Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Réunion du jeudi 11 avril 2024 à 11h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à onze heures cinq.

(Présidence de Mme Isabelle Rauch, présidente)

La commission organise une table ronde sur l'information dans les médias audiovisuels publics, en lien avec les États généraux de l'information, réunissant M. Boris Razon, directeur éditorial d'Arte France et Aksel Gökçek, chargé de mission ; M. Roland Husson, directeur général en charge du pôle ressources de France Médias Monde, Mme Cécile Megie, directrice des stratégies et coopérations éditoriales transverses, et M. Thomas Legrand-Hedel, directeur de la communication, des relations institutionnelles et de la RSE ; Mmes Muriel Pleynet, directrice adjointe de l'information de France Télévisions, et Livia Saurin, directrice des relations institutionnelles ; MM. Charles-Emmanuel Bon, secrétaire général de Radio France, et Jean-Philippe Baille, directeur de l'information.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mes chers collègues, j'ai le plaisir d'accueillir, en votre nom à tous, les représentants des sociétés de l'audiovisuel public : pour Arte France, M. Boris Razon, directeur éditorial et M. Aksel Gökçek chargé de mission au secrétariat général ; pour France Médias Monde, M. Roland Husson, directeur général en charge du pôle ressources, Mme Cécile Megie, directrice des stratégies et coopérations éditoriales transverses et M. Thomas Legrand-Hedel, directeur de la communication, des relations institutionnelles et de la RSE ; pour France Télévisions, Mmes Muriel Pleynet, directrice adjointe de l'information, et Livia Saurin, directrice des relations institutionnelles et pour Radio France, M. Charles-Emmanuel Bon, secrétaire général, et M. Jean-Philippe Baille, directeur de l'information.

J'ai souhaité vous réunir aujourd'hui dans le cadre du cycle d'auditions mené par notre commission en lien avec les États généraux de l'information car le service public audiovisuel a, selon moi, un rôle primordial à jouer dans la production et la diffusion, auprès de nos concitoyens, d'une information fiable, vérifiée et de qualité. Forts de cette exigence, vos services sont toutefois confrontés à de nombreux défis traversant la sphère informationnelle, que les tables rondes menées par notre commission ont contribué à mettre en lumière. Qu'il s'agisse de la place croissante prise par les géants du numérique, souvent étrangers, dans l'accès des publics à l'information, de l'arrivée de nouveaux acteurs qui transforment la pratique même du journalisme, ou de l'impact des fausses informations, les médias traditionnels sont invités à repenser leur rôle pour demeurer des pôles de référence dans le domaine de l'information.

Ma première question portera donc sur les stratégies déployées. Quels moyens et idées mettez-vous en œuvre afin de maintenir votre légitimité et votre pertinence face à ces transformations ? Dans quelle mesure êtes-vous prêts à remettre en question votre fonctionnement et à intégrer de nouveaux modes de diffusion de l'information, qui permettraient notamment de garantir que les jeunes viennent chercher l'information sur vos canaux ?

L'un des constats fréquemment opérés pour expliquer la persistance d'une certaine défiance des Français à l'égard des médias est celui d'une disparition progressive de la hiérarchisation entre les sources de l'information. Ainsi, par exemple, venant s'ajouter à une fatigue informationnelle qui pousserait nos concitoyens à se détourner de l'information, la confusion entre information, divertissement ou commentaire contribuerait-elle à une forme de démonétisation de l'information ? Partagez-vous ce diagnostic et, le cas échéant, comment maintenir l'intérêt du public pour l'information et l'analyse de celle-ci ?

Ma dernière question portera sur les moyens consacrés à la production de l'information par le service public. De récents schémas de rapprochement et de rédactions spécialisées ont entraîné des mécontentements parmi certains journalistes concernés au sein des médias publics, au moment où des projets de holding ou de fusion au sein de l'audiovisuel public reviennent dans le débat. Quelle est votre position sur de possibles rapprochements des rédactions de vos différentes antennes ? Comment ceux-ci peuvent-ils s'opérer en assurant le maintien de la qualité du service public fourni ?

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Jean-Philippe Baille, directeur de l'information de Radio France

Nous sommes effectivement en plein dérèglement médiatique, et l'information, ainsi que vous l'avez évoqué, est de plus en plus contestée, en dépit du rôle central qu'elle occupe dans notre démocratie. Les réseaux sociaux occupent désormais une place importante qui fragilise, à mon sens, les médias traditionnels que nous sommes, nos concitoyens étant noyés dans un flot continu d'informations. Notre rôle, en tant que service public, est de donner des repères, de proposer une information de confiance en réponse aux fake news qui nous inondent, à la fatigue informationnelle, mais également aux menaces de déstabilisation que nous subissons.

Radio France se doit, dans ce contexte, d'être l'un des garants de l'information certifiée. Nous avons ainsi créé, il y a sept ans, une agence de vérification interne au sein de France Info, qui irrigue désormais l'ensemble de Radio France, et que nous déployons actuellement au sein de toutes nos chaînes. Elle permet de garantir que l'information diffusée ou publiée ne soit pas contestée, car elle est vérifiée selon des critères restreints, précis, et selon un processus spécifique. L'agence produit 20 000 dépêches par an, qui font référence pour toutes nos antennes. L'information sur Radio France représente un total de 1 200 heures d'antenne par semaine, nos programmes sont écoutés chaque jour par 15 millions d'auditeurs, et nous sommes donc conscients de notre responsabilité face aux défis évoqués.

Notre stratégie s'articule autour de quatre grands axes. Il s'agit tout d'abord du respect du pluralisme, non seulement en suivant scrupuleusement les règles de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), mais également en assurant l'expression de toutes les opinions dans nos différentes tranches d'information. Nous veillons ainsi, dans nos éditions, à nous en tenir rigoureusement aux faits et à bannir tout commentaire. Le déploiement de notre agence au sein des rédactions nous permet d'instaurer des règles, et cette certification de l'information doit être le socle de notre travail.

Il s'agit ensuite de la lutte contre la désinformation, en multipliant, sur tous les supports, les formats de fact checking, à travers nos modules « Vrai ou faux », partagés avec France Télévisions et les acteurs de l'audiovisuel public et déployés sur l'ensemble des réseaux. Nous avons également lancé, à la rentrée, un nouveau format, intitulé « Ça dit quoi ? ». Destiné aux plus jeunes, il est disponible tous les matins sur WhatsApp, Instagram et, depuis peu, sur TikTok, où le compte a recueilli 2 millions d'écoutes au mois de mars dernier. Nous sommes fiers de ce succès qui nous permet de toucher un public nouveau.

Le troisième axe est un plan d'action ambitieux visant à renforcer l'éducation aux médias. France Info a récemment organisé en ligne, en collaboration avec le groupe Bayard, deux conférences qui ont rassemblé près de 85 000 collégiens, afin de les éveiller à l'information et de les aider à démêler le vrai du faux parmi celles qu'ils reçoivent. Des mallettes pédagogiques sont par la suite mises à disposition des enseignants, afin qu'ils puissent poursuivre le travail avec leurs classes. De son côté, France Bleu multiplie les actions sur le terrain, en allant à la rencontre des élèves au sein des collèges pour les sensibiliser aux techniques de l'information et lutter contre les fausses informations.

Le dernier axe est celui de la transparence sur nos pratiques. Nous avons organisé, au mois de novembre dernier, une journée « Portes ouvertes sur l'info », en invitant nos auditeurs à participer à nos conférences de rédaction pour voir de quelle façon les sujets évoqués par les différents chefs de service aboutissaient à l'antenne. Nous avons décidé de renouveler cette initiative une fois par mois, sur France Inter notamment. Nos antennes proposent également, chaque semaine, une émission réalisée à partir des messages reçus par notre médiatrice, pour faire acte de transparence et expliquer de quelle façon nous choisissons de traiter une information ou une actualité spécifique. Nous allons également, au cours des prochaines semaines, parcourir la France pour échanger avec le public, recréer du lien, et entendre aussi bien les remarques que les reproches de nos auditeurs. Le premier rendez-vous est fixé à Rennes le 16 mai prochain et, à cette occasion, nous avons lancé, avec nos partenaires de Ouest-France, une grande consultation sur le rapport entre les Français et l'information, à laquelle 4 000 personnes ont répondu. Je serai présent et répondrai à toutes les questions, sans tabou.

Radio France se devant également de proposer un traitement exhaustif de l'information, nous sommes probablement les antennes généralistes qui consacrent aujourd'hui le plus de sujets à l'information internationale. Nous nous sommes rendus en Inde, au Rwanda, en Iran, au Brésil, en Thaïlande, en Argentine et, depuis deux ans, nous assurons une couverture exhaustive du conflit en Ukraine grâce à deux reporters basés en permanence à Kiev. Nous avons fait de même en Israël, mais également au Liban et dans toute la région du Proche-Orient, avec une couverture complète de la situation depuis le 7 octobre dernier. L'information, et principalement celle de terrain, que nous privilégions, a un coût. Pour voir, pour constater, pour décrire et pour analyser, nous devons disposer des moyens nécessaires pour nos reportages, afin de ne pas tomber dans les préjugés et les commentaires trop évidents. Pour reprendre l'exemple de notre couverture de la guerre en Ukraine, nous avons dépensé plus d'1 million d'euros pour assurer cette permanence sur le terrain.

Par ailleurs, afin d'assurer une présence sur tous les réseaux sociaux et de produire des podcasts de qualité, nous faisons en sorte, au quotidien, de développer l'audio et d'avoir une visibilité sur l'ensemble des supports. Cela implique que les contenus produits par un travail journalistique selon les règles de notre profession soient mis en avant par les algorithmes, afin que nous puissions gagner cette guerre de la confiance. Radio France s'engage, comme l'ont fait précédemment ses partenaires de l'audiovisuel public, dans le processus de certification du Journalism Trust Initiative (JTI). Je suis convaincu que ce label pourra, demain, devenir le référentiel sur lequel les acteurs du numérique s'appuieront afin de mieux référencer les informations qu'ils distribuent. Nos concitoyens sont perdus et le service public doit être ce repère dont ils ont besoin, en regagnant leur confiance. Il est donc nécessaire que tous ces contenus soient différenciés et identifiés comme étant dignes de confiance sur toutes les plateformes. La JTI est à mon sens le meilleur moyen d'y parvenir.

Je terminerai en indiquant que nos missions de service public sont à la fois plus nombreuses et plus diverses et qu'elles impliquent une responsabilité supplémentaire en ces temps de bouleversement de l'information. Nous devons, afin d‘assumer l'ensemble de ces missions, disposer d'un financement stable et pérenne, qui nous permettra d'avoir à la fois un cap précis et une vision globale des défis à relever.

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Muriel Pleynet, directrice adjointe de l'information de France Télévisions

Je commencerai en rappelant brièvement la place qu'occupe l'information sur France Télévisions et, plus globalement, au sein de l'offre audiovisuelle. L'information est, pour France Télévisions, une priorité stratégique. Elle est la première offre d'information nationale et de proximité, atteignant un niveau de confiance de 75 % auprès des Français selon l'Institut français d'opinion publique (Ifop). Cette offre d'information affiche, sur le fond, certains marqueurs, tels que la place essentielle, sur nos antennes, des programmes d'investigation, le déploiement de dispositifs de lutte contre les fake news, d'outils de transparence sur nos contenus et d'une information de proximité encore renforcée depuis septembre dernier. Je souhaite également évoquer, dans un autre registre, l'accessibilité renforcée de l'information à travers le sous-titrage, l'audiodescription et la traduction en langue des signes.

Sur une année, ce sont environ 2 000 heures d'informations nationales que nous proposons sur France 2, France 3 et France Info, 17 700 heures d'informations régionales et 10 700 heures d'informations ultramarines. Au quotidien, ce sont six heures d'informations qui sont proposées sur France 2 et quatre heures sur France 3, auxquelles s'ajoutent les magazines de France 5 et les programmes de notre chaîne d'information en continu, France Info, diffusée sur le canal 27. Notre offre d'information touche ainsi, chaque jour, dix-huit millions de Français et, chaque semaine, un peu plus de trente-cinq millions d'entre eux. Quant à la plateforme France Info, elle est, en termes d'audience, la première plateforme d'information de France.

Si j'ai introduit mon propos par ces chiffres et cette photographie globale, c'est parce que la place et l'impact de nos contenus d'information nous y obligent, ainsi que le confirme une étude publiée par l'Arcom le mois dernier. Il en ressort en effet que la télévision reste le premier mode d'accès des Français à l'information et que nos concitoyens conservent une attente très forte à l'égard des journalistes, considérés aujourd'hui comme des remparts face aux fausses informations, des garants du pluralisme et des contrepoids face aux sélections des algorithmes. Les répercussions des usages numériques sur la véracité et le pluralisme de l'information, que vous documentez dans vos différents travaux et qui fondent également ces États généraux de l'information, confortent notre responsabilité. Ces usages offrent par ailleurs aux journalistes un champ de créativité inédit, avec de nouveaux formats, des nouvelles propositions narratives, ou l'émergence de nouveaux talents. Ils invitent les médias historiques à se renouveler et à se questionner, avec un effet vertueux.

Le service public de l'information est toutefois confronté, dans le même temps, à de nouvelles problématiques auxquelles il se doit de répondre : désinformation massive, ingérences étrangères, polarisation du débat public, ou encore éloignement des jeunes publics des médias traditionnels. Ces enjeux sont intégrés à notre stratégie éditoriale, afin de conforter notre positionnement en tant que pôle de stabilité et de concourir à l'effectivité du droit à l'information. Ainsi investissons-nous le champ numérique, en lien avec nos partenaires de l'audiovisuel public, notamment à travers le site et l'application France Info. Nous menons également une réflexion approfondie sur les risques et sur les opportunités de l'intelligence artificielle, en interne et avec nos partenaires de l'Union européenne de radio-télévision (UER). Nous nous attachons, en outre, à renforcer les liens avec la jeune génération, en développant des formats adaptés tels que « C quoi l'info ? », notre JT jeunesse dédié aux 12-18 ans lancé en septembre dernier et diffusé quotidiennement sur YouTube, Snapchat, TikTok, et sur notre chaîne info.

Dans ce contexte de désinformation massive, nous avons fait de la lutte contre les fausses informations un axe majeur de notre stratégie éditoriale, avec des programmes récurrents comme « Vrai ou faux », label commun à l'audiovisuel public, ou encore « L'Œil du 20 heures », rubrique de décryptage de l'information au sein du journal télévisé de France 2. Nous disposons également de nos révélateurs, une équipe de journalistes vérificateurs de l'information et des images qui circulent sur les réseaux sociaux. Aujourd'hui, bénéficier de la confiance des Français et lutter contre l'évitement informationnel, qui touche 60 % de la population, constituent des enjeux capitaux. C'est pourquoi nous appliquons à nos propres contenus une exigence de transparence et de qualité certifiée de manière indépendante. Nous avons déployé, depuis 2021, le dispositif « Nos sources », accessible grâce à un QR code et qui permet aux téléspectateurs de consulter les sources documentaires utilisées par nos journalistes. Nous avons également fait le choix de nous engager dans des procédures exigeantes visant à faire certifier nos processus éditoriaux, ce qui nous a permis d'obtenir le label JTI, indépendant et reconnu. C'est, enfin, tout le sens de notre projet « Confiance », déployé au mois de février dernier et par lequel nous mettons à disposition des publics, sur une page dédiée de France Info et grâce à un QR code, l'ensemble de ces dispositifs de transparence ainsi que notre corpus de charte déontologique, qui fixe notamment le principe d'indépendance de l'information sur nos antennes. Cet espace nous permet également de renforcer la transparence sur le pluralisme de notre offre, en y publiant, par exemple, le décompte transmis à l'Arcom du temps d'antenne de chaque formation politique. Cette action éditoriale, destinée à répondre aux enjeux que nous évoquions, est complétée par une importante action de terrain.

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Livia Saurin, directrice des relations institutionnelles de France Télévisions

Je souhaite évoquer le sujet de l'éducation aux médias et à l'information (EMI), un thème sur lequel la commission a beaucoup réfléchi, qui nous préoccupe tous et qui nous oblige en tant que médias de services publics.

La dernière étude de l'Arcom sur le rapport entre les Français et l'information indique que 60 % des Français envisagent l'existence d'au moins une théorie du complot, cette proportion s'élevant à 85 % chez les jeunes âgés de 10 à 15 ans selon une autre étude menée il y a quelques années. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé d'accroître la part de nos ressources consacrées à la fois à l'éducation aux médias et à l'information et à la question du rapport au jeune public. Je vous rappelle à cet égard l'existence de Lumni, la plateforme éducative commune à l'ensemble de l'audiovisuel public, qui propose non seulement un accompagnement aux révisions des jeunes, mais également des éléments sur l'éducation aux médias et à l'information.

Nous avons par ailleurs lancé, en octobre 2022, en partenariat avec le ministère de l'éducation nationale et le Centre pour l'éducation aux médias et à l'information (Clemi), une initiative à laquelle sont désormais associés tous les acteurs de l'audiovisuel public, le « Tour de France académique de l'éducation aux médias et à l'information ». Nous nous sommes rendus dans plusieurs académies de France, telles qu'Amiens, Poitiers, en Guyane, à Rennes, ou encore à Montpellier, pour proposer, en lien avec les rectorats, des programmes de deux jours. La première journée vise à former les enseignants à l'éducation aux médias et à l'information en leur fournissant des ressources issues de nos offres de programmes, afin de leur donner des clés pour transmettre de bons réflexes aux jeunes. La question de la hiérarchisation et de la vérification des sources étant des sujets centraux, l'EMI permet de faire évoluer de façon significative les comportements informationnels des jeunes et nous allons donc continuer notre montée en puissance sur ce sujet et poursuivre ces face-à-face avec les enseignants. Au cours de la deuxième journée de ces Tours de France, sont organisés des face-à-face avec les élèves. Nous utilisons nos ressources, notamment documentaires, afin de les sensibiliser au travail d'investigation et à ce qu'il implique en termes de recoupement ou de vérification des sources.

Vous avez également évoqué, madame la présidente, la problématique des moyens consacrés à l'information. Une information certifiée et de qualité est en effet une information qui a un coût, du fait de sa valeur. L'étude récemment publiée dans le cadre des États généraux de l'information démontre ainsi que 29 % des dépenses consacrées à l'information sur notre territoire sont le fait de l'audiovisuel public, devant les médias privés qui assurent 26 % de cette dépense. Il est également important de souligner que la presse écrite représente 44 % de cette dépense.

Vous avez également évoqué l'invisibilisation de contenus vérifiés et certifiés au sein d'un univers informationnel qui se caractérise par la montée en puissance des fausses informations. Je souhaite donc faire écho à une proposition qu'a commencé à formuler M. Jean-Philippe Baille. Nous observons une véritable prolifération des fake news sur les réseaux sociaux, notamment sur TikTok, où les mots clés liés notamment à des conflits en cours renvoient systématiquement à des vidéos issues de comptes pratiquant la désinformation. Nous souhaiterions donc qu'il puisse exister une visibilité préférentielle des contenus produits par des médias certifiés, qu'il s'agisse des médias reconnus par l'Arcom comme services d'intérêt général ou des médias labellisés.

Je conclurai mon propos par la question du financement. L'indépendance et la nécessité de protéger une information certifiée, vérifiée et de confiance impliquent de disposer d'un financement suffisant, pérenne et permettant réellement de garantir à l'audiovisuel public son indépendance.

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Cécile Mégie, directrice des stratégies et coopérations éditoriales transverses à France Médias Monde

Nous partageons les propos qui ont été tenus précédemment et j'insisterai donc sur les spécificités de France Médias Monde (FMM).

France Médias Monde, qui s'adresse à des publics mondiaux en français et en vingt langues étrangères, est présente dans le monde entier, à travers ses antennes, mais également ses environnements numériques. L'information est l'axe majeur de la ligne éditoriale de nos trois médias, en continu sur les quatre chaînes de France 24, et comme colonne vertébrale des deux radios que sont Radio France Internationale (RFI) et Monte-Carlo Doualiya (MCD). En témoigne, à titre d'exemple, le déploiement sur le terrain, au plus près des faits et de leur observation, des 250 correspondants, hors envoyés spéciaux, de notre réseau.

Dans ce cadre, FMM tient son rang dans le paysage audiovisuel mondial avec, en 2023, environ 255 millions de téléspectateurs, auditeurs et internautes, en contact chaque semaine avec l'un de nos contenus. Nous sommes en première ligne dans un contexte international marqué par les crises et les fortes tensions géopolitiques, dont nous faisons directement les frais à travers les coupures et les censures dont nos chaînes et nos correspondants sont victimes. Le risque sécuritaire est accru, sur le terrain, mais également au sein de l'univers numérique, pour nos journalistes qui sont, pour certains, victimes de véritables campagnes de haine en ligne.

Nous faisons également face à l'essor des infox et des manipulations, à travers des stratégies de déstabilisation délibérées, accentuées par les réseaux et l'intelligence artificielle, et à une concurrence exacerbée au sein du paysage audiovisuel mondial, face à des acteurs qui ne respectent ni ne partagent nos critères déontologiques. Dans ce contexte, marqué par la polarisation, la propagande et la défiance, il est d'autant plus important d'affirmer l'importance de médias de service public producteurs d'une information indépendante, vérifiée, pluraliste et équilibrée. Tout en assurant la montée en puissance de nos capacités de riposte et de lutte contre les infox, nous restons fidèles à nos valeurs et à nos principes déontologiques et professionnels.

Dans ce contexte international polarisé, en proie à une propagande accentuée par le fonctionnement de l'univers numérique dans son ensemble et par les algorithmes en particulier, FMM estime que la fabrique de l'information doit s'inscrire dans un cadre déontologique clair, et partagé par l'ensemble des journalistes du groupe. Notre groupe a ainsi mis en place une charte de déontologie, accompagnée d'un corpus de textes qui encadre la sûreté éditoriale, la protection des sources, l'investigation, les bonnes pratiques quant à l'utilisation de l'intelligence artificielle dans le cadre de la production éditoriale et l'encadrement des collaborations extérieures. De ces textes découle également une organisation interne dédiée à ces sujets, à travers la commission de déontologie, mais également le comité relatif à l'honnêteté, à l'indépendance et au pluralisme de l'information et des programmes (Chipip).

Afin de tisser et d'entretenir la confiance avec nos publics, nous tenons en outre à la transparence de notre cadre éditorial. Nous montrons notamment les coulisses de cette fabrique de l'information, produisons des modules et des programmes dédiés sur les antennes, à l'image de « Témoins d'actu », « l'Atelier des médias » ou encore « Pourquoi RFI dit ça ? », ainsi que les interventions récurrentes de notre médiateur trilingue sur l'ensemble de nos antennes.

Nous saisissons également toutes les opportunités de réaffirmer le cadre de notre indépendance et de notre déontologie et la certification JTI apparaît, à ce titre, essentielle. Il nous semble en effet indispensable de soutenir et de continuer à développer cette démarche de labellisation, qui peut répondre à une demande des citoyens qui, selon une étude de l'institut Harris, sont favorables à hauteur de 70 % à la labellisation des médias afin de disposer de repères, essentiels dans un espace informationnel bouleversé. Cette labellisation doit également être valorisée par les plateformes numériques, afin de renforcer la visibilité des médias qui en disposent et de lutter ainsi contre les effets de bulles de filtres et contre les logiques algorithmiques, qui alimentent la prolifération des infox. Cela irait enfin dans le sens du Media freedom act adopté au niveau européen, dont les considérants visent justement à promouvoir la labellisation JTI afin de renforcer la visibilité des médias présents sur ces plateformes.

Pour autant, nous faisons réellement face à un déferlement d'infox et de manipulations sur les réseaux sociaux, de plus en plus sophistiquées et de plus en plus fréquentes. L'utilisation de l'IA générative permet aujourd'hui de détourner les contenus de nos médias et FMM en a fait une nouvelle fois les frais récemment : détournements de la voix de nos journalistes, usurpation de nos marques par la création de faux contenus qui adoptent les chartes, codes graphiques et signatures de nos journalistes, avec l'objectif manifeste de créer de la confusion et de la déstabilisation. Face à ce phénomène, nous faisons monter en puissance notre organisation et nos capacités de riposte. Si FMM est historiquement engagée dans la lutte contre les infox, grâce à une quinzaine de programmes dédiés dans toutes les langues et les Observateurs de France 24, une équipe à la pointe en matière de vérification, s'y est récemment ajouté « Info vérif », la cellule de vérification et d'investigation numérique de RFI qui complète ce dispositif. Véritablement transverse, elle s'accompagne d'un renforcement de la coordination avec toutes les rédactions, à la fois en français, mais également en langues étrangères, qui sont de véritables vigies de l'apparition de ces manipulations de l'information sur les réseaux, qu'elles observent et surveillent.

Nous avons également formalisé une procédure interne d'alerte visant à contrer ces attaques, qui manipulent ou détournent nos images et nos identités afin de profiter de notre notoriété et de l'impact mondial de nos médias. Des procédures spécifiques sont donc mises en place : veille, alerte, traitement éditorial rapide et pertinent, ainsi qu'une dissémination rapide pour débunker (discréditer) de façon réactive et efficace ces manipulations, en lien avec nos confrères de l'audiovisuel public. Il nous semble en outre essentiel d'évaluer la pertinence et la nécessité du débunkage des fausses informations et manipulations qui circulent. Le risque serait de traiter trop rapidement ou de façon trop visible cette infox, même si elle peut être surveillée par nos médias, afin d'éviter de contribuer à la rendre virale.

L'accent est également mis sur l'éducation aux médias et à l'information. Nous sommes ainsi fortement mobilisés et, aux côtés de nos confrères de l'audiovisuel public, nous touchons environ 3 000 élèves par an qui échangent avec nos journalistes et nous complétons ces actions hors de nos frontières auprès de nos publics cibles, notamment les lycées français de l'étranger.

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Roland Husson, directeur général en charge du pôle ressources de France Médias Monde

Vous avez, madame la présidente, évoqué la question de l'adaptation au numérique, qui soulève de nombreux enjeux de régulation et fait l'objet d'interventions du législateur. France Médias Monde observe la révolution du numérique non seulement en France, mais surtout à travers le monde entier, puisque nous touchons près de 260 millions de personnes chaque semaine dans le monde, dont environ 90 millions à travers nos outils numériques. Les environnements propres que nous développons, sites et applications, ne peuvent pas faire l'objet d'une promotion marketing dans tous les pays et nous mettons donc en place une stratégie de distribution raisonnée, à travers laquelle nous sommes présents sur l'ensemble des carrefours, y compris les plateformes.

Nous constatons que ces plateformes possèdent leurs propres politiques, agissant parfois aux dépens des médias d'information ou au service de la désinformation. Les plateformes majeures, à l'image de celles du groupe Meta, peuvent en effet prendre des décisions qui vont reléguer les informations à un rang inférieur voire, à l'exemple de la situation actuelle en Australie, supprimer purement la diffusion de l'information. L'impact sur l'accès du public à l'information peut donc être radical. L'Union européenne et la France s'illustrent, à cet égard, par leurs avancées majeures dans la réflexion en matière de régulation et de prise en compte de ces évolutions. Les débats menés dans le cadre des États généraux de l'information doivent, à mon sens, s'emparer de ce sujet. La France a toujours été en première ligne sur ces questions et il convient de souligner les avancées permises par la transposition de la directive européenne sur les services de médias audiovisuels qui va permettre, sur les outils connectés, une visibilité des services d'intérêt général dont nous faisons partie en tant que service public de l'audiovisuel. Ce type de visibilité appropriée nous semble devoir être développée sur le plus grand nombre de plateformes et de supports possibles et le recours à des labellisations telles que le JTI s'inscrit également dans cet objectif.

À ce premier enjeu de régulation, voire de législation, autour de la visibilité sur les plateformes numériques, s'ajoute la question de la répartition de la valeur. Là encore, la France et l'Union européenne ont été à l'avant-garde avec le droit voisin de la presse et il est désormais nécessaire de poursuivre cette réflexion à l'égard des plateformes, afin que le partage de la valeur puisse permettre aux médias de continuer à financer de l'information. Aux États-Unis, se développent notamment des moteurs de recherche qui intègrent des mécanismes d'intelligence artificielle qui permettent, lorsqu'un utilisateur pose une question, de faire apparaître immédiatement une réponse sans qu'il n'ait plus à se tourner vers un média d'information. Ces enjeux nous semblent rendre nécessaire une intervention des régulateurs, voire des législateurs. L'intelligence artificielle nous amène également à repenser nos façons de travailler. Nous utilisons déjà des outils pour transposer des productions dans nos différentes langues ou pour adapter les formats de nos vidéos à la diffusion sur les réseaux sociaux, tout en veillant à mettre en place des cadres de contrôle éditorial par des journalistes et à respecter les règles de bonnes pratiques en la matière.

Je conclurai en rappelant qu'une information indépendante repose sur la confiance. Cela implique, pour l'audiovisuel public, de disposer d'une recette affectée. Vous avez récemment, madame la présidente, pris position sur le sujet. S'il s'agit, pour FMM comme pour l'ensemble de nos collègues, d'un sujet essentiel, il est, pour nous, existentiel. Nous sommes en effet, dans le reste du monde, exposés à des concurrents, voire à des adversaires, à l'image de la Russie qui, sur certains territoires, tente par tous les moyens de discréditer notre action. Aussi, si la France ne disposait plus du financement, par une recette affectée, de son audiovisuel public, nos détracteurs l'exploiteraient. Je rappelle, sur ce sujet, l'expérience difficile que nous avons vécue à Berlin, lorsque la suppression de la contribution à l'audiovisuel public a entraîné la question de la budgétisation de notre financement, le régulateur berlinois ayant considéré que notre « distance à l'État » était insuffisante et envisagé de nous retirer notre fréquence. Cette question, véritablement existentielle, doit donc être réglée pour nous d'ici à la fin de cette année.

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Boris Razon, directeur éditorial d'Arte France

Arte est aujourd'hui un bouquet de trois propositions éditoriales : une chaîne linéaire, la plateforme Arte.tv et des chaînes sociales qui vont de TikTok à Snapchat en passant par Twitch. Le centre de gravité d'Arte s'est ainsi largement déplacé du linéaire vers le numérique. Notre stratégie éditoriale repose sur trois piliers : « l'éclectisation », avec l'idée de proposer une diversité de programmes traités avec un même niveau exigence ; la plateformisation, avec une présence numérique partout où le public peut être rencontré ; l'européanisation, à travers notre vocation de chaîne culturelle européenne de référence. Notre ambition est de faire de chacun de nos canaux un espace de rencontre privilégié avec nos publics, en misant sur la « découvrabilité », et sur ce que nous pouvons apporter en tant que tiers de confiance, dans un monde envahi par la défiance.

La rédaction d'Arte a ceci de particulier qu'elle est composée d'une centaine de journalistes et qu'elle est franco-allemande. Elle produit plusieurs rendez-vous d'information, dont « Arte journal », « Arte journal junior », « Arte Info Plus » ou encore « Arte Europe Weekly », qui apportent chacun un regard européen sur le monde et sur notre pays. Ce déplacement de perspective modifie naturellement la hiérarchie de l'information. L'autre singularité d'Arte est sa capacité à articuler, depuis trente ans, savoir académique et information, avec des programmes tels que « Le dessous des cartes », qui fait de la géopolitique un biais d'accès à l'information adossé à du savoir académique. Le programme « Le dessous des images », quant à lui, acculture les internautes aux méthodes de production d'images, mais également à leur analyse, à une époque où l'image et la vidéo constituent à la fois le nouveau carburant de l'information et des véhicules majeurs de désinformation.

Arte produit enfin, en ligne, un grand nombre de formats tels que « Désintox » ou « Citizen Facts », qui visent à vérifier l'information, ainsi que de nombreux documentaires d'investigation ou de société. L'information, très présente chez Arte, est à la fois multipolaire et transnationale, avec un point de vue européen et une forme d'esprit de résistance à l'air du temps, qui nous amènent à nous détacher du flux pour tenter d'offrir une prise de recul.

Le contexte actuel, marqué par la mondialisation, la désintermédiation et l'émergence de l'intelligence artificielle, représente, pour nous tous, à la fois un défi et une opportunité. La consommation de contenus audiovisuels évolue rapidement et nous essayons d'anticiper ces changements pour continuer à toucher et à engager les publics, avec deux enjeux principaux : être capables de proposer une information fiable, indépendante et de qualité, mais également rendre accessible, visible et découvrable cette information. L'enjeu est donc aujourd'hui, pour l'audiovisuel public, d'assurer la production d'informations fiables et indépendantes dans un monde hyperconnecté et submergé d'informations, dont certaines ne sont pas vérifiées. La grande mutation de l'espace informationnel que nous observons se base sur deux changements majeurs. Nous pensons d'abord à la circularisation de l'espace dans la mesure où le public, les interfaces et les producteurs d'informations peuvent chacun distribuer et relayer ce qui est produit par les autres. Nous pouvons par ailleurs évoquer la place des réseaux sociaux, qui sont souvent le premier moyen d'accès à l'information, où tous les types de messages sont mélangés et tous les conversations et degrés de langage placés au même niveau. L'information se trouve désormais noyée dans un mélange de messages dont on ne parvient pas toujours à distinguer l'émetteur alors même que, dans le domaine de l'information, tous les messages ne se valent pas et tous les émetteurs ne bénéficient pas du même statut. Dans ce contexte, nous constatons à la fois l'enfermement, à travers les algorithmes, dans des bulles de filtres, une stimulation de la diffusion de fausses informations, particulièrement à travers la viralité que leur apportent les réseaux sociaux, mais également les manipulations de l'information en ligne dans le cadre de campagnes de désinformation dont l'objectif est de créer du chaos et de la défiance.

Un autre changement essentiel est celui du passage d'un monde d'édition de l'information à un monde de flux. Nous vivons dans un temps sans arrêt, dans une sorte d'urgence permanente, qui peut conduire certains médias à s'affranchir des règles élémentaires de notre métier, à l'inverse de notre démarche. L'enjeu majeur est, pour nous, de préserver un espace public informationnel dans un contexte où il est menacé, sous l'effet de la technologie, de la polarisation du débat public sous l'impulsion des réseaux sociaux, et du vertige informationnel lié à la démultiplication possible des productions grâce à l'intelligence artificielle générative. Notre mission est de tenter de préserver cet espace public qui se réduit et se transforme en champ de bataille, en démontrant qu'il existe des informations fiables et des vérités scientifiques. Sans cet espace d'information fiable, c'est l'idée même de démocratie qui est atteinte et le phénomène de fatigue informationnelle en atteste déjà.

Nous menons depuis longtemps des réflexions sur l'intelligence artificielle, à travers une approche qui se veut à la fois éthique et pragmatique. Arte est un laboratoire d'expérimentations en matière d'intelligence artificielle, à laquelle nous avons déjà recours dans différents domaines d'activités, notamment dans le traitement multilingue de l'information ou de nos programmes, ou encore pour la réduction de l'empreinte environnementale de nos activités numériques, à travers l'optimisation des encodages vidéo. L'enjeu majeur de l'intelligence artificielle de demain est, selon nous, la « découvrabilité » des programmes et de l'information, car l'irruption, dans nos vies quotidiennes, des assistants personnels, aura, en lien avec une dynamique de plateformisation, des impacts majeurs qui rendront cette question cruciale voire existentielle pour nos médias.

Il existe, enfin, un risque de dégradation de l'espace informationnel lié à l'intelligence artificielle, du fait de l'accroissement colossal des messages et des vidéos, de la saturation de l'espace et de la production facilitée de désinformation. Aussi, dans le contexte actuel de désinformation et de fatigue massive, le risque, sans intervention des pouvoirs publics, est d'aboutir à un paysage international chaotique. Nous souhaitons, dans un monde de défiance, être un tiers de confiance, qui puisse proposer une information fiable, vérifiée et indépendante, et offrir des clés de compréhension du monde à notre public sur tous les canaux de diffusion.

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Après avoir adressé mes remerciements à vos équipes pour le travail effectué chaque jour au service de l'information des Français, je souhaite revenir sur la notion de certification. Si nous en percevons les avantages, je souhaite échanger avec vous sur les éventuels inconvénients et sur l'utilisation qui pourrait en être faite pour cataloguer certaines informations. Pouvons-nous vous entendre sur ces éventuels inconvénients et sur la manière dont nous pouvons les éviter ?

Je reviens également sur le sujet des coûts, des prix et des investissements dans l'information, pour faire suite aux éléments dont nous disposons, depuis la semaine dernière, sur le coût que représente l'information et sur la part assumée par l'audiovisuel public. Cette étude n'a pas encore, en revanche, abordé la question des contenus. Quelle est donc la part des contenus produits par l'audiovisuel public dans la masse globale de l'information? Il est en effet important que nous puissions évaluer, au-delà de la somme, la qualité de l'information.

Je souhaite enfin aborder le sujet de l'obligation d'information. De la même manière qu‘il existe des obligations d'investissement dans la création, il est intéressant d'évoquer l'idée d'obligations d'investissement et d'exposition de l'information. Dans la mesure où vous y contribuez à travers vos investissements, que penseriez-vous d de la mise en place d'une telle obligation, aussi bien pour le privé que pour le public ? Les obligations sont en effet, parfois, un moyen de répondre à certains enjeux et de contraindre d'autres acteurs.

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Je rejoins le constat selon lequel une information de qualité coûte cher et nécessite, pour la financer, des financements durables.

Je souhaite vous interroger sur votre vision d'une possible modification à venir de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf). Nous continuons à défendre l'idée d'une redevance universelle et progressive, qui permettrait, selon nous, de garantir un lien entre nos concitoyens et le service public et de vous donner les moyens suffisants pour assurer vos missions. Ainsi que vous l'avez indiqué, le public a encore une grande confiance dans la qualité de l'information du service public et vous parvenez à obtenir des parts de marché importantes. L'information de proximité et les éditions locales, à la radio comme à la télévision, représentant un coût important, votre regard sur la modification de la Lolf (afin de permettre le maintien de l'affectation d'une part de la TVA à l'audiovisuel public) est à cet égard intéressant.

Je souhaite également vous interroger sur un sujet d'actualité, susceptible d'être source de divergences entre vous, les salariés et les présidents des différentes sociétés, qui est celui du renforcement des synergies au sein de l'audiovisuel public souhaitée par la ministre de la culture. Quel regard portez-vous sur ce sujet ? Pensez-vous qu'il existe un risque de vouloir faire des économies, au détriment d'une information de qualité, à la radio comme à la télévision ?

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Je reviens sur les propos de M. Boris Razon qui évoque, au sujet d'Arte, l'esprit de résistance, car il me semble en effet que nous devons aujourd'hui faire acte de résistance face à la désinformation.

Qu'êtes-vous capables de mettre en œuvre, concernant l'utilisation de l'intelligence artificielle, pour vous assurer qu'elle puisse également vous protéger ? Dans la mesure où nous connaissons les dangers liés à ces flux, que pouvez-vous proposer pour l'utiliser à des fins de protection de vos sources d'information et de vos médias ?

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Jean-Philippe Baille, directeur de l'information de Radio France

Sur la question de la certification, je souhaiterais que Mme la députée nous indique quelles sont ses craintes dans l'hypothèse d'une certification de nos contenus. Je constate en effet que n'importe quel citoyen peut, aujourd'hui, être un médiateur grâce à son smartphone et faire croire qu'il produit de l'information. Or, si nous sommes tous soumis à des obligations, à une déontologie et à des règles de certification communes à l'ensemble des médias de service public, le public est aujourd'hui perdu et ne sait plus à qui il peut se fier. Cette certification pourrait permettre d'indiquer les contenus qui respectent ces règles. Notre liberté et notre indépendance garantiraient, quant à elles, que nos contenus ne deviennent pas des contenus d'État. Si je comprends donc bien cette crainte, je note qu'il est aujourd'hui complexe, pour le public, de distinguer, sur les réseaux sociaux, les informations vérifiées à partir de nos critères et les fake news.

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Une labellisation ou une certification peuvent en effet s'accompagner de la crainte d'un retournement et amener certains à estimer qu'elles s'inscrivent dans le cadre d'une stratégie de propagande.

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Cécile Mégie, directrice des stratégies et coopérations éditoriales transverses à France Médias Monde

J'ajoute, en complément, que cela pourrait être contre-productif s'il ne s'agissait que d'un élément de notre arsenal. Il s'agit, à mon sens, d'une condition nécessaire, mais insuffisante, qui doit s'accompagner de l'ensemble des éléments que nous avons évoqués concernant la transparence et la volonté d'informer les publics sur la signification de cette certification. Le questionnaire, qui contient 200 questions, corroborées par l'avis d'un tiers et par un cabinet spécialisé, et qui doit faire l'objet d'un renouvellement tous les deux ans, est une procédure extrêmement sérieuse. Il est nécessaire que tout cela soit expliqué à nos publics et les actions que nous menons en faveur de la transparence et de l'éducation aux médias, à la fois sur nos antennes et au-delà, participent à créer cette confiance.

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Livia Saurin, directrice des relations institutionnelles de France Télévisions

Sur la question de l'obligation d'exposition de l'information, j'estime qu'il ne nous appartient pas de nous prononcer sur ce qui pourrait être mis en œuvre en dehors de notre strict périmètre de l'audiovisuel public. Nos cahiers des charges ou nos contrats d'objectifs et de moyens contiennent en revanche des obligations, qui portent à la fois sur la quantité d'informations et sur les processus qui permettent de garantir la manière dont l'information est vérifiée et certifiée et qui s'accompagnent d'indicateurs dont nous rendons compte à la représentation nationale et à l'Arcom chaque année. Ceux-ci portent à la fois sur la couverture de notre offre d'information, c'est-à-dire le pourcentage de public touché, et sur la confiance que les citoyens accordent à notre offre d'information. L'audiovisuel public, qui possède ses spécificités, doit rester une balise de confiance pour les citoyens et ces obligations qui nous sont propres, loin de nous choquer, nous honorent, en ce qu'elles sont une manière d'attester de notre responsabilité particulière en matière de qualité du contenu informationnel produit.

Sur la problématique du financement, nous sommes effectivement informés de la proposition de loi organique déposée, qui vise à modifier la Lolf pour nous permettre de prolonger la modalité de financement actuelle. Nous souhaitons vous alerter sur la nécessité de disposer d'une ressource qui réponde à des critères et permette d'en garantir à la fois le niveau, la pérennité et qui soit dissociée du budget général de l'État.

Sur le sujet de la gouvernance, je souhaite simplement rappeler que des rapprochements et des convergences éditoriales, qu'il convient effectivement d'approfondir, sont d'ores et déjà à l'œuvre. Une modalité à laquelle notre présidente a indiqué être favorable semble actuellement faire l'objet de débats. Nous estimons que tout ce qui permet de contribuer à l'émergence de médias globaux ou de faire raisonner et travailler ensemble et converger la télévision, la radio et le numérique va dans le bon sens. Dans un contexte où les usages et les univers de concurrence évoluent, l'audiovisuel public doit également s'adapter.

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Roland Husson, directeur général en charge du pôle ressources de France Médias Monde

Je souhaite également réagir sur le sujet des obligations, en rappelant la situation particulière de France Médias Monde. En tant que groupe centré sur l'information, nous disposons, dans notre cahier des charges, d'un chapitre entier relatif à l'information, ainsi que d'un contrat d'objectifs et de moyens. Nous sommes donc pleinement favorables aux obligations, qui contribuent à fixer un cadre clair.

Sur le sujet des coûts, nous sommes particulièrement concernés par le coût de l'information à l'international, du fait notamment de notre réseau de plus de 250 correspondants à travers le monde. Notre activité n'implique aucune rentabilité économique et nos principaux concurrents, à l'exemple de la BBC ou d'Al Jazeera, bénéficient d'importants soutiens financiers de diverses natures. Le marché ne pouvant seul pourvoir à ce type de services et de médias, il est donc essentiel de disposer d'un financement public avec une recette affectée. Il est à cet égard pertinent de rappeler la façon dont la France a défendu, au sein de l'Union européenne, le financement public de l'audiovisuel à la fin des années 1990, lorsque des acteurs privés tentaient de remettre en cause son modèle. Aujourd'hui, l'article 5 du Media freedom act, qui vient d'être adopté, rappelle l'importance, pour des médias de service public et pour la liberté d'information, de disposer d'un financement pérenne et prévisible. La recette affectée me semble donc être un élément essentiel pour l'ensemble des acteurs français. Ayant vécu, au cours de ma carrière, dans quatre pays différents d'Europe et d'Asie, je peux affirmer que disposer d'un service public de l'audiovisuel qui bénéficie d'un solide financement affecté représente une réelle différence pour la qualité de l'information dont bénéficient les citoyens et pour l'ensemble du paysage médiatique d'un pays.

Sur la question du rapprochement, si nous avons eu des échanges à différents niveaux, y compris avec la ministre de la culture, nous ne disposons d'aucune indication sur les modalités et le périmètre de la réforme et ne souhaitons donc pas nous prononcer. Je rappelle simplement que FMM a justement été créé à travers une fusion entre télévision et radio, qui nous a permis d'observer les différences et les spécificités qui existent entre ces métiers. J'ajoute que, si nous travaillons au quotidien avec nos collègues de l'audiovisuel public sur les outils techniques ou les achats, les rapprochements qui concernent les publics peuvent en revanche s'avérer complexes, en raison notamment de nos médias en vingt-et-une langues. Il conviendra ainsi, pour nous, quelles que soient les modalités mises en œuvre, de prendre en considération la spécificité de nos médias et des financements qui doivent y être alloués. Je rappelle que nous représentons seulement 7 % du budget de l'audiovisuel public et que face à nous se trouvent des concurrents fortement dotés.

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Boris Razon, directeur éditorial d'Arte France

Je reviens tout d'abord sur la notion d'esprit de résistance. Nous l'entendons à la manière d'Edgar Morin, dont le texte publié dans Le Monde en janvier dernier nous semble définir avec justesse le rapport au monde d'Arte.

Quant à l'intelligence artificielle, elle me semble représenter à la fois une menace, du fait des risques qu'elle fait peser sur le paysage informationnel, mais également une opportunité, en ce que nous vivons actuellement la deuxième vague de la révolution numérique amorcée il y a plus de vingt ans. L'une des questions posées est celle de la vitesse à laquelle nous sommes capables de nous adapter, voire d'anticiper ce qui va se produire. Dans ce cas, faire preuve de résistance induit le risque de se faire dépasser et d'aboutir, dans quelques années, à un paysage informationnel balayé. J'identifie, pour un groupe tel qu'Arte, plusieurs sources d'opportunités. La première est celle du multilingue, de la traduction et de la présence au sein de tous les territoires européens. Il s'agit ensuite de l'organisation des données, dont nous sommes tous d'importants producteurs sans pour autant qu'elles soient correctement gérées. L'intelligence artificielle peut ainsi permettre une rationalisation de nos données, qui permet la « découvrabilité ». Les opportunités qui existent en termes de production de l'information restent, quant à elles, à explorer, et c'est la raison pour laquelle notre positionnement est à la fois vigilant et actif.

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Jean-Philippe Baille, directeur de l'information de Radio France

Je précise tout d'abord que l'IA permet aujourd'hui de détecter des contenus produits par l'IA. L'IA, qui peut effectivement représenter une menace, doit avant tout être perçue comme une opportunité. Nous pouvons notamment, grâce à elle, travailler sur le data journalism et sur de nombreux champs qui nous permettent d'avancer plus rapidement dans nos enquêtes, grâce aux ressources et aux sources supplémentaires. Si nous devons donc nous méfier des possibles dérives, nous devons également en profiter.

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Charles-Emmanuel Bon, secrétaire général de Radio France

La question du coût de l'information me semble être en lien avec celle du financement affecté car, au-delà de l'indépendance de la ressource, sa prévisibilité est également essentielle, notamment pour les médias radio, dont les coûts sont fixes. Une trajectoire pluriannuelle permet également d'investir sur des sujets importants, tels que l'intelligence artificielle.

Sur la question du contenu de l'information, je rappelle la décision récente du Conseil d'État sur le pluralisme, qui a suscité de nombreuses réactions. Elle affirmait également que la chaîne en question était bien une chaîne d'information et qu'elle remplissait correctement les obligations associées. Cela pose la question des spécificités du service public, qui respecte un cahier des missions et des charges et qui rend compte, devant votre commission, de l'exécution de son contrat d'objectifs et de moyens. Si de nombreux éléments sont quantitatifs, d'autres permettent l'appréciation fine de la qualité de ce que produisent nos chaînes. Un renforcement de la façon dont nous expliquons ce qu'est l'information pourrait effectivement être utile, car une émission de débat en plateau diffère, par exemple, du reportage d'un envoyé spécial en Ukraine.

Sur la question de la gouvernance, j'estime que nos salariés s'intéressent avant tout à la question des objectifs et aux projets éditoriaux qui seront permis. Nous travaillons ainsi, dans le domaine de l'information, avec France Télévisions et France Médias Monde, avec qui nous partageons le projet France Info. La dimension éditoriale doit être mise au centre des discussions, à la fois pour l'information et pour la proximité, et c'est en ce sens que deux directeurs de projet ont récemment été nommés. Ils seront chargés d'éclairer nos collaborateurs sur le sens du projet, car on ne peut embarquer les équipes dans ce type de réforme qu'en la leur expliquant.

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Muriel Pleynet, directrice adjointe de l'information de France Télévisions

Sur le sujet de l'intelligence artificielle, vous souhaitez, madame la députée, des précisions sur les mesures de protection que nous mettons en place. Cela passe tout d'abord par la formation de nos journalistes qui sont tous, chez France Télévisions, initiés à l'intelligence artificielle. Nous mettrons également prochainement en place une charte de l'anonymat, visant à protéger nos sources. Nous devons en effet, après avoir recueilli certains témoignages sensibles, être en mesure de protéger les personnes interrogées, dans un contexte où l'IA permet de reconnaître une voix ou de déflouter une image. Cela suppose également de former nos équipes de rédacteurs, de journalistes et de reporters et de mener une réflexion sur la manière dont nous recueillons ces témoignages et dont nous les exploitons dans nos tournages. Mais l'IA présente également de nombreux avantages, comme celui de nous permettre de développer des enquêtes comme nous l'avons fait dans le journal de vingt heures avec nos enquêtes vidéo.

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Je souhaite connaître votre regard sur une information diffusée ce matin sur Radio France, à propos de la rémunération des utilisateurs de TikTok. Que vous inspire cette information, en lien avec le sujet de la mise en concurrence avec vos productions ?

Vous avez également évoqué, à de nombreuses reprises, la stratégie de diversification, qui consiste à aller sur les réseaux sociaux et à multiplier les formats. Quelles retombées observez-vous, notamment sur l'évolution des parts d'audience ? Parvenez-vous effectivement à élargir l'audience aux jeunes générations ?

Je souhaite, enfin, évoquer le rapport de la mission parlementaire d'évaluation de la loi dite Bloche et les recommandations que nous avions formulées concernant le métier de journaliste. Faut-il, à votre sens, repréciser la définition de ce métier et, le cas échéant, de quelle façon ? Nous suggérions par exemple que la qualité d'un intervenant, qu'il s'agisse d'un journaliste, d'un expert ou d'un chroniqueur, soit clairement identifiée au cours des émissions. Nous recommandions également de redéfinir la façon dont s'obtient une carte de presse.

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Jean-Philippe Baille, directeur de l'information de Radio France

J'estime également que la qualité du locuteur doit être clairement indiquée. On ne pourra répondre à l'inquiétant mélange des genres que nous observons qu'à travers une clarification, qui permettrait également de faire acte de transparence. Fournir des précisions sur la qualité et le journal d'appartenance d'un journaliste permet également de donner des indications sur la ligne éditoriale dont il est susceptible de se rapprocher. Ainsi que je l'indiquais au début de mon propos, nos concitoyens sont perdus dans un flot informationnel au sein duquel la qualité du locuteur ne peut plus être clairement perçue. Il convient, de la même façon, de rappeler les fonctions ou l'appartenance des personnalités politiques qui interviennent sur les plateaux ou encore les relations d'un communicant, afin de répondre à la demande de transparence formulée par le public.

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Cécile Mégie, directrice des stratégies et coopérations éditoriales transverses à France Médias Monde

TikTok a en effet décidé, conformément à sa logique commerciale, à laquelle nous ne participons pas, de rémunérer ses utilisateurs au nombre de vues et en fonction du temps passé sur le réseau. Il en va de même lorsque Facebook décide que les contenus d'informations ne seront plus poussés par les algorithmes : nous sommes les victimes des décisions que prennent les plateformes.

Les réseaux sociaux sont un univers au sein duquel le public est jeune et il est essentiel que les médias publics y soient également présents. Se détourner de ces plateformes, ce serait estimer que nous ne toucherons jamais ces jeunes. Or nous pensons au contraire qu'il est aujourd'hui essentiel d'être présents dans ces environnements-là, avec ce que cela implique en termes de formation de nos équipes, de dépenses afférentes, d'utilisation de nouvelles techniques et d'apprentissage d'une nouvelle grammaire. Nous devons coûte que coûte toucher cette audience et nous disposons aujourd'hui de la preuve de l'efficience de cette stratégie dans certaines de nos langues. Je peux citer, à titre d'exemple, le Cambodge, où notre stratégie de diffusion de contenus de radio filmée sur Facebook s'est révélée particulièrement efficace. Je peux également citer les potentialités qu'offre aujourd'hui WhatsApp pour la création de chaînes qui reprennent pour partie nos médias, nos contenus ou qui permettent d'en dévoiler les coulisses. Ce choix a été fait à l'automne dernier avec l'émission « Appels sur l'actualité », emblématique de RFI, ou encore avec les contenus généraux de France 24 et RFI. Aujourd'hui, ces trois chaînes recensent plus de 7 millions d'abonnés cumulés, prouvant ainsi que le public peut être atteint à travers ces vecteurs porteurs. La diversification et les réseaux sociaux demandent toutefois de faire preuve d'agilité et de savoir mettre en place des stratégies d'adaptation au changement.

Sur le sujet du métier de journaliste, je rejoins les propos précédents relatifs à la transparence dont nous devons faire preuve concernant les personnes qui s'expriment sur nos antennes. Il est du devoir des présentateurs et des animateurs de communiquer des informations sur les personnes qui prennent la parole.

Il nous semble en outre légitime que le sujet de l'attribution de la carte de presse fasse l'objet d'une réflexion. Nous en avons récemment fait part dans notre contribution aux États généraux de l'information, mais nous n'avons pas encore été auditionnés dans ce cadre. Il nous semble légitime que les journalistes, dont l'essentiel des revenus provient d'une activité de médias, qui répond à des standards déontologiques et professionnels, puissent bénéficier de cette carte.

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Charles-Emmanuel Bon, secrétaire général de Radio France

Sur le sujet de la diversification, je souhaite préciser que, s'il est certes intéressant d'aller toucher les publics là où ils se trouvent, cette stratégie permet également des rebonds vers nos médias. Nous pouvons prendre l'exemple de la chaîne France Culture, dont les programmes ne sont pas aisément accessibles aux publics les plus jeunes. Si les campagnes ciblées restent vaines, la mise en place d'une stratégie numérique à travers des podcasts ou l'exposition de contenus plus courts sur TikTok permet en revanche d'amener les utilisateurs à rebondir vers une consommation plus classique et plus traditionnelle. L'audience de France Culture atteint ainsi aujourd'hui un niveau historiquement élevé, en partie grâce au succès de sa stratégie numérique, qui repose à la fois sur la délinéarisation et sur la capacité à offrir une grande diversité de contenus et de formats, mais également sur le fait d'aller chercher de nouveaux auditeurs sur ces réseaux. La diversification représente donc également une stratégie de recrutement d'auditeurs fidèles qui consomment nos médias.

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Boris Razon, directeur éditorial d'Arte France

Pour les producteurs d'informations, être au contact des jeunes publics est un enjeu majeur. Tout comme France Culture, Arte a démultiplié son audience grâce à sa présence sur YouTube ou TikTok. La question de l'attribution à la marque me paraît essentielle, en ce qu'elle permet non seulement la « découvrabilité », mais également l'habituation du public à des contenus et à une forme qui sont la marque de fabrique de nos médias.

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Jean-Philippe Baille, directeur de l'information de Radio France

Sur le sujet de l'attribution de la carte de presse, j'attire votre attention sur la nécessité de ne pas restreindre l'arrivée de futurs journalistes dans la profession. Nous avons besoin de diversité, de personnes qui n'ont pas fréquenté les écoles, qui possèdent une autre vision de la société et qui peuvent apporter une réelle contribution. La réforme des conditions doit donc, à mon sens, être effectuée avec prudence.

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Je ne faisais pas nécessairement référence à la labellisation par une école de journalisme, mais plutôt au fait, au regard des nouveaux médias qui émergent, de sécuriser les obligations liées à l'attribution d'une carte de presse. Les critères actuels empêchant certains producteurs de contenus d'obtenir cette carte, ces derniers ne sont soumis ni à ces obligations ni à la charte de déontologie. Il ne s'agit donc pas de restreindre, mais plutôt de permettre à ces producteurs de rentrer dans le cadre et d'être soumis aux obligations qui accompagnent le statut de journaliste.

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Muriel Pleynet, directrice adjointe de l'information de France Télévisions

L'obtention de la carte de presse professionnelle est un parcours. Elle s'obtient au bout de deux ans d'exercice pour un journaliste, d'un an pour un journaliste reporter d'images et il ne suffit donc pas de publier du contenu sur un support ou de se prévaloir du titre de journaliste pour l'être effectivement.

Je souhaite revenir sur les offres jeunesse concernant France Télévisions, dont les jeunes publics apparaissent demandeurs. Notre journal télévisé jeune, « C quoi l'info ? », a été lancé en septembre dernier sur les réseaux, en allant chercher ce public là où il se trouve. Il compte aujourd'hui 50 000 abonnés sur la chaîne YouTube, soit 1,8 million de vues la semaine dernière et 17 millions depuis son lancement. Ces jeunes sont donc non seulement intéressés par l'actualité, mais également exigeants. Nous leur proposions, au départ, un JT jeune avec trois ou quatre informations traitées quotidiennement, avant que des études de qualité ne nous apprennent leur souhait que certains sujets soient davantage approfondis. Aussi, plutôt que de zapper d'un sujet à un autre, nous leur proposons aujourd'hui un format de six minutes sur des sujets tels que les élections à Taïwan, avec succès. Le public jeune a donc envie d'approfondissements, de décryptages, pour aller au-delà des informations issues des réseaux.

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Mesdames et messieurs je vous remercie, en mon nom et au nom de l'ensemble de mes collègues, d'avoir participé à cette table ronde dans le cadre des États généraux de l'information. Vous nous avez donné matière à poursuivre nos réflexions, pour faire en sorte que notre contribution soit riche et plurielle.

La séance est levée à douze heures quarante.

Présences en réunion

Présents. – Mme Céline Calvez, M. Inaki Echaniz, Mme Sophie Mette, Mme Isabelle Rauch

Excusés. – Mme Béatrice Bellamy, Mme Soumya Bourouaha, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, M. Raphaël Gérard, M. Frantz Gumbs, M. Frédéric Maillot, M. Maxime Minot, Mme Claudia Rouaux, M. Boris Vallaud, M. Christopher Weissberg