En 2009, la Cour des comptes exposait, dans un rapport demandé par le Sénat, une évaluation pour le moins critique de l'utilisation des crédits dédiés à l'organisation de la présidence française du Conseil de l'Union européenne en 2008. En tant que rapporteure spéciale de la mission Direction de l'action du Gouvernement, qui portait les crédits du programme 359 Présidence française du Conseil de l'Union européenne en 2022, j'ai décidé d'évaluer l'organisation et le coût de cet événement, ainsi que son dispositif de performance.
Pour assurer l'organisation de cette présidence, un secrétariat général de la Présidence française de l'Union européenne (SGPFUE) a été mis en place. Ce secrétariat a assuré un pilotage resserré des équipes dans les ministères afin de contraindre les dépenses. Cependant, la nomination du secrétaire général n'a eu lieu qu'à compter du 10 septembre 2020, ce qui ne lui a pas permis de participer pleinement à l'élaboration du budget avec les ministères.
Cette nomination tardive a eu une deuxième conséquence préjudiciable, à savoir la fragilisation des procédures de marchés publics. En effet, le temps alloué à la préparation des marchés publics a été largement réduit. Par exemple, les marchés relatifs aux accréditations n'ont pas pu être conclus aussi longtemps en amont qu'ils auraient dû. Bien que nous n'ayons pas eu de recours juridique, cela aurait pu être le cas. Par conséquent, je recommande que le SGPFUE soit nommé au moins deux ans avant le début du semestre de la présidence française.
Le rôle de ce secrétaire général n'était pas de préparer les négociations mais uniquement de coordonner l'organisation de la PFUE. Le secrétaire général a travaillé en collaboration avec de nombreux acteurs, tels que le secrétariat général aux affaires européennes, la représentation permanente de la France et le secrétariat général du Conseil de l'Union européenne, ainsi que les ministères directement impliqués dans l'organisation des événements. Les ministères ont ainsi été sollicités par la direction du budget dès le mois de février 2020. La synthèse de leurs demandes s'élevait à 172,7 millions d'euros, dont 35 millions d'euros pour la Présidence de la République. Le Premier ministre a ensuite arbitré une enveloppe globale de 150 millions d'euros. Finalement, les crédits disponibles avant le calcul de la réserve de précaution se sont élevés à 145,5 millions d'euros en AE et en CP.
Les services du Premier ministre ont apporté leur soutien au SGPFUE dans plusieurs domaines, tels que le transport, la commande publique et le calcul des émissions de carbone. En effet, le SGPFUE disposait d'une équipe relativement restreinte, pouvant compter jusqu'à 45 collaborateurs, et a pu réaliser des économies sur le recrutement grâce à la mise à disposition gratuite d'une partie du personnel par les ministères.
Les frais de fonctionnement ont toutefois atteint 960 000 euros, soit une augmentation de 92,6 % par rapport à 2008, en raison de la prise en charge de nouvelles activités telles que la coordination du transport des délégations, la traduction des publications du site internet ou le déploiement des agents de liaison. Bien que les événements aient pu se dérouler dans l'ensemble du territoire, leur grand nombre a conduit à affecter la lisibilité de la communication. En effet, 416 événements ont été organisés dans le cadre de la PFUE. Je regrette l'annonce tardive des priorités politiques retenues, alors qu'une annonce plus précoce aurait permis de limiter le nombre d'événements.
En ce qui concerne le coût des événements sur les exercices 2021 et 2022, les crédits consommés dans le cadre de l'action 1 Activités obligatoires et traditionnelles de la Présidence se sont élevés à 32,2 millions d'euros, correspondant à l'organisation de 38 événements : 8 manifestations en présence du Président de la République et 30 réunions ministérielles informelles.
Sur la même période, les crédits correspondant à l'action 2 Manifestations correspondant à l'initiative propre de la Présidence, s'élèvent à 51,1 millions d'euros pour l'organisation de 378 événements.
J'ai également relevé que le volet français de la conférence sur l'avenir de l'Europe avait été labellisé au titre des événements de la PFUE et avait donc été financé par le programme 359. Pour l'organisation de cette conférence, la direction du protocole du ministère de l'Europe et des affaires étrangères a eu recours aux services du cabinet Roland Berger pour un montant de 1,7 million d'euros. Néanmoins, l'objectif des événements organisés dans le cadre de la PFUE est de préparer les réunions formelles du Conseil.
Or cette conférence est un événement européen de consultation citoyenne porté par la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil. Il est donc bien plus large que la PFUE. Des événements relatifs à cette conférence ont d'ailleurs eu lieu en France dès 2021. Monsieur le ministre, pourquoi le volet français de cette conférence a-t-il été labellisé et financé par le programme 359 ?
J'ai également constaté que certaines dépenses ont parfois revêtu un caractère somptuaire au regard de la période de crise. C'est le cas notamment de la décoration des bâtiments du Conseil, qui a coûté 1 million d'euros, représentant ainsi 1 % des crédits exécutés sur le programme pour une installation temporaire.
Les dépenses de communication au sens strict s'élèvent à 3,5 millions d'euros. Parmi ces dépenses, le montant alloué à l'illumination de la tour Eiffel était d'un peu plus de 700 000 euros, financé à partir des crédits du programme 359, alors que ce poste de dépenses avait été pris en charge par le mécénat en 2008.
En 2022, le recours au mécénat a été limité au prêt de véhicules pour le transport des délégations, ce qui représentait 626 000 euros alors qu'il s'élevait à plus de 10 millions d'euros en 2008. Monsieur le ministre, pourquoi le recours au mécénat a-t-il été considérablement limité, alors que certains postes de dépenses onéreux, comme l'éclairage de la tour Eiffel, auraient pu ainsi être financés ?
Pour terminer sur les dépenses que j'aurais souhaité voir contraintes, j'évoquerai le coût des objets promotionnels et les cadeaux protocolaires, qui s'élèvent à plus de 1,2 million d'euros. Si la Finlande avait décidé de mettre fin à cet usage en raison de la récurrence des événements, je n'irais bien sûr pas jusque-là, mais je proposerai d'en limiter le nombre de bénéficiaires qui étaient nombreux en 2022 : ministres, collaborateurs, hauts fonctionnaires, journalistes, et j'en passe.
Nous venons d'examiner l'exécution de la mission Direction de l'action du Gouvernement pour l'année 2022, mais j'aimerais revenir plus en détail sur les raisons de cette sous-exécution massive.
En effet, sur la période 2021 à 1022, des crédits alloués au programme 359 ont été significativement sous-consommés - 32,4 % en AE et - 32,9 % en CP. La mise en place d'une réserve spéciale correspondant à 10 % des crédits disponibles sur les deux années, après application de la réserve légale de précaution, soit 14,4 millions d'euros, a contribué à accentuer la sous-exécution budgétaire. J'estime que les proportions décidées pour cette réserve auraient pu être plus adaptées en abaissant exceptionnellement le taux à 5 %, ce qui aurait permis de mieux calibrer l'enveloppe budgétaire votée par le Parlement.
L'Union européenne a également contribué au financement de la PFUE en subventionnant certaines manifestations, pour un montant de subventions global de 1,1 million d'euros, et en prenant en charge le financement de certains événements, comme le sommet avec l'Union africaine.
La sous-exécution s'explique enfin par un certain nombre de mesures d'économies, que je salue évidemment. En effet, outre le recours au mécénat pour le prêt de véhicules, certaines prestations comme le dessin de l'emblème de la PFUE, l'interprétation des réunions et la traduction des publications du site ont pu être internalisées.
J'en viens pour finir au dispositif de performance du programme 359, qui m'a certes paru plus abouti que celui de 2008, mais qui reste largement perfectible. Le programme 359 comportait deux objectifs : exercer une présidence durable de l'Union européenne et réussir l'organisation de la présidence.
En émettant 41 138 tonnes équivalent de CO2, c'est-à-dire moins que la cible estimée à 72 000 tonnes équivalent de CO2, l'objectif d'exercer une présidence durable a été atteint. La satisfaction globale a été établie par une note de 4,2 sur 5, soit un résultat inférieur à la cible fixée à 4,5 et à la note obtenue en 2008.
Le coût moyen par participant pour les réunions ministérielles informelles et les conférences ministérielles s'élève à 1 909 euros, légèrement inférieur à la cible, qui était fixée à 2000 euros.
Néanmoins, je regrette sincèrement l'absence d'un objectif de performance relatif à l'impact politique de la PFUE. Si le bilan de la PFUE semble être positif compte tenu de l'adoption d'un grand nombre de textes, aucun indicateur n'a permis de quantifier ce bilan. Les dépenses de communication au sens strict ont représenté 3,5 millions d'euros. Les crédits dépensés dans le cadre du programme 359 ont atteint 100 millions d'euros pour cette PFUE sur les deux exercices 2021 et 2022.
Pour autant, dans son rapport final, le SGPFUE constate que la présidence n'est pas un objet politique en soi pour un grand nombre de Français. J'estime donc primordiale la mise en place de de deux indicateurs de performance : le premier pour mesurer le taux de mise en œuvre des priorités politiques annoncées par la présidence et le second pour connaître la perception par les Français de la PFUE.