La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
L'ordre du jour appelle le débat sur l'impact de l'écologie punitive sur l'inflation et le pouvoir d'achat.
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement ; nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
La parole est à M. Pierre Meurin.
« Tout l'enjeu de l'écologie enracinée, c'est la transmission : la transmission aux générations futures d'un patrimoine plus beau, plus riche et plus vivant. » Belle vision de l'écologie, qui tranche avec l'écologie punitive ! Ces propos sont ceux de Marine Le Pen lors de la campagne pour l'élection présidentielle de 2022 : le Rassemblement national croit au progrès continu de notre civilisation pour relancer la croissance et au génie de l'innovation pour rendre plus propres notre économie, nos mobilités, notre alimentation et, plus largement, notre quotidien. Cette stratégie doit se fonder sur le localisme, la lutte contre le dumping environnemental et social et le retour d'un État stratège qui protège notre économie contre un libre-échangisme sans foi ni loi et ultracarboné en raison des flux qu'il induit. Le génie de l'innovation doit également permettre enfin à notre nation de retrouver sa souveraineté industrielle et agricole et d'en finir avec une écologie punitive largement responsable de la grande braderie de nos fleurons nationaux.
L'écologie punitive, c'est l'histoire d'une vaste escroquerie politique que j'illustrerai de plusieurs exemples. L'écologie punitive, c'est, par exemple, l'histoire d'une idéologie antinucléaire, à cause de laquelle nous consommons aujourd'hui de l'électricité produite dans des centrales à charbon – celle que nous avons rouverte ou celles, allemandes, dont nous importons l'électricité. En 2022, nous avons ainsi acheté pour 7 milliards d'euros de cette électricité ultracarbonée alors que, par le passé, nous étions largement exportateurs. Résultat d'alliances politiques que l'on pourrait qualifier de scélérates entre les socialistes et les écologistes sous Jospin, Hollande et, évidemment, Macron, la soumission à l'idéologie antinucléaire a d'ailleurs conduit à la fermeture de Superphénix, fleuron français du nucléaire, en 1996, puis à celle de la centrale de Fessenheim en 2018. Le résultat est catastrophique : au nom de l'écologie punitive, vous avez abîmé notre souveraineté énergétique et diminué le pouvoir d'achat des Français, qui payent aujourd'hui la facture du marché européen de l'électricité et de l'importation d'électricité carbonée.
Mais l'écologie punitive, ce sont aussi des mécanismes moins avouables. C'est ainsi, par exemple, l'histoire d'un gouvernement et d'écologistes promouvant des éoliennes gigantesques qui sont imposées à la France des clochers et de la ruralité au nom du respect de prétendus engagements climatiques, qui ne sont en réalité promus que par des lobbys étrangers – au premier rang desquels des lobbys allemands –, alors que, grâce au nucléaire, notre électricité est la plus décarbonée d'Europe. La fabrication des éoliennes nécessitant du balsa, arbre d'Amazonie, elle contribue aussi à la déforestation de cette région. Les éoliennes contribuent de plus à l'artificialisation des zones agricoles et naturelles et dénaturent les paysages. Votre incapacité totale à prévoir l'avenir a aujourd'hui des conséquences sur les factures des particuliers et des entreprises : deux boulangeries de ma circonscription du Gard ont déjà fermé depuis le début de l'année.
L'écologie punitive, c'est encore la fermeture de 40 000 kilomètres de petites lignes de train par l'État ces cinquante dernières années, entraînant une utilisation massive de la voiture individuelle que l'on souhaite aujourd'hui punir. On nous parle désormais de relance du ferroviaire : comprenne qui pourra ! Car l'écologie punitive, ce sont aussi les fameuses zones à faibles émissions (ZFE) qui, d'une certaine manière, assurent la promotion des voitures électriques ou hybrides rechargeables. Mais, puisque nous parlons d'écologie, ces véhicules sont-ils moins polluants et leur cycle de vie est-il vertueux ? Permettez-nous d'en douter : les voitures électriques sont largement produites par la Chine, leurs batteries fabriquées à l'aide d'un cobalt extrait à 80 % de mines artisanales dangereuses situées en République démocratique du Congo et détenues à 90 % par la Chine. Je voudrais ici avoir une pensée pour les 40 000 enfants mineurs qui y travaillent.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Des effondrements provoquent toutes les semaines des accidents mortels, mais comme c'est loin de chez nous, on s'en lave les mains : la transition écologique bobo-urbaine ne s'intéresse pas à ces incidents se déroulant à des milliers de kilomètres de chez nous.
Accessoirement, de tels choix stratégiques nous ont fait perdre notre souveraineté industrielle et menacent 200 000 emplois en France dans l'industrie automobile, notamment le tissu des garages dans les zones rurales. En outre, nous craignons que les ZFE n'aient une double incidence sur le pouvoir d'achat des Français les plus modestes : comme ils n'ont pas les capacités financières d'acheter des voitures qui coûtent en moyenne 50 000 euros, ils sont verbalisés à hauteur de 68 euros lorsqu'ils circulent avec leur véhicule dans une ZFE. C'est un véritable scandale, qui découle de la décision politique d'ériger un mur entre deux France qui ne se parlent plus : la France des zones urbaines et celle des zones rurales, qui a besoin de lien social et d'intermodalité et non de normes, de punitions, d'infantilisation et de stigmatisation. Monsieur le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, prenez-en acte.
L'écologie punitive est donc une idéologie qui conduit en réalité à punir les Français les plus modestes, qui vivent majoritairement en zone rurale. C'est une idéologie qui écarte toute idée de progrès et qui, en renonçant à l'innovation, condamne notre pays à la décroissance. C'est une idéologie qui entretient la peur et, partant, pourrait figer la société en l'habituant au fatalisme du déclin.
Nous croyons, au contraire, au génie de notre pays et en ses capacités à innover. Non seulement par votre incapacité à investir dans des innovations comme l'hydrogène vert, produit grâce à nos centrales nucléaires, et à les organiser, mais aussi par votre décision d'indexer les prix de l'électricité sur ceux du marché européen, vous témoignez d'une absence totale de vision pour notre pays tout en étant responsables de l'abaissement du pouvoir d'achat des Français. Aujourd'hui, le Rassemblement national est prêt à déployer une politique vraiment ambitieuse pour le soutenir : il est temps que nous débattions de ce sujet et, surtout, que nous arrivions au pouvoir pour mener enfin des politiques ambitieuses de long terme qui traduisent notre vision de la France.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Christophe Naegelen applaudit également.
Je vais vous parler de Sadia, cette commerçante du quartier du Mirail, à Toulouse, dans ma circonscription, qui m'a récemment écrit pour me faire part de sa situation. Voici son courrier : « Monsieur le député, je tiens à vous faire ce témoignage concernant la grande difficulté dans laquelle me met la ZFE. Je dois faire des trajets en dehors de Toulouse pour acheter mes matières premières. Ma voiture est une Clio 2 MTV Crit'Air 4, ce qui fait que, théoriquement, je n'ai plus le droit de circuler dans certains endroits de l'agglomération de Toulouse. Ma mère peut me prêter sa voiture, une Citroën C4 Crit'Air 3, qui elle sera interdite au 1er janvier prochain. Me voilà dans une situation bien délicate où je dois vendre à court terme ma voiture, donc, et en racheter une nouvelle. Je tiens à dire que ça peut paraître bête, mais je suis attachée à ma voiture, car c'est l'endroit où je passe le plus de temps après ma boutique et mon appartement. Et vous savez comme moi le temps que l'on peut passer dans les bouchons dans le périphérique toulousain. »
Effectivement, chers collègues, les automobilistes toulousains passent chaque année l'équivalent de cinq jours dans les embouteillages !
Sadia poursuit ainsi son courrier : « Entre les charges d'électricité, l'inflation, voici que nous tombe dessus la ZFE ! Je n'ai rien contre l'écologie, mais comment fait-on ? Pour acheter une voiture électrique, j'ai vu qu'avec mes revenus et malgré les aides, il fallait que j'avance 6 000 euros. Je ne les ai pas, il va falloir que je fasse un crédit à la consommation, mais j'en ai déjà un en cours. Bien sûr, j'ai regardé au niveau des transports en commun, mais les zones où je dois aller sont mal desservies et les prix ne cessent d'augmenter à Toulouse. Je suis donc à cette heure sans solution. »
Le témoignage de Sadia ressemble à celui de beaucoup d'autres habitants de Toulouse et d'autres villes, qui vivent la zone à faibles émissions plutôt comme une zone à forte exclusion. Sur le papier, les objectifs des ZFE étaient louables, quand on sait que 48 000 personnes en moyenne meurent chaque année de la pollution de l'air extérieur à laquelle participe le trafic routier. Mais la manière dont elles ont été instaurées incarne ce que vous nommez, cher collègue du Rassemblement national, « l'écologie punitive » – à tort, d'ailleurs, me semble-t-il. Vous avez beaucoup tourné autour du pot, mais il s'agit en réalité tout simplement d'une politique néolibérale, capitaliste, de surconsommation en matière de transports : chacun pour soi et Jupiter pour tous – enfin, si toutefois il le veut bien, et ce n'est pas souvent, comme nous avons pu le constater s'agissant de la taxe carbone contre laquelle se sont élevés les gilets jaunes.
Pour parler d'un cas que je connais bien, ceux qui ont imposé la ZFE à Toulouse sont parfois ceux qui rêvaient, il y a peu, d'une seconde rocade – c'est le cas du maire de Toulouse –, ou qui plaident aujourd'hui pour la construction d'une autoroute pour relier la ville à Castres. Ce projet, qui créerait des dégâts écologiques importants pour un très faible gain de temps, est vécu comme une punition par les riverains, notamment les agriculteurs qui voient leurs exploitations détruites, et par nous tous qui voyons des arbres, des haies, des cours d'eau, des zones humides et, plus largement, le vivant dans son ensemble, piétinés.
Qu'ont anticipé les décideurs ces dernières années, à Toulouse et ailleurs, en prévision de la création des ZFE ? Rien, ou si peu ! Comment se passer de sa voiture lorsqu'on habite loin de son emploi, notamment parce que la prévalence des résidences secondaires et la spéculation rendent les logements inaccessibles en ville ? Pourquoi faire des efforts quand l'État abreuve d'argent des secteurs qu'il faudrait rediriger, comme l'aviation, le tourisme intensif ou l'extraction pétrolière, sans exiger la moindre contrepartie écologique ? Pourquoi voter contre l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) climatique, comme le fait le Rassemblement national, lorsque l'on sait que 1 % des plus riches polluent soixante-six fois plus que les 10 % les plus pauvres ?
Seule une planification écologique réellement systémique, comme celle que nous avons pensée, peut nous permettre de sortir de l'ornière : c'est la société dans son ensemble qui doit créer les conditions de la bifurcation écologique. Les efforts doivent être proportionnels aux revenus – un point que vous n'avez jamais mentionné, monsieur Meurin. La création d'un conseil à la planification écologique permettrait, en outre, d'éviter de déployer des mesures insuffisamment préparées ou volontairement improvisées. Il serait chargé d'élaborer la synthèse nationale des consultations décentralisées, pour aboutir à une loi de planification écologique qui détaillerait, secteur par secteur, la programmation budgétaire pluriannuelle des investissements nécessaires et les financements correspondants. Ce conseil serait aussi responsable du rapport annuel de suivi des objectifs, présenté au Parlement et devant les citoyens. Bref : en matière écologique comme dans les autres domaines, gouverner, c'est prévoir.
L'écologie positive, oui ; l'écologie punitive, non. Du reste, l'écologie n'appartient en propre à aucun parti politique, puisqu'elle constitue un devoir pour chacun d'entre nous. Alors que nous l'avons souvent opposée au pouvoir d'achat, autre préoccupation majeure des Français, il nous faut désormais prouver à nos concitoyens que ce dernier peut et doit être favorisé par un modèle positif d'écologie.
Osons parler clairement : au cours des dix dernières années, les gouvernements successifs, désireux de complaire à la bien-pensance écologiste, ont recouru à l'écologie punitive plutôt qu'à l'écologie positive. Ce choix explique en partie la baisse actuelle du pouvoir d'achat. La scandaleuse politique antinucléaire menée depuis dix ans a sabordé une filière industrielle tout entière et mis en péril notre souveraineté énergétique, avec des conséquences désastreuses tant pour les entreprises que pour les Français eux-mêmes. L'écologie punitive, c'est toujours plus de taxes, plus de normes, dont l'excès dans les domaines agricole et industriel pénalise les forces vives de notre pays, lequel perd en compétitivité. Le paradoxe ne s'arrête pas là : nous importons des antipodes des produits dont la fabrication ne respecte aucune des normes draconiennes que nous imposons à nos propres industriels et agriculteurs !
Cerise sur le gâteau : l'hallucinant projet de rénovation thermique des bâtiments prôné par l'Union européenne entraînera la faillite du secteur de l'immobilier, ainsi que de bon nombre de nos concitoyens qui, faute de moyens suffisants pour faire réaliser les travaux exigés, verront leur bien dévalué. L'aveuglement des pouvoirs publics, qui continuent de vouloir imposer, de manière non démocratique, une stratégie énergétique inefficace et coûteuse pour nos concitoyens, n'a que trop duré. Non seulement les écologistes et leur dangereuse idéologie n'apportent aucune réponse, mais ils nous entraînent sans doute encore plus avant dans le précipice de l'inflation. Osons le dire : dans la baisse du pouvoir d'achat des Français, ils portent une lourde responsabilité. Stop à l'écologie de la décroissance !
En tant que parlementaires, notre propre responsabilité est immense : nous devons définir une autre approche de l'écologie, une écologie qui repose sur la science, qui croit au progrès, aux nouvelles technologies, à la recherche et développement,…
…une écologie novatrice, tournée vers le futur, une écologie de l'enracinement, attentive à l'identité de chacun de nos terroirs ; une écologie proche de l'agriculture et de l'industrie, capable de véhiculer la singularité française et européenne, en résumé une écologie de bon sens.
L'écologie est-elle toujours punitive ? La vertu environnementale a-t-elle toujours des conséquences négatives pour le consommateur, est-elle obligatoirement inflationniste ? Non, évidemment, et je vais vous le démontrer. L'impact de l'écologie sur l'économie dépend des mesures concrètes qui sont prises : le législateur a donc toute latitude pour concilier, d'une part, la vertu environnementale, d'autre part le pouvoir d'achat et la compétitivité des entreprises, en particulier dans le secteur de l'industrie, le plus soumis à une concurrence déloyale.
C'est le chemin que nous traçons lorsque nous votons des textes portant sur l'accélération de la production d'énergies nucléaire ou renouvelables : la simplification d'aujourd'hui entraînera demain une réduction des coûts de production et une énergie moins chère. Au contraire, des mesures strictes, impliquant une augmentation des coûts pour les entreprises et les consommateurs, pourraient déboucher sur une hausse de l'inflation et par conséquent une baisse du pouvoir d'achat, raison pour laquelle il convient de les proscrire. Nous devons cependant noter que les mesures écologiques ne sont pas nécessairement coûteuses et peuvent même permettre de réaliser des économies à long terme : les technologies moins énergivores, par exemple, sont plus propres et réduisent la facture des ménages. Qui, dans cet hémicycle, s'aviserait de regretter que les normes environnementales aient conduit à la production de voitures qui consomment moins de carburant – environ 6 litres aux 100 kilomètres pour une Renault Megane, contre 9 litres, il y a trente ans, pour une Renault 19 ? Ici, les normes font gagner du pouvoir d'achat !
Il convient également de favoriser les politiques écologiques qui ne se contentent pas de sanctionner les comportements nuisibles, mais encouragent les comportements vertueux. De manière générale, notre philosophie nous commande d'appliquer une écologie d'accompagnement qui ne laisserait pas les classes moyennes sur le bord de la route, une écologie inclusive, en somme. Entre autres incitations fiscales, la prime à la conversion des véhicules, qui peut atteindre 5 000 euros et dont 280 000 ménages ont bénéficié en 2021, incite les propriétaires de voitures thermiques à les remplacer par des modèles électriques. MaPrimeRénov' constitue un dispositif par l'intermédiaire duquel l'Agence nationale de l'habitat (Anah) indique avoir contribué l'an dernier à la rénovation énergétique de 720 000 logements. Dans ce dernier cas, 3,4 milliards d'euros d'argent public ont généré 9,9 milliards de travaux permettant d'économiser chaque année 5,2 térawatts ; depuis 2020, 1,4 million d'habitations ont été rénovées grâce à ce cercle vertueux où les aides publiques entraînent la mobilisation des fonds privés.
Autres exemples – car on ne pourrait citer toutes les mesures en cause : les tarifs sociaux de l'électricité et du gaz, auxquels sont éligibles plus de 4 millions de ménages modestes ; les boucliers tarifaires concernant l'énergie ou le carburant ; les écochèques distribués par les entreprises et dont ont bénéficié 4 millions de salariés en 2021. Encore une fois, comme le prouvent ces dispositifs, il est possible de conduire une politique écologique qui, loin de pénaliser les consommateurs, leur fasse réaliser des économies. Certes, la vertu environnementale peut également avoir un prix, mais qui déplorerait l'interdiction en 2016 des sacs plastiques distribués gratuitement dans les magasins ? Ils ont été remplacés par des sacs réutilisables facturés 1 euro – un coût de 2 euros par an pour une personne qui le renouvellerait une fois : autant dire que les conséquences de cette mesure sur le pouvoir d'achat restent très limitées, tandis qu'elle a permis de réduire significativement la pollution plastique et d'encourager les comportements écoresponsables.
La greenflation – l'inflation résultant de la transition écologique – peut devenir notre alliée en vue d'assurer la réussite de cette même transition, pourvu que nous arrivions à créer de la croissance et de l'emploi grâce aux activités liées à celle-ci. La révolution industrielle a fait émerger de nouveaux métiers, de nouvelles richesses pour la société : une révolution verte aboutira au même résultat, à condition d'investir à bon escient. Si le respect de nos objectifs climatiques ne doit pas nous faire délaisser la cause du pouvoir d'achat des Français, la croissance verte trace à chacun un chemin d'espoir.
L'impact de l'écologie punitive sur l'inflation et le pouvoir d'achat constitue un thème de débat non moins surprenant qu'orienté. L'idéologie politique sous-jacente est claire : suprématie de l'argent, prédation de l'homme par l'homme, domination d'une minorité de possédants et soumission de la très grande majorité des peuples subissant une mondialisation qui les méprise et les avilit. Nous pouvons ainsi considérer cette idée reçue comme populiste, suivant la définition du populisme par Aimé Césaire : « une pratique à base de négativisme », « la culture systématique de tous les mécontentements, même les plus minimes, l'exploitation éhontée de toutes les aigreurs, de toutes les impatiences, de toutes les irritations même les plus injustifiées ou les plus épidermiques, avec pour but la déstabilisation ou la démoralisation de tout un peuple ainsi rendu perméable à tout catastrophisme et disponible pour tout catastropheur ».
Afin de bien comprendre cette qualification, une exégèse de cette affirmation péremptoire, dénuée de toute humanité et de toute universalité, s'impose. Étymologiquement, l'écologie est l'étude de l'habitat : au sein d'un écosystème interdépendant et durable, protéger son habitat, c'est protéger l'homme : il faut protéger la nature pour protéger l'homme, protéger l'homme en protégeant la nature. On ne peut dissocier l'homme de la nature ni la nature de l'homme. C'est donc un mot noble que l'écologie, qui se trouve pourtant accolé à l'adjectif « punitif », un mot fort qui renvoie à l'idée de faute, de culpabilité, de condamnation. Quel paradoxe, quelle contradiction, quel contresens que de vouloir associer ces deux mots et faire croire qu'il existe vraiment une écologie punitive ! La véritable punition, certes sévère, irréversible, serait le châtiment de notre inaction face à la destruction, dans un assourdissant silence, de notre habitat naturel !
Prenons l'exemple de la Martinique. Ce territoire insulaire exigu, plein de vie, est en butte à la montée des eaux, qui gagnent en moyenne un mètre chaque année ; les populations résidant sur le littoral doivent être déplacées, mises à l'abri, et le phénomène s'accélère. Les sécheresses deviennent plus intenses : en 2080, les précipitations auront diminué de 10 à 15 %. Le dépérissement des coraux, l'augmentation et l'intensification des catastrophes naturelles, l'acidification des océans, sont des conséquences déjà très visibles de la détérioration de notre écosystème. Ce qui est punitif, c'est de s'abstenir de réguler, de laisser libre cours aux activités humaines, industrielles, comme dans le cas de l'empoisonnement au chlordécone, d'ailleurs assez révélateur : pendant des dizaines d'années, l'État et les grands planteurs ont fermé les yeux sur les effets dévastateurs de cet insecticide, en vertu d'une logique productiviste fondée sur le profit et au détriment de la santé, du social, de l'environnement, voire du développement économique.
Ce serait du reste un contresens économique que de ne pas préserver nos richesses naturelles de l'épuisement, de les priver de la possibilité de se renouveler, en ne cherchant pas d'autres solutions. Il est vrai que vous n'en êtes plus à une contradiction près : affirmer qu'il existe un impact de l'écologie punitive sur l'inflation et le pouvoir d'achat revient à laisser entendre que l'écologie serait une cause des difficultés des ménages. Quelle logique, quelle conclusion irréfléchie et simpliste ! Autant couper les quatre pattes à une grenouille, lui ordonner de sauter et, comme elle ne bouge pas, en déduire que la perte de ses pattes l'a rendue sourde – sans jamais regarder ni les problèmes ni leurs causes réelles, profondes.
C'est tromper le peuple que de le manipuler contre lui-même. Votre discours est manifestement au service d'un ultralibéralisme qui privilégie le consumérisme, le matérialisme, l'argent – lequel devrait constituer un moyen et non un but –, aux dépens du bien-être, du bien-vivre ensemble, de l'épanouissement individuel et collectif, du progressisme. Ce qui a vraiment un impact punitif sur le pouvoir d'achat des masses populaires, c'est le fait que l'inégale répartition de la richesse créée s'opère au détriment de la grande majorité des peuples et au bénéfice d'une catégorie très restreinte de privilégiés. Le concept d'écologie punitive relève de l'inconscience, de l'irresponsabilité politique, de l'atrophie du cortex cérébral : comment l'homme pourrait-il se sauver de lui-même sans sauver la nature dont il fait partie ?
D'une manière sournoise, dangereuse, ce concept tente donc de renverser l'échelle de nos valeurs. Pour cette raison, nous nous devons, en termes d'éthique politique, de rappeler que le progrès au sens humain et écologique du terme passe par un changement de nos comportements, de notre mode de vie, si nous ne voulons pas disparaître, si nous voulons transmettre à nos enfants une espérance, la perspective d'un avenir meilleur, ainsi qu'un habitat naturel protégé, c'est-à-dire d'un monde préservé et encore vivable.
Mme Marie Pochon applaudit.
L'extrême droite ne nous surprend pas. Elle nous parle d'écologie punitive alors qu'en matière d'écologie, la plus grande punition, le plus grand danger, serait l'inaction. Dans un monde où la température aurait augmenté de 4 degrés Celsius, l'humanité tout entière serait exposée à une insécurité alimentaire sans précédent, des zones géographiques abritant plus d'1 milliard d'habitants deviendraient invivables à l'air extérieur les deux tiers de l'année, compte tenu de températures extrêmes, et les risques liés aux catastrophes naturelles seraient décuplés – tout comme, plus structurellement, les risques pesant sur notre approvisionnement en eau ou sur la survie d'une grande partie du monde naturel.
Collectivement, nous payons déjà le prix fort de notre dépendance aux énergies fossiles. Plus de 6 millions de personnes meurent prématurément chaque année dans le monde à cause de la pollution atmosphérique. C'est deux fois plus que la somme des morts du sida, de la tuberculose et du paludisme ! Face à ces chiffres édifiants, vous nous proposez, chers collègues, de débattre aujourd'hui de la légitimité des mesures de transition écologique. Car, derrière le terme d'écologie punitive que vous employez, ce sont toutes les données scientifiques et médicales que vous ignorez sciemment. Vous opposez l'écologie à la santé publique, vous opposez l'écologie au bien-être des populations, vous opposez l'écologie à la survie de notre monde.
Au contraire, nous œuvrons pour une écologie humaniste : une écologie au service de l'homme et progressiste qui, dans un esprit de justice sociale, nous permettra de respecter nos engagements internationaux et de nous adapter aux contraintes physiques de notre environnement. C'est le sens de notre action. Outre les incitations fiscales évoquées par notre collègue Romain Daubié, notre écologie accompagne les ménages, s'agissant notamment des ZFE. Nous avons de nouveau augmenté le bonus écologique pour l'achat d'un véhicule électrique, bonifié la prime à la conversion et expérimenté le prêt à taux zéro pour l'achat d'un véhicule propre. Rappelons que le secteur du transport est le premier émetteur de gaz à effet de serre sur le territoire national.
Autre exemple : nous avons décidé de faire un pas de plus en faveur de la rénovation énergétique en mettant fin aux passoires thermiques. Dans ce domaine également, le Gouvernement a mis en place des mesures d'accompagnement : 2 milliards d'euros pour la rénovation des bâtiments privés avec MaPrimeRénov, 4 milliards pour la rénovation des bâtiments publics et 500 millions pour le locatif social. En 2019, avec la loi relative à l'énergie et au climat, nous étions l'un des tout premiers pays au monde à inscrire dans la loi un objectif de neutralité carbone.
En agissant comme nous le faisons, de manière pragmatique, et en accompagnant la transition partout où cela est nécessaire, nous avons réussi, au-delà de l'objectif de neutralité carbone, à réduire nos émissions de près de 2 % chaque année depuis 2017. Si nous voulons tenir nos engagements, ce rythme doit plus que doubler ! Alors, plus que jamais, nous devons agir avec force pour réduire au plus vite nos émissions et amplifier la planification écologique dans tous les secteurs, loin du déni et des caricatures, chers collègues.
Notre planète brûle et que fait le Rassemblement national ? Il accuse les pompiers.
Pour le Rassemblement national, chers collègues, le problème n'est pas la crise écologique, c'est l'écologie. De quoi parle-t-on au juste ? Pour qu'il y ait écologie punitive, il faudrait déjà qu'il y ait écologie ! Réprimer les associations et collectifs écologistes, est-ce de l'écologie ? Les promesses de réautorisation des pesticides sont-elles de l'écologie ? Un État doublement condamné pour inaction climatique fait-il de l'écologie ? Il n'empêche : le débat doit être posé à l'Assemblée, ne serait-ce que parce qu'il se pose pour nombre de nos concitoyens. Et les écologistes, contrairement à d'autres, n'ont jamais peur du débat. Nous, écologistes, assumons et le disons avec clarté : oui, notre écologie est punitive.
Oui, notre écologie punit les responsables politiques qui, endormis par les lobbys, se sont résignés à l'idée que la politique ne peut rien changer et gèrent leur communication greenwashée à coups de sommets sans lendemain et de slogans issus de notes de McKinsey.
Oui, notre écologie punit les dictatures qui profitent de notre dépendance choisie à leurs hydrocarbures pour mettre à mal la démocratie, la paix et les droits humains. Et oui, mille fois oui, notre écologie punit les multinationales qui exploitent la planète comme les gens, ferment des usines entre deux trajets en jet privé et accumulent les superprofits impunément en détruisant les sols, les corps, notre eau et notre air. Je vois ici celles et ceux que cette écologie gêne, celles et ceux qui ne voudraient pas déranger ces grands intérêts et qui en prennent leur parti, alors même qu'ils mettent notre avenir à toutes et tous en danger ! Dites-le : cela ne vous dérange pas que soixante-trois personnes en France puissent être responsables d'autant d'émissions de CO
Alors oui, notre écologie punit les plus puissants que certains d'entre vous prétendent combattre tout en les laissant prospérer sur la précarité, les inégalités et la destruction du vivant. Mais notre écologie, contrairement à vous, ne punira jamais les Français. Depuis trop longtemps, des responsables politiques ont fait le choix de dissoudre l'héritage du Front populaire comme du Conseil national de la Résistance. En fermant des lignes de transport express régional (TER), des écoles et des maternités, en éloignant les centres de décision, en dépossédant les conseils municipaux de leurs pouvoirs, en fermant les yeux sur la disparition des petits commerces comme des petites exploitations agricoles paysannes, ils ont fait le choix de punir celles et ceux « qui ne sont rien » et qui, quand ils traversent la rue, trouvent en face d'eux un local commercial vide, un bureau de poste ouvert deux heures par jour ou un champ de blé asséché.
Car s'il y a des responsables, il y a aussi bien évidemment des victimes : les Françaises et les Français qui, à cause de décisions parisiennes hors-sol, doivent de plus en plus souvent renoncer aux soins, à la culture, au sport, à la citoyenneté – bref, à la vie ! À ces Françaises et à ces Français, vous ne ferez plus croire que nous sommes les grands méchants. Ayez du courage. Allons vers eux et demandons-leur : se sentiraient-ils punis si nous faisions revenir le train du quotidien, les médecins ou l'école ? Se sentiraient-ils punis si nous entendions de nouveau chanter les oiseaux, bourdonner les libellules et les abeilles dans nos campagnes ? Se sentiraient-ils punis si nous fondions notre modèle agricole sur des exploitations paysannes produisant des aliments de qualité, locaux, respectueux des écosystèmes et permettant une juste rémunération ? Se sentiraient-ils punis si, au lieu d'une France couverte d'entrepôts Amazon et de zones commerciales pleines de produits soldés made in China, nous revenions à cette France fière de son tissu de PME, d'artisans, de son économie et de ses emplois locaux ? J'ai l'espoir et l'audace de croire que ça ne serait pas le cas.
Notre écologie, c'est celle qui répare par l'égalité, car elle met fin à la relégation de territoires méprisés et oubliés. Notre écologie, c'est celle qui répare par la justice car, en empêchant l'effondrement écologique, elle est la seule protection des droits de toutes et tous, aujourd'hui et demain. Notre écologie, c'est celle qui répare la beauté de nos territoires en protégeant nos montagnes, nos lacs, nos rivières, nos forêts, loin des grandes zones commerciales qui polluent nos paysages et détruisent nos emplois.
Notre écologie, c'est l'émancipation, car elle prône l'arrêt de la course folle à la production et exige le juste partage du travail, des ressources, des richesses, des connaissances et du bonheur.
Êtes-vous si sûrs que quelques points supplémentaires de PIB sont plus importants que l'égalité, que la justice, que la beauté, que l'émancipation, que l'écologie ? Dans les jours à venir, vous aurez la possibilité de démontrer que ce n'est pas le cas. Finissons-en avec les jets privés ! Défendons une alimentation de qualité ! Protégeons les Français face aux fissures de leurs maisons du fait de la sécheresse ! Car si vous ne le faites pas, mes chers collègues, si nous ne le faisons pas ensemble, la réalité nous rattrapera. Quand les forêts brûlent, quand les rivières s'assèchent, quand les nappes phréatiques se vident, alors que les insectes devraient avoir disparu d'ici 2100 et que les plastiques forment un continent, c'est bien l'inaction et l'anti-écologie qui sont punitives.
Qui cette inaction punit-elle ? Les habitants des littoraux bientôt inhabitables, les agriculteurs qui n'ont plus d'eau et nos aînés qui, du fait de l'isolement contraint, sont les premières victimes des vagues de chaleur. Ce sont aussi les jeunes de tout le pays à qui l'on ne sait garantir aujourd'hui une terre habitable dans trente ans. Alors que cet été nous vivrons de nouveaux mégafeux et mégasécheresses, chers collègues, soyez bien conscients que la France du XXI
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Ah, ça va être dur !
« Nous exploitons cette planète comme une entreprise en liquidation. » Cette phrase d'Al Gore, prix Nobel de la paix, a déjà 15 ans ! Ces mots traduisent l'exigence d'une prise de conscience quant à l'urgence des enjeux climatiques. Contrairement à ce que croient les climatosceptiques, nous ne craignons pas le pire : il est déjà là, sous nos yeux ! Pollution de l'air, de l'eau et de la terre ; vagues de chaleur et sécheresses ; augmentation des incendies de forêt ; élévation record du niveau de la mer ; cyclones et ouragans ; inondations : les exemples ne manquent pas, qui montrent que notre planète joue sa survie ! Nous le savons, et le nier serait inconscient : sans changement radical de nos comportements, notre planète risque d'être condamnée !
C'est parce que les limites physiques de notre planète sont maintenant connues qu'il nous faut en imposer d'autres qui soient protectrices pour le climat, pour l'environnement et pour la biodiversité. Se résoudre à ne pas agir politiquement, voilà ce qui conduirait à nous punir, nous et les générations qui nous succéderont ! Nous le savons, au seul niveau européen, les 10 % les plus riches émettent autant que le reste de la population. Pourtant, les mesures de restrictions ou d'interdictions en lien avec les politiques environnementales sont parfois ressenties difficilement pas les populations. Comme à son habitude, le Rassemblement National, entend surfer sur les mécontentements, espérant en tirer un gain politique !
Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.
Nous le savons, soulever les problèmes n'est pas forcément chercher à les résoudre. Volontairement provocatrice, l'interpellation de ce soir, dans le cadre de la semaine de contrôle, n'a pas pour objectif en réalité de proposer des solutions. Il y a pourtant tant à dire, tant à faire. Je suis de ceux qui pensent que la protection de l'environnement ne doit pas être vécue comme une punition. Pour réussir la transition écologique, les politiques publiques doivent être accompagnées socialement. Nous le devons bien sûr aux plus fragiles, aux plus modestes, aux plus précaires. Nous le devons à la grande majorité des Françaises et Français qui souhaitent s'impliquer dans la préservation de la biodiversité et de notre planète, et ainsi préserver l'avenir de nos enfants et petits-enfants.
C'est pourquoi je souhaite pouvoir mettre à nouveau sur la table deux idées qui s'inscrivent dans le sens d'une croissance verte et qui paraissent essentielles. La première concerne la lutte contre la précarité énergétique. Une approche globale et performante des travaux et une avance remboursable à la mutation du bien : voilà en quoi consiste la prime climat, que mon collègue Boris Vallaud et moi-même avons proposée durant la précédente législature. Ce serait une solution pour faire basculer massivement les bâtiments, notamment l'habitat, vers une véritable performance énergétique. En tant que président d'une mission d'information sur la rénovation énergétique des bâtiments, j'espère que l'on ira encore plus loin et plus vite dans ce domaine.
S'agissant ensuite de la mobilité propre, monsieur le ministre, je reste persuadé qu'une transition massive passe aussi par l'acceptabilité sociale et par l'accession de tous à un véhicule propre. C'est d'abord au travers d'un principe de location que nous y parviendrons : le leasing social en est le premier pas mais n'y suffira pas. Le modèle du logement doit nous inspirer, dans une approche encore plus sociale. Quand on ne peut acheter son logement, on le loue et, pour aider à la location, il y a l'aide personnalisée au logement (APL). Je vous propose la même logique pour l'accès à un véhicule propre : l'aide personnalisée à la mobilité, l'APM.
Au final, il n'est pas heureux de surfer politiquement sur l'aspect punitif qu'aurait la transition écologique. C'est l'accompagnement, notamment social, qui permettra des transitions sociales. Pensez, mesdames et messieurs du Rassemblement national, à construire et à proposer des solutions pour la planète que nous laissons à notre jeunesse.
C'est de cette approche de l'écologie que nous avons besoin : l'écologie sociale, progressiste et volontariste.
Le réchauffement climatique est un souci grandissant pour les Français, qui acceptent désormais mieux les mesures environnementales et attendent de plus en plus des mesures volontaristes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, lutter contre la pollution de l'air et accompagner la transition écologique et solidaire. C'est la raison pour laquelle nous nous attachons à repenser l'écologie à la racine, afin de lui ôter sa dimension moralisante et punitive.
Montrer que le souci de l'environnement est non pas une affaire de clivage gauche-droite ou d'affrontement entre citadins et ruraux, mais un défi qui nous concerne tous, c'est proposer enfin, comme nous le faisons, une transformation profonde, capable d'embarquer tout le monde. Oui, une autre écologie que l'écologie punitive est possible, et la bonne nouvelle, c'est qu'elle existe déjà ! Le Gouvernement et la majorité sont engagés, comme jamais aucun gouvernement ne l'a été, pour une écologie ambitieuse, incitative et raisonnée. C'est ainsi que notre majorité accompagne les ménages et les entreprises dans la transition écologique, dans tous les domaines de la vie – transports, logement, économie circulaire, eau, biodiversité, alimentation –, tout en limitant les répercussions sur le pouvoir d'achat, avec une attention toute particulière aux plus modestes.
Notre démarche est bien l'accompagnement, non la sanction, comme l'a souligné la Première ministre. Le modèle que nous proposons est porteur de solidarité et d'emplois, de compétitivité pour les entreprises, de renouveau pour les agriculteurs, de santé et de meilleure qualité de vie pour nos concitoyens. Il se concrétise dans les nombreuses aides qui visent à encourager les comportements responsables et durables au plan écologique. Ainsi, pour réduire la pollution atmosphérique, nous aidons à l'acquisition de véhicules plus propres. Conscients que le renouvellement automobile a un prix, nous avons instauré de nombreuses aides, telles que la prime à la conversion ou le bonus écologique. Nous sommes également engagés pour des mobilités plus durables, avec le renforcement du bonus écologique pour l'achat d'un vélo, la prime au covoiturage ou la prime transport. MaPrimeRénov', l'écoprêt à taux zéro et la réduction d'impôt Denormandie permettent à nos concitoyens de réaliser des travaux de rénovation énergétique et ainsi, de mieux vivre dans des logements mieux isolés et plus confortables. Pour faire face à l'augmentation des prix de l'énergie, les ménages les plus modestes ont bénéficié de chèques énergie ou d'aides pour changer leur mode de chauffage.
La transition écologique ne se fera pas non plus sans les entreprises et les exploitations agricoles, qui assurent des millions d'emplois. Pour favoriser des modes de production plus justes et plus durables, nous leur procurons des possibilités de financements diversifiés et un accompagnement technique adapté. Je pense notamment à la responsabilité sociale des entreprises (RSE), à la définition des entreprises à impact, au plan France relance, qui vise la décarbonation et à France 2030. Bientôt, la loi « industries vertes » permettra à la France d'écrire une nouvelle page de son histoire industrielle en plaçant les enjeux climatiques au cœur de son action.
Cette politique a, de plus, des résultats économiques solides : l'inflation est la plus faible d'Europe, le taux de chômage n'a jamais été aussi bas depuis quarante ans – tant de gouvernements en rêvaient – et la France est redevenue la destination préférée des investisseurs en Europe. Nous le savons bien, augmenter la fiscalité environnementale, taxer et sanctionner ne fait pas avancer la transition écologique. C'est pour cela qu'une écologie incitative existe désormais, avec un programme puissant et structuré de réformes. Celles-ci sont respectueuses des droits naturels, des modes de vie et des libertés économiques. Elles sont fondées non seulement sur la justice et l'innovation mais aussi sur l'éducation, dès le plus jeune âge, à l'environnement, à la connaissance scientifique, au respect du vivant et au sens des responsabilités.
Votre ambition, monsieur le ministre, comme celle de la majorité, est de continuer d'agir, car il y a urgence.
La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Je ne céderai pas à « ce parti pris de ne pas voir ce qui, pourtant, crève les yeux », pour reprendre les mots de Bernanos. Ce qui crève les yeux, ce sont les effets du dérèglement climatique – une réalité scientifique, qui ne touche pas que des contrées lointaines et désertiques : la France est d'ailleurs davantage affectée que la moyenne des autres pays. Avec 1,7 degré de plus par rapport à l'ère pré-industrielle et la perspective de 4 degrés supplémentaires en 2100, les conséquences sont partout présentes sur notre territoire. Les sécheresses sont toujours plus fréquentes et étendues. De ce point de vue, l'année 2022 a été marquée par un épisode prolongé et 2023, avec 80 % des nappes phréatiques au-dessous de leur niveau normal à l'heure où nous parlons, s'annonce particulièrement complexe. Le trait de côte recule année après année : c'est particulièrement flagrant en Gironde, mais près de 975 communes le long de tout le littoral sont concernées. La biodiversité diminue de façon inquiétante : 600 espèces font d'ores et déjà les frais du dérèglement. Je pourrais évoquer la fonte des glaciers et poursuivre encore longtemps.
Ces enjeux ne sont pas dogmatiques. Ils sont scientifiques et profondément politiques. La vraie punition – la vraie violence –, c'est celle que subissent les agriculteurs, qui voient leur mode de culture remis en question. C'est celle que subissent certaines communes de front de mer, dont l'existence est en jeu. C'est celle d'un partage de l'eau de plus en plus difficile. Il faudrait être aveugle pour ne pas voir que des changements profonds, systémiques sont indispensables. Les responsables politiques qui n'en assumeraient pas la responsabilité en tireront peut-être profit, mais sur le court terme. Ils seront sévèrement jugés par les Françaises et les Français, par ces générations qui viennent et à l'égard desquelles nous sommes déjà comptables. Face à ces défis, notre gouvernement s'est engagé de façon ferme et inédite pour créer les conditions d'un avenir durable. Cela impose des choix forts : ce sont non seulement des changements d'habitudes, de mentalités, mais aussi des choix structurels qui nous concernent tous, sans aucune exception.
Face à cela, nous obéissons à un double principe : un principe d'action, car nous devons faire plus et mieux ; un principe de partage de l'effort, parce que tous, nous devons contribuer, en particulier ceux qui ont le plus et qui sont en situation de responsabilité. Le rôle de l'État, c'est planifier à l'échelle nationale, c'est accompagner les collectivités, les citoyens, particulièrement les plus vulnérables, et les entreprises, pour accélérer la transition écologique et en faire une opportunité. D'un côté, il y a ceux qui critiquent notre action, car il faudrait ne rien faire – au nom, ce soir, de la sauvegarde du pouvoir d'achat. C'est un leurre, très simple, un raisonnement à très court terme, peut-être électoraliste. De l'autre côté, il y a ceux qui expliquent que la seule voie pour la transition écologique, c'est de rejouer la lutte des classes. Il s'agit de monter les Français les uns contre les autres, de faire croire, par exemple, qu'il suffirait que le 0,1 % des Français les plus riches fassent des efforts pour que la transition écologique se produise.
Mme Danielle Brulebois applaudit.
Soixante-trois milliardaires sont responsables d'autant d'émissions de gaz à effet de serre que la moitié des Français !
Nous sommes pris entre deux extrêmes, ceux qui disent qu'on en fait trop, ceux qui disent qu'on n'en fait pas assez. Face à ces deux écueils, nous assumons le courage de la nuance, une nuance qui revient non pas à refuser l'action mais à choisir l'action la plus efficace, la plus juste pour tous les Français, à nous appuyer sur les collectivités territoriales et les élus locaux, pour être au plus près des besoins de nos concitoyens, à nous adosser au potentiel de notre économie et aux technologies de rupture. Car opposer dogmatiquement économie et écologie, ce serait mettre notre avenir entre les mains d'autres pays, ce serait payer le double prix de la dépendance et de l'hypocrisie environnementale, puisqu'il s'agira bien souvent d'économies lointaines, aux exigences environnementales moindres.
Oui, le dérèglement climatique et sa réponse, la planification écologique, exigent des efforts : de la part de l'État, qui doit être exemplaire ; de la part des plus aisés, dont les modes de vie sont les plus consommateurs ; de la part de chacun d'entre nous, car les usages de notre société doivent être plus sobres. Les changements à mettre en œuvre nécessitent l'adhésion des citoyens et leur sens du partage. Face à ces efforts, l'État répond présent en accompagnant les particuliers – pour la rénovation énergétique de leur logement, par exemple –, les collectivités – avec le Fonds vert –, les entreprises – pour des investissements coûteux, grâce à France relance et au futur plan Industrie verte. Ces efforts sont d'autant plus grands que le défi de la transition écologique, celui de notre siècle, n'éteint pas les autres crises, notamment géopolitiques, que nous traversons et qu'il nous faut mener de front. Parfois, il faut renoncer à aller aussi vite qu'on le souhaiterait parce que l'impact est trop important pour une partie des Français ou parce qu'un autre chemin n'existe pas encore. Mais c'est toujours lié à une feuille de route, à des engagements forts, à une vision, à un cap. Assumer le courage de la nuance, c'est assumer une écologie des solutions, qui ne s'impose que lorsque les autres solutions sont satisfaisantes.
?uvrer à la transition écologique, c'est assurer l'avenir de nos enfants, recueillir les bienfaits en matière de qualité de vie, de santé, de pouvoir d'achat et d'équilibre financier. C'est particulièrement tangible pour la transition énergétique, le nerf de la guerre. Les collectivités accompagnées dans leurs travaux de rénovation voient leur facture s'alléger. Les Français qui bénéficient de MaPrimeRénov' économisent sur leurs factures. Ceux qui bénéficient d'aides pour l'achat de véhicules moins émetteurs, électriques, économisent des milliers d'euros en essence. ?uvrer à la transition écologique, c'est aussi porter une vision, celle qui veut que la France soit une nation motrice à l'international, comme elle l'a été déjà si souvent lors des grandes révolutions systémiques mondiales. C'est un chemin fidèle à notre histoire, prometteur en matière d'emploi, de rayonnement en Europe et dans le monde, de développement économique. Ce chemin de croissance et de prospérité durables devrait rassembler les Français au lieu de les diviser.
Pour que chacun s'approprie ces enjeux, ces contraintes, ces perspectives, pour que chacun participe à l'élaboration de ce projet de société, nous avons besoin de cohésion, de débats, de mobilisation. Notre pays a toujours su trouver le sens de l'intérêt général face aux grands défis auxquels il était confronté. C'est précisément cela que les marchands de peur de tous bords instrumentalisent, dans leur propre intérêt. Face aux dogmatismes et aux polémiques, je me revendique de ces mots qu'Albert Camus a prononcés lors d'une conférence sur l'avenir de la civilisation européenne : « L'équilibre est un effort et un courage de tous les instants. La société qui aura ce courage est la vraie société de l'avenir. » Tout cela afin d'éviter que, « devenus aux trois quarts aveugles par la grâce de la polémique, nous ne [vivions] plus parmi des hommes, mais dans un monde de silhouettes ».
Donnons aux Françaises et aux Français le débat sur la transition écologique qu'ils méritent, ancré dans la réalité des changements opérés, plutôt qu'un nouveau théâtre d'ombres !
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et HOR.
En 2025, dans moins de deux ans, toutes les métropoles françaises deviendront des zones à faibles émissions mobilité, ou ZFE-m. Les véhicules non classés ou portant une vignette Crit'Air 4 ou Crit'Air 5 – ceux dont la motorisation date d'avant 2006 pour les diesel – seront bannis des métropoles. Si la qualité de l'air et la préservation de la santé des citadins sont essentielles, les zones à faibles émissions ne doivent pas devenir des zones à forte exclusion. Il aurait été plus juste de cibler les automobilistes qui, par pur confort, se rendent dans les métropoles avec leur véhicule alors que d'autres modes de transport existent.
Députée d'une circonscription rurale, dans le Loiret, je tiens à dire combien la mise en œuvre des ZFE-m est vécue comme une injustice. En effet, la métropole d'Orléans n'est desservie par aucun transport en commun. Pire, alors que la réouverture d'une ancienne ligne ferroviaire reliant Orléans à la commune de Châteauneuf-sur-Loire devait voir le jour, le projet a été enterré en 2017 par le maire de la métropole. Celui-ci voyait d'un mauvais œil la création d'une voie supplémentaire en gare d'Orléans, car elle était susceptible de supprimer des places de stationnement ! Oui, vous m'avez bien entendue ! Pourtant, toutes les conditions étaient réunies : études, financements, dépôt de permis de construire. Cette ligne aurait pu être prolongée jusqu'à Gien, une ville particulièrement enclavée.
Pour les habitants de notre ruralité, il ne reste donc que la voiture pour se rendre dans la métropole d'Orléans. Or beaucoup sont équipés de véhicules diesel datant d'avant 2006. Malgré les aides, l'achat d'un véhicule moins polluant est inabordable, notamment pour les familles comptant plusieurs enfants. Nous ne pouvons accepter qu'ils soient exclus des métropoles qui concentrent un grand nombre d'emplois, de services et d'établissements de santé. L'écologie punitive, c'est non !
Monsieur le ministre, allez-vous enfin mettre tous les moyens en œuvre pour que les habitants de la ruralité puissent se rendre en train dans les métropoles, particulièrement ceux de ma circonscription, qui est un cas d'école ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Madame la députée, il n'y a pas de zones à faibles émissions à Orléans.
Vous êtes donc en train de dénoncer une situation qui n'existe pas.
« Mais ce sera le cas en 2025 ! » et exclamations sur les bancs du groupe RN.
Je vais donc vous inviter à vous concentrer quelques instants sur ce que dit la loi, ce qui nous permettra dans cette enceinte de nous référer à quelque chose de réel.
Que dit-elle ? Qu'à compter du 1er janvier 2025, les métropoles de plus de 150 000 habitants devront mettre en place des zones à faibles émissions. Précise-t-elle toutefois les catégories de véhicules ne pouvant plus rentrer à cette date dans une ZFE, hypothétique dans le cas d'Orléans ? Si je dis « hypothétique », c'est que la loi telle qu'elle a été votée par le Parlement prévoit une obligation de résultat et non pas de moyens. Si la qualité de l'air dans tout ou partie des 43 agglomérations concernées est jugée satisfaisante et qu'il n'y a pas de surmortalité, il sera possible de ne pas mettre en place de ZFE. J'ai même signé en décembre dernier le décret précisant les modalités des dérogations prévues dans la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, la loi « climat et résilience ». Je ne connais pas les données concernant la qualité de l'air à Orléans mais sachez que les mesures doivent être effectuées dans les trois années qui précèdent la mise en place d'une ZFE, c'est-à-dire à compter de l'année dans laquelle nous sommes.
Si les seuils sont dépassés, les élus sont certes soumis à l'obligation de mettre en place le dispositif mais ils peuvent décider du calendrier d'application des mesures. Dans un premier temps, elles sont susceptibles, par exemple, de ne s'appliquer qu'aux voitures de plus de vingt-cinq ans. Agiter des peurs, madame la députée, n'est donc pas utile à la minute où nous nous parlons.
S'agissant des solutions alternatives, évoquons le leasing à 100 euros pour les véhicules électriques.
Le plan d'investissement dans le ferroviaire, notamment les RER métropolitains, permettra d'avancer dans la voie que vous souhaitez.
Je vous ai entendu suggérer d'interdire l'entrée dans les villes aux automobilistes qui n'utiliseraient leur véhicule que par confort. C'est une manière assez originale de concevoir la liberté : comment déterminer ce qui relève ou pas du confort ? Cela promet une société qui n'est pas exactement celle dans laquelle j'ai envie de vivre.
La gestion de l'eau concerne tout le monde et doit avoir toute sa place dans le débat démocratique. Réagissant à la menace réelle de futurs épisodes de sécheresse, le président Macron a présenté le plan Eau du Gouvernement. Nous considérons qu'il contient de trop nombreux angles morts. La tarification progressive de l'eau est une belle idée en façade, mais qu'en sera-t-il pour les familles nombreuses qui passeront rapidement du palier 1 au palier 2, même si elles s'en tiennent à une consommation vertueuse ? Comment comptez-vous prendre en compte leur situation sans créer une énième usine à gaz ?
Depuis plusieurs jours, les entreprises de mon département de la Haute-Marne viennent m'exprimer leurs craintes. Crise du covid, inflation record sur les matières premières, envolée absurde du prix de l'énergie : notre tissu économique est en souffrance. Lui imposer de nouvelles contraintes économiques ou normatives n'aura pour effet que de le fragiliser encore plus.
Les entreprises du secteur agroalimentaire sont particulièrement inquiètes. Je pense aux agriculteurs, notamment aux éleveurs de bovins. Les animaux ont des besoins en eau qui ne s'accommodent pas des plans de rationnement. Les vaches laitières, par exemple, boivent entre 60 et 100 litres d'eau par jour. Nos agriculteurs ne pourront pas supporter une hausse du tarif de l'eau.
Je pense également aux Fromagers de Chevillon, entreprise qui utilise 50 mètres cubes d'eau par jour pour assurer le nettoyage des installations. Verra-t-elle sa facture augmenter du seul fait qu'elle se conforme aux normes d'hygiène ? Je pense aux aciéries de ma circonscription qui ont besoin de bacs de refroidissement très gourmands en eau. Je pense aux restaurateurs qui doivent assurer la plonge et respecter les normes d'hygiène alors qu'ils ont déjà beaucoup souffert des crises successives.
Monsieur le ministre, pouvez-vous rassurer nos acteurs économiques en leur garantissant que ce plan Eau ne consistera pas une nouvelle fois en une succession de mesures punitives qui fragiliserait ceux qui font la richesse de notre pays ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Madame la députée Robert-Dehault, je pense aux habitants de votre circonscription, à la fromagerie, à ces aciéries, à ces familles nombreuses que vous évoquiez. La diminution de la ressource disponible ne résulte pas d'une mesure gouvernementale. Quelles que soient les alternances politiques, la réalité climatique est la même. Sur les 500 milliards de mètres cubes de pluie qui tombent chaque année, la part disponible, qui s'élevait à 200 milliards, diminuera au cours du siècle dans des proportions estimées entre 10 % et 40 % car, du fait de la multiplication des vagues de chaleur, les besoins des plantes et l'évapotranspiration vont croître. Cette réduction de nos réserves implique de diminuer nos prélèvements, c'est-à-dire les quantités d'eau prises dans les étiages ou dans les nappes phréatiques.
Face à ce phénomène, nous avons deux options : soit se mettre la tête dans le sable en se disant que rien de tout cela ne va se produire, que l'eau c'est la vie et que, comme elle est nécessaire à tous les usages que vous avez évoqués, il faut que les tarifs permettent de les poursuivre ; soit regarder la réalité en face et conduire un plan destiné à économiser, à trouver des ressources alternatives et à optimiser des sources d'eau auxquelles nous ne prêtions pas attention – eaux grises, eaux de pluie, eaux usées.
Dans notre plan, nous ne stigmatisons personne, nous ne visons aucune activité économique en particulier. Nous disons simplement qu'il faut mieux organiser le partage de l'eau. C'est le sens des plans d'adaptation au changement climatique mis en place dans chacun des comités de bassin, qui sont les parlements locaux de l'eau associant tous les acteurs économiques.
La solution réside dans cette planification mais aussi dans certains investissements. Il s'agit par exemple de se donner les moyens de développer l'irrigation goutte-à-goutte qui ne concerne actuellement que 7 % de notre surface agricole. Cela nous permettra de prolonger ces activités économiques et de nous nourrir. Je vous assure que c'est vraiment l'état d'esprit dans lequel nous sommes.
Devant l'urgence climatique, l'État doit prendre toute sa place et toutes ses responsabilités. Ceux qui s'enrichissent grâce à la pollution et engrangent des milliards de bénéfices ne doivent-ils pas être les premiers et seuls payeurs ? Il est important que la transition écologique n'oublie pas le volet social, car les ménages les plus pauvres sont souvent les plus touchés par les mesures environnementales. En effet, l'augmentation des taxes entraîne une hausse des prix des produits et services qui se répercutent sur le consommateur.
Oui, nous devons concilier l'écologie avec nos modes de consommation en réduisant notre impact sur l'environnement afin de protéger notre planète et l'avenir des générations futures. Cependant, le consommateur ne doit pas toujours être le maillon final à qui l'on fait tout payer. Le produit de ces taxes est-il utilisé en totalité pour financer des politiques environnementales efficaces ? Les industriels sont-ils suffisamment mis à contribution pour la protection de la planète ? Cette politique n'a-t-elle pas d'autre finalité que de punir le consommateur ? N'avez-vous pas le sentiment que celui-ci paye pour le pollueur ? Il est vrai qu'il est plus facile de taxer le citoyen que de s'attaquer à des lobbies. Ne faut-il pas, en premier lieu, taxer les superprofits pour financer la protection de notre environnement ?
Dans le secteur des déplacements, comment faire de l'écologie punitive s'il n'y a pas ou peu d'alternatives ? Je pense en particulier à la situation dans les outre-mer. La solution doit aussi passer par l'augmentation des revenus pour redonner du pouvoir d'achat aux citoyens qui pourront ainsi consommer plus sainement et mieux.
Monsieur le ministre, quelle est votre ambition pour la France hexagonale et pour les outre-mer ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et SOC.
Votre double question sur le juste partage de l'effort et sur la situation dans les outre-mer va bien au-delà du cadre de ce débat.
L'objectif que nous devons atteindre collectivement à l'échelle de notre planète pour aller vers la neutralité carbone est une empreinte individuelle de 2 tonnes. Or pour des milliards d'habitants, elle dépasse déjà ce seuil, parce qu'ils y sont contraints. Ils ne doivent pas être les victimes des politiques que nous conduisons. Ce qui est vrai à l'échelle mondiale l'est aussi à l'échelle nationale. L'empreinte carbone de millions de Français vivant dans des situations subies ne justifie pas que l'on vienne alourdir les contraintes qui pèsent sur eux, qu'elles soient fiscales ou qu'elles soient tout simplement financières.
Que ceux qui ont le plus soient mis à contribution pour financer, c'est juste et c'est normal. De manière concrète, nous préférons le principe du pollueur-payeur à celui de l'interdiction, surtout s'il ne s'applique que dans un seul pays, parce qu'il n'est ni juste ni efficace. Si je crois à la régulation et à l'impôt, pour reprendre des termes employés ce soir, je ne crois pas à l'interdiction. La proposition de loi visant à interdire les vols en jets privés sur laquelle vous vous pencherez jeudi est pour moi le bon exemple de ce qu'est une écologie du buzz, qui est à l'opposé d'une écologie efficace. C'est à l'échelle européenne qu'il faut porter ce débat. La volonté politique ne doit pas se réduire à un seul parti dans un seul pays. La justice fiscale, en revanche, a consisté à aligner le tarif du kérosène sur celui de l'essence : avant que notre majorité ne prenne cette mesure l'année dernière, l'automobiliste payait le litre de carburant qu'il mettait dans sa voiture diesel 70 % plus cher que le propriétaire d'un jet privé.
Il n'y a pas de transition si elle n'est pas solidaire et si elle n'est pas juste. C'est le sens de MaPrimeRénov' comme des mesures de soutien au changement de véhicule. C'est le sens de la réflexion conduite autour du chèque alimentaire. Vous savez l'attention particulière que nous portons aux outre-mer, compte tenu de l'intensité du changement climatique et de la question sociale dans ces territoires.
À l'heure où nous devons opérer un changement de nos comportements écologiques, il est impératif de penser sur le temps long une stratégie équitable pour le secteur le plus polluant, le transport. C'est un fait incontestable, si nous voulons respecter les engagements internationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre et maintenir des villes vivables, le transport du futur doit être commun. Il est ainsi primordial de donner aux collectivités territoriales, chargées des transports en commun, les capacités financières nécessaires pour leur permettre d'assurer l'offre de transports la plus large et la moins onéreuse possible. À cet égard, nous observons l'émergence de certaines mesures visant à élargir l'accessibilité des transports en commun. Certaines communes commencent déjà à instaurer des systèmes de gratuité à certaines conditions. La mise en place de tarifs sociaux pour accéder aux services d'autopartage apparaît également comme une solution de nature à réduire le nombre de voitures en circulation et à faciliter l'accès aux véhicules moins polluants.
Toutefois, de nombreuses personnes sont dans l'impossibilité d'utiliser les transports en commun pour se déplacer, notamment dans les périphéries urbaines populaires. Le recours à une voiture individuelle demeure ainsi nécessaire pour beaucoup de familles, mais les aides existantes sont trop faibles pour leur permettre d'acquérir un véhicule respectant les règles relatives aux ZFE, à rebours d'une écologie réellement populaire. Pour encourager efficacement la modification des comportements, l'État doit accompagner les collectivités territoriales afin de favoriser un accès effectif aux solutions de transport plus écologiques, y compris pour les familles ne disposant pas de ressources suffisantes pour l'acquisition de véhicules moins polluants.
Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous pour permettre aux collectivités territoriales de déployer une offre efficace et fournie de transports en libre accès à destination des ménages les plus précaires et d'accompagner efficacement leurs administrés afin de garantir le droit à la mobilité ?
Vous venez d'un territoire, je pense ici à la métropole de Lyon, caractérisé par l'intensité de l'usage des transports en commun, qui a fait le choix, plutôt que de mettre en place la gratuité, de continuer à investir dans son réseau à l'instar de villes comme Strasbourg. Soutenir les transports en commun, c'est à la fois bon pour le climat et bon pour la santé car ils contribuent à faire baisser la pollution.
Le rôle du Gouvernement est d'aider, d'accompagner et de soutenir financièrement ce type de projet. Cette politique sera au cœur des contrats de plan État-région (CPER) présentés dans quelques jours. Ils vont contribuer à poser les bases des RER métropolitains, qui renvoient au projet de développer les transports ferroviaires du quotidien à l'échelle de nos grandes métropoles. Dans le même temps, nous soutenons des projets de transports en commun dans le cadre de la nouvelle vague d'appels à projets lancés par l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) qui a déjà permis d'accompagner des investissements de ce type à hauteur de 20 % à 25 % des financements.
Au-delà, je crois en la vertu de financer, dans les territoires moins denses, des politiques de soutien au covoiturage. Les transports produisent en effet 30 % de nos émissions, dont les moteurs thermiques des voitures individuelles représentent plus de 80 %. À ce titre, l'autosolisme est notre véritable ennemi, la voiture étant, dans de nombreux endroits, la seule solution pour se déplacer.
Toutefois, les gens se déplaçant seuls dans leur voiture dans 80 % des cas, il sera possible de diminuer très rapidement les émissions et de faire baisser les factures en les incitant à covoiturer. C'est le sens du plan covoiturage que nous avons lancé, avec un doublement des aides octroyées aux municipalités, afin de financer des aires de covoiturage et d'accompagner, très concrètement, la réalisation de parkings ou d'applications permettant aux gens de se retrouver pour effectuer leurs trajets ensemble.
Faute de disposer de suffisamment de temps pour entrer dans le détail, voilà quelques-unes des mesures autour desquelles s'articule la planification écologique dans le domaine des transports.
Le changement climatique ne fait pas débat. Encore faut-il qu'un consensus émerge sur les solutions à y apporter ; c'est là où le bât blesse. Nous défendons une écologie du progrès, fondée sur la recherche scientifique et la croissance économique contre les apôtres d'une écologie fondée sur les interdictions et la décroissance.
Alors que l'acceptation sociale de la transition écologique est vitale, vous réussissez par vos choix discutables, dans un contexte inflationniste, à décourager les Français, pourtant conscients de la nécessité d'agir. Pire, ces mêmes choix aggravent la hausse des prix à laquelle ils font déjà face.
Parlons de l'objectif zéro artificialisation nette (ZAN) : une mesure qui aggrave le manque de foncier disponible et qui conduit à des hausses de prix vertigineuses dans le secteur immobilier. Appliquée telle quelle aux territoires de montagne, la loi rend encore plus difficile toute installation des familles à proximité de leur lieu de travail.
Il en va de même de la rénovation thermique des bâtiments, pour laquelle des normes toujours plus contraignantes sont décidées, alors même que les professionnels nous alertent sur les pénuries de fenêtres, de volets et d'isolants. Cette politique traduit une déconnexion totale avec le pouvoir d'achat des Français, qui attendent de l'État qu'il joue pleinement son rôle en tendant vers le zéro reste à charge.
Enfin, s'agissant des transports, la politique du tout-électrique est incompréhensible ; sans compter les répercussions liées à l'établissement des ZFE qui conduiraient les Français qui ne sont pas en mesure de changer de véhicule à ne plus pouvoir circuler dans les centres-villes.
Monsieur le ministre, nous ne perdons pas espoir de vous faire entendre raison. Parlons enfin d'une écologie positive pour permettre une réelle transition, acceptée par tous les Français, et non pas seulement par ceux qui peuvent se le permettre.
Nous sommes presque d'accord sur l'essentiel : la transition écologique est indispensable et il faut embarquer tout le monde. Ensuite, vous énumérez un certain nombre de mesures qui ne méritent peut-être pas toutes d'être mises dans le même sac.
L'objectif zéro artificialisation nette résulte d'un constat simple : en cinq décennies, l'étalement urbain s'est développé davantage qu'en cinq siècles, sans qu'il soit justifié par l'augmentation de la population. Ce faisant, nous menaçons une part de notre souveraineté agricole future, tout comme notre capacité de capter les gaz à effet de serre dans les sols. Le ZAN s'appliquera en 2050. Nous avons aujourd'hui l'équivalent de plus de dix ans d'urbanisation sous forme de friches et des droits à urbaniser qui n'ont pas commencé à diminuer, alors que les prix ont commencé à augmenter, avant même l'application du ZAN. Ne lui faisons donc pas porter toute la responsabilité, même si un assouplissement du dispositif est nécessaire.
J'ai déjà répondu sur les ZFE : nous devrions nous rejoindre sur une mesure qui vise à éviter 47 000 décès par an – chiffres de Santé publique France – et 100 milliards d'euros de coût de santé publique, selon un rapport du groupe Les Républicains au Sénat, plutôt que de débattre uniquement sur la question des modalités.
En ce qui concerne les moyens, nous devons conjuguer ceux qui proviennent de la puissance publique et ceux que nous devrons être capables de dégager, par l'intermédiaire de dispositifs tels que le prêt à taux zéro ou les avances remboursables, afin d'accélérer la transition écologique sans qu'elle se fasse au détriment du pouvoir d'achat des Français. Nous continuons à chercher, comme tous les pays du monde, le bon chemin qui permettra de conjuguer la vitesse et la solidarité.
Si la France est la deuxième puissance maritime mondiale, c'est grâce aux outre-mer ; si elle est une puissance sur le plan de la biodiversité, c'est grâce aux outre-mer ; si elle est une puissance en matière d'énergies renouvelables, c'est grâce aux outre-mer ; si elle est une puissance géostratégique où le soleil ne se couche jamais, c'est encore grâce aux outre-mer. C'est dire l'apport et la contribution de nos peuples, de nos cultures, de nos richesses et de nos milieux naturels à la République française.
Pourtant, en Martinique et en Guadeloupe, à cause d'une forme d'inaction punitive qui a donné la priorité aux profits et à la logique productiviste au détriment de l'écologie, l'utilisation du chlordécone dont j'ai parlé dans mon discours préliminaire, a contaminé nos terres pour plusieurs centaines d'années. Ce produit a empoisonné 95 % des Guadeloupéens et 92 % des Martiniquais ; il a contaminé nos eaux et nos rivières, provoqué et développé des maladies graves et multiples, avec un impact destructeur sur nos économies respectives, notamment l'agriculture et la pêche.
Cette punition se traduit aussi très concrètement au quotidien sur le plan de la santé, de l'environnement, des questions sociales et économiques dans nos territoires. Ce scandale d'État, reconnu par le Président de la République lui-même, ne peut rester sans réponse sérieuse ni justice.
Alors, monsieur le ministre, il est temps d'aller plus loin et d'être concret. Il est temps de sortir des plans chlordécone I, II, III ou IV. Il est temps d'engager une véritable loi programme complète, pour une durée de vingt ans minimum, comme l'a voté symboliquement la collectivité territoriale de Martinique il y a quelques jours. Il est temps de sortir de ce scandale et de décontaminer les sols, d'octroyer plus de moyens à la recherche scientifique, d'indemniser les ouvriers agricoles et les multiples victimes avec une prise en charge et un suivi médical adaptés, d'indemniser également les artisans, les marins pêcheurs et les petits agriculteurs pénalisés, ainsi que toutes les petites et moyennes entreprises touchées. Il est temps d'agir !
Cette loi programme devra intégrer les quarante-neuf préconisations formulées dans le rapport de la commission d'enquête parlementaire sur l'utilisation du chlordécone et du paraquat, présidée par Serge Letchimy et dont Justine Benin était la rapporteure. Ce rapport répond en effet clairement, de manière globale, concrète, coordonnée, complète et efficace, au problème de sortie de l'empoisonnement au chlordécone. Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à prendre l'initiative de proposer une telle loi programme, à titre de juste réparation, afin de mettre un terme définitif à ce fléau ?
Mme Marie Pochon applaudit.
Dans votre énumération visant à rappeler ce que la France doit à ses territoires d'outre-mer, en matière de biodiversité, d'étendue ou tout simplement de capacité à se projeter, vous auriez pu vous contenter de souligner que la France est la France grâce à ses outre-mer. Ces territoires font partie de son histoire, de ses particularités et, à tout point de vue, les liens qui nous unissent dépassent une quelconque énumération.
Dans le cadre de cette histoire commune, le recours massif au chlordécone de 1973 à 1993, afin de lutter contre le charançon du bananier, est un scandale sanitaire. Cette réalité a conduit, ensuite, à l'élaboration de plans successifs depuis 2008 : 30 millions d'euros, 33 millions, puis 40 millions ; dans le cadre du quatrième plan prévu pour la période 2021-2027, c'est-à-dire jusqu'à la fin du quinquennat, 100 millions seront engagés, soit quasiment l'équivalent de ce qui a été octroyé au cours des quatorze ou quinze dernières années.
Mais l'argent ne fait pas tout. Les souffrances que vous évoquez sont celles de gens que vous connaissez : une terre que vous habitez, des électeurs que vous avez l'occasion de rencontrer. La pollution des sols qui provoque des maladies, ainsi que l'incompréhension par rapport à une décision de justice qui a été vécue comme une injustice – l'indépendance des pouvoirs m'interdit de la commenter davantage – sont autant de réalités dont vous témoignez ce soir à l'occasion de ce débat.
Le ministère de l'environnement, dont je suis le locataire actuel, le serviteur temporaire, a la responsabilité d'une partie de ce plan – non de l'ensemble : parmi les près de cinquante mesures, quarante-deux ont d'ores et déjà été déployées à la suite du rapport parlementaire que vous avez évoqué. Il en reste quelques-unes à conduire. Mais, je le dis très sincèrement, sachez que la porte de mon ministère vous est grande ouverte si vous souhaitez échanger plus longuement à ce sujet.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Face aux conséquences du changement climatique, nous devons plus que jamais être mobilisés pour tenir nos engagements et doubler le rythme de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. C'est le seul chemin raisonnable au vu du consensus scientifique, chemin sur lequel la France est pleinement engagée.
Au-delà des mesures réglementaires, une méthode simple, juste et efficace, sans effets de bord ou de seuil, a la faveur du groupe Horizons : faire payer le juste prix, c'est-à-dire le prix réel, des émissions de gaz à effet de serre. C'est le principe du pollueur-payeur, qui comporte plusieurs avantages : du point de vue de la liberté, puisque ceux qui n'ont pas de choix alternatif bas-carbone ne se retrouvent pas confrontés à une interdiction rigide, mais sont incités à trouver des solutions ; du point de vue de la justice, puisque chacun est amené progressivement, avec l'augmentation du prix du carbone, à payer pour les émissions qu'il engendre et donc, in fine, à financer les politiques publiques environnementales ; du point de vue de la lutte contre le changement climatique, enfin, puisque, du côté de la demande, les options bas-carbone seront plus attractives pour les consommateurs et, du côté de l'offre, l'incitation sera forte pour réduire les émissions afin de pouvoir proposer des biens ou des services compétitifs.
Mes questions seront donc très simples : comment assurer la transition vers une fiscalité verte à la faveur d'une économie décarbonée, dans un esprit de justice sociale ? Et pouvez-vous nous indiquer les évolutions prévues au niveau européen à ce sujet, avec la montée en puissance du marché du carbone et la mise en place progressive, enfin, d'une taxe carbone aux frontières de l'Union et sa contribution à l'objectif du paquet Fit for 55 – c'est-à-dire la réduction de 50 % des émissions d'ici à 2030, par rapport à 1990, qui vise la neutralité carbone d'ici à 2050 ?
Tout est juste dans votre question, sauf le fait qu'elle soit simple : dire qu'il serait simple de répondre au sujet de la transition fiscale serait évidemment un raccourci. Je note toutefois la cohérence entre le discours que vous avez tenu il y a quelques minutes à la tribune sur la nécessité d'agir et votre souhait de se doter d'un mécanisme efficace qui permette à la fois de réindustrialiser notre pays et de décourager des trajets trop longs dont l'empreinte carbone serait importante.
La réponse, c'est le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières : pour faire simple, cela signifie la suppression des quotas carbone gratuits, avec l'idée que le consommateur doit financer une part des émissions de gaz à effet de serre envoyées dans l'atmosphère, compte tenu des hydrocarbures qui ont été brûlés entre le lieu de production au bout du monde et notre pays. Ce mécanisme entraîne la baisse des coûts relatifs de ce que nous produisons sur notre sol et favorise le projet de réindustrialisation, tout en limitant nos émissions nationales. À ce titre, nous pourrons nous appuyer sur notre mix énergétique, avec les énergies renouvelables que nous développons, et sur la puissance du nucléaire pour produire avec un faible coût en carbone, le principe étant de refléter le juste prix.
Ce mécanisme doit s'accompagner d'un fonds social européen ; le risque, c'est que des produits à bas coût, fabriqués très loin, fassent monter l'inflation pour les plus modestes. Nous devons y faire face en conduisant une politique équilibrée. L'Union européenne suivra ce chemin jusqu'en 2027, date effective et officielle entérinant la fin des crédits carbone gratuits qui faussent actuellement une partie de l'analyse. Nous sommes sur un chemin de crête : monter un mécanisme aux frontières, construire une réponse industrielle et économique souveraine à l'intérieur de notre pays, et faire en sorte de créer un ajusteur social pour que l'ensemble se fasse dans de bonnes conditions. Je suis heureux, et non surpris, de constater que le groupe Horizons contribuera à cette réflexion.
Après avoir ignoré, puis nié, pendant des décennies, l'évidence des effets néfastes des activités humaines sur notre environnement, chacun semble aujourd'hui reconnaître qu'il faut agir. Certains – ils se disent écologistes – se présentent comme les seuls sachants, les érudits. Ils ont fait le choix de la radicalité, souhaitant tout interdire, tout réglementer, préférant exporter l'impact environnemental de nos consommations alimentaires, énergétiques, de nos produits du quotidien aux dépens des entreprises françaises qui ne feraient jamais suffisamment d'efforts. Et comme si cela ne suffisait pas, ils font aussi le choix de taxer ceux qui ne modifieraient pas suffisamment leurs habitudes. Une véritable écologie punitive !
D'autres – je pense au Rassemblement national – se disent prêts pour des évolutions à condition que rien ne change pour eux. Ils parlent d'inflation mais proposent de démanteler les éoliennes. Je vous laisse imaginer l'impact d'une telle mesure sur les finances publiques et sur le prix de l'énergie.
Entre ces extrêmes, nous pouvons faire le choix difficile de l'équilibre, celui qui permet d'associer et de responsabiliser chacun de nos concitoyens, chacune de nos entreprises, de nos associations et de nos administrations. C'est aussi le choix de la responsabilité, comme nous l'avons expérimenté en matière d'énergie cet hiver, la sobriété de chacun ayant profité à tous.
Aussi, comme il est de notoriété publique que le transport et le logement sont les secteurs les plus émetteurs de CO
Les propos que j'ai tenus vont dans le sens que vous évoquez, c'est-à-dire la défense d'une écologie du quotidien qui permet de prendre en considération les situations réelles. Certains expliquent que l'écologie serait responsable de l'augmentation des prix, ce qui est évidemment un raccourci un peu facile, notamment parce que la France est, parmi les pays européens – dont les législations ne sont pas les mêmes mais qui sont tous confrontés à l'inflation –, celui qui subit l'impact le plus faible grâce aux mesures qui y ont été décidées.
Au cours des vingt-quatre derniers mois, 60 à 70 milliards ont été dépensés afin de soutenir les factures énergétiques. Les prix de l'énergie auraient dû augmenter de 95 % au début de l'année si des mesures de protection, destinées à jouer un rôle de bouclier ou d'amortisseur, n'avaient pas été prises.
L'an dernier, les écarts de prix entre, d'un côté, la France, et, de l'autre, les Pays-Bas ou l'Allemagne, se situaient dans un rapport de un à deux, voire à trois, et ce grâce aux sommes dépensées, dont la quasi-totalité des Français ont bénéficié.
Je pourrais aussi citer le chèque carburant qui compte 10 millions de bénéficiaires, les dispositifs mis en place s'agissant du chauffage aux pellets ou au bois, ceux qui visent à soutenir le chauffage au fioul ou encore les remises accordées aux personnes qui utilisent des véhicules.
Si l'on additionne toutes les mesures mises en place, on constate que 100 milliards d'euros ont été dépensés pour soutenir le pouvoir d'achat des Français, aux revenus modestes ou moyens, ainsi que les acteurs économiques afin de les accompagner pendant cette crise en conjuguant la solidarité dont j'ai parlé et le soutien à la compétitivité face aux affres du temps et de la géopolitique.
Comme partout dans le monde, l'inflation a un impact considérable sur le pouvoir d'achat de nos concitoyens mais, plus que dans n'importe quel autre pays, le Gouvernement a mis en place des dispositifs extrêmement protecteurs. Je citerai par exemple le bouclier tarifaire sur l'électricité qui a limité la hausse des prix à 20 euros par mois pour nos concitoyens alors que l'augmentation réelle est de 180 euros. En effet, dans un moment tel que celui que nous traversons, nous devons répondre dans l'urgence par des dispositifs conjoncturels.
Toutefois, lorsque l'on est en responsabilité et que l'on est conscient des réalités du changement climatique, on se doit de proposer des mesures qui tiennent compte de cet enjeu majeur, contrairement à ce que fait le Rassemblement national ce soir. Il est évident qu'il faut aborder la question du pouvoir d'achat des Français à l'aune du changement climatique, en proposant des réponses structurelles.
Le 10 février dernier, nous avons célébré les trois ans de la promulgation de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite Agec, dont j'avais été rapporteure avec Mme Riotton. Elle démontre la vision que nous avons de l'écologie : pragmatique et ambitieuse, qui apporte des solutions concrètes aux Français, dans leur vie quotidienne, et prépare les mutations de notre société. Je pense particulièrement aux mesures en faveur de l'économie circulaire pour sortir d'une société du tout-jetable.
Le développement de l'économie circulaire et du réemploi est en plein essor en France, comme dans le reste de l'Europe, et nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à acheter et à revendre des produits de seconde main, intégrant une double préoccupation, l'impact environnemental et le pouvoir d'achat.
Toutefois, selon une enquête réalisée dans dix-sept pays européens, le montant moyen de gain déclaré grâce à la revente de produits de seconde main en France s'élève à 67 euros contre 115 au Royaume-Uni et 105 en Allemagne.
Dès lors, pourriez-vous nous faire part du bilan de la loi Agec en matière d'économie circulaire et nous dire comment nous pourrions soutenir encore davantage les démarches de réemploi, afin d'apporter des réponses pratiques et vertueuses tant en matière de pouvoir d'achat que d'écologie ?
Vous avez raison, nous n'avons sans doute pas célébré autant que nous aurions dû l'anniversaire de la loi Agec, adoptée il y a trois ans. C'est pourtant bien une petite révolution.
Le modèle économique qui est le nôtre depuis plusieurs générations consiste à extraire, à produire, à consommer – souvent pendant peu de temps – puis à jeter. La durée moyenne d'usage d'une perceuse, dans la vie de chacun, est ainsi de treize minutes – je ne parle pas de la période pendant laquelle elle reste dans un placard mais du temps pendant lequel on s'en sert effectivement pour percer des trous.
Cet exemple illustre bien l'idée aberrante selon laquelle il faudrait tout posséder, de manière durable, sans se demander comment on pourrait faire pour utiliser les objets uniquement lorsqu'on en a besoin et permettre aux autres de s'en servir ensuite.
De ce point de vue, la loi Agec a opéré une vraie transformation, tout d'abord en prévoyant des interdictions. Ainsi, depuis le 1er janvier, nous sommes le premier pays au monde à avoir interdit l'usage de couverts jetables dans la restauration rapide. Cela évite d'utiliser 200 000 tonnes de plastique, soit 20 milliards d'objets. En outre, ces changements permettent de créer des emplois. C'est ce qui s'est produit par exemple dans l'est de la France, où une chaîne célèbre dans le monde entier a dû agir pour se doter de produits lavables.
Des aides à la réparation ont également été créées, notamment un dispositif dit bonus réparation lancé en décembre. En quatre mois, 20 000 Français – un chiffre sur lequel nous n'avons pas encore communiqué – ont ainsi bénéficié d'un chèque pour faire réparer un objet électronique. Au fil du temps, le nombre de réparateurs agréés augmentant, les effets produits par cette mesure seront de plus en plus notables.
Plus généralement, nous avons parlé ce soir de réchauffement climatique ou de pollution atmosphérique mais nous n'avons sans doute pas suffisamment parlé d'une date : le 28 juillet, jour dit du dépassement à l'échelle de la planète. À partir de cette date, et pendant tout le reste de l'année, nous consommons davantage que ce que la Terre est en mesure de nous offrir. L'objectif de l'économie circulaire, c'est que cette date se rapproche du 31 décembre. Je précise que le jour du dépassement intervient, à l'échelle de notre pays, dès la première quinzaine du mois de mai. Vous pouvez donc mesurer le chemin qui nous reste à parcourir. La loi Agec est un bon moyen d'agir dans ce sens, je vous remercie d'y avoir contribué en tant que rapporteure – et je penserai particulièrement à vous le 6 avril, jour de votre anniversaire.
Je me demande parfois si les tenants d'une écologie radicale ne sont pas les idiots utiles de ceux qui considèrent que l'écologie est punitive – ou inversement. En posant la question comme cela a été fait aujourd'hui avec ce débat, on enfume les Français et on leur fait croire que l'écologie ne peut être utile ni pour la planète ni pour le pouvoir d'achat.
Or il existe une écologie pragmatique, quotidienne et ambitieuse. C'est le chemin que nous avons emprunté depuis 2017. Nous continuons à mener une politique qui va dans ce sens, notamment en travaillant sur le volet de l'économie circulaire, grâce par exemple à la loi Agec – au passage, je suis ravie que ma collègue Graziella Melchior, avec qui j'ai été rapporteure de ce texte, s'en soit déjà fait l'écho – et à la loi « climat et résilience ». Les mesures prévues par ces lois nous ont permis de basculer progressivement vers une économie circulaire dont les trois piliers – recyclage, réutilisation, réemploi – sont clairement orientés vers le pouvoir d'achat et la protection de la planète.
Notre choix est à l'évidence celui de l'incitation et du changement des comportements. Je citerai par exemple le développement du bonus réparation financé par l'État pour encourager la réparation d'un million d'appareils par an.
Par ailleurs, une concertation est en cours à propos de la mise en consigne, brique essentielle pour notre changement de modèle. Grâce à la massification des flux et à la diversification de la collecte, nous pourrions offrir aux citoyens une diminution de la TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes. Voilà un bel exemple d'écologie utile pour la planète et pour le pouvoir d'achat. Pouvez-vous nous présenter un point d'étape sur cette concertation ?
Je répondrai autant à la parlementaire qui s'est mobilisée sur ces questions qu'à l'ancienne présidente du Conseil national de l'économie circulaire.
Vous l'avez dit, l'objectif chiffré, fixé par la loi, est une augmentation de la part des bouteilles en plastique que nous récupérons. Ce taux doit atteindre 77 % en 2025. À la minute où nous parlons, il s'élève à 61 %. Comment pourrions-nous atteindre les 77 % d'ici deux ans si rien ne change ?
Nous avons identifié, de façon assez claire, les gisements disponibles. Si de plus en plus de Français opèrent un tri à domicile, il n'en va pas de même lorsqu'ils se restaurent à l'extérieur. Dans l'espace public, ils ne disposent pas de lieu dédié au tri. Pour certains, une incitation financière pourrait constituer un levier, ce qui permettrait d'augmenter le taux de collecte. En outre, des rendez-vous prévus dans notre pays tels que la Coupe du monde de rugby ou les Jeux olympiques pourraient être l'occasion de mesurer, à très grande échelle, l'ensemble des impacts liés à cette question.
La loi prévoyait qu'une concertation serait lancée au premier semestre 2023 et qu'une étude de l'Ademe, l'Agence de la transition écologique, viendrait éclairer, au milieu de l'année au plus tard, les options qui se présentent au Gouvernement. Cette concertation, qui compte quelque soixante-dix participants, a été lancée le 30 janvier par la secrétaire d'État chargée de l'écologie, Bérangère Couillard. Elle vise à examiner l'impact financier, les conséquences pour les collectivités locales, aujourd'hui en première ligne et qui s'inquiètent parfois des pertes de gisement, ainsi que les effets que produirait l'organisation d'une collecte parallèle par certaines filières – puisque certains industriels ont déjà lancé, seuls et sans attendre, des actions de ce type. Nous disposerons ainsi de tous les éléments de nature à éclairer la décision qui sera prise au milieu de l'année.
L'heure est donc à la concertation. Il va de soi que le Parlement sera largement associé aux différentes étapes de ce travail et à la réflexion que nous devons mener. L'enjeu, je le répète, n'est pas le chemin que nous devons emprunter mais l'objectif que nous devons atteindre, et ce d'autant plus que, au-delà de la question du recyclage du plastique, la France accueillera à la fin du mois de mai la prochaine session de négociations visant à aboutir à l'élimination du plastique jetable, conformément à l'ambition et à l'objectif fixés pour 2040.
Le 11 février, nous étions entre 13 000 et 15 000 personnes, rassemblées à Montpellier pour défendre la bouvine et les traditions de notre Sud, au nom de la ruralité et contre l'écologie punitive.
Après la chasse, la pêche, la tauromachie ou encore les 110 kilomètres par heure sur l'autoroute, c'était au tour des courses camarguaises d'être dans le viseur des écologistes et des associations animalistes. Tout se passe comme si, pour certains, l'écologie n'avait plus de sens que dans l'interdiction.
Si je suis d'accord pour considérer qu'il est nécessaire d'agir pour le climat et l'environnement, cette urgence doit selon moi être au service de l'homme. L'écologie gagnerait beaucoup à retrouver son sens étymologique : la bonne gestion d'une maison, dont l'homme doit être le centre. À trop vouloir faire de l'idéologie, qui rime bien souvent avec démagogie, les décisions sont prises à la va-vite et s'avèrent, à terme, contreproductives. Faut-il rappeler que c'est au nom de l'écologie que nous avons bradé l'énergie nucléaire, laquelle nous fait aujourd'hui cruellement défaut, au moment où l'on nous annonce l'interdiction des moteurs thermiques d'ici à 2035 ?
De même, la mise en place des zones à faibles émissions dans onze métropoles dès 2022 et, finalement, dans quarante-trois agglomérations et métropoles à l'horizon 2025, relève – j'ai déjà eu l'occasion de le dire – d'une écologie punitive d'universitaires. Ce dispositif qui part d'un bon sentiment est mal calibré, en plus d'être la source d'une injustice sociale. Je pense notamment aux citoyens qui travaillent et n'auront plus accès à certaines villes, ou portions de villes, faute de solutions alternatives. Nous en ferions, ni plus ni moins, des citoyens de seconde zone.
Ma question est simple : imposerez-vous un moratoire sur les ZFE pour que les Français puissent continuer de circuler librement en attendant d'avoir les moyens de renouveler leur véhicule ?
Si l'on oppose à la corrida, c'est pour une question de respect de l'animal ! Cela n'a rien à voir avec l'écologie !
Tout d'abord, je partage les propos que vous avez tenus au début de votre intervention. Toutes ces mesures n'ont de sens que si l'on sait pourquoi on les prend.
La vérité, c'est qu'il n'est pas certain que la planète se porterait plus mal si l'espèce humaine n'existait plus. Par conséquent, il est faux d'affirmer, comme certains, que l'on défend la planète. On prétend défendre notre espèce, ce qui est déjà un objectif très louable auquel je souscris pleinement. Toutefois cela suppose d'avoir à l'esprit que si l'on n'est pas animé avant tout par une visée humaniste, on s'égare en chemin si bien que, au bout du compte, ses ambitions se fracassent face à ce qui apparaît comme une perte de sens.
S'agissant des zones à faibles émissions, j'aimerais vraiment qu'on profite de ce moment sans chahut dans cet hémicycle – ce qui n'est pas le cas à toutes les heures de la journée – pour se rappeler que la première zone de ce type date de 1996…
…et qu'il en existe dans 14 pays, dont 240 villes en Europe. Et elles ont ailleurs plutôt provoqué l'adhésion puisqu'elles contribuent à lutter contre les bronchiolites, les asthmes et les décès prématurés, et non des débats laissant penser que ce qui se passerait peut-être dans trois ans, en fonction des dépassements de seuils, relèverait d'une forme d'exclusion. Je vous ai entendu sur d'autres sujets faire preuve de finesse et de nuance ; je n'ai donc aucun doute sur le fait que vous serez capable de me rejoindre si je vous dis que l'objectif est de lutter contre la pollution atmosphérique en tenant compte, le long du chemin, de l'avis des élus locaux et dans le cadre d'une concertation qui nous permettra en l'occurrence, à la fin du mois de juin, d'entendre de la part des Toulousains et des Strasbourgeois leurs préconisations pour concrétiser cette ambition tout en évitant de créer une usine à gaz ou quelque chose d'approchant en termes d'accessibilité sociale et d'harmonisation. Voilà très exactement mon ambition. Soyons clairs : il s'agit de conjuguer la santé de nos concitoyens et la préservation de la liberté d'aller et de venir, une liberté constitutionnelle. Il faut tenir d'une main ferme la santé publique, la protection de l'environnement, la liberté et le refus de stigmatiser en suivant le chemin que je vous ai tracé.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Débat sur la revalorisation des salaires des enseignants ;
Débat sur le bilan relatif à la loi confortant le respect des principes de la République.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures quinze.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra