La commission entend M. Alexandre Holroyd, président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations et M. Éric Lombard, directeur général, sur l'opération de recapitalisation d'ORPEA.
Mes chers collègues, à la demande de plusieurs d'entre vous, nous auditionnons aujourd'hui, M. Alexandre Holroyd, président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, ainsi que M. Éric Lombard, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, pour évoquer l'opération de recapitalisation d'Orpea. Nous avions eu l'occasion d'entendre M. Lombard en début d'année à l'occasion de sa reconduction pour un nouveau mandat de directeur général, mais notre audition du jour revêt un caractère particulier, compte tenu de l'importance du sauvetage financier qu'il est proposé de mettre en place.
Tout d'abord, je veux vous remercier de nous donner l'occasion, avec le directeur général, de venir rendre compte de l'action du groupe Caisse des dépôts et consignations (CDC) devant la commission des finances. Avec à peu près 1 300 milliards d'euros d'engagements, ce groupe est absolument unique, par sa dimension et par sa mission de servir l'intérêt général, sous la protection très spéciale du Parlement. Je lis souvent que nous sommes le bras armé financier de l'État, mais je préfère dire que nous sommes le bras armé financier de la Nation, puisque nous sommes placés sous cette protection parlementaire.
En tant que président d'une commission de surveillance composée de membres issus du Parlement, d'élus ou de personnalités qualifiées, je suis évidemment particulièrement attaché au lien qui unit la Caisse et le Parlement et qui se manifeste par ailleurs annuellement par la présentation des résultats du groupe.
Aujourd'hui, la commission des finances de notre assemblée souhaite que nous rendions compte du raisonnement qui a conduit la Caisse à envisager une entrée au capital de l'entreprise Orpea. Nous sommes ravis de pouvoir le faire : c'est la première fois que l'on nous appelle à rendre compte d'une opération particulière, et nous sommes évidemment prêts à aborder tout autre sujet qui relèverait de la Caisse des dépôts et consignations.
Je tiens en préambule à souligner que cette entrée n'est pas encore effective, et le directeur général y reviendra. Dans un premier temps, il me semble important de rappeler brièvement le fonctionnement de la commission de surveillance, tel qu'il est prévu par les textes et dans la pratique. La commission est composée de seize commissaires-surveillants, dont une majorité nommée par les deux présidences de notre Parlement et elle fonctionne comme un organe de gouvernance traditionnel, avec une articulation entre séances plénières et comités spécialisés.
Au cours d'une année, elle se réunit près de 80 fois en comités ou en séances plénières pour examiner tous les éléments stratégiques afférents au groupe Caisse des dépôts : son modèle de risque, sa stratégie, l'affectation de ses ressources propres, son budget, sa politique de ressources humaines, son engagement en matière de responsabilité sociale et environnementale, ses opérations de croissance ou de cession, et les activités de ses filiales.
Ce rythme de travail très intense implique un dialogue permanent entre les membres de la commission de surveillance et la direction générale. De façon très pratique, je suis en contact permanent avec les membres de la direction générale, et évidemment avec le directeur général en particulier. Définies par la loi, les compétences de la commission de surveillance varient d'un domaine à l'autre. En matière de stratégie, la commission a un pouvoir délibératif et non décisionnaire. C'est la direction générale qui définit cette stratégie et la soumet à la commission de surveillance, qui délibère et qui, éventuellement, émet des recommandations.
En l'occurrence, en ce qui concerne le sujet que nous évoquons aujourd'hui, la commission de surveillance a exprimé à plusieurs reprises un franc soutien à l'axe stratégique de la direction générale visant à mobiliser les moyens du groupe pour contribuer à apporter des réponses aux défis collectifs que constitue le grand âge. S'agissant des investissements, la commission de surveillance a ici un pouvoir décisionnel pour toute opération d'une valeur supérieure à 150 millions d'euros. Étant donné que l'opération dont nous parlons aujourd'hui dépasse ce seuil, la commission de surveillance l'a formellement autorisée.
En raison de l'importance de l'opération sur Orpea et des enjeux qui y sont liés, comme en témoigne cette audition devant vous, la commission de surveillance s'est penchée sur ce sujet avec une attention toute particulière. Étant donné l'ampleur de l'opération, la sensibilité particulière du contexte et la gravité de la crise que traversait Orpea, il m'a semblé nécessaire de mettre en place un cadre de suivi différent de la norme et deux décisions importantes ont été prises en ce sens.
Premièrement, alors que la grande majorité des opérations que nous examinons sont étudiées au sein du comité des investissements, délégataire de la commission sur ce sujet, j'ai retiré cette délégation afin que cette opération soit examinée en séance plénière. Il me semblait en effet essentiel que les seize commissaires-surveillants soient présents et aient l'occasion de se prononcer sur cette opération.
Deuxièmement, au-delà de l'acceptabilité des conditions financières inhérentes à toute opération, cette opération particulière nécessitait une réflexion plus approfondie. Était-ce le rôle de la Caisse des dépôts et consignations d'intervenir ? Si oui, pourquoi ? Quel modèle économique à l'avenir pour l'entreprise concernée ? Dans quelles conditions ? J'ai donc pris la décision de scinder l'examen de ce dossier en deux.
À l'automne 2022, le directeur général et moi-même avons commencé à échanger sur ce sujet et je l'ai invité, avec ses équipes, à expliquer le raisonnement qui l'incitait à envisager cette opération et les conditions dans lesquelles l'investissement lui semblait acceptable, devant la commission de surveillance. Par mon intermédiaire, la commission de surveillance a ensuite formalisé les conditions nécessaires pour envisager l'opération :
– un nouveau modèle économique plus inclusif qui mette la mission au cœur de la raison d'être de l'entreprise ;
– des moyens de contrôle pour assurer la bonne mise en œuvre de ce nouveau modèle économique ;
– un recentrage géographique ;
– un renforcement considérable des ressources humaines d'encadrement.
Dans un deuxième temps, le 31 janvier 2023, et à l'issue des négociations menées par les équipes encadrées par ce mandat clairement défini, une séance a été dédiée à l'aboutissement définitif des négociations, y compris toutes les conditions financières afférentes. À l'issue de cette deuxième délibération, la commission de surveillance a décidé d'approuver l'opération. La commission de surveillance est une instance collégiale et je ne me permettrais pas ici de divulguer le détail des échanges qui l'animent, puisque son règlement, dans la lignée de la loi, l'interdit. Cependant, il me paraît primordial de partager avec vous certains des points importants qui ont animé ce débat.
Premièrement, l'opération Orpea s'inscrit dans le cadre des activités concurrentielles du groupe Caisse des dépôts, c'est-à-dire avec ses fonds propres, sans aucun lien avec l'épargne des Français. En revanche, cette épargne finance et continuera à financer le secteur public dans le grand âge, partout dans les territoires, dans les conditions définies avec le Trésor. Aujourd'hui, presque 7 milliards d'euros d'encours sont dédiés à ce travail. La Caisse des dépôts continuera également à accompagner le privé associatif en parallèle.
Deuxièmement, la volonté de mobiliser la CDC en matière de grand âge est conforme à la mission de cohésion sociale de la Caisse des dépôts. Elle s'inscrit dans le contexte d'une action transversale de l'ensemble du groupe, qui inclut une mobilisation de ses filiales, notamment du groupe La Poste, de CDC Habitat ou encore d'Arpavie.
Troisièmement, l'entrée au capital de la CDC se ferait au sein d'un consortium de grands investisseurs institutionnels (Maif, Macsf) qui partagent une vision commune de l'investissement à long terme. Quel meilleur associé dans ce projet que la mutuelle d'assurances du corps de santé français ?
Quatrièmement, s'il existe toujours un « risque à faire » concernant un investissement, il y a aussi un « risque à ne pas faire ». Orpea représente 32 000 lits sur notre territoire répartis dans près de 350 établissements, accueillant des personnes en grande dépendance, et emploie plus de 25 000 salariés en France. À défaut du succès de cette opération que nous évoquons, ces résidents et ces personnels deviendraient sans doute les premières victimes d'une situation très dégradée.
Cinquièmement, compte tenu de l'augmentation de l'espérance de vie et malgré les moyens engagés pour accroître le maintien à domicile, les besoins de places en résidence vont a priori continuer de croître dans les années qui suivent. Les Ehpad accueillent aujourd'hui environ 15 % des plus de 80 ans, soit environ 600 000 résidents. La demande de lits en Ehpad atteindrait 900 000 à l'horizon 2050, soit 300 000 de plus qu'aujourd'hui. Le secteur privé et commercial est certes minoritaire (à peu près 25 % des places aujourd'hui), mais il est très probable qu'il restera indispensable à l'avenir. Il paraît donc essentiel qu'un modèle éthique, respectueux des résidents et des personnels, soit assuré dans ce secteur concurrentiel. Le groupe CDC peut y participer en assurant un actionnariat solide, à long terme, éthiquement très exigeant, qui disposera de droits de gouvernance forts et qui aura la capacité d'accompagner cette transformation dont nous parlons aujourd'hui.
Pour conclure, Monsieur le président, je veux vous remercier à nouveau de la possibilité d'avoir permis cet échange, et je veux souligner que la commission de surveillance est parfaitement consciente du caractère très sensible de cette opération. Un dispositif de suivi particulier sera mis en œuvre afin que la commission de surveillance continue de regarder avec l'attention nécessaire l'intégration de cette opération. Enfin, je veux renouveler ici ma confiance dans la nouvelle direction d'Orpea qui travaille d'arrache-pied pour transformer la société de fond en comble.
Je vous remercie pour votre invitation à venir m'exprimer, au côté du président de la commission de surveillance, sur l'intervention de la Caisse des dépôts dans le cadre de la procédure de sauvegarde accélérée du Groupe Orpea.
Il s'agit d'une audition importante, qui permet de préciser d'une part comment la Caisse des dépôts a élaboré un plan de sauvegarde, et surtout à quelles conditions nous choisissons d'intervenir dans cette société ; et d'autre part, les grandes étapes de cette intervention et le calendrier des prochaines échéances.
Il me semble en effet important de rappeler que cette opération n'a pas encore abouti. La procédure est d'ailleurs assez nouvelle dans notre paysage économique et juridique. Cette intervention va également s'accompagner d'outils pour renforcer la manière dont Orpea fonctionne au service de tous. Je vous dirai également un mot sur l'ensemble des actions que le groupe CDC mène dans le secteur.
Pourquoi la Caisse des dépôts est-elle intervenue dans Orpea ? Orpea est confrontée à des difficultés financières, qui dépassent le cadre des problèmes évoqués par le livre de Victor Castanet. En effet, le groupe était fortement endetté et dispose d'un patrimoine immobilier nettement plus élevé que celui de ses concurrents. En outre, une partie non négligeable de sa dette est à taux variable. En réalité, les options étaient peu nombreuses si nous n'intervenions pas : le risque portait soit sur une liquidation judiciaire de la société, soit sur une prise de contrôle par des acteurs financiers, dont l'intérêt général et celui des résidents n'étaient pas forcément au cœur des préoccupations.
Le groupe Orpea possède 232 Ehpad, et emploie 28 000 salariés en France. Je rappelle par ailleurs que l'activité d'Orpea est également importante dans le domaine de la santé, à travers sa filiale Clinea, premier opérateur de cliniques privées en France (126 établissements), avec un positionnement dans deux secteurs : les cliniques psychiatriques et les cliniques de soins de suite et de réadaptation.
L'intervention de la Caisse des dépôts ne se fait pas seule. Le Groupe CDC va investir via l'établissement public (605 millions d'euros) et sa filiale CNP Assurances (150 millions), soit au total 755 millions d'euros, aux côtés de deux partenaires mutualistes : la Maif à hauteur de 400 millions et la MACSF pour 200 millions. Cette augmentation de capital de 1,35 milliard se fera exclusivement au profit de la société et de son soutien : pas un euro de ces fonds n'ira aux actionnaires ou aux créanciers.
Si le plan de sauvegarde porté par la CDC était effectivement validé, le Groupe CDC détiendrait 29 % du capital et le groupement de partenaires la majorité du capital, soit 50,2 %. La CDC a fixé les conditions de son intervention qui passe par une évolution draconienne du fonctionnement d'Orpea. Il s'agit d'abord d'améliorer la qualité des soins et du suivi des résidents, de renforcer la qualité de l'encadrement et la motivation des salariés. À cet égard, la nouvelle équipe de direction, présidée par Guillaume Pepy et dirigée par Laurent Guillot, est en place depuis un an. Elle a déjà engagé très vigoureusement ces procédures d'amélioration et d'aménagement, grâce à des recrutements massifs, des salaires à la hausse et des conditions de suivi des résidents en voie d'amélioration, alors même que le sauvetage n'est pas encore intervenu.
Le sens de la refondation est tel que la société a décidé le moment venu, probablement d'ici à 2025, de devenir une société à mission. Nous souhaitons un bouleversement profond du modèle d'affaire de cette entreprise et nous aurons les moyens de veiller à ce que cette transformation intervienne. En effet, en tant qu'actionnaire, nous aurons sept places au conseil d'administration, dont quatre pour le groupe CDC, et nous serons en mesure de définir les priorités stratégiques d'Orpea et de nous assurer du bon respect des exigences éthiques et économiques. Ainsi, le pilotage de cette nouvelle participation sera tout autant extra-financier que financier.
Dans un second temps, il me semble essentiel de faire un point sur les grandes étapes de l'opération et le calendrier. L'opération est en cours ; il s'agit certainement de la plus grosse restructuration financière jamais organisée en France et d'un des premiers cas de mise en œuvre de la nouvelle procédure de sauvegarde accélérée telle que refondue par l'ordonnance du 15 septembre 2021.
En février 2023, nous avons conclu un accord avec Orpea sur les conditions de sa restructuration financière, notamment la transformation en capital d'une partie de sa dette. En mars, la société a validé avec ses banques créancières les conditions de réaménagement de sa dette et l'ouverture de nouvelles lignes de financement pour 600 millions d'euros. Le 25 mai, le plan de sauvegarde de la Caisse des dépôts a franchi une étape cruciale : l'AMF a autorisé le groupement à ne pas émettre d'offre publique d'achat. Cette décision est aujourd'hui contestée devant le tribunal et nous verrons ce qu'il en advient dans les mois à venir.
Désormais, deux échéances majeures se profilent. D'ici à la fin du mois de juin, les classes d'actionnaires et de créanciers sont appelées à voter sur le plan de sauvegarde, pour lequel le comité social et économique central de la société a émis un avis favorable à l'unanimité, qui traduit le soutien des salariés. Au plus tard le 24 juillet, le tribunal de commerce de Nanterre approuvera ou rejettera ce plan de sauvegarde.
Si les recours ne viennent pas contrecarrer ce dispositif, ces étapes ouvriront la voie aux augmentations de capital prévues dans le plan de restructuration de l'entreprise. Elles pourront avoir lieu à compter du quatrième trimestre 2023 et se dérouleront en trois étapes. La première portera sur une première augmentation de capital par voie de compensation de créance. Les créanciers non sécurisés, c'est-à-dire qui ne détiennent pas de sûretés réelles, abandonneront 70 % de leurs créances (3,8 milliards d'euros) et le solde de 30 % sera converti en capital (fonds propres) aux mêmes conditions que celles de notre entrée au capital.
La deuxième opération concernera une augmentation de capital souscrite par le groupement à hauteur de 1,15 milliard, afin de devenir majoritaire au capital de la société. Enfin, la troisième opération sera ouverte à tous les actionnaires, dont nous-mêmes : une augmentation de capital d'un montant de 400 millions d'euros, souscrite à hauteur de 200 millions d'euros par le groupement, le solde étant garanti par les créanciers non sécurisés, qui croient à cette opération, puisqu'ils ont accepté d'augmenter leur participation en actions.
Telles sont les modalités complexes de l'opération. Si le tribunal les valide, les deux éléments à retenir sont donc l'abandon de créances à hauteur de 70 % par les créanciers non sécurisés et l'injection d'1,55 milliard de nouveaux capitaux.
Cette opération s'inscrit dans le cadre des interventions du Groupe CDC dans le secteur du vieillissement. Par exemple, la Banque des territoires finance, sur fonds d'épargne (350 millions d'euros en moyenne par an sur les cinq dernières années), la construction et la rénovation de murs d'Ehpad et de résidences autonomie du secteur public et associatif.
Ensuite, le groupe La Poste que nous détenons à 66 % déploie une offre de service à domicile pour les personnes âgées dépendantes. Notre filiale CDC Habitat est propriétaire de 116 murs d'établissements de santé et a récemment créé une foncière, Méditrine, qui mène douze projets actifs, dont cinq en construction. La Caisse des dépôts intervient également au sein de l'association Arpavie, qui accueille 8 500 résidents au sein de 46 Ehpad et 78 résidences autonomie.
Nous soutenons en outre l'innovation et les expérimentations dans le secteur du grand âge et de la santé. Je pense notamment à notre action en matière d'habitat inclusif, au sein d'une association créée en compagnie des Petits frères des pauvres. De plus, BPI France, avec le soutien de la Banque des territoires, a créé le « fonds patient autonome » pour accélérer la croissance de sociétés innovantes en matière de santé numérique.
En intervenant dans Orpea, la Caisse des dépôts élargit son périmètre d'intervention dans le secteur des Ehpad privés. Nous voulons saisir cette occasion pour rendre le secteur exemplaire en matière de qualité de suivi et de qualité de soins. C'est aussi une manière pour le groupe Caisse des dépôts d'afficher son soutien à l'ensemble du secteur. Dans les années à venir, nous serons présents pour accompagner ce mouvement.
M. Lombard, je vous remercie des informations détaillées que vous nous avez fournies. Je remercie également Mme Christine Pires-Beaune, qui a la première proposé cette audition, laquelle me semble nécessaire et entre dans le cadre des relations que nous devons entretenir avec vous.
Cette opération de sauvetage semble inhabituelle pour la Caisse des dépôts : je souhaiterais savoir si elle a vocation à se reproduire à court et moyen terme.
À partir du moment où l'on recherche une rentabilité maximale pour les actionnaires dans un domaine qui concerne l'intérêt général, cela se traduit inévitablement par l'insuffisance de produits alimentaires distribués, par des traitements discutables, voire parfois par de la maltraitance.
En l'espèce, il n'y aura pas de nationalisation. L'entreprise va demeurer dans le champ privé et conservera donc un objectif de rentabilité vis-à-vis de ses actionnaires, même si j'ai compris que vos exigences en la matière seront moindres que celles de vos prédécesseurs. Les Ehpad privés disposent d'une liberté tarifaire sur le reste à charge et les prix médians pratiqués sont bien supérieurs à ceux du public. N'était-il pas envisageable de s'orienter vers un service public de la dépendance soustrait aux influences du marché et doté de capacités d'accueil dignes de ce nom ?
Ensuite, vous avez évoqué la question de la gouvernance. Pouvez-vous fournir des détails plus précis sur les garanties que vous affichez dans ce domaine ?
Enfin, pouvez-vous faire le point sur le parc immobilier d'Orpea ? Le groupe compte détenir à terme seulement 20 à 25 % de son parc immobilier, dont la valeur serait, au 30 décembre dernier, de 6 milliards d'euros, soit une révision à la baisse de 2,1 milliards par rapport au montant figurant dans les comptes au 31 décembre 2021. Pouvez-vous rappeler les raisons de cet ajustement comptable ? De quels actifs le groupe peut-il ou doit-il se défaire à plus ou moins long terme ? Selon quelles conditions et pour quels montants ?
Je comprends et salue cette opération, qui constitue une bonne nouvelle pour cette structure qui est dans une situation délicate, mais également pour les personnels et les résidents. Cependant, elle ne s'inscrit pas dans les actions que la Caisse mène depuis un certain nombre d'années. Pouvez-vous évoquer l'intérêt stratégique que cette opération revêt pour vous ? Souhaitez-vous ressortir de cette opération lorsque l'entreprise aura été remise sur les rails ou avez-vous décidé un véritable aménagement stratégique en entrant dans la gestion de ces Ehpad ? En effet, lorsque l'on regarde les domaines stratégiques dans lesquels vous avez investi historiquement (l'immobilier, l'investissement financier, les infrastructures et les services), le secteur de la santé n'y figure pas. Il n'existe pas d'opérations équivalentes dans l'histoire récente.
Ensuite, vous avez une exigence de rentabilité dans vos investissements. Or dans le domaine où opère Orpea, les marges sont assez faibles, pour un grand nombre de raisons. Cette exigence de rentabilité est-elle donc compatible avec cette politique sociale ?
Enfin, je m'interroge sur les recours. Qui peut s'opposer à cette opération et pour quelles raisons ?
Je tiens à donner la perspective de la commission de surveillance, avant de laisser le directeur général répondre en détail. Cette opération est objectivement atypique pour le groupe Caisse des dépôts, mais ce dernier est le seul à allier en France des activités concurrentielles et non concurrentielles, dont les retours sur investissement sont différents.
Benjamin Disraeli disait que « beaucoup de faux pas ont été faits en restant immobile ». La question s'est posée dans le cas d'Orpea. Il y a été répondu en considérant que la mission d'intérêt général est conforme à la mission et la stratégie de la Caisse et qu'il fallait donc intervenir. Je ne peux pas prévoir dans quelle situation cette même question pourrait être à nouveau posée à la commission de surveillance. Cependant, la Caisse des dépôts sera toujours là pour servir l'intérêt général.
S'agissant de l'intérêt stratégique, la politique du grand âge est définie par le gouvernement et le législateur, la Caisse des dépôts accompagnant les politiques publiques. La situation actuelle nous laisse à penser qu'il faudra construire un grand nombre de places d'Ehpad à l'avenir. Notre rôle stratégique consiste à accompagner ce mouvement : le maintien à domicile à travers l'action de La Poste, l'habitat inclusif à travers CDC Habitat, le privé associatif à travers Arpavie.
Un des éléments mis en avant par la commission de surveillance vise à ce que le privé soit ouvert à des conditions plus sociales pour une partie de ses résidents à l'avenir. Concernant la rentabilité, la Caisse des dépôts n'est pas un investisseur de court terme mais s'inscrit dans le temps long. Dans le cas d'Orpea, un des engagements consiste à ne pas faire remonter de dividendes pendant un certain nombre d'années, jusqu'à ce que la société se redresse. La CDC estime qu'il existe une marge de manœuvre pour établir un modèle économique fonctionnel, mais avec des revenus et des rentabilités « normalisés » par rapport à ce qui se faisait au préalable. Cette normalisation assure que cette rentabilité ne se fasse pas au détriment des personnels et des résidents. Le groupe et la commission de surveillance y veilleront.
Enfin, la Caisse des dépôts siégera au conseil d'administration d'Orpea, si jamais cette opération devait voir le jour. Les personnalités qualifiées s'assureront donc que les meilleures pratiques soient instaurées en matière de grand âge. Une discussion est par ailleurs en cours au sein du pacte d'actionnaires sur les dispositifs de contrôle et de gestion des risques. Je rappelle à cet égard que la commission de surveillance contrôle les risques de l'ensemble du groupe Caisse des dépôts et de ses filiales. Si cette opération devait se réaliser, Orpea entrerait dans ce dispositif de contrôle très exigeant. Dernièrement, la commission de surveillance s'est engagée à suivre ce dossier de manière continue, pour s'assurer que les opérations se déroulent de la meilleure des manières.
Cette opération est effectivement inhabituelle, à différents égards, mais la Caisse des dépôts en a l'habitude. Par exemple, nous sommes intervenus récemment dans le cadre de l'offre d'achat de Veolia sur Suez, qui était assez conflictuelle. Nous avons participé à la conclusion d'un accord en prenant 20 % du capital de Suez. Cette souplesse, sous l'autorité de la commission de surveillance, est précieuse. À court terme, je ne vois pas d'autre opération sur la place demandant notre intervention.
Nous pensons que l'on peut agir dans le cadre d'un capitalisme éthique et responsable ; cette ligne de conduite guide d'ailleurs notre action dans tous les domaines. La priorité que nous allons continuer à fournir à l'équipe de direction concerne les résidents, les malades et les salariés. Une entreprise est d'abord une communauté humaine et son principal objet est de remplir sa mission vis-à-vis de ses clients, de ses partenaires et de ses bénéficiaires : les actionnaires ne sont que des apporteurs de capitaux.
Dans le cas d'Orpea, nous ne prélèverons pas de dividendes pendant au moins trois ans et nous avons décidé que la rentabilité d'Orpea serait inférieure à ce qu'elle était au préalable. Je rappelle que la valorisation de l'entreprise diffère grandement selon les prévisions en matière de taux de marge, de rémunération de salariés et du nombre d'aidants. Nous souhaitons ainsi nous rapprocher le plus possible dans le temps du nombre d'aidants par résident proposé par la défenseure des droits, soit un ratio de 0,8. Chaque mois, Orpea recrute 600 à 700 personnes pour augmenter ce taux d'aidants. La rentabilité en sera nécessairement dégradée, mais notre priorité concerne la qualité des soins. Par ailleurs, des contraintes relatives aux missions de service public sont imposées à Orpea, puisque s'occuper des personnes âgées constitue une mission de service public.
En matière de gouvernance, cette participation stratégique sera suivie de manière régulière, grâce à un dialogue direct avec l'équipe de direction et le suivi d'indicateurs. Si jamais des difficultés apparaissent ou si le plan de marche n'est pas respecté, la Caisse des dépôts corrigera le tir afin que les engagements que nous prenons devant vous soient respectés, comme elle fait de manière très active pour ses autres participations.
Le parc immobilier était évalué à plus de 8 milliards d'euros. Il est aujourd'hui évalué dans les comptes à 6,5 milliards. Cet ajustement de valeur du parc est lié à deux facteurs. En premier lieu, les loyers payés par les Ehpad étaient dans certains cas trop élevés. Ils ont été diminués, ce qui entraîne mécaniquement une baisse de la valeur des murs sur lesquels le propriétaire, en l'occurrence la même société, prélève un loyer. En second lieu, la hausse des taux d'intérêt que nous connaissons actuellement entraîne une diminution de la valeur de la plupart des actifs immobiliers. Ces deux facteurs conjugués expliquent donc cet ajustement, qui a été validé par les commissaires aux comptes.
Ensuite, Orpea détient trop d'actifs immobiliers (47 %), ce qui a contribué en partie à ses difficultés financières. L'objectif consiste ici à revenir à un niveau de 25 %, c'est-à-dire la norme dans ce secteur. Orpea va donc céder des biens, ce qui relève de la responsabilité de l'équipe de direction générale, qui n'a pas encore tranché cette question. L'opération d'augmentation de capital leur fournira le temps nécessaire pour réaliser ces cessions dans les meilleures conditions.
M. le rapporteur général, vous m'avez demandé si cette opération était d'ordre stratégique ou s'il s'agissait simplement d'une opération de sauvegarde. Il s'agit évidemment d'une opération de sauvegarde, dans la mesure où l'entreprise risquait d'être en défaut. Mais elle est également d'ordre stratégique : même si elle n'était pas prévue, elle s'inscrit dans l'action que nous menons dans le domaine du grand âge et de la dépendance. Ainsi, lors du plan de relance, nous avions décidé au mois de juin 2020 d'engager 26 milliards d'euros de financement, sous l'autorité de la commission de surveillance. Sur ces 26 milliards, nous avions réservé 500 millions pour le secteur de la santé, du grand âge et de la dépendance mais nous peinions à trouver des occasions d'investir.
Dans la durée, nous pensons pouvoir atteindre un objectif de rentabilité efficace. Nous estimons qu'il est à la fois possible de bien s'occuper des résidents et des salariés – notre priorité – tout en dégageant une rentabilité suffisante. Mais cette rentabilité est une conséquence, elle ne constitue pas l'objectif premier.
Enfin, s'agissant des recours, les principaux opposants à cette opération sont les actionnaires, mais pas nécessairement les actionnaires historiques. Il s'agit essentiellement d'actionnaires récents, qui sont entrés au capital pendant la période de turbulence. Si le plan de restructuration est approuvé par le tribunal de commerce, ils perdront en effet une partie de leur investissement. Ils essayent donc de trouver des solutions qui leur seraient plus favorables. Pour le moment, les cours ont décidé que le vote prévu par l'ordonnance de 2021 permettait de recueillir l'avis des uns et des autres.
Cette opération de recapitalisation est une bonne nouvelle pour les 270 000 résidents et pour le personnel. Cette opération doit cependant être replacée dans une problématique plus générale. Le vieillissement de la population française est une chance, mais aussi un défi collectif à relever dans les champs social, économique, éthique et financier. Au regard du défi de la prise en charge des personnes âgées dans des établissements d'accueil, il faudra établir une combinaison d'acteurs privés, associatifs et publics. Dans ce contexte, la Caisse des dépôts semble vouloir jouer un rôle majeur et stratégique pour la politique de financement des infrastructures liées au grand âge.
En lien avec notre action ambitieuse en faveur des territoires ruraux, je me demande comment s'assurer que cette orientation stratégique de la CDC en faveur du financement d'équipements du grand âge ne se concentre pas uniquement sur les centres urbains. Comment la Caisse des dépôts peut-elle contribuer à assurer la diversité et la qualité de l'offre d'équipements, afin de se conformer à sa mission de cohésion géographique des territoires et de cohésion sociale de notre Nation ?
Je vous remercie pour les éléments que vous nous avez transmis concernant la recapitalisation d'Orpea. Le groupe a été mis en lumière en 2022, dans le cadre du scandale de maltraitance de ses pensionnaires et de détournements de fonds public. Il est à ce jour endetté à hauteur de 9,7 milliards d'euros et a dû engager une opération de restructuration financière.
Le 1er février dernier, Orpea a signé un accord avec un groupement d'investisseurs, d'assureurs et de créanciers. En vertu de celui-ci, 3,8 milliards d'euros de dettes seront effacés et convertis en capital, quand 1,55 milliard d'euros sera injecté par les investisseurs. Cette mise en circulation de nouvelles actions diminue de facto la valeur unitaire de chaque titre. De plus, les petits porteurs, actuellement détenteurs de 40 % des 64,8 millions d'actions seront les grands perdants de cette dilution massive, de même que les autres financeurs. Ainsi, à l'issue du processus, le groupement mené par la Caisse des dépôts détiendra 50,2 % du capital d'Orpea, les créanciers 49,4 % et les actionnaires actuels, s'ils ne participent pas aux augmentations de capital, ne détiendront plus que 0,4 %.
Enfin, outre les changements majeurs de détenteurs de capital, l'opération de recapitalisation d'Orpea suscite de nombreux débats sur la valorisation de l'entreprise. En effet, les estimations varient de 6,4 milliards à 9,8 milliards d'euros. Or si nous validons bien sûr votre volonté de garantir une éthique et des conditions d'accueil irréprochables des personnes âgées dépendantes, une question fondamentale demeure, celle du caractère risqué de l'opération pour la CDC. La Caisse se comporte-t-elle comme un gestionnaire avisé des deniers publics ou comme un hedge fund ?
Depuis les révélations du livre Les Fossoyeurs en 2022, la société Orpea est entachée d'opprobre public, conséquence directe de la stratégie financière de l'entreprise, qui consistait à « gaver » les actionnaires du groupe. Ainsi, les marges étaient de 25 %. En 2012, 26 millions d'euros ont été versés aux actionnaires, contre 77,5 millions en 2019. Avec les fonds publics et les revenus des maisons de retraite, le groupe a constitué un vaste patrimoine immobilier (7,45 milliards) et a multiplié les sociétés écrans. Orpea a également dégagé 20 millions d'euros d'excédents sur les crédits publics servant à rémunérer des postes de soignants.
En février 2022, la Caisse des dépôts est devenue le nouvel actionnaire majoritaire pour éviter l'effondrement du groupe. Un an plus tard, elle a effectué une injection massive de capitaux afin de sauver le groupe d'un redressement judiciaire. Cependant, il ne s'agit en rien d'une nationalisation et le culte de la rentabilité demeure : Orpea vise ainsi un résultat brut d'exploitation de 1,25 milliard, soit plus qu'en 2021, avant la survenue du scandale. Le directeur exclut en outre de changer de modèle économique au nom, notamment, du surendettement. Cependant, il perçoit la même rémunération que son prédécesseur, qui avait été limogé à la suite du scandale.
Pendant ce temps, la maltraitance des aînés se poursuit. Les Ehpad privés continuent à jouir d'aides publiques et d'une liberté tarifaire sur le reste à charge. La défenseure des droits estime ainsi que la réponse des pouvoirs publics n'est pas à la hauteur des atteintes aux droits dénoncées. L'exploitant des maisons de retraite doit mettre en place une lourde restructuration (4 milliards d'euros) et une dilution des actionnaires de 99,6 %.
Toutefois, nous déplorons que cette opération se fasse aux dépens des actionnaires actuels, quelle que soit leur ancienneté, et non pas des actionnaires historiques responsables de ce scandale. Notre volonté consiste à construire un service public de la dépendance mais maintenant que l'État, par l'intermédiaire de la CDC, a les mains libres pour restructurer Orpea, quelles sont les stratégies concrètes pour garantir à nos aînés des conditions d'accueil et de soin accessibles et de qualité ?
J'observe tout d'abord l'existence d'une divergence sur le nombre de personnels de la société en France : sont-ils 25 000 ou 28 000 ? Cette différence change en effet une donnée importante, le ratio de personnels utilisés par lit.
Sur le fond, à votre connaissance, d'autres scenarios de reprise auraient-ils pu exister ? Considérez-vous que cette option était probablement la seule qui pouvait être mise en œuvre ?
Ensuite, les méthodes de valorisation posent question, notamment la partie concernant le parc immobilier du groupe. Pouvez-vous nous fournir de plus amples détails à ce sujet ?
Enfin, ma troisième question concerne les actionnaires. À l'issue de l'opération, quel sera l'ensemble du prix qu'ils devront payer ?
Nous suivons ce sujet depuis l'ancienne législature, le groupe étant dans la tourmente depuis le mois de janvier 2022. À la suite de la parution du livre Les Fossoyeurs, la situation financière d'Orpea a été dégradée et il était nécessaire de trouver une solution pour les résidents mais également le personnel.
Au terme de ce plan, vous détiendrez donc la majorité du capital. Pouvez-vous nous indiquer ce qu'il adviendrait si le vote des classes que vous nous annoncez pour le mois de juin n'était pas favorable ?
Par ailleurs, Orpea possède également des établissements à l'étranger. Pourquoi effectuer une reprise franco-française ? Comment allez-vous gérer le volet international ?
Une mission externe a mis en lumière des pratiques financières très contestables, des pratiques RH destructrices et des traitements des résidents inacceptables. Comment pouvez-vous nous assurer que les pratiques vont changer à Orpea ? Comment allez-vous le contrôler ?
Enfin, la prise de contrôle d'Orpea est menée par la CDC et portée également par CNP Assurance, la Maif et la Macsf. Pouvez-vous nous en dire plus sur le choix de ces acteurs ? Partagent-ils la ligne de conduite de la Caisse pour apporter des garanties sur la gestion solide de la société ?
La Caisse des dépôts, encouragée par les pouvoir publics, devrait sauver de la faillite Orpea, groupe commercial aux pratiques condamnables et écœurantes. Ce sauvetage interroge quand on connaît les difficultés auxquelles font face les Ehpad publics depuis la crise sanitaire. À titre d'illustration, en région Rhône-Alpes-Auvergne, 85 % étaient déficitaires au 31 décembre 2022, contre 45 % un an auparavant.
Les infrastructures de ces établissements sont en outre souvent vieillissantes et nécessitent d'importants travaux de rénovation. Le rapport Libault rappelait ainsi que 23 % des Ehpad n'ont pas été rénovés depuis plus de vingt-cinq ans. Il conviendrait de dégager 300 millions d'euros chaque année pour soutenir l'investissement et la modernisation des Ehpad, mais il semble qu'il n'y ait pas d'argent disponible pour eux. Comment la Caisse des dépôts compte-t-elle venir en aide aux établissements publics, sans que cela ne pèse sur le reste à charge des familles ?
Par ailleurs, le « système Orpea » mis en place par l'ancienne direction n'a pas encore livré tous ses secrets, à en croire l'article du Monde du 30 mai dernier. Il est ainsi encore question de surfacturations, de situations de conflit d'intérêts, d'abus de biens sociaux, de montages immobiliers opaques et de rémunérations cachées. Certes, la direction du groupe a été profondément remaniée. Néanmoins, Orpea demeure un groupe privé coté en bourse, avec des actionnaires à rémunérer. On sait que les moyens déployés par l'État pour contrôler les Ehpad sont insuffisants. Comment la Caisse des dépôts entend-elle s'assurer et garantir que les pratiques scandaleuses de ces derniers mois sont désormais de l'histoire ancienne ?
Je n'oublie pas que la CDC incarne le rôle de gardien de l'épargne des Français. Je me réjouis par ailleurs que la Caisse des dépôts s'investisse à nouveau dans le grand âge. À l'époque où elle détenait quelques maisons de retraite, elle avait en effet fini par les céder.
Le groupe Orpea est présent dans mon département, à travers une clinique psychiatrique et une maison de retraite. Ces dernières n'ont jamais fait l'objet de critiques mais plutôt de compliments, ce qui signifie que tous les établissements de cette société ne sont pas mal gérés. La stratégie de généralisation fait donc parfois de mal à des entités économiques, quelles que soient les déviances inacceptables de certaines structures.
Je m'interroge sur la rémunération de l'épargne populaire, la CNP contribuant à 50 millions d'euros à l'opération Orpea. La CDC fait état de plus de 600 millions d'euros sur sa section générale et j'imagine que des activités d'épargne ont contribué à ce résultat.
Par ailleurs, je me demande pourquoi et comment les prêteurs de bas de bilan acceptent d'abandonner 2 milliards d'euros. Normalement, la puissance publique abonde dans de telles circonstances et le juge annule les dettes pour soutien abusif. Pourquoi ce chemin n'a-t-il pas été suivi ?
Enfin, l'image de la Caisse des dépôts est extraordinaire. Quelle est la garantie que vous ne fassiez pas la une des journaux en raison des déboires d'Orpea ?
Le groupe Orpea a été introduit en bourse en 2002 et ses méthodes de gestion et de maltraitance ont régulièrement été au cœur de scandales. Cependant, le titre était apprécié par les financiers pour sa belle rentabilité. Ce n'est qu'après la parution du livre-enquête de Victor Castanet que le groupe Orpea a vu le cours de son action chuter de 19 % en bourse. Vous avez placé votre intervention financière dans le cadre de conditions draconiennes en matière de qualité de soin et d'accueil, de réaménagement et d'exigences éthiques. Pourriez-vous nous indiquer le cadre juridique précis que vous avez mis en place pour garantir le respect de ces engagements ? De quelle manière allez-vous permettre de ne pas verser de dividendes pendant au moins trois ans ? Au prix de quelles conditions financières et contractuelles ?
Par ailleurs, vous avez fait état de ventes immobilières. Pouvez-vous nous indiquer où elles interviendront ? S'agit de lieux où il existe une forte pression foncière ? Avez-vous l'intention de vous défaire de certaines cliniques de soins, qui pourraient être rachetées, en France ou à l'étranger ?
Nous n'avons pas de visibilité sur le plan stratégique qui conditionne votre décision. En outre, la valorisation de l'entreprise Orpea fait toujours l'objet de débats, en l'absence d'un chiffrage consensuel. Cette valeur est ainsi estimée à 6,4 milliards d'euros par l'expert indépendant Sorgem, quand le cabinet conseil Ricol & Lasteyrie la chiffre entre 7,9 et 9,8 milliards d'euros. Quel est l'impact de cette absence de consensus sur l'aboutissement du projet que vous venez de nous présenter ?
Nous comprenons la nécessité de trouver une solution et d'établir un plan de sauvetage. Je ne vais pas plaindre ceux qui ont voulu gagner tant et plus dans un secteur où le service public assis sur la solidarité nationale devrait être la solution.
Cependant, la prise de participation par le consortium devrait d'accompagner de contreparties allant au-delà des annonces que vous venez de faire sur la meilleure qualité de prise en charge des résidents et des conditions de travail des salariés. Vous avez évoqué la possibilité de créer une société à mission. Ne serait-il pas utile d'aller dans ce cadre vers une structure privée non lucrative ?
De même, vous nous avez expliqué la déprécation de la valeur nette comptable d'un peu plus de 2 milliards d'euros des biens du groupe et annoncé la cession d'une partie de ces biens. Cependant, nous n'avons pas compris si cela se faisait avec ou sans exploitation. Dans le cadre d'une unique cession des biens, celle-ci s'effectuerait-elle via une filiale de la Caisse, qui pourrait se porter acquéreur ?
Enfin, vous avez parlé d'une opération sur fonds propres de la Caisse, en expliquant que les épargnants ne seront pas appelés à financer une activité qui au bout du compte devra générer des dividendes. Pouvez-vous nous expliquer ce cloisonnement qui nous semble un peu factice ?
Y avait-il d'autres solutions que celle que vous avez mise en place, par exemple le rachat de l'immobilier ?
Quel a été le rôle du gouvernement dans le montage de cette opération ?
Le groupe Caisse des dépôts, qui va devenir majoritaire, dispose-t-il des équipes capables de redresser l'entreprise ?
Comment appréciez-vous le risque que prend la Caisse des dépôts dans cette affaire ? Les créanciers ont abandonné 70 % des 2,8 milliards de dettes, mais le 1,2 milliard restant bénéficie-t-il du taux d'intérêt le plus bas ?
Enfin, envisagez-vous de céder à terme cette participation ?
Une première série de vos questions a concerné le financement des Ehpad publics. La Caisse des dépôts est là pour accompagner les projets des territoires, notamment en matière d'Ehpad publics. Vendredi dernier, nous nous sommes ainsi rendus à Pacy-sur-Eure pour visiter un Ehpad flambant neuf de 171 places financé par la Banque des territoires et donc la Caisse des dépôts.
Il faut ici distinguer la section générale et les fonds d'épargne, pour lesquels il existe un cloisonnement total au sein de la direction générale. Les deux bilans sont ainsi comptabilisés de manière distincte. Le fonds d'épargne est utilisé pour apporter des prêts et de l'ingénierie aux collectivités locales ou au logement social. Il est « géré » par la Caisse des dépôts pour le compte du Trésor public. Ce dernier définit ainsi les conditions dans lesquelles ces fonds sont engagés. Un travail est d'ailleurs en cours de réalisation pour savoir dans quelle mesure il est possible de renforcer l'accompagnement des Ehpad publics sur le territoire par la Caisse, en modifiant les modalités qui pour l'instant nous contraignent en matière de prêts sur fonds d'épargne. En résumé, pas un euro des fonds d'épargne réglementés des Français ne financera cette opération.
S'agissant de la ruralité, la Caisse des dépôts est présente à travers seize directions régionales de la Banque des territoires. En compagnie du directeur général et du directeur général délégué, nous leur rendons visite une par une depuis le début de l'année 2023. Nous travaillons chaque jour pour faire en sorte que ce réseau, qui effectue un travail d'accompagnement remarquable, soit à même d'apporter des réponses partout où elle peut le faire, dans les conditions fixées par le Trésor.
Mme Pires-Beaune a évoqué la nécessité de dégager 300 millions d'euros chaque année pour soutenir l'investissement et la modernisation des Ehpad. Sous le contrôle du directeur général, j'ai envie de vous dire « Banco ! ». Les fonds d'épargne de la Caisse des dépôts ont les moyens d'accompagner beaucoup plus de projets de territoires, une fois encore dans les conditions fixées par le Trésor. Je précise que ces fonds d'épargne concernent une épargne liquide. Depuis le début de l'année, une accumulation de capital rentre en effet sur les fonds d'épargne. Or celle-ci doit être engagée. Nous avons d'ailleurs annoncé une panoplie de mesures à ce titre, notamment « ÉduRénov », un engagement que nous avons pris pour rénover 10 000 établissements scolaires d'ici à 2027 en réalisant au minimum 40 % d'économies d'énergie, qui sera financé par la Banque des territoires et la CDC.
Des questions ont porté sur les actionnaires. Il est vrai que ce sujet mérite d'être clarifié. Un rapport a été commandité par des actionnaires institutionnels, c'est-à-dire des fonds d'investissement. Ceux-ci estiment que si un modèle ultra rentable est appliqué à Orpea, la valorisation de la société sera réhaussée. Mais nous avons ici une profonde différence de philosophie : certains acteurs veulent presser le citron, quand nous estimons que l'objectif consiste à cultiver le citronnier. Ces actionnaires font ainsi tout ce qu'ils peuvent pour essayer de remettre en cause cette opération. Certains d'entre eux sont d'ailleurs très récents, c'est-à-dire qu'ils sont rentrés après les déboires publics de la société. Ils exercent ainsi des recours à toutes les étapes du processus. Pour ma part, je fais confiance à la justice, qui devra trancher. En l'occurrence, il faut bien avoir à l'esprit que ce type d'actionnaires sont essentiellement des hedge funds.
Vous avez également souligné les aspects relatifs au changement des pratiques, aux garanties et au risque réputationnel. Dans sa délibération, la commission de surveillance a évoqué l'ensemble de ces sujets. Il existe effectivement des risques, comme dans toute opération, mais nous sommes sortis de cette délibération convaincus qu'il en va de l'intérêt général, des 28 000 employés et de ceux qui sont soignés ou résidents. Il existe donc un besoin d'agir dans le sens de l'intérêt général. Les risques associés existent, mais la Caisse des dépôts est en mesure de les prendre.
Ce n'est pas le cadre juridique qui assurera le respect de ces engagements. En revanche, les modalités de gouvernance ont été établies pour être en mesure de répondre de manière immédiate à un sujet, si celui-ci devait émerger. C'est la raison pour laquelle la commission de surveillance a considéré que le groupement qui réalise cette opération devait être majoritaire. Ainsi, il était clairement inenvisageable que la Caisse des dépôts fournisse des financements dans une opération dont elle n'aurait pas le contrôle, en compagnie d'investisseurs qui partagent les mêmes objectifs. Il est donc primordial que le groupement possède 50,2 % du capital.
J'ai pris bonne note de votre réponse positive à la question de Mme Pires-Beaune sur le financement des Ehpad publics par la Banque des territoires. M. Lombard nous dira s'il le confirme.
En complément de la réponse de M. Holroyd à la question de M. Labaronne, j'ajoute que nous avons inauguré récemment à Villiers-le-Bel une magnifique plateforme de gérontologie. Je souhaite également citer les communes dans lesquelles la foncière Méditrine construit des Ehpad : Jarnac, Loudun, Montfermeil, Chasse-sur-Rhône, Mimizan, Villemoisson… Vous voyez donc que notre rôle, à travers la Banque des territoires, consiste donc bien à aller là où d'autres ne vont pas.
Mme Paris et Mme Arrighi s'interrogent sur les écarts entre les deux évaluations qui ont été conduites sur la valeur d'Orpea. Le président de la commission de surveillance a indiqué l'essentiel : la valeur financière d'une entreprise est en réalité sa capacité à générer des résultats. Notre vision consiste à augmenter le taux d'encadrement, les rémunérations, la qualité du suivi des résidents et la représentation des personnels. La nouvelle équipe dirigeante d'Orpea a d'ailleurs accru le nombre de représentants des personnels, désormais au nombre de 350, afin que l'ensemble des personnels puissent s'exprimer. L'ensemble de ces éléments sont donc différents et entraînent nécessairement une modification de la valeur de l'entreprise.
Nous ne sommes pas un hedge fund, mais nous prenons un risque raisonnable. Avant de parvenir à la solution que nous avons présentée devant vous, nous avons mené des discussions difficiles avec la société et les financiers ; de même que nous avons discuté avec les mandataires de justice qui ont préparé ce plan. À un moment, les lignes rouges fixées par la commission de surveillance n'ont pas été respectées, entraînant notre retrait du dossier. Cependant, aucune autre solution n'est apparue et il n'y en a toujours pas, sauf à considérer le dépeçage de la société ou le défaut, qui ne me semble pas conforme à l'intérêt général.
La question des actionnaires a également été évoquée. Il faut d'abord distinguer les actionnaires historiques, qui ont néanmoins laissé cette société devenir très endettée, se surexposer à l'immobilier et se développer de manière non maîtrisée, avec 1 000 implantations à travers le monde. Ce développement a bien été validé par les anciens actionnaires. D'autres actionnaires sont arrivés par la suite, après les difficultés évoquées par Victor Castanet. Ils ont pris leur risque et peut-être que cela se passera moins bien que prévu pour eux. Dans la tradition française et les règles juridiques antérieures, les actionnaires avaient la possibilité d'être associés au retournement de l'entreprise, notamment par des bons de souscription. Cependant, les nouvelles règles de l'ordonnance de 2021 ne le permettent plus.
À Mme Dalloz, je précise que l'immobilier entre dans la valorisation, plutôt dans les flux, puisqu'il s'agit de loyers. À la question de Mme Goulet, je réponds qu'il suffit que le vote d'une classe soit favorable – celui des créanciers sécurisés le sera très probablement – pour que le tribunal de commerce puisse imposer une décision qui s'appliquera à toutes les classes. Cette hiérarchisation des créanciers et des actionnaires fait que dans le droit moderne, en cas de difficulté, les actionnaires sont beaucoup moins bien traités qu'auparavant.
Ensuite, vous demandez comment il sera possible de gérer les établissements à l'étranger. Nous le faisons déjà pour la société Transdev, dont nous possédons 70 %, mais également chez Egis. Mais ; par ailleurs, le développement international d'Orpea était trop rapide. Le projet de la direction actuelle, que nous soutenons, consiste aujourd'hui à réduire l'envergure internationale en faveur d'un recentrage sur l'Europe de l'Ouest.
Nous sommes d'accord sur le projet avec les associés qui nous accompagnent dans le groupement. Au-delà de CNP Assurance qui est une de nos filiales, la Macsf est la mutuelle des professions de santé et la Maif est un « assureur militant », comme l'indique sa signature. Ces acteurs économiques sont donc engagés sur les mêmes valeurs que les nôtres. Nous avons ensuite créé un comité d'éthique présidé par Emmanuel Hirsch, qui agit pour la formation des équipes sur le terrain et suit les questions sociétales et environnementales au sein de l'entreprise.
Mme Pires-Beaune, nous disposons de fonds pour financer des Ehpad publics, dans le cadre de notre mandat, qui est celui des fonds d'épargne. Ceux-ci se concentrent sur des situations équilibrées, ce qui est le cas de nombreuses opérations publiques. Nous avons engagé 300 millions l'année dernière, mais nous sommes prêts à faire beaucoup plus si l'occasion se présente.
Orpea va rester cotée en bourse. Par conséquent, nous portons la moitié du risque de l'opération, après l'injection du capital. Vous m'avez ensuite interrogé sur l'épargne de la CNP, en l'absence de dividendes. CNP étant un grand assureur très diversifié, il dispose d'actifs qui rapportent un rendement régulier et d'autres pour lesquels il est escompté que la création de richesse apparaîtra dans la durée, ce qui est le cas d'Orpea.
Pourquoi les prêteurs non sécurisés abandonnent-ils 2 milliards d'euros ? Au terme de leur analyse financière, ces derniers ont estimé que cet abandon de créance, qui par ailleurs réduisait la dette la plus coûteuse de la société, était nécessaire pour que le plan de sauvetage puisse fonctionner. Le solde, c'est-à-dire les 30 %, sera converti en actions si le plan de restructuration est confirmé.
M. Jolivet demande les garanties dont nous disposons afin que les mauvaises manières d'Orpea ne contaminent pas la Caisse. Nous allons au contraire veiller à ce que la rigueur, l'éthique et l'intégrité de la CDC s'appliquent à Orpea. Mais une fois encore, les équipes de Guillaume Pepy ont déjà débuté ce travail depuis un an, et je les en remercie.
L'absence de dividendes pour la Caisse des dépôts représente effectivement un effort, que nous pouvons supporter grâce à la diversité de nos investissements. La dépréciation à la valeur nette comptable nous paraît nécessaire et elle a été validée par les commissaires aux comptes. J'ajoute qu'elle prend naturellement en considération l'exploitation. En France, l'idée consiste à conserver les Ehpad. Hors de France, l'ensemble des activités seront peut-être cédées, mais cette décision relève de la direction générale de l'entreprise.
Le gouvernement a suivi le dossier, mais la Caisse est indépendante et placée sous la protection du Parlement de la République. Nous disposons en outre des équipes pour suivre notre investissement : je rappelle que nous suivons de nombreuses participations stratégiques dans divers secteurs. Le niveau de risque est assez élevé, dans la mesure où le secteur est compliqué. Nous donnons une priorité aux résidents, aux malades et aux salariés et le rôle de la Caisse des dépôts consiste bien à prendre ces risques lorsque l'intérêt général est en jeu et que la gouvernance valide cette action.
Envisageons-nous de céder Orpea à terme ? Toutes les participations de la Caisse des dépôts évoluent avec le temps, en fonction de trois critères : l'intérêt général, l'intérêt de l'entreprise et l'intérêt financier de la CDC. Un grand travail va être réalisé sur plusieurs années : pendant trois ans nous ne toucherons pas de dividendes et nous nous sommes engagés à ne pas céder nos titres pendant cinq ans, afin que cette société redevienne un fleuron dans le secteur privé lucratif, au service des résidents et des salariés. Si nous devions céder cette participation, cela n'interviendrait donc pas tout de suite.
La Caisse des dépôts représente un outil utile dans ce type d'opération, qui revient en l'espèce à une prise de contrôle. Quel est le montant de la décote que vous avez pu appliquer sur le prix d'achat, compte tenu des risques inhérents à cette opération ?
Ensuite, vous avez parlé d'un abandon de créance à hauteur de 70 %. S'agit-il d'un abandon de créance avec retour à meilleure fortune ou d'un abandon définitif ?
Vous avez évoqué la possibilité de cession de certains actifs immobiliers. S'agirait-il de cessions sèches ou de lease-back ?
Lors de l'éventuelle cession de votre participation, à terme, veillerez-vous à choisir un acquéreur qui partage les mêmes objectifs de l'intérêt général ?
Vous avez indiqué que les résidents, les malades et les salariés constituaient les priorités de la Caisse. Il me semble également nécessaire de ne pas oublier les créanciers et les investisseurs, notamment les actionnaires, qui avaient pris des risques en investissant dans cette société. La Caisse des dépôts ambitionne de devenir un actionnaire majoritaire dans l'opération de recapitalisation, au nom de l'intérêt général. Cet intérêt général commande de traiter équitablement l'ensemble des parties prenantes.
Que répondez-vous au rapport du cabinet Ricol & Lasteyrie, qui dénonce une sous-estimation de la valeur d'Orpea ? Quelles sont les conséquences des divergences de valorisation pour les actionnaires et les créanciers ?
Enfin, la Caisse des dépôts a-t-elle vocation à prendre des risques dans un secteur soumis à une forte concurrence ? Que diable la CDC va-t-elle faire dans cette galère ?
Je tiens à préciser en préambule que certains Ehpad privés sont très bien gérés et tiennent compte de leurs résidents. Étant médecin, je m'y rends régulièrement et je peux en témoigner. J'ai eu également le plaisir de rencontrer en compagnie d'autres députés M. Guillot, administrateur et directeur général d'Orpea. Nous avons pu ainsi discuter pendant plus d'une heure et il m'a rassuré sur la stratégie conduite par l'équipe dirigeante. La confiance n'exclut cependant pas le contrôle, y compris sur le volet éthique.
Que comptez-vous faire des activités d'Orpea en dehors des Ehpad ? Existe-t-il une véritable stratégie de développement ?
Je souhaite revenir aux méthodes de valorisation, qui suscitent un certain nombre de doutes. La valeur retenue a en effet un impact direct sur le niveau de dilution des actionnaires actuels. J'ai bien noté les différences de nature entre les actionnaires en fonction de leur antériorité.
Avez-vous mesuré le risque que la Caisse des dépôts prend, non pas en termes financiers, mais en termes d'image ? En effet, cette image pourrait être altérée si les résultats futurs devaient être différents des résultats escomptés. Cette opération est médiatique et il serait regrettable que le trouble succède au scandale.
Jusqu'à présent, nous avons surtout évoqué les éléments financiers et les logiques actionnariales. En tant que député, je constate que le modèle économique des Ehpad est clairement remis en question par l'inflation des prix de l'énergie, des denrées alimentaires et des salaires. Par ailleurs, Orpea est aujourd'hui synonyme de problème dans l'opinion et la Caisse des dépôts devra faire preuve d'une vigilance extrême sur les soins et les services fournis aux résidents. Comment envisagez-vous de reconstruire cet équilibre ? Allez-vous augmenter les prix de manière draconienne ou restructurer l'activité ?
Ma question concerne le taux d'encadrement des aidants. Dans tous les débats que nous avons menés pour préparer la loi « Bien vieillir », nous avons pu observer que la moyenne nationale se situait à 0,61. Votre objectif est de 0,8. Or cet écart correspond à peu près à 100 000 ou 150 000 emplois en France, soit 5 à 7 milliards d'euros. Lorsque vous avez pris en main Orpea, quel était le taux d'encadrement ? Quel horizon et quelle trajectoire avez-vous retenu pour atteindre le taux de 0,8 ?
La puissance publique, par le biais de la Caisse des dépôts, va acquérir 50,2 % d'Orpea. Quel sera le rôle concret de l'État dans le pilotage du groupe ? Quels mécanismes de contrôle des dépenses avez-vous prévus ? Quels seront les prélèvements obligatoires dont le groupe devra s'acquitter ?
M. Lombard, lors de votre interview en avril dernier dans le magazine l'Express, vous faisiez la promotion du financement de la cinquième branche par capitalisation. Or, n'en déplaise à la majorité, les débats sur la réforme des retraites ne sont toujours pas achevés. Dans ce contexte, ne voyez-vous pas de difficulté, voire de conflit, à ce qu'un géant de l'investissement à long terme allié à des assureurs mutualistes mette la main sur le numéro un du secteur lucratif et ambitionne de mettre en place un financement de la dépense par le privé ?
Je souhaite revenir sur le financement des Ehpad publics. Aujourd'hui le reste à charge moyen est de 2 385 euros. Cela signifie que 79 % des résidents n'ont pas de revenus courants suffisants pour régler ce reste à charge. La Caisse des dépôts, La Banque postale et d'autres opérateurs publics ne pourraient-ils pas réfléchir à des prêts à taux zéro pour les seuls Ehpad publics en difficulté, sous réserve que la puissance publique effectue un travail sérieux afin d'identifier les Ehpad qui sont utiles aux territoires ?
Je tiens à préciser en préambule que la Caisse des dépôts n'a pas d'actionnaires : les dividendes qui remontent à la Caisse des dépôts sont intégralement dévolus au service de l'intérêt général, sous deux modalités : soit ils sont orientés vers le Trésor public par le biais des différents mécanismes d'imposition, pour environ la moitié du résultat annuel ; soit ils sont réinvestis dans les territoires ou les opérations d'intérêt général.
L'un des rôles de la commission de surveillance consiste à s'assurer de l'équilibre financier de cet ensemble, qui se construit depuis 200 ans. La Caisse des dépôts n'a pas de recettes fiscales, à l'inverse d'autres acteurs, par exemple dans le logement. La Caisse équilibre entre un actif et un passif, qui sont tous les deux susceptibles d'évoluer avec le temps. La commission de surveillance projette ainsi différentes situations économiques pour essayer de garantir que la CDC sera toujours en mesure d'accompagner les grandes transformations de notre pays.
La philosophie générale des fonds d'épargne est donc d'avoir une « rentabilité » la plus proche de zéro. Mais il faut garder à l'esprit que la Caisse des dépôts ne sera jamais un organisme qui peut subventionner à grande échelle une politique publique sur le territoire. Ce rôle revient aux pouvoirs publics ou à des acteurs qui disposent eux-mêmes de recettes fiscales ou de recettes affectées.
La cession à terme de la participation dans Orpea se fera en fonction de l'intérêt général et de l'intérêt de l'entreprise. Il est très clair qu'elle n'interviendra pas à court terme. La question ne se pose donc pas véritablement aujourd'hui. Si jamais l'opération de reprise d'Orpea intervient effectivement, il faudra d'abord créer un modèle économique, stabiliser l'entreprise et s'assurer qu'elle remplit ses missions auprès des publics.
M. Laqhila, les actionnaires et les créanciers ont pris des risques et il s'est trouvé que le devoir de surveillance leur a fait gravement défaut. Il ne me paraît pas être raisonnable de chercher des moyens de les aider d'une manière différente.
Le risque d'image est très important et a fait l'objet d'un long débat au sein de la commission de surveillance. C'est la raison pour laquelle elle a établi certaines lignes rouges et favorise notamment un recentrage sur des activités en Europe, afin de limiter les probabilités d'incidents à l'avenir.
M. Mattei, l'abandon de créance ne comporte pas de clause de retour à meilleure fortune : il est final et définitif. Comme les 30 % restants seront convertis en actions, les créanciers non sécurisés espèrent qu'ils pourront récupérer une partie de leur mise, dans la durée.
Nous considérons que la valeur d'entreprise est aujourd'hui négative, compte tenu de l'endettement, qui est actuellement de 8 milliards. Malheureusement pour eux, les droits des actionnaires sont très réduits. La décision de cession d'une partie du parc immobilier relève de la direction générale de la société, mais j'estime que cette exposition doit être allégée.
M. Laqhila nous demande si la Caisse des dépôts a vocation à prendre des risques dans le secteur concurrentiel. Le code monétaire et financier nous donne cette possibilité et nous le faisons dans de nombreux domaines, notamment dans celui des infrastructures. Je pense par exemple aux entreprises Icade, Transdev, GRTgaz, RTE, Egis ou la Compagnie des Alpes.
M. Lauzzana, Orpea possède 53 cliniques psychiatriques et 73 cliniques de soins de suite et de réadaptation. Or nous savons que la psychiatrie a besoin de soutien dans notre pays.
Mme Louwagie, si la valeur de l'entreprise était si élevée, il y aurait eu des propositions alternatives et les actionnaires non sécurisés n'auraient pas consenti un abandon de créance de 70 % sur 3,8 milliards.
M. di Filippo, vous avez raison : le modèle des Ehpad est challengé, qu'il s'agisse des Ehpad publics ou privés.
Je partage les réflexions de Mme Pires-Beaune : nous devons réfléchir aux outils de financement qui permettent de soutenir les Ehpad publics habilités à l'aide sociale, en totalité ou partiellement. Ce sujet est sur la table et dépend d'un dialogue avec l'État, qui n'a pas encore abouti.
M. Lecamp, le ratio d'encadrement était de 0,63 chez Orpea en 2022. En intégrant les soignants et les non-soignants, l'objectif de la direction générale est d'aboutir légèrement en dessous de 0,8. Ici, la principale difficulté à laquelle nous sommes confrontés porte sur les recrutements. La société recrute 500 à 600 personnes par mois mais préférerait en recruter 800. En outre, comme des démissions interviennent toujours malgré l'amélioration des conditions salariales, l'apport net est de 50 à 100 personnes. L'horizon dépendra donc de la capacité de recrutement dans les différents marchés. En outre, le taux d'encadrement diffère selon la dépendance des résidents.
M. Peytavie, le rôle de l'État consiste à encadrer le secteur et à vérifier que ces établissements exercent bien leur mandat d'intérêt général. Dans l'opération dont on parle, il s'agit du seul rôle de l'État que je connaisse. Si, comme vous le dites, il existe des mouvements dans le secteur, la direction générale d'Orpea, que nous souhaitons conforter, va opérer pour assurer le bon développement de l'entreprise.
Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de venir vous présenter les raisons pour lesquelles nous avons proposé à la commission de surveillance et au tribunal de commerce cette opération très engageante. Je tiens à vous redire que nous sommes conscients de la charge qui pèse sur nos épaules. Nous cherchons à nous assurer que le rétablissement, engagé depuis un an, se poursuive au service des malades, des résidents et des salariés de cette société.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 14 juin 2023 à 11 heures
Présents. - M. Franck Allisio, M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, M. Manuel Bompard, Mme Émilie Bonnivard, M. Philippe Brun, M. Michel Castellani, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Fabien Di Filippo, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Stella Dupont, M. Luc Geismar, Mme Perrine Goulet, M. Alexandre Holroyd, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, Mme Constance Le Grip, M. Pascal Lecamp, Mme Charlotte Leduc, Mme Patricia Lemoine, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, M. Louis Margueritte, M. Jean-Paul Mattei, M. Kévin Mauvieux, M. Benoit Mournet, Mme Mathilde Paris, M. Sébastien Peytavie, Mme Christine Pires Beaune, M. Sébastien Rome, M. Michel Sala, M. Emeric Salmon, M. Nicolas Sansu, M. Jean-Philippe Tanguy
Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, Mme Alma Dufour, Mme Karine Lebon, M. Jean-Marc Tellier