Intervention de Danielle Simonnet

Réunion du mercredi 12 octobre 2022 à 15h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Simonnet :

La tonalité de mes propos sera nettement différente.

Le rapport pour avis sur le programme Communications électroniques et économie numérique fait preuve d'amateurisme, ainsi que d'une déconnexion totale avec les enjeux actuels et futurs du secteur de l'économie numérique. La liste des acteurs auditionnés, qui ne comporte que les grands opérateurs et l'Arcep, mais pas la Commission nationale Informatique et libertés, le démontre.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez l'ambition de produire un rapport sur la souveraineté numérique. Mais quid des ONG telles que La Quadrature du Net et l' European Digital Rights (Edri) ? En matière de cybersécurité, quid de l'Agence de l'Union européenne pour la cybersécurité (Enisa) et du leader français de l'hébergement de données OVHcloud ? Quid de la société civile, représentée par les associations de consommateurs et d'usagers ?

Le rapport témoigne d'une réelle méconnaissance du domaine. Comment ne pas relever la recommandation 13, consistant à taxer les fournisseurs de contenus sur la base du débit consommé sur le réseau ? Demander aux plateformes de consentir un effort financier supplémentaire peut sembler séduisant, mais la contrepartie est la suivante : plus elles financeront, plus elles pourront s'assurer un accès privilégié à la bande passante.

Il en résulterait un internet à deux vitesses, l'une pour les riches, l'autre pour les pauvres, ce qui signerait la fin de la neutralité du Net, à rebours du droit européen, qui a sanctuarisé ce droit fondamental en 2015. Pour éviter cet écueil, il est nécessaire d'opérer une taxation harmonisée à l'échelle européenne sur tout le portefeuille d'activités des Gafam et non sur leur usage des infrastructures.

Au sujet des technologies, le rapport évoque la nécessité d'un développement harmonieux des infrastructures et en profite pour vanter la 5G, dont nous savons pertinemment qu'elle est une catastrophe environnementale. Par ailleurs, l'argent placé sur la 5G n'est pas utilisé pour mettre véritablement en œuvre la fin du réseau cuivre. Cet arbitrage participe grandement à la fragmentation numérique de notre territoire.

Nulle part le rapport ne creuse le sujet de la précarité numérique et de l'illectronisme. Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit un budget pour la transformation numérique des administrations publiques. Toute digitalisation réalisée aux dépens des agents, des travailleurs sociaux et des bénéficiaires largement concernés par l'illectronisme induira une fragilisation des services publics et ne permettra pas de réduire le taux de non-recours aux aides. On ne trouve rien non plus, dans le rapport, sur le logiciel libre, qui, avec l'hébergement des données, est la clé de l'autonomie et de la souveraineté numériques.

Ce rapport, à l'image du projet de loi de finances dans lequel il s'inscrit, est une imposture sur les moyens d'affronter les grands impératifs de l'économie numérique, sur la place des solutions alternatives telles que le logiciel libre et des innovations telles que le calcul haute performance, et sur la dégradation des droits fondamentaux des usagers. Cette piètre analyse du secteur fait le jeu des puissants.

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