Intervention de Olivier Becht

Réunion du jeudi 7 décembre 2023 à 11h15
Commission des affaires étrangères

Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargées du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger :

Je retrouve cette commission avec beaucoup de plaisir et n'oublie pas, ayant moi-même été député, que les fonctions ministérielles sont temporaires !

Le Conseil des affaires étrangères qui s'est tenu le 27 novembre dernier était consacré au commerce. Quatre points principaux y ont été abordés : la préparation de la treizième conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui se tiendra du 26 au 29 février prochains à Abu Dhabi ; les relations de l'Union européenne avec les États-Unis d'Amérique ; le rapport de la Commission européenne sur la mise en œuvre des accords de commerce ; les nouveaux accords commerciaux avec la Nouvelle-Zélande, l'Australie et le Mercosur, le premier étant tout juste signé et les autres encore en négociation.

S'agissant de la conférence ministérielle de l'OMC, celle-ci vise à relancer la réforme de cette organisation, dont l'organe d'appel de règlement des différends est, vous le savez, paralysé depuis plusieurs années, notamment parce que nos amis américains n'y ont nommé personne. L'absence de résolution des litiges constitue un frein au multilatéralisme, cette situation encourageant les États à prendre des mesures unilatérales puisqu'ils ne peuvent plus constituer des comportements irrespectueux des règles communes. Nous souhaitons trouver avec les Américains un moyen de rendre à nouveau effectif cet organe de règlement des différends.

Nous souhaitons aussi travailler sur d'autres sujets. Lors de la dernière réunion ministérielle, en 2022, nous avions ainsi approuvé un accord sur l'interdiction des subventions à la pêche illégale ; c'est une question que nous voulons continuer d'approfondir.

S'agissant des relations avec les États-Unis, pays allié et néanmoins ami, nous avons différents sujets de préoccupation, notamment à la suite de l' Inflation Reduction Act (IRA). Nous cherchons ainsi des accords sur les contenus des batteries, sur les minéraux critiques ou encore sur les importations de voitures destinées à la location dans le cadre de procédures de leasing.

Des contentieux ont mis sur la table deux sujets majeurs, que nous espérons régler définitivement : la question de l'acier et de l'aluminium, depuis 2018 ; les relations entre Airbus et Boeing. Sur l'acier et l'aluminium, des accords temporaires ont, en 2021, permis de lever les mesures douanières prises par les États-Unis et, en réaction, par l'Union européenne. Nous voulons à la fois agir contre la surproduction constatée au niveau mondial et mieux répartir les quotas, par pays ou par type d'acier, qui étaient envisagés jusque-là. À défaut d'un accord permanent que nous n'avons malheureusement pas encore trouvé, nous espérons prolonger après le 1er janvier les accords temporaires de levée des barrières tarifaires.

S'agissant du rapport de la Commission européenne sur la mise en œuvre des accords de commerce, qui est évidemment dans l'intérêt de nos entreprises, un chief trade enforcement officer a été nommé. On parle de « procureur commercial » mais je n'aime pas beaucoup ce terme ; c'est un agent qui a pour mission de vérifier, dossier par dossier, que les mesures prévues par les accords de commerce sont effectivement appliquées. Il accompagne les entreprises et les États qui rencontreraient des blocages d'autres États.

Nous agissons pour que ces accords de commerce profitent à nos entreprises : le gain annuel en droits de douane est estimé à 3 milliards d'euros. Nous multiplions les événements avec les différentes filières pour bien les informer. Trop d'entreprises renoncent, par ignorance, à des exemptions ou à des baisses de droits de douane : cela nuit à la compétitivité.

S'agissant enfin des accords commerciaux, nous avons ratifié l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande. Vous avez rappelé, monsieur le président, qu'il s'agit du premier d'une nouvelle génération d'accords visant à remettre l'humain et la planète au cœur des accords commerciaux. On a longtemps reproché aux accords commerciaux de ne pas prendre en considération les questions environnementales ou sociales : nous avons entendu ce message et, sous la présidence française de l'Union européenne, nous avons entamé une révolution : les accords de l'Organisation internationale du travail (OIT) – pour interdire par exemple le travail forcé et le travail des enfants – et l'accord de Paris sont devenus des clauses essentielles. Nous avons mis en place le règlement sur la déforestation et la dégradation des forêts. Nous avons modifié le chapitre sur le commerce et le développement durable en instaurant des procédures et des sanctions pour que nous puissions nous opposer à l'importation de produits si les normes fixées dans les accords n'étaient pas respectées. Nous développons les clauses miroir, afin que les règles suivies par nos propres producteurs s'imposent aussi à ceux qui souhaitent exporter vers l'Union européenne.

L'accord commercial avec l'Australie reprend l'accord avec la Nouvelle-Zélande et ses standards sociaux et environnementaux. Les négociations n'ont pas abouti en marge de la réunion du G7 à Osaka : il y a un blocage sur les questions industrielles et agricoles. En ce qui concerne la viande ovine, par exemple, nos amis australiens demandaient un quota de 38 000 tonnes équivalent carcasse, soit un peu plus de 11 % du marché européen et l'équivalent de ce que nous avions accordé aux Néo-Zélandais. Dans ce dernier accord, c'était notre concession majeure ; de plus, la Nouvelle-Zélande ne remplissant pas à l'époque son quota OMC pour la viande ovine, il était peu probable qu'elle l'atteigne dans le cadre de notre accord de libre-échange. Il n'y avait donc pas de risque pour la filière ovine européenne. Or, il en va différemment de l'Australie qui, elle, connaît une crise de surproduction. Ouvrir de nouveaux quotas aux niveaux que les Australiens demandent revenait à risquer des arrivées brutales et massives de viande ovine sur le marché européen, donc à mettre en danger notre propre filière. Nous avons donc considéré qu'il n'était pas opportun d'accepter les demandes australiennes. Aucun accord n'a pu être conclu. Nous verrons à l'avenir si des propositions plus acceptables seront faites.

En ce qui concerne le Mercosur, c'est plus compliqué. Les États qui en sont membres ont eu plus de mal à accepter la nouvelle approche de l'Union européenne. Sur les normes environnementales, sur l'accord de Paris, sur la déforestation, ils considèrent nos exigences comme un protectionnisme déguisé, voire un néo-impérialisme, qui essaie d'imposer des normes que ces pays ne sont pas capables de respecter. Notre analyse a toujours été que nous pouvons être ouverts sur l'extérieur mais à des conditions qui ne créent pas de concurrence déloyale. Or nous consentons d'importants efforts pour élever nos standards, pour protéger l'environnement et la planète : si nous importons des produits qui ne respectent pas ces normes, nous soumettons nos propres producteurs à une concurrence déloyale. Le Gouvernement a donc tenu bon – c'est aussi le sens de la résolution votée par l'Assemblée nationale : il n'est pas question d'accepter un accord qui ne ferait pas de celui de Paris une clause essentielle, qui n'intégrerait pas un chapitre sur le développement durable reprenant les meilleurs standards et instaurant des mécanismes contraignants d'application de ces dispositions, qui ne contiendrait pas de clauses miroir, notamment en matière de déforestation.

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