Je tiens d'abord à remercier tous ceux qui participent aux travaux sur la réserve opérationnelle, mais également aux travaux menés en lien avec le secrétariat général de la Garde nationale, le délégué interarmées aux réserves, les armées et directions et services du ministère, ainsi que la gendarmerie nationale. Je pense particulièrement à nos 4000 concitoyens réservistes des armées qui assurent aujourd'hui comme tous les jours le succès des armes de la France.
Dans son acception civilo-militaire, le mot réserve offre une double perspective que je souhaite clarifier. La première acception est celle d'une unité réservée, une troupe aguerrie conservée pour un emploi optimal au moment critique de la bataille. Nul mieux que Victor Hugo ne l'a jamais décrit : « Derrière un mamelon, la garde était massée. La garde, espoir suprême, et suprême pensée. Tranquille, souriant à la mitraille anglaise, la garde impériale entra dans la fournaise. »
La deuxième acception, qui est celle qui nous réunit aujourd'hui, traduit bien plus l'idée fondatrice du soldat-citoyen, fortement ancrée dans notre sentiment national depuis les soldats de l'An II. Cette notion de réserve est indissociable de l'idée de mobilisation, seul procédé à même de générer la masse requise. Tout au long de notre histoire, cette recherche entre force active et force de réserve a conduit à des choix que nous devons aujourd'hui poursuivre. De manière plus récente, le chef d'état-major des armées (CEMA) vous a précisé lors de son audition que « la réserve était un moyen puissant de son axe d'effort n° 1 lié à la cohésion nationale ».
Le principe des travaux du groupe de travail Réserves ayant conduit à la rédaction de l'article 14 de la LPM vise, sous l'impulsion du Président de la République, à traduire la vision RH du ministère des armées. En effet, face aux défis auxquels elle est confrontée, la France consolide son modèle d'armée professionnelle, sans faire appel à la conscription et en visant un nouveau modèle à l'horizon 2035, modèle qui rejoindra l'équilibre d'un réserviste pour deux militaires d'active. Cette réserve rénovée, véritable force de complément, offrira une meilleure réponse opérationnelle aux menaces, tout en prenant en compte les attentes des volontaires et le désir d'engagement de nos concitoyens.
Pour parvenir à cet article 14 de la LPM, le cadencement des travaux s'est effectué en plusieurs étapes. Nous avons conduit six séances et nous nous sommes inspirés des bonnes pratiques listées dans le rapport parlementaire des députés Parrigi et Blanchet pour ouvrir une adresse de contact, qui a permis de recueillir trois cents idées de la part de nos concitoyens. Un suivi des travaux a été porté à la connaissance des membres, à travers des courriels successifs et nous continuerons à le faire dans les semaines et mois à venir. Depuis le 9 janvier, nous avons poursuivi les travaux en interne via le Plan Réserves 2035 de l'état-major des armées (EMA) et en externe, à la fois en interministériel et vers la société civile.
Nous avons tiré de ces travaux un certain nombre (environ 120) de mesures emblématiques, et en particulier les éléments suivants :
- la révision des critères d'intégration, systématiquement ajustés à l'emploi prévu ;
- l'évolution des limites d'âge (désormais 70 ans et 72 ans pour les spécialistes) ;
- l'amélioration permanente du système d'information Réserviste Opérationnel Connecté (ROC).
Nous avons également traité « l'irritant principal », la relation entre les forces et les employeurs (publics et privés). Celle-ci est en cours d'amélioration, au sein d'une relation plus globale entre les armées, la gendarmerie et les employeurs, publics et privés. En ce qui concerne les entreprises, afin de couvrir tous les domaines au-delà des réserves (les blessés, les reconversions, le mécénat, …) l'EMA a lancé avec le Medef un manifeste « # ProMiles ». L'impulsion nationale est en cours de déclinaison régionale et a vocation à devenir à terme locale, via les délégués militaires départementaux (DMD) et les commandants de formation. Le général Gaspari reviendra plus en détail sur son action dans le domaine essentiel des conventions passées.
Les travaux du groupe de travail visent à obtenir le doublement des réservistes par deux sources d'approvisionnement : 25 000 nouveaux recrutés et 15 000 autres qui pourraient être issus du service national universel (SNU) et qui seraient financés par ailleurs. Afin de rendre opérationnelle cette ambition politique, nous avons estimé un surcoût en Titre 2 (activité des réservistes) d'environ 500 millions d'euros, auquel s'ajoute un surcoût du même montant hors titre 2 (budget nécessaire à l'entraînement, l'équipement et le soutien des réservistes). Au total, le surcoût estimé à ce jour hors infrastructure est donc d'un milliard d'euros. Les fonds destinés à l'infrastructure sont essentiels car ils détermineront notre stratégie de recrutement des réservistes.
Ensuite, l'emploi a été adapté aux nouvelles menaces et aux risques émergents. Cette réserve de complément puissante que nous souhaitons bâtir peut s'exprimer dès aujourd'hui dans le cadre de l'exercice Orion 2023, mais également celui des Jeux olympiques 2024. Ces deux événements constituent des jalons importants de sa montée en puissance.
Dans le cadre de l'exercice Orion, le 24ème régiment d'infanterie basé en Ile-de-France a reçu pour mission d'assurer la protection de la zone arrière de la division, engagée au combat dans les camps de Champagne. Il a pu rassembler trois compagnies pour remplir cette mission. Nous avons également l'ambition de créer une réserve de compétences, capable de renforcer les unités et les états-majors, dans des domaines émergents, dans l'emploi de nouvelles technologies ou la base industrielle et technologique de défense (BITD), pour répondre aux enjeux de l'économie de guerre.
Ces réserves de compétences peuvent également s'illustrer par de nouvelles opportunités, comme au sein du secrétariat général pour l'administration, pour le service de la justice militaire, dont les derniers réservistes sont partis en 1999.
Pour absorber cette surcharge mécanique de travail qui représente de manière contre-intuitive un investissement considérable de l'active au profit de la réserve, l'État-major des armées a décidé de créer une division « Cohésion nationale » avec des structures miroir au sein de chacune des armées, directions et services.
Dans les actions déjà menées auprès de l'interministériel et de la société civile, nous avons travaillé avec le référent Éducation de défense du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse. À cet égard, un séminaire des référents Éducation de défense et de sécurité (REDS) sera organisé le 12 juin prochain.
Auprès des entreprises, nous allons travailler également sur une clarification fiscale, à la fois sur la base légale d'une exonération pour les réservistes, mais aussi pour simplifier les déductions pour les entreprises, conformément à l'article 238 bis du code général des impôts.
Enfin, les réservistes seront mis à l'honneur lors du défilé du 14 juillet.