Commission des affaires étrangères

Réunion du jeudi 7 décembre 2023 à 11h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission procède à l'audition ouverte à la presse, de M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger, sur le Conseil des affaires étrangères (commerce) du 27 novembre 2023.

Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président.

La séance est ouverte à 11 h 15

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Nous recevons ce matin un membre du Gouvernement qui connaît bien notre commission : M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger.

Nous vous entendons, Monsieur le ministre délégué, quelques jours après la tenue du Conseil des affaires étrangères de l'Union européenne (UE) plutôt que quelques jours avant comme c'était initialement prévu, en raison de votre participation au Conseil des ministres du 22 novembre.

Le 31 août dernier, vous avez présenté le plan Osez l'export, qui vise à porter à 200 000 le nombre de nos entreprises exportatrices à l'horizon 2030, contre 150 000 aujourd'hui et, par-là, à retrouver une balance commerciale à l'équilibre, voire excédentaire. Ce plan est à la fois ambitieux et nécessaire : les échanges extérieurs reflètent la capacité de notre pays à tenir son rang dans le monde.

Quelques jours auparavant, le 8 août, vous avez rendu publics les chiffres de notre commerce extérieur pour le premier semestre de 2023 ; plutôt rassurants, ils font apparaître une réduction du déficit de la balance courante des biens, services et revenus de 30 milliards d'euros. Nos exportations de biens et services ont nettement progressé en volume au deuxième trimestre, tandis que les importations se sont stabilisées. Vous avez déclaré que la France « tire son épingle du jeu » : j'apprécie cette expression prudente, dénuée de triomphalisme. Voyez-vous dans ces chiffres l'amorce d'un redressement durable ?

L'accord commercial entre l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande, en négociation depuis plus de quatre ans, a été formellement signé le 9 juillet dernier. C'est le premier accord commercial européen qui contienne un chapitre dédié au développement durable. Alors que le commerce bilatéral de biens entre les deux zones a représenté un peu plus de 9 milliards d'euros en 2022, les exportations de l'UE vers l'archipel néo-zélandais pourraient augmenter de 4,5 milliards d'euros par an.

Le groupe La France insoumise a caressé l'idée d'inscrire à l'ordre du jour de sa journée réservée, le 30 novembre dernier, l'examen d'une proposition de résolution visant à obliger à une ratification de cet accord par chacun des Vingt-sept. Ayant été parlementaire européen avant d'être député français, je craindrais pour ma part la paralysie qu'une telle procédure ne manquerait pas d'entraîner ! La règle est que les accords commerciaux sont ratifiés par le Parlement européen, dont je rappelle qu'il est, comme le nôtre, élu au suffrage universel. La démarche de nos collègues me paraissait d'autant plus paradoxale que cet accord innove en intégrant nos préoccupations environnementales, même si je comprends que l'on puisse s'y opposer naturellement.

D'autres accords similaires pourraient suivre. Vous nous direz s'il est toujours envisagé de signer un accord de libre-échange avec l'Indonésie. Par ailleurs, quelles suites le Gouvernement entend-il donner au vote par notre Assemblée, le 13 juin 2023, d'une résolution sur l'accord commercial entre l'Union européenne et le Marché commun du Sud (Mercosur) ? Cet accord est revenu dans l'actualité ces derniers jours, puisqu'un sommet du Mercosur se tient à Rio aujourd'hui. Nos revendications, notamment la prise en considération des exigences environnementales, sont bien connues mais l'équation politique latino-américaine a changé du fait de la réélection du président Lula au Brésil et du résultat ô combien baroque de l'élection argentine – ne voyez dans ce terme aucune connotation négative mais seulement l'allusion à une esthétique fort appréciée des Argentins.

Le Conseil des affaires étrangères du 27 novembre, dévolu au commerce, est donc intervenu dans un contexte assez dense. Nous attendons votre analyse des résultats de ce rendez-vous semestriel important.

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Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargées du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger

Je retrouve cette commission avec beaucoup de plaisir et n'oublie pas, ayant moi-même été député, que les fonctions ministérielles sont temporaires !

Le Conseil des affaires étrangères qui s'est tenu le 27 novembre dernier était consacré au commerce. Quatre points principaux y ont été abordés : la préparation de la treizième conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui se tiendra du 26 au 29 février prochains à Abu Dhabi ; les relations de l'Union européenne avec les États-Unis d'Amérique ; le rapport de la Commission européenne sur la mise en œuvre des accords de commerce ; les nouveaux accords commerciaux avec la Nouvelle-Zélande, l'Australie et le Mercosur, le premier étant tout juste signé et les autres encore en négociation.

S'agissant de la conférence ministérielle de l'OMC, celle-ci vise à relancer la réforme de cette organisation, dont l'organe d'appel de règlement des différends est, vous le savez, paralysé depuis plusieurs années, notamment parce que nos amis américains n'y ont nommé personne. L'absence de résolution des litiges constitue un frein au multilatéralisme, cette situation encourageant les États à prendre des mesures unilatérales puisqu'ils ne peuvent plus constituer des comportements irrespectueux des règles communes. Nous souhaitons trouver avec les Américains un moyen de rendre à nouveau effectif cet organe de règlement des différends.

Nous souhaitons aussi travailler sur d'autres sujets. Lors de la dernière réunion ministérielle, en 2022, nous avions ainsi approuvé un accord sur l'interdiction des subventions à la pêche illégale ; c'est une question que nous voulons continuer d'approfondir.

S'agissant des relations avec les États-Unis, pays allié et néanmoins ami, nous avons différents sujets de préoccupation, notamment à la suite de l' Inflation Reduction Act (IRA). Nous cherchons ainsi des accords sur les contenus des batteries, sur les minéraux critiques ou encore sur les importations de voitures destinées à la location dans le cadre de procédures de leasing.

Des contentieux ont mis sur la table deux sujets majeurs, que nous espérons régler définitivement : la question de l'acier et de l'aluminium, depuis 2018 ; les relations entre Airbus et Boeing. Sur l'acier et l'aluminium, des accords temporaires ont, en 2021, permis de lever les mesures douanières prises par les États-Unis et, en réaction, par l'Union européenne. Nous voulons à la fois agir contre la surproduction constatée au niveau mondial et mieux répartir les quotas, par pays ou par type d'acier, qui étaient envisagés jusque-là. À défaut d'un accord permanent que nous n'avons malheureusement pas encore trouvé, nous espérons prolonger après le 1er janvier les accords temporaires de levée des barrières tarifaires.

S'agissant du rapport de la Commission européenne sur la mise en œuvre des accords de commerce, qui est évidemment dans l'intérêt de nos entreprises, un chief trade enforcement officer a été nommé. On parle de « procureur commercial » mais je n'aime pas beaucoup ce terme ; c'est un agent qui a pour mission de vérifier, dossier par dossier, que les mesures prévues par les accords de commerce sont effectivement appliquées. Il accompagne les entreprises et les États qui rencontreraient des blocages d'autres États.

Nous agissons pour que ces accords de commerce profitent à nos entreprises : le gain annuel en droits de douane est estimé à 3 milliards d'euros. Nous multiplions les événements avec les différentes filières pour bien les informer. Trop d'entreprises renoncent, par ignorance, à des exemptions ou à des baisses de droits de douane : cela nuit à la compétitivité.

S'agissant enfin des accords commerciaux, nous avons ratifié l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande. Vous avez rappelé, monsieur le président, qu'il s'agit du premier d'une nouvelle génération d'accords visant à remettre l'humain et la planète au cœur des accords commerciaux. On a longtemps reproché aux accords commerciaux de ne pas prendre en considération les questions environnementales ou sociales : nous avons entendu ce message et, sous la présidence française de l'Union européenne, nous avons entamé une révolution : les accords de l'Organisation internationale du travail (OIT) – pour interdire par exemple le travail forcé et le travail des enfants – et l'accord de Paris sont devenus des clauses essentielles. Nous avons mis en place le règlement sur la déforestation et la dégradation des forêts. Nous avons modifié le chapitre sur le commerce et le développement durable en instaurant des procédures et des sanctions pour que nous puissions nous opposer à l'importation de produits si les normes fixées dans les accords n'étaient pas respectées. Nous développons les clauses miroir, afin que les règles suivies par nos propres producteurs s'imposent aussi à ceux qui souhaitent exporter vers l'Union européenne.

L'accord commercial avec l'Australie reprend l'accord avec la Nouvelle-Zélande et ses standards sociaux et environnementaux. Les négociations n'ont pas abouti en marge de la réunion du G7 à Osaka : il y a un blocage sur les questions industrielles et agricoles. En ce qui concerne la viande ovine, par exemple, nos amis australiens demandaient un quota de 38 000 tonnes équivalent carcasse, soit un peu plus de 11 % du marché européen et l'équivalent de ce que nous avions accordé aux Néo-Zélandais. Dans ce dernier accord, c'était notre concession majeure ; de plus, la Nouvelle-Zélande ne remplissant pas à l'époque son quota OMC pour la viande ovine, il était peu probable qu'elle l'atteigne dans le cadre de notre accord de libre-échange. Il n'y avait donc pas de risque pour la filière ovine européenne. Or, il en va différemment de l'Australie qui, elle, connaît une crise de surproduction. Ouvrir de nouveaux quotas aux niveaux que les Australiens demandent revenait à risquer des arrivées brutales et massives de viande ovine sur le marché européen, donc à mettre en danger notre propre filière. Nous avons donc considéré qu'il n'était pas opportun d'accepter les demandes australiennes. Aucun accord n'a pu être conclu. Nous verrons à l'avenir si des propositions plus acceptables seront faites.

En ce qui concerne le Mercosur, c'est plus compliqué. Les États qui en sont membres ont eu plus de mal à accepter la nouvelle approche de l'Union européenne. Sur les normes environnementales, sur l'accord de Paris, sur la déforestation, ils considèrent nos exigences comme un protectionnisme déguisé, voire un néo-impérialisme, qui essaie d'imposer des normes que ces pays ne sont pas capables de respecter. Notre analyse a toujours été que nous pouvons être ouverts sur l'extérieur mais à des conditions qui ne créent pas de concurrence déloyale. Or nous consentons d'importants efforts pour élever nos standards, pour protéger l'environnement et la planète : si nous importons des produits qui ne respectent pas ces normes, nous soumettons nos propres producteurs à une concurrence déloyale. Le Gouvernement a donc tenu bon – c'est aussi le sens de la résolution votée par l'Assemblée nationale : il n'est pas question d'accepter un accord qui ne ferait pas de celui de Paris une clause essentielle, qui n'intégrerait pas un chapitre sur le développement durable reprenant les meilleurs standards et instaurant des mécanismes contraignants d'application de ces dispositions, qui ne contiendrait pas de clauses miroir, notamment en matière de déforestation.

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Si je vous comprends bien, cela ne va donc pas de soi pour tous les pays européens.

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Olivier Becht, ministre délégué

En effet. Certains voudraient aboutir coûte que coûte. J'entends évidemment leurs préoccupations, notamment celles de l'Allemagne, qui a besoin d'ouvrir de nouveaux marchés, notamment à son industrie automobile, afin de diminuer sa dépendance notamment vis-à-vis du marché chinois. Il faudra trouver dans les prochains mois des voies qui permettent de répondre à ces problèmes mais cela ne peut se faire au détriment de l'agriculture française, ce qui serait le cas si nous renoncions à l'application des normes que nous nous sommes fixées en matière d'environnement, de biodiversité ou de déforestation.

Nous verrons aussi ce que le nouveau président de l'Argentine, M. Milei, décidera. Pour le moment, les États membres ont demandé à la Commission européenne de ne pas signer l'accord tant que nos demandes ne sont pas acceptées.

Ma conviction, c'est qu'il sera difficile, avec certains pays du Sud, de signer des accords globaux. Il sera sans doute plus intéressant d'envisager des accords sectoriels, par exemple celui sur les minéraux critiques. Les négociations visant à renouveler l'accord avec l'Indonésie, que vous avez évoqué monsieur le président, sont toujours en cours. Nous avons aussi signé un accord avec le Chili, notamment sur la fourniture de lithium, métal essentiel à notre transition énergétique.

J'en viens au plan Osez l'export, qui est en cours de déploiement. Il comprend des outils nouveaux, comme les volontaires territoriaux à l'export – pendants en France des volontaires internationaux en entreprise, qui aideront nos entreprises à élaborer des stratégies d'exportation et à calibrer leurs productions pour exporter –, l'académie de l'export, les salons « Pavillon France » ou les e-vitrines. Nous prévoyons aussi un accompagnement « booster » pour les entreprises qui bénéficient du plan France 2030, afin que la réindustrialisation française soit pensée pour s'exporter et pas seulement pour répondre aux besoins du marché national.

Combiné aux mesures que nous prenons pour faire diminuer notre dépendance énergétique et à notre action en faveur de la réindustrialisation, ce plan devrait faire diminuer notre déficit commercial, dont la baisse – soyons honnêtes – est principalement liée au reflux des prix de l'énergie et à la remise en marche de nos centrales nucléaires.

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Olivier Becht, ministre délégué

Tout à fait. Ces chiffres sont de bonnes nouvelles mais le combat est loin d'être gagné : nous devons maintenir nos efforts pour accompagner nos petites et moyennes entreprises (PME) à l'exportation, œuvrer à la transition énergétique et réindustrialiser notre pays, afin d'exporter les surplus ainsi réalisés.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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Dans la course visant à faire tomber les barrières tarifaires et à niveler par le bas les normes européennes, la France, guidée par l'obsession européenne libre-échangiste, semble comme un poisson dans l'eau. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. L'accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande a été ratifié, un accord avec le Mexique est en voie de toilettage et les discussions sont en train d'aboutir pour des accords avec le Chili, avec le Kenya et avec l'Inde – sans parler de l'accord avec le Mercosur qui finira par revenir, même s'il a du plomb dans l'aile, et sans parler non plus de la volonté des présidents Macron et Xi Jinping de relancer l'accord entre l'Union européenne et la Chine.

Tous ces accords de libre-échange ont un point commun : ils soutiennent une politique libérale visant à supprimer les droits de douane. Alors que ceux-ci constituent la seule ressource propre de l'Union européenne, leur contribution au budget de l'UE est passée de 28 %, en 1988, à 16 %, en 2018, et cet écart a été comblé par les contributions des États. Ce sont donc bien les peuples qui payent la facture des accords de libre-échange.

Ces accords nivellent les normes, afin de standardiser la fabrication des produits échangés à l'échelle mondiale. Mais pourquoi continuer à en négocier alors que nous avons constaté, durant la crise du Covid, que les chaînes d'approvisionnement mondiales étaient précaires ? Pourquoi continuer dans une voie qui va à l'encontre des objectifs de développement durable et de sauvegarde de notre souveraineté alimentaire et sanitaire ?

Pour faire avaler la pilule, vous mettez désormais en avant les clauses miroir, censées interdire l'importation de produits qui ne respectent pas les normes les plus élevées des deux parties. Si ces clauses sont aussi protectrices que vous le dites, pouvez-vous nous garantir qu'elles figureront systématiquement dans les accords que la France soutiendra ?

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Olivier Becht, ministre délégué

Le protectionnisme que vous défendez a, selon nous, deux conséquences. À l'importation, les barrières tarifaires renchérissent le prix des produits et cette inflation se traduit concrètement par une baisse de pouvoir d'achat. En outre, les murailles que vous voudriez élever autour de notre pays pour y empêcher l'entrée de produits étrangers empêcheraient les nôtres de sortir ! Les 150 000 entreprises françaises qui exportent ne pourraient plus le faire, ce qui entraînerait des suppressions d'emplois, y compris parmi les dockers du port du Havre qui vivent en grande partie de ces échanges.

Dans le cadre du plan France 2030, nous travaillons à la relocalisation d'industries stratégiques pour sortir de la dépendance que nous avons subie durant la crise du Covid. Quant à nos agriculteurs, nous prenons en compte leurs préoccupations : si nous n'avons pas signé avec l'Australie ou avec le Mercosur à n'importe quelles conditions, c'est bien pour les défendre. Nous n'hésitons pas à dire non lorsqu'il le faut.

Les accords de nouvelle génération, comme celui signé avec la Nouvelle-Zélande, accordent une place prépondérante à la cause environnementale : respect de l'accord de Paris, lutte contre la déforestation, respect de la biodiversité et du bien-être animal, interdiction des hormones.

Enfin, les clauses miroir figurent bien dans l'ensemble des accords ; mieux encore, elles s'appliquent à l'ensemble des pays, y compris ceux avec lesquels nous n'avons pas d'accord commercial. Elles protègent ainsi les producteurs français en imposant le respect de nos normes.

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Le Conseil des affaires étrangères du 27 novembre dernier vous a permis, monsieur le ministre délégué, de préparer la treizième conférence ministérielle de l'OMC et d'évoquer le calendrier de l'adoption de l'accord avec le Chili, les relations bilatérales avec les États-Unis ou encore l'accord avec le Mercosur. Notre groupe salue les efforts du Gouvernement pour défendre la position française, qui peut se résumer ainsi : les accords de libre-échange sont importants mais pas à n'importe quel prix, ni dans n'importe quelles conditions. Celles-ci sont simples : respect de l'accord de Paris, lutte contre la déforestation, prise en compte des normes sociales et sanitaires de l'Union européenne et instauration de mécanismes de sanction.

Vous avez défendu avec force l'ambition française dans les négociations de l'Union européenne avec la Nouvelle-Zélande et avec le Chili, réussissant à instaurer des accords dits de nouvelle génération, et continuez de la défendre dans les négociations avec le Mercosur. Notre groupe est profondément convaincu de l'importance d'adopter une politique commerciale résiliente et ouverte.

Ayant été entrepreneur dans une autre vie, je suis particulièrement sensible à l'accompagnement des acteurs économiques français à l'étranger. Les filiales des entreprises françaises à l'étranger participent au rayonnement de notre pays à travers le monde et le nombre d'entreprises françaises exportatrices est en nette progression ces dernières années, atteignant 150 000. Cette présence économique française à l'international permet de faire reculer notre déficit commercial.

Entre la Coupe du monde de rugby qui vient de s'achever et les Jeux olympiques qui approchent, c'est le moment de vanter l'attractivité de la France. Les entreprises françaises sont attendues. Il y a une dizaine de jours, le président de la République a reçu à l'Élysée, dans le cadre du programme ETIncelles, une centaine d'entrepreneurs exportateurs. À cette occasion, la présidente de l'entreprise aixoise Aramine, Geneviève Melkonian, a prononcé des mots touchants : « Avant, en France, les chefs d'entreprise n'étaient pas aimés. Aujourd'hui, les Français aiment les chefs d'entreprise. C'est grâce à vous, monsieur le président, et à votre politique volontariste. Oui, la France est un pays d'audace. »

À ce sujet, monsieur le ministre délégué, la progression du commerce extérieur constatée au premier semestre 2023 se poursuit-elle ? Quelles sont les mesures mises en place pour continuer à soutenir le développement à l'international de nos PME et pour favoriser leur accès aux marchés étrangers ?

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Olivier Becht, ministre délégué

Je vous remercie d'avoir souligné la nouvelle approche prônée par la France depuis qu'elle a assuré la présidence de l'Union européenne, visant à mettre la planète et l'humain au cœur des accords de libre-échange.

Vous avez raison d'évoquer l'attractivité de la France, qui est depuis quatre ans la première destination des investissements étrangers en Europe. Chaque année, les plus de 1 550 projets que nous accueillons se traduisent par la création de plusieurs dizaines de milliers d'emplois. C'est une bonne nouvelle pour notre pays, d'autant plus que la moitié de ces projets s'implantent dans des territoires ruraux ou périurbains, contribuant ainsi à résorber les fractures territoriales apparues ces dernières années.

Si les entreprises françaises sont effectivement attendues dans le monde, elles le sont plus particulièrement en Afrique. On entend parfois dire que notre présence y serait en déclin et que nos entreprises en seraient chassées. Pourtant, rien n'est moins vrai. Il y a aujourd'hui, en Afrique, deux plus fois plus d'entreprises françaises et trois fois plus d'investissements français qu'il y a dix ans.

Parmi les mesures de soutien aux PME du plan Osez l'export, on peut notamment relever le volontariat territorial en entreprise (VTE).

Quant à la tendance à la réduction du déficit extérieur, elle est aujourd'hui durable. Nous espérons qu'elle se prolongera et nous agissons en ce sens.

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À la suite de la dernière réunion du Conseil des affaires étrangères, les nouveaux accords de libre-échange avec le Chili et la Nouvelle-Zélande ont donné lieu à nombreux débats. Avant que vous ne récitiez vos éléments de langage habituels quant aux méfaits du contrôle des frontières et d'une économie protégée de la concurrence sauvage, je rappelle que l'ensemble des pays de la planète protègent leur économie, à commencer par les États-Unis.

Les accords de libre-échange s'inscrivent dans le cadre de la stratégie économique globale de l'Union européenne, qui vise à établir des partenariats avec le plus grand nombre possible de pays, dans l'idée de déréguler le marché européen et de l'ouvrir aux quatre vents de la mondialisation.

Avant de se féliciter de la multiplication des accords de libre-échange, ne faudrait-il pas renforcer la compétitivité des industries française et européenne et protéger notre économie ? Libre-échange ou pas, si nous suivons le cap fixé par le Gouvernement et par la Commission européenne, nous n'aurons bientôt plus rien à échanger. Notre économie est dépassée par ses concurrents extra-européens, notamment du fait de la crise énergétique. Le Gouvernement est directement responsable de cette crise, en raison de ses errements sur le nucléaire et de sa politique de sanctions énergétiques non ciblées, qui est à la fois contre-productive et incohérente. L'Union européenne n'achète plus d'hydrocarbures à la Russie en raison de la guerre contre l'Ukraine mais se fournit en gaz auprès de l'Azerbaïdjan, qui massacre les Arméniens.

Il est grand temps, monsieur le ministre délégué, que vous et le Gouvernement mettiez la protection de notre économie et la défense de nos intérêts au cœur de votre politique car ce n'est clairement pas le cas aujourd'hui.

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Olivier Becht, ministre délégué

Vos propos sont très inexacts et vous trompez les Français lorsque vous dites que la France ne produit plus. Notre pays peut être fier d'abriter les premières entreprises mondiales dans de très nombreux secteurs comme l'aéronautique, les vins et spiritueux, la mode, les cosmétiques ou la pharmacie, sans parler de Veolia, leader mondial dans le secteur de l'environnement, et d'Electricité de France (EDF), deuxième énergéticien mondial.

Toutes les réformes lancées par la majorité depuis six ans ont permis d'inverser le mouvement de désindustrialisation que subissait notre pays depuis trente ans. Depuis quelques années, il y a plus d'ouvertures que de fermetures d'usines, avec plus de 300 nouvelles implantations.

La signature d'accords de libre-échange ne signifie en rien que nous ne protégeons pas notre économie. Nous disposons, pour la protéger, d'instruments anticoercition et antisubventions ; la Commission européenne a ainsi lancé une investigation sur les subventions chinoises accordées notamment aux véhicules électriques. C'est aussi pour protéger notre économie que nous n'avons pas signé les accords avec le Mercosur et l'Australie, considérant qu'ils ne protégeaient pas assez l'environnement et nos filières agricoles.

Si nous avons signé l'accord avec le Chili, c'est parce qu'il ne sert à rien de réindustrialiser notre pays et d'accueillir des gigafactories de batteries si nous ne disposons ni de lithium, ni de terres rares. Sans accord privilégié avec les pays producteurs, nous dépendrons exclusivement de la Chine. Est-ce ce que propose le Rassemblement national ?

Vous cherchez à faire croire aux Français que l'on pourrait construire des murailles tout autour de notre pays. Mais, en restaurant des frontières en Europe, votre politique empêcherait l'exportation de produits français vers les autres pays européens et aboutirait à la destruction de l'Union. Le protectionnisme que vous prônez se traduirait par une hausse de l'inflation, par la destruction de nos industries et par la baisse de notre compétitivité.

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Le 30 novembre dernier, mon groupe aurait dû défendre une proposition de résolution pour s'opposer à la ratification de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande et la soumettre au Parlement français. Mais, trois jours auparavant, le Conseil de l'Union européenne a ratifié l'accord en catimini, sans aucune consultation des Parlements nationaux. Pourtant, un traité qui prévoit d'accroître de 30 % en dix ans le volume des échanges bilatéraux entre l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande mériterait au moins un débat et un vote à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Vous aurez beau le présenter sous son meilleur jour, un traité de libre-échange reste un traité de libre-échange, même agrémenté de « greenwashing ». La Nouvelle-Zélande est à 19 000 kilomètres de la France : l'étude d'impact réalisée par la Commission européenne souligne que ce traité aura pour conséquence une hausse de 47 % des émissions de gaz à effet de serre, principalement due à l'augmentation des exportations de machines, de voitures et de produits chimiques.

Cet accord sera néfaste pour l'agriculture européenne, notamment française. Il prévoit une augmentation des exportations de viande et de lait de Nouvelle-Zélande vers l'Europe, par exemple, alors que les coûts de production sont plus faibles là-bas : c'est de la concurrence déloyale !

Vous évoquez l'inflation que provoqueraient les mesures prônées par La France insoumise. Pourtant, vous avez rejeté la proposition de loi que nous avons défendue dans le cadre de notre niche parlementaire, visant à encadrer, grâce à des prix planchers, les marges exorbitantes réalisées par les entreprises de l'agroalimentaire et de la grande distribution. Il est donc faux d'affirmer que nous ne tenons pas compte de cette réalité.

L'accord avec la Nouvelle-Zélande autorise par ailleurs la vente de viande empoisonnée en France, puisqu'il permet le contournement des normes sanitaires européennes. Désormais, les Français pourront consommer de la viande contenant de l'atrazine, un herbicide toxique interdit dans la plupart des pays européens.

Si vous contournez le Parlement au mépris de l'enjeu démocratique, c'est parce que vous savez que vous n'avez pas la légitimité nécessaire à la conclusion d'accords de libre-échange. Pas moins d'une cinquantaine d'associations, de syndicats et de collectifs s'opposent en effet à celui qui a été signé avec la Nouvelle-Zélande, ainsi qu'à tous les autres.

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Olivier Becht, ministre délégué

Vous contestez la légitimité démocratique des institutions européennes pour conclure des accords de libre-échange, lesquels relèvent pourtant, aux termes du traité de Maastricht que la France a approuvé par référendum en 1992, d'une compétence de l'Union. En outre, les traités de libre-échange ne sont pas simplement ratifiés par le Conseil de l'Union : ils sont également votés par le Parlement européen, élu au suffrage universel direct, dès lors qu'ils relèvent de la compétence exclusive de l'Union européenne. Ils sont soumis aux Parlements nationaux lorsqu'ils relèvent d'une compétence mixte, ce qui n'est pas le cas de l'accord avec la Nouvelle-Zélande.

Vous dites qu'il ne faudrait pas commercer avec ce pays, compte tenu de son éloignement. Mais, à refuser tous les produits qui viennent de loin, vous priveriez les Français d'un certain nombre de biens !

Par ailleurs, il est complètement faux de parler de viande empoisonnée. Les viandes qui sont importées dans l'Union européenne respectent évidemment les normes sanitaires imposées pour la commercialisation des produits.

Vous affirmez, enfin, que La France insoumise aurait toutes les réponses face à la situation actuelle et proposez de fixer des prix planchers. Mais en période inflationniste, un blocage des prix couplé à une augmentation des salaires conduirait à la fermeture de petites entreprises, par exemple de boulangeries. Cela, vous ne le dites pas aux Français !

Votre politique, comme celle du Rassemblement national, n'aurait qu'une conséquence : elle ruinerait l'économie française et ferait payer l'addition aux consommateurs.

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Monsieur le ministre délégué, je tiens tout d'abord à vous exprimer la satisfaction de notre groupe quant à la position exigeante et ferme de la France, visant notamment à la défense d'intérêts commerciaux respectueux de l'environnement et à la protection des travailleurs au sein de l'Union européenne : je pense en particulier à l'accord avec la Nouvelle-Zélande, que vous avez évoqué, et à celui qui était prévu avec l'Australie, que vous ne souhaitez pour l'instant pas ratifier. Dernièrement, l'opposition du président Macron à l'accord entre le Mercosur et l'Union européenne a été une autre parole forte pour dénoncer le manque de considération envers la biodiversité, le réchauffement climatique et la protection des travailleurs.

Pour ce qui concerne les travaux sur le commerce électronique, je veux saluer l'initiative prise cet été par les secrétariats de l'OMC et de l'Organisation internationale de la francophonie, qui ont lancé conjointement un appel à contributions pour des articles de recherche sur les aspects réglementaires du commerce numérique et les dynamiques de développement inclusif et durable, notamment en faveur des pays en développement et des pays les moins avancés de l'espace francophone.

J'en viens donc à nos échanges commerciaux avec nos partenaires francophones. Le rapport que j'ai rendu avec ma collègue Michèle Tabarot fait apparaître que nos échanges avec les quinze pays de la zone franc CFA ne comptent plus actuellement que pour 0,6 % du commerce extérieur de la France, dont ils représentaient jusqu'à 4 % voilà encore peu de temps. La Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (Coface) estimait en 2018 que les exportations françaises à destination des pays francophones étaient inférieures à 26 % de leur potentiel. Le produit intérieur brut (PIB) réalisé par les pays de l'espace francophone représente à lui seul 16 % du PIB mondial et 20 % des échanges de marchandises. Selon ces chiffres, la France sous-performe dans son espace naturel. Pour quelle raison cette influence est-elle inférieure à ce que les chiffres suggéreraient et quelle stratégie avons-nous en direction d'un espace naturellement favorable à l'échange commercial ?

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Olivier Becht, ministre délégué

Après avoir visité un certain nombre de ces pays, j'ai le sentiment que, trop souvent, nous avons considéré nos situations comme acquises dans ces pays où la France était historiquement installée. En réalité – et cela renvoie à l'impermanence évoquée tout à l'heure –, il n'y a jamais de situations acquises. La seule chose qui ne change pas, c'est que, dans la vie, tout change tout le temps – et cela vaut aussi pour le commerce. Désormais, dans les espaces francophones où nous étions historiquement très forts, nous sommes en compétition avec des acteurs parfois récemment entrés sur les marchés, comme la Turquie, les pays membres de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) et la Chine, ainsi que l'Allemagne et les États-Unis d'Amérique, qui partent eux aussi à la conquête de ces marchés. Nous devons donc renforcer nos positions dans ces pays.

Nous avons notamment créé avec le Mouvement des entreprises de France (Medef) un outil dénommé Rencontre des entrepreneurs francophones (REF), qui organise régulièrement des réunions. Après avoir participé à celle d'Abidjan en 2022, je n'ai pas pu me rendre cette année à celle de Québec mais je sais qu'il s'en tiendra une l'année prochaine à La Réunion pour l'océan Indien, qui est aujourd'hui l'une des régions les plus dynamiques du monde.

L'accompagnement de nos entrepreneurs est l'un des points que je souhaite développer, dans le cadre du plan export, à l'aide de boosters. Les pays francophones sont évidemment les plus simples à aborder pour des primo-exportateurs, au moins pour ce qui concerne la langue – même si, dans certains d'entre eux, la réalité locale présente plus de complexité que dans certains pays non francophones, par exemple de l'Union européenne. Toujours est-il que vous avez raison : nous devons davantage développer ces relations. Les chiffres montrent que les pays francophones représentaient environ 15 % à 16 % des importations françaises en 2020, 41 % des investissements étrangers reçus sur notre territoire et 23 % de nos investissements directs à l'étranger. Ces performances sont honorables mais, vous l'avez dit, en recul. Nous pouvons et allons mieux faire.

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Dans la droite ligne du Pacte vert pour l'Europe et de la nécessité de renforcer l'autonomie stratégique de notre continent et afin de pouvoir répondre à l' Inflation Reduction Act américain, la Commission européenne a présenté en début d'année un plan industriel du Pacte vert qui comporte une législation européenne sur les matières premières critiques. Cette proposition de législation est bienvenue. Notre continent est en effet encore très dépendant de puissances étrangères pour les terres rares, métaux et minéraux essentiels au développement des technologies vertes. Les origines de ces matériaux sont en outre assez peu diversifiées. À titre d'exemple, 63 % du cobalt mondial utilisé dans les batteries est extrait en République démocratique du Congo, 97 % de l'approvisionnement de l'Union européenne en magnésium proviennent du Chili, 100 % des terres rares utilisées pour les aimants permanents sont raffinées en Chine et 98 % de l'approvisionnement de l'Union européenne en borate sont assurés par la Turquie.

La législation prévoit, pour pallier ce problème, que l'extraction sur le continent doit permettre de couvrir 10 % des besoins annuels de l'Union européenne, la transformation 40 % et le recyclage 15 %. Pas plus de 65 % des besoins annuels de l'Union européenne de chaque matière première stratégique, à tout stade de transformation pertinent, ne devraient provenir d'un même pays extérieur à l'Union.

Au-delà de la capacité de cette dernière à subvenir à ses besoins en matières premières critiques, je voudrais aussi vous interroger sur le potentiel de ces matières premières à l'export : a-t-on déjà une idée précise de l'impact du développement de nos capacités d'extraction sur la balance commerciale de la France ou de l'Europe face à ses principaux fournisseurs ?

En outre, alors qu'un nombre croissant de projets se concrétisent en France pour permettre d'extraire et de transformer le lithium nécessaire aux batteries, comme dans l'Allier ou en Alsace par le biais de la géothermie, peut-on envisager un développement de cette filière à l'export au-delà des frontières européennes ?

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Olivier Becht, ministre délégué

Vous avez parfaitement raison : nous devons réduire le degré de dépendance de l'Europe aux minéraux critiques, qui peut représenter un handicap pour notre propre stratégie de transition énergétique. Cela se joue à deux niveaux.

Le premier est l'extraction du sol européen des matières qui s'y trouvent : c'est ce que nous avons fait dans le passé pour nourrir nos révolutions industrielles, notamment grâce au charbon, que nous avons aujourd'hui renoncé à utiliser au nom des efforts consentis pour la planète. Nous extrayons en Europe d'autres matières premières mais nous devons aujourd'hui le faire tout particulièrement pour les minéraux critiques et développer notamment les mines d'extraction de lithium sur notre territoire. Malheureusement, elles ne suffiront probablement pas à satisfaire l'ensemble des besoins de notre transition énergétique.

En parallèle, il est donc stratégique que des accords de libre-échange nous permettent de disposer de ces matériaux au meilleur prix, ce qui sera impossible si nous fixons nous-mêmes des barrières, n'en déplaise aux représentants du Rassemblement national et de La France insoumise, si désireux de mettre des barrières partout – et qui ont malheureusement quitté cette salle.

Nous avons en France, et c'est une chance pour nous, des acteurs importants tels qu'Eramet, Imerys et Geolith pour ce qui concerne l'extraction, Viridian Lithium et Carester pour ce qui concerne le traitement, et d'autres encore pour la transformation de ces minéraux. L'objectif est que nos entreprises et nos industries soient présentes non seulement en France mais aussi à l'international, là où l'on peut extraire ces minéraux, afin de diversifier les sources d'approvisionnement et de nous assurer d'avoir demain les minéraux nécessaires pour nourrir nos propres industries, notamment – mais pas seulement – pour la production de batteries en vue de la transition énergétique qui nous permettra de faire davantage pour la planète. Je suis, pour ma part, très confiant dans la capacité de la France et des États européens à le faire car nous disposons de la base industrielle nécessaire.

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Nous en venons à une question de Mme Lysiane Métayer, à titre individuel. Je saisis cette occasion pour saluer le rapport d'information dressant le bilan des accords de libre-échange qu'elle a présenté avec M. Thomas Ménagé devant la commission des affaires européennes, le 25 octobre dernier.

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Monsieur le ministre délégué, je vous remercie pour votre exposé sur la politique commerciale européenne et sur le rôle de la France dans la définition de règles strictes, notamment environnementales, mais aussi destinées à protéger nos agriculteurs dans ces accords commerciaux.

Rapporteure d'une mission d'information sur le bilan des accords de libre-échange de l'Union européenne, que j'ai présenté fin octobre, j'ai pu constater l'évolution positive de ces accords, en particulier de ceux de « nouvelles génération », comme celui qui a été signé avec la Nouvelle-Zélande en juillet dernier. La France a fermement défendu ses filières sensibles tout au long des négociations, qu'il s'agisse de nos agriculteurs ou de la santé des consommateurs. Comme vous l'avez précisé dans votre propos liminaire, pour la première fois, un accord commercial de l'Union européenne permettra de rendre l'accord de Paris et les conventions de l'Organisation internationale du travail véritablement contraignants.

Pouvez-vous nous en dire davantage sur l'accord commercial qui pourrait être conclu avec l'Australie et nous détailler pourquoi la France s'y est opposée, au contraire de celui qui a été récemment signé avec la Nouvelle-Zélande ?

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Si j'en crois ce que nous a déjà indiqué le ministre délégué, il y a trop d'ovins en Australie, ce que l'on pourrait résumer ainsi : c'est la guerre du gigot !

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Olivier Becht, ministre délégué

Madame la députée, je tiens d'abord à vous remercier pour le travail que vous avez réalisé dans le cadre de votre rapport et pour vos préconisations, que nous étudierons très attentivement et que nous n'hésiterons pas non plus à relayer au niveau européen, puisque c'est l'Union européenne qui a la compétence en matière de politique commerciale.

Les facteurs qui n'ont pas permis la signature de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et l'Australie sont multiples, et notamment industriels. S'est notamment posée la question de la double tarification – interne et à l'export – des minéraux critiques, qui était un sujet de préoccupation pour les Européens, ainsi que celle des taxes que l'Australie souhaitait maintenir sur certaines automobiles.

Se posait en outre le problème des exportations australiennes de viande ovine. L'Australie demandait en effet, en supplément aux quotas de l'OMC, un quota complémentaire de 38 000 tonnes équivalent carcasse par an, soit autant que nous avions concédé à la Nouvelle-Zélande, grand pays producteur de viande ovine et pour lequel ce point était le plus important de l'accord conclu avec l'Union européenne. L'Australie demandait également le même quota de bœuf que celui qui avait été concédé au Canada dans le cadre de l'accord économique et commercial global (CETA), où il s'agissait également de la principale concession faite à ce pays. Cela n'était pas acceptable pour la France car nous aurions alors ouvert nos marchés avec des quotas qui auraient mis en difficulté nos propres filières.

Lors de la discussion du CETA, certains redoutaient que nous ne soyons submergés de viande bovine canadienne ; or, depuis près de six ans que cet accord est en vigueur, nous exportons trois fois plus de viande française au Canada que nous n'importons de viande canadienne. Notre filière bovine n'a donc pas été mise en péril.

Par ailleurs, la Nouvelle-Zélande n'utilise aujourd'hui que 68 % du quota de viande ovine auquel elle a droit dans l'Union européenne au titre des accords de l'OMC. Le quota de 38 000 tonnes que nous lui avons accordé ne sera donc, selon toute vraisemblance, pas consommé, puisque le quota OMC n'est pas atteint. Il en aurait été très différemment pour l'Australie, qui connaît aujourd'hui une surproduction de viande ovine et se trouve pratiquement au maximum de son quota OMC : si nous avions ouvert un quota supplémentaire de 38 000 tonnes, ce volume serait arrivé dans l'Union européenne et aurait remis en question la pérennité de notre propre filière.

La politique du Gouvernement est très claire et c'est le message que je porte auprès de nos partenaires dans tous les conseils des ministres de l'Union européenne : notre ouverture aux marchés extérieurs ne doit pas remettre en question notre propre souveraineté alimentaire. C'est fondamental car nous pouvons être confrontés demain à de nouvelles crises, comme celle du Covid-19, et nous ne devons pas dépendre d'importations alimentaires pour nourrir notre population. Les importations de fruits exotiques, comme les bananes, ne posent pas de problème – et encore nos territoires ultramarins produisent-ils aussi des bananes – mais nous devons pouvoir répondre à nos propres besoins pour ce qui est de la viande, des légumes ou des fruits de base.

Il n'était donc pas possible pour la France d'accéder à ces demandes de l'Australie, comme je l'ai dit, les yeux dans les yeux, au ministre australien Don Farrell à Osaka, en marge des négociations que nous avons eues dans le cadre du G7. Cela prouve bien que, dans des situations qui remettent en cause nos intérêts stratégiques, nous savons et nous pouvons nous opposer à la conclusion d'accords commerciaux.

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Monsieur le ministre délégué, vous dites que notre concession principale portait sur la viande ovine pour la Nouvelle-Zélande et sur la viande bovine pour le Canada. Quelle concession principale proposez-vous aux Australiens, auxquels on comprend bien que vous reprochez de ne pas hiérarchiser leurs demandes et de demander à la fois tout et son contraire ? L'Australie a en effet des choses à vendre qui sont précieuses pour nous. Comment pourrions-nous éventuellement surmonter ce désaccord, qui naît d'un excès d'offre ?

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Olivier Becht, ministre délégué

Nous n'avons jamais fermé la porte à un accord avec l'Australie et nous le souhaitons même, au nom de nos propres intérêts. Ce pays exporte notamment des matières premières que nous avons intérêt à importer dans l'Union européenne, comme le relevait Mme Kochert. Nous ne pouvons toutefois pas accepter de telles concessions dans le domaine agricole. Pour d'autres États de l'Union européenne, les concessions en cause se situeront davantage sur le plan industriel, par exemple dans le secteur automobile ; mais pour ce qui nous concerne, nous ne pouvons pas accepter un quota d'importation directe de viande ovine de 38 000 tonnes équivalent carcasse. Il faudrait, pour pouvoir discuter, en revenir à des mesures beaucoup plus raisonnables.

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Que pourriez-vous leur accorder, parmi ce dont ils ont envie, afin de parvenir à un compromis ?

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Olivier Becht, ministre délégué

Dans le cadre des négociations qui ont eu lieu avec la Commission européenne, nous avons ouvert plusieurs chapitres qui peuvent satisfaire l'Australie mais, pour des raisons liées à sa situation interne, ce pays pouvait difficilement accepter de conclure un accord sans obtenir le niveau de quotas demandé par ses propres producteurs. Peut-être les choses évolueront-elles à l'avenir ? Nous sommes en tout cas ouverts à la reprise de ces négociations dans le cadre, toutefois, de la protection de nos propres filières.

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Monsieur le ministre délégué, je vous remercie de vous être prêté, avec les qualités que nous vous connaissons, au jeu des questions et des réponses. Votre secteur est l'un des baromètres les plus fondamentaux pour l'avenir de la nation, de la société et de l'économie françaises ; il nous indique ce qui, en profondeur, va ou ne va pas dans notre pays et à l'échelle internationale.

Vous serez le bienvenu chaque fois que vous aurez quelque chose à dire à notre commission et nous vous réinviterons chaque fois que se présentera une nouvelle échéance dans le domaine commercial.

La séance est levée à 12 h 35

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Jean-Louis Bourlanges, M. Bruno Fuchs, M. Alexis Jolly, Mme Stéphanie Kochert, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Nathalie Oziol, M. Didier Parakian, Mme Béatrice Piron, Mme Laurence Robert-Dehault, M. Frédéric Zgainski

Excusés. - Mme Eléonore Caroit, M. Sébastien Chenu, M. Alain David, M. Olivier Faure, Mme Stéphanie Galzy, M. Meyer Habib, M. Michel Herbillon, Mme Brigitte Klinkert, Mme Amélia Lakrafi, M. Arnaud Le Gall, Mme Marine Le Pen, Mme Karine Lebon, M. Laurent Marcangeli, M. Nicolas Metzdorf, M. Bertrand Pancher, Mme Mathilde Panot, Mme Mereana Reid Arbelot, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Liliana Tanguy, Mme Laurence Vichnievsky, M. Éric Woerth, Mme Estelle Youssouffa

Assistait également à la réunion. - Mme Lysiane Métayer