La commission des affaires économiques a examiné pour avis, dans le cadre de l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2023, sur le rapport de M. Hervé de Lépinau, les crédits du programme « Commerce extérieur » de la mission « Économie ».
Chers collègues, nous poursuivons cet après-midi l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2023. Trois avis budgétaires sont inscrits à l'ordre du jour, qui se rattachent tous à la mission Économie : le commerce extérieur, le tourisme ainsi que les communications électroniques et l'économie numérique. Il restera l'avis sur les entreprises à examiner. Le vote sur les crédits de la mission Économie n'aura donc lieu qu'à l'issue de l'examen de ce dernier avis, mardi prochain.
L'avis que je vais donner sur le commerce extérieur est assez marginal dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023. Je vous invite néanmoins à lire le rapport que j'ai rédigé, car c'est un outil de réflexion riche en données, qui vous permettra d'apprécier la réalité de la balance commerciale française. Nous avons auditionné vingt-neuf personnes de très haut niveau, dont les compétences m'ont permis de rédiger ce rapport en toute connaissance de cause.
Le commerce extérieur français subit les conséquences d'un environnement international profondément instable et dégradé. La guerre en Ukraine, la politique du « zéro covid » menée en Chine ainsi que les tensions d'approvisionnement liées à la reprise de l'activité économique après la pandémie grippent le fonctionnement de l'économie mondiale et pénalisent nettement notre commerce extérieur en 2022. Malgré un excédent historique du solde des services, qui s'élève à 34 milliards d'euros, le déficit commercial français poursuit sa dégradation et s'établit à – 71 milliards d'euros au premier semestre 2022, contre – 51 milliards d'euros au second semestre 2021. Cette situation résulte de l'explosion de la facture énergétique française, passée de 27 à 48 milliards d'euros.
Dans ce contexte, les moyens budgétaires accordés au soutien du commerce extérieur sont d'une importance cruciale. Les crédits prévus à l'action n° 7 du programme 134 augmentent de 37 % pour s'élever à 184,88 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Cette augmentation s'explique principalement par la hausse des financements attribués à l'opérateur Business France et à BPIFrance Assurance Export.
Business France est l'opérateur chargé du développement international des entreprises françaises, de la gestion du volontariat international en entreprise (VIE), des projets d'investissements étrangers en France et de la promotion de l'image économique de la France. Pour exercer ses missions, l'opérateur bénéficie d'une subvention pour charges de service public qui s'établit à 100,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, soit une augmentation de 18 % par rapport à la loi de finances pour 2022.
Les moyens alloués à Business France sont encadrés par un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens, dont le renouvellement fait actuellement l'objet de négociations avec l'État. La hausse de la dotation prévue par le projet de loi de finances pour 2023 permettra de renforcer la digitalisation de l'activité de l'opérateur, d'adopter des mesures de cybersécurité et d'accroître les programmes d'accompagnement intensif de secteurs d'activité ciblés.
S'agissant de BPIFrance Assurance Export, le projet de loi de finances prévoit 78,10 millions en autorisations d'engagement et en crédits de paiement au titre de la rémunération de l'opérateur pour sa gestion des garanties publiques et des outils de soutien financier à l'export. Cette dotation, en augmentation de 56 % par rapport à 2022, permettra de couvrir les coûts associés au transfert des missions financières opérées par Natixis et à l'assujettissement à la TVA de l'ensemble de la prestation réalisée par BPIFrance Assurance Export.
Mon avis sur les crédits est favorable. Il convient néanmoins de tenir compte des circonstances géopolitiques du moment et de s'assurer que ces crédits sont bien adaptés aux missions des opérateurs, en particulier en ce qui concerne les nouvelles missions revenant à BPIFrance.
J'ai souhaité, dans le cadre de la seconde partie de mon rapport, m'intéresser à deux phénomènes conjoncturels qui me semblent révéler des faiblesses plus structurelles : la hausse du coût de l'énergie et la dépréciation de l'euro face au dollar.
Les prix de l'énergie importée ont connu une véritable explosion avec une hausse de plus de 380 % entre 2020 et 2022. Ce renchérissement du coût de l'énergie résulte en premier lieu des perturbations économiques et politiques mondiales, notamment de la guerre en Ukraine. La facture énergétique française a été multipliée par près de deux, passant de 27 à 48 milliards d'euros en 2022, et explique presque à elle seule la dégradation de notre balance commerciale. Le phénomène le plus marquant concerne l'électricité, puisque la France est, pour la première fois, importatrice nette d'électricité, avec un déficit de 1 milliard d'euros au premier semestre 2022. Les circonstances accidentelles seules ne suffisent pas à expliquer la faible disponibilité de notre parc nucléaire et on ne peut que regretter les choix politiques qui nous ont conduits, au nom d'une idéologie franchement irréaliste, à négliger ce qui constitue l'un de nos plus grands atouts.
Le renchérissement du coût de l'énergie est susceptible de constituer un phénomène durable et place nos entreprises dans une situation intenable. Les entreprises exportatrices voient ainsi leur compétitivité-prix affectée, tandis qu'à plus long terme leur compétitivité hors prix risque de se dégrader du fait d'un investissement insuffisant. Je tiens donc à alerter notre Assemblée sur la situation de notre tissu industriel qui, à court terme, va se trouver face à des difficultés majeures de trésorerie conduisant à la fermeture de capacités de production, notamment au sein de secteurs d'activité énergivores comme l'agroalimentaire, la chimie ou la pharmacie.
Cette conjoncture dégradée en France ne constitue pas pour autant une singularité en Europe. En effet, la zone euro dans son ensemble ainsi que nos principaux partenaires commerciaux – Allemagne, Italie, Espagne – sont durement affectés par ce choc énergétique. Outre une dégradation nette de leur balance commerciale, la conjoncture économique se traduit par un niveau d'inflation relativement plus élevé qu'en France. Ce différentiel d'inflation s'explique en partie par notre mix énergétique, ce qui souligne une fois encore la nécessité de renforcer notre indépendance en la matière.
La hausse conjoncturelle du prix de l'énergie révèle des faiblesses plus structurelles du marché européen de l'énergie. L'urgence est de réformer son fonctionnement, car il a joué un rôle d'amplification de la crise et non d'amortisseur. De manière générale, la fixation du prix de l'électricité par le coût de l'unité marginale de production, c'est-à-dire les centrales thermiques aux coûts de production les plus élevés – gaz, charbon et fioul – lie artificiellement le prix de l'électricité et du gaz, à notre désavantage. De plus, la libéralisation du marché énergétique français et la création du dispositif d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) sont un échec retentissant, tant sur les prix aux consommateurs que sur les investissements dans nos capacités de production. Le système actuel affecte fortement les capacités d'investissement d'EDF, qui apparaissent pourtant cruciales dans le contexte incertain et dégradé que nous connaissons. Je suis donc convaincu que la réforme structurelle du marché européen de l'électricité lancée par la Commission européenne, le 9 septembre, doit être l'occasion de refonder notre modèle et d'imposer des mécanismes plus favorables à notre modèle énergétique, notamment vis-à-vis de l'Allemagne.
La dépréciation très nette de l'euro face au dollar a également retenu mon attention. J'ai souhaité étudier ses conséquences sur le commerce extérieur français ainsi que sur le contexte inflationniste que nous connaissons. L'euro, pour la première fois depuis 2002, a atteint la parité avec le dollar, en raison d'une forte appréciation du dollar qui bénéficie d'un statut de valeur refuge et d'un environnement économique, politique et financier plus favorable. Les effets sur le commerce extérieur français sont difficiles à anticiper, notamment parce que d'autres phénomènes interviennent, déjouant ainsi les grandes lois de la théorie économique. Après une première dégradation de la balance commerciale du fait du renchérissement du coût des importations, la dépréciation devrait contribuer en théorie à accroître la compétitivité-prix des biens et services français, stimulant de fait nos exportations. Les secteurs de l'aéronautique, du tourisme ou encore du fret maritime pourraient ainsi être concernés par ces gains de compétitivité. Toutefois, la dépréciation alimente également l'inflation au travers des importations énergétiques et de matières premières libellées en dollars. Il semblerait donc que, dans ce cas précis, la conjoncture monétaire soit pénalisante pour la compétitivité des entreprises françaises, y compris à moyen terme.
Cette question m'a conduit à m'interroger sur les équilibres de la zone euro et sur ce que nous pouvions craindre des déséquilibres commerciaux croissants entre États membres – rappelons que 53 % de nos exportations concernent la zone euro. Le cadre de l'Union économique et monétaire ne permet plus aux États d'ajuster leurs déséquilibres commerciaux en agissant sur le taux de change. Cette situation est compensée par le mécanisme dit « Target 2 », propre à l'eurosystème, qui permet le financement de pays déficitaires par ceux en situation d'excédent. Alors que la locomotive de l'Union, l'Allemagne, s'apprête à entrer en décroissance, son déraillement aura des répercussions sur les pays du Sud, jusqu'à présent plutôt à la remorque.
Toutefois, les déséquilibres financiers entre les pays excédentaires – Allemagne et Pays-Bas – et les pays déficitaires – Italie, Espagne, Portugal et Grèce – se sont accrus depuis la crise des dettes souveraines et se traduisent par une dégradation des conditions d'emprunt des pays déficitaires. La situation économique de plus en plus préoccupante de l'Allemagne, qui devrait connaître une récession l'année prochaine, fait redouter une fragmentation de la zone euro.
J'appelle d'ailleurs votre attention sur une déclaration assez retentissante M. Christian Saint-Étienne, un économiste que l'on peut qualifier de mainstream et qui ne contribue pas à l'élaboration du programme économique et financier du Rassemblement national. Il a clairement posé la « question anglaise » : si l'Union européenne et plus particulièrement les fonctionnaires de Bruxelles deviennent des freins au rétablissement d'un équilibre des marchés financier et de l'énergie, alors la question d'une remise au pas de Bruxelles doit se poser de manière imminente. Nous entrons ainsi véritablement dans une zone de turbulences. La crise doit nous inviter à repenser le fonctionnement de l'Union européenne et de la zone euro.
En conclusion, le commerce extérieur français constitue un cas d'école politique qui permet d'embrasser les thématiques essentielles que sont les questions énergétiques et celles relatives au fonctionnement de l'Union européenne et de la zone euro. Les auditions que j'ai menées dans le cadre de ce rapport me conduisent à conclure en insistant sur les inquiétudes des acteurs économiques. Le renchérissement du coût de l'énergie et, dans une moindre mesure, le phénomène de dépréciation monétaire pèsent sur notre balance commerciale et fragilisent gravement notre appareil productif. Les effets à court terme, déjà visibles, et l'inquiétude exprimée par les entreprises sur l'ensemble de notre territoire doivent susciter une réaction volontariste et rapide des pouvoirs publics. Les effets à moyen et long termes consisteront en une dégradation préjudiciable de la compétitivité hors prix de nos entreprises. La conjoncture économique révèle en outre avec force le besoin de réformer structurellement, à l'échelle européenne, le fonctionnement du marché énergétique et celui de la zone euro. Il en va de la préservation de notre compétitivité et, plus largement, de notre avenir commun.
Monsieur le rapporteur, vous émettez un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Économie concernant le commerce extérieur, reconnaissant ainsi le caractère ambitieux des moyens qui sont alloués au commerce extérieur dans ce projet de loi de finances. Ces moyens, qui sont largement justifiés au regard de notre balance commerciale, s'inscrivent dans la stratégie du Gouvernement et de la majorité depuis cinq ans pour rétablir l'équilibre de notre balance, après trente ans d'abandon de notre industrie par les gouvernements successifs.
Notre stratégie repose sur trois piliers. Le premier consiste à protéger nos entreprises et nos industries, hier face aux délocalisations et à la covid-19, aujourd'hui face à la hausse des prix de l'énergie. Vous soulignez, dans votre rapport, les efforts faits par le Gouvernement pour contenir l'inflation, rappelant que la France se distingue par un mix énergétique favorable et par un soutien des pouvoirs publics avec le bouclier tarifaire. Celui-ci, qui donne à notre pays un avantage compétitif vis-à-vis de ses partenaires européens, doit être financé par un amendement qui prélèvera plusieurs milliards d'euros sur la rente des énergéticiens. J'espère que vous voterez cet amendement avec nous.
Le deuxième pilier de notre stratégie consiste à renforcer l'attractivité de notre pays. C'est ce que nous avons fait avec la baisse massive des impôts, la réforme du marché du travail, la simplification de la vie des entreprises ou encore le lancement d'événements comme le sommet Choose France. Cette stratégie paye : depuis 2019, la France est le pays le plus attractif d'Europe pour les investissements étrangers, notamment industriels.
Concernant la dépréciation de l'euro, si vous exprimez des inquiétudes, vous soulignez dans votre rapport que la dépréciation devrait contribuer à renforcer le volume des exportations de notre pays et l'attractivité de la France. Pourriez-vous préciser votre pensée en la matière ?
Enfin, troisième et dernier pilier de notre stratégie, nous soutenons nos entreprises à l'export. Vous avez indiqué dans votre rapport que le nombre d'entreprises françaises exportatrices atteint un record historique en 2022. La raison en est que nous avons mis les moyens pour soutenir nos entreprises à l'export. Vous soulignez les efforts exceptionnels accomplis en la matière : + 37 % de crédits alloués au commerce extérieur, + 18 % de moyens alloués à Business France, + 56 % de crédits pour la rémunération de BPIFrance Assurance Export. Vous soulignez les conséquences bénéfiques de nos réformes, alors que le Rassemblement national ne les a jamais soutenues : pourriez-vous nous expliquer votre position en la matière ?
Notre groupe votera l'avis favorable que vous proposez.
Je tiens tout d'abord à remercier M. Rodwell, qui m'a fait l'honneur d'assister à plusieurs auditions – il est d'ailleurs le seul.
Les chiffres cités dans mon rapport sont ceux du premier semestre 2022, car nous ne disposons pas encore de ceux du deuxième semestre, lesquels devraient révéler une dégradation. Il aurait fallu que ce rapport soit établi avec un décalage de six mois pour pouvoir intégrer totalement l'année 2022.
Si nous ne pouvons que soutenir nos entreprises à l'export, je tiens tout de même à rappeler avec beaucoup de modestie la portée de l'avis qui est le mien : il consiste à dire si, oui ou non, nous devons continuer à accompagner ce super VRP qu'est Business France dans le cadre de la présentation de la force des entreprises françaises à l'export.
Je tiens à souligner la qualité du travail réalisé par notre collègue Hervé de Lépinau. Au-delà d'une photographie précise des crédits dédiés à l'appui au commerce extérieur, son avis met en exergue l'impact du contexte international sur notre commerce extérieur depuis la pandémie de covid-19 et rappelle que des secteurs « locomotives » de notre économie, comme l'aéronautique, ont vu leur solde positif divisé par deux en trois ans. Couplée aux effets croissants de la guerre en Ukraine, cette situation a créé les conditions d'un retournement négatif, avec une facture énergétique multipliée par cinq en deux ans et une dépréciation de l'euro face au dollar qui renforce l'inflation sans créer, pour le moment, de rebond à l'exportation.
Le rapporteur indique également les grandes orientations stratégiques à adopter d'urgence pour sortir de ce marasme, en particulier l'urgente réforme du marché européen de l'énergie, mal conçu et contraire à nos intérêts puisqu'il a entraîné l'accroissement artificiel du coût de notre énergie, alors que nous avions créé les conditions de notre indépendance nationale énergétique dès les premières années de la Ve République. Notre pays, souffrant de la hausse des prix d'importation des matières premières et de l'énergie, subit un fort ralentissement malgré le nombre croissant d'entreprises françaises exportatrices – cela souligne d'ailleurs la capacité de notre peuple et de nos entrepreneurs à faire face à la crise en dépit d'une conjoncture adverse et de règles du jeu trop souvent favorables à la concurrence internationale.
Ma question porte sur la réunion des chefs d'État qui s'est tenue le 7 octobre dernier dans le cadre d'un sommet informel consacré à la crise énergétique. Quel regard portez-vous sur le peu d'informations délivrées par le Gouvernement, alors que la stratégie française en matière de commerce extérieur nécessite des ajustements urgents en faveur de nos entreprises ?
Concernant notre ligne politique, nous avons une divergence avec le parti gouvernemental, qui est dans le mantra et l'idéalisation de perspectives, alors que nous sommes dans le concret. Je ne voudrais pas que Business France se rende dans des salons internationaux avec des cadavres d'entreprises dans ses soutes. Le danger qui se présente, ce sont des dépôts de bilan en rafale : nombre de très petites entreprises (TPE), petites et moyennes entreprises (PME) et établissements de taille intermédiaire (ETI) ne pourront pas supporter l'explosion du coût de l'énergie.
Plutôt qu'un bouclier financé par la dette et ne servant que d'amortisseur, nous demandons une réforme structurelle du marché européen de l'électricité. Il faut décorréler immédiatement le prix de l'électricité de celui du gaz et sortir la France de ce mécanisme. Il est en effet totalement anormal, voire scandaleux, qu'EDF soit obligée de vendre son mégawatt à 42 euros pour le voir ensuite revenir sur le marché européen à plusieurs centaines d'euros, revendu par des opérateurs qui font ainsi des marges absolument colossales. Pour vous donner un exemple très précis, dans ma circonscription, une entreprise verra sa facture d'électricité multipliée par treize si rien n'est fait pour sortir la France du marché européen de l'électricité.
Depuis quinze ans, le commerce extérieur français sombre : la balance commerciale est structurellement négative et la conjoncture actuelle ne fait que dégrader de façon exponentielle la situation. Nous connaissons l'ampleur des dégâts : – 85 milliards en 2021, – 156 milliards prévus en 2022 et – 154 milliards en 2023. Ce problème perdure, car ce sont les mêmes logiques qui sont répétées à l'envi. Depuis plus de quinze ans, la France dépense des centaines de millions d'euros pour aider des entreprises françaises à l'international sans aucune évaluation des politiques publiques de compétitivité, sans objectifs ni indicateurs clairs, sans fixer de conditions sociales et écologiques, sans même élaborer de plan stratégique.
Dans son rapport publié en octobre 2022, la Cour des comptes souligne les lacunes du contrat d'objectifs et de moyens conclu entre l'État et Business France pour la période 2018-2022, ce contrat ne mentionnant aucun secteur à accompagner de manière préférentielle, aucun objectif stratégique ni aucun indicateur. La méthode Business France consiste à laisser aux entreprises, par l'intermédiaire du Conseil national de l'industrie, le soin de déterminer leurs priorités en matière d'export. Autrement dit, l'argent public ne sert pas à mettre en œuvre une politique publique de commerce extérieur mais à financer des projets privés dont on se demande bien quels sont les critères de leur sélection. C'est là que le bât blesse : nous soutenons des entreprises dans des secteurs polluants, dans des zones et dans des pays socialement et humainement hautement critiquables. Comment justifie-t-on de financer des start-up à Dubaï dans le cadre du programme Booster ? En quoi le fait d'encourager l'évasion fiscale à Dubaï améliorerait-elle la balance commerciale française et la situation de l'emploi en France ?
Par ailleurs, comment intègre-t-on les exigences de l'accord de Paris dans la stratégie d'exportation ? Que voulons-nous produire en France, relocaliser à tout prix ou au contraire exporter ? Il faut un plan de souveraineté agricole, il faut un plan de relocalisation des productions stratégiques comme les médicaments, il faut travailler à notre souveraineté énergétique par le développement des énergies renouvelables. Enfin, il faut cesser de financer à vue et Business France doit répondre à un cahier des charges précis. En dépit de l'alerte de la Cour des comptes, rien n'est envisagé pour y remédier. Business France et BPIFrance coûtent donc 180 millions d'euros d'argent public, sans évaluation environnementale ni sociale, sans objectifs et sans indicateurs.
Mon sujet n'était pas l'éthique en commerce international. Il s'agit d'un avis strictement budgétaire et, au regard de la mission qui est la mienne, je n'ai pas à me prononcer sur les considérants que vous avez évoqués. Nous avons les uns et les autres des approches différentes de ce que peuvent être la mondialisation et le commerce international et je respecte totalement les objections que vous avez formulées, mais ce n'était pas le cœur de ma mission. Quant à Business France, c'est un facilitateur qui aide les entreprises françaises à rencontrer des administrations locales, à s'implanter et à se faire connaître ; en aucune manière il ne peut interférer dans la stratégie de développement des entreprises.
Le commerce extérieur français se porte très mal. Les premiers regards se tournent vers l'Ukraine et la crise énergétique qui découle de la guerre, mais il serait trop facile d'évoquer cette seule difficulté pour expliquer la situation de notre commerce extérieur. Néanmoins, nous pouvons revenir quelques instants sur les questions énergétiques. Une politique d'errements depuis de nombreuses années et sous différents gouvernements a rendu la France fragile au regard de son autonomie énergétique et de sa souveraineté nationale.
S'agissant de problèmes plus structurels, notre pays connaît depuis de très nombreuses années une désindustrialisation qui a contribué à fragiliser notre commerce extérieur. Cela s'explique de plusieurs manières, notamment par un manque de compétitivité, les charges sociales, fiscales ou réglementaires qui pèsent sur notre économie étant bien plus importantes que chez nos voisins et nos concurrents immédiats. Selon certains, l'euro pénalise l'économie française et est en partie responsable des déficits commerciaux, alors même que l'Allemagne, avec la même monnaie, est un champion d'Europe, sinon le champion du monde. Nous avons aussi, hélas, constaté un manque de protection de la part de l'Union européenne autour de ses frontières.
Enfin, vous avez souligné qu'un certain nombre d'organismes publics ou parapublics bénéficiaient d'un soutien important de l'État. Je citerai pour ma part les CCI (chambres de commerce et d'industrie), qui ont décliné au fil du temps alors qu'elles ont joué un rôle majeur pendant la crise de la covid-19. Leur budget ne cesse d'être raboté alors qu'elles aussi peuvent accompagner et soutenir les entreprises à l'export.
Concernant la dépréciation de l'euro, nous aurions pu bénéficier de la parité avec le dollar s'il n'y avait pas eu la crise énergétique. Quelques secteurs sont moins concernés, comme les services informatiques et le tourisme, même si des professionnels de la filière tourisme nous ont indiqué que le coût de l'énergie n'était pas neutre dans leur activité. Ainsi, la dépréciation de l'euro, qui aurait pu constituer un avantage, se trouve désormais neutralisée.
Par ailleurs, 53 % du commerce extérieur se fait dans la zone euro. La question de la parité n'a pas d'incidence. Pour le reste, près de la moitié du commerce effectué auprès de pays tiers se fait également en euros. La part restante est donc assez marginale.
Monsieur le rapporteur, vous consacrez une partie de votre rapport au risque que la crise énergétique fait peser sur la compétitivité des entreprises françaises. Nous en connaissons tous ici les causes, entre tensions sur l'approvisionnement en gaz et production électronucléaire insuffisante. L'Allemagne vient d'annoncer un bouclier tarifaire de 200 milliards d'euros, dont 25 milliards destinés à 25 000 entreprises consommatrices d'énergie, ainsi qu'une aide pour l'ensemble des PME et TPE. Ce plan représente une aubaine pour l'économie allemande, mais aussi un danger important pour le marché intérieur de l'Union européenne – en particulier pour les entreprises françaises, si nous ne leur proposons pas un bouclier tarifaire ambitieux. La compétitivité-prix, qui nous permet de compenser en partie notre manque de compétitivité hors prix, serait autrement laminée, avec des conséquences considérables pour tout notre écosystème export. Je souhaite donc connaître, à l'aune de vos travaux, votre point de vue sur le périmètre et les outils d'intervention d'un tel bouclier pour les entreprises.
Vous avez évoqué à plusieurs reprises le fonctionnement de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh). En pleine crise énergétique, nous voyons tous ses travers. Dans l'attente d'une refonte globale, êtes-vous favorable à un fléchage de l'Arenh vers les entreprises qui en ont besoin – et seulement celles-ci ?
Le fait que l'inflation en France soit inférieure à ce qu'elle est chez ses voisins pourrait constituer, à la lecture de votre rapport, un gisement de compétitivité et une chance pour nos entreprises. Cela résulte du retard – que nous dénonçons – dans le rattrapage de l'inflation par les salaires, mais pas uniquement. Pourriez-vous développer ce point ?
Je crois l'avoir fait comprendre dans mon rapport, le bouclier tarifaire n'est pas nécessairement la solution que je retiendrais. Le bouclier tarifaire, ce sont des aides aujourd'hui et des impôts demain.
Le marché européen de l'électricité a été construit dans un contexte où il n'y avait pas d'inflation et où l'Allemagne était notre locomotive, car elle n'avait pas alors de difficultés d'accès aux énergies fossiles, qui constituent l'un des piliers de sa croissance économique. Compte tenu de ses fondamentaux, ce modèle a complètement volé en éclats. Selon moi, il serait mortifère pour l'Union européenne de maintenir coûte que coûte une architecture obsolète, au motif que sa remise en cause pourrait être considérée par certains comme une remise en cause de l'Union européenne elle-même. Il faut savoir faire la part des choses et, surtout, faire preuve de pragmatisme.
Le facteur temps joue : nous devons prendre des décisions à plus ou moins quinze jours. Nos entreprises sont dans une phase de renégociation de leurs contrats d'énergie, et ce qu'annoncent les opérateurs à ce sujet est tout à fait alarmant. J'ai pris cette image tout à l'heure : Business France doit-il avoir des cadavres d'entreprises dans ses soutes ? Je ne le crois pas ! La réponse doit être apportée tout de suite. Je pourrais comprendre que l'on se lance dans un bouclier tarifaire tel qu'il a été conçu pour les particuliers, mais je ne crois pas que ce soit la bonne solution.
La question du déficit commercial est un serpent de mer : certes, il se creuse aujourd'hui, notamment en raison du prix de l'énergie, mais nous en entendons parler depuis une bonne vingtaine d'années.
Pour 100 entreprises exportatrices françaises, on en compte 171 en Italie et 265 en Allemagne. C'est rarement souligné, mais cette plus grande facilité à exporter tient probablement à la structuration différente de ces deux pays, aux autonomies qui y sont instituées. On y est beaucoup plus réactif et rapide que dans un système centralisé comme le nôtre. Le système fédéral allemand est d'ailleurs vanté pour sa réactivité.
Une entreprise de ma circonscription, qui réalise 65 % de son chiffre d'affaires à l'export, a en ce moment des difficultés, non pas à cause du prix de l'énergie, mais parce qu'elle est engluée dans des questions administratives : elle a besoin de deux autorisations, et il faudrait que l'on demande pour cela une dérogation à un règlement européen, ce qui n'est pas fait. Ses clients étrangers – j'ignore par quelle voie ils ont été informés – lui demandant si elle a bien ces autorisations. De telles situations ne devraient tout simplement pas exister.
Il y a donc une question d'articulation et de simplification de notre architecture administrative. Pour pouvoir prendre des décisions à quinze jours, comme vous l'avez dit, il faut être réactif. Or nous n'avons pas cette capacité à répondre rapidement à une entreprise et à dénouer les situations. À mon sens, c'est sans doute le principal problème, car c'est là que la conquête des marchés se joue.
Le Gouvernement veut supprimer la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). D'une part, cela ôtera encore de l'autonomie aux collectivités locales. D'autre part, les Allemands prélèvent eux aussi des impôts de production, ce qui n'empêche pas leurs entreprises d'être compétitives.
L'Allemagne présente une particularité par rapport à la France : elle dispose d'un tissu dense d'entreprises de taille intermédiaire (ETI), notamment parce que la culture de l'entreprise familiale y est préservée. Cela soulève la question de la fiscalité applicable en cas de transmission du patrimoine industriel. En France, d'un côté de l'échiquier politique, on veut surtaxer les successions. Or nous savons où cela nous mène.
Notre construction administrative favorise effectivement la multiplicité des contrôles. Si la centrale de Flamanville ne démarre toujours pas, c'est parce qu'on a ajouté des processus de sécurité les uns aux autres. Un tel millefeuille d'intervenants crée les lourdeurs administratives que vous avez évoquées.
La France dispose de champions qui comptent dans sa balance commerciale, dans les services, le tourisme et l'informatique. En revanche, elle s'est désindustrialisée et a perdu énormément d'emplois industriels ; vous en connaissez mieux que moi les raisons.
La commission des affaires économiques a poursuivi avec l'examen pour avis, sur le rapport de Mme Virginie Duby-Muller, les crédits de la mission « Économie », en ce qui concerne le « Tourisme ».
J'ai le plaisir de vous présenter les crédits consacrés au tourisme, ainsi que mes travaux sur la thématique que j'ai choisie : les enjeux de la désaisonnalisation du tourisme. J'ai auditionné dix-neuf acteurs et reçu des contributions écrites, ce qui m'a permis d'avoir un panorama complet de cet écosystème.
Je souhaite commencer par un point de conjoncture. On peut se réjouir de bonnes nouvelles pour le secteur. Après deux années moroses liées à la pandémie de covid-19, le tourisme a retrouvé des couleurs cet été : 35 millions de Français ont pu partir en vacances ; les ventes de billets de train ont progressé de 10 % par rapport à 2019 ; la recette moyenne par chambre d'hôtel a progressé de 22 % environ sur la même période.
Les acteurs du tourisme que j'ai auditionnés ont salué le soutien du Gouvernement à la filière pendant la crise. Ce soutien financier a représenté, au total, 38 milliards d'euros environ. Ces bonnes nouvelles ne doivent cependant pas occulter les difficultés auxquelles la filière touristique est confrontée.
D'abord, les entreprises du secteur sont inquiètes pour le remboursement de leurs prêts garantis par l'État (PGE), alors qu'elles doivent dans le même temps investir pour répondre aux grands enjeux du tourisme de demain, au premier rang desquels figurent la transition écologique et la numérisation.
Ensuite, au même titre que l'ensemble des entreprises et des ménages, les acteurs du tourisme sont frappés par l'inflation, particulièrement par la hausse des prix de l'énergie. Ce sujet est de première importance pour la saison d'hiver. Le Gouvernement se mobilise pour aider les entreprises, et le secteur s'engage au travers du plan de sobriété énergétique. Mais il faudra rester très attentif à la situation pour assurer que les mesures décidées soient en adéquation avec les besoins des entreprises.
Enfin, la pénurie de main-d'œuvre est importante chez les saisonniers. Chacun a pu le constater cet été : certains hébergements ont dû revoir leurs prestations à la baisse. Le Gouvernement a lancé en septembre une campagne de promotion des métiers du tourisme ; je souhaite qu'elle puisse rapidement porter ses fruits.
J'en viens à la présentation de la première partie de mon avis budgétaire, relative à l'examen des crédits proprement dits.
Nombre de rapporteurs spéciaux et de rapporteurs pour avis ont déploré, par le passé, l'éparpillement des crédits relatifs au tourisme dans les projets de budget. Ces crédits étaient pour la plupart partagés entre Bercy et le ministère des affaires étrangères.
Désormais, l'essentiel des crédits ayant trait au tourisme est rassemblé au sein du programme 134 Développement des entreprises et régulation de la mission Économie, ce qui est un point positif. Cela apporte davantage de lisibilité et va de pair avec la nomination à Bercy de Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée, entre autres, du portefeuille du tourisme. Je souhaite que ce regroupement puisse s'accompagner de la reconstitution rapide du comité interministériel du tourisme et du comité de filière du tourisme, deux instances essentielles pour assurer la coordination et l'écoute de tous les acteurs.
Le tourisme pèse 7 % de notre PIB, avec 2 millions d'emplois directs et indirects associés. La rationalisation des crédits au sein du projet de budget doit être l'occasion d'assurer que toutes les potentialités économiques du secteur sont bien exploitées. Pour aller plus loin, on pourrait souhaiter le retour d'une action intégralement consacrée au tourisme au sein du programme 134. Pour l'heure, les crédits du tourisme sont rattachés à l'action 23 Industrie et services.
Atout France, l'opérateur de l'État en matière de tourisme, recevra une subvention pour charges de service public de 28,7 millions d'euros. Ce montant est stable par rapport à l'année dernière, de même que le nombre d'emplois associés, qui s'établit à 338 équivalents temps plein. L'année 2023 sera une étape cruciale pour Atout France, avec le renouvellement de son contrat d'objectifs et de performance. En plus de cette subvention, l'opérateur est rémunéré par une partie des recettes issue des droits de visas, ainsi que par des partenariats conclus avec des tiers.
S'agissant des dépenses d'intervention, environ 8 millions d'euros en autorisations d'engagement et 10 millions en crédits de paiement sont prévus pour le tourisme dans le programme 134. Ces crédits doivent financer des mesures du plan Destination France. Annoncé en novembre 2021, ce plan est la feuille de route de l'État en matière touristique à dix ans et prévoit un budget total de 1,9 milliard. Il s'articule autour de cinq axes : conquérir et reconquérir les talents ; renforcer la résilience du secteur et la montée en qualité de l'offre ; valoriser et développer les atouts touristiques ; répondre aux enjeux de transformation du secteur ; promouvoir la destination France.
Dans le projet de budget, 6 millions d'euros sont notamment fléchés pour le soutien à l'ingénierie des territoires, dispositif particulièrement plébiscité par les acteurs locaux – par exemple dans le cadre du plan Avenir Montagnes.
Enfin, environ 5 milliards d'euros de dépenses fiscales contribuent au soutien du secteur touristique. Ces mesures consistent pour l'essentiel en des taux de TVA réduits sur certains services de logement et de restauration.
En tant que rapporteure pour avis, je prends acte de la stabilité des dépenses consacrées au tourisme dans le projet de loi de finances pour 2023, tout en notant un effort de rationalisation du pilotage de ce budget au sein de la mission Économie. Concernant le vote de ces crédits, je m'en remets à la sagesse de la commission. Ces efforts doivent à présent se traduire en actes, afin de redonner au tourisme toute la place qu'il mérite au sein de notre économie.
J'en viens à la deuxième partie, dite thématique, de mon rapport, qui porte sur les enjeux relatifs à la désaisonnalisation du tourisme. Le but de ce travail a été de comprendre en quoi il peut être intéressant d'atténuer la saisonnalité du tourisme et comment procéder.
Le tourisme est une activité saisonnière. Sans rappeler tous les facteurs qui l'expliquent, on constate évidemment que les départs en vacances, particulièrement des familles, sont très dépendants du calendrier scolaire. Or cette saisonnalité a des conséquences sur l'environnement et sur l'expérience touristique. La concentration de l'activité touristique sur certaines périodes de l'année conduit à des pics de fréquentation, qui nuisent parfois à la qualité des séjours. En outre, les milieux naturels sont dégradés par cette pression accrue.
En parallèle, l'urgence climatique et de nouvelles pratiques de la part des clients plaident pour le développement d'une fréquentation touristique mieux répartie tout au long de l'année. Les conséquences du réchauffement climatique sont particulièrement visibles dans les zones géographiques qui accueillent les touristes en haute saison. À la montagne, l'enneigement devient à la fois plus réduit et plus variable. Quant au littoral, il est frappé, entre autres, par la montée des eaux, le réchauffement des océans et l'érosion. Chacun a aussi en tête les terribles incendies de cet été. Ainsi, le réchauffement climatique a des conséquences sur l'activité touristique – et réciproquement, puisque le tourisme est aussi une activité émettrice de gaz à effet de serre, particulièrement son volet transports.
Par ailleurs, la demande évolue dans le sens d'un tourisme moins focalisé sur les saisons « classiques ». De nombreux touristes sont en quête d'un tourisme plus responsable. Cela signifie souvent la recherche de lieux moins fréquentés, avec des activités qui mettent en valeur les atouts des différents territoires, tout en partant moins loin de chez soi.
Certains publics sont davantage susceptibles d'être attirés par un tourisme hors saison. On peut aisément penser à la clientèle étrangère, à la clientèle senior, aux jeunes et aux couples sans enfant, qui sont moins dépendants du calendrier scolaire. En outre, le développement récent du télétravail ou du staycation – pratique consistant à faire du tourisme tout en restant sur son lieu de résidence – offre de nouvelles possibilités. Le tourisme d'affaires et l'événementiel sont, quant à eux, déjà désaisonnalisés et constituent un levier économique majeur. Enfin, le tourisme social et les classes de découverte peuvent aussi être développés sur le hors-saison, tout en permettant de promouvoir les vacances pour tous.
Face à ces constats, la désaisonnalisation apparaît comme un bon moyen de réguler les flux touristiques dans l'espace et dans le temps. Il existe déjà des évolutions en ce sens. Cela se voit à la montagne, dont le succès à la période estivale n'est plus à démontrer, mais les progrès se constatent aussi dans d'autres territoires. Lors des auditions, de nombreux acteurs ont témoigné de la progression du chiffre d'affaires réalisé hors saison.
Les offres et les activités s'adaptent en conséquence. L'offre de logements est un facteur déterminant lors de l'établissement d'un projet de vacances. Il existe souvent des réductions tarifaires pour les séjours hors saison. Il serait possible d'aller plus loin, en relevant par exemple le quota d'habitations légères de loisirs autorisées dans les campings, ce qui permettrait de venir toute l'année dans ces structures.
Certaines activités se prêtent davantage au tourisme hors saison. Le vélotourisme est une pratique dont il faut encourager le développement, car elle peut se pratiquer aisément à l'automne ou au printemps. De même, le thermalisme est une activité qui vit à l'année et qui permet de valoriser les territoires ruraux et de montagne. Son volet bien-être peut encore être renforcé.
De nombreuses autres activités peuvent être pratiquées à l'année : l'agrotourisme, le tourisme de savoir-faire, la découverte du patrimoine – la liste n'est pas exhaustive. Pour permettre au public de s'y retrouver, il convient d'assurer que l'offre soit lisible et facilement réservable. La filière touristique a encore des efforts à fournir en matière de numérisation, mais des initiatives émergent. Par exemple, la plateforme Alentour, développée par la Banque des territoires et lancée il y a un an, recense déjà plus de 10 000 activités réservables en ligne.
En outre, nous ne devons pas rater les occasions offertes par les grands événements sportifs. Il y a bien évidemment les Jeux olympiques et paralympiques en 2024, mais aussi, dès l'année prochaine, la coupe du monde de rugby, qui se tiendra en septembre et en octobre dans neuf villes différentes.
Parallèlement, afin de soutenir la création d'une offre touristique désaisonnalisée, les dispositifs de promotion et de communication ainsi que les soutiens publics s'adaptent.
Les différents acteurs de la promotion touristique misent désormais davantage sur une communication tournée vers le hors saison. De même, les différents labels existants peuvent orienter les choix du public vers des destinations responsables. On peut citer ici le label Flocon vert, développé par l'association Mountain Riders, qui distingue les stations de ski engagées dans une démarche durable. S'agissant du vélo, la marque Accueil vélo permet d'assurer une bonne structuration de l'offre de services à proximité des itinéraires cyclables.
Parmi les plans de soutien public en faveur du tourisme, certaines mesures vont dans le même sens, aussi bien au niveau national qu'au niveau local. Je souhaite insister ici sur les apports positifs en la matière du plan Avenir Montagnes, qui était résolument tourné vers la diversification, tout en reconnaissant les spécificités propres à chaque territoire. Il est essentiel de maintenir un tel dispositif de soutien à la transition écologique pour les massifs montagneux, notamment en matière d'ingénierie.
Enfin, pour fonctionner, le tourisme hors saison doit trouver son juste modèle économique. Il doit créer de la valeur pour les acteurs de l'offre touristique et des territoires concernés.
C'est évidemment un sujet complexe. On ne peut pas nier la réalité : il existe des territoires touristiques encore très dépendants d'une seule activité – je pense ici au ski. Dans ce cas, il faut que les revenus associés financent les investissements en faveur de la désaisonnalisation. Mais il y a aussi du potentiel dans d'autres activités. Le vélo et le thermalisme, que j'ai évoqués tout à l'heure, possèdent un effet de levier non négligeable. Le thermalisme dispose de fortes capacités d'investissement. Pour ce qui est du vélo, France vélo tourisme fait observer qu'un touriste dépense 68 euros en moyenne par jour lorsqu'il est à vélo, contre 55 euros pour un touriste classique.
De plus, une politique touristique ne peut réussir que si tous les acteurs sont réellement impliqués, qu'ils soient publics ou privés. Le tourisme est une compétence partagée entre tous les échelons de collectivités. Cela doit permettre de s'adapter aux spécificités de chaque territoire, tout en essayant d'assurer une harmonisation de l'offre dès que c'est possible, en proposant par exemple des circuits clé en main sur le hors-saison.
Tout cela ne doit pas faire oublier qu'une stratégie touristique doit se concevoir en tenant compte des problématiques propres à la vie des résidents à l'année. Les services proposés, en particulier, doivent bénéficier à tous. Une telle stratégie doit s'inscrire dans une politique globale d'attractivité des territoires.
À cet égard, de grands chantiers demeurent non résolus s'agissant de l'emploi et du logement. Marie-Noëlle Battistel et Laurence Gayte l'avaient déjà relevé dans leur rapport d'information sur le tourisme de montagne, établi dans le cadre de cette commission sous la précédente législature. Il y a encore de nombreux défis à relever en ce qui concerne le statut de saisonnier. Quant à la problématique du logement, elle est connue de tous : des prix élevés, un foncier saturé, un nombre toujours trop élevé de « lits froids » dans les stations de montagne.
En définitive, je suis convaincue que la désaisonnalisation peut véritablement contribuer à une politique touristique plus respectueuse de notre environnement et adaptée au développement de nouvelles attentes. Mais cette politique doit également s'adapter à la réalité économique et au potentiel de chaque territoire, sans oublier les problèmes structurels propres à la saisonnalité du tourisme, laquelle reste évidemment une réalité.
Alors même que la crise du covid a fortement perturbé le tourisme mondial, la France est restée la première destination touristique au monde. Après deux années difficiles, le secteur touristique de notre pays se redresse. Il représente un peu plus de 7 % de la richesse nationale, grâce à 2 millions de femmes et d'hommes qui assurent chaque jour sa réputation d'excellence. Atout France anticipe 75 millions de touristes étrangers en 2022, contre 90 millions en 2019. Les recettes issues du tourisme international s'élèvent à 4,7 milliards d'euros en mai 2022, en augmentation de 8,6 % par rapport au mois de mai de cette même année 2019.
Cependant, le secteur reste confronté à des défis structurels importants, que vous avez très bien décrits : l'inflation et l'augmentation des coûts de l'énergie, la montée en qualité, l'adaptation de l'offre touristique, le développement des infrastructures touristiques, les difficultés de recrutement et le manque d'attractivité des métiers et des carrières, l'investissement dans les transitions environnementale et numérique. Afin d'assurer la reconquête et la transformation du secteur touristique, le Gouvernement a décidé de lancer le plan Destination France, qui se fonde sur cinq axes d'intervention et mobilise plus de 1,9 milliard d'euros de crédits publics sur trois ans. Les actions de communication et de promotion de la destination France sont renforcées auprès des touristes comme des investisseurs, notamment en tirant profit des grands événements sportifs internationaux comme les Jeux olympiques de 2024.
L'année 2022 est marquée par la relance de l'activité, l'objectif étant d'améliorer qualitativement l'offre française et d'appuyer la transition vers un tourisme plus durable. Vous avez notamment fait référence au plan Avenir Montagnes et au plan Vélo 2022-2027, qui vont dans le sens de la désaisonnalisation et de pratiques écologiques vertueuses. Vous avez souligné toutes les mesures que nous prenons, tout en relevant les axes d'amélioration. Je souscris entièrement à vos propos.
Merci pour votre témoignage. Nous partageons les constats et notons les mêmes points de vigilance. Les problèmes de main-d'œuvre et de prix de l'énergie sont compliqués à résoudre. Nous avons notamment abordé la question des remontées mécaniques avec Mme Olivia Grégoire.
Lors de la présidentielle, le Rassemblement national a érigé le tourisme en priorité nationale. Nous faisions d'ailleurs déjà un constat similaire à celui que vous dressez dans la seconde partie de votre rapport.
Le tourisme change, car les attentes des employés de la filière se sont affirmées. Plus personne, pas même les étudiants, ne veut être payé au lance-pierre alors que les conditions de travail sont aussi contraignantes. Le tourisme change, car les attentes des touristes ont évolué. Le moyen de transport est en passe de devenir aussi important que la destination. Les métropoles et les stations balnéaires n'attirent plus autant : les touristes aspirent au dépaysement, loin de la foule.
Ces aspirations, parfois motivées par une conscience écologique forte, sont surtout liées à la crise de la société mondialisée. Les touristes veulent se ressourcer. Les Français souhaitent, littéralement, un retour aux sources. Nous assistons à un rejet général de l'uniformisation des prestations touristiques. Les touristes français ou qui viennent en France sont curieux des joyaux de notre patrimoine ; ils ont faim de notre terroir ; ils veulent s'extasier devant nos paysages, raviver la flamme de nos coutumes et de nos traditions.
Dès lors, ne nous cantonnons pas à un rôle d'observateurs ; favorisons concrètement ce mouvement. Il ressort de votre rapport que le Gouvernement aurait des velléités en la matière, au travers de son plan Destination France. Pourtant, dans les vingt mesures déployées, le renforcement de la sécurité des touristes n'est nulle part mentionné, aucune revalorisation des salaires n'est prévue, et il n'y a toujours pas de ministère du tourisme à l'horizon. Il ne faut donc pas s'étonner si 220 000 emplois manquent aux 200 000 entreprises de tourisme que compte notre pays. Ce chiffre devrait d'ailleurs diminuer à cause de la contraction de l'investissement dans le secteur, puisque seulement 50 % de ces entreprises ont commencé à rembourser leurs PGE.
Nous notons certes que l'un des axes est de valoriser et développer les atouts touristiques français, mais cela prête à sourire quand on sait que, par ailleurs, le Gouvernement subventionne abondamment l'installation de l'éolien dans nos plaines et sur nos littoraux. Lors d'un sondage réalisé par l'Association des hébergeurs touristiques de l'Indre auprès de 1 280 touristes, 95 % d'entre eux ont déclaré qu'ils préféraient changer de destination si une éolienne se trouvait à proximité de leur lieu d'hébergement, et 56 %, si des éoliennes étaient visibles depuis le parc naturel régional de la Brenne. Ce gouvernement est assez compliqué pour la France : après l'énergie, l'agriculture et l'industrie, c'est le tourisme qui menace d'être fauché par son endoctrinement. Que proposez-vous pour redorer les métiers du tourisme et pour conforter les touristes, afin qu'ils viennent de plus en plus nombreux dans notre beau pays ?
Merci, chère collègue, pour votre intervention. Le secteur a effectivement un besoin très important de main-d'œuvre. Avec la crise du covid, il y a eu un changement d'attitude et une prise de conscience des difficultés inhérentes à ces métiers. Des personnes ont choisi de se reconvertir et ont complètement changé de secteur. La question du recrutement est désormais majeure. Le Gouvernement a lancé à la fin du mois de septembre un plan de promotion des métiers du tourisme et envisage d'organiser une semaine consacrée à ces métiers, comme il en existe une pour l'industrie. Une telle action de valorisation fonctionne généralement assez bien.
Mais cela ne suffit pas : il faut aussi une valorisation financière. Les acteurs du secteur font de nombreux efforts. Dans ma circonscription, des restaurateurs proposent d'embaucher des serveurs à 2 500 euros net avec un logement et ne trouvent pourtant personne. L'autre point clé, je viens de l'évoquer, c'est le logement. Dans les zones où la tension foncière est forte, il est impossible de recruter des employés ou des saisonniers si on ne propose pas de logement. Il faut que l'État travaille sur cette question, en faisant le lien avec les « lits froids » et en incitant par différents dispositifs, notamment fiscaux, les collectivités et les opérateurs à loger leurs employés.
Je précise qu'il y a bel et bien un membre du Gouvernement chargé du tourisme : Mme Olivia Grégoire, qui est ministre déléguée.
Merci pour ce rapport, Madame la rapporteure pour avis. Je partage votre regret : le tourisme n'a toujours pas obtenu la place qu'il méritait au sein des précédents projets de budget. Le regroupement des crédits consacrés au tourisme au sein d'une seule mission budgétaire et la relance du comité interministériel du tourisme sont une nécessité.
Le secteur du tourisme, c'est plus de 7 % du PIB, 2 millions d'emplois, mais c'est surtout 8 % des émissions de gaz à effet de serre. Notre priorité politique est d'engager la planification écologique pour un tourisme écoresponsable et socialement équitable. La crise du covid aurait dû provoquer un changement en profondeur ; hélas, il n'en est rien.
Vous relevez dans votre rapport que de nombreuses entreprises de la filière s'inquiètent de leur capacité à rembourser les PGE. L'État a dépensé 38 milliards d'euros, mais qui en a bénéficié ? Le groupe allemand TUI a touché 30 millions d'euros, ce qui ne l'a pas empêché d'essayer de licencier 600 salariés en 2021. Il y a aussi, dans le secteur du tourisme, des profiteurs de crise.
Concernant la pénurie de main-d'œuvre, plutôt que de financer une campagne de communication gouvernementale, qu'attendons-nous pour augmenter les salaires et « dé-précariser » ? La dernière loi sur l'assurance chômage a grandement pénalisé les saisonniers, qui alternent contrats courts et périodes d'inactivité. L'ubérisation sévit également dans le tourisme. Quand le Gouvernement compte-t-il agir pour protéger le statut des guides-conférenciers, mis à mal par la concurrence déloyale des plateformes de free tours ?
Si nous partageons l'objectif de désaisonnaliser le tourisme, le tourisme d'affaires n'est pas la solution, car c'est le tourisme le plus polluant : il s'agit de séjours ultracourts, parfois même en jet privé. Il va à l'encontre du tourisme à la française, que nous souhaitons préserver et encourager, plus résilient et adapté aux enjeux du changement climatique.
Plus globalement, nous devons faire bifurquer les flux touristiques. La massification des activités touristiques a entraîné la saturation de nombreux sites et créé de nombreuses disparités. Les territoires concernés – Paris, la Bretagne, les Alpes, le Pays basque – sont confrontés à une réelle crise du logement. Face aux touristes et aux résidences secondaires, populations précaires et classes moyennes n'arrivent plus à se loger. Contre le modèle capitaliste du tourisme d'affaires et du tourisme de masse, il est temps d'engager un vaste plan de relocalisation des activités touristiques, s'accompagnant d'investissements dans les infrastructures ferroviaires et les moyens de transport décarbonés.
Il est urgent d'instaurer des normes environnementales plus ambitieuses pour les entreprises du secteur touristique et de conditionner les aides, pour en finir avec les canons à neige anti-écologiques des stations de ski et les grands projets inutiles et imposés de type Center Parcs. L'écotourisme doit devenir une norme, axée sur le modèle de l'économie circulaire et sur un allongement des séjours. Maillons le territoire de réseaux de proximité autour de coopératives territoriales mettant en relation les professionnels du tourisme, les producteurs locaux, les pouvoirs publics, les commerçants et les artisans. Enfin, soutenons réellement les structures de l'économie sociale et solidaire et celles de l'éducation populaire, pour un tourisme solidaire qui renoue avec le droit aux vacances pour toutes et tous.
Merci. Le tourisme est effectivement responsable de 8 % des émissions de gaz à effet de serre, une grande partie étant imputable à la composante transports. Vous avez raison, il y a des efforts à faire pour développer les lignes ferroviaires. En novembre 2021, par la déclaration de Glasgow, 450 acteurs internationaux du tourisme se sont engagés à atteindre le zéro émission nette d'ici à 2050. En matière de tourisme durable, un fonds permet désormais aux TPE et aux PME de faire un diagnostic environnemental et d'élaborer un plan d'action. De nombreux acteurs cherchent à être plus vertueux. Je pense notamment à ceux qui achètent des dameuses électriques, même s'il s'agit d'un investissement lourd.
Vous avez à juste titre rappelé que l'industrie touristique représente 7 % du PIB. À cet égard, on peut regretter l'absence d'un ministère destiné spécifiquement au tourisme, que les professionnels réclament depuis de nombreuses années. Néanmoins, le rattachement à Bercy va dans le bon sens. Je voudrais souligner que l'État a étroitement accompagné les acteurs du tourisme pendant la crise du covid, ce qui a permis de sauver une kyrielle de petites structures.
Parmi les difficultés spécifiques au secteur, vous avez cité le recrutement de la main-d'œuvre. Peut-être faudrait-il adopter un statut proche de celui des saisonniers pour que chacun trouve son compte dans la bi-saisonnalité.
La vie à l'année est rendue difficile par la pression foncière et immobilière, laquelle repousse de plus en plus les acteurs loin des sites touristiques, ce qui a des incidences en termes de déplacements. La fiscalité de l'immobilier est sans doute à revoir. La loi Montagne, quant à elle, pourrait évoluer pour tenir compte de ces particularités.
Enfin, je rappelle que les canons à neige permettent le maintien de dizaines de milliers d'emplois. L'eau utilisée pour produire la neige, par l'effet de la pulvérisation avec l'air froid, est restituée au bassin versant. De surcroît, les acteurs se sont engagés dans des démarches vertueuses : ainsi, ils utilisent les huiles de cuisson pour faire fonctionner les dameuses, ce qui améliore le bilan carbone de 85 %.
Je souhaite, comme vous, l'institution d'un ministère du tourisme de plein exercice, qui est demandée par la filière. Le fait que la ministre déléguée soit également en charge des PME, du commerce et de l'artisanat nuit à la lisibilité de son action en matière touristique.
Dans le secteur de l'hôtellerie-restauration, les chefs d'entreprise ont dû s'adapter à de nouvelles demandes : les salariés ne souhaitent plus, par exemple, travailler le matin et l'après-midi, ce qui appelle une modification des contrats. En parallèle, se pose la question du statut des saisonniers. De manière générale, des progrès restent à accomplir en matière de ressources humaines. Il n'est pas rare, désormais, que les salariés quittent leur entreprise du jour au lendemain.
Vous l'évoquez dans votre rapport, le secteur touristique connaît une pénurie de main-d'œuvre inquiétante : près de 360 000 emplois – soit 20 % de l'emploi total du secteur – étaient vacants au printemps. Ce phénomène, qui résulte en grande partie de la crise du covid, met en lumière la précarité des saisonniers, qui n'ont aucune garantie quant au renouvellement des contrats et éprouvent des difficultés à se loger. À ce titre, je partage votre volonté de leur assurer plus de stabilité.
Par ailleurs, le secteur du tourisme n'échappe pas à l'enjeu de la transition écologique. Au-delà de la question du transport, cette exigence nécessite une réponse plus approfondie et plus complète que la désaisonnalisation de l'activité. Certes, cette dernière est une partie de la solution, puisqu'elle répartit la pression sur les écosystèmes, mais elle ne résout en rien les problématiques de fond liées à leur protection à long terme : l'impact sur la biodiversité, les émissions de CO2, la pollution plastique. En France, une commune touristique produit, en moyenne, 100 kilogrammes de déchets de plus – par an et par habitant – qu'une autre commune. Que cela ait lieu dans le Var ou en Charente-Maritime, en novembre ou en août, cela ne change pas la quantité de déchets produite. Il faut avoir conscience, par ailleurs, des difficultés éprouvées par les territoires insulaires pour évacuer les déchets.
Il est essentiel de faire preuve d'une plus grande sobriété. Les vacances amènent à des dérives, voire à des excès – le plaisir, avant tout ! – mais il n'y a pas de break dans la détérioration de la biodiversité. De fait, il est de la responsabilité de l'ensemble des acteurs du tourisme de proposer une offre plus durable et plus résiliente. L'enjeu est lourd, sachant que le tourisme représente 8 % de notre PIB. Pour certaines régions, comme les territoires d'outre-mer (TOM), le tourisme est vital.
Des politiques publiques concrètes et fortes sont-elles conduites pour aider au développement d'un tourisme durable ? Le rétrolittoral me paraît un nouveau levier de développement, notamment à travers l'écotourisme, mais je n'ai pas trouvé d'éléments en ce sens dans votre rapport. Des réflexions sont-elles menées sur ce sujet ?
La désaisonnalisation ne suffira pas, évidemment. Il faut agir dans d'autres directions, notamment soutenir l'investissement pour décarboner à long terme – les acteurs font preuve, en la matière, d'une vigilance croissante. La clientèle est de plus en plus attentive à la dimension écoresponsable : cela devient un argument que les professionnels ont intérêt à valoriser. Le plan Destination France comporte plusieurs mesures pour favoriser le tourisme durable, et je rappelle qu'il existe un fonds dédié à cette thématique.
Un certain nombre d'acteurs ont en effet évoqué la nécessité de revenir vers l'arrière-pays, que l'on ne pense pas toujours à visiter. Le plan Destination France consacre notamment sa mesure numéro 13 à ce sujet, et un certain nombre de propositions existent sur lesquelles il nous faut travailler.
Je voudrais saluer le choix que vous avez fait de consacrer la seconde partie de votre rapport à la désaisonnalisation du tourisme, qui est un atout majeur dans le contexte du changement climatique : je le mesure d'autant plus que je suis députée d'un territoire de montagne. Cette évolution nécessite des investissements considérables. En effet, outre la question des « lits froids », le bâti est souvent ancien, plutôt adapté à de courts séjours et insuffisant pour héberger des saisonniers, qui plus est sur une durée qui excède une seule saison. Cela nécessite une offre de logements de meilleure qualité et surtout pérenne. Malheureusement, peu de solutions sont proposées pour faire face à ce problème récurrent. De même, il faudrait davantage d'investissements pour diversifier les activités ou les faire évoluer afin de permettre leur usage tout au long de l'année.
Certes, un certain nombre de plans, comme Avenir Montagnes, sont en cours d'application, et un accompagnement est proposé en matière d'ingénierie, toutes choses précieuses pour les collectivités. Toutefois, il faudrait laisser davantage la main aux collectivités et aux secteurs concernés, car des projets sont parfois écartés parce qu'ils ne correspondent pas à une certaine philosophie, alors qu'ils seraient très pertinents pour le territoire.
Quels mécanismes budgétaires ou fiscaux pouvez-vous proposer pour accompagner la mutation accélérée vers la désaisonnalisation, au-delà de la mobilisation des collectivités ?
Comme vous l'avez rappelé, on a connu de fortes tensions sur la main-d'œuvre saisonnière en 2022, tant au cours de l'été que, précédemment, lors de la saison hivernale. BPIfrance relève ainsi 220 000 emplois vacants dans l'industrie touristique en 2022 ; un emploi sur sept ne sera finalement pas pourvu. L'Unimev (Union française des métiers de l'événement) fait état, quant à elle, de la perte de 20 % des collaborateurs de la filière pendant la crise de la covid. Bien entendu, cette crise dépasse le secteur du tourisme et touche l'ensemble des métiers de services, notamment dans l'hospitalité. Les attentes en matière de rythme de travail ont évolué et les filières doivent aujourd'hui s'adapter. Quelles évolutions vous semblent à même de remédier rapidement à la crise des vocations ?
Il convient de saluer un certain nombre d'initiatives locales, qui visent par exemple à racheter d'anciennes structures collectives pour assurer un hébergement des saisonniers à l'année, mais il faut encore aller plus loin.
Lorsqu'on cherche à embaucher des saisonniers, il faut promouvoir une logique de guichet unique afin de leur offrir une porte d'entrée vers un emploi, un logement, etc.
Il faut continuer à accompagner les initiatives locales, notamment pour le montage des dossiers. À cet égard, les fonds consacrés à l'ingénierie sont essentiels.
La France est l'un des pays les plus touristiques au monde, qui offre des paysages et une architecture très variés : on peut s'y promener pendant des années sans cesser d'être dépaysé. C'est quelque chose d'irremplaçable.
La désaisonnalisation est déjà à l'œuvre. Dans ma région, qui accueille un tourisme diffus, on ne voyait pas, autrefois, de touristes à Noël ou à la Toussaint. Le tourisme reste principalement lié aux vacances scolaires mais a tendance à se décliner tout au long de l'année, en particulier lorsqu'il est, comme chez nous, de type culturel.
On commence à rencontrer de véritables difficultés sur le plan foncier. Les Airbnb et les résidences secondaires concurrencent l'habitat local, y compris celui des saisonniers. Pour loger ces derniers, la région Bretagne a décidé d'ouvrir ses lycées en juillet et en août – il lui faudra toutefois, à l'avenir, se mettre d'accord avec l'éducation nationale, dont dépendent les chefs d'établissement. L'exaspération de la population devient perceptible. Les gens ne peuvent plus se loger parce qu'ils sont payés entre 1 400 et 1 700 euros par mois et font face à des prix totalement déraisonnables, tant au bord de la mer qu'en montagne.
La question est de savoir comment aider les établissements à se moderniser et à trouver des acquéreurs pour assurer la pérennité de leur activité. En effet, certains périclitent et finissent par disparaître.
Notre richesse réside en effet dans nos territoires et nos paysages, qui sont notre chance. Il faut continuer à développer le potentiel que recèle notre patrimoine, ce qui passe, par exemple, par la désaisonnalisation.
La question du foncier est fondamentale. Des habitants des Côtes-d'Armor ont manifesté, cet été, car ils ne trouvaient plus de logements, les propriétaires préférant louer par Airbnb, qui leur paraît plus rentable. Les mêmes difficultés se présentent en Haute-Savoie, dans des communes comme Annecy. Le classement en zone tendue serait un moyen de sanctuariser ces secteurs et de permettre aux habitants d'y travailler en s'épargnant des trajets émetteurs de gaz à effet de serre.
Beaucoup de petits propriétaires rechignent à conclure un bail classique compte tenu des procédures extrêmement longues à engager en cas d'impayés.
C'est vrai, mais il est à noter que la loi Asap (d'accélération et de simplification de l'action publique) a simplifié la procédure administrative d'expulsion. Peut-être notre commission sera-t-elle bientôt amenée à étudier cette question.
Le sujet du logement est complexe ; les difficultés que l'on rencontre en la matière ont des causes multiples. Cela étant, on dispose de formidables outils, dont on parle peu : je pense aux offices fonciers solidaires, confortés par la loi 3DS (relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale), auxquels les collectivités peuvent déléguer leur droit de préemption. Nous aurons d'autres travaux à mener sur le front du logement. Nous nous inspirerons, en Bretagne, de la manière dont la montagne a su traiter la problématique des saisonniers pendant de longues années, avant que de nouveaux problèmes ne surgissent.
Le tourisme vert et rural est une activité à part entière, qui permet de maintenir les services, les commerces, la vie dans les territoires. Toutefois, les collectivités locales, en particulier les plus petites, sont souvent dans l'impossibilité de réhabiliter des bâtiments touristiques. L'octroi de subventions représentant jusqu'à 80 % du coût de l'opération et le paiement des loyers par les touristes ne suffisent pas à compenser l'insuffisance de l'autofinancement des communes. Existe-t-il un dispositif d'emprunt ciblé sur les petites communes rurales pour aider au financement de ces projets ?
Le transport représente une part essentielle des gaz à effet de serre liés au tourisme. Des initiatives pourraient être soutenues au travers du plan Avenir Montagnes. Ainsi, l'Agence Savoie Mont-Blanc lancera le 20 octobre prochain une plateforme permettant aux vacanciers de choisir leur mode de transport, y compris le plus décarboné qui existe, depuis leur domicile jusqu'à leur lieu de résidence.
Monsieur Bothorel, en ce qui concerne le logement, nous devons faire preuve de vigilance concernant l'objectif Zéro artificialisation nette que nous nous sommes assignés à l'horizon 2050 ; peut-être faudra-t-il prévoir un aménagement pour les communes touristiques ou de montagne.
Monsieur Vigier, les communes rurales peuvent se tourner vers la Banque des territoires, qui finance de nombreux investissements, notamment en faveur de l'immobilier.
Monsieur Rolland, je vous remercie d'avoir cité cet exemple. L'Agence Savoie Mont-Blanc est un opérateur extrêmement pertinent, à la pointe, notamment, en matière environnementale.
En conclusion, comme je l'ai indiqué à titre liminaire, j'émets un avis de sagesse sur les crédits consacrés au tourisme.
La réunion est suspendue de seize heures trente-cinq à seize heures quarante.
La commission a enfin examiné, sur le rapport de M. Aurélien Lopez-Liguori, les crédits du programme « Communications électroniques et économie numérique » de la mission « Économie ».
Chers collègues, je me réjouis de vous présenter le résultat des travaux que j'ai conduits en tant que rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux communications électroniques et à l'économie numérique. Nous parlons ici des programmes 134 Développement des entreprises et régulations et 343 Plan France très haut débit (PFTHD). Dans le cadre de cet avis, j'ai procédé à une quinzaine d'auditions, qui m'ont permis d'entendre les principaux acteurs du secteur.
Je me suis assigné deux objectifs : dresser un état des lieux des déploiements fixe et mobile et aborder la question complexe, mais essentielle, de la souveraineté numérique. Cette dernière question est en effet centrale pour notre avenir. Nous devons nous doter des moyens d'être les plus autonomes possible dans le domaine du numérique. Actuellement, force est de constater que le Gouvernement et l'Union européenne en font trop peu sur cette question, pour ne pas dire qu'ils prennent des mesures contre-productives.
S'agissant, en premier lieu, de l'évolution des crédits relatifs aux communications électroniques, la tendance est globalement à la hausse, en particulier pour le programme 134 et les budgets de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) et de l'ANFR (Agence nationale des fréquences). À titre d'exemple, le budget de l'Arcep pour 2023 est en hausse de 1,5 % en autorisations d'engagement (AE) et de 1,4 % en crédits de paiement (CP) par rapport à l'année précédente. Je tiens à souligner que l'Arcep et l'ANFR nous ont fait part de leur satisfaction quant aux crédits qui leur sont alloués. S'agissant du plan France très haut débit, les crédits sont en baisse par rapport à l'année dernière, mais excèdent les chiffres de la loi de finances initiale pour 2021.
Cela étant, je voudrais attirer votre attention sur l'insuffisance du financement des raccordements complexes, lesquels nécessitent le traitement de 2,1 millions de prises, plus difficiles et coûteuses à réaliser, dans le cadre des réseaux d'initiative publique (RIP). Ces raccordements sont une condition d'équité territoriale et de respect de l'engagement du « 100 % Fibre » pris par le Gouvernement. J'ai déposé un amendement qui se situe dans la droite ligne des propositions faites par notre collègue Éric Bothorel l'année dernière et qui vise à faire passer l'enveloppe prévue de 150 à 200 millions d'euros.
Je voudrais à présent dresser un rapide état des lieux des déploiements du réseau fixe et du réseau mobile dans notre pays. Concernant le PFTHD, d'abord, on observe un ralentissement des déploiements après deux années records, en 2020 et en 2021. Ces ralentissements sont particulièrement notables en zone très dense. Il faut à ce sujet faire preuve de fermeté. L'Arcep nous a confirmé qu'elle suivait le dossier de près, en particulier concernant un opérateur qui rencontre des difficultés. Je recommande que soit lancée une réflexion sur les moyens financiers ou légaux permettant de contraindre les opérateurs à reprendre les déploiements.
Au sein de la zone d'initiative publique, la dynamique est relativement bonne, même s'il reste du chemin à parcourir. On constate cependant des situations contrastées d'un territoire à l'autre. Le déploiement est plutôt en avance dans l'Oise, la Loire ou le Val-d'Oise, par exemple, tandis que les échéances sont plus lointaines dans des départements comme la Marne et la Sarthe.
Concernant le mobile, la généralisation de la 4G est effective sur le territoire, mais certains retards persistent. Je souhaite, à cet égard, que l'Arcep continue d'être vigilante, d'autant que les opérateurs ne peuvent plus se cacher derrière la crise de la covid-19 pour justifier les retards.
Enfin, s'agissant de la 5G, je souhaiterais revenir, sous un angle plus politique, sur les enjeux de sécurité de nos infrastructures. La loi du 1er août 2019, dite loi « anti-Huawei », a permis des avancées incontestables en empêchant le déploiement des antennes 5G Huawei dans les sites et les zones sensibles, comme les bases militaires ou les lieux de pouvoir. Toutefois, ce texte n'est pas à la hauteur du moment politique. Comme aux États-Unis, nous devons étendre l'interdiction à l'ensemble du territoire national – et pourquoi pas européen ? Cette interdiction doit également frapper d'autres équipementiers extra-européens, comme Cisco, par exemple. Comment expliquer aux Français qu'on utilise des antennes 5G d'entreprises extra-européennes capables de collecter leurs données, alors même que l'État nourrit des soupçons d'espionnage à leur endroit ? Le risque de backdoor existe : les Français doivent le savoir.
J'ai souhaité aborder, dans le cadre de mon avis, plusieurs sujets d'importance sur le thème de la souveraineté numérique. Quatre points ont particulièrement retenu mon attention : la cybersécurité, la fiscalité, la commande publique et la protection des données.
Concernant la cybersécurité, on observe, tout d'abord, une convergence dans les techniques employées par les groupes cybercriminels et les attaquants travaillant au profit d'intérêts étatiques. Ces groupes sont de plus en plus furtifs, organisés et compétents. On note également des tentatives de prépositionnement de hackers au sein d'infrastructures nationales appartenant à des domaines critiques comme le transport, l'énergie, la santé, etc. Enfin, dernière tendance à l'œuvre : les tentatives croissantes de compromission de cibles de haute valeur.
La stratégie d'accélération cyber du Gouvernement est une bonne initiative, même s'il faut faire encore plus sur ce sujet. Notre écosystème cybertech mérite un soutien à la hauteur de ses besoins. Dans un contexte de menace cyber, le besoin en personnel qualifié est en constante augmentation. Nos auditions ont confirmé que notre système de formation était largement insuffisant. Il nous faut renforcer notre capacité de formation, tant à l'école que dans les entreprises, les administrations et les collectivités. Nous avons tous en tête les exemples d'hôpitaux récemment attaqués à Corbeil-Essonnes, Caen ou encore Arles, qui auraient dû être mieux protégés. Nous devons, parallèlement, inciter les entreprises et les administrations à élever leur niveau de protection face à une menace de plus en plus sophistiquée.
Il faut également que les Français acquièrent une hygiène cyber. Israël a, par exemple, créé des cours de cybersécurité distincts des cours d'informatique dès le primaire pour sensibiliser les enfants à ces enjeux. Le gouvernement israélien considère que chaque citoyen peut avoir à traiter, un jour, des données sensibles.
S'agissant de la fiscalité du numérique, je souhaite faire passer un message simple : il n'est pas acceptable que cette dernière soit une charge si lourde pour les acteurs français et européens, alors que les géants du numérique sont largement avantagés par leurs combines fiscales. La création de la taxe sur les services numériques, dite « taxe Gafam », a démontré qu'il est possible d'agir à l'échelle nationale sur de tels sujets. La France n'a pas attendu une réponse européenne et mondiale – qui arrivera… peut-être – pour créer sa propre règle. Il faut continuer en ce sens et ne pas se limiter. Il faut réfléchir à d'autres sujets sur lesquels on peut créer des règles dans l'attente d'éventuelles normes européennes ou internationales. Tout est question de volonté politique : quand on veut, on peut, et quand on peut, on fait !
Je propose de poursuivre les réflexions engagées sur l'imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (Ifer) mobile et la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (Toce), sujets qui ont été abordés à plusieurs reprises lors de la législature précédente. Ces taxes représentent une charge pour les opérateurs français, d'autant plus qu'ils sont en pleine phase d'investissement.
Nous pourrions aller plus loin et creuser l'idée d'une taxe sur les grandes entreprises qui monopolisent la bande passante. Mettons tout en œuvre pour que les Gafam et les entreprises comme Netflix, pour qui notre pays est un juteux marché, participent proportionnellement à leur utilisation du réseau fourni et payé par les opérateurs français.
J'en viens à deux questions fortement corrélées : la commande publique et la protection des données.
La commande publique est fondamentale pour soutenir nos acteurs. Pourtant, en la matière, nous sommes contraints par l'Union européenne. Deux puissances, les États-Unis et la Chine, ont des champions du numérique, ; elles ont en commun d'avoir utilisé l'outil de la commande publique pour faire émerger leurs champions, qui se sont imposés au reste du monde.
L'Europe en a été incapable, trop occupée qu'elle est à assurer une pseudo-concurrence libre et parfaite, qui n'existera jamais. Nous en voyons le résultat : nos acteurs sont excellents et compétitifs, mais nous n'avons aucun géant ; pas un seul Google européen, pas un seul AliBaba français ! Pire : si un acteur émerge, il est immédiatement racheté par des acteurs extra-européens : hier PriceMinister, aujourd'hui Excelya, demain à qui le tour ? Les règles européennes de la concurrence nous empêchent d'orienter la commande publique et les aides d'État vers nos propres entreprises.
Par ailleurs, la distribution de fonds dans le cadre des projets importants d'intérêt européen commun (Piiec) n'est pas assez efficace. La plupart des opérateurs que nous avons auditionnés estiment que la Commission européenne prend trop de temps pour instruire les dossiers, alors même qu'une réactivité accrue est nécessaire. Le résultat est regrettable. Les entreprises innovantes en pâtissent et ne peuvent se développer aussi vite qu'elles le souhaitent. Cela n'est pas acceptable, ce n'est pas ainsi que nous ferons fructifier l'écosystème français et européen ni que nous imposerons nos règles en la matière.
S'agissant de la protection des données, nous avons auditionné plusieurs acteurs français des plateformes de données de santé, notamment le Health Data Hub. Nous avons constaté à quel point la question de la souveraineté numérique est secondaire aujourd'hui en France, nonobstant les annonces. Le choix de Microsoft pour un cloud de données de santé est choquant, d'autant que l'écosystème de la French Tech dispose de mille et une idées et pépites, susceptibles de concurrencer le géant du numérique.
Le Gouvernement doit prendre conscience du tournant qu'il doit opérer s'il veut protéger la souveraineté numérique française. Il doit promouvoir une obligation de localisation des données sur le sol européen. Cette promesse, jadis formulée par Thierry Breton, s'est volatilisée dans les projets de règlement européen Digital Services Act (DSA) et Digital Markets Act (DMA), à notre grand regret.
J'en viens aux délestages, dont les effets sur les infrastructures préoccupent les opérateurs. En dépit des travaux entamés en juin dernier, rien n'est clair et rien n'est prêt. Tous les opérateurs ont exprimé leur désarroi à ce sujet.
Notre seule crainte est que l'impréparation du Gouvernement nous amène à une situation dramatique, par exemple en cas de coupure des communications d'urgence dans le cadre d'opérations de délestage. À l'heure actuelle, le retrait des antennes 5G des zones de délestage n'est pas prévu. J'appelle à faire preuve de clarté à ce sujet : nous attendons un plan permettant d'éviter que les antennes mobiles soient concernées par les plans de délestage.
Il y a trois jours, M. Jean-Noël Barrot a évoqué la possibilité de couper les box internet des Français, avant de se reprendre en précisant qu'il s'agissait de les mettre en veille la nuit. Il oublie que tout le monde ne travaille pas le jour, que les urgences fonctionnent aussi la nuit et que les libertés individuelles de chacun ne peuvent être remises en cause d'un claquement de doigts. Les Français ne doivent pas payer les frais de l'imprévoyance du Gouvernement. Cette phrase pourrait résumer l'ensemble de mon propos.
Compte tenu des observations qui précèdent, nous émettons un avis favorable à l'augmentation des crédits nécessaires à l'approfondissement du déploiement fixe et mobile, ainsi qu'à une prise de conscience tardive des enjeux de souveraineté numérique. Partisans d'un dialogue constructif, nous voterons les crédits du programme Communications électroniques et économie numérique.
Le rapport n'en démontre pas moins que l'engagement du Gouvernement en la matière est insuffisant. Certaines annonces sont positives, certains crédits augmentent, mais il faut aller plus loin. Les Français attendent beaucoup plus.
Le rapport formule une analyse positive des crédits du programme Communications électroniques et économie numérique. Les crédits du programme Développement des entreprises et régulations sont en hausse de 26 % et le budget de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse de 1,5 %. Plus de 45 millions d'euros sont alloués à l'Agence nationale des fréquences, pour préparer les Jeux olympiques et paralympiques de 2024.
Le rapport, dont je salue la qualité, se félicite du « succès du plan France Très haut débit, qui tiendra son engagement d'un accès pour tous au très haut débit (THD) d'ici fin 2022 », et de celui du New Deal mobile, qui « a permis d'équiper en 4G quasiment 100 % des sites mobiles ». Il rappelle « la nécessité absolue d'amplifier notre stratégie et notre culture cyber à travers un véritable espace européen de cybersécurité » et « la poursuite indispensable de la protection effective de nos données aux niveaux national et européen dans la continuité du règlement général pour la protection des données (RGPD), du Data Governance Act (DGA) et de notre doctrine “ Cloud au centre ” ».
Monsieur le rapporteur pour avis, je me réjouis que votre rapport soutienne, sur le fond, l'action que nous menons, en France et ailleurs en Europe, depuis cinq ans. Toutefois, j'y vois un manque de cohérence de votre parti politique, qui a voté contre la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite « loi Élan », et qui, au Parlement européen, n'a pas voté le Data Governance Act. Votre rapport salue pourtant les effets de ces textes, qui visent respectivement à accélérer le déploiement de la couverture mobile en France et à fixer un cadre pour le partage des données en Europe.
Notre commission est un lieu de dialogue honnête et constructif, contrairement à l'hémicycle hier soir. Par-delà les postures politiques, je suis heureux de débattre sur le fond en vue de poursuivre au mieux les politiques entreprises. Je forme le vœu que les comportements que nous adoptons en commission soient observés dans l'hémicycle, au profit d'un dialogue de qualité.
J'aimerais vous interroger sur la fiscalité des opérateurs de télécommunications, que vous qualifiez de « particulièrement élevée » dans votre rapport. Acceptez-vous de soutenir une réforme de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau qui, selon les modalités retenues, limiterait ou diminuerait des recettes dont je rappelle qu'elles sont, pour le mobile, perçues par les mairies ou les intercommunalités ? Êtes-vous prêt à soutenir la recommandation formulée à ce sujet dans le rapport pour avis sur le précédent budget ?
S'agissant de la mise en veille des box, elle concernera, d'après les précisions formulées en début de semaine, le décodeur TV et non la connexion internet. Nul ne sera privé, même en cas de mise en veille profonde, des usages domotiques.
S'agissant de notre absence de soutien à la loi Élan et au DGA, vous savez comme moi, Monsieur Bothorel, que l'on peut approuver certains points d'un texte et pas d'autres. Dans mon rapport, je me suis efforcé d'adopter un point de vue global sur la question du déploiement.
Pour ce qui concerne la fibre, ce que fait la France est excellent. Nous sommes l'un des premiers pays au monde et nous prenons de l'avance. S'agissant de la 5G, nous serons obligés, dans les années à venir, de démanteler la plupart des antennes faute d'avoir interdit Huawei sur notre territoire. Tel est pourtant le sens de l'histoire : les États-Unis, la Suède et le Royaume-Uni l'ont fait.
Nous ne pouvons pas vous suivre sur les questions de souveraineté numérique et de stratégie. Vous vous enfermez dans le respect du droit de la concurrence de l'Union européenne, qui, malheureusement, nous empêche d'être efficients et souverains en matière économique. Ainsi, les aides d'État sont autorisées dans les secteurs stratégiques, mais le numérique y échappe souvent. La concurrence libre et non faussée nous empêche de favoriser notre commande publique et d'orienter la régulation des investissements étrangers, secteurs stratégiques mis à part.
Votre rapport, dont je salue la précision, a le mérite de mettre en lumière des problèmes que nous découvrons ou que nous comprenons mieux.
Chacun peut convenir que la France peine à s'affirmer comme une puissance numérique, pour plusieurs raisons. Le déploiement des équipements haut débit progresse, mais ne doit pas masquer un cruel manque de souveraineté numérique, qui nous place sous la coupe de multinationales étrangères de plus en plus puissantes. Certains efforts méritent d'être salués. Il n'en faut pas moins prendre des mesures fortes, comme le démontre le rapport.
Notre situation est paradoxale. Alors même que Bruxelles érige la concurrence comme modèle à imposer à tous les secteurs, le monde du numérique est soumis au monopole de quelques multinationales américaines. L'hégémonie des Gafam plonge notre économie dans une situation de dépendance et de fragilité.
À l'aune des récentes crises, nous devrions tous être d'accord pour dire qu'il est plus que temps de mettre un terme à cette situation. La France a su constituer des groupes d'envergure mondiale, notamment dans les domaines de l'automobile, de l'énergie et de l'armement. En revanche, nous avons de grandes difficultés à faire émerger des équivalents nationaux – ou même européens – aux Gafam.
Si notre pays semble avoir en partie manqué le virage du numérique, nul n'imagine un instant qu'un déficit de qualification, d'ingénierie ou d'expertise en soit la cause. Issu moi-même de ce milieu professionnel, je pense que nous possédons des ressources pour inverser la tendance et développer le secteur du numérique français, si important pour notre compétitivité. Il faut, pour ce faire, mener une politique ambitieuse de soutien aux entreprises nationales et de lutte contre la concurrence déloyale. À défaut, la souveraineté numérique demeurera un vœu pieux ou un élément de langage.
Agir sur la commande publique, comme le préconise le rapport, me semble une piste intéressante. Nous pouvons également agir sur la fiscalité, qui tend à favoriser les grands groupes étrangers profitant de la juridiction européenne pour ne pas payer leurs impôts en France. De quels leviers d'action législatifs disposons-nous pour aider le secteur du numérique français à se développer et à affronter la concurrence ?
C'est avant tout le droit de la concurrence de l'Union européenne qui nous empêche d'assurer la souveraineté numérique de la France. Les contraintes imposées aux aides d'État et le règne de la concurrence libre et non faussée nous empêchent, hors domaines stratégiques, de développer la commande publique et de réguler les investissements étrangers. Privé de soutien, le numérique français est la proie des acheteurs étrangers.
Le principe d'égalité de traitement n'est même pas une règle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Les États-Unis en sont membres, ce qui ne les a pas empêchés d'adopter des lois telles que Buy American Act et Small Business Act. L'Inde, membre de l'OMC, a interdit TikTok. Le Danemark, membre de l'Union européenne, a interdit le déploiement de Google dans les écoles. Tout est affaire de volonté politique. À ce sujet, le Gouvernement, malheureusement, en manque.
Nous militons pour l'amélioration du référencement de l'offre numérique. De façon générale, la seule question qui vaille est la suivante : comment réserver nos marchés publics aux acteurs français et européens ?
La tonalité de mes propos sera nettement différente.
Le rapport pour avis sur le programme Communications électroniques et économie numérique fait preuve d'amateurisme, ainsi que d'une déconnexion totale avec les enjeux actuels et futurs du secteur de l'économie numérique. La liste des acteurs auditionnés, qui ne comporte que les grands opérateurs et l'Arcep, mais pas la Commission nationale Informatique et libertés, le démontre.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez l'ambition de produire un rapport sur la souveraineté numérique. Mais quid des ONG telles que La Quadrature du Net et l' European Digital Rights (Edri) ? En matière de cybersécurité, quid de l'Agence de l'Union européenne pour la cybersécurité (Enisa) et du leader français de l'hébergement de données OVHcloud ? Quid de la société civile, représentée par les associations de consommateurs et d'usagers ?
Le rapport témoigne d'une réelle méconnaissance du domaine. Comment ne pas relever la recommandation 13, consistant à taxer les fournisseurs de contenus sur la base du débit consommé sur le réseau ? Demander aux plateformes de consentir un effort financier supplémentaire peut sembler séduisant, mais la contrepartie est la suivante : plus elles financeront, plus elles pourront s'assurer un accès privilégié à la bande passante.
Il en résulterait un internet à deux vitesses, l'une pour les riches, l'autre pour les pauvres, ce qui signerait la fin de la neutralité du Net, à rebours du droit européen, qui a sanctuarisé ce droit fondamental en 2015. Pour éviter cet écueil, il est nécessaire d'opérer une taxation harmonisée à l'échelle européenne sur tout le portefeuille d'activités des Gafam et non sur leur usage des infrastructures.
Au sujet des technologies, le rapport évoque la nécessité d'un développement harmonieux des infrastructures et en profite pour vanter la 5G, dont nous savons pertinemment qu'elle est une catastrophe environnementale. Par ailleurs, l'argent placé sur la 5G n'est pas utilisé pour mettre véritablement en œuvre la fin du réseau cuivre. Cet arbitrage participe grandement à la fragmentation numérique de notre territoire.
Nulle part le rapport ne creuse le sujet de la précarité numérique et de l'illectronisme. Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit un budget pour la transformation numérique des administrations publiques. Toute digitalisation réalisée aux dépens des agents, des travailleurs sociaux et des bénéficiaires largement concernés par l'illectronisme induira une fragilisation des services publics et ne permettra pas de réduire le taux de non-recours aux aides. On ne trouve rien non plus, dans le rapport, sur le logiciel libre, qui, avec l'hébergement des données, est la clé de l'autonomie et de la souveraineté numériques.
Ce rapport, à l'image du projet de loi de finances dans lequel il s'inscrit, est une imposture sur les moyens d'affronter les grands impératifs de l'économie numérique, sur la place des solutions alternatives telles que le logiciel libre et des innovations telles que le calcul haute performance, et sur la dégradation des droits fondamentaux des usagers. Cette piètre analyse du secteur fait le jeu des puissants.
Mon amateurisme doit être partagé. Le nombre d'auditions est limité à quinze par rapport. Faute de pouvoir auditionner tout le monde, j'ai auditionné en priorité les agences de l'État.
Par ailleurs, mon rapport porte sur deux lignes de crédits budgétaires. L'illectronisme est certes un sujet important, mais il ne fait pas partie de mon périmètre. J'aurais bien rédigé un rapport de mille pages, mais j'ai dû me contenter de soixante-cinq. En matière de justice sociale, j'aborde la question des raccordements complexes. Je présenterai tout à l'heure un amendement visant à augmenter les crédits alloués au raccordement à la fibre des zones les plus difficiles d'accès.
À propos de la neutralité du Net, je suis surpris que La France insoumise reprenne les éléments de langage des grands acteurs du numérique que sont Google et Netflix, qui, pour éviter de payer, opposent à toute taxation de la bande passante la neutralité du Net. Madame Simonnet, vous défendez les capitalistes et les grandes entreprises du numérique, dont vous partagez les éléments de langage. Je trouve cela assez cocasse.
Le déploiement des infrastructures numériques fonctionne pleinement. La crise de la covid-19 et les confinements ont ralenti les travaux, mais il faut reconnaître que l'État a été présent au côté des territoires, en tant que maître d'ouvrage des réseaux d'initiative publique (RIP). Dans l'Orne, il finance trente des quatre-vingt-sept millions d'euros du plan numérique ornais (PNO), soit autant que la région Normandie, le reste étant financé par le conseil départemental.
Dans les territoires ruraux, ce déploiement arrive aux zones les moins denses. Il se heurte à des problèmes d'élagage, d'adressage et de coût en cas de raccordement complexe. L'enveloppe prévue à l'échelle nationale s'élève à 150 millions d'euros, ce qui est bien peu. Certaines prises coûtent 12 000 euros.
Le déploiement de la 4G a bénéficié, sur le fond et sur la forme, du New Deal numérique, qui a permis à l'État de contraindre les quatre opérateurs à implanter chacun 5 000 antennes dans des zones blanches ou grises, et aux départements de constituer des équipes-projets rassemblant, sous la tutelle du préfet, les acteurs de proximité, les collectivités locales et les opérateurs.
Plusieurs problèmes subsistent. L'attribution des antennes et des dotations afférentes est très disparate selon les départements. Dans l'Orne, seuls trois sites sont prévus, alors même que nos besoins sont immenses. Il faut introduire dans les dotations un taux de ruralité pour résorber les zones blanches ou grises, qui sont en plus grand nombre dans les territoires ruraux. Quant au New Deal mobile, il doit absolument être prolongé par un New Deal mobile 2, afin de poursuivre le déploiement de la 4G et d'y intégrer la 5G.
Sur ces trois points — dotation du New Deal mobile pour les territoires ruraux, New Deal mobile 2 et financement des raccordements complexes —, nous avons besoin d'une forte impulsion de l'État, qui semble insuffisamment mobilisé sur ces sujets majeurs pour notre territoire, notamment pour nos territoires ruraux.
En matière de déploiement de la fibre comme du réseau mobile, la disparité entre les zones est une évidence. Elle se double d'une disparité entre les opérateurs : ainsi, Orange progresse rapidement dans le déploiement de la fibre, alors que SFR, qui a appelé l'attention de l'Arcep, rencontre de gros problèmes.
En zone très dense, le déploiement de la fibre touche à sa fin. Les zones restant à raccorder sont les plus difficiles d'accès, dans lesquelles les opérateurs ne veulent pas investir. Dans les zones moins denses, qui sont pour l'essentiel des agglomérations de taille moyenne relevant de la zone d'initiative privée, les retards, souvent imputables à SFR, sont nombreux. Dans les zones d'appels à manifestation d'engagements locaux et les zones d'intervention prioritaires, qui sont pour l'essentiel des zones rurales, le déploiement de la fibre est conforme aux objectifs du Gouvernement.
Au sujet du New Deal mobile, 250 zones ne sont pas encore couvertes par un service de SMS, voix et 4G, ce qui est un gros problème. La cause en est l'opposition des riverains, et parfois les dispositions de la loi « Littoral », qui interdit la requalification des antennes en zone d'extension urbaine.
Monsieur le rapporteur pour avis, je regrette comme vous la communication insuffisante et parcellaire du Gouvernement au sujet des risques induits par les délestages potentiels, cet hiver, pour l'acheminement des communications, notamment celles des services d'urgence. L'audition des responsables d'Enedis et de RTE, qui ont détaillé les mesures qu'ils ont prises, m'a partiellement rassurée.
Nous souscrivons à la recommandation 10 du rapport en faveur d'un véritable plan de préservation des infrastructures numériques critiques indispensables au fonctionnement de la nation. Les opérateurs font état d'une capacité à tenir deux heures grâce à des groupes électrogènes, qui toutefois ne leur permettent pas de redémarrer leurs installations. Cette question doit faire l'objet d'une attention particulière.
L'entretien du réseau cuivre est parfois éclipsé par l'attention logiquement portée au déploiement de la fibre. Lors de la précédente législature, notre ancienne collègue Célia Delavergne avait présenté, à l'issue d'une « mission flash », un plan d'action en dix mesures, afin d'assurer le maintien du réseau en bon état jusqu'en 2030. Qu'en est-il de son application ? Monsieur le rapporteur pour avis, quelles sont vos recommandations sur ce sujet sensible, notamment dans les zones rurales et de montagne ?
L'entretien du réseau cuivre ne fait pas partie du périmètre de mon rapport. Nous avons abordé le sujet avec l'Arcep, qui mène une réflexion à ce sujet. Il devrait être remplacé par la fibre d'ici 2030. Quoi qu'il en soit, les zones qui ne sont pas raccordées à la fibre ne doivent pas être condamnées à utiliser le réseau cuivre, qui est dans un état déplorable.
À propos des délestages, nous avons été choqués d'entendre les quatre opérateurs nous dire, en juin, que l'État leur a demandé d'équiper en batteries Huawei l'intégralité des antennes 4G et 5G en France, soit plusieurs milliers d'antennes, pour éviter les délestages. Leur réponse a été la suivante : un, on nous demande de démanteler les antennes Huawei et de les remplacer par des batteries Huawei ; deux, nous ne pourrons pas tenir la cadence en raison de la crise mondiale du lithium ; trois, cela représente les deux tiers de nos investissements annuels. Rien d'autre n'est prévu au sujet du délestage, ce qui est assez inquiétant. Nous avons rencontré des usagers des communications d'urgence, notamment des policiers et des gendarmes, qui n'étaient même pas au courant que des délestages peuvent advenir. Il s'agit d'un vrai sujet, auquel il serait bon que les ministres s'intéressent.
Pour ma part, j'ai deux questions. Avez-vous interrogé les institutions européennes ? Avez-vous interrogé les cabinets ministériels, notamment sur les délestages ?
Le ministre a évoqué les délestages en commission il y a deux semaines. Nous avons interrogé les administrations et les agences de l'État concernées.
Avez-vous contacté le cabinet du ministre pour l'interroger sur l'éventualité de délestages après avoir auditionné les opérateurs ?
Elle nous a indiqué que les opérateurs n'étaient pas favorables à l'installation de batteries au lithium et qu'Enedis ne parvient pas à élaborer des plans de délestage excluant les antennes 4G et 5G.
S'agissant des institutions européennes, j'ai été assistant parlementaire au Parlement européen pendant deux ans et demi. Je travaillais pour un député siégeant à la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs, lorsque celle-ci a examiné le DSA, le DMA et le DGA. Je connais plutôt bien ces sujets.
Il ne s'agit pas d'une mise en cause personnelle. J'aimerais savoir si vous avez interrogé l'institution en tant que rapporteur pour avis.
Pas dans la limite des quinze auditions qui m'était imposée. J'ai des échanges avec plusieurs amis travaillant à la Commission européenne et au Parlement européen, dans divers groupes politiques, ainsi qu'avec les acteurs du numérique. J'ai assisté au France Digital Day.
Monsieur le rapporteur pour avis, je ne me livre pas à l'exégèse de votre CV. Je vous ai posé une question simple pour savoir si vous avez interrogé les cabinets ministériels sur les observations des opérateurs ; vous y avez répondu.
S'agissant de la dimension européenne du sujet, que vous avez évoquée sous l'angle du droit de la concurrence et des aides d'État, vous n'avez pas formellement interrogé les institutions. Nul ne conteste votre expérience en la matière ; chacun en a une. J'ai moi-même travaillé sur les questions de concurrence, dans le cadre de la commission d'enquête sur les décisions de l'État en matière de politique industrielle, notamment dans les cas d'Alstom, d'Alcatel et de STX. Nous nous sommes notamment intéressés à la protection des intérêts stratégiques.
J'ajoute que nous avons auditionné Enedis. Nous avons proposé au cabinet du ministre une audition conjointe avec la DGE, à laquelle il a refusé de participer.
Article 27 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-CE94 de M. Aurélien Lopez-Liguori.
L'amendement nourrit l'ambition d'augmenter le financement des raccordements complexes au sein des RIP. L'enjeu est de garantir une réelle équité dans l'accès à internet.
Il s'agit d'augmenter de 50 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement les crédits de l'action Réseaux d'initiative publique du programme Plan France Très haut débit, et de réduire à l'identique ceux de l'action Définition et mise en œuvre de la politique économique et financière de la France dans le cadre national, international et européen du programme Stratégies économiques.
L'augmentation de l'enveloppe consacrée aux raccordements complexes de 150 à 200 millions d'euros est très raisonnable, compte tenu des besoins exprimés par les professionnels du secteur. Elle est un premier pas vers l'envoi d'un signal fort aux territoires concernés. Par ailleurs, cela rendra l'accès à internet plus uniforme sur le territoire.
Nous, élus du Rassemblement national, adoptons une position de dialogue constructif. Si une mesure est dans la bonne voie, nous la soutenons. L'amendement s'inscrit dans la continuité du rapport pour avis présenté par notre collègue Bothorel l'an dernier. Nous faisons un pas vers la majorité en approuvant les crédits du programme Communications électroniques et économie numérique ; à la majorité de démontrer qu'elle s'inscrit, elle aussi, dans le cadre d'un échange fructueux.
La commission adopte l'amendement.
La commission des affaires économiques émettra un avis sur la mission Économie mardi prochain, à l'issue de l'examen de tous les programmes qui la composent.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mercredi 12 octobre 2022 à 15 heures
Présents. – M. Laurent Alexandre, Mme Anne-Laure Babault, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Éric Bothorel, M. Jean-Luc Bourgeaux, Mme Sophia Chikirou, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Christine Engrand, M. Grégoire de Fournas, Mme Florence Goulet, M. Guillaume Kasbarian, M. Hervé de Lépinau, M. Aurélien Lopez-Liguori, Mme Sandra Marsaud, M. Nicolas Meizonnet, M. Paul Molac, M. Jérôme Nury, M. Charles Rodwell, M. Vincent Rolland, Mme Danielle Simonnet, M. Lionel Tivoli, Mme Aurélie Trouvé, M. Jean-Pierre Vigier
Excusés. – Mme Delphine Batho, M. Philippe Bolo, Mme Soumya Bourouaha, M. Bertrand Bouyx, Mme Julie Laernoes, Mme Hélène Laporte, M. William Martinet