Intervention de Olivier Becht

Réunion du jeudi 7 décembre 2023 à 11h15
Commission des affaires étrangères

Olivier Becht, ministre délégué :

Madame la députée, je tiens d'abord à vous remercier pour le travail que vous avez réalisé dans le cadre de votre rapport et pour vos préconisations, que nous étudierons très attentivement et que nous n'hésiterons pas non plus à relayer au niveau européen, puisque c'est l'Union européenne qui a la compétence en matière de politique commerciale.

Les facteurs qui n'ont pas permis la signature de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et l'Australie sont multiples, et notamment industriels. S'est notamment posée la question de la double tarification – interne et à l'export – des minéraux critiques, qui était un sujet de préoccupation pour les Européens, ainsi que celle des taxes que l'Australie souhaitait maintenir sur certaines automobiles.

Se posait en outre le problème des exportations australiennes de viande ovine. L'Australie demandait en effet, en supplément aux quotas de l'OMC, un quota complémentaire de 38 000 tonnes équivalent carcasse par an, soit autant que nous avions concédé à la Nouvelle-Zélande, grand pays producteur de viande ovine et pour lequel ce point était le plus important de l'accord conclu avec l'Union européenne. L'Australie demandait également le même quota de bœuf que celui qui avait été concédé au Canada dans le cadre de l'accord économique et commercial global (CETA), où il s'agissait également de la principale concession faite à ce pays. Cela n'était pas acceptable pour la France car nous aurions alors ouvert nos marchés avec des quotas qui auraient mis en difficulté nos propres filières.

Lors de la discussion du CETA, certains redoutaient que nous ne soyons submergés de viande bovine canadienne ; or, depuis près de six ans que cet accord est en vigueur, nous exportons trois fois plus de viande française au Canada que nous n'importons de viande canadienne. Notre filière bovine n'a donc pas été mise en péril.

Par ailleurs, la Nouvelle-Zélande n'utilise aujourd'hui que 68 % du quota de viande ovine auquel elle a droit dans l'Union européenne au titre des accords de l'OMC. Le quota de 38 000 tonnes que nous lui avons accordé ne sera donc, selon toute vraisemblance, pas consommé, puisque le quota OMC n'est pas atteint. Il en aurait été très différemment pour l'Australie, qui connaît aujourd'hui une surproduction de viande ovine et se trouve pratiquement au maximum de son quota OMC : si nous avions ouvert un quota supplémentaire de 38 000 tonnes, ce volume serait arrivé dans l'Union européenne et aurait remis en question la pérennité de notre propre filière.

La politique du Gouvernement est très claire et c'est le message que je porte auprès de nos partenaires dans tous les conseils des ministres de l'Union européenne : notre ouverture aux marchés extérieurs ne doit pas remettre en question notre propre souveraineté alimentaire. C'est fondamental car nous pouvons être confrontés demain à de nouvelles crises, comme celle du Covid-19, et nous ne devons pas dépendre d'importations alimentaires pour nourrir notre population. Les importations de fruits exotiques, comme les bananes, ne posent pas de problème – et encore nos territoires ultramarins produisent-ils aussi des bananes – mais nous devons pouvoir répondre à nos propres besoins pour ce qui est de la viande, des légumes ou des fruits de base.

Il n'était donc pas possible pour la France d'accéder à ces demandes de l'Australie, comme je l'ai dit, les yeux dans les yeux, au ministre australien Don Farrell à Osaka, en marge des négociations que nous avons eues dans le cadre du G7. Cela prouve bien que, dans des situations qui remettent en cause nos intérêts stratégiques, nous savons et nous pouvons nous opposer à la conclusion d'accords commerciaux.

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