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Intervention de Jean-Philippe Baille

Réunion du jeudi 11 avril 2024 à 11h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-Philippe Baille, directeur de l'information de Radio France :

Nous sommes effectivement en plein dérèglement médiatique, et l'information, ainsi que vous l'avez évoqué, est de plus en plus contestée, en dépit du rôle central qu'elle occupe dans notre démocratie. Les réseaux sociaux occupent désormais une place importante qui fragilise, à mon sens, les médias traditionnels que nous sommes, nos concitoyens étant noyés dans un flot continu d'informations. Notre rôle, en tant que service public, est de donner des repères, de proposer une information de confiance en réponse aux fake news qui nous inondent, à la fatigue informationnelle, mais également aux menaces de déstabilisation que nous subissons.

Radio France se doit, dans ce contexte, d'être l'un des garants de l'information certifiée. Nous avons ainsi créé, il y a sept ans, une agence de vérification interne au sein de France Info, qui irrigue désormais l'ensemble de Radio France, et que nous déployons actuellement au sein de toutes nos chaînes. Elle permet de garantir que l'information diffusée ou publiée ne soit pas contestée, car elle est vérifiée selon des critères restreints, précis, et selon un processus spécifique. L'agence produit 20 000 dépêches par an, qui font référence pour toutes nos antennes. L'information sur Radio France représente un total de 1 200 heures d'antenne par semaine, nos programmes sont écoutés chaque jour par 15 millions d'auditeurs, et nous sommes donc conscients de notre responsabilité face aux défis évoqués.

Notre stratégie s'articule autour de quatre grands axes. Il s'agit tout d'abord du respect du pluralisme, non seulement en suivant scrupuleusement les règles de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), mais également en assurant l'expression de toutes les opinions dans nos différentes tranches d'information. Nous veillons ainsi, dans nos éditions, à nous en tenir rigoureusement aux faits et à bannir tout commentaire. Le déploiement de notre agence au sein des rédactions nous permet d'instaurer des règles, et cette certification de l'information doit être le socle de notre travail.

Il s'agit ensuite de la lutte contre la désinformation, en multipliant, sur tous les supports, les formats de fact checking, à travers nos modules « Vrai ou faux », partagés avec France Télévisions et les acteurs de l'audiovisuel public et déployés sur l'ensemble des réseaux. Nous avons également lancé, à la rentrée, un nouveau format, intitulé « Ça dit quoi ? ». Destiné aux plus jeunes, il est disponible tous les matins sur WhatsApp, Instagram et, depuis peu, sur TikTok, où le compte a recueilli 2 millions d'écoutes au mois de mars dernier. Nous sommes fiers de ce succès qui nous permet de toucher un public nouveau.

Le troisième axe est un plan d'action ambitieux visant à renforcer l'éducation aux médias. France Info a récemment organisé en ligne, en collaboration avec le groupe Bayard, deux conférences qui ont rassemblé près de 85 000 collégiens, afin de les éveiller à l'information et de les aider à démêler le vrai du faux parmi celles qu'ils reçoivent. Des mallettes pédagogiques sont par la suite mises à disposition des enseignants, afin qu'ils puissent poursuivre le travail avec leurs classes. De son côté, France Bleu multiplie les actions sur le terrain, en allant à la rencontre des élèves au sein des collèges pour les sensibiliser aux techniques de l'information et lutter contre les fausses informations.

Le dernier axe est celui de la transparence sur nos pratiques. Nous avons organisé, au mois de novembre dernier, une journée « Portes ouvertes sur l'info », en invitant nos auditeurs à participer à nos conférences de rédaction pour voir de quelle façon les sujets évoqués par les différents chefs de service aboutissaient à l'antenne. Nous avons décidé de renouveler cette initiative une fois par mois, sur France Inter notamment. Nos antennes proposent également, chaque semaine, une émission réalisée à partir des messages reçus par notre médiatrice, pour faire acte de transparence et expliquer de quelle façon nous choisissons de traiter une information ou une actualité spécifique. Nous allons également, au cours des prochaines semaines, parcourir la France pour échanger avec le public, recréer du lien, et entendre aussi bien les remarques que les reproches de nos auditeurs. Le premier rendez-vous est fixé à Rennes le 16 mai prochain et, à cette occasion, nous avons lancé, avec nos partenaires de Ouest-France, une grande consultation sur le rapport entre les Français et l'information, à laquelle 4 000 personnes ont répondu. Je serai présent et répondrai à toutes les questions, sans tabou.

Radio France se devant également de proposer un traitement exhaustif de l'information, nous sommes probablement les antennes généralistes qui consacrent aujourd'hui le plus de sujets à l'information internationale. Nous nous sommes rendus en Inde, au Rwanda, en Iran, au Brésil, en Thaïlande, en Argentine et, depuis deux ans, nous assurons une couverture exhaustive du conflit en Ukraine grâce à deux reporters basés en permanence à Kiev. Nous avons fait de même en Israël, mais également au Liban et dans toute la région du Proche-Orient, avec une couverture complète de la situation depuis le 7 octobre dernier. L'information, et principalement celle de terrain, que nous privilégions, a un coût. Pour voir, pour constater, pour décrire et pour analyser, nous devons disposer des moyens nécessaires pour nos reportages, afin de ne pas tomber dans les préjugés et les commentaires trop évidents. Pour reprendre l'exemple de notre couverture de la guerre en Ukraine, nous avons dépensé plus d'1 million d'euros pour assurer cette permanence sur le terrain.

Par ailleurs, afin d'assurer une présence sur tous les réseaux sociaux et de produire des podcasts de qualité, nous faisons en sorte, au quotidien, de développer l'audio et d'avoir une visibilité sur l'ensemble des supports. Cela implique que les contenus produits par un travail journalistique selon les règles de notre profession soient mis en avant par les algorithmes, afin que nous puissions gagner cette guerre de la confiance. Radio France s'engage, comme l'ont fait précédemment ses partenaires de l'audiovisuel public, dans le processus de certification du Journalism Trust Initiative (JTI). Je suis convaincu que ce label pourra, demain, devenir le référentiel sur lequel les acteurs du numérique s'appuieront afin de mieux référencer les informations qu'ils distribuent. Nos concitoyens sont perdus et le service public doit être ce repère dont ils ont besoin, en regagnant leur confiance. Il est donc nécessaire que tous ces contenus soient différenciés et identifiés comme étant dignes de confiance sur toutes les plateformes. La JTI est à mon sens le meilleur moyen d'y parvenir.

Je terminerai en indiquant que nos missions de service public sont à la fois plus nombreuses et plus diverses et qu'elles impliquent une responsabilité supplémentaire en ces temps de bouleversement de l'information. Nous devons, afin d‘assumer l'ensemble de ces missions, disposer d'un financement stable et pérenne, qui nous permettra d'avoir à la fois un cap précis et une vision globale des défis à relever.

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