La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a auditionné, en application de l'article 13 de la Constitution, Mme Virginie Schwarz, dont la nomination est proposée aux fonctions de présidente-directrice générale de Météo-France (Mme Clémence Guetté, rapporteure).
Nous allons entendre, en application de l'article 13 de la Constitution et de la loi organique du 23 juillet 2010, Mme Virginie Schwarz, dont le renouvellement aux fonctions de présidente-directrice générale de Météo-France est proposé par le Président de la République. Madame, je vous souhaite la bienvenue dans notre commission que vous connaissez bien puisque nous vous avons auditionnée une première fois à l'occasion de votre nomination en septembre 2019, et à nouveau en septembre 2020.
Cette audition, publique, sera suivie d'un vote par scrutin secret, effectué par appel nominal et hors la présence de la personne auditionnée. Aucune délégation de vote ne sera possible. Mme Schwarz a été entendue par nos collègues du Sénat jeudi dernier ; le dépouillement du scrutin devant avoir lieu simultanément dans chaque commission compétente des deux assemblées, il aura lieu cet après-midi à 14 heures 30 dans notre salle de réunion.
Comme le prévoit notre Règlement, nous avons nommé une rapporteure sur ce projet de nomination, en la personne de madame Clémence Guetté qui a rédigé un questionnaire pour notre commission. Les réponses de Mme Schwarz vous ont été diffusées.
Je souligne l'attachement de notre commission à l'opérateur Météo-France, que nos rapporteurs auditionnent régulièrement, en particulier dans le cadre de leurs travaux de contrôle – et je crois savoir, madame la présidente-directrice générale, que vous étiez entendue hier par nos collègues dans le cadre de la préparation du débat budgétaire. Dans le contexte d'urgence climatique que nous connaissons, Météo-France est un acteur incontournable. Les événements majeurs – canicules, incendies, tempêtes, inondations, tornades – liés au dérèglement climatique sont malheureusement de plus en plus fréquents, en métropole et dans nos outre-mer, particulièrement vulnérables. La capacité d'alerte, d'anticipation et de forte vigilance est évidemment cruciale. Aussi serons-nous extrêmement attentifs à votre vision pour Météo-France. Cette audition vous donne l'occasion de nous présenter votre bilan à la tête de l'opérateur ainsi que vos projets pour relever les nombreux défis qui se présentent.
Madame, nous devons, sur le fondement de l'article 13 de la Constitution, nous prononcer sur votre maintien au poste de présidente-directrice générale de Météo-France. Nous avons à cette fin lu vos réponses, dont je vous remercie, au questionnaire que je vous avais transmis. Nous vous auditionnons dans un contexte particulièrement inquiétant : lundi dernier, 130 records de chaleur ont été battus en France et hier, 10 octobre, la température dépassait 30 degrés Celsius dans une grande partie du pays. Selon les estimations de l'agence Santé Publique France, 500 décès au moins sont imputables à la canicule qui a sévi cet été, 60 au moins à l'épisode de chaleur exceptionnelle du mois de septembre, et de 30 000 à 50 000 depuis dix ans au dérèglement climatique qui, loin d'être une notion abstraite, est une réalité meurtrière. Ses effets se ressentent en France de façon plus aiguë chaque année, et l'Europe se réchauffe plus vite que le reste de la planète.
L'inaction est donc terriblement coûteuse, comme la perte de nos meilleurs instruments de connaissance. Météo-France est un pilier de la recherche climatique française. Ses missions incluent la prévision des aléas climatiques, la recherche scientifique et la contribution aux travaux du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), l'information et l'appui aux communes pour l'adaptation aux effets du changement climatique, l'éducation et la sensibilisation à ces enjeux. C'est l'un des organismes publics de recherche d'excellence qui font le rayonnement scientifique international de la France.
Or, étant donné les conséquences du changement climatique sur nos vies, les orientations budgétaires décidées par le Gouvernement pour Météo-France sont incompréhensibles. J'ai été surprise de lire dans vos réponses au questionnaire que vous vous réjouissiez de la hausse du plafond d'emplois de 25 équivalents temps plein (ETP) dans le projet de budget pour 2024. Considérant que 600 postes ont été supprimés en dix ans et 60 par le budget 2022, cette hausse me semble assez peu réjouissante, et même plutôt inquiétante. Le groupe La France insoumise considère que Météo-France, opérateur essentiel, mériterait d'avoir les moyens humains de mener à bien ses missions. Trouvez-vous acceptables, ou justifiées, de telles réductions structurelles d'effectif ? Quelle part de ces 25 postes et quels moyens seront alloués à la formation de nouveaux prévisionnistes ?
Météo-France assure également le service météorologique de la navigation aérienne et reçoit à ce titre une redevance de 85 millions d'euros de la direction générale de l'aviation civile. Le montant de cette redevance est stable en euros courants depuis 2012, ce qui signifie qu'elle se dévalue chaque année du niveau de l'inflation. Pourtant, le secteur aérien contribue très largement aux émissions de gaz à effet de serre et aux dégradations environnementales. Le transport aérien ne devrait-il pas être davantage mis à contribution pour permettre l'augmentation de vos moyens ?
Vous affirmiez lors de votre nomination, en 2019, que vous seriez particulièrement vigilante face à la réduction du nombre d'implantations territoriales de Météo-France mais depuis lors, vous avez entériné de nombreuses fermetures. Ces décisions sont incompréhensibles quand, d'évidence, notre service public de météorologie et de climatologie doit jouer un rôle de premier plan dans la lutte contre le dérèglement climatique et l'adaptation à ses effets, qui exige un maillage cohérent du territoire. Pourriez-vous nous donner l'estimation chiffrée de ces fermetures sur dix ans ? Allez-vous rouvrir des sites ?
Vous évoquez brièvement dans vos réponses votre implantation dans les territoires dits d'outre-mer, arguant que les effectifs supplémentaires concédés dans le projet de budget permettront d'y développer des services climatiques locaux. On ne peut s'empêcher de se demander pourquoi cela n'a pas été fait plus tôt, ces territoires étant bien plus exposés que la métropole aux événements climatiques extrêmes ; vous nous en direz davantage.
L'intersyndicale n'a eu de cesse de dénoncer les suppressions d'implantations et la centralisation de vos activités, des décisions qui, selon les syndicats, nuisent à la qualité de vos prévisions et aux conditions de travail de vos employés. Votre réponse à ma question portant sur le dialogue social au sein de Météo-France contraste fortement avec la situation décrite par l'intersyndicale ces derniers mois, notamment lors de la grève menée en août 2023. Vous dites vous être « investie personnellement depuis 2019 pour assurer un dialogue social de qualité ». Pourtant, si vous êtes parvenue à un compromis avec l'intersyndicale la semaine dernière, cette séquence de négociations était, selon les syndicats, plutôt exceptionnelle, dans un contexte de crispation générale après, je cite, « des années de mauvais traitements ». Le dialogue social semble donc plutôt tenir d'un dialogue de sourds. Pensez-vous réellement avoir assuré un dialogue social de qualité ?
Je ne doute pas que la discussion qui va s'ouvrir nous permettra d'éclaircir ces points pour que nous puissions nous prononcer sur votre nomination.
Après ces quatre ans à la tête de Météo-France, je suis heureuse d'être devant vous, pour vous dire mon engagement à accomplir un nouveau mandat au service d'un établissement dont vous avez souligné l'importance des missions et pour vous informer des résultats obtenus pendant les quatre années écoulées dans le cadre du contrat d'objectifs et de performance (COP) 2022-2026 dont j'ai supervisé la négociation et la signature avec l'État.
Le COP nous a fixé comme premier axe stratégique de renforcer notre utilité en matière de sécurité des personnes et des biens, en donnant une information toujours précise et de qualité sur les phénomènes météorologiques et le changement climatique, et en nous adaptant à la forme et au moment dont nos utilisateurs ont besoin pour prendre les meilleures décisions. Nous devons aussi être l'acteur national de référence en matière de fourniture de données et de services climatiques pour accompagner les indispensables démarches d'adaptation au changement climatique. Le COP nous enjoint encore d'innover, et nous fixe une ambition d'exemplarité en matière de responsabilité sociale et environnementale. Enfin, il est construit sur l'hypothèse de la stabilité, au moins, des effectifs au-delà de 2022, après plus de dix ans de baisse continue.
Vous l'avez rappelé, madame la rapporteure, l'effectif a été réduit de près d'un quart pendant cette période. Cela s'explique pour une part par le progrès technique qu'est l'automatisation de l'observation météorologique – et il importe que Météo-France reste au meilleur niveau sur le plan technique –, pour une part par des gains d'efficacité. Météo-France avait signé avec l'État un contrat budgétaire fixant la trajectoire de l'établissement. Ce contrat est venu à son terme en 2022, et j'avais dit, lors de la négociation du nouveau COP, qu'il n'était plus possible d'envisager de nouvelles baisses d'effectif au sein de l'établissement ; c'est ce qui a conduit à l'hypothèse de la stabilité, au moins. Depuis lors, l'établissement ayant été chargé de réaliser des missions supplémentaires que j'évoquerai, nous cherchons à rehausser notre effectif et je me réjouis à chaque fois que c'est le cas, parce que cela améliore notre capacité à remplir de nouveaux services et à apporter un appui renforcé à nos utilisateurs. Mais, au cours des quatre dernières années, nous avons fini d'appliquer le projet de transformation de l'établissement décidé en 2018 et qui s'achèvera cette année avec, effectivement, la diminution du schéma d'emplois et le resserrement du nombre d'implantations, la centralisation de certaines fonctions support, l'automatisation progressive et la refonte du métier de prévisionniste.
Ce schéma a été mis en œuvre avec une forte attention portée à l'accompagnement des agents, notamment à la formation, et à une organisation territoriale suffisante. Certes, nous ne sommes pas toujours d'accord avec toutes les organisations syndicales sur les évolutions à conduire au sein de l'établissement, mais cela n'a pas empêché un dialogue social intense et toujours respectueux, que j'ai mené personnellement pendant toute la durée de mon mandat.
C'est en 2009 que les décisions de fermeture des centres départementaux de Météo-France ont été prises. Elles traduisaient l'évolution des techniques, le fait qu'il n'est plus besoin d'être présent physiquement dans chaque département pour faire de la prévision météorologique. En revanche, nous avons besoin de proximité avec nos utilisateurs. C'est pourquoi, comme je m'y étais engagée en 2019 devant votre commission, nous avons mis au point avec plusieurs communes et départements, que je remercie, une collaboration étroite permettant le maintien dans les Alpes et les Pyrénées de six implantations initialement prévues pour être fermées. Nous avons aussi installé en 2020 un réseau de référents territoriaux, interlocuteurs de proximité des institutions, préfectures, collectivités, syndicats de bassins. Il s'agit de concilier la présence territoriale, l'accompagnement et l'écoute par le maintien de relations avec nos interlocuteurs territoriaux avec les évolutions que les progrès techniques autorisent en permettant depuis presque quinze ans que, pour notre mission essentielle de protection des biens et des personnes face aux aléas météorologiques, la prévision se fasse au niveau des centres interrégionaux.
Je crois pouvoir dire que grâce à la mobilisation de l'ensemble de son personnel, Météo-France a assuré avec efficacité ses responsabilités pendant ces quatre années. Ainsi, en 2022, 98,6 % des événements les plus intenses ont fait l'objet d'un avertissement de vigilance rouge et de vigilance orange, avec un objectif d'amélioration continue du dispositif. Nous avons aussi mis en œuvre des évolutions majeures fortement attendues, en particulier l'extension à deux jours, au lieu de 24 heures précédemment, du dispositif de la vigilance, et le début d'informations infradépartementales permettant un ciblage géographique plus fin pour les phénomènes vague/submersion et avalanche. Nous avons aussi rendu disponible au grand public la prévision des phénomènes météorologiques dangereux jusqu'à sept jours, et offert aux utilisateurs de notre application mobile la possibilité de recevoir des notifications en temps réel sur leur téléphone portable, comme il en avait été question lors de ma première audition par votre commission. Outre-mer, la vigilance vague/submersion a été étendue ; elle est désormais opérationnelle aux Antilles, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte.
Pour ce qui concerne les feux de forêt, nous avons, conformément aux annonces du Président de la République à l'automne 2022, rendu disponible en juin dernier un nouveau moyen d'information du grand public, la Météo des forêts. Ce dispositif indique un niveau de danger de feu ; il est assorti de conseils de comportement. En complément, l'appui opérationnel que nous apportons aux acteurs de la lutte contre les incendies a été étendu géographiquement pour tenir compte de l'augmentation du risque de feux en raison du changement climatique. C'est une des raisons qui a justifié l'augmentation de l'effectif de l'établissement. De fait, la question se posera à nous avec acuité de savoir quel impact le changement climatique aura sur l'activité de Météo-France et en conséquence sur le besoin d'effectif supplémentaire.
Le renouvellement des deux supercalculateurs de l'établissement, en 2021, a eu une importance majeure. Cela nous a permis de prévoir le temps avec une maille géographique plus fine et de réduire de la sorte de 5 % l'erreur de prévision sur l'Europe à deux-quatre jours. Ce gain d'anticipation de quelque cinq heures a conforté la place de nos modèles au nombre des meilleurs en Europe.
Ces quatre années ont été marquées par de nombreuses avancées : poursuite de nos contributions aux travaux du Giec ; mise à disposition de nos simulations climatiques au niveau international – elles se placent au troisième rang mondial des simulations les plus téléchargées ; renforcement de nos actions de sensibilisation au changement climatique ; création du nouveau portail d'informations hydrologiques Drias-Eau (Donner accès aux scénarios climatiques régionalisés français pour l'impact et l'adaptation de nos sociétés et environnement-Eau) visant à informer sur l'impact du changement climatique sur le cycle de l'eau dans les territoires.
Nous avons également lancé, fin 2022, deux nouveaux services climatiques gratuits en ligne, l'un destiné aux communes, l'autre aux entreprises pour les aider à élaborer des stratégies d'adaptation au changement climatique. Climadiag Commune permet ainsi d'obtenir en quelques clics une synthèse simple et quantifiée des évolutions climatiques auxquelles chaque commune devra s'adapter à l'horizon 2050. Cette base scientifique permet de fonder des stratégies d'adaptation.
S'agissant de responsabilité sociétale, nous avons adapté, en concertation étroite avec les organisations syndicales, un projet social, feuille de route de l'établissement en matière de ressources humaines, un premier plan d'action pluriannuel en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes en 2021 et un plan pluriannuel favorisant l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap en 2022.
En matière d'écoresponsabilité, Météo-France s'est doté d'un plan pluriannuel 2021-2025 visant à réduire d'au moins 20 % ses émissions de gaz à effet de serre.
Pour l'avenir, si vous m'accordez votre confiance, nos actions seront naturellement orientées par les objectifs inscrits dans le COP 2022-2026 signé avec l'État. En premier lieu, Météo-France doit continuer à progresser dans la prévision des phénomènes météorologiques dangereux. Il nous faudra parvenir à anticiper la majorité des épisodes de vigilance 6 heures à l'avance au lieu de 3 heures précédemment, pour permettre une meilleure préparation et mieux faire connaître aux Français les comportements à adopter en cas de situations météorologiques dangereuses. À cette fin, de nouvelles versions de nos modèles de prévisions doivent être régulièrement déployées. En particulier, une modélisation à la maille de 500 mètres, deux fois plus précise que la version actuelle, sera expérimentée en 2024 pour la région parisienne et le pourtour méditerranéen.
Cette nouvelle version nous permettra aussi de progresser dans le domaine aéronautique. Notre financement, pour la partie aéronautique de nos activités, se fait par le biais d'une redevance fondée sur le principe de la couverture stricte des coûts et actuellement, la redevance couvre les coûts en métropole. La question que vous avez évoquée, madame la rapporteure, est différente de celle, plus large, de la contribution du secteur aéronautique à la lutte contre le changement climatique.
Tout en poursuivant les travaux de recherche et les actions de sensibilisation du grand public, nous devons déployer de nouveaux services climatiques pour le secteur urbain comme pour le secteur agricole. Ainsi lancerons-nous au Salon des maires, en novembre, un service concernant les îlots de chaleur urbains. Je souhaite aussi que, grâce aux effectifs supplémentaires prévus dans le projet de loi de finances pour 2024, nous renforcions nos actions relatives au changement climatique outre-mer. Nous avons bien sûr travaillé ces sujets ces dernières années, mais avec des effectifs plus ponctuels dans le cadre de projets eux aussi ponctuels, la trajectoire de nos ressources humaines ne nous permettant pas d'y affecter des ressources humaines pérennes ; je souhaite que cela soit le cas désormais.
Pour atteindre tous ses objectifs, l'établissement doit rester à la pointe en matière de technologie et d'innovation. Dans le domaine de la météorologie comme dans d'autres, les techniques d'intelligence artificielle pourraient provoquer une rupture. L'établissement était précurseur en cette matière par de nombreux projets déjà opérationnels ; on pourrait aller plus loin en remplaçant les modèles de prévision numériques actuels par des émulateurs d'intelligence artificielle. Nous sommes encore en phase exploratoire mais il me semble essentiel que Météo-France soit, avec quelques autres services météorologiques européens, un centre d'excellence de prévision du temps à partir de techniques d'intelligence artificielle, un domaine pour l'instant dominé par des sociétés privées uniquement américaines et chinoises. Nous engageons donc ce travail avec nos collègues pour appuyer notre objectif d'amélioration du service rendu.
Météo-France doit disposer de moyens de calcul intensif suffisants. Pour la prochaine génération de calculateur, l'analyse des attentes des ministères nous a conduits à estimer les besoins à une puissance de calcul sextuplée. En 2022, ce projet a été validé par le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) et la direction du budget. Le coût global est estimé à 350 millions d'euros, pour des gains économiques et sociaux attendus de l'ordre de 1,4 milliard d'euros. C'est un investissement important fait par la collectivité dans le domaine de la météorologie et du climat ; l'aboutissement de ce projet à l'horizon 2026 devrait être une priorité.
Météo-France doit continuer à développer ses actions en matière de responsabilité sociale et environnementale, notamment de qualité de vie au travail de ses agents. Les transformations profondes que l'établissement a connues ces dernières années ont eu un impact sur eux ; il faut continuer de les accompagner, notamment par la formation. En matière d'écoresponsabilité, la rénovation énergétique de nos 80 000 mètres carrés de locaux est un défi considérable.
Météo-France traite d'enjeux majeurs pour la société française. L'établissement se situe au meilleur niveau mondial. Alors que les effets du changement climatique se font sentir toujours davantage, les attentes à son endroit sont particulièrement fortes. Les défis sont nombreux mais Météo-France dispose d'importants atouts pour y répondre : son excellence scientifique, la pertinence de ses moyens techniques, la qualité de ses personnels. Si votre commission et celle du Sénat l'acceptent, je serai donc fière et heureuse de pouvoir continuer à m'engager avec l'ensemble des personnels pour que Météo-France soit toujours un établissement de pointe au service de tous.
Madame, les députés de la majorité sont très heureux de vous accueillir dans notre commission. Météo-France est bien identifié et très respecté par les Français, qui lui sont très attachés et lui vouent une confiance sans faille. L'établissement remplit parfaitement ses missions de service public d'observation, de prévention, de fourniture de données météorologiques, de sécurité, d'études et de suivi du climat. Le long historique de ses mesures, ainsi que ses archives, permettent de comprendre l'évolution du système climatique et de mieux prévoir l'avenir. Dans un contexte climatique inédit et face à des changements profonds, l'attente d'informations des citoyens, des entreprises et des collectivités va grandissant. Météo-France a mis à disposition de nouveaux dispositifs que vous avez décrits. Son travail de proximité est essentiel. Nous saluons la qualité de vos investissements et nous félicitons que, depuis le 1er juin, vous publiiez chaque jour la Météo des forêts, qui expose les niveaux de risques de feux. Pour tout cela, l'établissement doit être doté d'outils et de moyens suffisants. Selon vous, le COP 2022-2026 est-il à la hauteur des enjeux ?
Vous êtes, madame, à la tête de Météo-France depuis 2019. Nous constatons le travail remarquable effectué et l'excellence scientifique de vos équipes. Vous avez la confiance du Président de la République et de la Première ministre, ce qui prouve votre capacité à continuer d'adapter Météo-France aux défis de l'époque. Pour ces raisons, le groupe Renaissance votera en faveur de votre reconduction dans vos fonctions.
Pendant votre audition au Sénat lors de votre première candidature à la fonction que vous occupez, vous avez indiqué, madame, que votre mission prioritaire consisterait à renforcer la qualité du service rendu en matière de connaissance et d'anticipation. C'est d'anticipation que je traiterai, par le biais d'une histoire malheureuse parmi tant d'autres. Le 23 octobre 2022, une tornade s'est abattue sur Buhicourt, dans le Pas-de-Calais. Cette tornade, classée en catégorie 4 sur l'échelle de Fujita qui en compte 5, a été la plus puissante enregistrée en France depuis 1982. Par chance, il n'y a pas eu de morts, mais le village a été balayé de la carte. Météo-France avait annoncé des bourrasques pouvant atteindre 87 km/heure ; en réalité, la vitesse des vents a dépassé 300 km/heure. Comment expliquer que Météo-France n'ait pas prévu ce phénomène, alors que vos équipes sont censées mieux anticiper les phénomènes à fort enjeu climatique ? Ce qui laisse perplexe, c'est que la veille de la catastrophe, un Néerlandais passionné de photographie et chasseur de tempêtes a déduit, à l'aide de modèles météorologiques, qu'un gros événement se préparait dans le Nord de la France ; le 23 octobre au matin, il était à Buhicourt pour photographier ce qu'il a nommé « la bête monstrueuse ». Pourquoi l'établissement Météo-France n'a-t-il émis aucune alerte alors que ce jeune homme et ses amis ont été capables de localiser la tornade ?
Météo-France est un opérateur précieux pour modéliser et évaluer précisément les événements climatiques qui ont un impact sur le jardin planétaire. Les événements catastrophiques se banalisent et nous devons préserver cet établissement essentiel alors que le changement climatique dévaste la biosphère. Cet été, le niveau de près de 70 % des nappes phréatiques était bas ou très bas et toute la France a connu une période de sécheresse inédite. Plus généralement, la représentante spéciale de l'Organisation des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophes a déclaré en 2021 que la sécheresse serait la prochaine pandémie et qu'il n'existe aucun vaccin pour la guérir.
Or, nous ne sommes pas dupes du contexte dans lequel notre opérateur météorologique est contraint d'agir. Le Gouvernement a été condamné deux fois pour inaction climatique, et les numéros verts mis à disposition en pleine sécheresse n'ont rien changé. Notre groupe plaide pour le renforcement des moyens de Météo-France, par la considération accordée à la finesse de l'expertise de ses scientifiques et par les ressources qui lui sont allouées pour lui permettre d'assurer ses missions. Or, en dix ans, 600 postes ont été supprimés et la subvention de l'État à l'opérateur a baissé de 20 %. Nous réaffirmons notre soutien au personnel de Météo-France qui se mobilise et qui estime à 63 % que vos propositions, madame, ne vont pas assez loin. Pouvez-vous garantir que Météo-France pourra être un acteur clé à la hauteur des enjeux de notre temps ? Vous engagez-vous à prendre en considération l'entièreté des revendications des salariés ?
Le groupe Les Républicains est également très attaché à Météo-France. À la suite des investissements dans des supercalculateurs, comment comptez-vous revenir à un meilleur équilibre entre vos différents réseaux d'observation, qu'ils soient fondés sur la technologie ou sur la connaissance du terrain ? Comment rapprocherez-vous Météo-France des acteurs locaux, notamment en cas de crise, après vous en être éloignés par la fermeture massive de centres départementaux ? Comment relèverez-vous le défi de la pyramide des âges auquel l'établissement fait face, entraînant l'urgence de recruter rapidement du personnel jeune et bien formé ? Étant donné l'exigence de mise à disposition gratuite des données publiques et la concurrence des géants du numérique et de multiples sources nouvelles de données privées, comment maintiendrez-vous une part de marché suffisante pour préserver la santé financière de l'établissement public ? Envisagez-vous de nouveaux services payants de conseil et d'expertise pour diversifier les recettes ? Les moyens actuels de Météo-France, même rehaussés comme le prévoit le projet de loi de finances pour 2024, sont-ils suffisants pour mener de front la mission de prévision du temps et la mission d'observation du changement climatique, comme l'exige le COP 2022-2026 ?
Depuis la création de Météo-France, il y a trente ans, les capacités de prévision, d'anticipation et de simulation se sont sensiblement accrues grâce à la recherche et à l'innovation qui ont permis des évolutions technologiques spectaculaires, tels que les supercalculateurs. Un chiffre est parlant : en trente ans, notre puissance de calcul a été multipliée par 10 millions. Pour faire face aux dérèglements climatiques, il faut des outils toujours plus performants et l'assurance de pouvoir compter sur un établissement solide et fiable tel que Météo-France. Où se place l'établissement sur la scène européenne et internationale en termes de savoir-faire et de capacité ? Évoquant les relations entre Météo-France et les collectivités territoriales, vous avez mentionné le nouveau service Climadiag Commune ; quel bilan en faites-vous à ce jour et quels progrès peuvent attendre les collectivités à l'avenir ? Plus largement, se pose la question de l'accès, par l'open data, à l'ensemble des données que vous collectez et produisez et qui peuvent constituer une ressource précieuse pour de nombreux acteurs innovants ; qu'en sera-t-il ?
Lors de votre audition, en 2019, vous disiez vouloir renforcer l'action de sensibilisation de Météo-France aux effets constatés et prévisibles des changements climatiques pour entraîner une meilleure prise de conscience des enjeux par nos concitoyens ; êtes-vous satisfaite de votre bilan en la matière ? Enfin, vous aviez indiqué vouloir faire davantage en faveur de l'égalité femmes-hommes ; quels progrès avez-vous obtenus sur ce plan ?
Je dis à mon tour l'attachement du groupe Socialistes et apparentés à Météo-France. Cet opérateur national indispensable contribue activement à l'amélioration de notre connaissance du climat par la fourniture de projections climatiques globales et régionalisées dans le cadre des travaux du Giec, jouant ainsi un rôle essentiel dans la lutte contre le changement climatique et l'adaptation à ses effets. Les événements climatiques extrêmes se multipliant, notre besoin ira grandissant de connaissances météorologiques pour protéger les populations et comprendre les changements en cours.
Or, bien que son rôle essentiel soit reconnu, Météo-France est confronté depuis 2018 à une restructuration drastique. Les personnels administratifs, les prévisionnistes et les techniciens supérieurs de la météorologie ont été les plus touchés par les coupes budgétaires avec une réduction de moitié de leur effectif, passé de 1 350 personnes en 2018 à 600 en 2022. Le réseau territorial a été largement amputé : l'opérateur ne compte plus que 39 implantations contre 115 en 2011. Cette profonde restructuration semble avoir rendu plus complexe sa mission fondamentale, qui est de détecter le plus tôt possible les phénomènes climatiques extrêmes pour sauver des vies. Considérez-vous disposer des moyens suffisants dans un contexte de besoins croissants ? Comment envisagez-vous le rôle de Météo-France dans les prochaines années ? L'anticipation d'événements climatiques extrêmes, la sensibilisation des populations, la qualité de remontée des alertes, l'adaptation au changement climatique sont des défis considérables à relever ; avez-vous estimé vos besoins en moyens supplémentaires pour atteindre ces objectifs ?
Lorsque nous vous avons reçue il y a un peu plus d'un an, la situation était alarmante. La France avait connu de multiples incendies ravageurs et une sécheresse que vous avez qualifiée d'historique, tout en soulignant qu'elle deviendrait classique d'ici quelques décennies. Un an plus tard, l'été 2023 se classe selon votre bilan au quatrième rang des étés les plus chauds depuis 1900. La proposition de votre nomination intervient donc dans un contexte d'urgence.
Nous devons absolument adapter nos politiques, qu'il s'agisse d'agriculture, d'aménagement du territoire, de mobilité ou de logement, et Météo-France doit avoir un rôle majeur d'accompagnement à cette adaptation. Dans vos réponses au questionnaire de notre rapporteure, vous insistez sur le cadre fixé par le COP 2022-2026, dont les objectifs sont pertinents. Vous évoquez d'autre part les nouveaux outils dont s'est doté Météo-France, et ses priorités pour les années à venir : la prévention et l'anticipation. Pouvez-vous préciser le rôle que vous envisagez pour l'établissement dans l'adaptation des politiques publiques au changement climatique ? Comment y travaillez-vous, avec l'Office national des forêts et les chambres d'agriculture par exemple ?
Cette semaine, la communauté de communes du Crestois et du Pays de Saillans, dans la Drôme, a organisé une réunion d'information des habitantes et habitants sur l'avenir climatique du territoire. Le débit de la Drôme et de ses affluents diminuera de 60 % d'ici à 2050 ; cette diminution aura un impact sans précédent sur la vie de notre territoire. Les trois derniers mois ont été les plus chauds qu'a connus notre planète depuis le début de l'humanité. Météo-France tente d'estimer les conséquences de ce phénomène et d'en informer au mieux les Françaises et les Français. Depuis les années 1960, les rendements agricoles ont baissé de 20 % du fait des changements climatiques, les populations de pollinisateurs s'effondrent, les événements climatiques se multiplient. Il faut pourtant constater que les alertes ne suffisent pas : autoroute A69, revirement sur le « zéro artificialisation nette », refus du principe « pollueur payeur » pour la taxation des SUV ou du kérosène des avions et des jets privés… Ici, malheureusement, peu de nos collègues, quand ils ne confondent pas météorologie et climat, semblent sincèrement convaincus que chaque action que nous entreprenons ou que nous n'entreprenons pas aujourd'hui détermine les conditions climatiques de la deuxième partie de ce siècle et donc l'habitabilité de la Terre. Nous avons besoin d'organismes publics capables de prévoir, et de prévenir les populations et nos institutions pour limiter les risques pour la sécurité des biens et des personnes. Les données scientifiques que produit Météo-France et le travail de ses prévisionnistes sont à cet égard essentiels.
Nous, écologistes, sommes inquiets de la réduction structurelle des moyens et des effectifs accordés par le Gouvernement à Météo-France. Ses moyens humains sont plus que jamais nécessaires pour accompagner les collectivités territoriales et les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) sur le terrain, dans le nécessaire travail d'anticipation des risques climatiques, d'atténuation et d'adaptation à ces changements, pour que les plus vulnérables ne paient pas le prix de notre cruelle inaction. Comment continuerez-vous de territorialiser le conseil et l'appui aux élus locaux dans leurs décisions relatives à ces politiques publiques ?
Dans les classements de l'Organisation météorologique mondiale, nos modélisations sont parmi les meilleures. Pour les prévisions sur l'Europe, nous sommes parfois au deuxième rang, parfois au troisième, mais toujours dans le peloton de tête, au meilleur niveau scientifique et technique aujourd'hui. Mais certains phénomènes météorologiques sont plus difficiles à prévoir que d'autres, en particulier les phénomènes de petite échelle et au-delà de la qualité de la prévision, se pose la question de la manière dont nous la diffusons. Les tornades qu'a évoquées M. Blairy sont un défi pour notre dispositif de vigilance, aujourd'hui conçu à l'échelle départementale ; il nous faut analyser comment améliorer l'information que nous donnons sur des phénomènes de beaucoup plus petite échelle. J'ai mentionné le début de vigilance infradépartementale pour les risques vague/submersion et avalanches et nous voulons progresser dans cette voie. En effet, si l'on met tout un département en rouge pour un événement très localisé, la majorité de la population pense que Météo-France fait n'importe quoi puisqu'il ne s'est rien passé dans la plupart des lieux, et en tire la conclusion erronée que la vigilance est un dispositif inutile auquel il ne sert pas de prêter attention. Mais si nous ne sommes pas en rouge, la population touchée par des événements bien réels s'interroge légitimement sur nos prévisions.
Pour ce qui est spécifiquement des tornades, on sait prévoir au niveau international les conditions favorables à leur émergence, mais pas les tornades elles-mêmes ; les Américains, qui font cela depuis très longtemps, ont un taux d'échec d'environ 50 % quand ils prédisent une tornade. Nous travaillons à un dispositif d'information infradépartementale sur les conditions favorables aux tornades, mais ces prévisions auront un pourcentage de réussite moindre que celui auquel nous parvenons pour d'autres sujets.
La territorialisation des échanges a été évoquée plusieurs fois. Notre organisation reste territorialisée, puisque nous avons 39 sites en métropole, sans parler de l'outre-mer, et que nous avons installé un réseau de correspondants, des référents territoriaux qui n'ont pas de missions opérationnelles mais qui sont chargés de l'accompagnement de leurs interlocuteurs institutionnels, État ou collectivités, pour déployer à grande échelle les services que nous mettons en œuvre et que nous souhaitons renforcer, comme le service sur les îlots de chaleur urbains. J'ajoute que pour être le plus utiles possible, nos services météorologiques doivent intégrer une dimension d'impact et donc une connaissance très fine de nos utilisateurs. Or nous n'avons pas la connaissance parfaite de tous les secteurs institutionnels et économiques ; travailler avec des partenaires nous permet de déployer des services plus utiles à nos interlocuteurs et à plus grande échelle.
Une série de questions portait sur les services commerciaux et les recettes externes de l'établissement. La demande de services météorologiques et climatiques est en très forte expansion. Météo-France n'a pas les effectifs qui lui permettraient de répondre à l'ensemble des demandes. Nous souhaitons donc répondre aux demandes pour lesquelles la valeur ajoutée d'un organisme public à la très grande expertise scientifique sera la plus forte. Un grand nombre d'entreprises privées pouvant assurer des services météorologiques « tout-venant », nous avons décidé de privilégier des services à haute valeur ajoutée pour des secteurs essentiels du pays. Outre le secteur public, nous avons défini comme secteurs prioritaires ceux des transports, de l'énergie et de l'eau.
À compter du 1er janvier 2024, l'accès à toutes nos données publiques sera gratuit, ce qui offre de nouvelles possibilités de réutilisation. Permettre cette mise à disposition dans de bonnes conditions suppose de donner un « bain de jouvence » à nos systèmes informatiques dans les prochaines années, et donc des investissements importants.
L'égalité hommes-femmes me tient à cœur. Nous avons défini un plan pluriannuel visant à combattre discriminations et harcèlements et fixant des mesures de promotion des femmes au sein de l'encadrement et de l'encadrement supérieur. Nous mettons en place des indicateurs de suivi pour vérifier les effets de cette politique.
La question m'a été posée des besoins de recrutements de Météo-France. La pyramide des âges de notre effectif entraîne, c'est exact, de très nombreux départs en retraite, presque 200 en 2023. Cela nous a conduits à élargir les promotions d'ingénieurs et de techniciens supérieurs à l'École nationale de la météorologie pour former davantage de fonctionnaires, mais il faut un peu de temps pour les former. D'autre part, nous renforçons sérieusement le recrutement de contractuels issus du secteur public ou du secteur privé, et nous présenterons dans quelques semaines au comité social d'administration un cadre de gestion de nos contractuels visant à renforcer l'attrait de Météo-France. Notre établissement est globalement attractif parce que le sujet climatique est un sujet attractif, mais les conditions d'emploi et de rémunération comptent, bien sûr. Il était donc nécessaire de créer ce document jusqu'alors inexistant.
Pour ce qui est de la sensibilisation au changement climatique, nous avons créé un réseau d'intervenants internes spécifiques pour répondre aux besoins à ce sujet des services de l'État, de la sphère éducative et des entreprises, pour informer et sensibiliser. Nous avons beaucoup renforcé les contenus sur le climat sur notre site internet, très bel outil de promotion avec ses 500 millions de visites par an, et cette évolution a entraîné l'augmentation de plus de 40 % des consultations de nos pages sur le climat entre 2021 et 2022. Nous avons aussi engagé de nombreux partenariats avec des médias et des organismes spécialisés dans la formation pour démultiplier nos messages sur le changement climatique.
Enfin, nous sommes très fortement impliqués dans l'exercice de trajectoire de référence pour l'adaptation au changement climatique lancé par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Depuis la rentrée, Météo-France a mis à disposition sur son portail Dria les données de référence travaillées pour cet exercice ; elles contribueront à la révision des politiques publiques à venir dans le cadre du plan national d'adaptation au changement climatique.
La ressource en eau est un marqueur du réchauffement climatique. Les épisodes de sécheresse se font plus intenses, si bien qu'en 2022, plus de 2 000 communes ont approché la rupture d'approvisionnement en eau potable, et 1 260 cours d'eau étaient asséchés. Pour aider les acteurs locaux à mieux gérer la ressource, Météo-France a mis à disposition un nouveau portail de données hydrologiques, Drias-Eau, en partenariat avec l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement et l'Office international de l'eau. Quel bilan peut-on en tirer ? Quels nouveaux outils comptez-vous créer pour contribuer à une gestion plus résiliente de la ressource en eau ?
En 2022, 72 000 hectares de forêts françaises ont brûlé. Dans le dispositif national de lutte contre les incendies, Météo-France est un acteur clé de la chaîne d'alerte et de prévention. Vous avez souhaité renforcer votre mission d'appui opérationnel au dispositif national en vous fixant l'objectif de couvrir à partir de 2024 55 départements, tous situés dans les zones de défense Sud et Ouest. À quelle échéance la zone de défense Est sera-t-elle aussi dotée d'une assistance renforcée ? Comment envisagez-vous la structuration du partenariat qui vous lie aux collectivités territoriales et aux services de l'État ?
Depuis le 2 juin 2023, Météo-France publie la Météo des forêts. Cet outil pédagogique à l'adresse du grand public a reçu un très bon accueil, je l'ai constaté. Au-delà de ces informations, pouvez-vous préciser le travail que vous menez avec les acteurs professionnels de la forêt et les Sdis ? Des partenariats renforcés sont-ils à l'étude ?
L'augmentation des incidents climatiques est l'un des premiers impacts du changement climatique. Dans mon département, l'Ardèche, les années de sécheresse se succèdent, les orages de grêle sont plus fréquents et plus violents et les épisodes cévenols d'une rare intensité. Les dégâts sont nombreux et très coûteux. Tout inévitables qu'ils soient, ces phénomènes sont prévisibles ; aussi me semble-t-il indispensable, pour prévenir leur impact, de développer une politique de prévention des risques météorologiques. Quelle est l'action de Météo-France en cette matière ? Comment pouvez-vous accompagner les élus et les entreprises dans la prévention du changement climatique ?
Quelle est la politique de recherche de Météo-France, et avec quel budget ? Qu'en est-il de la formation des doctorants ? Travaillez-vous avec le Centre national d'études spatiales, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et les autres acteurs, français et étrangers, qui se consacrent à ces questions ? Quels axes de recherche privilégiez-vous ?
Vous avez lancé à l'automne dernier deux dispositifs permettant d'évaluer l'impact qu'aura le dérèglement climatique pour une commune ou pour une entreprise. Dans le département du Nord, l'état de catastrophe naturelle a été reconnu pour 134 communes confrontées à un grave problème lié au climat, le retrait-gonflement des argiles sous l'effet de l'alternance de périodes sèches et de périodes pluvieuses, qui entraîne des conséquences très préjudiciables pour l'habitat et le patrimoine architectural. Comment améliorer la précision des alertes et de la communication dans le cadre d'un travail commun entre les départements et les mairies ?
Il y a deux ans, un rapport sénatorial indiquait qu'en un peu plus de dix ans, près de 900 emplois avaient été supprimés à Météo-France, grande maison à laquelle sont attachés les particuliers et les professionnels, particulièrement les agriculteurs confrontés au défi du changement climatique. L'amplification de ce changement ne va-t-elle pas rendre indispensables des moyens plus fournis pour l'établissement ?
Météo-France, pôle public de la météorologie, est un fleuron permettant la mise en place des politiques d'urgence destinées à préserver les populations et l'agriculture. Pourtant, depuis quelque temps, au lieu de former et de recruter massivement des scientifiques prévisionnistes, vous allouez les crédits à des programmes d'intelligence artificielle visant à remplacer progressivement les prévisionnistes poussés vers la retraite et non remplacés à leur départ, comme c'est déjà le cas. La météorologie probabiliste et fiable est fondée sur des données historiques ; or les scientifiques alertent sur l'imprévisibilité climatique future. Nous devons garder des fonctionnaires pour allier observation humaine et intelligence artificielle. Croire que l'intelligence artificielle ou le tout numérique remplacera totalement l'être humain, c'est se méprendre entièrement : comment un modèle anticipera-t-il des records de températures ou de précipitations qui ne se sont jamais produits, et dans des conditions jamais observées ?
Vous signalez dans vos réponses au questionnaire de notre rapporteure que le projet de loi de finances pour 2024 prévoit pour Météo-France une augmentation d'effectifs de 25 ETP, expliquant que cette hausse répond à une nécessité pour mieux anticiper les feux de forêts et mieux informer le grand public. Sachant que l'établissement comptait, en 2010, mille agents de plus qu'en 2023, la hausse de personnel prévue pour 2024 vous paraît-elle suffisante ?
Le contrat d'objectifs 2018-2022 de Météo-France a conduit à une forte réduction des effectifs et des implantations. Cette baisse s'est révélée imprudente et irréaliste. La stratégie consistant à privilégier l'investissement et le recours à des prévisionnistes qualifiés au détriment de référents de terrain a eu des effets négatifs, en particulier en montagne, avec des conséquences fâcheuses sur la prévention et l'anticipation des avalanches, montrant au passage les limites d'une implantation humaine insuffisante. Envisagez-vous, dans ces territoires de montagne, de poursuivre la réimplantation de stations locales que vous avez engagée et que je salue ? Jugez-vous que le partenariat récemment engagé avec un réseau de guides de montagne ait permis de retrouver une qualité de prévisions satisfaisante ?
Je rappelle que le maintien de ces implantations avait été le fruit d'une autre audition de madame Schwarz, qui avait été très attentive à nos revendications.
Cet été, une information était diffusée quotidiennement sur le risque de feux de forêt, parallèlement à la météo des plages. Météo-France, vous l'avez dit, a lancé en juin la Météo des forêts à l'attention des pompiers. Ce dispositif, qui concerne pour l'instant 35 départements, sera étendu à 55 autres l'année prochaine. Nous nous félicitons de ces initiatives mais nous voudrions en savoir plus sur leurs effets. De telles mesures auraient rendu nécessaire la création de plusieurs postes à Météo-France. En quoi la Météo des forêts constitue-t-elle une avancée significative par rapport au bulletin par zone de défense qui préexistait ? Aurait-elle permis de lutter contre un nouvel été meurtrier identique à celui de 2022, qui avait fait dire à notre collègue, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances, que Météo-France n'était pas capable, faute de personnel suffisant, de gérer simultanément plusieurs situations de ce type ? Enfin, avez-vous anticipé des besoins analogues pour d'autres risques tels que canicules, orages violents et crues, qui vont également se multiplier ?
La dotation de l'État représentant 45 % du budget de Météo-France, vous avez poursuivi la diversification des ressources de l'établissement par des services payants censés apporter de nouvelles recettes commerciales. Perpétuerez-vous cette politique de services tous azimuts, comme semble vous y pousser l'État en vous demandant de lancer un nouvel outil climatique par an ? Dans quels domaines et auprès de quels acteurs voudriez-vous alors vous investir ? Vos prestations à destination des collectivités remportent-elles le succès espéré ? La recherche de clients « premium » ne risque-t-elle pas de dégrader la qualité de l'information réservée aux autres usagers ? Comptez-vous rendre payante une partie plus importante des informations destinées aux agriculteurs ? Face à la concurrence du numérique et des données produites par des entreprises privées, quelle riposte envisagez-vous pour redonner de la valeur à vos données ?
En 2020, les inondations des vallées de la Roya, de La Vésubie et de la Tinée avaient été anticipées, ont rappelé nos collègues Alexandra Masson et Philippe Pradal dans leur mission flash, mais la localisation des précipitations était incertaine et l'ampleur du phénomène a été sous-estimée. Comment pensez-vous améliorer le dispositif de vigilance et d'alerte face à des événements météorologiques graves pour ne pas noyer les maires et la population sous un flot de messages anxiogènes sans rapport avec la réalité du terrain, notamment lors d'alerte canicule ? À quelle échéance pensez-vous généraliser l'échelle de mesure infradépartementale pour l'ensemble de la vigilance, voire la maille des 500 mètres ? Dans quelles situations auriez-vous recours aux alertes SMS et au système FR-Alert du ministère de l'intérieur ? Quel jugement portez-vous sur les cartographies des bulletins météorologiques télévisés où cohabitent un soleil, un nuage et des gouttes de pluie, et sur le nouveau journal Météo climat de France Télévisions ?
Les supercalculateurs Belenos et Taranis ont permis d'améliorer sensiblement la qualité et l'anticipation de la prévision mais, à raison de 23 millions d'euros par an, leur maintenance coûte cher. Comment pensez-vous financer cet entretien de façon pérenne, notamment en cas d'envolée du prix de l'électricité, après un surcoût de 7 millions d'euros en 2023 ? Avez-vous assez de prévisionnistes pour exploiter toutes les données générées ? La future génération de supercalculateurs permettra de multiplier par six la puissance de calcul de Météo-France, mais le coût de cet investissement est de 350 millions d'euros. Le report à 2026 de cette acquisition initialement prévue pour 2025 trahit-il des difficultés de financement ? Cela aura-t-il une incidence sur la capacité de prévision ? Les difficultés du groupe Atos, qui conçoit ces supercalculateurs, vous préoccupent-elles ? Qu'en sera-t-il des autres investissements de Météo-France qui s'étageaient de 15 à 18 millions d'euros par an depuis 2012, mais qui ne seront que de 14 millions en 2023, rénovation thermique comprise ?
La circonscription de Vichy a été frappée en juin 2022 par de violents orages de grêle qui ont détruit voitures, toitures et exploitations agricoles et plongé 20 000 sinistrés dans la détresse. Comment pouvez-vous mieux alerter les habitants de la survenance de ces orages violents ? Selon vous, les fusées anti-grêle de nouvelle génération sont-elles efficaces ? Elles doivent être tirées deux minutes avant l'orage de grêle ; êtes-vous capables de prévoir ces orages avec précision et au dernier moment ? Une autre technique, qui suppose un réseau de radars privés coûteux, consiste à lancer des ballons d'hélium diffusant des sels hygroscopiques ; les réseaux de radars de Météo-France pourraient-ils être utilisés pour appuyer cette nouvelle technologie ?
Météo-France et le Centre d'études et d'expertise sur les risques, la mobilité et l'aménagement (Cerema) ont signé pour la période 2022-2026 une convention de partenariat visant à accompagner les territoires face au changement climatique. Cette collaboration porte notamment sur la pérennisation du réseau de mesure de la houle et la télédétection pour l'observation du littoral. Quel en est le bilan à mi-parcours ? Météo-France a-t-il été doté de houlographes ? Lors de la discussion du projet de loi finances pour 2023, j'avais déposé un amendement visant à doter l'établissement de davantage de ces matériels. Il n'avait pas été adopté mais la ministre s'était engagée à prendre en compte cette demande ; qu'en est-il ? Enfin, madame la présidente, je vous propose de rejoindre le Comité national du trait de côte que je préside ; votre expertise serait extrêmement pertinente dans l'avancement de nos travaux pour accompagner les communes confrontées à l'érosion côtière.
Madame, je vous avais interrogée l'an dernier sur la possibilité d'émettre les bulletins météorologiques spéciaux plus tôt. Le faire le matin pour le soir et le soir pour le matin ne permet pas aux navires qui naviguent dans les zones côtières d'anticiper. D'autre part, le vent est le moyen de transition le plus facile : un bateau vient d'être mis à l'eau, une fois mis le gréement et avec la seule propulsion du vent, il navigue à presque 20 km/heure, une très belle performance. Comment, alors, améliorer encore la coopération entre Météo-France et les start-up qui vont se multiplier, car le routage météorologique et maritime va se développer ? L'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) travaille déjà, hélas, avec des entreprises de météorologie d'autres pays.
J'aimerais des précisions sur les missions spécifiques de Météo-France outre-mer, notamment sur le dispositif que vous avez mis au point pour localiser et prévenir les échouements de sargasses, sujet économique majeur.
Alors que les conséquences du dérèglement climatique sont de plus en plus visibles et coûteuses et que les catastrophes naturelles se multiplient, l'accès aux données publiques de Météo-France, un trésor d'informations, n'est pas possible en open data, ce qui rend impossibles le travail sur des indicateurs et des statistiques ou les analyses fines. Cela serait pourtant bénéfique pour de nombreux secteurs d'activité : les services publics, le secteur assurantiel, la protection des personnes et des biens, l'efficience de l'agriculture, l'énergie, la gestion de l'eau, etc. Météo-France peut-il assurer une bonne qualité de service à titre gratuit, comme l'impose le règlement européen sur les données « de forte valeur » ? La question se pose, alors que, si mes informations sont bonnes, les premiers projets présentés en Conseil supérieur de la météorologie continueraient de déployer une offre payante spécifique dite plus rapide.
Madame Schwarz, je vous laisse répondre à ces nombreuses questions. Elles disent l'intérêt que notre commission porte aux activités de Météo-France.
Nous exerçons depuis plusieurs années un appui opérationnel aux services de lutte contre les incendies, sous deux formes. D'abord, la production biquotidienne de cartes et de bulletins à très petite échelle ; historiquement, elle concernait le tour de la Méditerranée et nous l'avons progressivement élargie. Cela s'est accompagné, dans certaines zones, de la présence pendant toute la saison des incendies de prévisionnistes de Météo-France dans les centres opérationnels de lutte contre les incendies de Marseille, Bordeaux et Nîmes. Cet appui opérationnel est un exemple de la poursuite de la présence de Météo-France dans les territoires là où c'est nécessaire. Cette présence, jusqu'alors systématique à Marseille pour la partie Sud-Est du territoire, l'est devenue aussi à Bordeaux l'été dernier pour la partie Sud-Ouest du pays, et le sera à Rennes à partir de l'été 2024. Cinquante départements seront alors couverts par cet appui technique et par la présence physique de nos prévisionnistes. Nous apportons aussi, bien sûr, un appui aux services de lutte contre les incendies dans le reste du territoire national avec la production de cartes d'expertise, mais cet appui s'opère à distance. Nous discutons avec le ministère de l'intérieur des évolutions éventuellement utiles de ce dispositif. Il n'apparaît pas nécessaire pour l'instant d'instaurer une présence physique systématique sur place dans la zone Est pendant la saison de lutte contre les incendies, mais cela risque malheureusement de le devenir dans quelques années.
L'autre nouveauté est la production, depuis le mois de juin, d'une carte nationale intitulée la Météo des forêts. Dressée à l'échelle départementale, elle n'est pas aussi précise que celles que nous transmettons aux services de lutte contre les incendies. C'est une prévision à deux jours, avant tout destinée à alerter les Français sur le fait que, là où ils se trouvent, les conditions météorologiques peuvent être particulièrement propices aux feux de forêt et qu'ils doivent prendre des précautions. La Météo des forêts est donc assortie de conseils de comportement à propos, par exemple, du bricolage, des barbecues ou des mégots de cigarettes, pour éviter le déclenchement de feux dans des zones où les conditions météorologiques entraîneraient rapidement des incendies de grande ampleur. Telle est la différence entre la météo des incendies, destinée aux services opérationnels, et la météo des forêts, carte nationale destinée au grand public.
Notre partenariat avec les pompiers et tous les acteurs de la lutte contre les incendies est très étroit, pendant la période opérationnelle et pendant le reste de l'année, avec des formations croisées et des échanges. Nous sommes sur le point d'engager avec eux le retour d'expérience sur l'été dernier, avec le désir d'amélioration constante des dispositifs.
Nous nous efforçons sans cesse d'améliorer l'anticipation de nos prévisions. Notre objectif, je vous l'ai dit, est de passer de la cible actuelle, qui est de trois heures, à une cible de six heures, plus utile aux services chargés de la gestion de crise. Certains dispositifs sont destinés aux communes. C'est le cas du service « Apic » – « avertissement pluies intenses à l'échelle des communes » – auquel les communes peuvent s'abonner gratuitement pour que la personne qu'elles désignent reçoive un avertissement automatique par téléphone lorsque le seuil de précipitations à risque est près d'être atteint, sans qu'il lui soit nécessaire de chercher à s'informer.
Nous pensons pouvoir faire davantage pour relayer les conseils de comportement lors d'événements météorologiques intenses, comme nous le faisons pour les incendies. Interrogés, la très grande majorité des Français disent connaître le dispositif de vigilance météorologique, mais ils connaissent beaucoup moins bien les comportements à adopter et à ne pas adopter dans les situations dangereuses.
Dans le domaine de la recherche météorologique, les partenariats sont intenses. Les laboratoires du Centre national de recherche en météorologie sont tous des unités mixtes avec le CNRS et l'essentiel de nos projets de recherche se fait dans le cadre de collaborations : avec le CNRS donc, notamment à l'Université de Toulouse, et beaucoup aussi au niveau international, en particulier européen pour les modèles de prévision numérique du temps. Le consortium « Accord » (A consortium for convection-scale modelling research and development) regroupe plus d'une trentaine de services météorologiques de l'Europe entendue au sens très large, qui travaillent ensemble pour améliorer la prévision numérique du temps. Ce domaine demande beaucoup de moyens et la mise en commun de ces travaux nous permet d'être meilleurs. En ce moment, le consortium est dirigé par un ingénieur de Météo-France.
En matière de retrait-gonflement des argiles, Météo-France a un rôle d'expertise : il donne à la commission interministérielle de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, qui prend les décisions de classement, les informations sur le caractère plus ou moins historique de la sécheresse du sol. De nombreux travaux sont menés sur le retrait-gonflement des argiles, y compris dans votre assemblée. Ils pourraient conduire à des évolutions, notamment à ce que nous fournissions nos rapports d'expertise tous les trimestres et non plus tous les ans. Nous sommes prêts à nous engager dans cette voie pour accélérer la procédure d'évaluation et d'indemnisation.
Pour aborder la question de l'humain, de la modélisation et de l'intelligence artificielle dans la prévision météorologique, je commencerai par dire comment on fait des prévisions aujourd'hui : on s'appuie sur de nombreux modèles utilisant de nombreuses données issues de nombreux satellites et qui fournissent de nombreux de scénarios. Les résultats obtenus sont repris, expertisés, analysés, travaillés par nos prévisionnistes, et c'est ainsi que la complémentarité entre les progrès techniques et l'expertise humaine prend tout son sens. Les progrès de la modélisation numérique nous ont d'évidence permis de beaucoup améliorer nos prévisions au cours des dernières décennies pour les situations météorologiques simples, mais pour les situations les plus complexes, en cas d'événements météorologiques dangereux, nous avons absolument besoin de l'expertise de nos prévisionnistes. Nous reconnaissons si bien leur importance que nous avons requalifié leur métier, qui était un métier de technicien supérieur, en métier d'ingénieur.
Nous avons absolument besoin de l'expertise humaine, en particulier pour la production de la vigilance météorologique : ce sont nos prévisionnistes qui fixent les niveaux de la vigilance et ils continueront de le faire. L'intelligence artificielle ne modifiera pas cet équilibre. Nous en attendons des progrès en matière de modélisation ; remplacer des modèles très lourds de plusieurs millions de lignes de code par des émulateurs d'intelligence artificielle qui tourneront beaucoup plus vite nous permettra de gagner du temps. Mais les résultats ainsi obtenus seront ensuite analysés, expertisés et retraités par nos prévisionnistes. Il n'est pas question d'aller plus loin en termes d'automatisation par le développement de l'intelligence artificielle, mais de faire différemment ce que nous faisons aujourd'hui déjà de manière numérique.
Nous ne constatons aucune dégradation de nos prévisions pour la montagne. En tout état de cause, ayant réexaminé ce qui était envisagé en 2018, nous n'y avons pas réduit le nombre de nos implantations. Les modèles sont moins performants en montagne car la prévision météorologique y est plus complexe qu'ailleurs. En particulier, nous avons davantage besoin des observations de terrain sur l'état de la neige, qu'il est compliqué de modéliser. Aussi avons-nous décidé de maintenir ces six implantations, de renforcer notre partenariat ancien avec les services des pistes des stations de ski et de conclure un partenariat avec des « guides observateurs », ce qui nous permet de collecter des observations même lorsque les stations de ski sont fermées et en dehors des pistes skiables. Ce partenariat est encore récent et le syndicat des guides de haute montagne cherche à en consolider le financement, mais les expérimentations faites au cours des deux derniers hivers nous rendent très optimistes sur cet apport.
Une partie de nos services est gratuite, notamment Climadiag Commune et Climadiag Entreprise, disponibles librement sur notre site Internet. Sont payants les services qui appellent des développements adaptés à chacun de nos clients, ce qui demande des ressources humaines importantes. Nous faisons payer les services qui ne peuvent être automatisés, mais nous sommes vraiment loin d'un projet de développement massif des ressources externes et des services commerciaux de l'entreprise.
Nos recettes commerciales – je mets de côté la publicité, sujet en soi – sont de quelque 27 millions d'euros. La hausse de ce montant est principalement due à un contrat signé avec le ministère de la transition écologique pour mener à bien les évaluations de ressources préalables aux appels d'offres pour l'éolien en mer, après que le nombre de ces appels d'offres a augmenté. Ce contrat mis à part, nos recettes commerciales sont stables, s'établissant depuis plusieurs années entre 21 et 22 millions d'euros. Pour les cinq prochaines années, nous visons une augmentation de 2 % par an qui, sans être négligeable, est limitée. Nous n'avons pas l'intention de développer massivement des activités commerciales, notre effectif ne nous le permettrait pas. Nous devons bien sûr consacrer les effectifs suffisants d'abord à nos missions de service public et nous ne prévoyons pas d'augmenter les ressources humaines consacrées à nos services commerciaux dans les prochaines années.
Le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) et la direction du budget ayant donné leur accord, le report de l'acquisition d'un nouveau supercalculateur ne tient pas à une difficulté de financement mais à la volonté d'utiliser au mieux l'argent public. Nous avions décidé l'achat de ce nouvel équipement parce que nous n'étions pas certains que la société Atos accepterait de prolonger son indispensable garantie des conditions de fonctionnement de notre calculateur actuel jusqu'à 2026. Après qu'Atos a accepté de prolonger sa garantie, nous étions certains de pouvoir continuer à faire fonctionner notre calculateur un an de plus dans les meilleures conditions, et donc d'utiliser au mieux l'argent public qui nous est confié. Pour le prochain appel d'offres que nous allons lancer, la réduction du nombre d'entreprises actives sur le marché international des supercalculateurs, et donc de la concurrence, nous préoccupe car nous espérons acheter au prix le plus attractif possible.
Nous avons installé un houlographe à Mayotte. La discussion est encore en cours avec les opérateurs de l'État concernés pour définir qui portera les développements supplémentaires du réseau. Je vous remercie, madame la députée, de me proposer de rejoindre le Comité national du trait de côte.
Nous avons créé à Toulouse l'incubateur de start-up Météo Fab. Il accueille des entreprises pour lesquelles l'utilisation des données météorologiques est un élément de développement important. Cela fonctionne plutôt bien. Ainsi, nous collaborons avec une entreprise qui a mis au point un système de détection par webcam, à la fois pour qu'elle se développe et pour qu'elle apporte des services à Météo-France. C'est un exemple de réussite d'entreprises passées par cet incubateur. Au-delà, le passage à la gratuité de nos données publiques est une occasion de reprendre le dialogue avec de petites entreprises. Des événements organisés par le ministère chargé de l'écologie rassemblent des start-ups dans nos domaines et nous leur présentons ce que nous pouvons faire.
Nous avons créé au sein du Conseil supérieur de la météorologie, l'instance de consultation et de dialogue avec nos utilisateurs, un groupe spécialisé chargé de préparer au mieux l'accès libre à nos données publiques le 1er janvier prochain. Je confirme que l'on peut accéder à un certain nombre de nos données publiques sous forme de fichier, mais ce groupe de travail est chargé de vérifier que les formats et les contenus du pack climatologique de données publiques que nous allons mettre à disposition permettent d'utiliser facilement l'ensemble des données qui peuvent servir à déterminer des politiques climatiques territoriales.
Ce qui vaut pour les tornades vaut pour la grêle : au niveau mondial, nous ne savons pas encore prévoir parfaitement les phénomènes de petite échelle. Disposer de calculateurs plus puissants, améliorer nos systèmes d'observation par l'utilisation de satellites nous permet progressivement de faire mieux, mais les prévisions à ce sujet sont encore imprécises. D'autre part, je ne suis pas en mesure de vous apporter une réponse scientifiquement certaine sur l'efficacité des fusées anti-grêle, sujet sur lequel Météo-France est assez peu impliqué ; je reviendrai vers vous. Enfin, nos données radar font partie de nos données publiques ; elles seront donc disponibles gratuitement à partir du 1er janvier 2024. Si des besoins de formats particuliers s'expriment, faites-nous le savoir, monsieur le député, pour que nous puissions en tenir compte dans la préparation de cette étape.
Les avions civils, bardés de capteurs, contribuent si bien au suivi météorologique que lors de la crise du covid-19, la baisse du trafic aérien a réduit la fiabilité des prévisions. Quelle est la part de l'aviation dans la fiabilité des prévisions météorologiques à ce jour ?
Effectivement, il y a eu une perte de données pendant la pandémie parce que moins d'avions volaient. En France, nous avons en partie compensé cette perte par d'autres dispositifs d'observation, notamment de plus nombreux radiosondages, mais cela n'a pas été le cas partout dans le monde et l'on a pu constater une baisse de qualité de la prévision en certains lieux. Aujourd'hui, les données issues des avions représentent 5 % des données d'observation intégrées dans notre modèle mondial et 10 % des données d'observation pour notre modèle ciblé sur la France. C'est une contribution significative à nos observations utilisées pour prévoir le temps.
Je vous remercie pour ces réponses, madame. Je laisse à notre rapporteure le soin de conclure.
Je vous remercie à mon tour pour la précision de vos réponses. Tous les groupes partagent le même attachement à Météo-France, à son excellence, au savoir-faire et au savoir de tous les personnels qui œuvrent pour que nous puissions nous préparer et nous adapter aux événements extrêmes et aux conséquences du changement climatique. Après cet échange, des points de vigilance demeurent, et pour commencer la question des effectifs. Vous nous avez parlé de nouvelles missions essentielles et stratégiques ; pour les mener à bien dans de bonnes conditions, Météo-France doit avoir des moyens humains suffisants, ce qui suppose des ressources dans le projet de budget en discussion et dans les suivants. Vous nous avez parlé d'outils destinés aux communes et aux entreprises ; cela suppose aussi des personnels ; or, chacun connaît la réduction intervenue.
Le deuxième point d'attention, ce sont les sites, plusieurs fois évoqués. Chacun s'inquiète que la fermeture d'implantations nuise à la précision des prévisions, à la prise en compte des particularités des prévisions météorologiques en montagne et sur le littoral, aux missions de conseil aux élus locaux. Météo France est un établissement d'excellence, notamment grâce à son personnel. Dans cette commission, de nombreux groupes politiques souhaitent que le développement de cette agence soit accompagné par l'État, et donc par des moyens publics, au lieu qu'il doive, par un processus de privatisation lente, trouver des recettes commerciales ou publicitaires, même si ces dernières sont anecdotiques.
Comme il est d'usage, Madame Schwarz, je vais vous raccompagner avant que nous procédions au vote sur la proposition de votre nomination.
Après le départ de Mme Virginie Schwarz, il est procédé au vote sur le projet de nomination, par appel nominal à la tribune et à bulletins secrets, les scrutateurs d'âge étant M. Sylvain Carrière et Mme Charlotte Goetschy-Bolognese.
Les résultats du scrutin qui a suivi l'audition sont les suivants :
Nombre de votants | 47 |
Abstentions, bulletins blancs ou nuls | 6 |
Suffrages exprimés | 41 |
Pour | 41 |
Contre | 0 |
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mercredi 11 octobre 2023 à 9 h 30
Présents. - M. Damien Abad, M. Damien Adam, M. Henri Alfandari, M. Gabriel Amard, M. Christophe Barthès, M. José Beaurain, Mme Lisa Belluco, M. Philippe Berta, M. Emmanuel Blairy, M. Jean-Yves Bony, M. Jorys Bovet, Mme Pascale Boyer, M. Anthony Brosse, Mme Danielle Brulebois, M. Sylvain Carrière, M. Lionel Causse, M. Pierre Cazeneuve, M. Mickaël Cosson, Mme Annick Cousin, Mme Catherine Couturier, M. Stéphane Delautrette, M. Vincent Descoeur, M. Nicolas Dragon, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Sylvie Ferrer, M. Jean-Luc Fugit, Mme Charlotte Goetschy-Bolognese, M. Daniel Grenon, Mme Clémence Guetté, M. Yannick Haury, Mme Laurence Heydel Grillere, M. Timothée Houssin, Mme Chantal Jourdan, Mme Florence Lasserre, M. Gérard Leseul, Mme Brigitte Liso, Mme Aude Luquet, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Emmanuel Maquet, M. Matthieu Marchio, Mme Manon Meunier, M. Bruno Millienne, M. Jimmy Pahun, Mme Sophie Panonacle, Mme Christelle Petex-Levet, M. Bertrand Petit, Mme Claire Pitollat, Mme Marie Pochon, M. Loïc Prud'homme, M. Nicolas Ray, M. Jean-Pierre Taite, M. Vincent Thiébaut, M. Nicolas Thierry, Mme Huguette Tiegna, M. David Valence, M. Pierre Vatin, M. Antoine Vermorel-Marques, Mme Anne-Cécile Violland, M. Jean-Marc Zulesi
Excusés. - Mme Nathalie Bassire, M. Aymeric Caron, M. Jean-Victor Castor, M. Marcellin Nadeau, Mme Anne Stambach-Terrenoir
Assistait également à la réunion. - M. Vincent Rolland