Dans le cadre de l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2023, la commission des affaires économiques a poursuivi l'examen pour avis, sur le rapport de M. Philippe Bolo, de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », pour ce qui concerne l'énergie.
Nous poursuivons l'examen pour avis des crédits relatifs à l'énergie au sein de la mission Écologie, développement et mobilité durables. La parole est aux orateurs des groupes.
Vos travaux, Monsieur le rapporteur pour avis, portent sur des programmes qui concentrent des crédits durablement consacrés à la politique énergétique. La crise des prix de l'énergie a profondément modifié la structure de la mission budgétaire Écologie, développement et mobilité durables.
Concernant les dépenses, la compensation des pertes subies par les fournisseurs qui proposent des tarifs réglementés, ou indexés sur les tarifs réglementés, représente une dépense nette de 3 milliards d'euros pour le gaz et de 6 milliards pour l'électricité, soit 9 milliards en tout. Le Gouvernement va instituer un nouveau chèque énergie exceptionnel pour aider les ménages les plus modestes, comme il l'avait fait à la fin de l'année 2021. Ce chèque ne sera pas comptabilisé dans le présent projet de loi de finances (PLF) mais dans un projet de loi de finances rectificative (PLFR).
Le chèque énergie exceptionnel qui sera adressé cet hiver aux 40 % de foyers les plus modestes, soit 12 millions de Français, devrait représenter une dépense de l'ordre de 1,8 milliard d'euros. Le ministère envisage également d'introduire un chèque énergie bois dans la prochaine loi de finances rectificative.
La crise de l'énergie a modifié les perspectives de recettes. La hausse des prix de l'électricité a allégé, contre toute attente, les charges de service public qui incombent à l'État au titre du soutien aux énergies renouvelables. Les prix de gros ont, en moyenne, dépassé le tarif garanti par l'État dans les contrats de soutien aux énergies renouvelables électriques. Ainsi, ce qui constituait, les années précédentes, une charge pour le budget de l'État devient pour la première fois une ressource pour les finances publiques. Les producteurs d'énergies renouvelables doivent en effet rembourser la différence entre le tarif garanti et le prix de gros. Pour 2023, les recettes attendues au titre de ce mécanisme sont estimées à 17 milliards d'euros.
Les contrats à prix fixe sont en général conclus pour une durée de quinze à vingt ans mais rien n'empêche les producteurs qui y souscrivent de les résilier. Les prix de l'électricité s'envolent mais les producteurs d'énergies renouvelables sont toujours rémunérés à un tarif fixe, en dessous des prix de marché actuels, et ils voient s'envoler une manne inespérée, ce qui a conduit de nombreux énergéticiens à résilier leur contrat avec l'État. Comment éviter des résiliations massives de contrat ? Les contrats à prix fixe ont-ils un avenir ?
Il faut aussi rappeler ce qui se passait auparavant. Il y a quelques années, les prix de marché étaient inférieurs aux coûts pour les producteurs d'énergies renouvelables issues de l'éolien, du photovoltaïque ou de la méthanisation. Nous ne pouvons prédire l'avenir, concernant les prix de l'énergie, mais il faudra trouver un équilibre car c'est à cette seule condition que les contrats ne seront pas résiliés.
Quand on est face à un dilemme cornélien, le parti pris idéologique cherche toujours à l'emporter. L'impératif de transition écologique, sous-tendu par l'obsession du toutes énergies renouvelables qui vous caractérise, est devenu votre seul horizon. Vos œillères ne peuvent pourtant pas occulter les conséquences catastrophiques de votre politique. Devons-nous survivre aujourd'hui ou demain ? Le pragmatique répond aujourd'hui, l'idéologue demain, peut-être. Aurez-vous le courage de remettre en question votre politique au regard de ses conséquences désastreuses ? Nous sommes las des stratégies d'évitement, des néologismes fumeux, de la complication permanente d'une situation pourtant simple. Le pragmatisme s'impose au législateur au vu de la souffrance humaine et de la destruction de notre tissu agro-industriel causées par vos idéaux.
Le coût de l'énergie électrique atteint 1 000 euros par kilowattheure, ce qui constitue une hausse insupportable de 350 % pour les exploitants agricoles. Les conséquences sont graves pour toutes les filières énergivores, notamment celle des endiviers qui représente 4 000 emplois dans ma région et pourrait disparaître d'ici à la fin de l'année. Ce coût délirant de l'électricité est le résultat d'une politique malsaine où l'idéologie l'emporte sur le réalisme. On connaît la recette de cette cuisine indigeste : la fermeture des centrales nucléaires et le greenwashing, qui jettent notre souveraineté énergétique et notre souveraineté agricole au fond de l'ornière.
Vous agitez aux yeux du public l'utopie de la réindustrialisation pour acter la destruction des filières existantes. Quand on pense aux endiviers, cela fait sourire. Il est temps de faire machine arrière, d'interrompre la fermeture des centrales, de sortir du marché européen de l'électricité, de mettre un terme au tout-renouvelable dont l'intermittence et le coût nous renvoient vers le fossile. Aujourd'hui, les exploitants préfèrent alimenter un groupe électrogène plutôt que de consommer une énergie trop chère. C'est un contresens symptomatique du primat de l'idéologie sur la réalité. Nous n'admettons pas les arguments du Gouvernement pour poursuivre sa politique de l'autruche. Ni la crise ukrainienne ni la solidarité européenne ne sauraient justifier la mise à mort de notre souveraineté énergétique et agricole. Rien ne justifie jamais le sacrifice de la souveraineté.
Votre question est à cheval sur les avis budgétaires portant sur l'agriculture et sur l'énergie. Je me concentrerai sur ce dernier volet.
Les énergies renouvelables sont un atout et une chance pour notre agriculture puisqu'elles permettent aux territoires ruraux de participer à la production d'énergie et d'entretenir un nouveau lien avec les espaces urbains en leur fournissant de l'électricité ou du gaz. C'est aussi l'occasion pour les exploitants agricoles de compléter leurs revenus, par exemple par la méthanisation des déchets organiques. Les territoires ruraux doivent donc rester favorables au développement des énergies renouvelables.
Votre réponse me scandalise d'autant plus que, dans ma circonscription, des agriculteurs se voient refuser l'autorisation d'installer des panneaux photovoltaïques, pour d'obscures raisons ! Et quand ils le peuvent, le système ne fonctionne pas !
Admettez tout de même que nombre d'agriculteurs sont heureux de participer à la production d'énergies renouvelables.
Parce que la situation énergétique marque une rupture avec les années précédentes, nous serions en droit d'attendre un budget de rupture qui nous permette de rattraper le retard que nous avons accumulé par notre manque de sobriété, notre inaction, la faiblesse des investissements, l'absence de planification de la part des gouvernements et le développement insuffisant des énergies renouvelables, sans parler de l'abandon au marché de la politique énergétique. Même un esprit aussi libéral que le président du Medef, M. Geoffroy Roux de Bézieux, a estimé, dans un entretien accordé aux Échos et paru ce matin, que nous étions en guerre mais que le marché ne fonctionnait pas en économie de guerre. Il a ajouté que la Commission européenne devrait prendre acte de cette réalité et suspendre les mécanismes de marché, avant de regretter, pour finir, une forme de dogmatisme dans certains pays.
Ce budget illustre précisément le dogmatisme que dénonce le président du Medef lui-même. À défaut de remettre en cause le marché, vous êtes contraints de le perfuser en accordant des subventions pour atteindre les objectifs que vous vous êtes fixés sans pour autant vous en donner les moyens. Vous en arrivez à supprimer la ligne de crédit de soutien aux énergies renouvelables et à en renforcer une autre pour aider les consommateurs. Encore ce soutien n'est-il qu'indirect, par l'entremise des fournisseurs, qui doivent répercuter à leurs clients les effets de votre politique. Vous espérez ainsi que, les consommateurs pouvant régler leurs factures d'énergie, le financement des énergies renouvelables sera assuré. C'est kafkaïen. On pompe d'un côté pour redonner de l'autre sans jamais se demander pourquoi !
Vous feriez mieux de sortir du marché européen, de retourner aux tarifs réglementés de vente pour tout le monde et de bloquer les prix, au lieu de matraquer une hausse de 15 % sur le gaz et l'électricité. Vous aurez compris que nous portons un avis très défavorable sur la politique énergétique du Gouvernement.
Je vous invite à étudier de plus près les tableaux qui présentent les programmes 174 et 345 dans mon rapport. Libre à vous, bien sûr, de ne pas approuver les actions menées, mais vous ne pouvez pas considérer que les montants sont négligeables. Le programme 345 représente ainsi 12 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, à côté des moyens accordés aux dispositifs du chèque énergie et de MaPrimRénov'. Par ailleurs, les crédits accordés au programme 174 sont en hausse continue. Les autorisations d'engagement sont passées de 500 millions d'euros en 2017 à 5 milliards aujourd'hui.
S'agissant des énergies renouvelables, même si nous n'avons peut-être pas atteint le niveau que vous espériez, il en existe en France… Compte tenu de l'augmentation des prix de marché de l'énergie, les dotations ne sont plus dues, ce qui explique le chiffre de zéro. Quant au marché européen, je suis d'accord avec vous, il participe aux difficultés que nous rencontrons aujourd'hui.
Ce budget a le mérite de prévoir la prolongation du bouclier tarifaire – l'augmentation des prix sera contenue. En revanche, nous sommes inquiets pour nos concitoyens qui se chauffent au fioul. En 2022, nous avons voté en loi de finances rectificative une enveloppe de 230 millions d'euros pour envoyer aux ménages qui en ont besoin un chèque énergie. Hélas, cette aide n'est pas reconduite en 2023 alors que la moitié des 3 millions de foyers se chauffant au fioul y avait droit et que les prix resteront élevés. Comment pourront-ils se chauffer ?
D'autre part, le biofioul, à base de végétaux, est autant taxé que le fioul fossile. Ne conviendrait-il pas de prendre des mesures pour inciter les consommateurs à préférer le biofioul, moins polluant ?
Les utilisateurs de gaz en citerne, qui sont nombreux dans les territoires ruraux, ne sont pas protégés par un bouclier tarifaire. De même, ceux qui font brûler des granulés de bois – autrement appelés « pellets » – subissent un doublement voire un triplement des tarifs. Enfin, le dispositif du bouclier tarifaire reste complexe et très difficile à activer par les petites et moyennes entreprises (PME) ainsi que par les entreprises de taille intermédiaire (ETI).
Quant à la filière du biométhane, vous avez beau en avoir rappelé l'importance stratégique dans votre rapport, elle est en danger car les producteurs qui doivent renégocier leurs contrats subissent une multiplication par sept, huit ou dix du prix de l'électricité. Ils en arrivent à utiliser des groupes électrogènes pour faire tourner les méthaniseurs. C'est une aberration écologique que de carboner ainsi une énergie censée être décarbonée.
La politique énergétique du Gouvernement n'est pas sans inquiéter nombre de nos concitoyens qui ne se sentent pas vraiment protégés par l'État à court terme, en raison des trous dans le bouclier tarifaire, et à long terme, à cause d'une stratégie peu lisible et faite d'atermoiements, notamment pour ce qui concerne le nucléaire. C'est bien regrettable.
Une enveloppe de 230 millions d'euros a été votée pour envoyer un chèque énergie fioul à partir de novembre. Nous verrons si cette mesure suffit mais n'oublions pas qu'un chèque énergie exceptionnel, dépendant du revenu fiscal de référence, sera également versé. Il n'est pas donc exclu que les bénéficiaires du chèque énergie fioul puissent aussi profiter du chèque énergie exceptionnel.
Concernant le chauffage au bois, la création d'un chèque est envisagée dans le cadre d'un projet de loi de finances rectificative, d'ici à la fin de l'année. Quant aux entreprises, la plupart bénéficient de la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), qui est passée depuis le 1er janvier de 26 euros à 1 euro par mégawattheure. S'agissant de la méthanisation, je regarderai ce qu'il en est.
Je salue le travail que Philippe Bolo a consacré aux crédits budgétaires affectés à l'énergie, qui permettront de protéger le pouvoir d'achat des Français et de favoriser la transition écologique. Le Gouvernement a mobilisé 45 milliards d'euros pour plafonner la hausse du prix de l'électricité et du gaz. Sans cette mesure, les factures d'électricité des Français auraient été multipliées par 2,5 et celles du gaz par 3.
D'autre part, ce budget reflète notre volonté d'accélérer le développement des énergies renouvelables. Nous devons saisir cette opportunité écologique et économique. En effet, pour la première fois, les producteurs d'énergie renouvelable, grands gagnants de la hausse des prix, reverseront ou économiseront à l'État plus de 39 milliards d'euros, en vertu des contrats signés. Cet argent permettra de financer les mesures de soutien au pouvoir d'achat.
Le gaz que nous consommons est essentiellement fossile et nous dépendons des importations. Or l'Agence de la transition écologique (Ademe) considère que notre pays pourrait couvrir la totalité de ses besoins en produisant du gaz renouvelable à partir des déchets organiques, aujourd'hui non valorisés. Nous pourrions ainsi décarboner, de manière souveraine, notre consommation d'énergie.
La filière de la méthanisation est actuellement en difficulté en raison de l'évolution des prix. Il conviendrait que le ministère de la transition énergétique mène une politique conjointe avec celui de l'agriculture pour favoriser son développement. Nous devons y associer les agriculteurs pour qu'ils puissent valoriser leurs déchets sans recourir aux cultures dites énergétiques, produites pour alimenter les seuls méthaniseurs. Des mesures fiscales pourraient être prises en faveur du gaz renouvelable. Un découplage entre la fiscalité sur le gaz fossile et la fiscalité sur le gaz renouvelable pourrait-il être utile ?
Votre question me permet de souligner qu'il est plus facile, quand on est confronté à une crise, de gérer une énergie quand on la produit. On voit bien la différence entre l'électricité et le gaz, que nous importons.
Il serait intéressant, en effet, de différencier la fiscalité du gaz vert de celle du gaz fossile, pour avoir un signal prix. Le gaz vert contient, certes, du carbone, mais il est issu d'un cycle court. L'enjeu est aussi territorial puisque les espaces ruraux pourront ainsi approvisionner les espaces urbains en contribuant au développement des énergies renouvelables. Enfin, nous pourrions renforcer notre souveraineté car il vaut mieux acheter du gaz à nos agriculteurs plutôt qu'à des pays qui ne nous veulent pas forcément du bien.
Différentes technologies permettent de produire du gaz vert : la méthanisation, la méthanation ou la pyrogazéification. Il reste à déterminer lesquelles sont les meilleures et comment nous pourrions les combiner.
Comment le dispositif du bouclier tarifaire s'appliquera-t-il à compter du 1er juillet 2023, lorsque nous ne bénéficierons plus des tarifs réglementés de vente du gaz ? Ni Mme Agnès Pannier-Runacher, ni M. Bruno Le Maire ne m'ont répondu.
On peut lire dans le bleu budgétaire, au sujet de l'action 17 du programme 345 : « Toutefois, en insensibilisant les consommateurs aux prix des marchés de gros de l'énergie, une prolongation des boucliers n'incite pas à modérer les consommations alors que les tensions sur l'approvisionnement sont fortes. C'est pourquoi les prévisions sur cette action intègrent l'hypothèse d'un ressaut des niveaux de tarif réglementé de vente tant sur le gaz que sur l'électricité. » Cela signifie-t-il que le Gouvernement a prévu d'augmenter des tarifs réglementés au-delà des 15 % annoncés en cas de baisse insuffisante, à ses yeux, de notre consommation énergétique ?
J'en viens à l'impact de la décision de relever le plafond de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), dont le coût pour EDF aura dépassé 8 milliards d'euros en 2022. Trouvez-vous normal que l'un des principaux bénéficiaires de l'Arenh soit TotalEnergies, dont nous connaissons les superprofits au premier semestre, et que Gazprom puisse éventuellement en bénéficier ? La Commission de régulation de l'énergie (CRE) vous a-t-elle transmis la liste des bénéficiaires et le volume d'électricité qui leur a été attribué ?
Si ni la ministre de la transition énergétique, ni le ministre de l'économie n'ont pu vous répondre, ce n'est pas un simple rapporteur pour avis qui pourra vous éclairer. Attendons peut-être de voir la suite des événements.
N'oublions pas que la TICFE est un droit d'accise, ce qui signifie qu'elle porte sur la quantité de mégawhattheures consommée et non sur le prix. En réduisant la consommation, il est possible de baisser le montant de la taxe. Le dispositif du bouclier tarifaire peut donc garder un caractère incitatif quand il s'agit d'un droit d'accise.
Quant à la liste des bénéficiaires de l'Arenh et aux volumes d'électricité concernés, je n'ai pas pensé à poser la question aux représentants de la CRE que nous avons auditionnés.
Le Gouvernement s'est récemment couché devant les capitaux hollandais. Des navires appartenant à des armateurs hollandais continuent à utiliser dans notre bande côtière la technique de la senne démersale, qui lamine les fonds, vide la mer de ses poissons et tue la pêche artisanale. Nous aurions bien aimé disposer d'un bouclier tarifaire aussi efficace que ce filet-là. Or votre mécanisme, non content d'avoir des trous, est très coûteux : 45 milliards d'euros alors que les pauvres n'en profiteront pas vraiment. Remarquons au passage que la ministre ne parle plus de « pauvres » mais de « gens à sobriété subie ». Voyez quel vocabulaire emploient les libéraux pour qualifier les pauvres lorsqu'ils sont frappés par l'uppercut de l'inflation ! Les pauvres continueront à payer plein pot leurs factures : 20 euros de plus par mois pour le gaz, et 25 euros de plus par mois pour l'électricité.
Parallèlement, le relèvement du plafond de l'Arenh coûtera 8 milliards à EDF. Tant qu'on ne remettra pas en cause la logique libérale qui s'empare de l'énergie comme d'une marchandise alors qu'elle est un bien de première nécessité, les comptes d'EDF continueront d'être siphonnés, avec le renoncement à notre souveraineté et à notre capacité à prendre soin des gens que cela implique. Vous vous contentez de leur donner des « chèquounets », qui coûtent cher mais ne changeront rien au drame que vivent nos concitoyens.
Je me rendrai en séance dans un instant pour voir à quelle sauce sont mangés les collectivités locales et les bailleurs mais je ne me fais pas d'illusions. Il suffit de voir les doses homéopathiques que vous prévoyez pour le Fonds de solidarité pour le logement : ce n'est pas à la hauteur des défis auxquels les bailleurs devront faire face pour amortir le choc.
Si je vous comprends bien, vous auriez préféré que l'on concentre davantage les aides sur ceux qui en ont le plus besoin au lieu de disperser les crédits. Nous avons prévu diverses solutions, afin de venir en aide à un nombre plus important de personnes. La couverture n'est peut-être pas maximale pour les foyers les plus modestes mais elle en concernera davantage. Surtout, l'enveloppe allouée au dispositif du bouclier fiscal représente, si l'on se réfère aux chiffres de 2020, l'équivalent du budget de la défense et dépasse même le montant du remboursement des intérêts de la dette. Les tarifs réglementés de vente (TRV), l'Arenh, la réduction de l'accise sur l'électricité, les chèques énergie et MaPrimRénov' sont autant de mesures de soutien destinées au plus grand nombre et pour lesquelles nous avons mobilisé beaucoup d'argent.
Nous traversons une crise sans précédent depuis le choc pétrolier de 1973. La violente hausse des prix de l'énergie qui en découle ainsi que les risques de pénurie de gaz pèsent sur le pouvoir d'achat et affectent lourdement l'économie. Dans ce contexte, il était nécessaire de prendre des mesures pour protéger les consommateurs français et la compétitivité de nos entreprises. Le bouclier tarifaire joue ce rôle important. S'il a réussi à contenir l'inflation à 5,4 %, contre 10 % dans le reste de l'Union européenne, il demeure perfectible.
S'agissant ainsi de son périmètre, certaines entreprises de moins de dix salariés, très consommatrices d'énergie, ne sont toujours pas éligibles au bouclier tarifaire pour peu que leur consommation dépasse 36 kilovoltampères. Je pense aux boulangers, aux fleuristes, aux bouchers. Ces mêmes entreprises, ces petits artisans, sauvés par le principe du « quoi qu'il en coûte » lors de la crise sanitaire, pourraient à présent être terrassés par la hausse des prix de l'énergie.
M. Bruno Le Maire a annoncé de nouvelles mesures dans la journée : nous veillerons à ce que les nouveaux critères incluent l'ensemble des PME, d'autant plus qu'il y a des marges de manœuvre. Le bouclier tarifaire coûtera, certes, 45 milliards d'euros mais seuls 8,9 milliards restent à la charge de l'État. Le reste est financé par les montants reversés par les énergéticiens – une nouvelle preuve de l'utilité des énergies renouvelables dans notre mix énergétique. La même remarque vaut pour les zones non interconnectées dont les dépenses s'alourdissent sous le poids des importations d'énergies fossiles. Il est urgent de diversifier la production d'énergie afin d'atteindre une forme de souveraineté énergétique.
Enfin, nous accueillons favorablement la hausse des crédits alloués à MaPrimRénov' mais ces moyens supplémentaires ne suffisent pas à gommer les défauts du système : un reste à charge trop important pour les plus modestes, un manque d'incitation aux rénovations globales et un manque d'adaptation aux spécificités territoriales – les règles décidées à Paris ne tiennent pas compte, en général, des réalités ultramarines.
Les énergies renouvelables ont permis d'éviter des dépenses, nous donnant ainsi une marge de manœuvre supplémentaire pour le bouclier fiscal.
L'aide aux entreprises grandes consommatrices d'énergie ayant été insuffisamment consommée, elle a été adaptée pour s'adresser à des catégories d'entreprises plus petites. Il reste peut-être des trous dans la raquette, mais les TRV sont accessibles à certaines professions, notamment des boulangers, et la baisse de la TICFE contribue également à alléger la facture de nombreuses entreprises. En outre, une garantie pour impayés sera accordée aux entreprises qui auraient du mal à trouver un contrat d'énergie en raison des réticences des fournisseurs.
L'action 11 du programme 345 consacrera près de 2,5 milliards d'euros au soutien aux zones non interconnectées à la métropole afin de tenir compte de la spécificité des réseaux des outre-mer et de leur mix énergétique tout à fait particulier, les électrons coûtant parfois plus cher à produire là-bas.
Article 27 et état B : Crédits du budget général
Amendements II-CE53, II-CE55 et II-CE54 de Mme Marie-Noëlle Battistel (discussion commune).
L'amendement II-CE53 vise à majorer de 1,8 milliard d'euros les crédits dévolus au chèque énergie en vue de financer une augmentation du niveau de ce chèque et une indexation de sa valeur faciale sur les tarifs réglementés de vente. Selon un rapport de l'Observatoire national de la précarité énergétique, publié en 2018, le montant nécessaire pour réduire l'écart des factures énergétiques des ménages précaires par rapport à la moyenne était de 710 euros par an : nous sommes encore loin du compte.
L'amendement II-CE55 tend à majorer de 15 % les crédits budgétaires prévus pour le chèque énergie afin de tenir compte de l'impact de l'actualisation des tarifs réglementés de vente au début de l'année 2023.
L'amendement II-CE54 permettra d'actualiser les seuils d'éligibilité au chèque énergie, qui dépendent du revenu fiscal de référence, en tenant compte de l'inflation prévisionnelle pour 2023, soit 4,2 %, comme nous l'avons fait pour les seuils du barème de l'impôt sur le revenu.
Je sais que la procédure budgétaire impose de gager les amendements mais, en l'occurrence, vos propositions conduiraient à minorer de 47 % les autorisations d'engagement du programme 203 Infrastructures et services de transports.
Vous soulevez, par l'un de vos amendements, la question de la pertinence des critères d'attribution des chèques énergie. À revenu fiscal de référence identique, on peut occuper ou non une passoire thermique. Par ailleurs, nous ne parvenons pas à améliorer le taux de recours au chèque énergie - 12 % à 15 % des chèques ne sont pas utilisés. Plutôt que de réduire le budget prévu en 2023 pour le chèque de base, on pourrait envisager de répartir les crédits qui n'ont pas été utilisés en 2022 entre les 85 % de ménages qui l'utilisent. Nous pourrons continuer à travailler sur ces questions pour faire évoluer le dispositif.
Cela étant, je tiens à souligner que l'effort budgétaire en faveur des chèques énergie supplémentaires est considérable : nous faisons preuve d'une véritable et forte ambition. Je vous demande donc de retirer vos amendements ; sinon j'émettrai un avis défavorable.
Je rappelle que le budget du chèque énergie est en recul de 6,2 %. Je propose trois solutions pour financer ces amendements : soit le Gouvernement lève le gage, soit on prélève l'argent sur le produit de la taxe sur les superprofits, soit on le prend sur les charges de service public non versées cette année, qui sont colossales.
Nous nous interrogeons sur notre soutien à ces amendements. Plutôt que d'adopter des solutions d'appoint, qui ne sont que des rustines financées par la dette, nous devrions nous atteler à résoudre le véritable problème : le découplage du prix de l'électricité de celui du gaz. Puisque nous sommes tous d'accord, quand allons-nous le faire ? C'est la seule question que nous devrions nous poser.
Même si nous votions dans ce sens, une telle décision n'appartient pas à notre commission.
S'agissant du découplage, pour l'instant, le Président de la République s'est couché devant les Allemands.
Il faut rehausser les sommes consacrées au chèque énergie parce que le compte n'y est pas. Nos concitoyens n'arrivent plus à faire face aux dépenses de la vie courante. Et pourtant, je vous assure que, dans les familles populaires, on n'a pas attendu les consignes des bourges pour porter des cols roulés ou pour éteindre la lumière : on a été élevé comme ça. Ces conseils vestimentaires sont des humiliations de classe. Je souscris aux amendements de ma collègue socialiste, même s'il ne s'agit que de pis-aller.
Le chèque énergie exceptionnel pour les deux premiers déciles représentera 200 euros par foyer et 100 euros pour les deux déciles suivants. Cela correspond peu ou prou au montant de l'un de vos amendements. S'il faut encore travailler sur le dispositif, notamment les critères d'attribution et le taux d'utilisation, le budget proposé répond à une partie de vos propositions.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CE51 et II-CE50 de Mme Marie-Noëlle Battistel (discussion commune).
L'amendement II-CE51 vise à tripler les crédits dévolus à MaPrimeRénov' en cohérence avec un autre amendement imposant une condition de performance énergétique et en vue d'arriver à un reste à charge nul pour les ménages modestes. La grande majorité des fonds de MaPrimeRénov' ont été alloués à des gestes uniques, alors que l'on sait bien que c'est le multigeste qui est efficace pour changer d'échelle dans la performance énergétique des bâtiments. La question du reste à charge est extrêmement importante car elle rebute un certain nombre de foyers modestes. Les amendements suivants auront pour objet d'améliorer le ciblage du dispositif.
L'amendement II-CE51 vise à supprimer 1,5 milliard d'euros dans le programme 203 Infrastructures et services de transports, soit 39 % des sommes inscrites en autorisations d'engagement. Cela étant, le sujet que vous soulevez est pertinent : comment s'assurer de la meilleure efficience des euros investis dans les travaux de rénovation énergétique des bâtiments, notamment les passoires thermiques ?
En revanche, nous avons une différence d'appréciation sur les résultats de MaPrimeRénov'. Ce dispositif connaît une accélération et un réel succès. La Cour des comptes donne un avis positif et insiste sur le fait qu'il faut maintenir ce budget sur le long terme. Par ailleurs, une part non négligeable des dossiers émane de ménages modestes et très modestes – de l'ordre de 40 % pour les premiers et de 20 % pour les seconds. Je vous demande donc de retirer vos amendements ; à défaut, l'avis sera défavorable.
Je sens que le rapporteur est quasiment de mon avis mais qu'il ne peut pas faire autrement !
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CE52 de Mme Marie-Noëlle Battistel.
Cet amendement vise à créer une aide spécifique à la rénovation conditionnée à l'atteinte d'un niveau bâtiment basse consommation (BBC) ou équivalent, et ciblée sur les propriétaires bailleurs privés d'un logement de la classe F ou G dont le niveau de revenus est compris entre les premier et quatrième déciles. Cette prime additionnelle versée par l'Anah, l'Agence nationale de l'habitat, leur permettrait de bénéficier d'un reste à charge zéro.
Au-delà des aides financières que l'on peut apporter aux propriétaires privés à faibles revenus, il convient déjà de les accompagner et de les orienter vers les dispositifs existants. Par ailleurs, vous estimez le coût de votre amendement à 1 milliard d'euros, ce qui est loin d'être négligeable, alors qu'il y a déjà beaucoup d'argent sur la table. Demande de retrait, sinon avis défavorable.
On peut mettre en rapport le milliard que vous évoquez avec les 19 milliards d'économies réalisées cette année sur les charges de service public.
À en croire le rapporteur, il faudrait se satisfaire des dispositifs existants alors qu'ils n'ont pas permis à notre pays de se montrer à la hauteur de l'enjeu de la rénovation énergétique. Il est regrettable de renoncer à atteindre des objectifs plus ambitieux. Le milliard que cela coûterait serait largement compensé par les économies ainsi obtenues. C'est donc un amendement de bon sens que notre commission gagnerait à adopter.
On subit une double ou triple peine quand on habite en milieu rural. Parce qu'il n'y a pas de transports en commun – vous avez notamment flingué les gares et les lignes de vie – et qu'on n'a pas les moyens de s'acheter une Tesla, on paye l'essence plein pot. De plus, comme on a des petits salaires et que vous refusez de les augmenter, on ne peut se payer que de vieilles bagnoles qui consomment.
Alors que, au niveau national, 7,8 % des logements sont classés F et 2,7 % sont classés G, ces taux atteignent 11,8 % et 4,4 % dans mon beau territoire du nord de la Seine-Maritime. Il est nécessaire de mettre le paquet sur la rénovation thermique de ces logements, sans reste à charge pour les habitants concernés. C'est aussi dans ce domaine qu'il faut combler le retard.
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-CE6 de M. Sébastien Jumel.
Cet amendement d'appel vise à mettre l'accent sur l'insuffisance des crédits prévus au titre des mesures exceptionnelles de protection des consommateurs de gaz et d'électricité. Les nouvelles dispositions du bouclier tarifaire exposeront les ménages à une augmentation moyenne des factures de l'ordre de 25 euros par mois pour les ménages qui se chauffent au gaz et de l'ordre de 20 euros par mois pour les ménages se chauffant à l'électricité. Les augmentations seront plus importantes encore dans les logements mal isolés, au détriment des plus précaires de nos concitoyens.
L'amendement vise, en conséquence, à majorer les autorisations d'engagement et les crédits de paiement de l'action 17 Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs du programme 345 Service public de l'énergie. J'ajoute qu'il n'y a aucune garantie sur la persistance des tarifs régulés l'année prochaine.
Vous considérez que les crédits ne sont pas suffisants ; pour ma part, je pense qu'ils le sont – la vérité est peut-être entre les deux. N'oublions pas que 8,9 milliards d'euros sont consacrés à l'action 17 du programme 345. Il faut aussi compter les 10 milliards de manque à gagner de la TICFE, les 230 millions du chèque énergie fioul, le 1,8 milliard du chèque énergie exceptionnel, et je pourrais continuer la liste. Tous ces crédits bénéficient à de nombreux Français et répondent aux enjeux actuels. Avis défavorable.
Le dispositif existant nous paraît insuffisant, voire absurde dans la mesure où il ne s'attaque pas aux causes de la hausse du prix de l'énergie. Quand on annonce + 15 % pour le tarif réglementé et beaucoup plus pour ceux qui n'en bénéficient pas, l'insuffisance est patente. La solution proposée dans cet amendement n'est pas parfaite mais une hausse de 15 % n'est pas acceptable, car vous allez plonger des ménages dans la détresse et aggraver la situation économique.
J'entends votre remarque mais si nous n'avions pas adopté cette limite, la hausse aurait été considérablement plus élevée. Le dispositif joue donc son rôle d'amortisseur.
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-CE69 de Mme Marie-Noëlle Battistel.
Il s'agit de plafonner, en 2023, le prix de vente aux particuliers des granulés, ou pellets, de bois à 300 euros par tonne et à mettre corrélativement en œuvre un dispositif de compensation pour les producteurs, sur le modèle de celui prévu par le Gouvernement dans le cadre du bouclier tarifaire avec le gel de l'évolution des tarifs réglementés de vente du gaz et de l'électricité. Vous avez toutes et tous reçu nombre de courriers sur cette question : je ne vois pas comment cet amendement pourrait être rejeté.
Un chèque « bois » est à l'étude et sera examiné dans le cadre d'un projet de loi de finances rectificative d'ici à la fin de l'année. Plafonner l'évolution des prix sur un marché qui n'est pas global et structuré comme ceux du gaz et de l'électricité semble difficilement praticable. De plus, il n'existe pas de prix de référence pour les granulés de bois : je ne vois pas bien comment définir la compensation pour les fournisseurs. Avis défavorable.
Cet amendement est très pertinent. Des personnes ayant cru à la parole publique ont investi dans ce mode de chauffage. Or non seulement les prix ont triplé mais les difficultés d'approvisionnement se multiplient, provoquant colère et incompréhension. Plafonner les prix de vente pour ce mode de chauffage me semble être la moindre des choses. Si on veut réconcilier les gens avec la République, il faut ce genre de symboles forts.
J'ai interrogé Bruno Le Maire sur cette question, qui est tout sauf anecdotique. Sa réponse est que ce chauffage écologique a été rendu accessible aux classes populaires grâce aux aides et à la promotion qui en a été faite. Chacun sait que l'inflation que subit ce matériau n'a rien à voir avec la réalité du marché : il y a des comportements spéculatifs. Si on avait la solution pour les contrer en amont, il faudrait le faire mais, à court terme, il faut accompagner ceux qui, ayant fait un choix écologique et rationnel, se sentent aujourd'hui lésés. Il s'agit d'un amendement de soutien du pouvoir d'achat et d'un mode de chauffage écologique.
Il y a dix-huit mois, un sac de 15 kilogrammes de pellets de bois valait 5 euros ; il en vaut quasiment 15 euros aujourd'hui. Cette inflation est due à la spéculation pratiquée par certains fournisseurs, qui font du stockage. Tout l'argent que nous consacrerons à la compensation de l'inflation ne servira qu'à enrichir ces spéculateurs. Je ne l'accepte pas : il faut casser cette logique de marché.
La commission rejette l'amendement.
Elle émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables non modifiés.
Après l'article 42
Amendement II-CE49 de Mme Marie-Noëlle Battistel.
Cet amendement ne coûte aucun euro. Il vise à rendre plus exigeantes, sur le plan de la performance énergétique, les conditions d'accès aux aides de l'Anah en matière de rénovation énergétique, notamment à MaPrimeRénov', en imposant un gain énergétique minimal de 35 % et l'atteinte de la classe D pour les logements moins bien classés. L'objectif est d'être beaucoup plus performant en évitant de disperser les aides de l'Anah sur des gestes qui n'entraîneraient pas des gains énergétiques suffisants.
Vous voulez aligner MaPrimeRénov' sur MaPrimeRénov' Sérénité, qui va plus loin, pour obtenir une meilleure performance. Les règles ne sont pas les mêmes dans ces deux dispositifs, et un alignement total nous ferait perdre sur certains aspects. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis la commission a examiné, sur le rapport de M. Stéphane Travert, les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
L'agriculture française connaît une année particulièrement compliquée. Entre les conséquences de la guerre en Ukraine sur le prix des matières premières, les épisodes de grêle, de gel puis de sécheresse et l'épidémie d' influenza aviaire, nos campagnes sont en première ligne. Derrière, c'est l'ensemble du pays qui est concerné. Au carrefour des politiques qui façonnent notre pays en matière d'alimentation, d'aménagement du territoire, de ruralité, de transition écologique, de commerce extérieur et de relations internationales, l'agriculture est un secteur stratégique prioritaire, clé de notre souveraineté. Il convient donc de la soutenir en renforçant sa souveraineté, sa résilience ainsi que son adaptation aux transitions environnementales.
Un budget est un acte fondateur qui permet de construire une ambition politique pour tirer l'agriculture vers le haut, par l'innovation, l'investissement et la confiance. Il donne aussi les outils pour résister aux effets parfois délétères de la mondialisation.
Les crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales me paraissent à la hauteur de nos ambitions et des enjeux – réaliser, notamment, la réforme primordiale de l'assurance récolte votée en février et soutenir les agriculteurs grâce à l'exonération de charges patronales pour l'emploi des travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi agricoles (TODE).
Ces crédits connaissent une augmentation considérable, de l'ordre de 30 %. S'élevant à 3,8 milliards d'euros, ils ne constituent toutefois qu'une partie du soutien apporté par les pouvoirs publics au secteur agricole. Il faut y ajouter plus de 2 milliards pour l'enseignement et la recherche agricole, 126 millions pour le compte d'affectation spéciale Développement agricole et rural (Casdar), 250 millions au titre du plan de relance, qui permettent notamment de financer le plan Protéines, un budget pluriannuel estimé à 2,9 milliards avec France relance, les financements européens ainsi que l'ensemble des dispositifs sociaux et fiscaux, chiffrés respectivement à 9,4 et 8,5 milliards pour 2023. L'effort global est donc massif. Nous pouvons collectivement le reconnaître et nous en féliciter.
Dans le programme 149 Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, l'élément le plus significatif concerne l'assurance récolte. Les crédits alloués à l'action 22 Gestion des crises et des aléas de la production agricole augmentent de 2 900 %, pour atteindre 264,3 millions. Le Fonds national de gestion des risques en agriculture (Fngra) se voit affecter 255,5 millions, auxquels s'ajoutent 60 millions de recettes supplémentaires, prévues dans la première partie du projet de loi de finances, grâce à l'augmentation du taux de la contribution additionnelle aux primes ou cotisations. Ces montants viennent en complément de l'enveloppe annuelle de crédits du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) pour l'assurance récolte. Le soutien public total atteindra 560 millions en 2023 et 600 millions à partir de 2025. Ces crédits sont essentiels pour la mise en œuvre de la réforme, très attendue sur le terrain, qui vise à améliorer considérablement la diffusion de l'assurance récolte et les conditions d'indemnisation.
La grande majorité des actions du programme 149 sont stables ou en hausse. L'évolution la plus notable concerne l'action 24 Gestion équilibrée et durable des territoires, dont les autorisations d'engagement (AE) sont en hausse de 27,89 %. En effet, les crédits consacrés aux indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) ont augmenté considérablement à la suite de la baisse, de 75 % à 65 %, du taux de cofinancement par le Feader, dans le nouveau cadre de la politique agricole commune (PAC).
Compte tenu des enjeux actuels, le programme 206 Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation est crucial. Son budget augmente de 7,1 % pour atteindre 657,5 millions en AE. Je note la hausse de plus de 18 % des crédits de l'action 02 Santé et protection des animaux, en lien avec le règlement européen 2016/429, dit loi sur la santé animale (LSA), qui implique de renforcer les mesures de prévention et de surveillance.
L'enveloppe du programme 215 Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture – 689 millions d'euros en AE et 675 millions en crédits de paiement (CP) – est également en hausse, de 7 %. Une partie de ces crédits sera consacrée à la mise en œuvre de la police unique en charge de la sécurité sanitaire des aliments, désormais exercée par le ministère de l'agriculture, conformément à l'arbitrage rendu par Matignon au mois de mai. L'objectif est de renforcer les contrôles et d'améliorer la visibilité, la réactivité et l'efficacité de cette police. Les moyens en personnels du ministère augmentent, avec 90 nouveaux ETP (équivalents temps plein), parmi lesquels 60 sont transférés de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (Dgccrf).
Un nouveau programme 381 Allégements du coût du travail en agriculture, doté de 427 millions d'euros en AE et en CP, a été créé. Il permet de financer le TODE, qui joue un rôle très important de soutien, puisque 73 000 entreprises, soit la moitié des entreprises employeuses du secteur, bénéficient de ce dispositif. Ces crédits permettent d'assurer, auprès de la Mutualité sociale agricole (MSA) et de l'Unedic, la compensation d'une partie de l'exonération de charges patronales pour l'embauche de travailleurs occasionnels, jusqu'alors financée par le reversement d'une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
Le Casdar bénéficie d'une dotation similaire à l'année précédente, de 126 millions. Le Gouvernement indique toutefois que des crédits complémentaires pourraient être ouverts dans le cadre d'une loi de finances rectificative (LFR).
Le PLF pour 2023 est un budget ambitieux, qui traduit notre volonté de soutenir l'agriculture et d'accompagner le monde agricole face aux transitions en cours. Je donnerai donc un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales.
J'en viens à la partie thématique de mon avis budgétaire.
Les services de remplacement constituent un dispositif essentiel pour le monde agricole, incarnant des valeurs de solidarité bien ancrées. Les agriculteurs peuvent adhérer à un groupement d'employeurs assurant un service de remplacement et faire appel à celui-ci lorsque le besoin se matérialise. Un agent de remplacement est alors mis à disposition. Plusieurs dispositifs de soutien viennent en déduction du coût du remplacement pour les agriculteurs.
Les services de remplacement sont bien installés dans le paysage agricole – 320 associations locales sont réparties sur le territoire – et rencontrent un certain succès, en particulier chez les éleveurs, qui représentent 80 % des adhérents. La part des chefs d'exploitation adhérant à un service de remplacement, de 16 %, est en augmentation depuis vingt ans. On compte 15 000 agents de remplacement, qui effectuent annuellement 4,6 millions d'heures de remplacement.
Le succès des services de remplacement est porté par des dispositifs qui visent à réduire le reste à charge de l'agriculteur. Ainsi le reste à charge pour l'aide au répit et les congés maternité est de 0 euro, il est en moyenne de 11 euros pour les congés paternité, de 60 euros en cas de maladie et de 80 euros pour les congés. Le reste à charge varie selon les accords régionaux pour les remplacements liés au développement agricole et à la formation, ainsi qu'à l'exercice d'un mandat syndical.
Les services de remplacement sont un des outils à mobiliser pour répondre aux défis auxquels l'agriculture est confrontée, puisqu'ils permettent d'assurer la continuité des exploitations, de répondre aux aspirations sociales des jeunes générations, d'agir en prévention du mal-être agricole et d'encourager l'installation.
Cependant, les services de remplacement demeurent sous-mobilisés, puisqu'un agriculteur sur cinq seulement est adhérent. Des difficultés structurelles entravent leur développement : les agriculteurs restent parfois frileux en raison du montant du reste à charge et de freins psychologiques ; les agents de remplacement sont trop peu nombreux pour répondre aux besoins ; le réseau est insuffisamment professionnalisé.
Il est donc essentiel d'agir pour développer les services de remplacement. Trois axes sont prioritaires. Il faut, d'abord, faciliter pour les agriculteurs le recours à ces services. Il convient ensuite de rendre le métier d'agent de remplacement plus attractif. Enfin, il faut accroître l'efficacité du réseau.
Plusieurs leviers peuvent être mobilisés pour améliorer le taux de recours aux services de remplacement. Pour commencer, le reste à charge doit être réduit. Nous devons mobiliser plus fortement le crédit d'impôt pour dépenses de remplacement, créé par la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole. Le crédit d'impôt s'élève à 50 % des dépenses, dans la limite de 14 jours de remplacement pour congé par an. La loi de finances pour 2022 l'a étendu aux remplacements pour arrêt maladie et accident de travail avec dans ce cas-là un taux applicable du crédit d'impôt qui s'élève à 60 %.
Le crédit d'impôt a remporté un franc succès, puisque le nombre de ses bénéficiaires a doublé entre 2006 et 2018. Régulièrement reconduit, il est en vigueur jusqu'au 31 décembre 2024. Les auditions que j'ai menées m'ont convaincu qu'il est nécessaire d'aller plus loin. J'ai déposé, en première partie du PLF, des amendements que je vous invite à soutenir. Je propose que le crédit d'impôt atteigne 70 % des dépenses lorsqu'il s'agit d'un remplacement lié à un congé maladie ou à un accident du travail, pour mieux soutenir les agriculteurs en cas de coup dur. Je propose aussi que le plafond soit relevé à 28 jours, afin qu'un agriculteur puisse bénéficier du crédit d'impôt pour un arrêt maladie, sans que cela n'empiète sur ses congés annuels. Enfin, pérenniser ce crédit d'impôt apporterait plus de visibilité et constituerait une marque de soutien pour les agriculteurs.
L'aide au répit, financée par la MSA, qui prend en charge le remplacement d'un agriculteur entre 10 et 14 jours, doit être maintenue. Les critères de son attribution, trop variables d'une caisse à l'autre, doivent être harmonisés.
Certaines urgences nécessitent un soutien accru de la part de l'État. Les auditions ont fait état d'une expérimentation très positive menée conjointement par les services départementaux et les services de remplacement de l'Orne. Les éleveurs qui se trouvent en difficulté peuvent être remplacés afin que l'exploitation continue de fonctionner et que le bien-être des animaux soit préservé. Le coût financier est alors pris en charge par les services départementaux. Je propose de généraliser cette expérimentation par un amendement de crédit que je vous présenterai tout à l'heure. L'effort financier est estimé à 735 000 euros. Dans la lignée des travaux de nos collègues sénateurs sur le mal-être dans le monde agricole, j'estime également que le coût d'un remplacement lié au suicide de l'exploitant doit être entièrement pris en charge.
Pour améliorer le taux de recours, il faut aussi mieux communiquer sur l'existence des services de remplacement et des dispositifs permettant de réduire le reste à charge. Cette communication doit être nationale – un plan devrait être lancé par le ministère, en partenariat avec Service de remplacement France (SRF) – mais aussi locale, lors de l'adhésion à un syndicat par exemple.
Il est primordial, pour améliorer les conditions de travail des agents de remplacement, de poursuivre le dialogue social. La convention collective de la production agricole, entrée en vigueur en avril 2021, est une première étape, mais il faudrait envisager un avenant spécifique aux agents de remplacement et se pencher sur la revalorisation des grilles salariales, la priorisation de l'embauche en contrat à durée indéterminée (CDI) et les primes de transport. Une réflexion sur le logement, ainsi qu'un travail partenarial entre les services de remplacement, les chambres d'agriculture et les structures d'hébergement, pourraient être menés.
Il me paraît souhaitable, en complément, de créer une carte professionnelle spécifique. Elle serait un élément de valorisation du métier et permettrait de gagner la confiance des exploitants agricoles.
Dans un contexte où les exigences des agriculteurs vont croissant, il convient de garantir la formation et les compétences des agents de remplacement. SRF met sur pied une nouvelle certification pour remplacer le certificat de qualification professionnelle (CQP) agent de remplacement, qui n'a pas rencontré le succès escompté. Il conviendra de suivre la mise en œuvre de cette certification et de l'évaluer pour s'assurer qu'un équilibre est bien respecté entre la spécialisation des agents de remplacement et leur nécessaire polyvalence.
Par ailleurs, les auditions ont montré qu'il était indispensable d'améliorer le parcours des apprentis en service de remplacement. Il convient de faire évoluer la réglementation en augmentant le nombre d'exploitations, aujourd'hui limité à deux, au sein desquelles un apprenti peut travailler.
Enfin, il est souhaitable de mieux faire connaître le métier et de diversifier les viviers de recrutement. Les relations entre les services de remplacement et les centres de formation agricole doivent se multiplier. Les partenariats avec France Travail doivent se systématiser, pour mieux orienter les demandeurs d'emploi vers les formations adéquates.
Le dernier axe de mon rapport concerne le réseau des services de remplacement, dont il faut renforcer l'efficacité. Si le pilotage du dispositif par les organisations syndicales agricoles est pleinement légitime, l'État doit néanmoins construire une stratégie plus affirmée pour accompagner cet outil, qui pourrait ainsi devenir l'un des fers de lance des politiques de renouvellement des générations et d'installation. Les consultations autour de la future loi d'orientation et d'avenir agricole doivent intégrer cette réflexion.
Le rôle social des services de remplacement doit être pleinement reconnu, ce qui suppose une inscription dans le code rural. En effet, ce ne sont pas des groupements d'employeurs comme les autres ; les banaliser reviendrait à occulter leur utilité et leur savoir-faire en matière d'accompagnement social des adhérents.
Enfin, la démarche de départementalisation et de professionnalisation du réseau doit être poursuivie car elle lui permet de gagner en efficacité. Les personnes que j'ai auditionnées sont plusieurs à considérer que le fonctionnement bénévole, au niveau cantonal, est un frein au développement des services de remplacement. Par ailleurs, ces dynamiques doivent être amorcées dans les départements qui ne possèdent pas encore de service de remplacement – rappelons que, dans les outre-mer, La Réunion est le seul territoire à en abriter un.
La crise sanitaire et la guerre en Ukraine ont mis en exergue le rôle essentiel des agriculteurs et la nécessité impérieuse de maintenir la souveraineté de l'appareil productif alimentaire. Le budget que nous examinons ce soir, un moteur pour respecter notre trajectoire, sera conforté en 2023 par la loi d'orientation agricole voulue par le Président de la République.
Alors que les aléas climatiques se succèdent et complexifient l'activité agricole, je tiens à souligner les moyens consacrés au soutien du revenu des agriculteurs. Les crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales augmentent de 30 %. Une partie est consacrée à la mise en œuvre de la réforme de l'assurance récolte et à la pérennisation du dispositif TODE. Une autre partie, je tiens à le souligner, est consacrée à la préparation de l'avenir, et notamment à l'enseignement agricole.
Vous avez montré combien les services de remplacement, un outil de solidarité encore trop peu connu au sein du monde agricole, pouvaient contribuer à lutter contre le mal-être des agriculteurs, qui travaillent énormément et peinent à s'arrêter. Il faudrait développer ces services sur tout le territoire et améliorer le taux de recours. Vous considérez que le crédit d'impôt est un levier efficace. Ne pensez-vous pas qu'à terme, les agents de remplacement pourraient devenir d'excellents agents de transmission ?
En choisissant ce thème pour mon rapport, je voulais justement voir en quoi les services de remplacement pouvaient constituer un vivier d'apprentis et de jeunes agriculteurs capables de reprendre une exploitation.
Pour réduire le reste à charge pour les agriculteurs, je propose de relever le crédit d'impôt de 60 % à 70 % des dépenses de remplacement lorsqu'elles sont liées à une maladie ou à un accident et de porter le plafond, actuellement de 14 jours, à 28 jours, afin que les exploitants qui ont dû être remplacés pendant leur maladie n'hésitent pas à prendre d'autres congés.
L'Union européenne a cassé une jambe à notre agriculture et vous ne proposez à cette dernière qu'une béquille. Mettre au pas la grande distribution, réguler la concurrence étrangère déloyale, favoriser le « produire en France », libérer les agriculteurs de la paperasse administrative, baisser la fiscalité… la plupart de ces réformes structurelles étant interdites par Bruxelles, vous ne les faites pas ! Conscient de cette impuissance mortifère, le Gouvernement s'agite et communique. M. Fesneau affirme que l'augmentation de 20 % de son budget est « le signe de notre engagement et de notre détermination à agir au profit de nos agriculteurs et pour notre souveraineté alimentaire », sans préciser que cette hausse est déjà absorbée par le coût des aléas climatiques et l'inflation.
Vous expliquez que les services de remplacement permettent de répondre à l'enjeu du renouvellement des générations. Mais aucun autre élément, dans ce budget, n'est de nature à relever ce défi. Pire, la majorité a voté contre quatre amendements que j'avais déposés en première partie du PLF pour favoriser fiscalement les transmissions agricoles. Ce texte passe à côté de l'essentiel car, pour la nouvelle génération qui veut s'installer, c'est la rentabilité des exploitations qui compte.
L'impuissance, voilà ce qui caractérise la politique de la majorité ! Où est passé le chèque alimentaire qu'ont annoncé le Président de la République, en décembre 2020, puis Olivia Grégoire, en juin 2022, et enfin Élisabeth Borne, lors de son discours de politique générale en juillet ? Il a été transformé en un improbable chèque inflation. Une nouvelle fois, vous êtes passés à côté de la seule vraie proposition, formulée par Marine Le Pen il y a plusieurs mois : supprimer la TVA sur un panier de cent produits de première nécessité !
Ce budget ne changera absolument rien à la politique agricole catastrophique menée depuis quarante ans. En outre, nous rejetons ce dernier délire qu'est l'agrivoltaïsme, refusant que les agriculteurs aient à assumer financièrement le dérèglement climatique. Nous voulons des réformes structurelles, celles-là mêmes que vous vous interdisez par soumission malsaine à Bruxelles.
Il ne vous échappera pas que, sans l'Union européenne, il manquerait à l'agriculture 9 milliards d'euros qui sont aujourd'hui directement injectés dans les exploitations. Ce sont ces financements européens qui permettent au secteur d'être performant sur les plans économique, social, environnemental et sanitaire.
Les services de remplacement ne sont qu'un volet de l'extraordinaire éventail proposé aux filières pour rendre les métiers plus attractifs. Les lois Egalim 1 et Egalim 2 ont permis d'agir sur les revenus et le prix des produits agricoles par l'amélioration des conditions de la négociation, la construction du prix « en marche avant » ou encore la signature de plans de filières.
Nous ne partageons pas votre vision sépia de l'agriculture, une agriculture des années cinquante dans des villages en autosuffisance. Nous souhaitons une agriculture compétitive pour que les prochaines générations d'agriculteurs puissent vivre de leur métier et continuent de nourrir, de manière durable, les populations.
La mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales est absolument vitale pour le pays car la destruction massive des emplois et des exploitations agricoles continue, la dérégulation des prix et des marchés rend les revenus des agriculteurs de plus en plus instables et leurs dettes augmentent.
Ce n'est pas peu dire que je suis déçue par ce budget. Les rares hausses ne vont pas dans le bon sens puisque le Gouvernement augmente les subventions publiques aux assurances privées, et de façon inconditionnelle. Encore de l'argent public qui n'ira pas aux agriculteurs alors que, pour faire face aux risques climatiques, sanitaires et de marché, les exploitations doivent diversifier leurs productions, adapter les variétés, les races animales aux conditions du milieu, désintensifier les élevages, diversifier les rotations, implanter des haies et des bosquets – en somme, faire de l'agroécologie ! Croyez-moi, il n'y a rien de plus technique et de plus moderne que l'agroécologie, et cela vaut beaucoup mieux que de voir s'envoler des primes destinées à assurer un système insoutenable.
Nous avons un besoin vital de transformer notre agriculture pour la rendre plus résiliente et préserver notre planète. Alors que l'utilisation des pesticides augmente, que les indicateurs de biodiversité dans les champs empirent, qu'un tiers des eaux de surface et souterraines sont polluées par l'agriculture, rien n'est proposé dans le budget. Je ne vois pas d'aide qui augmente en faveur d'une agriculture plus économe et plus autonome, davantage créatrice d'emplois, usant moins de machines, d'engrais, de pesticides ou de concentrés alimentaires.
En revanche, le Gouvernement prolonge d'une année le TODE, un dispositif d'exonérations sur les salaires compris entre 1 et 1,2 Smic, une véritable trappe à pauvreté dont le coût, de 427 millions, plombe le budget et pèse sur l'ensemble des contribuables. Le Gouvernement se fait le chantre de la responsabilité budgétaire mais ces 427 millions équivalent pratiquement au budget de l'action 27 Moyens de mise en œuvre des politiques publiques et gestion des interventions. Ce budget diminue de 12 % : c'est autant de moins pour les techniciens et ingénieurs de l'État, pourtant indispensables à la conduite d'une politique sérieuse – je l'ai constaté durant vingt ans, comme fonctionnaire du ministère chargé de l'agriculture.
Ainsi, nous savons à quel point l'entretien des forêts est crucial pour prévenir les feux – de plus en plus souvent catastrophiques. Mais voilà, 95 postes à l'Office national des forêts (ONF) seront supprimés en 2023. Le Gouvernement peut toujours expliquer que les agriculteurs doivent voir leurs charges baisser pour faire face à la concurrence internationale, je répondrai que ce modèle n'est pas une fatalité et qu'il vaut mieux relocaliser notre alimentation, soutenir massivement les circuits courts et les cantines 100 % bio et locales. Mais protéger nos marchés, ce serait bien sûr refuser le dogme de la libre concurrence européenne…
Nous partageons certains des constats que vous venez de faire ; si nous avons voté les lois Egalim 1 et Egalim 2, avec 50 % de produits bio ou sous label dans la restauration collective, c'était bien pour trouver de nouveaux débouchés aux agriculteurs et leur permettre de travailler dans les circuits de proximité.
La réforme de l'assurance récolte était très attendue par un monde agricole qui doit faire face à des aléas climatiques plus nombreux. Je sais que le rapporteur, Frédéric Descrozaille, a fait en sorte d'ériger dans la loi des garde-fous pour prévenir tout enrichissement des compagnies d'assurances.
L'ONF, qui a une nouvelle directrice, repart cette année avec un budget en hausse, qui lui permettra d'assumer ses nouvelles missions. Par ailleurs, des moyens supplémentaires sont mis au service du contrôle sanitaire. Les efforts existent et je considère que nous répondons aux enjeux qui s'imposent à l'agriculture moderne.
Il faut tenir compte, dans nos réflexions, des difficultés d'approvisionnement en carburant auxquelles sont confrontés, aussi, les agriculteurs.
Ce budget s'inscrit dans le contexte plus général de l'érosion de notre souveraineté alimentaire. Celle-ci est due à la perte de compétitivité de l'agriculture française, avec un résultat de la balance commerciale divisé par deux. Mais cette érosion cessera peut-être le jour où nous adopterons de véritables clauses miroirs, comme le montre le rapport sénatorial « Compétitivité : une urgence pour redresser la ferme France ».
Le groupe Les Républicains souscrit à la trajectoire contenue dans ce budget, avec quelques réserves cependant. Quelle est la vision de long terme de cette majorité, compte tenu des conséquences qu'ont pu avoir les décisions en matière de politique énergétique ? Les expérimentations contenues dans les lois Egalim 1 et Egalim 2 – je pense au relèvement de 10 % du seuil de revente à perte (SRP + 10) et à l'encadrement des promotions – seront-elles prolongées ? Enfin, la déclinaison de la PAC, notamment la stratégie Farm to Fork et les ecoschemes, met à mal notre compétitivité et la souveraineté alimentaire européenne.
Considérez-vous, Monsieur le rapporteur pour avis, que les moyens de l'action 21 Adaptation des filières à l'évolution des marchés soient suffisants face à la forte volatilité des cours ? La tonne de blé tendre est aujourd'hui à 360 euros, alors qu'elle était à 400 euros en mai et à 240 euros il y a un an. La fluctuation des prix a aussi des répercussions sur les charges puisque les engrais azotés, dont le prix atteint aujourd'hui 1 000 euros la tonne, étaient moitié moins chers l'an dernier et à 250 euros la tonne en 2020.
En quoi les moyens de l'action 22 Gestion des crises et des aléas de la production agricole sont adaptés à la loi sur l'assurance récolte ? Lorsque vous évoquez la gestion des forêts, incluez-vous les nombreux incendies survenus cet été ?
Enfin, vous avez mentionné le TODE, qui devrait faire l'objet de débats lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). La pérennisation de ce dispositif, une Arlésienne, devrait être actée une fois pour toutes afin que nous n'ayons plus à le voter chaque année.
Le TODE est budgétisé et figure dans cette mission. Notre volonté est plutôt de pérenniser ce dispositif puisqu'on voit bien que l'ensemble des producteurs, notamment les filières qui ont recours à des travailleurs saisonniers, le plébiscitent.
En 2025, les moyens consacrés à la gestion des crises atteindront 600 millions. Nous en aurons besoin pour résoudre les difficultés qui découleront des crises climatiques, de plus en plus nombreuses.
Pour atténuer les effets de la volatilité des prix, il faudrait peut-être que les filières contractualisent entre elles – des discussions sont en cours. Mais la meilleure façon de résister aux fluctuations est encore de renforcer la compétitivité. C'est le rôle des mesures de soutien à l'innovation, d'aide au renouvellement des générations et de soutien aux revenus agricoles que de rendre les exploitations plus résistantes.
Nous ne pouvons que nous réjouir de la hausse du budget attribué à l'agriculture, qui est l'une des clés de notre souveraineté et de notre puissance. Les crédits supplémentaires concernent essentiellement les provisions liées à l'assurance récolte ainsi que la compensation, bienvenue, de la baisse de la contribution européenne aux ICHN.
S'agissant de l'assurance récolte, nous avions soutenu l'instauration d'un nouveau dispositif tout en faisant part de notre vigilance sur sa mise en œuvre. Nous sommes particulièrement attachés à ce que les filières de l'aval soient couvertes par l'assurance. Nous tenons aussi à ce que les contributions volontaires obligatoires (CVO) soient généralisées et à ce que des exigences en matière de responsabilité sociale et environnementale soient imposées aux opérateurs financiers qui auront à gérer l'assurance.
Monsieur le rapporteur pour avis, discussion budgétaire mise à part, le Parlement sera-t-il appelé à se prononcer ou les mesures réglementaires suffisent-elles pour mettre en œuvre l'assurance récolte ? Le cadre que nous avons défini doit être précisé et le diable se niche souvent dans les détails.
Mes regrets portent non pas sur ce qu'il y a dans cette mission budgétaire mais sur ce qui n'y figure pas : outre l'absence de décrets d'application de la loi n° 2021-1756 du 23 décembre 2021 portant mesures d'urgence pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires , dite « loi Sempastous », les directions départementales des territoires (DDT) ne disposent toujours pas de moyens humains supplémentaires pour réguler le marché foncier ou pour renforcer les opérateurs qui agissent par délégation de service public, en l'occurrence les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer).
Ensuite, alors que la crise de l'énergie est au cœur de nos débats, rien n'est prévu pour soutenir le recours, à titre expérimental, au biogaz, au photovoltaïque ou à l'éolien dans le monde agricole, en veillant à la question de l'impact sur les sols et des risques pour la sécurité alimentaire.
Enfin, il manque une politique de réduction de notre dépendance aux engrais azotés très consommateurs d'énergie et des mesures de réduction des coûts en matière d'eau.
Deux points me choquent particulièrement : la baisse des moyens de l'ONF, absolument invraisemblable après ce que nous avons vécu cet été, et l'absence de mesures pour accompagner le secteur de la restauration collective alors que tous les acteurs s'inquiètent de ne pas pouvoir atteindre les objectifs fixés par la loi Egalim pour les cantines.
Je précise que MM. Dive et Descrozaille travaillent actuellement sur l'application de la loi ayant réformé l'assurance récolte.
S'agissant de la régulation du marché foncier, nous pourrons certainement en débattre dans le cadre du projet de loi d'avenir agricole que nous aurons à examiner.
Le covid a fait prendre du retard par rapport aux objectifs de la loi Egalim dans la restauration collective.
Quant à l'ONF, des efforts sont faits dans le PLF. Je vous invite à interroger le ministre sur les effectifs mais la trajectoire retenue est conforme au souhait que nous avions tous exprimé lors de l'audition de la nouvelle directrice générale : donner les moyens à l'institution de répondre aux enjeux.
Les crédits en faveur de l'agriculture française, ce sont 3,84 milliards d'euros du budget de l'État mais aussi 9,4 milliards de fonds européens. Je souligne également que 250 millions proviennent du plan de relance et 2,9 milliards de France 2030.
Je me réjouis du maintien du dispositif TODE. Nous avons connu une époque où il fallait batailler ferme pour l'obtenir.
Le fonds Avenir Bio, qui est destiné à encourager les agriculteurs à se convertir à l'agroécologie et à l'agriculture biologique, est doté de 8 millions d'euros pour 2023, contre 13 millions en 2021 et 2022, pour atteindre l'objectif de 18 % de la surface agricole utile (SAU) en bio en 2027. Si nous voulons accentuer la conversion au bio, nous devons, d'ici à la séance, obtenir une hausse de la dotation du fonds, notamment pour structurer les filières.
Quant à l'assurance récolte, où sont passés les 600 millions d'euros annoncés par le Président de la République aux Terres de Jim en réponse aux jeunes agriculteurs ? Seulement 560 millions sont inscrits dans le PLF.
Je souscris à la proposition d'un taux de TVA à 5,5 % pour la filière équine, plus particulièrement pour les chevaux de trait dont certaines races sont en voie de disparition.
Vous avez souligné la nécessité d'améliorer la rémunération des jeunes qui travaillent dans les services de remplacement. Le temps passé dans ces services ne pourraient-ils pas être comptabilisés au titre des acquis de l'expérience en vue d'un projet d'installation ?
En ce qui concerne le fonds Avenir Bio, il faut se souvenir qu'en 2017 notre pays comptait 6,5 % de SAU en bio. L'objectif était de la porter à 15 % en 2022. Aujourd'hui, elle est de 10 %. Certes, la dotation passe de 13 à 8 millions d'euros, mais les 5 millions en question avaient été injectés dans le cadre particulier du plan de relance pour soutenir l'agriculture biologique. Par ailleurs, nous avons relevé en 2018 le montant du crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique, ce qui était très attendu par les agriculteurs.
Les 600 millions d'euros que vous avez évoqués pour l'assurance récolte sont bien prévus à l'horizon 2025 ainsi que le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire l'a précisé après l'annonce faite par le Président de la République.
Je suis favorable à une TVA de 5,5 % dans la filière équine. Des amendements en ce sens seront discutés dans l'hémicycle. Cette mesure est très attendue par l'ensemble des professionnels, installés en nombre dans votre circonscription comme dans la mienne.
Le fait de travailler plusieurs années dans les services de remplacement devrait, en effet, donner droit à des bonifications pour faciliter l'installation des jeunes et la reprise des exploitations.
Nous avons eu l'occasion de travailler par le passé de façon très fructueuse. Dans le cadre de la loi Egalim, nous avions abordé les problèmes de structuration de la production et des filières dans les outre-mer et nous étions parvenus à avancer. Aujourd'hui, les choses semblent stagner, mais je ne doute pas que nous puissions reprendre ce travail absolument nécessaire.
En cette rentrée, nos agriculteurs sont particulièrement inquiets : ils subissent de plein fouet les conséquences de la guerre en Ukraine et la flambée des coûts de production. À cela viennent s'ajouter des récoltes insuffisantes, après avoir été fragilisées par les aléas climatiques de cet été. Loin de tenir compte de ces difficultés, la grande distribution ne respecte pas la charte d'engagements signée en avril dans le cadre du comité de suivi hebdomadaire des négociations commerciales, et les prix payés aux producteurs restent faibles, bien trop faibles pour qu'ils puissent vivre décemment de leur travail.
Le PLF a beau prévoir une hausse importante des crédits affectés à l'agriculture, ces derniers restent encore limités au regard des enjeux auxquels sont confrontés nos agriculteurs et ne compenseront jamais le déficit de rémunération.
Cela dit, le groupe LIOT accueille favorablement l'instauration de l'assurance récolte qui était demandée de longue date par le monde agricole. Une interrogation toutefois : pourquoi donc attendre 2025 pour atteindre les 600 millions d'euros promis par le Président de la République ?
De même, mon groupe se réjouit du maintien du dispositif TODE jusqu'au 31 décembre 2023. Nous appelons toutefois à le prolonger au-delà de cette date, car il est indispensable pour maintenir la compétitivité des activités fortement consommatrices de main-d'œuvre, telles que l'arboriculture.
Je note également le maintien des 45 millions d'euros relevant du comité interministériel des outre-mer (Ciom). C'est un premier pas mais les filières de diversification agricole outre-mer ont besoin de davantage pour développer leur production, favoriser l'agroécologie et tendre vers la souveraineté alimentaire.
Une grande partie des orientations et des aides au monde agricole sont décidées au niveau européen. Le budget de l'État consacré à l'agriculture française n'aura donc de sens et d'efficacité que s'il s'appuie sur une politique agricole commune bien conçue, articulée avec notre ambition nationale et déclinée avec efficacité au niveau local. Nous attendons beaucoup de la régionalisation des aides non surfaciques, qui va dans le sens d'une plus grande adaptation aux besoins de chaque territoire.
La structuration des filières est un objectif primordial dans les départements et territoires d'outre-mer. Nous avions évoqué la possibilité de créer des marchés d'intérêt régionaux, en Guadeloupe notamment, mais il faut pour cela structurer l'offre dans les différentes filières et trouver des débouchés.
Outre-mer, seule La Réunion dispose aujourd'hui d'un service de remplacement. Pour favoriser l'installation des jeunes et développer l'attractivité des métiers de l'agriculture, la création d'un service de remplacement pourrait aussi être envisagée dans votre territoire. Cela permettrait aux jeunes de se familiariser avec le métier et d'essayer plusieurs filières.
Le ministre a exprimé son intérêt pour le maintien du TODE. Je suis convaincu que les parlementaires intéressés n'hésiteront pas à monter au créneau lors des prochains budgets.
La trajectoire budgétaire pour l'assurance récolte prévoit, je l'ai indiqué, 600 millions d'euros à l'horizon 2025.
Article 27 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-CE91 de M. Stéphane Travert.
L'amendement vise à financer la généralisation de la prise en charge par l'État du remplacement d'exploitants agricoles en cas d'urgence.
Les services de remplacement agricole, associations et groupements d'employeurs qui mettent à disposition de leurs adhérents des agents de remplacement, sont parfois amenés à se rendre sur des exploitations non adhérentes et non assurées à la suite de décès, éventuellement sur réquisition du maire ou du préfet.
L'effort budgétaire demandé à l'État paraît mesuré par rapport au bénéfice attendu. Cette mesure permettra de sécuriser le cadre d'intervention des services de remplacement, tout en renforçant leur rôle social auprès des exploitants agricoles.
La commission adopte l'amendement.
Elle émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales modifiés.
La commission a enfin procédé à l'examen pour avis, sur le rapport de M. Bastien Marchive, des crédits de la mission « Cohésion des territoires », en ce qui concerne le logement et l'urbanisme.
Cette année, le PLF est incontestablement marqué par la guerre en Ukraine, qui dure depuis maintenant huit mois et engendre une inflation jamais vue depuis le milieu des années 1980. Et encore, faut-il le rappeler, la France est le pays d'Europe qui résiste le mieux à l'inflation, notamment grâce à l'État, qui a très vite pris ses responsabilités. En effet, en application de la loi de finances rectificative et de la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, adoptées pendant l'été, 20 milliards d'euros ont été débloqués et un bouclier tarifaire a été instauré afin de soutenir le pouvoir d'achat des Français.
Ce PLF a la même ambition et le logement, qui constitue le premier poste de dépenses de nos concitoyens, est largement soutenu. Pour autant, les difficultés ne sont pas encore derrière nous, en particulier pour ce secteur qui a déjà été lourdement frappé par la crise du covid-19. Qu'il s'agisse de la démétropolisation au bénéfice des villes moyennes et de la périurbanité ou du développement du télétravail, nous avons tous pu constater une évolution significative des attentes de nos compatriotes en matière de logement et de cadre de vie.
Victime de l'inflation et de la pénurie qui concerne particulièrement les matériaux de construction, la demande de logement est aujourd'hui très élevée alors que l'offre s'amenuise. Si le nombre des transactions a atteint des niveaux records, c'est également le cas pour leur montant.
Un constat s'impose. Le logement et l'urbanisme sont confrontés à des défis de grande ampleur et doivent se réinventer en visant deux objectifs majeurs : l'accès au logement pour tous et la réussite de la transition environnementale. Telle est l'ambition que traduisent les crédits que je vous présente.
L'accès au logement pour tous est l'un des piliers de la promesse républicaine d'émancipation, de solidarité et de dignité. Il suppose d'accompagner les Français aux différents âges de la vie et tout au long de leur parcours résidentiel.
Les aides au logement, qui constituent la plus grande partie du budget de l'État en la matière, prennent toute leur part dans cet effort. Avec la revalorisation de 3,5 % votée cet été, près de 300 millions d'euros supplémentaires sont prévus, ce qui porte les crédits à 13,3 milliards et permet de maintenir les impayés à un niveau constant. Quant à la réforme du versement en temps réel, elle constitue une réussite selon le directeur de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), puisqu'elle a permis d'ajuster le versement des prestations au plus près des ressources des bénéficiaires et de l'accélérer.
Voilà qui est de bon augure avant la grande mesure de justice sociale qu'est la solidarité à la source. En cours d'expérimentation, cette réforme mettra fin au non-recours par nos concitoyens à l'ensemble des prestations sociales auxquelles ils ont droit. Elle se traduira également par une baisse drastique des erreurs de versement et des fraudes, toujours au bénéfice de ceux qui en ont le plus besoin, ce dont on ne peut que se réjouir.
Si les aides concourent à garantir aux locataires l'accès à un logement, l'objectif est bien de leur permettre de devenir propriétaires. Le renforcement du prêt à taux zéro (PTZ) et de l'accompagnement à l'accession à la propriété ou encore la prime de transformation de l'habitat « MaPrimeAdapt' » sont des outils à notre disposition pour y contribuer. Il en est de même pour le taux d'usure, nécessaire à la protection des Français les plus modestes, sur lequel notre président et moi avons alerté la Banque de France. L'évolution du mode de calcul proposée par l'Union sociale de l'habitat (USH), en vue de comptabiliser l'accession sociale de manière différenciée, pour permettre son accès à un plus grand nombre, semble une piste intéressante.
Néanmoins, avoir un logement ne fait pas tout. Encore faut-il qu'il soit digne et décent. Tel était déjà l'objet de la loi Elan et des mesures de résorption de l'habitat indigne qu'elle contenait, notamment pour lutter contre les marchands de sommeil. Tel est aussi l'objet de notre politique de rénovation énergétique, qui améliore le confort de vie des Français à mesure qu'elle réduit l'impact environnemental du logement.
Là aussi, le budget traduit nos ambitions en augmentant de plus de 15 % les crédits consacrés au dispositif « MaPrimeRénov' », lesquels avaient déjà doublé l'an dernier et atteindront 2,8 milliards d'euros en 2023. L'Agence nationale de l'habitat (Anah) a, depuis la création du dispositif qu'elle gère, doublé ses effectifs et multiplié par dix son activité, passant de 75 000 logements rénovés en 2017 à 750 000 l'an dernier. Ces chiffres traduisent le succès du dispositif. Certes, tout n'est pas encore parfait puisque selon l'Anah, 85 % des chantiers financés concernent des opérations monogestes, mais la transition énergétique est en marche.
« MaPrimeRénov' » est une porte d'entrée inédite dans le logement de tous les Français. L'essentiel de la hausse des crédits du programme est destiné à renforcer le dispositif « MaPrimeRénov' Sérénité » afin d'amplifier la rénovation énergétique globale des logements.
Des pistes d'amélioration demeurent, notamment pour mieux corréler le montant de la prime à celui de l'investissement réalisé. Il ressort également des auditions que le faible taux d'accompagnement des ménages relevant des déciles supérieurs nuit à l'attractivité du dispositif. Enfin, les modalités d'accompagnement des copropriétés, qui représentent 10 millions de logements en France, devront être renforcées car du retard est pris en raison de la complexité des situations.
Si « MaPrimeRénov' » s'adresse au parc privé, le logement social est lui aussi partie intégrante de cet effort de sobriété. Comme l'a souligné Emmanuelle Cosse, présidente de l'USH, le parc social fait déjà office d'exemple en matière de performance énergétique puisque 82 % des logements sociaux sont classés de A à D. Pour atteindre nos objectifs en matière de décence, l'effort doit être poursuivi et le renfort de 200 millions d'euros du Fonds national des aides à la pierre (Fnap) est à la hauteur des enjeux.
L'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) joue également un rôle essentiel dans le renouvellement urbain des quartiers prioritaires et la rénovation du parc social. Après une phase de conception de cinq ans, le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) commence à décaisser les sommes nécessaires et les chantiers débutent.
À côté de l'accompagnement social, l'effort en faveur de la transition écologique et de la décence des logements constitue un des piliers de notre politique. Cette transition nécessite toutefois une réflexion globale sur nos modes d'habitat, de développement urbain et d'aménagement du territoire.
Dans une perspective de sobriété et de souveraineté alimentaire, l'un des axes majeurs de notre politique urbanistique est la protection des sols, en particulier lorsqu'ils sont naturels ou agricoles. L'objectif de réduction de l'artificialisation nette des sols, adopté de manière transpartisane dans le cadre de la loi « Climat et résilience », traduit cette ambition. La sauvegarde de la biodiversité mais aussi la lutte contre les îlots de chaleur et, à terme, contre les catastrophes naturelles y contribuent également.
Les élus locaux ont un rôle considérable à jouer. Vous n'êtes pas sans savoir que des discussions sont en cours pour parvenir à une mise en œuvre de l'objectif de réduction de l'artificialisation nette des sols dans les meilleures conditions possibles.
Préserver les sols ne signifie pas renoncer à toute nouvelle construction, loin de là. Cela suppose en revanche de revoir notre modèle de développement, historiquement fondé sur l'étalement urbain et le mitage des territoires, qui font de la France l'État européen le plus consommateur de foncier. L'heure est désormais au renouvellement urbain, à la construction de la ville sur la ville et à la densification du bâti. Cela fait des années que l'on en parle, et cela doit maintenant devenir une réalité.
Le Fonds vert, annoncé dès le mois de juillet par la Première ministre et abondé à hauteur de 1,5 milliard d'euros, voire de 2 milliards selon les dernières déclarations, est une preuve de notre engagement en la matière. Il vise à financer les projets qui concourent à la réhabilitation des friches urbaines, poursuivant ainsi le travail du fonds friches, qui a connu un tel succès depuis son lancement en 2020 qu'il a dû être réabondé à deux reprises.
L'amélioration du cadre de vie suppose enfin de réhabiliter nos centres-villes et nos centres-bourgs pour penser le développement à l'échelle du bassin de vie. Telle est la logique des programmes « Action Cœur de ville » et « Petites villes de demain », qui font appel aux notions de centralités structurantes et de projets de territoires.
Face à ces mutations, nous devons également repenser la fiscalité.
En ce qui concerne le foncier, les terrains constructibles non bâtis, qui iront nécessairement en se raréfiant, sont essentiels pour que nos territoires puissent poursuivre leur développement tout en protégeant les sols. Ils ne sauraient ainsi faire l'objet de rétentions foncières.
Une réforme fiscale est également nécessaire pour favoriser l'investissement locatif et répondre à une demande croissante des locataires. Cette réforme a commencé par la transformation du dispositif « Louer abordable » en « Loc'Avantages », qui vise à assouplir les conditions de l'investissement locatif. Les dispositifs « Pinel » et « Denormandie » dans l'ancien » devraient aussi évoluer : le premier, même s'il ne donne pas entière satisfaction et doit s'éteindre bientôt, reste à ce jour la principale source d'activité pour les promoteurs et aménageurs, qui voient le nombre de programmes prévus s'amenuiser ces dernières semaines ; quant au second, il n'a pas vraiment trouvé sa place.
La réflexion sur nos dispositifs fiscaux doit aussi intégrer la question du fort développement des meublés de tourisme, en particulier dans certains territoires côtiers ou montagneux. Ces logements bénéficient d'abattements fiscaux préférentiels par rapport aux locations de longue durée, alors que leur essor contribue à entretenir la spéculation immobilière dans la mesure où le marché locatif se tend. Dans certains secteurs, les résidents sont privés de logement parce que les biens jusqu'alors affectés à la location de longue durée sont transformés en meublés de tourisme. Un rééquilibrage des conditions de la concurrence entre le marché locatif et celui des meublés de tourisme semble nécessaire, par exemple en ce qui concerne les obligations de rénovation énergétique, auxquelles l'un est soumis et l'autre non. Je ne doute pas que nous nous doterons bientôt d'un instrument législatif en la matière.
Les changements à venir sont colossaux. Ils auront un impact majeur sur notre capacité à produire des logements abordables, économes en énergie et peu consommateurs de foncier. Le défi est immense, en particulier pour les acteurs de la construction, dont le modèle économique et les compétences devront être adaptés, tout comme pour les bailleurs sociaux qui, sans le soutien de l'État et des collectivités, ne pourraient faire face à la hausse des coûts de construction et à l'augmentation des prix du foncier.
J'insiste sur l'effort considérable fourni dans le PLF pour faire face aux défis qui nous attendent. La mobilisation en faveur de l'accès au logement pour tous et les moyens alloués pour adapter nos modèles urbains à la transition écologique sont importants, en particulier dans le contexte que nous traversons. J'émets donc un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Cohésion des territoires pour ce qui concerne le logement et l'urbanisme.
Les crédits de la mission Cohésion des territoires s'élèvent à 17,85 milliards d'euros en autorisations d'engagement, contre 17,2 milliards en 2022, soit une hausse de 3,84 %.
Je note des points positifs : l'amorce du déploiement du dispositif « MaPrimeAdapt' », la hausse de 100 millions d'euros des crédits dédiés à « MaPrimeRénov' » ou encore le plan contre le sans-abrisme.
Néanmoins, certains points suscitent une forte inquiétude, comme la ponction de 300 millions sur Action Logement, qui a été qualifiée de « décision inacceptable » et d'« affront au paritarisme ». Destinée à financer le Fnap, cette mesure, qui n'a pas fait l'objet de concertations, est vivement contestée. Près de 26 000 logements intermédiaires ne seront pas produits par sa faute.
Je pense aussi à la suppression de 7 000 places d'hébergement d'urgence. Quant à la construction de logement neuf, les annulations de réservations augmentent, et les acteurs anticipent une chute brutale du marché. L'accès au crédit devient problématique, et les inquiétudes sont renforcées par la mise en œuvre du zéro artificialisation nette (ZAN). Je conteste l'idée selon laquelle l'adoption de cette mesure aurait fait consensus. Il faudra absolument faire preuve de réalisme.
Le diagnostic de performance énergétique (DPE) est également une source d'inquiétude pour les propriétaires de logements.
Je salue la pérennisation du fonds friches mais les mesures en faveur du logement neuf sont insuffisantes. Un rapport préconisait en septembre 2021 la construction de 500 000 logements par an pour éviter une crise majeure de l'offre.
Le dispositif « Pinel » est encore raboté tandis que le PTZ prendra fin d'ici un an.
Les moyens consacrés au logement ne sont pas à la hauteur des ambitions que vous affichez, qu'il s'agisse de rénovation ou de construction.
Je vous remercie d'avoir tout de même reconnu des points positifs dans ce PLF.
Je n'aurai pas le temps de répondre à toutes vos remarques. S'agissant du ZAN, des discussions sont en cours pour préciser les modalités de sa mise en œuvre et les adapter aux territoires. Aucune des associations d'élus locaux que j'ai rencontrées n'est opposée au ZAN, dont je rappelle qu'il avait été validé en commission mixte paritaire.
Oui, la construction de nouveaux logements est indispensable mais nous avons à inventer un nouveau modèle. La hausse des coûts de construction et la raréfaction du foncier compliquent l'équation, et ce n'est évidemment pas à l'État de dicter les équilibres économiques.
La politique du logement a été la grande perdante du quinquennat précédent. Le Gouvernement s'est contenté de mesures fiscales, là où les Français attendaient un plan massif de rénovation énergétique des logements afin de diminuer leur facture énergétique et de leur redonner du pouvoir d'achat. Ils auraient ainsi été mieux à même d'affronter la crise actuelle.
Un plan ambitieux et rapide de soutien à la rénovation des logements serait également bénéfique pour les petites entreprises françaises qui effectuent des travaux et créerait des emplois non délocalisables.
Le PLF pour 2023 renforce quelque peu les dispositifs d'aide à la rénovation énergétique, mais c'est un peu tard alors que nous nous enfonçons dans une crise énergétique majeure. La hausse du montant des aides doit nécessairement s'accompagner d'un choc de simplification et d'un meilleur accompagnement des bénéficiaires. En la matière, espérons que le dispositif « Mon Accompagnateur Rénov' » ne sera pas une énième gesticulation de communication.
Malheureusement, il est peu probable que « MaPrimeAdapt' », qui a vocation à remplacer plusieurs dispositifs au 1er janvier 2024, apportera les simplifications tant attendues : de nombreux Français qui souhaitent réaliser des travaux et sont éligibles aux aides renoncent, rebutés par la lourdeur administrative et la complexité des dispositifs. Il est urgent de simplifier ces usines à gaz.
La construction neuve est la grande absente du budget pour 2023 alors même qu'une crise de l'offre s'annonce. Le déficit de logements dans certains territoires fait l'objet d'un constat unanime. L'augmentation de 2 millions d'euros des crédits du Fnap n'apparaît clairement pas à la hauteur des attentes des jeunes salariés et des ménages français qui n'ont plus accès à un logement social ou doivent attendre plusieurs années pour en obtenir un. Alors que le logement est le premier poste de dépenses des ménages, la flambée des prix de l'énergie rend la situation insupportable pour un grand nombre de nos compatriotes. Dans ce contexte, il est regrettable que le projet de loi de finances pour 2023 ne reflète pas une prise de conscience de l'urgence et de la gravité de la situation du logement en France.
Vous réclamez un plan massif de rénovation énergétique des logements. Je ne sais pas si, à vos yeux, les 2,8 milliards d'euros attribués à « MaPrimeRénov' » sont une paille mais c'est le plus grand plan qui ait jamais été lancé en la matière, et il a trouvé son public puisque 750 000 Français en ont bénéficié l'année dernière. « MaPrimeRénov' Sérénité » vient le compléter en encourageant la rénovation globale.
Les mécanismes de soutien au logement social sont nombreux : le Fnap et le NPNRU se sont ainsi ajoutés aux dispositifs historiques d'accompagnement. La présidente de l'USH, que l'on ne peut pas soupçonner d'accointances avec le Gouvernement, précise que le parc social est le parc le plus propre sur le plan énergétique : 82 % des logements sont classés entre A et D en ce qui concerne leur performance énergétique ; quant aux logements restants, les bailleurs sociaux ont élaboré des plans pour les mettre à niveau. C'est un signe de la volonté de l'État, manifeste depuis plusieurs années, de proposer des logements sociaux dignes et décents.
Par ailleurs, les bénéficiaires des logements sociaux reçoivent une partie des 13 milliards d'euros alloués aux aides personnelles au logement (APL). Cela participe de l'accès au logement pour tous.
Je n'évoquerai pas, même si elle nous heurte, la baisse des moyens de l'hébergement d'urgence, puisque ce n'est pas dans le champ de votre rapport.
Vous y rappelez à juste titre le rôle solvabilisateur et redistributif de l'APL. Pourtant, au cours du premier quinquennat du président Macron, pas moins de 12 milliards d'euros d'économies ont été réalisées sur elle – baisse de cinq euros, sous-indexations successives par rapport à l'inflation et mesures visant les bailleurs sociaux. Face à la crise du pouvoir d'achat causée par l'inflation, un effort de rattrapage substantiel sur le montant de l'APL n'est-il pas nécessaire ?
Vous consacrez une partie de votre rapport à la relance de la production de logements, dont la dynamique avait été brisée en 2017 par la politique fiscale du Président de la République. Notre groupe avait, dès la discussion de la loi Alur, esquissé une solution consistant à dissocier le bâti du foncier par le biais du bail réel solidaire (BRS). Notre ancien collègue Jean-Luc Lagleize avait proposé d'amplifier la dynamique dans une proposition de loi en 2019. Qu'en pensez-vous ?
Enfin, notre groupe s'inquiète comme vous du retard pris par l'État dans le financement de l'Anru et du NPNRU. Cela nous préoccupe d'autant plus que la réponse qui vous a été faite concernant un éventuel rattrapage est la même que celle qu'avait reçue M. Laqhila lorsqu'il était rapporteur spécial. Seriez-vous ouvert à un amendement visant à procéder dès à présent à un rattrapage ?
Pour répondre à votre première remarque, je souligne que les crédits du programme Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables sont passés de 1,7 milliard d'euros en 2017 à 2,8 milliards pour 2023.
Les places d'hébergement d'urgence ouvertes pendant la crise du covid-19 visaient à répondre à une situation exceptionnelle. Le niveau auquel nous revenons est sensiblement supérieur à celui de 2017, à l'issue du mandat de François Hollande.
En ce qui concerne le NPNRU, je partage votre constat sur le retard dans les engagements de l'État – 92 millions d'euros ont été versés sur le 1,2 milliard promis d'ici à 2031. Le ministère, que nous avons alerté, fait état de discussions avec l'Anru et affirme que celle-ci verra son budget abondé lorsqu'elle sera pleinement en phase opérationnelle – cette phase commence seulement. L'Anru dispose aujourd'hui d'une trésorerie de 1 milliard d'euros, ce qui lui permet de continuer à avancer. La participation de l'État montera en puissance à mesure que les opérations se réaliseront.
L'ambition de la mission Cohésion des territoires en matière de logement est double : d'une part, favoriser l'accès de tous les citoyens à un logement décent et accompagner les parcours résidentiels ; d'autre part, réduire les multiples fractures qui traversent notre pays.
Sur ces deux enjeux majeurs, le budget est insuffisant. En ce qui concerne l'hébergement, je m'associe à la déception des associations quant à la suppression des 14 000 places créées pendant la crise du covid-19 et maintenues à l'issue de la trêve hivernale, alors que 300 000 personnes restent sans abri en France. Vous vous seriez honorés à maintenir cet accueil d'urgence. J'entends les arguments sur la nécessité de privilégier un accueil pérenne au lieu des nuitées d'hôtel. Mais à l'heure où la pauvreté explose, nous avons besoin des deux leviers : accueillir dans l'urgence ceux qui n'ont pas de logement et développer le logement accompagné.
Quant au logement social, il n'est pas vraiment un recours puisqu'il est lui aussi notoirement insuffisant. Je ne veux pas faire le procès du quinquennat précédent, mais il faut reconnaître que certaines décisions ont été très défavorables aux bailleurs sociaux. La baisse du montant de l'APL et la réduction de loyer de solidarité (RLS), bien que tempérée par le pacte d'investissement, ont pesé à hauteur de 1,3 milliard d'euros sur les finances des bailleurs sociaux et à terme, c'est leur capacité à investir qui s'en ressent.
J'en profite pour alerter sur la ponction de 300 millions d'euros sur la trésorerie d'Action Logement. Ce nouveau prélèvement pourrait représenter jusqu'à 26 000 logements abordables de moins à proposer aux salariés. Ce n'est pas en retranchant aux uns pour donner aux autres que nous parviendrons à fluidifier le parcours résidentiel et à donner un logement à tous.
Quant à la hausse des crédits alloués à l'aménagement du territoire, elle traduit une volonté de diminuer la fracture territoriale. Pour autant, elle ne saurait suffire à apporter une réelle amélioration au quotidien des Français qui vivent dans les territoires oubliés. Aussi, nous appelons tout particulièrement à avancer dans l'exécution des contrats de plan État-région (CPER), lesquels ont subi jusque-là une sous-exécution chronique de leurs crédits, notamment en matière de transport. Ne perdons pas de vue, non plus, les négociations à venir sur les contrats de convergence et de transformation qui concerneront des grands projets d'aménagement déterminants pour nos territoires ultramarins.
Nous sommes passés de 140 000 hébergements d'urgence en 2017 à 190 000 aujourd'hui. D'autre part, le dispositif de la RLS, malgré toutes les critiques dont il peut être l'objet, n'a pas de conséquence pour les locataires. Quant à la santé financière des bailleurs sociaux, l'Union sociale pour l'habitat n'est pas inquiète. Enfin, je vous remercie d'avoir reconnu notre objectif de lutte contre la fracture territoriale. Le plan « Action Cœur de ville » et le programme « Petites villes de demain » commencent à être opérationnels.
Article 27 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-CE59 de M. Philippe Naillet.
L'amendement tend à réévaluer le montant des APL de 1,3 milliard d'euros. Rappelons que plus de 12 milliards ont été économisés sur les APL durant le premier quinquennat d'Emmanuel Macron, ce qui a pénalisé les opérations de rénovation et de réhabilitation des bailleurs sociaux.
Suivant l'avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l'amendement.
Amendement II-CE61 de M. Philippe Naillet.
Avis défavorable. La mise en place de la solidarité à la source doit permettre d'aller plus loin.
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-CE62 de M. Philippe Naillet.
L'amendement vise à supprimer le seuil de non-versement des APL. Cette mesure ne coûterait que 10 millions d'euros.
Vous dites dans l'exposé sommaire qu'il n'y aurait plus de coût de gestion. Or il reste des agents dans les caisses d'allocations familiales, chargés de veiller au bon versement des sommes dues. De surcroît, les dernières revalorisations des APL ont permis d'augmenter, en moyenne, les montants versés de 10 à 15 euros pour chaque bénéficiaire.
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-CE63 de M. Philippe Naillet.
Cet amendement, suggéré par l'USH, vise à revaloriser de 25 % le forfait charges, qui s'élève à 68,84 euros depuis juillet 2022. Ce montant ne suffira pas à compenser la hausse des charges – les factures énergétiques ont augmenté de 15 %.
La hausse des prix de l'énergie ne saurait suffire à justifier une telle augmentation. En effet, le Gouvernement a pris de nombreuses mesures, qu'il s'agisse de la baisse de la TICFE, de la hausse exceptionnelle du volume de l'Arenh, du blocage de la hausse des tarifs réglementés de vente d'électricité ou des diverses dispositions de la loi de finances rectificative et de la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, adoptées cet été. De surcroît, les ménages modestes sont éligibles au chèque énergie. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-CE64 de M. Philippe Naillet.
L'amendement vise à harmoniser les barèmes des allocations de logement applicables en outre-mer et en métropole pour la prise en compte du nombre de personnes à charge, afin de mettre fin à une inégalité de traitement. L'évolution que nous proposons ne coûterait que 1 million d'euros.
Votre question est légitime. Si le critère que vous citez n'est pas favorable aux outre-mer, d'autres le sont. En l'espèce, le problème tient au zonage. Je vous invite donc à retirer votre amendement au bénéfice de celui de M. Peu qui aborde aussi la question de la révision des zonages.
M. Naillet a présenté un amendement de justice qui ne peut qu'être adopté. Quels sont les autres critères favorables aux outre-mer que vous évoquez sans les citer ? Je serais curieux de les connaître. Le taux de chômage oscille entre 18 et 30 % dans les outre-mer et 37 % de la population y vit en dessous du seuil de pauvreté.
L'amendement de M. Peu tend à modifier les zonages, mais le mien vise à accorder des crédits supplémentaires. Je le maintiens donc.
Vous prévoyez de débloquer 1 million d'euros mais on ne sait pas combien coûtera cette disposition, une fois les zonages revus. Mieux vaut procéder par étapes, correctement.
La commission rejette l'amendement.
Elle émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Cohésion des territoires non modifiés.
Après l'article 41
Amendements identiques II-CE10 de M. Stéphane Peu et II-CE57 de M. Philippe Naillet.
Des décalages peuvent intervenir entre l'évolution des APL et l'application de la RLS, ce qui nécessite des régularisations. Les sommes en jeu peuvent paraître infimes, mais cela rend les quittances illisibles. Il est donc proposé de caler la RLS sur l'APL du locataire.
La raison de ce décalage est d'éviter que le montant de la réduction des APL soit supérieur à celui de la réduction des loyers. Certes, le mécanisme est complexe mais il est dans l'intérêt des locataires du parc social. Avis défavorable.
Après la création de la RLS, la contemporanéisation des APL a encore aggravé les décalages. Je ne suis pas sûr que cela soit dans l'intérêt des locataires car cela engendre des charges de gestion supplémentaires, qui finissent toujours par être répercutées sur les loyers, et cela nuit à la lisibilité des quittances.
La commission rejette les amendements.
Amendement II-CE12 de M. Stéphane Peu.
Il s'agit de mettre fin à une inégalité de traitement entre l'outre-mer et la métropole qui limite le nombre de personnes à charge à six en outre-mer. La proportion de familles de plus de six enfants en outre-mer ne justifie plus une telle mesure. Par ailleurs, il faut que les pouvoirs publics examinent la possibilité de classer les territoires d'outre-mer en zone géographique I et non plus en zone II. En effet, le prix des loyers en outre-mer se rapproche des prix franciliens, ce qui justifie à nos yeux la modification du zonage.
Cet amendement va dans le sens d'une meilleure équité territoriale, en particulier concernant les APL. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Amendement II-CE18 de M. Stéphane Peu.
S'agissant des bailleurs sociaux, la consommation d'électricité dans les parties communes – digicodes, portes automatiques, portes de garage, ascenseurs, éclairage – n'est pas couverte par le bouclier tarifaire, alors qu'elle ne cesse d'augmenter et peut représenter jusqu'à 20 % de la consommation électrique de chaque ménage. Cela va se traduire par une explosion des quittances, alors même que le forfait charges retenu pour le calcul de l'APL ne bouge pas.
Tout d'abord, cela ne concerne que les parties communes. Ensuite, le droit européen n'a toléré le maintien des tarifs réglementés que pour les consommateurs particuliers ; il ne permet pas d'appliquer le bouclier tarifaire aux organismes de logement social, qui sont juridiquement considérés comme des entreprises.
Par ailleurs, les bailleurs ne facturent pas toujours l'entièreté des factures. Ainsi, un grand nombre d'entre eux ont fait le choix de ne pas répercuter les augmentations de charges et de les absorber eux-mêmes. L'objectif peut être rempli : c'est à la discrétion des bailleurs. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mardi 11 octobre 2022 à 21 h 30
Présents. – M. Xavier Albertini, M. Laurent Alexandre, Mme Anne-Laure Babault, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Philippe Bolo, M. Éric Bothorel, Mme Soumya Bourouaha, M. Frédéric Descrozaille, M. Julien Dive, Mme Christine Engrand, M. Grégoire de Fournas, M. Éric Girardin, M. Johnny Hajjar, M. Alexis Izard, M. Sébastien Jumel, M. Guillaume Kasbarian, M. Maxime Laisney, M. Luc Lamirault, M. Pascal Lavergne, Mme Annaïg Le Meur, Mme Nicole Le Peih, M. Hervé de Lépinau, M. Bastien Marchive, M. William Martinet, M. Max Mathiasin, M. Nicolas Meizonnet, Mme Yaël Menache, M. Philippe Naillet, M. Jérôme Nury, M. Patrice Perrot, Mme Anne-Laurence Petel, M. Dominique Potier, M. Richard Ramos, M. Charles Rodwell, M. Vincent Rolland, Mme Anaïs Sabatini, Mme Danielle Simonnet, M. Matthias Tavel, M. Lionel Tivoli, M. Stéphane Travert, Mme Aurélie Trouvé, M. Jiovanny William
Excusés. – M. Bertrand Bouyx, M. Charles Fournier, M. Perceval Gaillard, Mme Mathilde Hignet, Mme Julie Laernoes, Mme Hélène Laporte
Assistaient également à la réunion. – M. Thibault Bazin, M. Stéphane Peu