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Intervention de Virginie Schwarz

Réunion du mercredi 11 octobre 2023 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Virginie Schwarz :

Après ces quatre ans à la tête de Météo-France, je suis heureuse d'être devant vous, pour vous dire mon engagement à accomplir un nouveau mandat au service d'un établissement dont vous avez souligné l'importance des missions et pour vous informer des résultats obtenus pendant les quatre années écoulées dans le cadre du contrat d'objectifs et de performance (COP) 2022-2026 dont j'ai supervisé la négociation et la signature avec l'État.

Le COP nous a fixé comme premier axe stratégique de renforcer notre utilité en matière de sécurité des personnes et des biens, en donnant une information toujours précise et de qualité sur les phénomènes météorologiques et le changement climatique, et en nous adaptant à la forme et au moment dont nos utilisateurs ont besoin pour prendre les meilleures décisions. Nous devons aussi être l'acteur national de référence en matière de fourniture de données et de services climatiques pour accompagner les indispensables démarches d'adaptation au changement climatique. Le COP nous enjoint encore d'innover, et nous fixe une ambition d'exemplarité en matière de responsabilité sociale et environnementale. Enfin, il est construit sur l'hypothèse de la stabilité, au moins, des effectifs au-delà de 2022, après plus de dix ans de baisse continue.

Vous l'avez rappelé, madame la rapporteure, l'effectif a été réduit de près d'un quart pendant cette période. Cela s'explique pour une part par le progrès technique qu'est l'automatisation de l'observation météorologique – et il importe que Météo-France reste au meilleur niveau sur le plan technique –, pour une part par des gains d'efficacité. Météo-France avait signé avec l'État un contrat budgétaire fixant la trajectoire de l'établissement. Ce contrat est venu à son terme en 2022, et j'avais dit, lors de la négociation du nouveau COP, qu'il n'était plus possible d'envisager de nouvelles baisses d'effectif au sein de l'établissement ; c'est ce qui a conduit à l'hypothèse de la stabilité, au moins. Depuis lors, l'établissement ayant été chargé de réaliser des missions supplémentaires que j'évoquerai, nous cherchons à rehausser notre effectif et je me réjouis à chaque fois que c'est le cas, parce que cela améliore notre capacité à remplir de nouveaux services et à apporter un appui renforcé à nos utilisateurs. Mais, au cours des quatre dernières années, nous avons fini d'appliquer le projet de transformation de l'établissement décidé en 2018 et qui s'achèvera cette année avec, effectivement, la diminution du schéma d'emplois et le resserrement du nombre d'implantations, la centralisation de certaines fonctions support, l'automatisation progressive et la refonte du métier de prévisionniste.

Ce schéma a été mis en œuvre avec une forte attention portée à l'accompagnement des agents, notamment à la formation, et à une organisation territoriale suffisante. Certes, nous ne sommes pas toujours d'accord avec toutes les organisations syndicales sur les évolutions à conduire au sein de l'établissement, mais cela n'a pas empêché un dialogue social intense et toujours respectueux, que j'ai mené personnellement pendant toute la durée de mon mandat.

C'est en 2009 que les décisions de fermeture des centres départementaux de Météo-France ont été prises. Elles traduisaient l'évolution des techniques, le fait qu'il n'est plus besoin d'être présent physiquement dans chaque département pour faire de la prévision météorologique. En revanche, nous avons besoin de proximité avec nos utilisateurs. C'est pourquoi, comme je m'y étais engagée en 2019 devant votre commission, nous avons mis au point avec plusieurs communes et départements, que je remercie, une collaboration étroite permettant le maintien dans les Alpes et les Pyrénées de six implantations initialement prévues pour être fermées. Nous avons aussi installé en 2020 un réseau de référents territoriaux, interlocuteurs de proximité des institutions, préfectures, collectivités, syndicats de bassins. Il s'agit de concilier la présence territoriale, l'accompagnement et l'écoute par le maintien de relations avec nos interlocuteurs territoriaux avec les évolutions que les progrès techniques autorisent en permettant depuis presque quinze ans que, pour notre mission essentielle de protection des biens et des personnes face aux aléas météorologiques, la prévision se fasse au niveau des centres interrégionaux.

Je crois pouvoir dire que grâce à la mobilisation de l'ensemble de son personnel, Météo-France a assuré avec efficacité ses responsabilités pendant ces quatre années. Ainsi, en 2022, 98,6 % des événements les plus intenses ont fait l'objet d'un avertissement de vigilance rouge et de vigilance orange, avec un objectif d'amélioration continue du dispositif. Nous avons aussi mis en œuvre des évolutions majeures fortement attendues, en particulier l'extension à deux jours, au lieu de 24 heures précédemment, du dispositif de la vigilance, et le début d'informations infradépartementales permettant un ciblage géographique plus fin pour les phénomènes vague/submersion et avalanche. Nous avons aussi rendu disponible au grand public la prévision des phénomènes météorologiques dangereux jusqu'à sept jours, et offert aux utilisateurs de notre application mobile la possibilité de recevoir des notifications en temps réel sur leur téléphone portable, comme il en avait été question lors de ma première audition par votre commission. Outre-mer, la vigilance vague/submersion a été étendue ; elle est désormais opérationnelle aux Antilles, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte.

Pour ce qui concerne les feux de forêt, nous avons, conformément aux annonces du Président de la République à l'automne 2022, rendu disponible en juin dernier un nouveau moyen d'information du grand public, la Météo des forêts. Ce dispositif indique un niveau de danger de feu ; il est assorti de conseils de comportement. En complément, l'appui opérationnel que nous apportons aux acteurs de la lutte contre les incendies a été étendu géographiquement pour tenir compte de l'augmentation du risque de feux en raison du changement climatique. C'est une des raisons qui a justifié l'augmentation de l'effectif de l'établissement. De fait, la question se posera à nous avec acuité de savoir quel impact le changement climatique aura sur l'activité de Météo-France et en conséquence sur le besoin d'effectif supplémentaire.

Le renouvellement des deux supercalculateurs de l'établissement, en 2021, a eu une importance majeure. Cela nous a permis de prévoir le temps avec une maille géographique plus fine et de réduire de la sorte de 5 % l'erreur de prévision sur l'Europe à deux-quatre jours. Ce gain d'anticipation de quelque cinq heures a conforté la place de nos modèles au nombre des meilleurs en Europe.

Ces quatre années ont été marquées par de nombreuses avancées : poursuite de nos contributions aux travaux du Giec ; mise à disposition de nos simulations climatiques au niveau international – elles se placent au troisième rang mondial des simulations les plus téléchargées ; renforcement de nos actions de sensibilisation au changement climatique ; création du nouveau portail d'informations hydrologiques Drias-Eau (Donner accès aux scénarios climatiques régionalisés français pour l'impact et l'adaptation de nos sociétés et environnement-Eau) visant à informer sur l'impact du changement climatique sur le cycle de l'eau dans les territoires.

Nous avons également lancé, fin 2022, deux nouveaux services climatiques gratuits en ligne, l'un destiné aux communes, l'autre aux entreprises pour les aider à élaborer des stratégies d'adaptation au changement climatique. Climadiag Commune permet ainsi d'obtenir en quelques clics une synthèse simple et quantifiée des évolutions climatiques auxquelles chaque commune devra s'adapter à l'horizon 2050. Cette base scientifique permet de fonder des stratégies d'adaptation.

S'agissant de responsabilité sociétale, nous avons adapté, en concertation étroite avec les organisations syndicales, un projet social, feuille de route de l'établissement en matière de ressources humaines, un premier plan d'action pluriannuel en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes en 2021 et un plan pluriannuel favorisant l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap en 2022.

En matière d'écoresponsabilité, Météo-France s'est doté d'un plan pluriannuel 2021-2025 visant à réduire d'au moins 20 % ses émissions de gaz à effet de serre.

Pour l'avenir, si vous m'accordez votre confiance, nos actions seront naturellement orientées par les objectifs inscrits dans le COP 2022-2026 signé avec l'État. En premier lieu, Météo-France doit continuer à progresser dans la prévision des phénomènes météorologiques dangereux. Il nous faudra parvenir à anticiper la majorité des épisodes de vigilance 6 heures à l'avance au lieu de 3 heures précédemment, pour permettre une meilleure préparation et mieux faire connaître aux Français les comportements à adopter en cas de situations météorologiques dangereuses. À cette fin, de nouvelles versions de nos modèles de prévisions doivent être régulièrement déployées. En particulier, une modélisation à la maille de 500 mètres, deux fois plus précise que la version actuelle, sera expérimentée en 2024 pour la région parisienne et le pourtour méditerranéen.

Cette nouvelle version nous permettra aussi de progresser dans le domaine aéronautique. Notre financement, pour la partie aéronautique de nos activités, se fait par le biais d'une redevance fondée sur le principe de la couverture stricte des coûts et actuellement, la redevance couvre les coûts en métropole. La question que vous avez évoquée, madame la rapporteure, est différente de celle, plus large, de la contribution du secteur aéronautique à la lutte contre le changement climatique.

Tout en poursuivant les travaux de recherche et les actions de sensibilisation du grand public, nous devons déployer de nouveaux services climatiques pour le secteur urbain comme pour le secteur agricole. Ainsi lancerons-nous au Salon des maires, en novembre, un service concernant les îlots de chaleur urbains. Je souhaite aussi que, grâce aux effectifs supplémentaires prévus dans le projet de loi de finances pour 2024, nous renforcions nos actions relatives au changement climatique outre-mer. Nous avons bien sûr travaillé ces sujets ces dernières années, mais avec des effectifs plus ponctuels dans le cadre de projets eux aussi ponctuels, la trajectoire de nos ressources humaines ne nous permettant pas d'y affecter des ressources humaines pérennes ; je souhaite que cela soit le cas désormais.

Pour atteindre tous ses objectifs, l'établissement doit rester à la pointe en matière de technologie et d'innovation. Dans le domaine de la météorologie comme dans d'autres, les techniques d'intelligence artificielle pourraient provoquer une rupture. L'établissement était précurseur en cette matière par de nombreux projets déjà opérationnels ; on pourrait aller plus loin en remplaçant les modèles de prévision numériques actuels par des émulateurs d'intelligence artificielle. Nous sommes encore en phase exploratoire mais il me semble essentiel que Météo-France soit, avec quelques autres services météorologiques européens, un centre d'excellence de prévision du temps à partir de techniques d'intelligence artificielle, un domaine pour l'instant dominé par des sociétés privées uniquement américaines et chinoises. Nous engageons donc ce travail avec nos collègues pour appuyer notre objectif d'amélioration du service rendu.

Météo-France doit disposer de moyens de calcul intensif suffisants. Pour la prochaine génération de calculateur, l'analyse des attentes des ministères nous a conduits à estimer les besoins à une puissance de calcul sextuplée. En 2022, ce projet a été validé par le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) et la direction du budget. Le coût global est estimé à 350 millions d'euros, pour des gains économiques et sociaux attendus de l'ordre de 1,4 milliard d'euros. C'est un investissement important fait par la collectivité dans le domaine de la météorologie et du climat ; l'aboutissement de ce projet à l'horizon 2026 devrait être une priorité.

Météo-France doit continuer à développer ses actions en matière de responsabilité sociale et environnementale, notamment de qualité de vie au travail de ses agents. Les transformations profondes que l'établissement a connues ces dernières années ont eu un impact sur eux ; il faut continuer de les accompagner, notamment par la formation. En matière d'écoresponsabilité, la rénovation énergétique de nos 80 000 mètres carrés de locaux est un défi considérable.

Météo-France traite d'enjeux majeurs pour la société française. L'établissement se situe au meilleur niveau mondial. Alors que les effets du changement climatique se font sentir toujours davantage, les attentes à son endroit sont particulièrement fortes. Les défis sont nombreux mais Météo-France dispose d'importants atouts pour y répondre : son excellence scientifique, la pertinence de ses moyens techniques, la qualité de ses personnels. Si votre commission et celle du Sénat l'acceptent, je serai donc fière et heureuse de pouvoir continuer à m'engager avec l'ensemble des personnels pour que Météo-France soit toujours un établissement de pointe au service de tous.

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