Avant de débuter mon intervention, je souhaiterais saluer l'engagement remarquable des réservistes opérationnels sur le terrain, aux côtés de leurs camarades d'active. Les réservistes paient aussi un lourd tribut. Permettez-moi d'avoir une pensée émue pour l'adjudant Patrick Hervé, mort en service, le 11 avril dernier dans les Landes alors qu'il participait à une mission de sécurité routière avec l'unité qu'il était venu renforcer. Je pense également à sa famille, à ses proches et à ses camarades terriblement éprouvés par cette disparition.
Depuis ma prise de fonctions le 1er août 2022, je fais le constat que la Garde nationale n'est ni connue, ni totalement reconnue et qu'elle a encore parfois du mal à trouver sa place dans l'écosystème des réserves. Elle n'est ni la Garde nationale américaine, ni même la Garde républicaine avec laquelle elle est parfois confondue.
En réalité, la Garde nationale fédère les 77 000 réservistes opérationnels du ministère des armées et du ministère de l'intérieur. Elle recèle ainsi bien des atouts pour notre pays. Avant de vous les détailler et de vous exposer les enjeux auxquels la Garde nationale est confrontée, je tiens à vous la présenter très précisément. Je terminerai enfin mon propos en vous détaillant la transformation que j'ai engagée afin qu'elle accompagne et joue surtout un rôle moteur dans le doublement des réserves annoncé par le Président de la République, dans le contexte de la LPM dont vous avez débuté l'examen.
La Garde nationale a été créée par décret le 13 octobre 2016 pour répondre au désir d'engagement de la jeunesse à la suite de la vague d'attentats terroristes qui a frappé notre pays. Assurée par les réservistes opérationnels du ministère des armées et du ministère de l'intérieur, la Garde nationale concourt, le cas échéant par la force des armes, à la défense de la nation et à la sécurité de la population et du territoire.
Sept ans après sa création, la Garde nationale est composée de plus de 77 000 réservistes opérationnels (RO) qui sont à peu près équitablement répartis entre le ministère des armées et le ministère de l'intérieur :
- 40 000 sont issus des huit composantes du ministère des armées (armées de Terre, de l'Air et de l'Espace, Marine nationale, services et directions du ministère) ;
- 37 000 sont issus des deux composantes du ministère de l'intérieur (31 000 sont issus de la gendarmerie nationale et plus de 6 000 de la police nationale).
Je précise à ce titre que la réserve opérationnelle de la police nationale est récente car elle a été créée à la faveur de la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.
Chaque jour, près de 7 000 réservistes opérationnels des dix composantes de la Garde nationale sont engagés sur le territoire national, qu'il soit métropolitain ou ultramarin. Un réserviste effectue en moyenne trente jours de réserve par an et est évidemment rémunéré à hauteur de son grade. La réserve est jeune : 32 % des réservistes opérationnels ont moins de 30 ans et 14 % sont étudiants. Près d'un réserviste sur deux est actif et le taux de féminisation croît chaque année pour atteindre aujourd'hui plus de 21 %. Enfin, l'emploi et la préparation opérationnelle des réserves relèvent des compétences de chaque composante de la Garde nationale.
Plus que les chiffres que je viens de vous énumérer, la Garde nationale apporte bien davantage à notre pays. Dans un contexte national caractérisé par un enchaînement ininterrompu de crises depuis 2015, les réservistes opérationnels de la Garde nationale ont montré qu'ils constituaient un véritable outil de résilience, indispensable à la défense de notre pays.
Quelques exemples de crises, auxquelles les réservistes ont participé, méritent d'être cités : les attentats terroristes en 2015 et 2016 ; la tempête Irma en 2017 ; la crise sociale des Gilets Jaunes en 2018 ; la crise sanitaire de la COVID ; la tempête Alex dans les Alpes-Maritimes en 2020 et les crises caniculaire et environnementale, notamment les feux de forêts dans le Sud-Ouest au cours de l'été 2022.
Les réserves de la Garde nationale prennent donc une part croissante dans le contrat opérationnel des forces armées et des forces de sécurité intérieure. Cette tendance ne devrait pas se démentir avec l'organisation en France d'événements majeurs comme la Coupe du monde de rugby en septembre 2023 et les Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024. Vecteurs majeurs de l'engagement citoyen, les réservistes opérationnels de la Garde nationale renforcent la cohésion nationale et s'affirment comme le ferment du lien unissant les armées et la nation.
Ensuite, l'enjeu principal qui se pose à la Garde nationale est d'accompagner le doublement de la réserve, annoncé par le président de la République dans son discours aux armées le 13 juillet 2022. De plus, cette montée en puissance intervient dans un contexte géopolitique devenu incertain avec l'apparition d'un conflit armé aux frontières de l'Union européenne. Je fais référence à la guerre en Ukraine qui doit conduire à nous réinterroger sur notre modèle de réserve, au même titre que le modèle de notre armée d'active.
Ce nouveau contexte m'a incité à engager la transformation de la Garde nationale, qui est arrivée en 2022 à la fin d'un premier cycle et qui s'établit autour de trois pivots. Je ne vous présenterai aujourd'hui que le premier, celui qui mobilise aujourd'hui toutes mes équipes : la politique partenariale.
Celle-ci vise à faciliter l'engagement et la disponibilité des réservistes, qui exercent leur activité principale au sein d'entreprises ou de collectivités. Elle se concrétise par la signature de conventions entre le ministère des armées et les entreprises ou les collectivités, à travers des dispositifs gagnant-gagnant. D'une part, ils sécurisent le statut juridique du salarié-réserviste. D'autre part, en signant une convention, les employeurs affichent un vrai engagement citoyen de la personne morale qu'ils représentent.
Quelques marqueurs d'activité de la politique partenariale doivent être relevés. À ce jour, plus de 900 conventions de partenariat ont été conclues dont 70 % sont signées par des entreprises parmi lesquelles figurent de grands groupes mais aussi et surtout des PME et des entreprises de taille intermédiaires (ETI). De leur côté, les collectivités territoriales représentent 27 % du total des signatures, contre 3 % pour le monde universitaire. À titre d'exemple, seize entreprises du CAC 40 ont déjà signé des conventions (Décathlon, Michelin, Bouygues, Orange et Airbus), mais également l'entreprise de transport Faure, Préligens, le conseil départemental du Nord, de nombreuses mairies ou l'université de Saclay. Je pourrai d'ailleurs vous détailler, si vous le souhaitez, les apports concrets des conventions de partenariat, tant pour les salariés réservistes que pour les employeurs, et vous expliquer comment les forces armées et les forces de sécurité intérieure s'y retrouvent.
Mon objectif consiste bien à amplifier et piloter finement la politique partenariale pour être au rendez-vous de la montée en puissance de la réserve, autour des territoires et des compétences. L'approche territoriale vise à développer davantage de liens et de synergies avec les territoires et les élus, qui sont toujours en première ligne lorsqu'une crise survient.
Je cherche notamment à étendre l'empreinte de la Garde nationale dans les outre-mer et à l'international, où sont établis près de 2,5 millions de français. Il s'agit de structurer et d'animer dans ces territoires un réseau de correspondants de la Garde nationale, à l'instar de celui qui existe déjà dans les treize régions administratives métropolitaines. En négociant les conventions de partenariat, ces correspondants sont les pivots de la politique partenariale dans les territoires.
L'approche par les compétences doit permettre de privilégier l'aspect qualitatif de la politique partenariale qui ne peut plus se satisfaire aujourd'hui d'un volet uniquement quantitatif. Il s'agit de mieux prendre en compte les attentes des forces armées en facilitant notamment l'emploi dans la réserve de salariés ou d'agents publics détenant les compétences critiques ou rares dont elles ont besoin.
La signature d'une convention de partenariat n'est pas une fin en soi, c'est un début : elle doit vivre. Je souhaite à ce titre évoquer l'exemple du groupe pharmaceutique Roche avec lequel j'ai signé une convention de partenariat au mois de décembre 2022. À l'époque, il y avait alors deux réservistes au sein de cette entreprise, contre près d'une dizaine de volontaires aujourd'hui. Fin mars, la pharmacie centrale des armées a reçu à Orléans les candidats à la réserve de Roche, afin que le service de santé des armées (SSA) puisse leur présenter ses besoins. Ce déplacement a permis aux candidats à la réserve d'identifier très concrètement les postes qu'ils pourraient occuper au sein de la réserve du SSA.
Mais piloter la politique partenariale consiste également à quantifier concrètement son apport pour les forces armées et les forces de sécurité intérieure, par exemple le nombre de réservistes recrutés ainsi que les compétences apportées aux armées. Enfin, le deuxième pivot porte sur la mise en place d'une stratégie de communication, quand le troisième cherche à alimenter les réflexions stratégiques de haut niveau.
En conclusion, sept ans après avoir été portée sur les fonts baptismaux, la Garde nationale progresse vers son âge de maturité. Rendue possible par sa transformation, cette évolution lui permet de jouer un rôle moteur dans le doublement des réserves opérationnelles annoncé par le Président de la République. Enfin, quarante réservistes opérationnels relevant de son périmètre participeront au tableau final du défilé du 14 juillet sur les Champs-Élysées, ce qui constitue un autre signe tangible de la reconnaissance portée à la Garde nationale aujourd'hui.