrastructures et dans l'économie locale pour rendre ces territoires autonomes en matière d'énergie et d'alimentation ? Où est la transformation de la gouvernance de ces territoires qui permettrait d'associer bien davantage les populations locales aux décisions qui concernent leur destinée ? Où se trouve le volet d'adaptation au réchauffement climatique, pourtant très prégnant dans ces territoires ? Mayotte connaît une sécheresse historique.
Ces territoires possèdent une biodiversité d'une richesse incroyable, puisqu'ils représentent 80 % de la biodiversité française, et ils offrent à notre pays la deuxième zone économique exclusive au monde. Qu'est-il fait pour contrecarrer la diminution de cette biodiversité ? Où sont les budgets pour indemniser les populations contaminées par le chlordécone ? Où est le plan Marshall demandé par les collectivités ultramarines pour faire face à la pollution des déchets ? Où sont les investissements massifs pour garantir à tous l'accès à l'eau potable ?
Ce budget s'ancre malheureusement dans le monde d'avant, alors que les alertes se multiplient et que nous devons passer à autre chose car les crises écologiques et sociales se nourrissent entre elles. On le constate aujourd'hui en ce qui concerne l'eau. On le verra dans de nombreux autres domaines dans les années qui viennent.
Le groupe Écologiste présentera plusieurs amendements pour améliorer ce budget, mais il appelle le Gouvernement à une véritable bifurcation de ses politiques dans les territoires ultramarins.