Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mardi 30 mai 2023 à 17h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, procède à l'audition de M. Franck Riester, ministre chargé des relations avec le Parlement.

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Bienvenue. L'ordre du jour de notre réunion appelle l'examen, encommission d'évaluation des politiques publiques (CEPP), desmissions Conseil et contrôle de l'État, Pouvoirs publics et Direction de l'action du Gouvernement, ainsi que du budget annexe Publications officielles et information administrative. Je cède la parole à M. le ministre Franck Riester sur l'exécution budgétaire de ces missions.

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Franck Riester, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis ravi de pouvoir échanger avec vous sur cette exécution budgétaire 2022. Les trois missions budgétaires et le budget annexe dont l'ordre du jour des travaux de votre commission appelle l'examen fixent les dotations d'institutions et d'organismes d'une très grande diversité, qui ont pour point commun de contribuer de manière déterminante au respect des principes fondamentaux de notre démocratie et au bon fonctionnement de l'État.

Permettez-moi d'évoquer en premier lieu la mission Pouvoirs publics dont l'enveloppe globale était fixée à 1,047 milliard d'euros pour l'année 2022. Cette mission présente une certaine singularité, car elle regroupe le budget de plusieurs institutions de nature constitutionnelle, qui bénéficient chacune d'une autonomie financière sur le fondement de la séparation des pouvoirs. Comme le veut l'usage, je m'abstiendrai de toute observation sur l'exécution des budgets respectifs de l'Assemblée nationale et du Sénat, qui relèvent de la responsabilité des assemblées.

S'agissant du Conseil constitutionnel, l'exécution en 2022 s'élève à 17,1 millions d'euros. L'année a été marquée par un fort surcroît d'activité lié au contrôle et au contentieux des élections présidentielles et législatives. Une dotation spécifique de 2,5 millions d'euros avait été accordée au Conseil constitutionnel pour assurer cette mission, avec une consommation effective qui s'élève à 2,25 millions d'euros. Par ailleurs, l'activité du Conseil constitutionnel liée au contrôle de constitutionnalité est restée importante, avec 67 décisions rendues à la suite de question prioritaire de constitutionnalité (QPC), 13 décisions rendues dans le cadre du contrôle a priori des lois et une décision relative à une proposition de référendum d'initiative partagée (RIP).

Enfin, le Conseil constitutionnel a achevé au cours de l'année 2022 le développement du portail « QPC 360° » pour diffuser auprès du grand public et des professionnels du droit l'ensemble des décisions rendues dans le cadre de la procédure de QPC. La Cour de justice de la République a quant à elle poursuivi en 2022 son activité d'instruction et de jugement des requêtes visant d'anciens ou actuels membres du Gouvernement, avec un budget de 980 000 euros exécuté à hauteur de 912 000 euros. Enfin, la Présidence de la République a connu une reprise soutenue de l'activité internationale du Président de la République en sortie de crise sanitaire, dans un contexte marqué par l'invasion de l'Ukraine dès le mois de février 2022.

Les dépenses d'investissement ont par ailleurs été importantes afin de mener à bien des opérations indispensables à la modernisation des emprises et à la sécurisation de la Présidence de la République, ainsi que pour la préparation du projet de géothermie lancé en 2023. L'exécution en 2022 est de 113 millions d'euros.

J'en viens maintenant à la mission Conseil et contrôle de l'État, qui comprend trois programmes consacrés respectivement aux juridictions administratives, aux juridictions financières et au Conseil économique social et environnemental (Cese). S'agissant du Conseil d'État et des autres juridictions administratives, l'exécution en 2022 s'élève à 553 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 476 millions d'euros en crédits de paiement (CP).

Je rappelle que les moyens des juridictions administratives avaient été renforcés en 2022 afin de faire face à la hausse des contentieux. Ces efforts ont permis d'atteindre des délais moyens de jugement très proches des cibles prévues par le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2022. Outre les missions juridictionnelles, l'activité consultative du Conseil d'État sur les projets de loi, d'ordonnance et de décret d'application a été importante, l'ensemble des avis ayant été rendu dans les délais, malgré le nombre élevé de textes à examiner.

Concernant spécifiquement la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), les créations d'emplois se sont poursuivies en 2022 afin de contenir le nombre d'affaires en stock et d'améliorer les délais de jugement. La CNDA a fait l'objet d'une attention toute particulière au sein des juridictions administratives et a bénéficié de plus de 60 % des créations d'emplois au sein du programme depuis le début de la précédente législature. Le renforcement des juridictions administratives se poursuit en 2023, avec la création de 41 emplois supplémentaires, dont 25 magistrats, afin de faire face à l'augmentation des recours et de maîtriser les délais de jugement.

Concernant la Cour des comptes et les autres juridictions financières, l'exécution du budget 2022 s'élève à 232 millions d'euros. L'année écoulée a été caractérisée par un retour progressif à une activité normale, après deux années fortement affectées par la crise sanitaire, notamment en matière de missions de déplacement et de formation. L'année 2022 a par ailleurs été marquée par la poursuite de la mise en œuvre du plan stratégique JF2025 afin d'ouvrir davantage les juridictions financières aux citoyens, de réduire les délais de publication et de préparer la réforme de la responsabilité financière des gestionnaires publics entrée en vigueur le 1er janvier dernier. Les activités liées au mandat de commissariat des comptes de l'Organisation des Nations unies (ONU), remporté par la Cour des comptes, ont par ailleurs débuté en 2022.

Enfin, le budget exécuté du Cese s'élève en 2022 à 44 millions d'euros en AE et 42 millions d'euros en CP. L'année écoulée a permis au Cese de poursuivre la mise en œuvre de la réforme organique du 15 janvier 2021 visant à moderniser et à enrichir ses attributions, en particulier en matière de participation citoyenne. Plusieurs évolutions importantes dans l'organisation interne du Cese sont intervenues au cours de l'année 2022, notamment la création d'une direction dédiée à la participation citoyenne et la mise en place d'un collège de déontologie. L'année a en outre été marquée par la prise en charge des pétitions sous format dématérialisé, ainsi que par le lancement de la convention citoyenne sur la fin de vie, qui a poursuivi ses travaux jusqu'au mois d'avril dernier.

La mission Direction de l'action du Gouvernement est la troisième examinée par votre commission. Elle est consacrée à la coordination transversale de l'activité du Gouvernement ainsi qu'à plusieurs autorités indépendantes essentielles à la protection des droits et libertés.

Concernant le programme Coordination du travail gouvernemental, l'exécution budgétaire s'élève à 672 millions d'euros en AE et à 684 millions d'euros en CP, avec une légère sous-consommation par rapport aux crédits disponibles. Celle-ci tient à une diversité de motifs, notamment au report sur l'exercice 2023 de crédits rattachés par voie de fonds de concours destinés à la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), à la révision de certains calendriers de travaux et de paiement, ainsi qu'à un schéma d'emplois non exécuté intégralement du fait de départs plus nombreux qu'anticipé.

Parmi les éléments saillants de l'année 2022, je citerai la mise en œuvre des crédits budgétaires de Viginum pour renforcer la lutte contre la manipulation de l'information, l'augmentation des effectifs de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) pour amplifier les efforts en matière de cyber-sécurité, ainsi que la mise en place de la délégation interministérielle aux emplois supérieurs de l'État (Diese) pour définir et animer la politique des ressources humaines des cadres supérieurs et dirigeants au sein de l'État. Quant au programme Protection des droits et des libertés, les crédits votés en 2022 étaient en augmentation de 14 % par rapport à 2021, pour accompagner la montée en charge des missions de différentes autorités indépendantes, avec une enveloppe totale de 117 millions d'euros consommée à 98 %.

L'année 2022 a aussi été marquée par la création effective au 1er janvier de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), issue de la fusion entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi), afin d'unifier et de renforcer la régulation numérique et la défense des libertés de communication et de création. Les effectifs de l'Arcom ont été renforcés en 2023 pour accompagner la montée en charge de ses missions ainsi que la mise en œuvre du règlement européen sur les services numériques (Digital Services Act).

La commission nationale informatique et libertés (CNIL) a par ailleurs bénéficié d'un renforcement de ses effectifs de 25 emplois en 2022, auxquels se sont ajoutés 18 emplois en 2023, pour faire face à l'accroissement du nombre de saisines et à l'application du règlement général sur la protection des données (RGPD). La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HAPTV) a également bénéficié de 2 emplois en 2022 et de 4 emplois en 2023, ainsi que d'une dotation pour la refonte de son système d'information.

Cet effort en faveur des autorités compétentes en matière de protection des droits et libertés a également conduit à la création en 2023 de deux emplois supplémentaires pour le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et le Défenseur des droits, ainsi qu'à l'augmentation des crédits du Défenseur des droits pour accroître le nombre de délégués territoriaux et revaloriser leur indemnité.

La mission Direction de l'action du Gouvernement comprenait également jusqu'à la fin de l'année 2022 le programme relatif à la présidence française de l'Union européenne (PFUE), que nous évoquerons lors du second temps de cette audition. Son exécution en 2022 a été de 90 millions d'euros en CP et de 64 millions d'euros en AE.

Enfin, j'évoquerai le budget annexe Publications officielles et information administrative géré par la direction de l'information légale et administrative (Dila). Ce budget annexe a été excédentaire à hauteur de 51 millions d'euros en 2022, avec 194 millions d'euros de recettes – soit 30 millions d'euros de plus que la prévision – et 142 millions d'euros de dépenses.

La Dila, quant à elle, a poursuivi en 2022 la transformation de son fonctionnement ainsi que l'actualisation de ses outils numériques tels que Légifrance, Vie publique et Service public, qui contribuent de manière déterminante à l'information des citoyens et à la connaissance des politiques publiques.

Voilà, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, les observations dont je souhaitais vous faire part concernant l'exécution 2022 des crédits de ces différentes missions.

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Les crédits de paiement exécutés au titre de la mission Conseil et contrôle de l'État sont destinés au financement de quelques institutions essentielles de notre démocratie et de notre État de droit. Ils ont progressé, en 2022, de 6,9 % en CP pour atteindre le montant de 753 millions d'euros.

Comme en 2021, c'est la progression des crédits du programme 165 Conseil d'État et autres juridictions administratives explique la plus grande part de cette évolution. La croissance de 5,8 % des CP consommés par la juridiction administrative portait leur montant à 476,3 millions d'euros. Nous pouvons en particulier relever une croissance de 10,5 millions d'euros des dépenses de personnel par rapport à l'exercice 2021, sous l'effet d'un schéma d'emploi positif de 72 équivalents temps plein (ETP) exécuté en totalité et d'une hausse de 24 équivalents temps plein travaillés (ETPT) de l'exécution du plafond d'emplois. Le programme a ainsi consommé 4 219 ETPT. Cette évolution était justifiée par la croissance du contentieux et la volonté d'accélérer la réduction du stock des affaires. Je continue d'appeler de mes vœux une réforme du contentieux des étrangers, le Conseil d'État lui-même ayant déjà proposé des pistes. Par ailleurs, les magistrats et agents du greffe ont bénéficié d'une revalorisation indemnitaire d'un montant cumulé de 8,9 millions d'euros.

Tout en déplorant que le rapport annuel de performance (RAP) ne fasse aucune mention de la commission du contentieux du stationnement payant (CCSP), alors même que celle-ci est confrontée à un contentieux de masse, je signalerai également que cette juridiction administrative à part entière a bénéficié d'un renfort bienvenu de 3 ETP.

Les dépenses de fonctionnement et d'investissement du programme 165 Conseil d'État et autres juridictions administratives ont progressé au total de 79,5 % en AE et de 10,4 % en CP par rapport à 2021, notamment sous l'effet du report de la totalité des AE qui n'avaient pas été consommées en 2021. La crise sanitaire avait perturbé le programme immobilier des juridictions administratives, mais les reports auront finalement permis le financement d'opérations telles que la restructuration du rez-de-chaussée d'une aile du Palais Royal, le traitement des façades du tribunal administratif de Nîmes ou l'extension du tribunal administratif de Dijon.

Après une sous-consommation historiquement élevée de ses crédits en 2021, le Cese, objet du programme 126, renoue avec des taux d'exécution très satisfaisants. Par rapport à l'année 2019, dernier exercice avant la crise sanitaire, les crédits consommés progressent de 6,3 % en AE et de 2,3 % en CP, pour atteindre 45,8 millions d'euros en AE et 44,1 millions d'euros en CP.

La lisibilité de l'information budgétaire reste cependant brouillée pour le Cese – je le déplore –, car les dépenses du Cese au régime comptable administratif spécifique ne sont pas retracées par Chorus, le système d'information budgétaire et comptable de l'État.

J'en viens au programme 164 Cour des comptes et autres juridictions financières. Les magistrats financiers ont eux aussi bénéficié d'une revalorisation indemnitaire. En outre, même si le schéma d'emploi fixé à 30 ETP reste sous-exécuté, la réalisation n'atteignant que 18 ETP, le nombre d'ETPT du programme progresse de six pour atteindre 1 766 ETPT. Si les dépenses de personnel représentent l'essentiel des crédits consommés, notons quand même une progression des dépenses de fonctionnement de 8,4 % en raison du mandat de commissariat aux comptes de l'ONU et du retour à une activité normale après la crise sanitaire.

L'année 2022 fut la dernière de l'existence du programme 340 Haut Conseil des finances publiques. En raison de la réforme de la loi organique relative aux lois de finances, il n'est effectivement plus nécessaire que la dotation du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) fasse l'objet d'un programme spécifique. Ainsi, la loi de finances pour 2023 a prévu que les crédits de l'institution seraient désormais portés par une action du programme 164 Cour des comptes et autres juridictions financières.

Je me contenterai donc de relever que cette dernière année d'existence du programme 340 fut marquée, comme les années précédentes sans exception, par une nette sous-exécution des crédits alloués. À l'échelle de la mission, cet enjeu est faible et un léger retard dans le recrutement conduit à provoquer un écart sensible de l'exécution à la programmation.

On aurait cependant pu imaginer que cette institution soit plus capable qu'aucune autre de budgétiser correctement ses besoins et d'atteindre une exécution conforme à la prévision.

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En 2022, l'exécution des crédits sur la mission Direction de l'action du Gouvernement s'élève à 852 millions d'euros en AE et 890 millions d'euros en CP, ce qui représente un taux d'exécution des crédits votés de 100 % en AE et 93 % en CP.

Les dépenses du programme 129 Coordination du travail gouvernemental atteignent 672,4 millions d'euros en AE et 683,9 millions d'euros en CP, soit une exécution des crédits votés relativement correcte, s'établissant à 95 % en AE et 92 % en CP.

Sans surprise, monsieur le ministre, je tenais à vous faire part de mon regret de voir une nouvelle fois le périmètre du programme 129 s'élargir pour financer deux nouvelles structures en 2022 : le secrétariat général à la planification écologique (SGPE) et la DIESE.

Concernant l'action 1 Coordination du travail gouvernemental, le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen) présente une surconsommation de 2,3 millions d'euros en AE et en CP, soit 17,1 %, en raison d'une forte croissance de 51 % des demandes d'indemnisation en 2022. Cet écart a pu être couvert par la réserve pour aléas de gestion constituée au niveau du programme.

La Mildeca, dont les crédits sont inscrits sur l'action 15, présente également une sur-exécution très significative de 48,6 millions d'euros en AE, en augmentation de 294 %, et de 32,1 millions d'euros en CP, en progression de 194 %. Elle s'explique par une enveloppe après report de 52,7 millions d'euros mise à disposition de la Mildeca à partir du fonds de concours « Produits des cessions de biens confisqués dans le cadre de la lutte contre les produits stupéfiants » sur l'exercice 2022. Le montant de ce fonds n'avait été estimé qu'à 20 millions d'euros dans le projet annuel de performance pour 2022. Je ne peux que regretter le caractère imparfait des prévisions budgétaires annoncées en loi de finances initiale, même s'il est difficile de prévoir les recettes de ce poste.

À l'inverse, l'action 2 Coordination de la sécurité et de la défense présente une sous-exécution notable, comme chaque année, en raison du transfert sortant d'un montant de 93,5 millions d'euros en AE et de 94,38 millions d'euros en CP du budget opérationnel du programme secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) au titre, d'une part, du financement des capacités techniques interministérielles à hauteur de 89 millions d'euros et, d'autre part, de la contribution du SGDSN au développement de projets en faveur de la défense et de la sécurité nationale, pour un montant de 5,4 millions d'euros en CP. Cette pratique nuit à la lisibilité du budget du programme. Je le répète inlassablement chaque année.

Les dépenses du programme 308 Protection des droits et libertés s'élèvent à 115 millions d'euros en CP, ce qui représente un taux de consommation de 98 %. En 2022, le programme a été marqué par la mise en place de l'Arcom, qui a remplacé le CSA et la Hadopi. Ces crédits ont été exécutés à hauteur de 46 millions d'euros.

Le programme 359 a, pour la seconde année, permis de porter les crédits concourant au financement de la PFUE, que j'aborderai plus spécifiquement ensuite.

Pour 2022, les AE du programme sont largement surconsommées (+ 175,8 %), en raison du rattrapage du retard pris dans les engagements en 2021. À l'inverse, les crédits de paiement sont sous-consommés (- 11,7 %). Si la sous-exécution semble présentée comme la capacité à avoir réalisé des mesures d'économies à cette échelle, je considère que cela démontre une estimation imparfaite des besoins de financement de ce dispositif. Ce sont ainsi 39 millions d'euros qui ont été annulés par la seconde loi de finances rectificative pour 2022.

En ce qui concerne le budget annexe Publications officielles et information administrative, les recettes se sont légèrement érodées par rapport à 2021, avec une baisse de 5,1 %. Cependant, elles restent en hausse de 29,7 millions d'euros par rapport à la prévision inscrite dans la loi de finances initiale pour 2022.

Comme les années précédentes, l'exécution budgétaire des programmes de la mission est globalement inférieure à la prévision inscrite en loi de finances initiale. Plus spécifiquement, la mise en œuvre des plans de départ concourant à une diminution de la masse salariale a représenté une sous-exécution de 4,6 millions d'euros en AE et en CP.

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M. le ministre a rappelé que la mission Pouvoirs publics présente un caractère particulier en raison du principe de séparation des pouvoirs. En effet, elle englobe les dotations d'institutions relevant de l'exécutif, telles que la Présidence de la République, ainsi que d'institutions juridictionnelles telles que le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République, en plus des dotations des assemblées parlementaires.

En tant que rapporteure, il est de mon devoir de trouver un équilibre entre la séparation des pouvoirs et mon obligation de rendre des comptes aux citoyens sur le budget des institutions. Néanmoins, la séparation des pouvoirs ne saurait justifier que les institutions transmettent des informations partielles à la commission des finances.

Je souhaite débuter mon intervention en soulignant l'impératif d'information sur notre budget, tant vis-à-vis des parlementaires que de nos concitoyens. Les institutions doivent faire preuve d'exemplarité en matière de transparence. Cela constitue l'un des piliers de notre démocratie et de la confiance des citoyens dans la vie publique. Cette confiance est malheureusement déjà abîmée, notamment en raison d'affaires qui concernent la mission Pouvoirs publics, telles que le recours à des cabinets de conseil pour des montants importants et des résultats pour le moins obscurs.

Je constate que nous sommes encore loin d'atteindre les objectifs en matière de transparence, malgré les alertes. J'ignore si vous avez eu l'occasion de consulter le rapport d'exécution de la mission avant notre réunion, mais la teneur des informations qu'il contient est plutôt décevante dans l'ensemble.

Je regrette notamment que le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République aient publié très peu d'éléments. Il en va de même pour l'Assemblée nationale et le Sénat, bien que je suppose que cela soit lié à la remise tardive du rapport des questeurs des deux assemblées sur l'exécution des comptes 2022, au regard de la date de publication du rapport annuel de performances. Je m'autorise donc cette alerte générale sur la qualité des informations qui me sont transmises.

J'en viens à l'exécution des crédits. Concernant l'exécution du budget de l'Assemblée nationale, la dotation annuelle avait été fixée à 552 millions d'euros pour 2022. Elle est en progression de 6,7 % par rapport à 2021, dans le contexte du renouvellement de l'Assemblée nationale. Le budget adopté par le bureau de l'Assemblée nationale pour 2022 prévoyait un total de dépenses de 609 millions d'euros, soit une augmentation de 8,2 % par rapport au budget initial de 2021. Le budget exécuté s'est établi à 604 millions d'euros, ce qui représente 99,2 % du budget initial. Le déficit budgétaire donc a été moins important que prévu, principalement en raison de recettes propres plus élevées correspondant à la restitution des soldes d'avance des frais de mandat de la législature précédente.

Il convient de souligner que la hausse des recettes propres est de nature éminemment conjoncturelle et qu'une telle configuration ne pourra pas se reproduire, sauf en année électorale. Il ne faudrait donc pas compter dessus pour les prochaines années. Ensuite, il est préoccupant de constater que les réserves continuent de s'éroder. Elles s'élevaient à 278 millions d'euros au 31 décembre 2021, puis sont passées à 253 millions d'euros au 30 juin 2022 et à 204 millions d'euros fin 2022. Cette trajectoire inquiétante nécessite une réflexion urgente sur une nouvelle augmentation de la dotation de l'État. Enfin, en ce qui concerne les effectifs, le nombre de personnels statutaires continue de diminuer dangereusement. Selon le rapport des services de l'Assemblée nationale, il y aurait eu 864 personnels statutaires en 2022, contre 1 026 en 2018. On pourrait arguer que l'embauche de personnel contractuel est en hausse, mais cela ne me rassure pas, bien au contraire. J'avais d'ailleurs déjà attiré l'attention de la questure sur le recours croissant aux contractuels, et il est évidemment urgent d'organiser des concours.

En ce qui concerne la Présidence de la République, le budget exécuté est plus important que le budget prévisionnel. L'institution le justifie par le contexte d'inflation élevée et la hausse des prix de l'énergie, qui pèsent également sur les dépenses de fonctionnement, ainsi que par la progression des dépenses de déplacement, qui ont augmenté de 53 % en CP. Les seules dépenses liées aux déplacements diplomatiques ont notamment été multipliées par deux en CP.

Par ailleurs, il est difficile de justifier devant les citoyens une augmentation du budget de l'Élysée en raison de l'inflation, alors nombre d'entre eux font actuellement face à une hausse des prix sans que leurs salaires soient revalorisés. Ce constat vaut également pour les collectivités locales, dont les dotations ne sont pas revalorisées.

Pour le Conseil constitutionnel, je vous signale tout d'abord que les dépenses de fonctionnement ont été trois fois supérieures à ce qui était prévu, soit une augmentation de 14 % par rapport à 2021. Le Conseil constitutionnel m'a répondu que cette augmentation était due à l'inflation et à la hausse des prix de l'énergie, ainsi qu'à la reprise des audiences délocalisées à Marseille après deux années de suspension en raison de la crise sanitaire. Par ailleurs, les dépenses destinées à financer les activités du Conseil constitutionnel liées aux élections présidentielles et législatives n'ont pas toutes été réglées. Le Conseil constitutionnel m'a informé qu'il attendait une indemnisation de 17 000 euros pour les magistrats délégués par l'institution dans le cadre du contrôle de l'élection présidentielle, en raison d'un retard dans la soumission des pièces justificatives.

Je signale enfin que la dotation allouée à la Cour de justice de la République s'élevait à 984 000 euros en 2022, soit une augmentation de 1,9 % par rapport à 2021. Les dépenses se sont élevées à 911 703 euros, ce qui représente un taux de consommation de 92 %. La formation de jugement s'est réunie une seule fois, en octobre 2022, dans le cadre de l'affaire Kader Arif.

Pour conclure, je n'ai pas de question précise à poser à monsieur le ministre, qui me répondrait probablement que cette mission ne relève pas de ses compétences. Cependant, ma préoccupation principale concerne aujourd'hui le budget de l'Assemblée nationale et l'avenir de la dotation annuelle.

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Premièrement, je souhaite aborder la question de la réforme de la responsabilité financière. En effet, le juge financier jugera non plus les comptes mais directement les auteurs des fautes financières les plus graves, qu'ils soient ordonnateurs ou comptables publics. À mon sens, cela crée une dépendance des comptables publics vis-à-vis des décideurs politiques. Avez-vous, monsieur le ministre, une réaction à ce sujet ? Peut-on dresser un premier bilan de cette réforme ?

Deuxièmement, je confirme les inquiétudes exprimées par Mme la rapporteure spéciale Maximi concernant la trajectoire dangereusement baissière des réserves. Étant donné notre souci de respecter le travail parlementaire et les moyens de l'Assemblée nationale, cette situation est préoccupante. En outre, compte tenu de la qualité de nos administrateurs et fonctionnaires, l'augmentation du nombre de contractuels plutôt que de titulaires pourrait constituer un risque de fragilité dans les années à venir si cette tendance devait se poursuivre. Avez-vous un commentaire sur ce sujet, monsieur le ministre, puisque les budgets des assemblées parlementaires correspondent à une dotation de l'État ?

Enfin, en ce qui concerne la mission Direction de l'action du Gouvernement, je note une augmentation de 22,2 % des saisines en matière de discrimination. Nous avons également une nouvelle prérogative relative à la protection et l'orientation des lanceurs d'alerte, ainsi qu'une augmentation des réclamations concernant l'accès aux services publics. Dans ce contexte, la hausse du budget me semble faible par rapport aux rôles assumés par la mission Direction de l'action du Gouvernement.

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Tout d'abord, je tiens à souligner l'importance des crédits de ces missions, qui sont essentielles au bon fonctionnement de nos institutions. Je salue le niveau de transparence et de détail qui est fourni sur ces dépenses. Je ne crois pas que notre rôle consiste à nourrir constamment des suspicions. Évidemment, il est toujours possible de solliciter un niveau de détail supplémentaire, mais celui qui est fourni dans les documents me semble satisfaisant, d'autant que les ministres peuvent répondre aux rapporteurs spéciaux.

J'aurai trois questions. Premièrement, concernant la mission Pouvoirs publics, je me réjouis de constater que les ressources propres de l'Assemblée nationale ont augmenté. Comme vous l'avez mentionné, c'est probablement une situation que nous ne verrons que tous les cinq ans. Nous constatons l'effet de la loi sur la transparence de la vie publique que nous avons votée en 2017, qui oblige les députés à justifier leurs dépenses. J'en déduis donc que 9,3 millions d'euros ont été rendus à l'Assemblée nationale parce qu'ils n'ont pas été dépensés par les députés. J'aimerais obtenir des détails à ce sujet, notamment pour savoir si cette somme est répartie de manière égale entre les 577 députés.

Deuxièmement, concernant le budget de la Présidence de la République, qui augmente de 6,15 % par rapport à 2021, une légère surexécution de 8 millions d'euros a été constatée en 2022. Je rappelle qu'il s'agit de la première revalorisation du budget depuis 2020. Il semble important de noter le creux d'activité qui résultait de la crise de la covid. Or l'activité internationale post-covid et l'activité diplomatique liée à la guerre en Ukraine, expliquent une partie de ces hausses. Si l'on prend du recul, on constate que le niveau de dépenses de fonctionnement, en dehors des investissements, est très proche en 2022 de celui constaté en 2018 et 2019, avant la crise sanitaire. J'aimerais obtenir des précisions, monsieur le ministre, sur ces dépenses et savoir si elles rejoignent effectivement les niveaux antérieurs à la crise.

Enfin, la réforme de la responsabilité financière des gestionnaires publics introduite par la loi de finances 2022 visait à instaurer un régime unifié de responsabilité financière applicable aux ordonnateurs et aux comptables publics et devait entrer en vigueur au plus tard le 1er janvier 2023. Il s'agit d'un nouveau régime de responsabilité commun aux ordonnateurs et aux comptables, qui permettra de poursuivre les infractions constitutives d'une faute grave ayant causé un préjudice financier significatif. Est-il trop tôt pour dresser un bilan de cette réforme ou disposez-vous déjà de premiers éléments de bilan ?

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Franck Riester, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Je vais répondre à vos différentes remarques. M. Labaronne a évoqué la CCSP. Depuis sa création en 2018, cette commission fait face à une augmentation constante du nombre des requêtes, principalement en raison du développement de la verbalisation par lecture automatisée des plaques d'immatriculation. Le nombre de requêtes est ainsi passé de 61 000 en 2018 à 163 000 en 2022. Cette augmentation des recours est également en partie due à la décision QPC n° 2020-855 du 9 septembre 2020, qui a supprimé l'obligation de paiement préalable dont le respect était une condition de la recevabilité d'un recours devant la CCSP. L'état actuel du droit n'est pas satisfaisant, car les recours n'ont pas d'effet suspensif sur le recouvrement du forfait et parce que l'engorgement de la CCSP ralentit le traitement des demandes, lequel prend de dix-huit mois à deux ans. Le stock de dossiers en cours continue donc d'augmenter, malgré l'activité considérable de la CCSP, qui a traité 111 000 dossiers en 2022. Il convient de noter que les effectifs de ses magistrats ont plus que doublé depuis 2018, passant de 6 à 15 en 2023.

Vous proposez donc une réforme visant à réintroduire une obligation de paiement préalable, avec des dérogations en fonction de différents critères. Je sais que cette proposition est examinée avec intérêt par la juridiction administrative, mais certaines questions techniques concernant sa mise en œuvre doivent encore être précisées. Le sujet mérite sans doute un complément d'analyse avec le Conseil d'État. Par ailleurs, à partir de 2024, la CCSP sera rattachée au programme 165 Conseil d'État et autres juridictions administratives, ce qui permettra d'engager une réflexion sur l'organisation actuelle de la CCSP et les moyens dont elle dispose afin d'accélérer le traitement des dossiers et de réduire le stock des affaires en instance.

En ce qui concerne les données du Cese, la question de l'harmonisation des informations budgétaires et comptables sera traitée dans le cadre de la certification des comptes puisqu'elle figure dans les points prévus dans le cadre de la certification 2023. Cela fait notamment suite à deux recommandations d'un rapport de M. Belluteau, rapporteur général de la certification des comptes de l'État à la Cour des comptes.

Je confirme qu'un léger décalage dans les recrutements au HCFP a effectivement été constaté, mais tous les postes prévus ont bien été pourvus au cours de l'année 2022.

Pour répondre aux questions de Mme Dalloz sur la multiplication des structures auprès de la Première ministre, cela répond clairement à des priorités politiques. Par exemple, la création du SGPE fait suite à une nouvelle compétence confiée à la Première ministre. Cependant, il convient également de souligner l'effort de rationalisation des structures, tel que la suppression de l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (Inhesj).

Concernant la Mildeca, le fonds de concours Produits des cessions de biens confisqués dans le cadre de la lutte contre les produits stupéfiants a été créé par décret le 17 mars 1995. Le montant annuel des crédits rattachés dépend du volume des saisies réalisées par les forces de sécurité intérieure et des confiscations décidées par les magistrats. Il dépend également du rythme de traitement des dossiers par l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc). Ces crédits sont conservés par le programme 129 et reportés sur l'exercice suivant. Ils sont ensuite répartis entre les administrations à l'origine des saisies, selon une clé arrêtée lors de la réunion interministérielle du 15 février 2007 :35 % pour la police nationale, 25 % pour la gendarmerie, 20 % pour le ministère de la justice et 10 % pour les douanes. Ce mécanisme explique le volume structurel des reports de ce dispositif, qui a été augmenté du fait d'activités particulièrement denses l'Agrasc avec 52,7 millions d'euros en 2021 et 45,5 millions d'euros en 2022, mais qui résulte aussi d'un ralentissement de la consommation liée au contexte sanitaire.

Concernant l'action 1 Coordination du travail gouvernemental, je reconnais que les transferts en cours d'année peuvent entraîner des écarts importants entre l'autorisation de dépenses et son exécution au niveau d'un programme. Cependant, je ne considère pas que ces crédits échappent au responsable de programme d'origine, comme vous l'avez mentionné dans votre rapport sur le projet de loi de finances 2023. La programmation des dépenses est arrêtée de manière concertée entre les services et le responsable de programme qui a exécuté la dépense en rend compte spécifiquement aussi bien au responsable de programme d'origine qu'au Parlement.

Pour répondre aux questions sur le budget de la Présidence de la République, le dépassement en 2022 s'explique principalement par trois facteurs qui n'étaient pas connus lors de l'élaboration du projet de loi de finances 2022. Tout d'abord, une forte reprise de l'activité présidentielle a eu lieu après la crise sanitaire, tant au niveau national qu'international, ce qui a logiquement affecté les enveloppes de fonctionnement et de déplacement. Ensuite, le contexte d'inflation élevée a eu un impact important sur les dépenses de fonctionnement, les déplacements et la gestion immobilière. Enfin, l'augmentation du point d'indice de 3,5 % et les premières mesures de nouvelles politiques de rémunération des militaires ont également contribué au dépassement. Le budget 2023 a été actualisé pour prendre en compte ces éléments, mais il convient de noter que la dotation de la Présidence de la République n'avait connu aucune augmentation entre 2017 et 2022.

S'agissant de réforme de la justice financière, le comité interministériel de la transformation publique (CITP) du 5 février 2021 a acté le principe d'un régime unifié de responsabilité financière des gestionnaires publics afin de remédier aux limites des régimes antérieurs, tels que le manque de priorisation en fonction des fautes commises et les lourdeurs des procédures. Une ordonnance de mars 2022 a défini ce régime, qui est entré en vigueur le 1er janvier. La principale conséquence de cette réforme est que le juge financier ne juge plus les comptes, mais les auteurs de fautes financières graves, qu'ils soient ordonnateurs ou comptables. Les sanctions sont définies de manière individualisée et proportionnée à la gravité des faits, et les justiciables relèvent désormais d'une seule et même juridiction, à savoir la Cour des comptes, via la chambre du contentieux. Je signale qu'une cour d'appel financière a été instituée pour renforcer les droits des justiciables

Sur les moyens des assemblées, en tant que ministre des relations avec le Parlement, je n'ai pas d'observation particulière à formuler. Le Sénat et l'Assemblée nationale décident de leurs budgets.

À propos du budget du Défenseur des droits, la loi de finances initiale pour 2023 a permis un renforcement de ses moyens : + 4 % sur la masse salariale et + 13 % sur ses crédits de fonctionnement, ce qui représente une augmentation de 25 emplois depuis 2017.

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Je suis d'avis que l'examen de ces crédits ne devrait pas donner lieu à des tentatives d'instrumentalisation, particulièrement dans un contexte où la défiance envers nos institutions est présente.

Sur ce point, je regrette un peu, madame la rapporteure spéciale, que vous mettiez en cause la Présidence de la République. Chacun peut comprendre que le nombre de déplacements internationaux du Président de la République a augmenté compte tenu du contexte international tendu. Par ailleurs, les dépenses de fonctionnement, notamment les dépenses de personnel, ont diminué. Je tiens également à souligner que le budget des assemblées a augmenté entre 2020 et 2022, tandis que le budget de la Présidence de la République n'a pas été augmenté entre 2017 et 2022.

Je saisis cette occasion pour saluer le travail des juridictions administratives, qui sont essentielles à l'État de droit et au bon fonctionnement de nos administrations. Dans cette optique, monsieur le ministre, pourriez-vous nous fournir des précisions sur les mesures précisément mises en place pour renforcer les moyens des juridictions administratives dans ce contexte d'augmentation des contentieux ?

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Je souhaite attirer votre attention sur certaines préoccupations concernant l'utilisation des fonds publics dans le cadre de la mission Conseil et contrôle de l'État. En 2022, ces crédits se sont élevés à 755 millions d'euros. Une part importante de ce budget a été allouée au Cese, dans le cadre du programme 126. Cependant, il est important de souligner que malgré son coût, l'efficacité de cet organisme fait régulièrement l'objet d'interrogations.

Le Cese est conçu pour être un pilier consultatif essentiel dans l'élaboration de nos politiques publiques, mais il se retrouve souvent à la marge des décisions politiques majeures. De nombreux acteurs et institutions estiment que les frais de fonctionnement de cette assemblée, composée de seulement 175 membres, semblent disproportionnés par rapport à son impact.

En outre, la création du Conseil national de la refondation (CNR), initiée par Emmanuel Macron en septembre 2022, apparaît comme une instance faisant doublon avec le Cese en termes de prérogatives, soulevant ainsi de sérieuses interrogations sur la pertinence et l'efficience de nos dépenses publiques. Dans un contexte où l'on parle constamment de réaliser des économies et de trouver des postes d'économies, ce chevauchement de missions pourrait potentiellement entraver le travail de l'Assemblée nationale. Afin d'assurer la transparence et la rigueur dans l'emploi de ces deniers publics, il est essentiel d'obtenir des informations précises sur le financement du CNR, pour lequel nous manquons actuellement de données.

Par conséquent, pouvez-vous nous fournir plus d'informations sur le budget alloué au CNR ?

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Je commencerai par poser une question au nom du groupe LFI, puis je répondrai en tant que rapporteure spéciale.

Ma question porte sur la mission Direction de l'action du Gouvernement, et plus particulièrement sur le Défenseur des droits. Nous savons que le nombre de réclamations portées devant la défenseure des droits est en forte augmentation. En 2021, nous en avons recensé 11 500, ce qui représente une hausse de 18,6 % par rapport à 2020. En outre, plus de 90 % de ces réclamations portent sur des problèmes d'accès aux services publics. Nous constatons également une augmentation de 22,2 % des saisines en matière de discrimination. Enfin, depuis 2022, le Défenseur des droits dispose de nouvelles prérogatives, notamment la protection et l'orientation des lanceurs d'alerte.

Je souhaitais obtenir des explications de monsieur le ministre sur la faible augmentation de ce budget. Étant donné le rôle de plus en plus important que le Défenseur des droits doit assumer. Pour qu'elle puisse jouer un rôle efficace, nous estimons qu'elle doit être dotée des moyens à la hauteur de cet enjeu.

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J'ai trois questions. Tout d'abord, concernant le rapport de monsieur Labaronne sur l'évolution des crédits et de la mission depuis 2019, nous constatons qu'il y a une forte progression en exécution pour l'ensemble des programmes, que ce soit le 165, le 126, le 164 et les 340. La progression la plus significative provient de la Cour des comptes, avec 232 millions d'euros de crédits exécutés en 2022. J'aimerais savoir si cela est dû principalement aux juridictions administratives territoriales ou simplement à une centralisation au niveau de la Cour des comptes en tant qu'institution.

Sur le rapport de madame Maximi, en effet, il y a eu 9 millions d'euros de restitution au titre de l'avance des frais de mandat (AFM). Je crois que, comme l'a souligné le rapporteur général, et c'était le sens de sa question, il ne s'agit pas de mettre en cause nos institutions. Au même titre que les 9 millions d'euros qui ont été restitués sont très variables selon les députés, je ne pense pas qu'il soit nécessaire de connaître les noms des personnes ayant restitué ces avances. Je me réjouis également de l'augmentation des de l'État, car sans cela, nous aurions rencontré des difficultés notoires au niveau du budget de l'Assemblée nationale.

Enfin, j'aimerais poser une question à monsieur le ministre concernant la DIESE. Au moment de sa création, je pensais qu'elle serait couplée à la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP). Or il n'en est rien. La DGAFP voit ses crédits augmenter de manière significative et nous avons créé la DIESE, qui comptait 21 ou 25 collaborateurs en 2022. Combien de collaborateurs supplémentaires aurons-nous en 2023 ?

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En 2022, les dotations annuelles de l'Assemblée nationale s'élèvent à 552 millions d'euros et celles du Sénat à 327 millions d'euros, soit une augmentation de 6,7 % pour l'Assemblée nationale et de 1,1 % pour le Sénat par rapport à 2021. Après une période de stabilité des deux dotations entre 2012 et 2021, on entend souvent dire que si les députés, les sénateurs et les ministres se serraient la ceinture, cela libérerait des moyens considérables pour améliorer la vie de nos concitoyens. Cependant, la démocratie a un coût, et personne ne souhaite que les institutions ne puissent pas fonctionner correctement faute de moyens financiers.

La dotation exceptionnelle accordée en 2022 à l'Assemblée nationale est particulièrement bienvenue. Elle représente un effort considérable et nécessaire pour assurer le bon fonctionnement des institutions.

Dans les différentes missions que nous examinons aujourd'hui, il est aussi question du programme relatif au budget du Cese. Cette institution, réformée par une loi organique en 2021, s'est vu confier de nouvelles missions afin qu'elle devienne un véritable carrefour de la participation citoyenne, à l'image de la convention sur la fin de vie qui s'est conclue il y a quelques semaines. La loi organique a également réduit de 25 % le nombre des membres du Cese.

Cette mesure a notamment permis de réaliser des économies nécessaires pour financer les nouvelles missions du Cese. Monsieur le ministre, avons-nous en l'état suffisamment de recul pour évaluer ces résultats ? La loi organique qui a réformé le Cese en 2021 lui a-t-elle effectivement donné tous les moyens nécessaires pour remplir les nouvelles missions qu'elle lui confiait ?

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Concernant le programme 308 Protection des droits et libertés, quels sont les nouveaux moyens donnés à la CNIL compte tenu de sa montée en charge dans l'application du RGPD, du règlement sur les marchés numériques ( Digital Markets Act ) et du règlement sur les services numériques ( Digital Services Act ) ? Ces deux dernières réglementations visent à protéger les consommateurs et garantir leur liberté d'accès. Le groupe des géants du numérique composé de Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft (Gafam) est d'ailleurs concerné au premier chef. De plus, le Digital Services Act (DSA) a notamment pour objectif de lutter contre la haine en ligne, la désinformation et la contrefaçon. Son texte fondateur prévoit d'ailleurs que ce qui est illégal dans le monde physique le sera aussi en ligne.

En ce qui concerne la PFUE, je note votre reconnaissance des efforts déployés afin qu'une cinquantaine de villes puissent bénéficier d'événements. Notre rapporteur expliquait que les critères d'évaluation n'étaient pas encore au rendez-vous, et je pourrais la rejoindre sur ce point.

La PFUE s'est déroulée concomitamment aux élections présidentielles législatives, ce qui a suscité de nombreux débats. Quels en ont été les impacts sur le déroulement de cette présidence ?

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Je sais que vous ne souhaitez pas vous prononcer sur l'utilisation des fonds de l'Assemblée nationale, mais vous pouvez peut-être vous exprimer sur la comparaison par rapport à d'autres pays. Actuellement, nous disposons d'une enveloppe comprise entre 10 000 et 11 000 euros pour rémunérer nos collaborateurs. En général, nous réussissons à en avoir trois ou quatre en fonction du travail que nous accomplissons, notamment dans nos circonscriptions où les sollicitations sont nombreuses. Toutefois, il est souvent difficile d'avoir plus qu'un seul collaborateur présent à l'Assemblée, souvent à temps partiel, étant donné les coûts salariaux. Par conséquent, nous n'avons peut-être pas la possibilité de travailler autant de sujets que nous le souhaiterions. Bien que la question de l'emploi des contractuels et du personnel de l'Assemblée nationale ait été abondamment discutée, il nous semble qu'il serait intéressant de disposer de moyens supplémentaires pour accomplir notre travail législatif et de contrôle du Gouvernement.

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Franck Riester, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Je vais répondre à M. Lefèvre concernant les juridictions administratives. Ces juridictions ont été confrontées à une hausse tendancielle des entrées contentieuses depuis plusieurs années. La maîtrise des délais de jugement et le maintien de la qualité des décisions rendues restent une préoccupation majeure. Pour y faire face, le Gouvernement a alloué des ressources significatives, avec une augmentation des crédits de 22 % entre 2017 et 2022, passant de 395 à 481 millions d'euros en CP. Le plafond d'emploi a également augmenté de 10 % sur la même période, passant de 3 899 à 4 295 ETP. Ces efforts, conjugués aux réformes menées au sein de la juridiction administrative, ont permis d'atteindre en 2022 des délais moyens de tenue d'audience satisfaisants, voire très satisfaisants, conformes aux objectifs fixés. En voici quelques exemples : le Conseil d'État présente un délai moyen de sept mois et quatorze jours pour un objectif de neuf mois ; les cours administratives d'appel ont un délai moyen de onze mois et dix-huit jours pour un objectif de onze mois ; et les tribunaux administratifs ont un délai moyen de neuf mois et vingt jours pour un objectif de dix mois et quinze jours.

Cet effort se poursuit en 2023 avec un renforcement significatif des moyens accordés aux juridictions administratives, incluant une augmentation de 9 % des crédits en CP et la création de 41 emplois supplémentaires. Cette tendance se maintiendra jusqu'en 2027, avec un renforcement d'une quarantaine d'emplois chaque année.

Monsieur Mauvieux, nous connaissons bien la position du RN à l'égard du Cese, dont il souhaite la suppression. Nous ne partageons pas du tout cet avis. Malgré tout, nous considérons que cette institution joue pleinement son rôle en tant que forum de la participation citoyenne et représentant des corps intermédiaires. En ce qui concerne le CNR, il complète cette dynamique et permet de développer de nouvelles méthodes d'élaboration de solutions et de partager les constats sur un certain nombre de problématiques, que ce soit au niveau national ou local, en étant plus proche de la réalité des territoires en matière de santé, de logement ou d'éducation. En matière budgétaire, une équipe est placée auprès du Haut-Commissariat au Plan (HCP) et 350 000 euros de crédits spécifiques ont alloués aux CNR nationaux. Les ministères assument quant à eux la prise en charge de l'organisation des CNR thématiques en lien avec les partenaires, dont certaines collectivités.

Madame Maximi, j'ai également mentionné le renforcement des moyens alloués au Défenseur des droits depuis 2017, avec la création de plus de 25 emplois et une augmentation continue des crédits, notamment dans la loi de finances initiale 2023 avec l'objectif de revaloriser les indemnités des délégués territoriaux, qui sont désormais plusieurs centaines. Pour l'année 2023, cela représente une allocation supplémentaire de 20 postes qui répondront concrètement aux demandes des justiciables.

Madame Dalloz, en ce qui concerne la DIESE, je souhaite rappeler que cette délégation interministérielle est opérationnelle depuis le 1er janvier 2022. Sa création, tout comme celle de l'Institut national du service public (INSP), constitue un élément essentiel de la réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État définie par l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 20211 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'Etat. La DIESE est placée sous l'autorité de la Première ministre. Son rôle est de coordonner et d'animer la politique des ressources humaines en matière d'encadrement supérieur et d'urgence de l'État. Elle agit comme une direction des ressources humaines des talents, en proposant aux cadres supérieurs de l'État une offre de services pour accompagner leur développement de carrière et leur montée en compétences. Elle a également pour mission de gérer des viviers et de faciliter les transitions professionnelles au sein du secteur public, en favorisant la mobilité entre les secteurs publics et privés. Son périmètre d'intervention est plus large que celui de la mission cadre dirigeant du Secrétariat général du Gouvernement, qui était principalement axée sur les postes soumis à décision gouvernementale et ne traitait pas la nomination des préfets, des ambassadeurs et des dirigeants d'opérateurs.

La DIESE a été dotée d'un million d'euros supplémentaires en loi de finances initiale 2022, portant ainsi son budget à 2 millions d'euros. Les dépenses de la délégation se sont élevées à 1,4 million d'euros en AE et 1,2 million d'euros en CP. Ces ressources ont permis de mettre en place des actions de formation et d'accompagnement au bénéfice des cadres dirigeants, un dispositif d'aide au recrutement pour les autorités de nomination, ainsi qu'une amélioration du traitement des données informatisées des cadres. Pour l'année 2023, les crédits de la DIESE ont été augmentés de 2 millions d'euros, ce qui porte son budget à 4 millions d'euros, afin de soutenir sa montée en puissance et le développement de ses activités. L'effectif cible de la DIESE est de 23 agents.

S'agissant du Cese, la réforme organique de 2021 a permis de moderniser le dispositif des pétitions et de réduire de moitié le nombre de ses membres. Cette réforme a été réalisée à moyens constants et a été couronnée de succès grâce à l'engagement du président Thierry Beaudet. Le Cese continue d'être un lieu privilégié de participation citoyenne, comme en témoigne le succès de la convention citoyenne sur la fin de vie, qui a été menée à coût maîtrisé pour un montant de 4,9 millions d'euros. Le Gouvernement restera à l'écoute des besoins du Cese pour remplir ses missions.

Je reviens un instant sur la masse salariale de la Cour des comptes pour expliquer que la hausse observée s'explique par d'abord la revalorisation indemnitaire des magistrats de la Cour, mais aussi des chambres régionales des comptes. Par ailleurs, la part des agents de niveaux A et A+ a progressé dans le cadre du renforcement des fonctions de contrôle. Le schéma d'emploi mentionne ainsi une progression de 31 ETP en 2023.

En ce qui concerne la CNIL, ses missions et activités ont connu une croissance significative. D'une part, le développement du numérique a entraîné une multiplication des traitements de données personnelles, ce qui a renforcé les enjeux liés au respect de la vie privée. D'autre part, la prise de conscience des citoyens concernant leurs droits sur leurs données et leur exigence de protection de la vie privée est devenue une réalité quotidienne. Enfin, le RGPD a également confié de nouvelles missions à la CNIL, telles que le code de conduite, la certification, les nouveaux outils de transferts internationaux, le traitement des actions collectives et la gestion des notifications de violation. Avec la mise en œuvre du DSA et du Data Governance Act (DGA), les missions de la CNIL continueront d'évoluer. Elles seront précisées par le projet de loi de régulation numérique présenté le 10 mai 2023 et qui sera débattu au Parlement lors des prochaines semaines.

Dans ce contexte, le Gouvernement veille à ce que la CNIL dispose des moyens nécessaires pour remplir l'ensemble de ses missions. Son budget est passé de 17,4 millions d'euros en 2017 à 24,3 millions d'euros en 2022, soit une augmentation de plus de 40 %. Son plafond d'emplois est passé de 198 ETP en 2017 à 262 en 2022. Ses moyens ont été renforcés avec un budget porté à 26,4 millions d'euros et un plafond d'emplois augmenté à 278 ETP pour l'année 2023.

Au sujet des moyens de l'Assemblée nationale, en tant qu'ancien député, je suis convaincu de l'importance des moyens donnés aux députés pour assumer leur rôle. Il appartient néanmoins à l'Assemblée de prendre ces décisions.

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Concernant l'AFM du mandat précédent, il n'était pas dans mon intention de solliciter une liste nominative des députés ayant restitué une part de leur AFM. Il s'agit plutôt de fournir des informations quantitatives en précisant que sur les 566 députés dont le mandat a pris fin le 21 juin 2022, 477 avaient restitué une part de leur AFM. Ces chiffres ont été obtenus dans le cadre de cette évaluation.

Je souhaite également rebondir sur l'intervention de monsieur Di Filippo. En effet, le rapport conclut à la nécessité d'augmenter les dotations. Il est important de considérer deux aspects en ce qui concerne les emplois. D'une part, se pose la question des agents qui travaillent à l'Assemblée nationale. Dans mon premier rapport à l'automne, j'ai attiré l'attention sur la hausse trop importante du nombre de contractuels par rapport au nombre de titulaires qui s'érodait. Cette évolution me semble préoccupante pour le travail des administrateurs et administratrices de l'Assemblée.

D'autre part, il est également essentiel d'examiner les moyens alloués aux députés. À cet égard, il serait pertinent de s'intéresser aux autres pays européens. Bien souvent, on se réfère aux exemples européens pour justifier des baisses ou des régressions, mais d'autres aspects intéressants pourraient être examinés, notamment les ressources accordées au travail des parlementaires.

Je souhaite également faire le lien avec la question de la transparence. Demander plus de transparence ne revient pas à instrumentaliser la politique, contrairement à ce que vous avez suggéré. L'accès aux données, que ce soit pour les citoyens ou les journalistes, est essentiel. Actuellement, il reste beaucoup de progrès à faire dans ce domaine. L'Élysée lui-même avait confirmé, lors de mes rencontres, qu'il manquait de moyens pour répondre à toutes les sollicitations.

Je crois que nous avons un travail à mener en la matière, qui contribuerait à réduire la défiance à l'égard des institutions.

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Monsieur le ministre, vous avez évoqué la CCSP et je n'ai pas bien saisi quelle était la perspective institutionnelle de cette commission. Dans la mesure où je suis sans doute le seul député qui s'intéresse véritablement à cette CCSP depuis six ans, je voudrais m'assurer que nous allons essayer de régler les problèmes de cette cour qui gère un contentieux massif lié à la réforme de 2018 et à la transformation des amendes en forfaits de post-stationnement.

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Nous ouvrons à présent le second temps de notre discussion, qui va s'intéresser à la thématique d'évaluation retenue par madame Dalloz et qui porte sur la présidence française de l'Union européenne.

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En 2009, la Cour des comptes exposait, dans un rapport demandé par le Sénat, une évaluation pour le moins critique de l'utilisation des crédits dédiés à l'organisation de la présidence française du Conseil de l'Union européenne en 2008. En tant que rapporteure spéciale de la mission Direction de l'action du Gouvernement, qui portait les crédits du programme 359 Présidence française du Conseil de l'Union européenne en 2022, j'ai décidé d'évaluer l'organisation et le coût de cet événement, ainsi que son dispositif de performance.

Pour assurer l'organisation de cette présidence, un secrétariat général de la Présidence française de l'Union européenne (SGPFUE) a été mis en place. Ce secrétariat a assuré un pilotage resserré des équipes dans les ministères afin de contraindre les dépenses. Cependant, la nomination du secrétaire général n'a eu lieu qu'à compter du 10 septembre 2020, ce qui ne lui a pas permis de participer pleinement à l'élaboration du budget avec les ministères.

Cette nomination tardive a eu une deuxième conséquence préjudiciable, à savoir la fragilisation des procédures de marchés publics. En effet, le temps alloué à la préparation des marchés publics a été largement réduit. Par exemple, les marchés relatifs aux accréditations n'ont pas pu être conclus aussi longtemps en amont qu'ils auraient dû. Bien que nous n'ayons pas eu de recours juridique, cela aurait pu être le cas. Par conséquent, je recommande que le SGPFUE soit nommé au moins deux ans avant le début du semestre de la présidence française.

Le rôle de ce secrétaire général n'était pas de préparer les négociations mais uniquement de coordonner l'organisation de la PFUE. Le secrétaire général a travaillé en collaboration avec de nombreux acteurs, tels que le secrétariat général aux affaires européennes, la représentation permanente de la France et le secrétariat général du Conseil de l'Union européenne, ainsi que les ministères directement impliqués dans l'organisation des événements. Les ministères ont ainsi été sollicités par la direction du budget dès le mois de février 2020. La synthèse de leurs demandes s'élevait à 172,7 millions d'euros, dont 35 millions d'euros pour la Présidence de la République. Le Premier ministre a ensuite arbitré une enveloppe globale de 150 millions d'euros. Finalement, les crédits disponibles avant le calcul de la réserve de précaution se sont élevés à 145,5 millions d'euros en AE et en CP.

Les services du Premier ministre ont apporté leur soutien au SGPFUE dans plusieurs domaines, tels que le transport, la commande publique et le calcul des émissions de carbone. En effet, le SGPFUE disposait d'une équipe relativement restreinte, pouvant compter jusqu'à 45 collaborateurs, et a pu réaliser des économies sur le recrutement grâce à la mise à disposition gratuite d'une partie du personnel par les ministères.

Les frais de fonctionnement ont toutefois atteint 960 000 euros, soit une augmentation de 92,6 % par rapport à 2008, en raison de la prise en charge de nouvelles activités telles que la coordination du transport des délégations, la traduction des publications du site internet ou le déploiement des agents de liaison. Bien que les événements aient pu se dérouler dans l'ensemble du territoire, leur grand nombre a conduit à affecter la lisibilité de la communication. En effet, 416 événements ont été organisés dans le cadre de la PFUE. Je regrette l'annonce tardive des priorités politiques retenues, alors qu'une annonce plus précoce aurait permis de limiter le nombre d'événements.

En ce qui concerne le coût des événements sur les exercices 2021 et 2022, les crédits consommés dans le cadre de l'action 1 Activités obligatoires et traditionnelles de la Présidence se sont élevés à 32,2 millions d'euros, correspondant à l'organisation de 38 événements : 8 manifestations en présence du Président de la République et 30 réunions ministérielles informelles.

Sur la même période, les crédits correspondant à l'action 2 Manifestations correspondant à l'initiative propre de la Présidence, s'élèvent à 51,1 millions d'euros pour l'organisation de 378 événements.

J'ai également relevé que le volet français de la conférence sur l'avenir de l'Europe avait été labellisé au titre des événements de la PFUE et avait donc été financé par le programme 359. Pour l'organisation de cette conférence, la direction du protocole du ministère de l'Europe et des affaires étrangères a eu recours aux services du cabinet Roland Berger pour un montant de 1,7 million d'euros. Néanmoins, l'objectif des événements organisés dans le cadre de la PFUE est de préparer les réunions formelles du Conseil.

Or cette conférence est un événement européen de consultation citoyenne porté par la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil. Il est donc bien plus large que la PFUE. Des événements relatifs à cette conférence ont d'ailleurs eu lieu en France dès 2021. Monsieur le ministre, pourquoi le volet français de cette conférence a-t-il été labellisé et financé par le programme 359 ?

J'ai également constaté que certaines dépenses ont parfois revêtu un caractère somptuaire au regard de la période de crise. C'est le cas notamment de la décoration des bâtiments du Conseil, qui a coûté 1 million d'euros, représentant ainsi 1 % des crédits exécutés sur le programme pour une installation temporaire.

Les dépenses de communication au sens strict s'élèvent à 3,5 millions d'euros. Parmi ces dépenses, le montant alloué à l'illumination de la tour Eiffel était d'un peu plus de 700 000 euros, financé à partir des crédits du programme 359, alors que ce poste de dépenses avait été pris en charge par le mécénat en 2008.

En 2022, le recours au mécénat a été limité au prêt de véhicules pour le transport des délégations, ce qui représentait 626 000 euros alors qu'il s'élevait à plus de 10 millions d'euros en 2008. Monsieur le ministre, pourquoi le recours au mécénat a-t-il été considérablement limité, alors que certains postes de dépenses onéreux, comme l'éclairage de la tour Eiffel, auraient pu ainsi être financés ?

Pour terminer sur les dépenses que j'aurais souhaité voir contraintes, j'évoquerai le coût des objets promotionnels et les cadeaux protocolaires, qui s'élèvent à plus de 1,2 million d'euros. Si la Finlande avait décidé de mettre fin à cet usage en raison de la récurrence des événements, je n'irais bien sûr pas jusque-là, mais je proposerai d'en limiter le nombre de bénéficiaires qui étaient nombreux en 2022 : ministres, collaborateurs, hauts fonctionnaires, journalistes, et j'en passe.

Nous venons d'examiner l'exécution de la mission Direction de l'action du Gouvernement pour l'année 2022, mais j'aimerais revenir plus en détail sur les raisons de cette sous-exécution massive.

En effet, sur la période 2021 à 1022, des crédits alloués au programme 359 ont été significativement sous-consommés - 32,4 % en AE et - 32,9 % en CP. La mise en place d'une réserve spéciale correspondant à 10 % des crédits disponibles sur les deux années, après application de la réserve légale de précaution, soit 14,4 millions d'euros, a contribué à accentuer la sous-exécution budgétaire. J'estime que les proportions décidées pour cette réserve auraient pu être plus adaptées en abaissant exceptionnellement le taux à 5 %, ce qui aurait permis de mieux calibrer l'enveloppe budgétaire votée par le Parlement.

L'Union européenne a également contribué au financement de la PFUE en subventionnant certaines manifestations, pour un montant de subventions global de 1,1 million d'euros, et en prenant en charge le financement de certains événements, comme le sommet avec l'Union africaine.

La sous-exécution s'explique enfin par un certain nombre de mesures d'économies, que je salue évidemment. En effet, outre le recours au mécénat pour le prêt de véhicules, certaines prestations comme le dessin de l'emblème de la PFUE, l'interprétation des réunions et la traduction des publications du site ont pu être internalisées.

J'en viens pour finir au dispositif de performance du programme 359, qui m'a certes paru plus abouti que celui de 2008, mais qui reste largement perfectible. Le programme 359 comportait deux objectifs : exercer une présidence durable de l'Union européenne et réussir l'organisation de la présidence.

En émettant 41 138 tonnes équivalent de CO2, c'est-à-dire moins que la cible estimée à 72 000 tonnes équivalent de CO2, l'objectif d'exercer une présidence durable a été atteint. La satisfaction globale a été établie par une note de 4,2 sur 5, soit un résultat inférieur à la cible fixée à 4,5 et à la note obtenue en 2008.

Le coût moyen par participant pour les réunions ministérielles informelles et les conférences ministérielles s'élève à 1 909 euros, légèrement inférieur à la cible, qui était fixée à 2000 euros.

Néanmoins, je regrette sincèrement l'absence d'un objectif de performance relatif à l'impact politique de la PFUE. Si le bilan de la PFUE semble être positif compte tenu de l'adoption d'un grand nombre de textes, aucun indicateur n'a permis de quantifier ce bilan. Les dépenses de communication au sens strict ont représenté 3,5 millions d'euros. Les crédits dépensés dans le cadre du programme 359 ont atteint 100 millions d'euros pour cette PFUE sur les deux exercices 2021 et 2022.

Pour autant, dans son rapport final, le SGPFUE constate que la présidence n'est pas un objet politique en soi pour un grand nombre de Français. J'estime donc primordiale la mise en place de de deux indicateurs de performance : le premier pour mesurer le taux de mise en œuvre des priorités politiques annoncées par la présidence et le second pour connaître la perception par les Français de la PFUE.

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Franck Riester, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Je tiens tout d'abord à saluer la qualité du travail d'évaluation que vous avez mené sur ce thème important, madame le rapporteur spécial. Il a constitué un temps fort de l'agenda européen pour notre pays. Dans mes fonctions précédentes en tant que ministre délégué en charge du commerce extérieur et de l'attractivité, j'ai pu constater à quel point cet agenda était dense et les résultats obtenus étaient à la hauteur de nos espérances.

La France a eu l'honneur d'assurer la présidence du Conseil de l'Union européenne au premier semestre de l'année 2022, dans le cadre du mécanisme de présidence tournante entre les États membres. Compte tenu de la complexité et de la sensibilité d'un tel événement, il était nécessaire d'avoir une organisation spécifique en termes de pilotage et de gestion budgétaire. Il a ainsi été décidé de reproduire l'expérience concluante de la PFUE de 2008, en confiant cette responsabilité à un secrétariat général spécifique, le SGPFUE, placé sous l'autorité du Premier ministre compte tenu de la nature interministérielle de l'événement.

Créé par un décret du 8 septembre 2020, le SGPFUE avait pour principales missions de coordonner la programmation des événements, d'évaluer leur coût, de fixer les grands principes de leur organisation et de suivre leur mise en œuvre par les différents ministères. Cette structure resserrée a compté au plus fort de son activité une quarantaine d'agents mis à disposition par les différents ministères. Je salue l'implication et le travail considérable du SGPFE ainsi que de l'ensemble des services et personnels mobilisés dans les ministères tout au long de la préparation et du déroulement de la PFUE.

Concernant votre remarque sur la création tardive du SGPFUE, je tiens à rappeler qu'il a été créé le 8 septembre 2020, soit un peu moins de 16 mois avant le début de la présidence française. Cela représente toutefois une amélioration par rapport à la présidence de 2008, où le secrétariat général avait été créé seulement douze mois avant le début de la présidence. Je prends toutefois note de votre observation et constate que le secrétaire général, M. Lapeyre de Cabanes, partageait cet avis dans son rapport de fin de mission. Il suggérait ainsi d'anticiper davantage la création du secrétariat général lors des futures présidences.

À la décharge du Gouvernement, je rappelle que la première réunion interministérielle sur la préparation de la PFUE date de novembre 2019 avec. En raison de la crise sanitaire, la préparation a connu un ralentissement au printemps 2020 et l'installation du SGPFUE a été reportée à la rentrée de la même année. Quant à l'annonce tardive des priorités politiques, je rappelle qu'il s'agit d'une pratique courante afin de ne pas empiéter sur les priorités de la présidence tournante précédente. Nous avons respecté cette tradition en présentant notre programme le 9 décembre 2021.

En ce qui concerne les moyens budgétaires, un programme budgétaire dédié a été créé au sein de la mission Direction de l'action du Gouvernement pour donner plus de transparence et de prévisibilité au Parlement concernant les autorisations budgétaires accordées en 2021 et 2022, tout en limitant les cofinancements par d'autres programmes. L'exécution budgétaire a fait l'objet d'une gestion déléguée aux ministères au niveau des unités opérationnelles. Le Parlement a accordé des moyens significatifs, mais proportionnés aux enjeux, pour assurer le succès de la PFUE, avec un budget de 150 millions d'euros voté en loi de finances. À titre de comparaison, 180 millions d'euros avaient été prévus lors de la présidence française de 2008. Il est intéressant de noter que le montant voté en 2022 est proche de celui retenu par d'autres pays européens de taille comparable lors de leurs présidences respectives, comme l'Allemagne en 2020 ou l'Espagne en 2023. L'exécution finale du budget s'est élevée à 105 millions d'euros, soit près d'un tiers de moins que le montant initialement prévu, en raison de différents facteurs : la tenue à Bruxelles de certaines manifestations prévues en France ; l'organisation en visioconférence d'événements en raison de la situation sanitaire ou de la crise en Ukraine ; la non-utilisation de la réserve pour aléas et enfin une gestion budgétaire rigoureuse des événements.

Si le constat du montant de l'exécution budgétaire est partagé entre nous, madame la rapporteure spéciale, nous n'en avons pas la même appréciation. Je considère qu'il faut au contraire se féliciter que la PFUE ait eu un coût moindre que prévu, tout en atteignant ses objectifs pour la bonne gestion des deniers publics. Quant à la réserve supplémentaire de 10 %, il s'agissait d'une précaution que j'estime bienvenue pour couvrir d'éventuels aléas ou répondre à un possible changement de Président de la République à l'issue des élections, puisque les élections présidentielles françaises ont eu lieu au cours de cette PFUE.

S'agissant des dépenses de communication que vous avez souhaité examiner plus spécifiquement, celles-ci s'élèvent à 3,5 millions d'euros. Parmi les principales opérations, on peut citer l'illumination de la tour Eiffel en début et fin de PFUE, des prestations audiovisuelles pour certains événements, ainsi que des prestations d'accompagnement pour la gestion du site internet de la PFUE.

Il est exact que le recours au mécénat était moindre en 2022 qu'en 2008. Je rappelle toutefois que les règles ont changé entre-temps, avec l'adoption, en 2021, par le secrétariat général du Conseil de l'Union européenne, de lignes directrices appelant à la vigilance des États membres en la matière, après le recours très important au mécénat par la Roumanie en 2019. Par ailleurs, il me semble que les Parlementaires, de même que nos concitoyens, sont désormais très attentifs à toute prestation gracieuse de la part d'acteurs privés au bénéfice des pouvoirs publics.

Concernant les dépenses que vous avez mentionnées comme somptuaires, c'est-à-dire les commandes d'objets promotionnels, celles-ci ont été centralisées par le SGPFUE pour tous les ministères. Sept bons de commande ont été passés pour un montant total de 998 069 euros, contre 4,9 millions d'euros pour la PFUE en 2008. Quant au programme « Étoffe de l'Europe », il s'agit d'une tradition pour chaque présidence tournante : 1 million d'euros ont ainsi été mobilisés en 2022, soit 25 % de moins qu'en 2008.

En ce qui concerne les prestations de conseil, celles-ci ont représenté un coût de 1,9 million d'euros, correspondant, comme vous l'avez rappelé, pour l'essentiel aux prestations du cabinet Roland Berger pour l'organisation du volet français de la Conférence sur l'avenir de l'Europe.

Vous vous êtes également interrogée, madame le rapporteur, sur la labellisation au titre de la PFUE de ces événements qui se sont tenus à l'automne 2021. La conférence était en réalité intimement liée à la PFUE, puisque les consultations menées ont alimenté le programme de la présidence française.

D'autres réunions préparatoires qui se sont tenues fin 2021 ont également été labellisées PFUE. De plus, il était prévu dès le départ que la clôture de la conférence se tienne pendant la présidence française et soit coprésidée avec la Commission et le Parlement européen. Cette cérémonie a également été labellisée PFUE. Un financement par la présidence tournante était donc, selon nous, pleinement justifié.

Au total, la PFUE a permis l'organisation de 416 événements officiels, dont 15 en présence du Président de la République, 30 réunions ministérielles informelles et 80 conférences ministérielles. J'ai moi-même organisé une réunion ministérielle à Marseille concernant le commerce.

Ces événements ont été organisés dans 48 villes réparties sur l'ensemble du territoire national, dans un souci d'équilibre et de valorisation des territoires. De plus, 511 événements organisés par des tiers ont été labellisés PFUE à l'initiative de collectivités territoriales, d'établissements d'enseignement supérieur, d'associations et d'entreprises. Il faut saluer leur implication et souligner qu'ils ont contribué à associer la société civile à la réussite de la PFUE.

Concernant le dispositif de mesure de la performance prévu en loi de finances, la satisfaction globale des participants, mesurée par une enquête d'opinion, était de 4,2 sur 5. Quant au coût moyen par participant, il s'est élevé à 1 900 euros, sous la cible de 2 000 euros.

Madame la rapporteure spéciale, vous avez proposé d'enrichir le dispositif de performance sur l'impact politique de la PFUE. Je rappelle que le dispositif de performance prévu pour la PFUE 2022 est le plus détaillé qui ait été mis en place jusqu'à présent pour un événement de cette nature. Votre suggestion d'aller encore plus loin pour la prochaine présidence est très intéressante, et en tant que ministre chargé des relations avec le Parlement, je suis favorable à ce que les parlementaires se saisissent de la révision organique de 2021, qui permet aux parlementaires d'amender les indicateurs d'un programme.

Le Gouvernement a également souhaité exercer une présidence durable de l'Union européenne en limitant son bilan carbone et en compensant les émissions résiduelles, qui ont totalisé 41 000 tonnes équivalent CO2.

En conclusion, la PFUE de 2022 a été menée à un coût particulièrement maîtrisé, tout en assurant une organisation de qualité pour les participants et en permettant à la France d'assumer pleinement cette responsabilité importante.

Je souhaite enfin répondre à la question de M. Jolivet sur l'impact des élections présidentielles et législatives. Le calendrier de la présidence tournante de l'Union européenne est fixé plusieurs années à l'avance pour donner de la prévisibilité à l'ensemble des États membres et des institutions européennes. Les États membres travaillent en étroite collaboration par groupe de trois pour assurer successivement la présidence de l'Union.

Il est déjà arrivé par le passé que la période de la PFUE coïncide avec des élections nationales, comme ce fut le cas en 1995. Le calendrier des événements organisés dans le cadre de la PFUE a strictement respecté la période de réserve, qui s'étend du 18 mars au 24 avril 2022 pour les élections présidentielles et du 23 mai au 19 juin 2022 pour les élections législatives. Une réserve de précaution de 10 % des crédits avait été mise en place, notamment pour couvrir l'éventualité d'un changement de Président de la République. Je dois souligner que le calendrier n'a pas entravé le bon déroulement de la PFUE, car les services et les réunions à Bruxelles ont continué pendant la campagne présidentielle et législative.

Comme vous l'avez constaté, le calendrier n'a pas empêché l'implication du Parlement européen qui, sous la présidence de tel ou tel pays, joue un rôle considérable, notamment pour faire avancer les trilogues.

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Je remercie madame le rapporteur spécial pour la précision de ce rapport. Il est indéniable que la PFUE en 2022 a été une réussite, de notre point de vue, dans la promotion d'une Europe plus souveraine, innovante, écologique et sociale. Il faut souligner les avancées obtenues sur des textes majeurs tels que la taxe carbone aux frontières, la directive sur les salaires minimaux adéquats, la directive sur les marchés numériques et la directive sur les services numériques.

Il ne faut pas non plus oublier le contexte dans lequel cette présidence s'est déroulée. Sous l'impulsion de la présidence française, l'Union européenne a répondu de manière ferme, solidaire et unie à l'agression de l'Ukraine par la Russie dès le premier jour. C'est un accomplissement dont nous pouvons être fiers. Au delà de ces réalisations politiques, il est maintenant temps d'évaluer l'exécution budgétaire de la présidence française. Comme vous l'avez souligné, madame le rapporteur, cette exécution a été rigoureuse, avec des dépenses inférieures d'un tiers par rapport aux prévisions, malgré l'organisation de 416 événements organisés sous la supervision du SGPFUE. La PFUE 2022 s'est avérée beaucoup plus économe que celle de 2008, ce qui est un motif de satisfaction.

En 2022, 105 millions d'euros ont été exécutés contre une prévision de 150 millions d'euros, tandis qu'en 2008, 285 millions ont été exécutés contre une prévision de 180 millions d'euros.

Je note également un recours modéré au mécénat, bien que le rapporteur semble le regretter. Je crois que cela permet d'écarter tout soupçon d'impartialité vis-à-vis des pouvoirs publics. Enfin, je salue l'atteinte de l'objectif de présidence durable en réduisant les émissions de CO2, qui ont représenté 41 000 tonnes équivalent CO2 par rapport à la cible initiale de 72 000 tonnes équivalent CO2.

J'ai deux questions, monsieur le ministre.

Premièrement, une des recommandations du rapporteur vise à développer le recours au mécénat. Qu'en pensez-vous ? Est-ce une bonne piste ?

Deuxièmement, madame le rapporteur recommande également de nommer le secrétaire général de la PFUE au moins deux ans avant le semestre de la présidence française. Il me semble qu'il s'agit d'une bonne idée. Comment expliquez-vous la nomination tardive en septembre 2022 ?

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Je tiens à remercier madame le rapporteur spécial pour son travail exhaustif. Je rappelle à mon tour le succès de cette présidence française, à la fois sur la forme et sur le fond. En sus de la réponse unie et solidaire à l'agression russe en Ukraine, cette présidence devait être jugée à l'aune de trois priorités : la lutte contre le réchauffement climatique, la promotion des droits sociaux et la régulation des géants du numérique.

Du point de vue de ces trois priorités, il y a eu des réussites significatives : la mise en place de la taxe carbone aux frontières, l'objectif de réduction de 55 % des émissions carbone d'ici 2030, la garantie d'un salaire minimum pour les travailleurs européens et les deux lois sur les marchés et les services numériques qui permettent le respect de la concurrence et le retrait des contenus haineux..

Quant au bilan carbone de la présidence, madame le rapporteur a signalé qu'un nouvel indicateur de performance avait enrichi le programme 359. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, quelle a été la réussite de cette présidence de ce point de vue ?

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La France a assuré la présidence du Conseil de l'Union européenne du 1er janvier au 30 juin 2022 pour atteindre les priorités fixées par le Président de la République, 416 événements ont été programmés sous la supervision du SGPFUE.

Cette présidence française, dont on craignait fin 2021 qu'elle soit entravée par une aggravation de la crise sanitaire ou parasitée par l'organisation de deux trains d'élections dans l'hexagone, a été en réalité placée sous le signe dramatique de la guerre en Ukraine.

Malgré l'irruption de la guerre sur le continent, la France est parvenue à dérouler l'entièreté de l'agenda prévu fin 2021. En s'ouvrant aux candidatures d'adhésion de l'Ukraine et de la Moldavie, l'Union européenne a aussi engagé une réflexion sur son avenir.

Le sommet de Versailles, organisé les 10 et 11 mars 2022, a amorcé la nécessaire cure de désintoxication des énergies fossiles russes et donné un nouvel élan à la défense européenne qui va devoir profiter du réarmement général de l'Europe dans le cadre de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (Otan) pour trouver son autonomie. Dix jours plus tard, les 27 États membres adoptaient une boussole stratégique musclée par les événements. Il s'agit d'un document qui identifie les menaces communes et doit guider la politique sécuritaire de l'Union européenne jusqu'en 2030.

Personne ne peut en douter : la PFUE fut un réel succès politique. Néanmoins, ce succès représente un coût financier non négligeable d'environ 90 millions d'euros. À titre de comparaison, pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, si les sommes engagées pour la PFUE sont comparables au budget des présidences des autres États membres de l'Union européenne ?

Par ailleurs, si le budget de la PFUE venait à être plus important que celui des présidences précédentes, cela ne s'expliquerait-il pas par les bouleversements engendrés par la guerre en Ukraine, qui ont nécessité d'organiser des réunions, des sommets et des événements non programmés au sein de l'Union européenne ?

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Vous avez rappelé, monsieur le ministre, la nécessité d'une réserve. Il est effectivement évident d'avoir une réserve légale. Cependant, dans le cas de la PFUE, la réserve légale était doublée d'une réserve spéciale en prévision d'un éventuel changement de Président de la République. Dans la mesure où cette réserve spéciale existait, nous aurions pu envisager d'abaisser la réserve spéciale à un taux de 5 %. C'était le sens de ma proposition.

Par ailleurs, je comprends que le Président de la République ne pouvait pas annoncer officiellement, deux ans à l'avance, quelles étaient ses priorités par rapport aux pays assumaient alors la présidence. Cependant, je pense qu'il aurait été bénéfique de les annoncer discrètement au sein des ministères chargés de l'organisation des événements, afin d'assurer une harmonisation des événements programmés. La réalité est que les ministères ont été très actifs sur tous les fronts, sans directive politique particulière.

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Franck Riester, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

D'abord, en ce qui concerne les réserves, je prends acte de la proposition de Mme Dalloz. Comme je l'ai mentionné précédemment, il avait été décidé de ne pas y déroger afin de prendre en compte l'élection présidentielle, tout en maintenant le niveau de la réserve légale. Ensuite, concernant les annonces, je peux vous assurer, en tant que personne impliquée dans les préparatifs, qu'il y a eu un travail considérable de coordination et d'harmonisation entre les ministères pour le choix des villes pour les réunions, des thèmes abordés et des dates des événements. L'établissement de ce calendrier a été complexe à constituer car nous avions de grandes ambitions pour cette présidence française. Un grand nombre d'observateurs et de pays européens ont d'ailleurs reconnu que la présidence française avait été très utile sur le fond pour l'Union européenne. Il était donc essentiel de mener à bien ce travail préparatoire.

Nous avons tenu de nombreuses réunions en interne avec le SGPFUE, les services du Premier ministre et de la Présidence de la République afin de coordonner nos efforts et d'établir un programme ambitieux qui ne viendrait pas perturber la présidence précédente, tout en étant en phase avec l'actualité riche de cette époque.

Sur le fond, le rapporteur général du budget a salué les avancées réalisées lors de cette PFUE. Je peux citer trois exemples de textes emblématiques sur lesquels nous avons obtenu un accord lors de cette présidence : la taxe carbone aux frontières, la question des salaires minimaux adéquats et une régulation ambitieuse des services et des marchés numériques. Nous aurons l'occasion de discuter de la transposition de ces textes dans le droit français.

Sur un plan plus personnel, j'ai été satisfait de constater que nos collègues européens ont soutenu notre volonté d'imposer la réciprocité dans l'ouverture des marchés publics. Un outil juridique a été mis en place pour contraindre nos partenaires situés en dehors de l'Union européenne à ouvrir leurs marchés publics aux entreprises européennes. En effet, l'Europe a ouvert l'ensemble de ses marchés publics aux entreprises du monde entier. Il est donc légitime que les pays étrangers ouvrent également leurs marchés publics aux entreprises européennes, ce qui n'était pas le cas auparavant. Nous disposons désormais d'un cadre juridique permettant de le faire.

Je réitère que le report de la nomination du SGPFUE s'explique par les épreuves auxquelles nous avons été confrontés, notamment la crise sanitaire et la guerre en Ukraine.

Je renouvelle par ailleurs mon avis assez réservé au sujet du recours plus important au mécénat, car cela peut susciter des suspicions quant à l'impartialité d'une présidence.

S'agissant du développement durable, dès le départ, nous avons souhaité assurer une présidence durable de l'Union européenne. D'une part, nous avons pris des mesures visant à réduire les émissions de carbone et avons établi un référentiel de développement durable comprenant une trentaine de mesures concrètes à mettre en œuvre dans l'organisation d'événements : la régulation de la température, la limitation des impressions et le tri des déchets notamment.

D'autre part, nous avons compensé les émissions de carbone résiduelles grâce au financement de projets et à l'achat de crédits carbone. Ainsi, sans attendre la fin de la PFUE, dès le mois de mars 2022, nous avons conclu une convention avec l'Office national des forêts (ONF) pour participer au financement de projets de préservation des forêts. Cette convention représente un investissement de 1,3 million d'euros correspondant à un total de 27 500 tonnes équivalent CO2. Par la suite, nous avons lancé un appel d'offres visant à compenser le solde des émissions par l'achat de crédits carbone liés à des projets situés dans la zone Afrique Caraïbes Pacifique (ACP). Plus précisément, nous avons un projet au Nigéria et un autre en Éthiopie, pour un montant total de 140 000 euros.

La prévision initiale des émissions de la PFUE 2022 s'élevait à 72 000 tonnes équivalent CO2, conformément à la loi de finances pour 2021. Cependant, après des travaux complémentaires, cette estimation a été revue à la baisse, fixée à 55 000 tonnes équivalent CO2. Finalement, les émissions réelles ont été évaluées à 41 000 tonnes.

Enfin, la PFUE 2022 a représenté un coût de 150 millions d'euros, soit un montant similaire aux dépenses de l'Allemagne et de l'Espagne.

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Je tiens à souligner les efforts consentis sur le plan budgétaire. Le constat d'une sous-budgétisation ne signifiait pas que nous n'avions pas dépensé assez d'argent mais qu'il importer de respecter les enveloppes budgétaires votées par le Parlement. Il est possible que nous ayons surestimé ces enveloppes lors de l'adoption des crédits, mais nous avons ensuite fait preuve de rigueur dans nos dépenses.

Je considère que notre présidence française a été bien calibrée en matière de maîtrise des coûts.

La commission autorise, en application de l'article 146, alinéa 3, du Règlement de l'Assemblée nationale, la publication du rapport d'information de Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteur spécial.

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mardi 30 mai 2023 à 17 heures 30

Présents. - M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Fabien Di Filippo, M. Luc Geismar, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Mohamed Laqhila, M. Pascal Lecamp, M. Mathieu Lefèvre, M. Denis Masséglia, M. Kévin Mauvieux, M. Michel Sala, M. Nicolas Sansu

Excusés. - Mme Marina Ferrari, M. Joël Giraud, Mme Karine Lebon, M. Jean-Paul Mattei