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Intervention de Éric Lombard

Réunion du mercredi 14 juin 2023 à 11h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Éric Lombard, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations :

Je vous remercie pour votre invitation à venir m'exprimer, au côté du président de la commission de surveillance, sur l'intervention de la Caisse des dépôts dans le cadre de la procédure de sauvegarde accélérée du Groupe Orpea.

Il s'agit d'une audition importante, qui permet de préciser d'une part comment la Caisse des dépôts a élaboré un plan de sauvegarde, et surtout à quelles conditions nous choisissons d'intervenir dans cette société ; et d'autre part, les grandes étapes de cette intervention et le calendrier des prochaines échéances.

Il me semble en effet important de rappeler que cette opération n'a pas encore abouti. La procédure est d'ailleurs assez nouvelle dans notre paysage économique et juridique. Cette intervention va également s'accompagner d'outils pour renforcer la manière dont Orpea fonctionne au service de tous. Je vous dirai également un mot sur l'ensemble des actions que le groupe CDC mène dans le secteur.

Pourquoi la Caisse des dépôts est-elle intervenue dans Orpea ? Orpea est confrontée à des difficultés financières, qui dépassent le cadre des problèmes évoqués par le livre de Victor Castanet. En effet, le groupe était fortement endetté et dispose d'un patrimoine immobilier nettement plus élevé que celui de ses concurrents. En outre, une partie non négligeable de sa dette est à taux variable. En réalité, les options étaient peu nombreuses si nous n'intervenions pas : le risque portait soit sur une liquidation judiciaire de la société, soit sur une prise de contrôle par des acteurs financiers, dont l'intérêt général et celui des résidents n'étaient pas forcément au cœur des préoccupations.

Le groupe Orpea possède 232 Ehpad, et emploie 28 000 salariés en France. Je rappelle par ailleurs que l'activité d'Orpea est également importante dans le domaine de la santé, à travers sa filiale Clinea, premier opérateur de cliniques privées en France (126 établissements), avec un positionnement dans deux secteurs : les cliniques psychiatriques et les cliniques de soins de suite et de réadaptation.

L'intervention de la Caisse des dépôts ne se fait pas seule. Le Groupe CDC va investir via l'établissement public (605 millions d'euros) et sa filiale CNP Assurances (150 millions), soit au total 755 millions d'euros, aux côtés de deux partenaires mutualistes : la Maif à hauteur de 400 millions et la MACSF pour 200 millions. Cette augmentation de capital de 1,35 milliard se fera exclusivement au profit de la société et de son soutien : pas un euro de ces fonds n'ira aux actionnaires ou aux créanciers.

Si le plan de sauvegarde porté par la CDC était effectivement validé, le Groupe CDC détiendrait 29 % du capital et le groupement de partenaires la majorité du capital, soit 50,2 %. La CDC a fixé les conditions de son intervention qui passe par une évolution draconienne du fonctionnement d'Orpea. Il s'agit d'abord d'améliorer la qualité des soins et du suivi des résidents, de renforcer la qualité de l'encadrement et la motivation des salariés. À cet égard, la nouvelle équipe de direction, présidée par Guillaume Pepy et dirigée par Laurent Guillot, est en place depuis un an. Elle a déjà engagé très vigoureusement ces procédures d'amélioration et d'aménagement, grâce à des recrutements massifs, des salaires à la hausse et des conditions de suivi des résidents en voie d'amélioration, alors même que le sauvetage n'est pas encore intervenu.

Le sens de la refondation est tel que la société a décidé le moment venu, probablement d'ici à 2025, de devenir une société à mission. Nous souhaitons un bouleversement profond du modèle d'affaire de cette entreprise et nous aurons les moyens de veiller à ce que cette transformation intervienne. En effet, en tant qu'actionnaire, nous aurons sept places au conseil d'administration, dont quatre pour le groupe CDC, et nous serons en mesure de définir les priorités stratégiques d'Orpea et de nous assurer du bon respect des exigences éthiques et économiques. Ainsi, le pilotage de cette nouvelle participation sera tout autant extra-financier que financier.

Dans un second temps, il me semble essentiel de faire un point sur les grandes étapes de l'opération et le calendrier. L'opération est en cours ; il s'agit certainement de la plus grosse restructuration financière jamais organisée en France et d'un des premiers cas de mise en œuvre de la nouvelle procédure de sauvegarde accélérée telle que refondue par l'ordonnance du 15 septembre 2021.

En février 2023, nous avons conclu un accord avec Orpea sur les conditions de sa restructuration financière, notamment la transformation en capital d'une partie de sa dette. En mars, la société a validé avec ses banques créancières les conditions de réaménagement de sa dette et l'ouverture de nouvelles lignes de financement pour 600 millions d'euros. Le 25 mai, le plan de sauvegarde de la Caisse des dépôts a franchi une étape cruciale : l'AMF a autorisé le groupement à ne pas émettre d'offre publique d'achat. Cette décision est aujourd'hui contestée devant le tribunal et nous verrons ce qu'il en advient dans les mois à venir.

Désormais, deux échéances majeures se profilent. D'ici à la fin du mois de juin, les classes d'actionnaires et de créanciers sont appelées à voter sur le plan de sauvegarde, pour lequel le comité social et économique central de la société a émis un avis favorable à l'unanimité, qui traduit le soutien des salariés. Au plus tard le 24 juillet, le tribunal de commerce de Nanterre approuvera ou rejettera ce plan de sauvegarde.

Si les recours ne viennent pas contrecarrer ce dispositif, ces étapes ouvriront la voie aux augmentations de capital prévues dans le plan de restructuration de l'entreprise. Elles pourront avoir lieu à compter du quatrième trimestre 2023 et se dérouleront en trois étapes. La première portera sur une première augmentation de capital par voie de compensation de créance. Les créanciers non sécurisés, c'est-à-dire qui ne détiennent pas de sûretés réelles, abandonneront 70 % de leurs créances (3,8 milliards d'euros) et le solde de 30 % sera converti en capital (fonds propres) aux mêmes conditions que celles de notre entrée au capital.

La deuxième opération concernera une augmentation de capital souscrite par le groupement à hauteur de 1,15 milliard, afin de devenir majoritaire au capital de la société. Enfin, la troisième opération sera ouverte à tous les actionnaires, dont nous-mêmes : une augmentation de capital d'un montant de 400 millions d'euros, souscrite à hauteur de 200 millions d'euros par le groupement, le solde étant garanti par les créanciers non sécurisés, qui croient à cette opération, puisqu'ils ont accepté d'augmenter leur participation en actions.

Telles sont les modalités complexes de l'opération. Si le tribunal les valide, les deux éléments à retenir sont donc l'abandon de créances à hauteur de 70 % par les créanciers non sécurisés et l'injection d'1,55 milliard de nouveaux capitaux.

Cette opération s'inscrit dans le cadre des interventions du Groupe CDC dans le secteur du vieillissement. Par exemple, la Banque des territoires finance, sur fonds d'épargne (350 millions d'euros en moyenne par an sur les cinq dernières années), la construction et la rénovation de murs d'Ehpad et de résidences autonomie du secteur public et associatif.

Ensuite, le groupe La Poste que nous détenons à 66 % déploie une offre de service à domicile pour les personnes âgées dépendantes. Notre filiale CDC Habitat est propriétaire de 116 murs d'établissements de santé et a récemment créé une foncière, Méditrine, qui mène douze projets actifs, dont cinq en construction. La Caisse des dépôts intervient également au sein de l'association Arpavie, qui accueille 8 500 résidents au sein de 46 Ehpad et 78 résidences autonomie.

Nous soutenons en outre l'innovation et les expérimentations dans le secteur du grand âge et de la santé. Je pense notamment à notre action en matière d'habitat inclusif, au sein d'une association créée en compagnie des Petits frères des pauvres. De plus, BPI France, avec le soutien de la Banque des territoires, a créé le « fonds patient autonome » pour accélérer la croissance de sociétés innovantes en matière de santé numérique.

En intervenant dans Orpea, la Caisse des dépôts élargit son périmètre d'intervention dans le secteur des Ehpad privés. Nous voulons saisir cette occasion pour rendre le secteur exemplaire en matière de qualité de suivi et de qualité de soins. C'est aussi une manière pour le groupe Caisse des dépôts d'afficher son soutien à l'ensemble du secteur. Dans les années à venir, nous serons présents pour accompagner ce mouvement.

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