Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du mercredi 3 mai 2023 à 17h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à dix-sept heures.

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Le Président de la République a annoncé lors de la présentation de ses vœux son objectif de doubler la réserve opérationnelle, avec un réserviste pour deux militaires d'active, soit un peu plus de 100 000 réservistes à l'horizon 2035. Le ministère des armées dispose aujourd'hui de 40 000 volontaires de la réserve militaire opérationnelle, quand la gendarmerie en compte à peu près 30 000 dans sa réserve d'engagement ou RO1, à laquelle il faut ajouter la réserve de disponibilité (RO2), constituée par les anciens militaires soumis pendant cinq ans à une obligation de disponibilité ; soit 65 000 réservistes dans les armées et 35 000 dans la gendarmerie. L'objectif de 100 000 réservistes concerne donc la RO1, auxquels il faut rajouter les réservistes de la RO2.

Dans le projet de LPM, l'article 14 concentre nombre de réflexions autour de la redéfinition des réserves et de leur montée en puissance. Messieurs les officiers généraux, nous serions heureux que vous nous éclairiez sur les défis qu'implique cette remontée en puissance, mais également sur la nouvelle doctrine d'emploi esquissée dans la loi de programmation militaire (LPM). Nous souhaiterions également que vous puissiez nous détailler les principaux axes qui devraient structurer le plan Réserve 2035.

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le général (2S) Michel Delion, pilote du groupe de travail « Réserve militaire »

Je tiens d'abord à remercier tous ceux qui participent aux travaux sur la réserve opérationnelle, mais également aux travaux menés en lien avec le secrétariat général de la Garde nationale, le délégué interarmées aux réserves, les armées et directions et services du ministère, ainsi que la gendarmerie nationale. Je pense particulièrement à nos 4000 concitoyens réservistes des armées qui assurent aujourd'hui comme tous les jours le succès des armes de la France.

Dans son acception civilo-militaire, le mot réserve offre une double perspective que je souhaite clarifier. La première acception est celle d'une unité réservée, une troupe aguerrie conservée pour un emploi optimal au moment critique de la bataille. Nul mieux que Victor Hugo ne l'a jamais décrit : « Derrière un mamelon, la garde était massée. La garde, espoir suprême, et suprême pensée. Tranquille, souriant à la mitraille anglaise, la garde impériale entra dans la fournaise. »

La deuxième acception, qui est celle qui nous réunit aujourd'hui, traduit bien plus l'idée fondatrice du soldat-citoyen, fortement ancrée dans notre sentiment national depuis les soldats de l'An II. Cette notion de réserve est indissociable de l'idée de mobilisation, seul procédé à même de générer la masse requise. Tout au long de notre histoire, cette recherche entre force active et force de réserve a conduit à des choix que nous devons aujourd'hui poursuivre. De manière plus récente, le chef d'état-major des armées (CEMA) vous a précisé lors de son audition que « la réserve était un moyen puissant de son axe d'effort n° 1 lié à la cohésion nationale ».

Le principe des travaux du groupe de travail Réserves ayant conduit à la rédaction de l'article 14 de la LPM vise, sous l'impulsion du Président de la République, à traduire la vision RH du ministère des armées. En effet, face aux défis auxquels elle est confrontée, la France consolide son modèle d'armée professionnelle, sans faire appel à la conscription et en visant un nouveau modèle à l'horizon 2035, modèle qui rejoindra l'équilibre d'un réserviste pour deux militaires d'active. Cette réserve rénovée, véritable force de complément, offrira une meilleure réponse opérationnelle aux menaces, tout en prenant en compte les attentes des volontaires et le désir d'engagement de nos concitoyens.

Pour parvenir à cet article 14 de la LPM, le cadencement des travaux s'est effectué en plusieurs étapes. Nous avons conduit six séances et nous nous sommes inspirés des bonnes pratiques listées dans le rapport parlementaire des députés Parrigi et Blanchet pour ouvrir une adresse de contact, qui a permis de recueillir trois cents idées de la part de nos concitoyens. Un suivi des travaux a été porté à la connaissance des membres, à travers des courriels successifs et nous continuerons à le faire dans les semaines et mois à venir. Depuis le 9 janvier, nous avons poursuivi les travaux en interne via le Plan Réserves 2035 de l'état-major des armées (EMA) et en externe, à la fois en interministériel et vers la société civile.

Nous avons tiré de ces travaux un certain nombre (environ 120) de mesures emblématiques, et en particulier les éléments suivants :

- la révision des critères d'intégration, systématiquement ajustés à l'emploi prévu ;

- l'évolution des limites d'âge (désormais 70 ans et 72 ans pour les spécialistes) ;

- l'amélioration permanente du système d'information Réserviste Opérationnel Connecté (ROC).

Nous avons également traité « l'irritant principal », la relation entre les forces et les employeurs (publics et privés). Celle-ci est en cours d'amélioration, au sein d'une relation plus globale entre les armées, la gendarmerie et les employeurs, publics et privés. En ce qui concerne les entreprises, afin de couvrir tous les domaines au-delà des réserves (les blessés, les reconversions, le mécénat, …) l'EMA a lancé avec le Medef un manifeste « # ProMiles ». L'impulsion nationale est en cours de déclinaison régionale et a vocation à devenir à terme locale, via les délégués militaires départementaux (DMD) et les commandants de formation. Le général Gaspari reviendra plus en détail sur son action dans le domaine essentiel des conventions passées.

Les travaux du groupe de travail visent à obtenir le doublement des réservistes par deux sources d'approvisionnement : 25 000 nouveaux recrutés et 15 000 autres qui pourraient être issus du service national universel (SNU) et qui seraient financés par ailleurs. Afin de rendre opérationnelle cette ambition politique, nous avons estimé un surcoût en Titre 2 (activité des réservistes) d'environ 500 millions d'euros, auquel s'ajoute un surcoût du même montant hors titre 2 (budget nécessaire à l'entraînement, l'équipement et le soutien des réservistes). Au total, le surcoût estimé à ce jour hors infrastructure est donc d'un milliard d'euros. Les fonds destinés à l'infrastructure sont essentiels car ils détermineront notre stratégie de recrutement des réservistes.

Ensuite, l'emploi a été adapté aux nouvelles menaces et aux risques émergents. Cette réserve de complément puissante que nous souhaitons bâtir peut s'exprimer dès aujourd'hui dans le cadre de l'exercice Orion 2023, mais également celui des Jeux olympiques 2024. Ces deux événements constituent des jalons importants de sa montée en puissance.

Dans le cadre de l'exercice Orion, le 24ème régiment d'infanterie basé en Ile-de-France a reçu pour mission d'assurer la protection de la zone arrière de la division, engagée au combat dans les camps de Champagne. Il a pu rassembler trois compagnies pour remplir cette mission. Nous avons également l'ambition de créer une réserve de compétences, capable de renforcer les unités et les états-majors, dans des domaines émergents, dans l'emploi de nouvelles technologies ou la base industrielle et technologique de défense (BITD), pour répondre aux enjeux de l'économie de guerre.

Ces réserves de compétences peuvent également s'illustrer par de nouvelles opportunités, comme au sein du secrétariat général pour l'administration, pour le service de la justice militaire, dont les derniers réservistes sont partis en 1999.

Pour absorber cette surcharge mécanique de travail qui représente de manière contre-intuitive un investissement considérable de l'active au profit de la réserve, l'État-major des armées a décidé de créer une division « Cohésion nationale » avec des structures miroir au sein de chacune des armées, directions et services.

Dans les actions déjà menées auprès de l'interministériel et de la société civile, nous avons travaillé avec le référent Éducation de défense du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse. À cet égard, un séminaire des référents Éducation de défense et de sécurité (REDS) sera organisé le 12 juin prochain.

Auprès des entreprises, nous allons travailler également sur une clarification fiscale, à la fois sur la base légale d'une exonération pour les réservistes, mais aussi pour simplifier les déductions pour les entreprises, conformément à l'article 238 bis du code général des impôts.

Enfin, les réservistes seront mis à l'honneur lors du défilé du 14 juillet.

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Louis-Mathieu Gaspari, général de division, secrétaire général de la Garde nationale

Avant de débuter mon intervention, je souhaiterais saluer l'engagement remarquable des réservistes opérationnels sur le terrain, aux côtés de leurs camarades d'active. Les réservistes paient aussi un lourd tribut. Permettez-moi d'avoir une pensée émue pour l'adjudant Patrick Hervé, mort en service, le 11 avril dernier dans les Landes alors qu'il participait à une mission de sécurité routière avec l'unité qu'il était venu renforcer. Je pense également à sa famille, à ses proches et à ses camarades terriblement éprouvés par cette disparition.

Depuis ma prise de fonctions le 1er août 2022, je fais le constat que la Garde nationale n'est ni connue, ni totalement reconnue et qu'elle a encore parfois du mal à trouver sa place dans l'écosystème des réserves. Elle n'est ni la Garde nationale américaine, ni même la Garde républicaine avec laquelle elle est parfois confondue.

En réalité, la Garde nationale fédère les 77 000 réservistes opérationnels du ministère des armées et du ministère de l'intérieur. Elle recèle ainsi bien des atouts pour notre pays. Avant de vous les détailler et de vous exposer les enjeux auxquels la Garde nationale est confrontée, je tiens à vous la présenter très précisément. Je terminerai enfin mon propos en vous détaillant la transformation que j'ai engagée afin qu'elle accompagne et joue surtout un rôle moteur dans le doublement des réserves annoncé par le Président de la République, dans le contexte de la LPM dont vous avez débuté l'examen.

La Garde nationale a été créée par décret le 13 octobre 2016 pour répondre au désir d'engagement de la jeunesse à la suite de la vague d'attentats terroristes qui a frappé notre pays. Assurée par les réservistes opérationnels du ministère des armées et du ministère de l'intérieur, la Garde nationale concourt, le cas échéant par la force des armes, à la défense de la nation et à la sécurité de la population et du territoire.

Sept ans après sa création, la Garde nationale est composée de plus de 77 000 réservistes opérationnels (RO) qui sont à peu près équitablement répartis entre le ministère des armées et le ministère de l'intérieur :

- 40 000 sont issus des huit composantes du ministère des armées (armées de Terre, de l'Air et de l'Espace, Marine nationale, services et directions du ministère) ;

- 37 000 sont issus des deux composantes du ministère de l'intérieur (31 000 sont issus de la gendarmerie nationale et plus de 6 000 de la police nationale).

Je précise à ce titre que la réserve opérationnelle de la police nationale est récente car elle a été créée à la faveur de la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.

Chaque jour, près de 7 000 réservistes opérationnels des dix composantes de la Garde nationale sont engagés sur le territoire national, qu'il soit métropolitain ou ultramarin. Un réserviste effectue en moyenne trente jours de réserve par an et est évidemment rémunéré à hauteur de son grade. La réserve est jeune : 32 % des réservistes opérationnels ont moins de 30 ans et 14 % sont étudiants. Près d'un réserviste sur deux est actif et le taux de féminisation croît chaque année pour atteindre aujourd'hui plus de 21 %. Enfin, l'emploi et la préparation opérationnelle des réserves relèvent des compétences de chaque composante de la Garde nationale.

Plus que les chiffres que je viens de vous énumérer, la Garde nationale apporte bien davantage à notre pays. Dans un contexte national caractérisé par un enchaînement ininterrompu de crises depuis 2015, les réservistes opérationnels de la Garde nationale ont montré qu'ils constituaient un véritable outil de résilience, indispensable à la défense de notre pays.

Quelques exemples de crises, auxquelles les réservistes ont participé, méritent d'être cités : les attentats terroristes en 2015 et 2016 ; la tempête Irma en 2017 ; la crise sociale des Gilets Jaunes en 2018 ; la crise sanitaire de la COVID ; la tempête Alex dans les Alpes-Maritimes en 2020 et les crises caniculaire et environnementale, notamment les feux de forêts dans le Sud-Ouest au cours de l'été 2022.

Les réserves de la Garde nationale prennent donc une part croissante dans le contrat opérationnel des forces armées et des forces de sécurité intérieure. Cette tendance ne devrait pas se démentir avec l'organisation en France d'événements majeurs comme la Coupe du monde de rugby en septembre 2023 et les Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024. Vecteurs majeurs de l'engagement citoyen, les réservistes opérationnels de la Garde nationale renforcent la cohésion nationale et s'affirment comme le ferment du lien unissant les armées et la nation.

Ensuite, l'enjeu principal qui se pose à la Garde nationale est d'accompagner le doublement de la réserve, annoncé par le président de la République dans son discours aux armées le 13 juillet 2022. De plus, cette montée en puissance intervient dans un contexte géopolitique devenu incertain avec l'apparition d'un conflit armé aux frontières de l'Union européenne. Je fais référence à la guerre en Ukraine qui doit conduire à nous réinterroger sur notre modèle de réserve, au même titre que le modèle de notre armée d'active.

Ce nouveau contexte m'a incité à engager la transformation de la Garde nationale, qui est arrivée en 2022 à la fin d'un premier cycle et qui s'établit autour de trois pivots. Je ne vous présenterai aujourd'hui que le premier, celui qui mobilise aujourd'hui toutes mes équipes : la politique partenariale.

Celle-ci vise à faciliter l'engagement et la disponibilité des réservistes, qui exercent leur activité principale au sein d'entreprises ou de collectivités. Elle se concrétise par la signature de conventions entre le ministère des armées et les entreprises ou les collectivités, à travers des dispositifs gagnant-gagnant. D'une part, ils sécurisent le statut juridique du salarié-réserviste. D'autre part, en signant une convention, les employeurs affichent un vrai engagement citoyen de la personne morale qu'ils représentent.

Quelques marqueurs d'activité de la politique partenariale doivent être relevés. À ce jour, plus de 900 conventions de partenariat ont été conclues dont 70 % sont signées par des entreprises parmi lesquelles figurent de grands groupes mais aussi et surtout des PME et des entreprises de taille intermédiaires (ETI). De leur côté, les collectivités territoriales représentent 27 % du total des signatures, contre 3 % pour le monde universitaire. À titre d'exemple, seize entreprises du CAC 40 ont déjà signé des conventions (Décathlon, Michelin, Bouygues, Orange et Airbus), mais également l'entreprise de transport Faure, Préligens, le conseil départemental du Nord, de nombreuses mairies ou l'université de Saclay. Je pourrai d'ailleurs vous détailler, si vous le souhaitez, les apports concrets des conventions de partenariat, tant pour les salariés réservistes que pour les employeurs, et vous expliquer comment les forces armées et les forces de sécurité intérieure s'y retrouvent.

Mon objectif consiste bien à amplifier et piloter finement la politique partenariale pour être au rendez-vous de la montée en puissance de la réserve, autour des territoires et des compétences. L'approche territoriale vise à développer davantage de liens et de synergies avec les territoires et les élus, qui sont toujours en première ligne lorsqu'une crise survient.

Je cherche notamment à étendre l'empreinte de la Garde nationale dans les outre-mer et à l'international, où sont établis près de 2,5 millions de français. Il s'agit de structurer et d'animer dans ces territoires un réseau de correspondants de la Garde nationale, à l'instar de celui qui existe déjà dans les treize régions administratives métropolitaines. En négociant les conventions de partenariat, ces correspondants sont les pivots de la politique partenariale dans les territoires.

L'approche par les compétences doit permettre de privilégier l'aspect qualitatif de la politique partenariale qui ne peut plus se satisfaire aujourd'hui d'un volet uniquement quantitatif. Il s'agit de mieux prendre en compte les attentes des forces armées en facilitant notamment l'emploi dans la réserve de salariés ou d'agents publics détenant les compétences critiques ou rares dont elles ont besoin.

La signature d'une convention de partenariat n'est pas une fin en soi, c'est un début : elle doit vivre. Je souhaite à ce titre évoquer l'exemple du groupe pharmaceutique Roche avec lequel j'ai signé une convention de partenariat au mois de décembre 2022. À l'époque, il y avait alors deux réservistes au sein de cette entreprise, contre près d'une dizaine de volontaires aujourd'hui. Fin mars, la pharmacie centrale des armées a reçu à Orléans les candidats à la réserve de Roche, afin que le service de santé des armées (SSA) puisse leur présenter ses besoins. Ce déplacement a permis aux candidats à la réserve d'identifier très concrètement les postes qu'ils pourraient occuper au sein de la réserve du SSA.

Mais piloter la politique partenariale consiste également à quantifier concrètement son apport pour les forces armées et les forces de sécurité intérieure, par exemple le nombre de réservistes recrutés ainsi que les compétences apportées aux armées. Enfin, le deuxième pivot porte sur la mise en place d'une stratégie de communication, quand le troisième cherche à alimenter les réflexions stratégiques de haut niveau.

En conclusion, sept ans après avoir été portée sur les fonts baptismaux, la Garde nationale progresse vers son âge de maturité. Rendue possible par sa transformation, cette évolution lui permet de jouer un rôle moteur dans le doublement des réserves opérationnelles annoncé par le Président de la République. Enfin, quarante réservistes opérationnels relevant de son périmètre participeront au tableau final du défilé du 14 juillet sur les Champs-Élysées, ce qui constitue un autre signe tangible de la reconnaissance portée à la Garde nationale aujourd'hui.

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Je salue le travail de réflexion effectué en amont de la loi de programmation militaire et qui, je l'espère, se poursuivra après la LPM. La réserve occupe une bonne place dans cette LPM, puisqu'elle bénéficie d'un budget d'un milliard d'euros hors infrastructure. L'article 14 de la LPM entend refonder les modalités de mobilisation et de rappel des réservistes de la seule réserve opérationnelle militaire.

Cependant, en cas de crise majeure, l'articulation entre les deux réserves m'apparaît complexe, certains réservistes appartenant par exemple à plusieurs réserves. Comment envisagez-vous d'améliorer cette articulation ? Quels dispositifs pourraient être mis en place ? Par ailleurs, l'exercice Orion était utile à nos militaires et, en traversant de nombreuses régions de France, il a également permis de consolider le lien armées-nation. Cet exercice a en outre impliqué de nombreux réservistes. Quel est votre retour d'expérience sur ce sujet ?

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le général (2S) Michel Delion, pilote du groupe de travail « Réserve militaire »

Ma réponse portera sur la mobilisation et le bon déploiement de chacun des « volontaires », au juste moment et au juste poste. L'exercice Orion comportait quatre phases, dont la troisième traitait du politico-militaire et de l'articulation interministérielle en soutien à l'effort de combat, sous l'égide du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Dès le début de cet exercice, il a été constaté que certains « conflits » de mobilisation pouvaient survenir, certains réservistes ayant à la fois plusieurs volontariats et exerçant parallèlement des emplois civils dont nous aurions besoin qu'ils les conservent au titre des opérateurs d'importance vitale (OIV) et des plans de continuité d'activités. L'exemple le plus typique concerne un réserviste policier municipal, sapeur-pompier volontaire et instructeur de secourisme qui, par bonne volonté, est capable de répondre à l'une ou l'autre des sollicitations.

Le SGDSN s'est saisi de ce sujet et va confier des travaux au secrétariat général de la Garde nationale pour voir comment harmoniser les différentes conditions de mobilisation, afin d'offrir un choix d'emploi en fonction de chaque type de crise. Il est particulièrement important de noter que les réserves ne se cordonnent pas entre elles mais avec leur propre armée active. Pour le moment, nous n'en sommes qu'au balbutiement de cette harmonisation des procédés de montée en puissance.

Cet exercice Orion 3 s'est poursuivi avec Orion 4, qui portait sur le combat de haute intensité dans les camps de Champagne et a concerné 1 000 réservistes opérationnels. Ces derniers sont destinés à un « double usage » : renforcer les forces qui combattent sous le pavillon national, mais également assurer la sécurisation du trajet et du transport des forces alliées en cas d'action en coalition.

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Louis-Mathieu Gaspari, général de division, secrétaire général de la Garde nationale

Les travaux conduits dans le cadre de la stratégie nationale de résilience en hypothèse d'engagement majeur ont été menés sous l'impulsion du SGDSN. Le secrétariat général de la Garde nationale y a pris toute sa part, en pilotant le groupe de travail « Mobilisation des réserves et épaisseur RH ». Ce travail a ainsi permis de mettre en lumière, avec tous les acteurs interministériels, un défaut de gouvernance sur l'ensemble des réserves existantes.

Ce défaut de gouvernance devra faire l'objet de réflexions poursuivies et abouties sur la montée en puissance et en compétence des réserves, afin d'éviter qu'elles ne se concurrencent entre elles, notamment à travers des effets d'éviction.

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Je suis ravi de vous retrouver au sein de notre commission après les différentes réunions du groupe de travail sur l'avenir des réserves militaires conduites l'hiver dernier. Ces cinq séances de travail nous ont permis d'instruire les seize axes demandés par le ministre et de lui soumettre 120 propositions pour moderniser notre modèle de réserve. Au nom du groupe Renaissance, je tiens à saluer l'ensemble des civils et militaires ayant participé à ce groupe de travail.

L'objectif de disposer de 80 000 réservistes d'ici 2030 constitue une des priorités les plus ambitieuses de la LPM. Cet objectif permettra non seulement de diffuser l'esprit de défense, mais également de renforcer notre capacité de résilience en cas de conflit majeur. C'est la raison pour laquelle je souhaite vous interroger sur trois points particulièrement importants.

S'agissant de l'employabilité des réservistes, l'article 14, qui porte de cinq à dix le nombre minimal de jours de convocation pouvant être effectués pendant le temps de travail, représente une mesure positive. Cependant, je m'interroge sur la manière dont nous allons pouvoir convaincre certains chefs d'entreprise déjà réfractaires d'accepter ces cinq jours supplémentaires. Envisagez-vous des actions complémentaires en faveur des entreprises afin de limiter une recrudescence de réservistes clandestins ? Je pense notamment à des incitations fiscales.

Je voudrais également aborder la question cruciale de la doctrine de l'emploi telle qu'elle est rédigée dans la LPM. Comment l'évaluez-vous ? Est-elle susceptible de définir des missions précises et suffisamment attractives permettant de lutter contre le sous-emploi des réservistes ?

Pour conclure, je souhaite aborder un point capital pour remplir l'objectif d'un doublement des effectifs. Il semble en effet essentiel de lever le voile sur la méconnaissance, voire l'indifférence qui prévaut dans l'esprit du grand public à l'égard de la Garde nationale. Ceci pourrait être accompli grâce à une réelle politique de communication efficace qui permettrait également de dissiper les craintes des employeurs. Dans ce contexte, j'aimerais savoir si des moyens conséquents sont envisagés pour renforcer la politique de communication autour de la réserve et quelles seront les premières mesures prises pour y parvenir.

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Louis-Mathieu Gaspari, général de division, secrétaire général de la Garde nationale

L'article 14 de la LPM prévoit effectivement d'augmenter le seuil de cinq à huit jours selon la taille de l'entreprise, pour le porter à dix jours. Cette plus-value véritable pour les armées ne pourra s'accomplir que de manière pédagogique, mais un des rôles essentiels du secrétariat général de la Garde nationale est de convaincre que cet effort est gagnant-gagnant. Tout le monde s'y retrouvera, notamment l'entreprise : le réserviste qui effectue des périodes de réserve avec l'active acquiert des compétences, un savoir-faire et un savoir-être qui seront utiles lorsqu'il regagnera son poste. De fait, les entreprises avec lesquelles nous signons des conventions nous indiquent ainsi que les réservistes leur apportent énormément.

Ensuite, il importe de laisser le temps faire son œuvre. La police nationale, qui dispose d'une réserve opérationnelle depuis le 24 janvier 2022, fonctionne déjà sur la base d'une période de dix jours. Il est donc normal de vouloir harmoniser les bonnes pratiques existantes et de redonner de la cohérence à l'ensemble des réserves.

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le général (2S) Michel Delion, pilote du groupe de travail « Réserve militaire »

Dans notre dialogue avec les entreprises, nous avons essayé de travailler sur deux axes : l'axe de la formation et celui de la RSE. S'agissant de la formation, un certain nombre de compétences acquises dans les forces armées au profit du personnel d'active ou de réserve sont éligibles à une équivalence par le registre national des compétences professionnelles. L'axe de la RSE vise quant à lui à augmenter le capital immatériel de l'entreprise.

Ensuite, la doctrine d'emploi a été ébauchée globalement dans le texte qui vous a été soumis. Elle sera évidemment approfondie à partir du RETEX d'Orion, mais aussi en raison de la magnitude du changement d'échelle : avoir à terme plus de 100 000 réservistes permettra de disposer d'une véritable force de complément, dont il nous faut articuler efficacement l'action avec les forces d'active.

Nous allons en particulier accorder une attention particulière à la territorialisation. Lors de son audition en juillet 2022, le général Schill vous a ainsi indiqué l'existence d'un projet pour territorialiser. Cette territorialisation pourrait se décliner dans les outre-mer, avec des missions très spécifiques. En Polynésie, nous pourrions mieux assurer la souveraineté sur les sites les plus isolés : dans certains endroits, les forces ne peuvent ainsi passer qu'une fois tous les trois ans à l'heure actuelle, compte tenu de l'immensité territoriale et du nombre de forces positionnées.

En Nouvelle-Calédonie, nous pourrions augmenter notre présence auprès des communautés locales ; en Guyane, cela contribuerait à la protection du centre spatial. Aux Antilles, l'action se centrerait sur le secours aux populations ; à la Réunion et à Mayotte, cela permettrait de renforcer les capacités des forces armées de la zone sud de l'océan Indien (FAZSOI) face aux risques climatiques et aux menaces de la région. En cas de crise majeure dans ces outre-mer, cette territorialisation permettrait en outre le renforcement des capacités d'accueil au profit des forces projetées.

Enfin, les campagnes de communication sont également importantes. À ce titre, l'armée de Terre mène actuellement une telle campagne, qui mentionne déjà 16 000 emplois et 5 000 réservistes.

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Louis-Mathieu Gaspari, général de division, secrétaire général de la Garde nationale

Comme je vous l'ai indiqué précédemment, lorsque j'ai pris mes fonctions, j'ai fait le constat que la Garde nationale était à la fois peu connue et peu reconnue. J'ai donc mis en place une stratégie de communication offensive, qui vise à investir les réseaux sociaux et la communication digitale pour mieux faire connaître l'engagement au sein de la réserve. Ce travail de longue haleine nécessite de conduire une « marteau-thérapie » à outrance et de répéter les mêmes messages, ce que je fais très volontiers tant je suis convaincu de son bien-fondé. À l'heure où la LPM est examinée à l'Assemblée nationale, il me semble ainsi nécessaire de renforcer notre impératif de communication si l'on veut accompagner la montée en puissance de la réserve.

Cette politique de communication passe notamment par des webinaires sur internet, par les journées nationales du réserviste (JNR), lesquelles ont lieu une fois par an entre mi-octobre et mi-novembre. Ces journées sont initiées par une journée intitulée « Les rencontres de la Garde nationale », qui permettent de mobiliser de nombreux acteurs de la réserve et de fournir un coup projecteur sur l'engagement.

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En tant que doyen, j'ai connu une époque où les jeunes savaient pourquoi ils s'engageaient. Aujourd'hui, au-delà d'un engagement dans l'armée qui demeure noble, la quête de sens représente toujours une réalité. Le SNU centré sur la cohésion illustre d'ailleurs assez bien cette réalité.

Mais malgré quelques codes, ce service n'a rien de militaire et n'a pas vocation à le devenir. En effet, si les valeurs et la cohésion orientent la bonne marche du combat, elles ne constituent pas une fin en soi. Or, dans cette même lignée, on peut légitimement s'interroger sur le sens d'un engagement dans la réserve. Il semble notamment urgent de nourrir la motivation des jeunes qui ne seront à court terme plus mobilisés dans les OPEX et qui concomitamment perdent l'esprit d'aventure en étant à défaut mobilisés sur des opérations de police intérieure de type Sentinelle. Dès lors, la question du contenu de l'intégration dans la réserve se pose.

De même, si la réserve opérationnelle intervient en tant que soutien temporaire aux forces armées, elle contribue également au volume des troupes, comme le CEMA l'indique. Or elle souffre de nombreux maux, par exemple le manque criant de logements pour les personnels mobilisés dans le cadre de l'opération Sentinelle. Ainsi, il arrive fréquemment que les réservistes dorment dans des gymnases où des bâtiments vétustes en chambrées de douze personnes. Il convient en outre d'évoquer la sous-dotation en matière d'équipements individuels : les réservistes ne bénéficient pas de la même dotation que leurs camarades d'active. Par exemple, les casques F1 modèle 1968 encore en dotation sont hors d'âge et ne permettent pas une protection optimale.

Il existe donc une réelle disjonction entre les volontés de fidélisation et leurs traductions concrètes sur le terrain. En quoi cette nouvelle LPM répond-elle à ces problématiques ?

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le général (2S) Michel Delion, pilote du groupe de travail « Réserve militaire »

Je partage votre sentiment, ayant vécu avec des jeunes appelés dont le sens du service était absolument remarquable. Le désir d'engagement existe réellement chez nos concitoyens. Il convient pour nous de le « flécher » vers les réserves, sans exclusivité, puisqu'il existe par ailleurs d'autres engagements aussi nobles.

Après le retour d'Afghanistan, nous avions déjà envisagé que les jeunes réservistes, comme ceux de l'active, auraient des missions moins intéressantes puisqu'ils ne partiraient plus en OPEX. Mais quelques mois plus tard, nous repartions dans d'autres opérations extérieures. Par conséquent, nous ne savons jamais de quoi l'avenir sera fait, surtout à l'horizon 2035. Il donc est important de préparer au maximum nos réservistes, de manière à les employer le mieux possible.

Enfin, les problèmes que vous signalez sur les équipements seront partiellement résolus par les budgets hors Titre II qui sont prévus dans le cadre de la LPM. Malgré l'objectif d'unicité et de non-discrimination active/réserve, notamment dans l'équipement, il y a toujours une forme de « course à l'échalote » entre les nouveaux matériels distribués en priorité aux forces actives et ceux qui rejoignent les forces de réserve.

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Louis-Mathieu Gaspari, général de division, secrétaire général de la Garde nationale

Je reviendrai pour ma part sur le lien entre la réserve et le SNU. Lors de mon propos introductif, je vous indiquais que 30 % des membres de la réserve étaient âgés de moins de 30 ans. De la même manière que le service militaire adapté et le service militaire volontaire sont deux dispositifs d'insertion, je suis persuadé que le SNU constitue un tremplin vers l'engagement, qu'il soit civil ou militaire. Cet engagement peut revêtir deux formes : un engagement direct au sein d'une force armée ou un engagement dans la réserve. À ce titre, le général Delion a parlé d'une cible de 15 000 réservistes issus du SNU. Le SNU peut ainsi se dérouler dans la Garde nationale, mais cela impose également que lors du séjour de cohésion, la Garde nationale et la réserve soient présentées aux jeunes qui participent au SNU. Des démarches ont d'ailleurs été initiées en ce sens par le secrétariat général de la Garde nationale : une rencontre récente avec Madame la préfète déléguée au SNU a permis de jeter les bases d'une collaboration et le secrétaire général adjoint de la Garde nationale est intervenu lors du séminaire national de formation du SNU qui s'est déroulé à l'Institut des hautes études de l'éducation et de la formation à Poitiers, le 3 mars dernier.

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Le général Delion a évoqué la mobilisation comme condition nécessaire pour dispose de la masse et il situe de fait la réserve comme un substitut à la conscription pour obtenir cette masse. Je note que l'avis du Conseil d'État considère que l'objectif ambitieux de 105 000 réservistes à horizon 2035 ne peut pas être atteint uniquement grâce aux dispositions prévues par la LPM. Quel est votre point de vue à ce propos ?

Ensuite, vous avez indiqué que le SNU pourrait permettre de capter 15 000 réservistes supplémentaires. Quelle serait la forme de SNU, dans la mesure où il ne serait plus voué à devenir obligatoire, selon la secrétaire d'État en charge du dossier ? Le SNU bouge-t-il encore ?

Ma troisième question porte sur le coût d'infrastructure, puisque vous avez évoqué le surcoût global d'un milliard d'euros sur la période 2024-2030, hors coût d'infrastructure. Ce dernier coût est-il déjà budgété, auquel cas il doit figurer comme tel dans la programmation ?

En matière de doctrine, vous avez parlé de nouvelles missions pour les réservistes qui ne sont pas encore totalement identifiées, ce qui pose problème pour le législateur. Le Président de la République évoquait par exemple dans ses vœux le cas des flottilles côtières. Pouvez-vous nous fournir plus de détail à ce sujet ?

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le général (2S) Michel Delion, pilote du groupe de travail « Réserve militaire »

Les cadrages financiers qui vous ont été présentés sont identiques à ceux listés dans l'étude d'impact, au paragraphe 4.2.3 de la page 87. Il est question de 25 000 recrutés et 15 000 qui pourraient être issus du SNU. Je ne me prononce pas sur l'avenir du SNU, qui est en dehors de mon champ de compétences, mais ces 15 000 recrutés supplémentaires pourraient servir dans un engagement spécifique tel que celui que vous a décrit le général Schill au mois de juillet 2022. Cet engagement viserait à créer pendant six ou neuf mois des unités de volontaires du territoire national qui pourraient être employés par les officiers généraux des zones de défense et de sécurité.

L'objectif de la Marine nationale consiste bien à « récupérer » des effectifs pour assurer la défense de nos côtes par le biais de ces flottilles côtières, ce qui permettrait à la Marine de rejoindre la haute mer. La Marine est en effet consciente que les engagements de haute intensité se dérouleront demain au grand large et qu'elle aura besoin de dégager de la masse en assurant la mission côtière par des unités créées dans les années à venir.

S'agissant des budgets d'infrastructures, aucune décision d'équilibrage financier n'a été prise à ce stade. Mais il est clair qu'ils définiront notre stratégie de montée en puissance de la réserve, avec deux grandes options. La première option serait la suivante : si les financements d'infrastructure ne sont pas disponibles au début de la LPM, il s'agirait de faire un effort sur les compléments individuels et d'utiliser les quelques places libres disponibles ici ou là dans les infrastructures existantes. A mi LPM, à partir du moment où des fonds seraient débloqués, il s'agirait de construire des bâtiments. Cette option sera sans doute retenue. La deuxième option que nous avions instruite consistait quant à elle à commencer avec trois paliers (2024-2027, 2027-2030 et 2030-2035), pour monter progressivement et partout en puissance, d'abord par des sections, ensuite par des compagnies et enfin par des bataillons.

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Ayant participé aux six séances du groupe de travail, je tiens à vous remercier pour la qualité des débats qui s'y sont tenus. Néanmoins, lors des six ateliers, le mot de reconnaissance est revenu de manière permanente. Quelle est la reconnaissance de la Garde nationale dans la LPM aujourd'hui ? Est-elle suffisamment mentionnée ?

Ensuite, en termes de recrutement, la Garde nationale pourrait être l'objet qui recenserait celles et ceux qui voudraient s'engager un jour dans une réserve, alors que chacun a aujourd'hui tendance à travailler dans son silo. La Garde nationale ne pourrait-elle pas étendre son périmètre de communication aux autres styles de réserve ? Je rappelle ainsi qu'il existe quarante-sept réserves, qu'elles soient citoyennes, communales ou d'autres types.

Par ailleurs, comment la Garde nationale compte-t-elle travailler avec les DMD dans les nouvelles missions qui devraient leur être rattachées, pour valoriser ce sens de l'engagement au plus proche ? Comment, à travers les DMD, animer le réseau de tous les réservistes ? Comment la communication pourrait-elle se réaliser auprès des élus locaux et des employeurs ?

Enfin, chaque réserviste dispose de sa propre tenue, parfois distincte de celle que portent les militaires d'active, mais parfois aussi identique. Ainsi, on ne sait pas toujours si l'on est en face d'un réserviste ou pas, ce qui constitue aussi un motif de reconnaissance et d'inclusion. Lors des cérémonies patriotiques, il est malheureusement interdit aux réservistes de venir avec leur tenue de réserviste sauf s'ils ont une lettre de mission. Ne faut-il pas faire évoluer la situation ? A minima, ne serait-il pas possible de créer un insigne commun aux réservistes pour qu'ils soient reconnus ? Pour finir, la Garde nationale ne pourrait-elle pas animer le réseau des RO2, qui sont si difficiles à identifier et à valoriser ?

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Louis-Mathieu Gaspari, général de division, secrétaire général de la Garde nationale

Je vous remercie pour l'intérêt que vous portez à la Garde nationale. L'extension de son périmètre constitue effectivement une véritable question. L'article 1 du décret du 13 octobre 2016 portant création de la Garde nationale dispose que celle-ci concourt le cas échéant par la force des armes à la défense de la nation et à la sécurité de la population et du territoire.

L'incise « par la force des armes » cadre le périmètre de la Garde nationale. Cependant, même si celle-ci n'a que sept ans d'existence, elle progresse vers son âge de maturité et je suis persuadé qu'elle doit en priorité se consolider autour de ce qu'elle fait aujourd'hui. Tant que nous n'aurons pas dépassé ce stade de consolidation, il me semble peu pertinent d'élargir son périmètre aussi rapidement.

Les compétences des DMD sont définies par des articles du code de la défense. Le DMD est certes l'autorité militaire du département dans lequel il peut y avoir des forces, mais certains départements n'en comportent pas toujours. Le DMD anime le réseau des correspondants de défense mis en place dans toutes les collectivités ; il assure l'animation du réseau des réservistes citoyens et il entretient des relations privilégiées avec les interlocuteurs dans les champs politiques, économiques, éducatifs et associatifs. Il assure en outre la coordination des JNR dont je parlais un peu plus tôt.

Je ne pense pas qu'il faille aller vers un rapprochement trop fort entre les DMD et les correspondants de la Garde nationale dans les territoires. En effet, la Garde nationale est une structure interarmées et interministérielle et lorsque j'évoque la réserve opérationnelle de la Garde nationale, je parle au nom du ministère des armées mais aussi de celui de l'intérieur.

Ensuite, je peux témoigner de l'efficacité des relations existantes entre les correspondants de la Garde nationale et les DMD, car ils se parlent. De fait, il serait compliqué de mener une politique partenariale visant à faciliter l'employabilité et la disponibilité des réservistes sans ces discussions permanentes. Aujourd'hui, des liens ont été tissés parce que les gens se parlent.

Le sujet de l'insigne pose effectivement la question de la reconnaissance que nous devons à nos réservistes, quel que soit leur engagement (civil, associatif, militaire). Cette question a été posée dans le cadre du groupe de travail et elle mérite une réflexion approfondie. Si ce signe distinctif était finalement retenu, il faudrait qu'il soit fédérateur pour symboliser l'ensemble des formes que peut prendre l'engagement, ce qui est une gageure à l'heure actuelle. Ce sujet est hautement compliqué et méritera de profondes discussions dépassionnées et sereines. En effet, il n'existe pas un engagement plus fort qu'un autre, tous les engagements se valent : l'engagement associatif est aussi noble que l'engagement militaire.

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le général (2S) Michel Delion, pilote du groupe de travail « Réserve militaire »

Je tiens à revenir sur la deuxième séance du groupe de travail, où l'un des réservistes avait produit un témoignage relatif à son expérience de quatre mois dans un bataillon engagé au Kosovo. En conclusion, il avait indiqué que sa plus grande fierté était qu'à la fin de sa mission, personne ne savait qu'il était réserviste. Par exemple, les personnes qui participent à l'opération Sentinelle ont tous un patch supplémentaire « zone de défense Paris » ou « zone de défense Sud ». Ainsi, si l'on « multiplie » les insignes, il existera un risque de ségrégation, alors que tout est fait pour qu'active et réserve travaillent ensemble, sans différence. Je partage donc le point de vue du général Gaspari : le débat mérite d'être posé de manière extrêmement dépassionnée.

Ensuite, il est parfaitement possible pour un réserviste d'assister à une cérémonie patriotique comme le 8 mai en tenue de prise d'armes ; il n'existe pas d'interdit réglementaire. Simplement, le port de la tenue militaire est généralement lié à une activité de service et donc à une convocation. Sur les trente-six jours d'activité que font en moyenne les réservistes chaque année, cinq jours peuvent être consacrés aux cérémonies, mais cela correspond alors à cinq jours en moins pour la formation ou l'entraînement. Il s'agit donc d'une simple question d'équilibre et rien n'est impossible dans ce domaine.

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Serait-il possible de s'exonérer d'un engagement à servir dans la réserve (ESR) en admettant uniquement pour le 8 mai et le 11 novembre le port d'une tenue pour les réservistes ?

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le général (2S) Michel Delion, pilote du groupe de travail « Réserve militaire »

Il nous reste quelques jours avant le 8 mai et nous allons fournir un effort en ce sens. Vous pourrez le mesurer dès le 9 mai dans la presse quotidienne régionale.

Ensuite, un très grand effort vient d'être fait en RO2 pour que tous les personnels qui quittent le service actif s'inscrivent automatiquement dans ROC. ROC présentera donc une véritable traçabilité des anciens militaires.

Pour terminer, je ne peux que souscrire aux propos du général Gaspari, le DMD peut bénéficier de l'appui d'un détachement léger d'aide à l'engagement, mais on ne peut pas multiplier son champ de responsabilité, qui est régi par le code de la défense. Cela ne l'empêche pas cependant de travailler en bonne intelligence avec les correspondants Garde nationale en entreprise aux niveaux régional et départemental. J'ajoute qu'un autre acteur est extrêmement présent dans le département : il s'agit du député, qui peut aussi constituer un relais essentiel pour la réserve vis-à-vis de nos concitoyens.

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Je pense également au préfet, dans sa dimension interministérielle.

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Je vous remercie pour vos présentations et votre participation à la réflexion autour de la LPM. Ma question a été en partie traitée par mes collègues mais je souhaite obtenir des informations complémentaires. Si la Garde nationale représente un débouché d'engagement fort, notamment pour les jeunes en lien avec la réserve, la généralisation du SNU semble aujourd'hui suspendue. Les questions d'articulation avec l'éducation nationale sont fortes, dans un contexte de fragilisation des effectifs et des conditions de travail

Ne pensez-vous pas que la Garde nationale pourrait remplir un rôle plus utile et mieux défini auprès des jeunes que ce SNU ? En particulier, la Garde nationale ne pourrait-elle pas bénéficier d'un élargissement de ses participants institutionnels, en intégrant par exemple la protection civile ou la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) pour valoriser davantage ces parcours d'engagement ? En effet, la reconnaissance des parcours bénévoles représente actuellement un enjeu majeur.

Précédemment, vous indiquiez que 32 % des réservistes opérationnels sont âgés de 17 à 30 ans. Vous disposez donc d'un savoir-faire et de compétences pour prendre en charge cette classe d'âge. Pouvez-vous nous fournir un retour d'expérience à ce sujet ?

Enfin, quel regard portez-vous sur l'adaptation de la mission Sentinelle ? La Cour des comptes recommandait récemment de transférer intégralement cette mission aux forces de sécurité intérieure, dans un format réduit. Cette adaptation apparaît pertinente, y compris avant les Jeux olympiques, d'autant plus que ces forces sont mieux dotées et mieux équipées qu'en 2015.

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Louis-Mathieu Gaspari, général de division, secrétaire général de la Garde nationale

Il existe un lien naturel entre le SNU et la Garde nationale, dans la mesure où je considère que le SNU est un tremplin vers un engagement civil ou militaire. De fait, certains des jeunes qui suivent un parcours de cohésion seront forcément attirés par un engagement. Si celui-ci est militaire, je suis prêt à les accueillir au sein de la Garde nationale. Au-delà du SNU, je pense également que plus l'on plante tôt la graine de l'engagement dans l'esprit de nos jeunes, plus la récolte sera bonne. Ainsi, la notion d'engagement doit faire partie de l'éducation à donner. Les parents et l'éducation nationale ont naturellement un rôle particulier à jouer. Il s'agit d'un travail de longue haleine, qui nécessite du temps et de la constance, en mobilisant l'ensemble des acteurs, tant le champ est protéiforme.

Ensuite, vous avez évoqué l'élargissement de la Garde nationale, en prenant des exemples pertinents, notamment la SNSM. À l'heure actuelle, je ne peux pas envisager d'étendre indéfiniment mon périmètre dans la mesure où la Garde nationale n'a pas encore atteint l'âge adulte. La voie que vous décrivez devra peut-être être explorée, mais il est trop tôt pour l'emprunter. En outre, des travaux interministériels vont se poursuivre au sujet du périmètre de l'engagement, pour mieux fédérer les différentes formes de réserve. Il ne faut pas aller trop vite et laisser ce travail se réaliser.

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le général (2S) Michel Delion, pilote du groupe de travail « Réserve militaire »

La caractéristique principale des 17-30 ans est le volontariat, dans la mesure où la plupart d'entre eux rejoignent la RO1. Ces jeunes sont volontaires pour servir leur pays pendant une période de cinq années ou plus avant parfois d'arrêter pour se consacrer à leur vie professionnelle. Tout l'enjeu consiste à les mobiliser dans un deuxième temps, peut-être lorsqu'ils atteignent 40 ans et plus et qu'une certaine stabilité leur permet peut-être de consacrer à nouveau du temps à leur engagement citoyen dans le cadre des forces de réserve.

Enfin, je tiens à insister sur « l'amont » du SNU : nous travaillons constamment avec le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse. Ainsi, l'État-major des armées co-conduira avec le MENJ à Balard le 12 juin une Journée des référents éducation défense et sécurité (REDS), qui représentent de véritables relais dans les établissements pour susciter l'engagement. À mon sens, il faut donc travailler en amont du SNU, avec l'éducation nationale pour développer l'esprit de défense.

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Louis-Mathieu Gaspari, général de division, secrétaire général de la Garde nationale

La garde nationale est effectivement constituée à 32 % de jeunes de moins de 30 ans. Au cours de ma vie professionnelle, j'ai été chef opérationnel sur le terrain. Dans l'unité que je commandais, j'avais la chance d'accueillir de jeunes réservistes opérationnels au sein de la section de recherche de Paris que je commandais. Ils étaient formidables, dévoués, compétents ; ils ne comptaient pas leur temps pour essayer d'apporter une plus-value au service de cette unité. Je suis donc optimiste quant à l'engagement des jeunes. Il faut juste travailler pour susciter leur envie.

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À travers ma voix, je souhaite exprimer le soutien plein et entier de mon groupe à la Garde nationale. Dans votre présentation, vous avez souligné votre volonté de faciliter l'engagement des salariés. Vous connaissez mon attachement au lien entre les réserves et les territoires. J'ai noté que 48 % des réservistes sont issus des PME, soit un pourcentage très élevé. Parmi ces 48 % figurent certainement des personnes travaillant dans des TPE ou des artisans. Doit-on y voir un effet de proximité avec soit des régiments, soit des forces de sécurité comme la gendarmerie, laquelle est présente sur tout le territoire ? Pour le dire autrement, y a-t-il une corrélation entre ces 48 % et la présence militaire sur les territoires ?

Ensuite, ma deuxième question concerne les facilités accordées aux employeurs. A-t-on tenu envisagé de tenir compte de la difficulté pour une PME ou TPE d'assumer l'absence d'un salarié réserviste pour l'organisation de l'entreprise ? Est-il question de mettre en place des conventions différenciées et adaptées à l'environnement économique de ces pourvoyeurs de réservistes ?

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Louis-Mathieu Gaspari, général de division, secrétaire général de la Garde nationale

Je vous remercie pour votre question. Le groupe de travail qui s'est réuni sous l'impulsion du général Delion à la fin de l'année 2022 a pointé la nécessité de mieux reconnaître l'engagement des entreprises qui soutiennent la politique de réserve opérationnelle. Une des possibilités consiste à attribuer le prix de la Garde nationale à des entreprises de différentes tailles. Cette année, j'ai par exemple remis un prix de la Garde nationale à une entreprise de cinq salariés comportant un réserviste, soit 20 % de son effectif. Cette entreprise méritait de recevoir un prix car il s'agit là d'un engagement remarquable de sa part.

Aujourd'hui, des petites entreprises s'engagent et soutiennent résolument la politique de réserve, ce qui est particulièrement admirable. Chacun accomplit les efforts qu'il pense pouvoir faire et tout est question d'équilibre. De mon côté, j'ai à la fois besoin des grandes entreprises qui fournissent un grand nombre de réservistes, mais également des réservistes ancrées dans des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI). J'ai cité précédemment évoqué une entreprise avec laquelle j'avais signé une convention en Auvergne Rhône-Alpes, qui est une société de transport avec moins de 1 000 salariés. Le patron de la société était content de pouvoir dire qu'en cas de nécessité, il était prêt à mettre à mettre les réservistes de sa société à disposition des forces armées et des forces de sécurité intérieure si elles ont besoin d'acheminer des forces.

Ensuite, il faudrait peut-être nous mettre autour de la table avec les PME pour affiner la définition de leurs besoins en matière de compensation. À l'heure actuelle, des compensations fiscales sont accordées aux chefs d'entreprise lorsqu'ils maintiennent tout ou partie de la rémunération de leurs salariés qui viennent effectuer une période de réserve. Le dispositif de RSE ne concerne quant à lui que les entreprises de plus grande taille, à partir de 250 ou 500 salariés, il me semble. Là aussi, nous devons trouver les bonnes mesures pour essayer d'attirer un nombre croissant de réservistes, ce qui nécessite encore du travail.

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le général (2S) Michel Delion, pilote du groupe de travail « Réserve militaire »

Jusqu'à présent, le recrutement était extrêmement « localisé ». Chaque régiment de l'armée de Terre, chaque base aérienne et chaque unité navale recrutait essentiellement dans son bassin d'emploi, mais parfois aussi au-delà. Par exemple, un jeune Montpelliérain avait choisi d'aller servir au 24ème régiment d'infanterie à Paris. De même, lorsque j'étais chef de corps, un de mes employés civils du régiment avait fait le choix de servir dans la réserve d'un régiment du département voisin car il voulait changer de milieu. Ces histoires individuelles attestent qu'il n'existe pas forcément de liens de cause à effet.

Ensuite, le plan 2035 va profondément changer le recrutement des réservistes, qui sera centralisé par les différentes DRH d'armées. Hier, dans l'armée de Terre, le régiment recrutait, avec un effet local assez important. À partir d'aujourd'hui, la direction des ressources humaines de l'armée de Terre et les centres d'information et de recrutement des forces armées vont recruter sur l'ensemble du territoire.

S'agissant des compensations, une conférence fiscale se déroulera bientôt. Nous souhaiterions assouplir les modalités de l'article 238 bis du code général des impôts, qui offre des déductions fiscales aux entreprises employant des réservistes. Les grandes entreprises sont très actives mais il y a sans doute beaucoup à gagner pour les PME et les TPE, dont les seuils fiscaux peuvent être plus importants. Il faudrait sans doute leur offrir une aide afin que les formulaires soient plus souples et plus accessibles.

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Le recrutement sera plus centralisé mais j'espère que les unités pourront conserver leur faculté à être un point de contact, en fléchant des candidats.

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le général (2S) Michel Delion, pilote du groupe de travail « Réserve militaire »

Nous combinerons les deux.

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En France, il existe un seul régiment de réservistes, à Vincennes. Serait-il judicieux d'en créer un par région militaire ?

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le général (2S) Michel Delion, pilote du groupe de travail « Réserve militaire »

Votre question fait partie des réflexions qui vous ont été dévoilées par le général Schill en juillet et ceci repose sur les futurs volontaires du territoire national, qui pourraient servir sur un contrat flexible de six à neuf mois. Le 24ème régiment d'infanterie en Ile-de-France est capable de commander trois compagnies déployées pour l'exercice Orion qui a lieu actuellement. Dans les autres bassins d'emploi, cela sera sans doute plus difficile si nous ne disposons pas d'une ressource issue d'une phase d'engagement après le SNU.

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Depuis plusieurs mois, le chef d'état-major insiste sur la nécessité de raffermir les forces morales de notre pays, c'est-à-dire fortifier le lien entre nos armées et la société civile. Pour y parvenir, la LPM prévoit un élargissement des effectifs de réserve, avec un objectif de 100 000 soldats d'ici 2030. Si la volonté d'augmentation des effectifs de réserve n'est pas nouvelle, sa concrétisation s'est toujours soldée par un échec.

En effet, une massification induit nécessairement une réflexion autour des missions attribuées à cette nouvelle réserve massifiée. Nous savons également que les armées d'active et de réserve aimeraient se défaire des missions du territoire national comme l'opération Sentinelle. Quel regard portez-vous sur l'adaptation de la mission Sentinelle ?

Par ailleurs, la problématique des formations se posera également. En outre, pouvez-vous nous confirmer que les efforts porteront essentiellement sur la réserve opérationnelle ? Notre groupe est en effet attaché au renforcement prioritaire de l'opérationnel, compte tenu des enjeux auxquels nos armées sont confrontées, dans un monde plus que jamais instable. Enfin, général Gaspari, vous avez évoqué trois pivots de transformation de la Garde nationale mais vous avez surtout développé le premier. Pourriez-vous développer le troisième, qui m'intéresse particulièrement ?

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le général (2S) Michel Delion, pilote du groupe de travail « Réserve militaire »

La mission Sentinelle est assurée par les forces armées et l'équilibre en fonction d'active ou de réserve est « dépendant » des activités courantes. Il n'y a donc pas de prédestination de troupes de réserves pour Sentinelle. C'est bien en fonction du tempo opérationnel que l'on va choisir telle unité d'active ou telle unité de réserve.

Vous avez indiqué ensuite que la volonté d'augmentation des effectifs de réserve ne s'était pas traduite par des réalisations effectives. En 1868, la loi Niel, n'avait pas réussi à obtenir les jours d'activité nécessaires aux troupes de réserve. Deux plus tard, la France devait faire face à un drame national. Nous devons conserver cet exemple historique en mémoire.

Enfin, l'effort de doublement porte sur les réserves opérationnelles. Le véritable levier multiplicateur d'efficacité concerne les unités élémentaires. Les réservistes citoyens sont aujourd'hui au nombre de 4 000. Ce nombre pourra augmenter, mais de manière marginale. En réalité, au-delà également des compléments individuels, le doublement de la réserve opérationnelle ne sera possible que si nous créons des unités de la taille de la flottille, de la section, de la compagnie et du bataillon.

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Louis-Mathieu Gaspari, général de division, secrétaire général de la Garde nationale

Le premier pivot de transformation de la Garde nationale porte sur la politique partenariale et le deuxième a trait à la communication. Le troisième pivot concerne l'alimentation de la réflexion stratégique de haut niveau. La Garde nationale a prouvé qu'elle pouvait y parvenir à travers les travaux conduits sous l'impulsion du SGDSN dans la stratégie nationale de résilience, en hypothèse d'engagement majeur.

La Garde nationale s'est vue confier le pilotage d'un des cinq groupes de travail, qui portait sur l'épaisseur RH et la mobilisation des réserves. À cette occasion, le secrétariat général de la Garde nationale a acquis une expertise. Nous nous sommes beaucoup appuyés sur les travaux conduits par le député Blanchet dans le rapport qu'il a produit récemment et nous avons souligné un défaut de gouvernance de l'ensemble des réserves. Le SGDSN devrait vraisemblablement demander de poursuivre ces réflexions initiales. En résumé, l'alimentation de la réflexion a permis de monter que la Garde nationale est en mesure de nourrir les débats sur des réflexions stratégiques.

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En tant que rapporteur du budget de la gendarmerie, je tiens à souligner l'importance des réservistes au quotidien en soutien aux gendarmes d'active. Vous nous avez indiqué que la Garde nationale allait accompagner le doublement des réserves par une politique partenariale dynamique qui impliquera, j'en suis sûr, l'ensemble des collectivités territoriales. Pouvez-vous nous préciser le ou les systèmes d'information qui permettent de gérer l'emploi de réservistes et de connaître les disponibilités et les compétences qu'ils détiennent sur l'ensemble de ces territoires ?

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Louis-Mathieu Gaspari, général de division, secrétaire général de la Garde nationale

Je ne peux que saluer l'intérêt que vous portez à la gendarmerie. La montée en puissance de la réserve va effectivement imposer de pouvoir disposer d'un système d'information (SI) permettant de gérer le plus efficacement possible les nouveaux réservistes. La gendarmerie dispose d'un SI Minotaure et il existe aussi le SI ROC. Minotaure est un outil qui permet au réserviste, à partir de son domicile, de pouvoir partager avec son gestionnaire ses disponibilités pour remplir certaines missions. Il s'inscrit en ligne et son employeur lui indique qu'il est retenu pour telle ou telle mission.

Minotaure permet également de connaître les compétences détenues par les réservistes, ce qui va nous permettre de lister les compétences disponibles dans tel ou tel territoire, en cas de crise. Je pense notamment aux compétences cyber, qui sont très utiles pour lutter contre les attaques dont sont victimes de nombreux hôpitaux.

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le général (2S) Michel Delion, pilote du groupe de travail « Réserve militaire »

L'interface ROC est branchée sur chacun des SI RH des armées, directions et services, ce qui crée de la complexité. Une des vertus du groupe de travail a reposé sur la mise en contact des deux équipes de projet ; l'équipe de Minotaure a ainsi pu transmettre un ensemble de bonnes pratiques à l'équipe ROC. À l'heure actuelle, il faut remplir trois formulaires pour s'inscrire en tant que réserviste, qui seront supprimés à la fin du mois de mai. ROC sera identifié avec le nouveau système de design de l'État, de manière à en améliorer la compatibilité et le référencement dans les systèmes. Ainsi, ce système ROC devrait demain permettre une meilleure gestion des compétences entre disponibilité du réserviste, compétences souhaitées et besoins opérationnels localisés.

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Il me semble également que ce système ROC est en grande partie piloté par des réservistes.

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le général (2S) Michel Delion, pilote du groupe de travail « Réserve militaire »

Actuellement, onze réservistes font partie de l'équipe de projet.

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Jeudi dernier, j'ai assisté à Hyères à une cérémonie de clôture du séjour du SNU. Près de 200 jeunes volontaires ont suivi pendant deux semaines les activités proposées dans le cadre de la phase de cohésion.

Au-delà de quelques difficultés logistiques de second plan, les avis étaient unanimes : le séjour était trop court et les participants auraient souhaité une coloration plus militaire. Le constat est clair : notre jeunesse est désireuse de développer sa connaissance et sa culture du monde militaire. Ceci constitue un excellent signal pour la résilience de notre nation, à l'heure du retour des tensions, pour développer une culture de défense nationale et sensibiliser nos jeunes à la chose militaire.

Ceci pourrait également susciter des vocations pour un engagement dans la réserve ou dans l'armée régulière. Qu'attendons-nous pour proposer à notre jeunesse engagée volontaire ce qu'elle attend, c'est-à-dire une coloration plus militaire et des séjours plus longs ? Je ne reviens pas sur les passerelles entre le SNU et la réserve. Je conclurai en évoquant les propos d'un chef d'état-major d'un ancien Président de la République : heureusement que l'on a des jeunes qui « en veulent ».

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le général (2S) Michel Delion, pilote du groupe de travail « Réserve militaire »

Je ne me prononcerai pas sur le SNU, qui est en dehors de mon champ d'intervention. En revanche, le désir d'engagement est très perceptible sur l'ensemble du territoire français. La campagne d'information qui commence à être menée par les armées, direction et services mais aussi par la Garde nationale va permettre aux jeunes de mieux savoir où se diriger lorsqu'ils souhaitent satisfaire leur désir d'engagement. De toute manière, le plan que nous avons bâti va au-delà de la LPM 2024-2030 et l'afflux sera progressif.

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Louis-Mathieu Gaspari, général de division, secrétaire général de la Garde nationale

Je ne peux que souscrire à ces propos. Je constate que notre jeunesse est désireuse de s'engager, dans une voie ou dans une autre.

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Si l'on veut que le SNU prenne plus d'ampleur, il faudra investir dans des bâtiments pour accueillir dans chaque département des centres pérennes et ne pas dépendre de l'éducation nationale ni du parc privé. L'augmentation de la réserve nécessitera elle aussi des investissements du même ordre. Par conséquent, sans vous prononcer sur le SNU, pensez-vous qu'il soit possible de mener ce double investissement en commun ?

Ensuite, dans cinq jours se tiendra la commémoration du 8 mai. Combien d'entre nous seront présents aux cérémonies patriotiques ? Général Gaspari, vous avez évoqué les Journées des réserves, qui sont étalées sur un mois. Dans ce domaine, je trouve que le modèle canadien est assez percutant : lors de la journée consacrée aux réserves, les réservistes peuvent aller sur leur lieu de travail en tenue de réserviste. Ne doit-on pas fixer une journée des réservistes, de l'engagement national, patriotique et citoyen, qui pourrait avoir lieu le 8 mai ?

En conclusion, je souhaite vous soumettre un vœu pieux : pérenniser les travaux du groupe de travail dans le suivi de la LPM. Il serait souhaitable que tous les acteurs ayant participé à ce groupe de travail puissent se réunir tous les six mois a minima pour évaluer la prise en compte de leurs propositions. À cette occasion, il pourrait être possible de réfléchir à la question d'un insigne distinctif pour les réservistes. Quel est votre point de vue à ce sujet ?

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le général (2S) Michel Delion, pilote du groupe de travail « Réserve militaire »

Je vous remercie pour vos propositions. La grande différence entre une infrastructure militaire et une infrastructure civile concerne l'armurerie, ce qui implique l'existence d'une garde et d'une enceinte protégée. Fondamentalement, un bâtiment militaire est donc différent d'un bâtiment civil. Si nous devions construire demain des bâtiments supplémentaires, ils seraient à l'intérieur de casernes, qu'il s'agisse de casernes existantes ou à bâtir. Pour le moment, aucune réflexion n'est menée en lien avec le SNU à ce sujet.

Ensuite, il nous semble essentiel que la journée des réservistes soit sauvegardée. La formule actuelle, choisie par le secrétariat général de la Garde nationale, me semble aujourd'hui particulièrement adaptée. Je suis favorable au renforcement du patriotisme en rappelant que le 8 mai, nous commémorons la fin de la deuxième guerre mondiale. Mais l'état-major des armées préfère organiser une journée spécifique pour les réservistes. Ensuite, on pourrait aussi dédier une deuxième journée à l'engagement, notamment en présence des réservistes.

Enfin, nous allons également « réhabiliter » une instance, le conseil supérieur de la réserve militaire, dont nous allons vraisemblablement toiletter les statuts. Un forum permettra également d'assurer le suivi du groupe de travail. Je vous retrouverai tous avec grand plaisir.

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Louis-Mathieu Gaspari, général de division, secrétaire général de la Garde nationale

La journée du réserviste dure en réalité un mois, en l'occurrence du 14 octobre au 14 novembre en 2022. À l'occasion de ces journées, je me suis déplacé notamment dans des entreprises, qui avaient mis en place une JNR. Je suis allé par exemple chez Airbus à Toulouse au mois de novembre. Tous les réservistes de l'entreprise étaient en tenue et animaient des stands pour expliquer leur engagement. Je peux vous assurer que les stands étaient assaillis, les personnels étaient très curieux d'en savoir plus.

De bonnes pratiques sont ainsi mises en place. L'exemple d'Airbus est dupliqué : des référents défense sont désignés dans les entreprises ayant signé des conventions de partenariat avec la Garde nationale. Il s'agit là d'une communauté qui dialogue : les bonnes pratiques mises en place chez les uns sont mises en place chez les autres. Il faut laisser du temps au temps, mais nous devrions disposer à l'avenir d'un système plus structuré.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie pour vos interventions et votre engagement en faveur des réserves.

La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Xavier Batut, M. Christophe Blanchet, M. Frédéric Boccaletti, M. Jean-Pierre Cubertafon, M. Jean-Marie Fiévet, M. Thomas Gassilloud, M. Frank Giletti, M. Christian Girard, M. José Gonzalez, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, Mme Anne Le Hénanff, Mme Josy Poueyto, M. Aurélien Saintoul, Mme Mélanie Thomin

Excusés. - M. Julien Bayou, M. Christophe Bex, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Steve Chailloux, Mme Cyrielle Chatelain, M. Yannick Favennec-Bécot, Mme Anne Genetet, M. Olivier Marleix, Mme Pascale Martin, Mme Michèle Martinez, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, M. Fabien Roussel, Mme Isabelle Santiago, M. Mikaele Seo, Mme Nathalie Serre, Mme Corinne Vignon

Assistaient également à la réunion. - Mme Natalia Pouzyreff, M. Philippe Sorez