M. le ministre a rappelé que la mission Pouvoirs publics présente un caractère particulier en raison du principe de séparation des pouvoirs. En effet, elle englobe les dotations d'institutions relevant de l'exécutif, telles que la Présidence de la République, ainsi que d'institutions juridictionnelles telles que le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République, en plus des dotations des assemblées parlementaires.
En tant que rapporteure, il est de mon devoir de trouver un équilibre entre la séparation des pouvoirs et mon obligation de rendre des comptes aux citoyens sur le budget des institutions. Néanmoins, la séparation des pouvoirs ne saurait justifier que les institutions transmettent des informations partielles à la commission des finances.
Je souhaite débuter mon intervention en soulignant l'impératif d'information sur notre budget, tant vis-à-vis des parlementaires que de nos concitoyens. Les institutions doivent faire preuve d'exemplarité en matière de transparence. Cela constitue l'un des piliers de notre démocratie et de la confiance des citoyens dans la vie publique. Cette confiance est malheureusement déjà abîmée, notamment en raison d'affaires qui concernent la mission Pouvoirs publics, telles que le recours à des cabinets de conseil pour des montants importants et des résultats pour le moins obscurs.
Je constate que nous sommes encore loin d'atteindre les objectifs en matière de transparence, malgré les alertes. J'ignore si vous avez eu l'occasion de consulter le rapport d'exécution de la mission avant notre réunion, mais la teneur des informations qu'il contient est plutôt décevante dans l'ensemble.
Je regrette notamment que le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République aient publié très peu d'éléments. Il en va de même pour l'Assemblée nationale et le Sénat, bien que je suppose que cela soit lié à la remise tardive du rapport des questeurs des deux assemblées sur l'exécution des comptes 2022, au regard de la date de publication du rapport annuel de performances. Je m'autorise donc cette alerte générale sur la qualité des informations qui me sont transmises.
J'en viens à l'exécution des crédits. Concernant l'exécution du budget de l'Assemblée nationale, la dotation annuelle avait été fixée à 552 millions d'euros pour 2022. Elle est en progression de 6,7 % par rapport à 2021, dans le contexte du renouvellement de l'Assemblée nationale. Le budget adopté par le bureau de l'Assemblée nationale pour 2022 prévoyait un total de dépenses de 609 millions d'euros, soit une augmentation de 8,2 % par rapport au budget initial de 2021. Le budget exécuté s'est établi à 604 millions d'euros, ce qui représente 99,2 % du budget initial. Le déficit budgétaire donc a été moins important que prévu, principalement en raison de recettes propres plus élevées correspondant à la restitution des soldes d'avance des frais de mandat de la législature précédente.
Il convient de souligner que la hausse des recettes propres est de nature éminemment conjoncturelle et qu'une telle configuration ne pourra pas se reproduire, sauf en année électorale. Il ne faudrait donc pas compter dessus pour les prochaines années. Ensuite, il est préoccupant de constater que les réserves continuent de s'éroder. Elles s'élevaient à 278 millions d'euros au 31 décembre 2021, puis sont passées à 253 millions d'euros au 30 juin 2022 et à 204 millions d'euros fin 2022. Cette trajectoire inquiétante nécessite une réflexion urgente sur une nouvelle augmentation de la dotation de l'État. Enfin, en ce qui concerne les effectifs, le nombre de personnels statutaires continue de diminuer dangereusement. Selon le rapport des services de l'Assemblée nationale, il y aurait eu 864 personnels statutaires en 2022, contre 1 026 en 2018. On pourrait arguer que l'embauche de personnel contractuel est en hausse, mais cela ne me rassure pas, bien au contraire. J'avais d'ailleurs déjà attiré l'attention de la questure sur le recours croissant aux contractuels, et il est évidemment urgent d'organiser des concours.
En ce qui concerne la Présidence de la République, le budget exécuté est plus important que le budget prévisionnel. L'institution le justifie par le contexte d'inflation élevée et la hausse des prix de l'énergie, qui pèsent également sur les dépenses de fonctionnement, ainsi que par la progression des dépenses de déplacement, qui ont augmenté de 53 % en CP. Les seules dépenses liées aux déplacements diplomatiques ont notamment été multipliées par deux en CP.
Par ailleurs, il est difficile de justifier devant les citoyens une augmentation du budget de l'Élysée en raison de l'inflation, alors nombre d'entre eux font actuellement face à une hausse des prix sans que leurs salaires soient revalorisés. Ce constat vaut également pour les collectivités locales, dont les dotations ne sont pas revalorisées.
Pour le Conseil constitutionnel, je vous signale tout d'abord que les dépenses de fonctionnement ont été trois fois supérieures à ce qui était prévu, soit une augmentation de 14 % par rapport à 2021. Le Conseil constitutionnel m'a répondu que cette augmentation était due à l'inflation et à la hausse des prix de l'énergie, ainsi qu'à la reprise des audiences délocalisées à Marseille après deux années de suspension en raison de la crise sanitaire. Par ailleurs, les dépenses destinées à financer les activités du Conseil constitutionnel liées aux élections présidentielles et législatives n'ont pas toutes été réglées. Le Conseil constitutionnel m'a informé qu'il attendait une indemnisation de 17 000 euros pour les magistrats délégués par l'institution dans le cadre du contrôle de l'élection présidentielle, en raison d'un retard dans la soumission des pièces justificatives.
Je signale enfin que la dotation allouée à la Cour de justice de la République s'élevait à 984 000 euros en 2022, soit une augmentation de 1,9 % par rapport à 2021. Les dépenses se sont élevées à 911 703 euros, ce qui représente un taux de consommation de 92 %. La formation de jugement s'est réunie une seule fois, en octobre 2022, dans le cadre de l'affaire Kader Arif.
Pour conclure, je n'ai pas de question précise à poser à monsieur le ministre, qui me répondrait probablement que cette mission ne relève pas de ses compétences. Cependant, ma préoccupation principale concerne aujourd'hui le budget de l'Assemblée nationale et l'avenir de la dotation annuelle.