Intervention de Virginie Schwarz

Réunion du mercredi 11 octobre 2023 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Virginie Schwarz :

Nous exerçons depuis plusieurs années un appui opérationnel aux services de lutte contre les incendies, sous deux formes. D'abord, la production biquotidienne de cartes et de bulletins à très petite échelle ; historiquement, elle concernait le tour de la Méditerranée et nous l'avons progressivement élargie. Cela s'est accompagné, dans certaines zones, de la présence pendant toute la saison des incendies de prévisionnistes de Météo-France dans les centres opérationnels de lutte contre les incendies de Marseille, Bordeaux et Nîmes. Cet appui opérationnel est un exemple de la poursuite de la présence de Météo-France dans les territoires là où c'est nécessaire. Cette présence, jusqu'alors systématique à Marseille pour la partie Sud-Est du territoire, l'est devenue aussi à Bordeaux l'été dernier pour la partie Sud-Ouest du pays, et le sera à Rennes à partir de l'été 2024. Cinquante départements seront alors couverts par cet appui technique et par la présence physique de nos prévisionnistes. Nous apportons aussi, bien sûr, un appui aux services de lutte contre les incendies dans le reste du territoire national avec la production de cartes d'expertise, mais cet appui s'opère à distance. Nous discutons avec le ministère de l'intérieur des évolutions éventuellement utiles de ce dispositif. Il n'apparaît pas nécessaire pour l'instant d'instaurer une présence physique systématique sur place dans la zone Est pendant la saison de lutte contre les incendies, mais cela risque malheureusement de le devenir dans quelques années.

L'autre nouveauté est la production, depuis le mois de juin, d'une carte nationale intitulée la Météo des forêts. Dressée à l'échelle départementale, elle n'est pas aussi précise que celles que nous transmettons aux services de lutte contre les incendies. C'est une prévision à deux jours, avant tout destinée à alerter les Français sur le fait que, là où ils se trouvent, les conditions météorologiques peuvent être particulièrement propices aux feux de forêt et qu'ils doivent prendre des précautions. La Météo des forêts est donc assortie de conseils de comportement à propos, par exemple, du bricolage, des barbecues ou des mégots de cigarettes, pour éviter le déclenchement de feux dans des zones où les conditions météorologiques entraîneraient rapidement des incendies de grande ampleur. Telle est la différence entre la météo des incendies, destinée aux services opérationnels, et la météo des forêts, carte nationale destinée au grand public.

Notre partenariat avec les pompiers et tous les acteurs de la lutte contre les incendies est très étroit, pendant la période opérationnelle et pendant le reste de l'année, avec des formations croisées et des échanges. Nous sommes sur le point d'engager avec eux le retour d'expérience sur l'été dernier, avec le désir d'amélioration constante des dispositifs.

Nous nous efforçons sans cesse d'améliorer l'anticipation de nos prévisions. Notre objectif, je vous l'ai dit, est de passer de la cible actuelle, qui est de trois heures, à une cible de six heures, plus utile aux services chargés de la gestion de crise. Certains dispositifs sont destinés aux communes. C'est le cas du service « Apic » – « avertissement pluies intenses à l'échelle des communes » – auquel les communes peuvent s'abonner gratuitement pour que la personne qu'elles désignent reçoive un avertissement automatique par téléphone lorsque le seuil de précipitations à risque est près d'être atteint, sans qu'il lui soit nécessaire de chercher à s'informer.

Nous pensons pouvoir faire davantage pour relayer les conseils de comportement lors d'événements météorologiques intenses, comme nous le faisons pour les incendies. Interrogés, la très grande majorité des Français disent connaître le dispositif de vigilance météorologique, mais ils connaissent beaucoup moins bien les comportements à adopter et à ne pas adopter dans les situations dangereuses.

Dans le domaine de la recherche météorologique, les partenariats sont intenses. Les laboratoires du Centre national de recherche en météorologie sont tous des unités mixtes avec le CNRS et l'essentiel de nos projets de recherche se fait dans le cadre de collaborations : avec le CNRS donc, notamment à l'Université de Toulouse, et beaucoup aussi au niveau international, en particulier européen pour les modèles de prévision numérique du temps. Le consortium « Accord » (A consortium for convection-scale modelling research and development) regroupe plus d'une trentaine de services météorologiques de l'Europe entendue au sens très large, qui travaillent ensemble pour améliorer la prévision numérique du temps. Ce domaine demande beaucoup de moyens et la mise en commun de ces travaux nous permet d'être meilleurs. En ce moment, le consortium est dirigé par un ingénieur de Météo-France.

En matière de retrait-gonflement des argiles, Météo-France a un rôle d'expertise : il donne à la commission interministérielle de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, qui prend les décisions de classement, les informations sur le caractère plus ou moins historique de la sécheresse du sol. De nombreux travaux sont menés sur le retrait-gonflement des argiles, y compris dans votre assemblée. Ils pourraient conduire à des évolutions, notamment à ce que nous fournissions nos rapports d'expertise tous les trimestres et non plus tous les ans. Nous sommes prêts à nous engager dans cette voie pour accélérer la procédure d'évaluation et d'indemnisation.

Pour aborder la question de l'humain, de la modélisation et de l'intelligence artificielle dans la prévision météorologique, je commencerai par dire comment on fait des prévisions aujourd'hui : on s'appuie sur de nombreux modèles utilisant de nombreuses données issues de nombreux satellites et qui fournissent de nombreux de scénarios. Les résultats obtenus sont repris, expertisés, analysés, travaillés par nos prévisionnistes, et c'est ainsi que la complémentarité entre les progrès techniques et l'expertise humaine prend tout son sens. Les progrès de la modélisation numérique nous ont d'évidence permis de beaucoup améliorer nos prévisions au cours des dernières décennies pour les situations météorologiques simples, mais pour les situations les plus complexes, en cas d'événements météorologiques dangereux, nous avons absolument besoin de l'expertise de nos prévisionnistes. Nous reconnaissons si bien leur importance que nous avons requalifié leur métier, qui était un métier de technicien supérieur, en métier d'ingénieur.

Nous avons absolument besoin de l'expertise humaine, en particulier pour la production de la vigilance météorologique : ce sont nos prévisionnistes qui fixent les niveaux de la vigilance et ils continueront de le faire. L'intelligence artificielle ne modifiera pas cet équilibre. Nous en attendons des progrès en matière de modélisation ; remplacer des modèles très lourds de plusieurs millions de lignes de code par des émulateurs d'intelligence artificielle qui tourneront beaucoup plus vite nous permettra de gagner du temps. Mais les résultats ainsi obtenus seront ensuite analysés, expertisés et retraités par nos prévisionnistes. Il n'est pas question d'aller plus loin en termes d'automatisation par le développement de l'intelligence artificielle, mais de faire différemment ce que nous faisons aujourd'hui déjà de manière numérique.

Nous ne constatons aucune dégradation de nos prévisions pour la montagne. En tout état de cause, ayant réexaminé ce qui était envisagé en 2018, nous n'y avons pas réduit le nombre de nos implantations. Les modèles sont moins performants en montagne car la prévision météorologique y est plus complexe qu'ailleurs. En particulier, nous avons davantage besoin des observations de terrain sur l'état de la neige, qu'il est compliqué de modéliser. Aussi avons-nous décidé de maintenir ces six implantations, de renforcer notre partenariat ancien avec les services des pistes des stations de ski et de conclure un partenariat avec des « guides observateurs », ce qui nous permet de collecter des observations même lorsque les stations de ski sont fermées et en dehors des pistes skiables. Ce partenariat est encore récent et le syndicat des guides de haute montagne cherche à en consolider le financement, mais les expérimentations faites au cours des deux derniers hivers nous rendent très optimistes sur cet apport.

Une partie de nos services est gratuite, notamment Climadiag Commune et Climadiag Entreprise, disponibles librement sur notre site Internet. Sont payants les services qui appellent des développements adaptés à chacun de nos clients, ce qui demande des ressources humaines importantes. Nous faisons payer les services qui ne peuvent être automatisés, mais nous sommes vraiment loin d'un projet de développement massif des ressources externes et des services commerciaux de l'entreprise.

Nos recettes commerciales – je mets de côté la publicité, sujet en soi – sont de quelque 27 millions d'euros. La hausse de ce montant est principalement due à un contrat signé avec le ministère de la transition écologique pour mener à bien les évaluations de ressources préalables aux appels d'offres pour l'éolien en mer, après que le nombre de ces appels d'offres a augmenté. Ce contrat mis à part, nos recettes commerciales sont stables, s'établissant depuis plusieurs années entre 21 et 22 millions d'euros. Pour les cinq prochaines années, nous visons une augmentation de 2 % par an qui, sans être négligeable, est limitée. Nous n'avons pas l'intention de développer massivement des activités commerciales, notre effectif ne nous le permettrait pas. Nous devons bien sûr consacrer les effectifs suffisants d'abord à nos missions de service public et nous ne prévoyons pas d'augmenter les ressources humaines consacrées à nos services commerciaux dans les prochaines années.

Le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) et la direction du budget ayant donné leur accord, le report de l'acquisition d'un nouveau supercalculateur ne tient pas à une difficulté de financement mais à la volonté d'utiliser au mieux l'argent public. Nous avions décidé l'achat de ce nouvel équipement parce que nous n'étions pas certains que la société Atos accepterait de prolonger son indispensable garantie des conditions de fonctionnement de notre calculateur actuel jusqu'à 2026. Après qu'Atos a accepté de prolonger sa garantie, nous étions certains de pouvoir continuer à faire fonctionner notre calculateur un an de plus dans les meilleures conditions, et donc d'utiliser au mieux l'argent public qui nous est confié. Pour le prochain appel d'offres que nous allons lancer, la réduction du nombre d'entreprises actives sur le marché international des supercalculateurs, et donc de la concurrence, nous préoccupe car nous espérons acheter au prix le plus attractif possible.

Nous avons installé un houlographe à Mayotte. La discussion est encore en cours avec les opérateurs de l'État concernés pour définir qui portera les développements supplémentaires du réseau. Je vous remercie, madame la députée, de me proposer de rejoindre le Comité national du trait de côte.

Nous avons créé à Toulouse l'incubateur de start-up Météo Fab. Il accueille des entreprises pour lesquelles l'utilisation des données météorologiques est un élément de développement important. Cela fonctionne plutôt bien. Ainsi, nous collaborons avec une entreprise qui a mis au point un système de détection par webcam, à la fois pour qu'elle se développe et pour qu'elle apporte des services à Météo-France. C'est un exemple de réussite d'entreprises passées par cet incubateur. Au-delà, le passage à la gratuité de nos données publiques est une occasion de reprendre le dialogue avec de petites entreprises. Des événements organisés par le ministère chargé de l'écologie rassemblent des start-ups dans nos domaines et nous leur présentons ce que nous pouvons faire.

Nous avons créé au sein du Conseil supérieur de la météorologie, l'instance de consultation et de dialogue avec nos utilisateurs, un groupe spécialisé chargé de préparer au mieux l'accès libre à nos données publiques le 1er janvier prochain. Je confirme que l'on peut accéder à un certain nombre de nos données publiques sous forme de fichier, mais ce groupe de travail est chargé de vérifier que les formats et les contenus du pack climatologique de données publiques que nous allons mettre à disposition permettent d'utiliser facilement l'ensemble des données qui peuvent servir à déterminer des politiques climatiques territoriales.

Ce qui vaut pour les tornades vaut pour la grêle : au niveau mondial, nous ne savons pas encore prévoir parfaitement les phénomènes de petite échelle. Disposer de calculateurs plus puissants, améliorer nos systèmes d'observation par l'utilisation de satellites nous permet progressivement de faire mieux, mais les prévisions à ce sujet sont encore imprécises. D'autre part, je ne suis pas en mesure de vous apporter une réponse scientifiquement certaine sur l'efficacité des fusées anti-grêle, sujet sur lequel Météo-France est assez peu impliqué ; je reviendrai vers vous. Enfin, nos données radar font partie de nos données publiques ; elles seront donc disponibles gratuitement à partir du 1er janvier 2024. Si des besoins de formats particuliers s'expriment, faites-nous le savoir, monsieur le député, pour que nous puissions en tenir compte dans la préparation de cette étape.

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