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Intervention de Yoann Gillet

Réunion du lundi 30 octobre 2023 à 17h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYoann Gillet, rapporteur pour avis :

Le Gouvernement se félicite d'une augmentation des crédits pour l'outre-mer pourtant bien timide : la hausse de 4,5 % par rapport à l'an dernier, qui portera les crédits à 2,7 milliards d'euros, apparaît en fait inférieure à 2 % si l'on tient compte des prévisions d'inflation pour 2024. Alors qu'il aurait nécessité une rupture, ce budget s'inscrit dans la continuité des précédents. À ce titre largement insuffisant, il n'est pas à la hauteur des enjeux ; car, si les Français d'outre-mer sont confrontés aux mêmes problèmes que les Français de l'Hexagone ainsi qu'à bien d'autres plus spécifiques, l'éloignement les rend plus prégnants, et ils sont moins bien traités par les pouvoirs publics.

Il y a d'abord – c'est le thème de mon rapport – une immigration hors de contrôle, qui déstabilise les sociétés et aggrave la délinquance et la criminalité, notamment en Guyane et à Mayotte. En lien avec ce premier problème, on constate une insécurité galopante, faute d'une volonté politique et de moyens, notamment en matière pénale. Le pouvoir d'achat, insuffisant, est inférieur à celui de la métropole, ce qui constitue une injustice aggravée par la vie chère. Le chômage de masse est la conséquence d'une absence de politique économique adaptée aux spécificités ultramarines. Les infrastructures, enfin, sont insuffisantes : des routes et des transports lacunaires, des logements insalubres, des écoles et des hôpitaux sous pression, sans parler d'un accès défaillant à l'eau potable.

Au regard de ces enjeux brûlants, le budget des outre-mer dans le projet de loi de finances pour 2024 illustre le cruel manque d'ambition et de vision du Gouvernement pour ces territoires. Pire, il reflète un certain mépris. La hausse timide des crédits – qui concerne pour l'essentiel les dispositifs d'exonération de charges sociales – est très insuffisante. Les crédits d'actions importantes – Financement de l'économie, Aménagement du territoire ou encore Aide à l'insertion et à la qualification professionnelle – n'augmentent pas. Compte tenu de l'inflation, ils accusent même une baisse significative.

Soucieux de dépasser le strict périmètre de la mission Outre-mer, j'ai choisi cette année de consacrer la deuxième partie de mon rapport à l'immigration massive dans les outre-mer. Ce sujet reste malheureusement au cœur de l'actualité, avec celui de l'insécurité auquel il est, bien sûr, lié. Vols avec violence, agressions, scènes de guérilla urbaine sont trop souvent le lot de nos compatriotes ultramarins, et les statistiques tenues par les administrations judiciaire et pénitentiaire soulignent sans équivoque la surreprésentation des étrangers dans la délinquance et la criminalité outre-mer. Au-delà des coups de projecteur médiatiques, les chiffres sont parlants. Alors qu'il y a en moyenne 4,5 faits de coups et blessures volontaires enregistrés pour 1 000 personnes en France hexagonale, il y en a 7,4 en outre-mer, 8,4 en Guadeloupe et 9,8 en Guyane. Les conséquences sont directes et quotidiennes pour plus de 2 millions de nos compatriotes. Comment vivre normalement lorsque l'on craint d'être agressé ou victime d'un vol violent ? Comment aller travailler si les routes sont bloquées ? Comment assurer une éducation à ses enfants si sa propre voiture, le car scolaire ou l'école ont été incendiés ? Sans compter les conséquences de l'insécurité pour le tourisme et l'attractivité économique de ces territoires.

L'incapacité du Gouvernement à contrôler nos frontières outre-mer est l'un des principaux facteurs d'insécurité. Elle tient au fait que les effectifs de la police aux frontières sont insuffisants et que, de l'aveu même des forces de l'ordre, les matériels – drones, radars, bateaux intercepteurs – ne sont pas à la hauteur, notamment en Guyane. Dans un environnement géographique souvent instable et économiquement défavorisé, la porosité des frontières expose les territoires à une immigration clandestine qui apporte tous types de trafics – armes, stupéfiants et même migrants. S'ensuivent des règlements de comptes, des infractions violentes, des coups de sang sous l'emprise de stupéfiants ou d'alcool.

Ces territoires connaissent de façon générale une situation socioéconomique plus dégradée que le reste de la France, avec des nuances locales. Le chômage, les difficultés familiales et la pauvreté entretiennent certes l'insécurité, mais le point de départ est souvent la présence de personnes en situation irrégulière, habituées à une violence banalisée et aux infractions ou trafics lucratifs. La situation sécuritaire à Mayotte, submergée par une immigration incontrôlable en provenance des Comores, l'illustre suffisamment.

Les timides hausses d'effectifs des forces de l'ordre ne sont pas suffisantes. Sans un choc de moyens, la situation deviendra hors de contrôle. Coopération diplomatique, réponse judiciaire, développement socioéconomique, moyens de surveillance et de contrôle aux frontières, présence de forces de l'ordre : tous ces axes doivent être renforcés. Les dix propositions que je formule dans mon rapport sont consultables par toutes les bonnes volontés. Rien ne sera possible sans une volonté politique forte.

Bien sûr, comme le démontre mon rapport, les conséquences de l'immigration ne se limitent pas à l'insécurité. Le bâti scolaire, mis sous pression, ne peut pas suivre la cadence : vingt nouvelles classes sont ainsi construites chaque année à Saint-Laurent-du-Maroni. L'hôpital est également concerné : il doit assurer des soins urgents qui ne seront jamais payés, et les maternités sont elles aussi sous pression. L'économie est paralysée par une économie clandestine d'ampleur, qui plombe les recettes fiscales comme le développement des territoires. Enfin, le logement est aussi touché, et l'on constate l'essor de bidonvilles en Guyane et à Mayotte notamment. En un mot, les conséquences sociales de l'immigration bouleversent à la fois les services publics et les sociétés d'outre-mer.

Lors des auditions que j'ai menées, les élus et les représentants des syndicats de police ont dit leur lassitude d'être souvent entendus par des parlementaires sans que rien ne change jamais. Ils estiment qu'à ce rythme, la situation sera incontrôlable dans dix ans, notamment en Guyane et à Mayotte.

Collègues, allez-vous vous contenter de refiler le bébé aux élus suivants en détournant le regard pendant quatre années encore ? Monsieur le ministre délégué, allez-vous laisser la situation pourrir, comme vos prédécesseurs ? Davantage que lassés, les élus, les professeurs, les médecins, les forces de l'ordre et les habitants de ces territoires sont en colère – et ils ont raison. Ils doivent non seulement être écoutés mais aussi entendus, afin de jouir enfin du cadre de vie auquel ils ont droit.

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