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Intervention de Bastien Marchive

Réunion du mardi 11 octobre 2022 à 21h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBastien Marchive, rapporteur pour avis :

Cette année, le PLF est incontestablement marqué par la guerre en Ukraine, qui dure depuis maintenant huit mois et engendre une inflation jamais vue depuis le milieu des années 1980. Et encore, faut-il le rappeler, la France est le pays d'Europe qui résiste le mieux à l'inflation, notamment grâce à l'État, qui a très vite pris ses responsabilités. En effet, en application de la loi de finances rectificative et de la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, adoptées pendant l'été, 20 milliards d'euros ont été débloqués et un bouclier tarifaire a été instauré afin de soutenir le pouvoir d'achat des Français.

Ce PLF a la même ambition et le logement, qui constitue le premier poste de dépenses de nos concitoyens, est largement soutenu. Pour autant, les difficultés ne sont pas encore derrière nous, en particulier pour ce secteur qui a déjà été lourdement frappé par la crise du covid-19. Qu'il s'agisse de la démétropolisation au bénéfice des villes moyennes et de la périurbanité ou du développement du télétravail, nous avons tous pu constater une évolution significative des attentes de nos compatriotes en matière de logement et de cadre de vie.

Victime de l'inflation et de la pénurie qui concerne particulièrement les matériaux de construction, la demande de logement est aujourd'hui très élevée alors que l'offre s'amenuise. Si le nombre des transactions a atteint des niveaux records, c'est également le cas pour leur montant.

Un constat s'impose. Le logement et l'urbanisme sont confrontés à des défis de grande ampleur et doivent se réinventer en visant deux objectifs majeurs : l'accès au logement pour tous et la réussite de la transition environnementale. Telle est l'ambition que traduisent les crédits que je vous présente.

L'accès au logement pour tous est l'un des piliers de la promesse républicaine d'émancipation, de solidarité et de dignité. Il suppose d'accompagner les Français aux différents âges de la vie et tout au long de leur parcours résidentiel.

Les aides au logement, qui constituent la plus grande partie du budget de l'État en la matière, prennent toute leur part dans cet effort. Avec la revalorisation de 3,5 % votée cet été, près de 300 millions d'euros supplémentaires sont prévus, ce qui porte les crédits à 13,3 milliards et permet de maintenir les impayés à un niveau constant. Quant à la réforme du versement en temps réel, elle constitue une réussite selon le directeur de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), puisqu'elle a permis d'ajuster le versement des prestations au plus près des ressources des bénéficiaires et de l'accélérer.

Voilà qui est de bon augure avant la grande mesure de justice sociale qu'est la solidarité à la source. En cours d'expérimentation, cette réforme mettra fin au non-recours par nos concitoyens à l'ensemble des prestations sociales auxquelles ils ont droit. Elle se traduira également par une baisse drastique des erreurs de versement et des fraudes, toujours au bénéfice de ceux qui en ont le plus besoin, ce dont on ne peut que se réjouir.

Si les aides concourent à garantir aux locataires l'accès à un logement, l'objectif est bien de leur permettre de devenir propriétaires. Le renforcement du prêt à taux zéro (PTZ) et de l'accompagnement à l'accession à la propriété ou encore la prime de transformation de l'habitat « MaPrimeAdapt' » sont des outils à notre disposition pour y contribuer. Il en est de même pour le taux d'usure, nécessaire à la protection des Français les plus modestes, sur lequel notre président et moi avons alerté la Banque de France. L'évolution du mode de calcul proposée par l'Union sociale de l'habitat (USH), en vue de comptabiliser l'accession sociale de manière différenciée, pour permettre son accès à un plus grand nombre, semble une piste intéressante.

Néanmoins, avoir un logement ne fait pas tout. Encore faut-il qu'il soit digne et décent. Tel était déjà l'objet de la loi Elan et des mesures de résorption de l'habitat indigne qu'elle contenait, notamment pour lutter contre les marchands de sommeil. Tel est aussi l'objet de notre politique de rénovation énergétique, qui améliore le confort de vie des Français à mesure qu'elle réduit l'impact environnemental du logement.

Là aussi, le budget traduit nos ambitions en augmentant de plus de 15 % les crédits consacrés au dispositif « MaPrimeRénov' », lesquels avaient déjà doublé l'an dernier et atteindront 2,8 milliards d'euros en 2023. L'Agence nationale de l'habitat (Anah) a, depuis la création du dispositif qu'elle gère, doublé ses effectifs et multiplié par dix son activité, passant de 75 000 logements rénovés en 2017 à 750 000 l'an dernier. Ces chiffres traduisent le succès du dispositif. Certes, tout n'est pas encore parfait puisque selon l'Anah, 85 % des chantiers financés concernent des opérations monogestes, mais la transition énergétique est en marche.

« MaPrimeRénov' » est une porte d'entrée inédite dans le logement de tous les Français. L'essentiel de la hausse des crédits du programme est destiné à renforcer le dispositif « MaPrimeRénov' Sérénité » afin d'amplifier la rénovation énergétique globale des logements.

Des pistes d'amélioration demeurent, notamment pour mieux corréler le montant de la prime à celui de l'investissement réalisé. Il ressort également des auditions que le faible taux d'accompagnement des ménages relevant des déciles supérieurs nuit à l'attractivité du dispositif. Enfin, les modalités d'accompagnement des copropriétés, qui représentent 10 millions de logements en France, devront être renforcées car du retard est pris en raison de la complexité des situations.

Si « MaPrimeRénov' » s'adresse au parc privé, le logement social est lui aussi partie intégrante de cet effort de sobriété. Comme l'a souligné Emmanuelle Cosse, présidente de l'USH, le parc social fait déjà office d'exemple en matière de performance énergétique puisque 82 % des logements sociaux sont classés de A à D. Pour atteindre nos objectifs en matière de décence, l'effort doit être poursuivi et le renfort de 200 millions d'euros du Fonds national des aides à la pierre (Fnap) est à la hauteur des enjeux.

L'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) joue également un rôle essentiel dans le renouvellement urbain des quartiers prioritaires et la rénovation du parc social. Après une phase de conception de cinq ans, le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) commence à décaisser les sommes nécessaires et les chantiers débutent.

À côté de l'accompagnement social, l'effort en faveur de la transition écologique et de la décence des logements constitue un des piliers de notre politique. Cette transition nécessite toutefois une réflexion globale sur nos modes d'habitat, de développement urbain et d'aménagement du territoire.

Dans une perspective de sobriété et de souveraineté alimentaire, l'un des axes majeurs de notre politique urbanistique est la protection des sols, en particulier lorsqu'ils sont naturels ou agricoles. L'objectif de réduction de l'artificialisation nette des sols, adopté de manière transpartisane dans le cadre de la loi « Climat et résilience », traduit cette ambition. La sauvegarde de la biodiversité mais aussi la lutte contre les îlots de chaleur et, à terme, contre les catastrophes naturelles y contribuent également.

Les élus locaux ont un rôle considérable à jouer. Vous n'êtes pas sans savoir que des discussions sont en cours pour parvenir à une mise en œuvre de l'objectif de réduction de l'artificialisation nette des sols dans les meilleures conditions possibles.

Préserver les sols ne signifie pas renoncer à toute nouvelle construction, loin de là. Cela suppose en revanche de revoir notre modèle de développement, historiquement fondé sur l'étalement urbain et le mitage des territoires, qui font de la France l'État européen le plus consommateur de foncier. L'heure est désormais au renouvellement urbain, à la construction de la ville sur la ville et à la densification du bâti. Cela fait des années que l'on en parle, et cela doit maintenant devenir une réalité.

Le Fonds vert, annoncé dès le mois de juillet par la Première ministre et abondé à hauteur de 1,5 milliard d'euros, voire de 2 milliards selon les dernières déclarations, est une preuve de notre engagement en la matière. Il vise à financer les projets qui concourent à la réhabilitation des friches urbaines, poursuivant ainsi le travail du fonds friches, qui a connu un tel succès depuis son lancement en 2020 qu'il a dû être réabondé à deux reprises.

L'amélioration du cadre de vie suppose enfin de réhabiliter nos centres-villes et nos centres-bourgs pour penser le développement à l'échelle du bassin de vie. Telle est la logique des programmes « Action Cœur de ville » et « Petites villes de demain », qui font appel aux notions de centralités structurantes et de projets de territoires.

Face à ces mutations, nous devons également repenser la fiscalité.

En ce qui concerne le foncier, les terrains constructibles non bâtis, qui iront nécessairement en se raréfiant, sont essentiels pour que nos territoires puissent poursuivre leur développement tout en protégeant les sols. Ils ne sauraient ainsi faire l'objet de rétentions foncières.

Une réforme fiscale est également nécessaire pour favoriser l'investissement locatif et répondre à une demande croissante des locataires. Cette réforme a commencé par la transformation du dispositif « Louer abordable » en « Loc'Avantages », qui vise à assouplir les conditions de l'investissement locatif. Les dispositifs « Pinel » et « Denormandie » dans l'ancien » devraient aussi évoluer : le premier, même s'il ne donne pas entière satisfaction et doit s'éteindre bientôt, reste à ce jour la principale source d'activité pour les promoteurs et aménageurs, qui voient le nombre de programmes prévus s'amenuiser ces dernières semaines ; quant au second, il n'a pas vraiment trouvé sa place.

La réflexion sur nos dispositifs fiscaux doit aussi intégrer la question du fort développement des meublés de tourisme, en particulier dans certains territoires côtiers ou montagneux. Ces logements bénéficient d'abattements fiscaux préférentiels par rapport aux locations de longue durée, alors que leur essor contribue à entretenir la spéculation immobilière dans la mesure où le marché locatif se tend. Dans certains secteurs, les résidents sont privés de logement parce que les biens jusqu'alors affectés à la location de longue durée sont transformés en meublés de tourisme. Un rééquilibrage des conditions de la concurrence entre le marché locatif et celui des meublés de tourisme semble nécessaire, par exemple en ce qui concerne les obligations de rénovation énergétique, auxquelles l'un est soumis et l'autre non. Je ne doute pas que nous nous doterons bientôt d'un instrument législatif en la matière.

Les changements à venir sont colossaux. Ils auront un impact majeur sur notre capacité à produire des logements abordables, économes en énergie et peu consommateurs de foncier. Le défi est immense, en particulier pour les acteurs de la construction, dont le modèle économique et les compétences devront être adaptés, tout comme pour les bailleurs sociaux qui, sans le soutien de l'État et des collectivités, ne pourraient faire face à la hausse des coûts de construction et à l'augmentation des prix du foncier.

J'insiste sur l'effort considérable fourni dans le PLF pour faire face aux défis qui nous attendent. La mobilisation en faveur de l'accès au logement pour tous et les moyens alloués pour adapter nos modèles urbains à la transition écologique sont importants, en particulier dans le contexte que nous traversons. J'émets donc un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Cohésion des territoires pour ce qui concerne le logement et l'urbanisme.

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