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Intervention de Roland Husson

Réunion du jeudi 11 avril 2024 à 11h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Roland Husson, directeur général en charge du pôle ressources de France Médias Monde :

Vous avez, madame la présidente, évoqué la question de l'adaptation au numérique, qui soulève de nombreux enjeux de régulation et fait l'objet d'interventions du législateur. France Médias Monde observe la révolution du numérique non seulement en France, mais surtout à travers le monde entier, puisque nous touchons près de 260 millions de personnes chaque semaine dans le monde, dont environ 90 millions à travers nos outils numériques. Les environnements propres que nous développons, sites et applications, ne peuvent pas faire l'objet d'une promotion marketing dans tous les pays et nous mettons donc en place une stratégie de distribution raisonnée, à travers laquelle nous sommes présents sur l'ensemble des carrefours, y compris les plateformes.

Nous constatons que ces plateformes possèdent leurs propres politiques, agissant parfois aux dépens des médias d'information ou au service de la désinformation. Les plateformes majeures, à l'image de celles du groupe Meta, peuvent en effet prendre des décisions qui vont reléguer les informations à un rang inférieur voire, à l'exemple de la situation actuelle en Australie, supprimer purement la diffusion de l'information. L'impact sur l'accès du public à l'information peut donc être radical. L'Union européenne et la France s'illustrent, à cet égard, par leurs avancées majeures dans la réflexion en matière de régulation et de prise en compte de ces évolutions. Les débats menés dans le cadre des États généraux de l'information doivent, à mon sens, s'emparer de ce sujet. La France a toujours été en première ligne sur ces questions et il convient de souligner les avancées permises par la transposition de la directive européenne sur les services de médias audiovisuels qui va permettre, sur les outils connectés, une visibilité des services d'intérêt général dont nous faisons partie en tant que service public de l'audiovisuel. Ce type de visibilité appropriée nous semble devoir être développée sur le plus grand nombre de plateformes et de supports possibles et le recours à des labellisations telles que le JTI s'inscrit également dans cet objectif.

À ce premier enjeu de régulation, voire de législation, autour de la visibilité sur les plateformes numériques, s'ajoute la question de la répartition de la valeur. Là encore, la France et l'Union européenne ont été à l'avant-garde avec le droit voisin de la presse et il est désormais nécessaire de poursuivre cette réflexion à l'égard des plateformes, afin que le partage de la valeur puisse permettre aux médias de continuer à financer de l'information. Aux États-Unis, se développent notamment des moteurs de recherche qui intègrent des mécanismes d'intelligence artificielle qui permettent, lorsqu'un utilisateur pose une question, de faire apparaître immédiatement une réponse sans qu'il n'ait plus à se tourner vers un média d'information. Ces enjeux nous semblent rendre nécessaire une intervention des régulateurs, voire des législateurs. L'intelligence artificielle nous amène également à repenser nos façons de travailler. Nous utilisons déjà des outils pour transposer des productions dans nos différentes langues ou pour adapter les formats de nos vidéos à la diffusion sur les réseaux sociaux, tout en veillant à mettre en place des cadres de contrôle éditorial par des journalistes et à respecter les règles de bonnes pratiques en la matière.

Je conclurai en rappelant qu'une information indépendante repose sur la confiance. Cela implique, pour l'audiovisuel public, de disposer d'une recette affectée. Vous avez récemment, madame la présidente, pris position sur le sujet. S'il s'agit, pour FMM comme pour l'ensemble de nos collègues, d'un sujet essentiel, il est, pour nous, existentiel. Nous sommes en effet, dans le reste du monde, exposés à des concurrents, voire à des adversaires, à l'image de la Russie qui, sur certains territoires, tente par tous les moyens de discréditer notre action. Aussi, si la France ne disposait plus du financement, par une recette affectée, de son audiovisuel public, nos détracteurs l'exploiteraient. Je rappelle, sur ce sujet, l'expérience difficile que nous avons vécue à Berlin, lorsque la suppression de la contribution à l'audiovisuel public a entraîné la question de la budgétisation de notre financement, le régulateur berlinois ayant considéré que notre « distance à l'État » était insuffisante et envisagé de nous retirer notre fréquence. Cette question, véritablement existentielle, doit donc être réglée pour nous d'ici à la fin de cette année.

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