Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 25 janvier 2023 à 9h05

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission entend en application de l'article 13 de la Constitution, M. Robert Ophèle dont la nomination à la présidence de l'Autorité des normes comptables est proposée par le Président de la République, puis vote sur cette proposition de nomination (Mme Marina Ferrari, rapporteure)

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Par courrier en date du 9 janvier dernier, Mme la Première ministre a demandé à Mme la présidente de l'Assemblée nationale de bien vouloir solliciter l'avis de la commission compétente sur le projet de nomination par le Président de la République de M. Robert Ophèle comme président de l'Autorité des normes comptables (ANC), en remplacement de M. Patrick de Cambourg, démissionnaire.

Il revient donc à la commission des finances de vous entendre ce matin, monsieur Ophèle, avant que vous le soyez au Sénat, en fin de matinée. Votre audition sera suivie d'un vote. En application du quatrième alinéa de l'article 29-1 du règlement de notre assemblée, ce scrutin est secret et aura lieu hors votre présence. Il sera suivi du dépouillement du scrutin en fin de matinée, une fois que le Sénat aura également procédé à votre audition.

Monsieur Ophèle, nous vous écoutons

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Robert Ophèle

Le Président de la République m'a en effet pressenti pour présider l'Autorité des normes comptables à la suite de Patrick de Cambourg, qui dirige désormais le nouveau Sustainability Reporting Board de l' European Financial Reporting Advisory Group (Efrag). Au-delà des travaux habituels d'homologation des normes internationales en matière de comptabilité financière, l'Efrag propose dorénavant à la Commission européenne les standards techniques de la communication en matière de durabilité dans le cadre de la mise en œuvre de la nouvelle directive européenne Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD).

La commission des finances avait auditionné Patrick de Cambourg dans le cadre du renouvellement de sa présidence de l'ANC ; la mienne, si vous la confirmez, s'inscrira dans la continuité de ce qu'il vous avait alors présenté.

L'Autorité des normes comptables est une autorité jeune puisqu'elle a été créée par une ordonnance de janvier 2009. Issue de la fusion entre le Conseil national de la comptabilité et le Comité de la réglementation comptable, elle est chargée de trois missions principales.

Premièrement, déterminer, sous forme de règlements, les prescriptions comptables générales et sectorielles que doivent respecter les personnes physiques ou morales soumises à l'obligation légale d'établir des documents comptables conformes aux règles de la comptabilité privée, et donner un avis sur toute disposition législative ou réglementaire contenant des mesures de nature comptable qui leur sont applicables.

Deuxièmement, émettre de sa propre initiative, ou à la demande du ministre chargé de l'économie, des avis et des prises de position dans le cadre de la procédure d'élaboration des normes comptables internationales.

Troisièmement, veiller à la coordination et à la synthèse des travaux théoriques et méthodologiques conduits en matière comptable et proposer des mesures dans ces domaines, notamment sous forme d'études et de recommandations.

Le développement des informations extrafinancières à fournir et leur normalisation progressive sous l'appellation d'« information de durabilité », ont conduit l'Autorité à couvrir ce domaine, très complémentaire des informations financières. De même que la fondation International Financial Reporting Standards (IFRS) au niveau international a désormais deux piliers – l' International Accounting Standards Board (IASB) et l' International Sustainability Standards Board (ISSB) –, et que l'Efrag au niveau européen s'est doté d'un Financial Reporting Board et d'un Sustainability Reporting Board, l'Autorité des normes comptables a créé en 2022, à la demande du ministre de l'économie, un comité sur l'information de durabilité, que la transposition de la directive CSRD permet, je crois, d'inscrire en tant que mission dans la loi.

L'Autorité des normes comptables est le normalisateur comptable français pour les quelque cinq millions d'entités qui suivent les normes nationales pour établir leurs comptes sociaux, et le dynamisme dont elle fait preuve dans cet exercice fonde sa légitimité au-delà du cadre national. Outre le travail courant d'actualisation des normes françaises en fonction des nouveaux instruments et des nouvelles circonstances, la question se pose de poursuivre, de conclure ou d'engager des travaux plus ambitieux : en approche sectorielle, dans les secteurs financiers de la banque et de l'assurance où les normes françaises sont anciennes ; en approche principielle, s'agissant du plan comptable général, élaboré à règle constante et dont on mesure les limites normatives lorsqu'on le compare aux approches internationales.

Ce travail a été bien engagé par l'ANC, mais les débats autour de la notion de chiffre d'affaires en illustrent la difficulté – en particulier, obtenir la nécessaire cohérence entre les approches comptable et fiscale s'avère un défi complexe. Le système français est moniste et ce sont donc les comptes sociaux qui constituent la base de détermination du résultat imposable des entreprises. Or les normes comptables, alors qu'elles traduisent la réalité économique de l'activité de l'entité, ne devraient pas conduire à des divergences significatives avec l'approche fiscale. Le renforcement de la connexion fiscalo-comptable doit donc rester un axe de travail majeur pour l'Autorité, étant entendu qu'une telle démarche ne peut être fructueuse qu'en réunissant toutes les parties prenantes : l'administration fiscale et les entreprises – les plus petites étant très attachées à une convergence et à une stabilité à des fins de sécurité juridique et de simplification ; les plus grandes, qui établissent leurs comptes consolidés selon le référentiel international de l'IASB, recherchant plutôt une convergence entre les règles applicables à leurs comptes annuels et sociaux et celles applicables à leurs comptes consolidés, à des fins de simplification opérationnelle.

Les normes internationales s'appliquent obligatoirement aux comptes consolidés des entreprises de l'Union européenne cotées sur un marché réglementé, ce qui représente en France environ 500 entreprises. Plutôt que de définir ses propres normes, l'Union a décidé de retenir celles de l'IASB. Elles sont intégrées dans le cadre réglementaire européen et français après homologation sur avis de l'Efrag. Des options alternatives spécifiquement européennes sont exceptionnellement introduites. Ce fut le cas pour la norme IFRS 17 sur les contrats d'assurance, avec la faculté, dite de carve-out, de ne pas retenir pour certains contrats une approche en cohorte annuelle, qui met à mal le principe de mutualisation des risques au fondement du système d'assurance français.

Le défi pour l'ANC est donc d'être la plus efficace possible en amont, grâce à un dialogue nourri avec l'IASB. Notre force de conviction est d'autant plus importante que nos positions sont partagées par nos partenaires européens, l'Union étant, en fait, le principal utilisateur de ces normes internationales. Les débats au sein de l'Efrag sont donc essentiels pour peser sur l'élaboration des normes internationales de l'IASB et pour éviter d'avoir à s'engager dans la voie toujours délicate d'un carve-out. En matière de normes comptables internationales, on peut considérer que l'essentiel a déjà été fait ou est clôturé – notamment, l'amortissement des survaleurs a été une nouvelle fois écarté –, mais des dossiers sensibles restent pendants : la norme de présentation des états financiers est en cours de finalisation à l'IASB ; le renforcement des informations à fournir dans le cadre des tests de dépréciation est à l'étude, à la suite de l'abandon de l'amortissement des survaleurs.

Des revues périodiques vont concerner les normes récemment mises en œuvre, qui, sans être porteuses de changements majeurs, appellent une attention soutenue, qu'il s'agisse de la norme IFRS 15 relative au chiffre d'affaires ou de la norme IFRS 16 concernant les contrats de location. Dans tous ces travaux, nous devons favoriser la pertinence de l'approche et la qualité de l'information donnée aux tiers, tout en mesurant l'incidence de la norme sur la compétitivité de nos acteurs économiques. L'approche de la fondation IFRS privilégie souvent les investisseurs – les marchés – en leur procurant des informations les plus détaillées possible, et l'approche américaine est paradoxalement plus mesurée. Il peut donc y avoir un déséquilibre concurrentiel en raison des niveaux hétérogènes de précision des informations concernant la marche des affaires. Il convient donc d'être vigilant pour garder le bon équilibre et pour éviter de rendre publiques de façon inappropriée des informations commercialement ou juridiquement sensibles.

Nous devons désormais traiter le sujet, nouveau et lourd, de la normalisation extrafinancière dans le cadre de la directive CSRD et des travaux de l'ISSB. Les défis sont particulièrement nombreux. Il faut d'abord finaliser le cadre normatif européen et assurer sa bonne déclinaison en France, puis assurer au minimum sa compatibilité avec les normes internationales et les normes nationales de nos principaux partenaires de pays tiers.

La France a joué un rôle moteur pour développer une normalisation européenne ambitieuse dans ce domaine. De fait, celle-ci permet de couvrir clairement et de façon homogène en Europe les trois champs de l'environnement, du social et de la gouvernance, quand certains se limitent encore à l'environnement, voire au climat. Elle présente une dimension prospective en demandant une description des objectifs, assortis des échéances, que l'entreprise a fixés en matière de durabilité. Elle prend en compte, pour l'environnement et le social, le concept de double matérialité – financière et d'impact – sur l'ensemble de la chaîne de valeur, c'est-à-dire au-delà du périmètre de la comptabilité financière de l'entreprise ou du groupe. Elle couvre donc les besoins de l'ensemble des parties prenantes, et pas seulement celles concernées par les risques pesant sur la valeur de l'entreprise. Son périmètre dépasse les entités d'intérêt public (EIP), qui sont les sociétés cotées sur un marché réglementé, les banques et les assurances, car elle couvre l'ensemble des grandes entreprises au sens de l'Union européenne – à savoir celles ayant un effectif moyen annuel de plus de 250 personnes, ce qui concerne entre 8 000 et 9 000 entités en France. Cela permet de couvrir une très large part de nos activités économiques et ne constitue pas, pour les sociétés, une incitation supplémentaire à se retirer des marchés réglementés, puisque le reporting sera identique qu'un acteur y prenne part ou non.

La directive prévoit aussi un mécanisme d'assurance, d'audit concernant les informations de durabilité. Certes, dans les premiers temps, il ne s'agira que d'une assurance dite « limitée », mais l'étape de l'assurance « raisonnable » est d'ores et déjà prévue. Tout cela sera encadré par l'Union de façon homogène. Enfin, la directive revêt une dimension extraterritoriale, puisqu'elle impose les règles de l'Union aux entités des pays tiers qui y ont une activité significative.

Cette directive avait fait l'objet d'un accord en trilogue sous présidence française, elle a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne le 16 décembre, mais de nombreuses diligences restent encore nécessaires pour assurer leur bonne mise en œuvre. Celles-ci sont relativement urgentes, puisque la nouvelle réglementation modifie les obligations de reporting dès les comptes de l'année 2024 pour les sociétés déjà concernées aujourd'hui par l'obligation de la déclaration de performance extrafinancière (DPEF), à savoir les EIP ayant plus de 500 employés. Celles en ayant plus de 250 seront concernées par la réforme l'année suivante.

Les diligences réglementaires nécessaires à la mise en œuvre de la réglementation sont de deux ordres : la transposition de la directive dans les vingt-sept ordres juridiques nationaux et l'édiction de différents textes d'application à prendre au niveau européen. Pour que les entreprises puissent se mettre en ordre de marche, il faut donc que les États membres aient transposé cette directive. Sachant que la réglementation s'applique rapidement et que l'effort d'adaptation demandé aux entreprises est significatif, il est souhaitable qu'elle se fasse le plus rapidement possible, ce qui est l'objet du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture, dont l'article 8 habilite le Gouvernement à transposer par ordonnance cette directive d'ici à la fin de l'année.

Afin de déployer ce dispositif convenablement, la Commission européenne doit également préciser un certain nombre d'éléments par des actes délégués, dont la plupart constituent en fait la normalisation opérationnelle en matière de durabilité, qui seront pris sur proposition de l'Efrag et après avis de plusieurs entités, notamment des trois entités sectorielles – l'Autorité bancaire européenne (EBA), l'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) et l'Autorité européenne des assurances et des pensions (EIOPA).

Tous ces actes délégués doivent être pris avant le 30 juin 2024, avec une première étape majeure fixée au 30 juin de cette année. L'Efrag a ainsi livré à la Commission douze projets de norme couvrant tous les aspects nécessaires à la mise en œuvre de la directive sur l'exercice 2024. Il reste cependant à fournir des normes sectorielles, celles concernant les PME et celles relatives aux établissements de pays tiers. Cet effort de normalisation est considérable et mobilisera les forces vives de la place de marché, notamment lorsqu'il s'appliquera à l'ensemble de ses grandes entreprises. Il conviendra d'avoir des rapports d'assurance modérée, puis raisonnable par des auditeurs externes.

Nombre de nos entreprises ont une activité qui dépasse le périmètre de l'Union. Il importe donc, afin d'éviter la multiplicité des approches et d'assurer une concurrence équilibrée, que ces normes soient compatibles et proportionnées avec celles qui peuvent être imposées dans d'autres juridictions. Au niveau de l'ISSB, d'abord, les premières normes relatives au climat sont attendues pour la fin mars, mais, dans les faits, la compatibilité sera mesurée en fonction des approches qu'auront retenues les autorités nationales des pays tiers. Certains les adopteront, d'autres ne les adopteront pas, d'autres encore développeront leur propre jeu de normes – les États-Unis, en particulier, ne reprennent jamais les normes internationales. Le sujet est d'autant plus sensible que la réciproque n'est pas vraie. La directive CSRD prévoit en effet une possibilité d'équivalence avec des pays tiers en matière de durabilité, à condition que leurs normes couvrent à la fois les trois facteurs – environnemental, social et de gouvernance – et qu'elles respectent le principe de double matérialité. Autant dire que ni les normes ISSB ni celles envisagées aux États-Unis ne pourront être reconnues de ce point de vue-là !

Pour relever tous ces défis, la clé me semble être d'abord de bien structurer l'organisation de la place pour élaborer des positions argumentées, mesurer les conséquences des diverses options, mettre en évidence les difficultés d'application et proposer les clarifications utiles. L'Autorité des normes comptables est le lieu d'échange privilégié entre les entreprises et leurs parties prenantes, notamment les experts-comptables et les commissaires aux comptes.

Il s'agit ensuite d'assurer une fluidité de nos échanges avec nos partenaires de l'Union et des pays tiers, afin de comprendre leur approche et de mettre en évidence les alignements d'intérêts. L'Autorité est une entité de taille réduite d'une vingtaine d'agents, et n'est efficace que si elle peut mobiliser toutes les forces vives de la place autour de ces priorités. Elle est composée d'un collège, de deux commissions respectivement dédiées aux normes privées et aux normes internationales, d'un forum de communication des normes comptables internationales, d'un comité sur l'information de durabilité et de divers groupes de travail sur des sujets ciblés. Sa structure actuelle lui permet de produire ses travaux. L'ANC participe de manière croisée aux travaux des autres autorités de la place que sont l'Autorité des marchés financiers (AMF) et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Ces différents axes contribuent à renforcer la cohérence des approches.

Pour amplifier cette dynamique, il faut disposer d'une équipe permanente d'experts de haut niveau, capable d'organiser les groupes de travail et d'interagir avec les partenaires de l'Union et des pays tiers – les vingt agents constituent, de ce point de vue, un minimum. Il nous faut également dépasser le cercle des très grandes entreprises, que les normes françaises et les reportings de durabilité excèdent. Nous avons besoin d'une forte coordination entre les autorités nationales, administration fiscale comprise, pour limiter au maximum les demandes reconventionnelles et les approches parallèles. Les informations fournies sur les états comptables et le reporting de durabilité doivent permettre de couvrir la quasi-totalité des besoins.

La recherche comptable fait également partie des missions de l'Autorité des normes comptables et elle doit être soutenue de manière ambitieuse – une recherche de qualité est un appui solide pour gagner le débat d'idées, notamment au niveau international. La mission de l'Autorité des normes comptables relative aux normes d'information de durabilité des entreprises, qui résulte aujourd'hui du courrier du ministre, doit être ancrée dans la loi. Ainsi sera assise l'autorité de l'ANC, qui structurera tous les travaux de cet écosystème étroitement lié aux normes comptables. Enfin, un nouveau plan stratégique détaillé doit être élaboré pour nos priorités pour les trois prochaines années. Je m'y attacherai, avec le nouveau collège, si vous confirmez ma nomination.

Je laisserai à Mme la rapporteure le soin d'évoquer les qualités que je présente pour assurer cette présidence, pour me concentrer sur mon parcours. J'ai effectué l'ensemble de ma carrière dans le secteur public. J'ai intégré la Banque de France dès la fin de mes études, en février 1981, titulaire d'un diplôme de l'Essec et d'un diplôme d'études comptables supérieures. En août 2017, j'ai rejoint l'Autorité des marchés financiers, afin d'en assurer la présidence avec un mandat de cinq ans non renouvelable. Sans être un professionnel de la comptabilité, j'ai acquis au cours de ma carrière des connaissances certaines, et eu, au cours de ces dix dernières années, de fréquentes interactions avec l'ANC.

J'ai passé huit ans au contrôle des institutions financières, au cours desquels j'ai commencé par le contrôle sur place des banques. Puis, en tant que sous-gouverneur président de l'ACPR pour le compte du gouverneur de la Banque de France, j'ai été conduit à traiter de nombreuses questions comptables concernant pour l'essentiel la comptabilité des établissements de crédit et, dans une moindre mesure, celle des assureurs. J'ai passé une dizaine d'années à la direction financière de la Banque de France, à une époque où nous avons normalisé les traitements comptables de l'Institut d'émission d'outre-mer, introduit la certification de nos comptes, et réformé notre système de retraite en mettant en place un suivi rigoureux de l'engagement de retraite sur la base des normes internationales IAS 19. La normalisation de la comptabilité de la Banque est d'ailleurs passée par l'élaboration d'une approche comptable commune entre les banques centrales de l'Eurosystème, afin de permettre le partage du revenu monétaire associé aux missions de banque centrale, le suivi de la liquidité bancaire au niveau de la zone euro et l'établissement d'une situation comptable combinée des membres de l'Eurosystème. J'ai conduit à chaque fois ces travaux pour le compte de la Banque de France.

Ces cinq années à la présidence de l'Autorité des marchés financiers m'ont plongé dans la communication financière des émetteurs de titres, essentiellement sur la base des normes IFRS. J'ai aussi découvert la communication financière de l'IFRS et de l'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) et de l'instance internationale des superviseurs de marché qu'est l'Organisation internationale des commissions de valeur (OICV ou IOSCO), qui s'est finalement, quoiqu'avec retard, saisie du sujet en 2019.

Nous avons, par ailleurs, effectué de nombreux travaux sur la communication extrafinancière à l'AMF, qui a ainsi participé, comme l'ANC, aux diverses consultations sur le sujet. Les interactions soutenues entre ces deux institutions permettent également de traiter de façon cohérente de sujets plus ciblés, comme la comptabilisation des cryptoactifs, des actions ou parts d'organismes de placements collectifs en valeurs mobilières (OPCVM) monétaires – en tant qu'elles sont des équivalents de trésorerie. Je pense également aux règles comptables des OPCVM que doivent suivre les sociétés de gestion.

S'agissant de ma capacité à fédérer la place, à présider des entités, à nouer des alliances internationales, j'ai participé à de multiples comités et conseils internationaux pour y représenter mon institution, coprésidé le comité national Single Euro Payments Area (SEPA), le Financial Stability Engagement Group de l'OICV, présidé le comité central d'entreprise de la Banque de France pour le gouverneur, ainsi que l'ACPR, l'AMF et divers comités permanents de l'ESMA traitant des questions de marché.

J'assure aujourd'hui la responsabilité de la candidature de Paris pour accueillir la future Autorité européenne de lutte contre le blanchiment (AMLA). Je souhaiterais que vous vous fassiez le relais auprès de vos homologues députés européens de la nécessité de s'emparer de ce sujet. La création de cette agence, déterminante pour la lutte contre la criminalité dans l'Union, devra être rapide et ambitieuse.

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Le règlement européen sur les marchés des cryptomonnaies, dit Mica, vous paraît-il suffisant alors que certaines plateformes comme FTX ou Genesis ont fait faillite ?

Le taux de collecte de la contribution des entreprises consacrée au financement des actions internationales et de recherche de l'ANC, malgré sa progression de 7,5 points en un an, était encore de seulement 72,5 % en 2021. Quelles actions pourraient permettre d'atteindre un taux de collecte plus satisfaisant ?

Quelles sont les relations de l'ANC avec le Haut Conseil du commissariat aux comptes, qui est chargé de veiller à l'application des normes comptables ?

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Après quarante ans de carrière dans les principales institutions économiques et financières, et après votre participation à environ 300 réunions avec l'Autorité des normes comptables, vous réunissez manifestement les qualités et les connaissances requises pour exercer les responsabilités qui vous sont proposées, lesquelles sont d'une grande importance tant en raison de la technicité que de la portée des missions de cette autorité.

Je citerai trois exemples récents de travaux produits : le projet de règlement modifiant le plan comptable général en vue de moderniser les états financiers et la nomenclature, qui vient d'être adopté ; les corrections apportées au cadre applicable à certains baux des organismes de foncier solidaire ; la remise d'avis portant sur la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dite « loi séparatisme », qui implique des mesures de nature comptable que l'ANC a évaluées, comme la tenue obligatoire, par les personnes morales de droit privé à but non lucratif, d'un état séparé des avantages et ressources qui leur proviennent de l'étranger.

L'ANC est une structure reconnue, mais je note dans vos réponses quelques points de vigilance sur lesquels notre attention doit être appelée. Certaines professions ont encore tendance à moins reconnaître l'ANC que la majorité des entreprises françaises et que les autorités européennes équivalentes. Ses moyens sont limités à vingt agents, mais seuls dix-sept équivalents temps plein (ETP) sont actuellement pourvus, du fait de difficultés de recrutement sur les postes techniques. Son modèle repose largement sur la mobilisation gracieuse de plusieurs dizaines d'experts, issus des secteurs public et privé. Comment envisagez-vous, si vous êtes nommé, de susciter une meilleure reconnaissance de l'ANC et d'améliorer son attractivité – vous avez notamment évoqué l'idée d'en asseoir davantage l'autorité dans la loi ?

Dans le questionnaire que je vous ai soumis, vous avez indiqué que certaines approches sectorielles dont il reviendrait à l'ANC de se saisir restent encore à réaliser, et avez donné pour exemple le secteur de l'assurance. Pouvez-vous détailler votre constat sur l'appropriation lacunaire des questions assurantielles par l'ANC et indiquer vos priorités d'action en la matière ? En quoi consiste l'exception sur les contrats d'assurance, le fameux carve-out que vous avez évoqué ? En quoi la dérogation obtenue par l'ANC au niveau européen évite-t-elle de mettre à mal le principe de mutualisation ?

Vous avez également évoqué les évolutions de l'information extrafinancière des entreprises. Comment l'ANC pourrait-elle accompagner le renforcement de la réflexion et du reporting pour ce qui concerne les enjeux sociaux et environnementaux, qui intéressent des flux d'épargne et d'investissement de plus en plus importants ?

Qu'attendez-vous de votre participation ès qualités aux réunions du Conseil de normalisation des comptes publics ?

Enfin, quelle forme l'intervention de l'ANC dans le domaine de la recherche doit-elle prendre à l'avenir ?

Compte tenu de votre expérience variée et riche, entièrement acquise dans le secteur public, bien qu'essentiellement orientée en finances, votre profil me semble parfaitement adapté pour répondre à la diversité des sujets traités par l'Autorité des normes comptables. J'émets donc un avis favorable à votre nomination proposée par le Président de la République.

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Dans le cadre de la normalisation internationale, comment envisagez-vous l'équilibre entre l'harmonisation et la préservation des spécificités françaises ? Souscrivez-vous à une forme de « diversité culturelle comptable », selon l'expression employée par votre prédécesseur ? Est-elle toujours d'actualité à un moment où l'impôt minimum international est en train d'être mis en place, où l'on veut lutter de manière plus efficace contre la fraude et assurer la compétitivité mondiale, et où l'on souhaite élargir les normes extrafinancières ?

Quelles sont vos ambitions pour la recherche comptable, qui constitue une des missions de l'ANC pour le législateur ?

En 2021, le ministre de l'économie a chargé l'ANC d'une nouvelle mission, celle de coordonner la contribution française aux normes internationales d'information de durabilité des entreprises. Quel bilan tirez-vous de la mise en œuvre de cette mission et de l'instauration d'un comité ad hoc au sein de cette institution ?

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Robert Ophèle

La question des cryptoactifs n'intéresse qu'à la marge l'ANC, mais elle m'interpelle au titre de mes anciennes fonctions à l'Autorité des marchés financiers. Le règlement Mica a été finalisé avant les graves incidents que nous observons depuis un an ; je ne suis donc pas absolument certain qu'il permette de traiter l'ensemble des problèmes auxquels nous sommes confrontés. À un moment, cependant, il faut avancer : aussi ce règlement a-t-il le grand mérite de fixer un cadre commun à l'ensemble de l'Union, qui se substitue à des cadres nationaux dont les limites sont particulièrement fortes dans le domaine numérique. Grâce à ce nouveau cadre, assez exigeant, et à l'expérience acquise, nous pourrons améliorer la supervision dans ce secteur.

La France était en avance, puisque la loi de 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises (loi Pacte) avait créé un cadre applicable aux prestataires de services sur actifs numériques en rendant leur enregistrement obligatoire, la licence restant facultative. L'obligation d'enregistrement nous permet de connaître les opérateurs du secteur et de leur imposer l'application des règles de la lutte antiblanchiment. Il ne s'agit toutefois pas d'une supervision. Lors de ma dernière intervention en tant que président de l'AMF, en juillet dernier, j'ai dit que le temps de l'enregistrement était fini et qu'il fallait désormais imposer aux opérateurs de détenir une licence, dans le cadre de la réglementation beaucoup plus forte instaurée par Mica, qui ne devrait cependant entrer pleinement en vigueur qu'en 2026. Il faut aller plus vite, car c'est un secteur qui présente des risques pour tout le monde.

La recherche comptable existe, mais il faut la stimuler. C'est tout le rôle de l'ANC. Une partie du fonds de concours évoqué tout à l'heure est d'ailleurs dédiée au financement de la recherche, ce qui est très important. Je me suis occupé de ce sujet lorsque je travaillais à la Banque de France. Il faut réunir les personnes concernées, celles qui sont déjà actives dans ce domaine, et discuter avec elles de la façon dont nous pouvons les aider à faire plus et mieux – en créant, par exemple, un conseil scientifique comme il en existe dans tous les organismes auxquels j'ai participé jusqu'ici.

Les réponses que je vous apporterai ce matin seront prudentes dans de nombreux domaines, parce que le projet de l'ANC pour les prochaines années devra être élaboré collectivement par le collège. Je mettrai sur la table un certain nombre de propositions, mais la décision sera prise de manière collégiale. Quoi qu'il en soit, il faut que nous fassions davantage pour encourager la recherche comptable, et je pense que nos propositions trouveront bon accueil.

L'Autorité des normes comptables dépense aujourd'hui une centaine de milliers d'euros dans des appels à projets. Faut-il faire plus ? Faut-il consacrer la même somme à un plus petit nombre de projets qui seraient plus ambitieux ? Tout cela devra être discuté.

Le fonds de concours a été créé par un accord de place dont l'application ne constitue pas, pour les acteurs du secteur, une contrainte absolue. Quelques grands noms n'y contribuent pas : j'irai leur dire que leur attitude n'est pas raisonnable. Alors que nous faisons face à différents besoins, notamment celui de renforcer le financement de l'Efrag, désormais chargé de proposer des normes de durabilité, nous devons restaurer l'équilibre entre les dépenses et les contributions perçues, car nous ne pouvons pas bâtir l'avenir sur un déficit.

La France est souvent une exception en Europe, et l'Europe une exception dans le monde ; or nos entreprises, nos investisseurs et nos épargnants agissent à l'échelle mondiale. Il faut donc trouver le bon équilibre entre la prise en compte des particularités françaises, l'hétérogénéité des normes comptables au sein de l'Union européenne et le fait que les choses sont perçues de façon différente dans le monde. Prenons l'exemple de la comptabilité extrafinancière et de la prise en compte de la durabilité : la France a fait preuve, à l'échelle européenne, d'une certaine capacité de conviction, et Patrick de Cambourg a été pour beaucoup dans l'adoption de ces règles, mais les débats avec les États-Unis sont très violents et nous nous rendons bien compte que les Américains n'approuveront pas les normes que nous souhaitons mettre en œuvre. De même, la norme internationale IFRS 17 impose un traitement comptable des contrats d'assurance-vie par cohorte annuelle ; or le principe de base du système français est, au contraire, celui de la mutualisation des souscriptions, des engagements, entre les différentes cohortes annuelles. Lors de l'élaboration de la norme internationale, les Européens ont essayé de faire valoir les particularités françaises, que l'on retrouve aussi un peu en Espagne et en Italie, mais ils ont échoué. Sur cette question, les États européens étaient partagés, la mise en avant de spécificités telles que le carve-out en matière de comptabilité financière étant très délicate.

Cela s'explique par la volonté de préserver l'équilibre international actuel dans le domaine des normes comptables. Deux types de normes sont en vigueur dans le monde : les normes américaines et celles de l'IASB. Les États-Unis permettent cependant aux émetteurs qui utilisent ces dernières, et non les normes américaines, d'être cotés sur leur marché, ce qui allège grandement les contraintes de ces entreprises. Or, plus on prévoit d'exceptions aux normes internationales, plus les États-Unis seront fondés à remettre en question leur équivalence. Nous devons donc être très prudents et ne solliciter la prise en compte de nos particularités que pour des sujets extraordinairement importants. Actuellement, il y en a deux : l'IFRS 17, que je viens de citer, et la comptabilité bancaire de couverture des risques – l'Europe accepte des macrocouvertures alors que cette possibilité est plus limitée au niveau international.

En matière de comptabilité extrafinancière et de prise en compte de la durabilité, nous avons fait l'inverse : plutôt que d'attendre la définition de normes internationales dont on ne sait même pas qui les adoptera, nous avons élaboré nos propres normes tenant compte de toutes les spécificités de l'Union, avec une force de conviction française assez importante. Le combat est permanent, et c'est aussi pour cela que la recherche est si importante. Elle permet de conforter nos convictions, ou au contraire de les remettre en question.

Les professions d'expert-comptable et de commissaire aux comptes ont subi ces dernières années des évolutions majeures. La loi Pacte a réduit le nombre d'entreprises contraintes de faire certifier leurs comptes – nous n'avons fait que nous aligner sur la norme européenne – et créé pour les PME un cadre spécifique et optionnel. Pour ces entreprises, la prise en compte comptable des éléments extrafinanciers représente un choc majeur. Aussi le dialogue avec les experts-comptables s'avère-t-il décisif : il permettra à ces derniers de mieux relayer les nouvelles obligations et de faciliter la transition.

Nous avons eu, au niveau européen, un débat très intéressant sur les commissaires aux comptes. Nos partenaires, qui considéraient que ce secteur était très concentré, craignaient que le fait de réserver aux professionnels qui certifient les comptes financiers la possibilité de donner l'assurance limitée puis raisonnable que j'évoquais tout à l'heure ne vienne renforcer encore cette concentration. Il a donc été décidé que d'autres organismes pourraient accorder cette assurance de durabilité. Mais ne nous y trompons pas, ces deux missions ne sont pas distinctes, mais cohérentes. Comment voulez-vous évaluer la valeur d'actifs corporels ou incorporels si vous n'avez pas une idée précise des actifs échoués ? Il faut tenir compte des plans de l'entreprise et de ses objectifs de durabilité pour évaluer la valeur d'un actif. Le prix du carbone, par exemple, est un élément qui modifiera sensiblement les plans d'affaires ainsi que les valorisations comptables et financières des actifs. Or il dépend de nombreux facteurs : l'instauration de taxes carbone, le prix des allocations sur le marché organisé des quotas d'émission ou sur le marché libre où les opérateurs s'échangent ces mêmes quotas… Tout cela touche à la fois aux enjeux de la durabilité et à l'établissement des états financiers.

L'association de l'ANC et des organes professionnels, dans le cadre d'un dialogue que l'on espère fructueux, est donc l'une des clés de la réussite pour la place de Paris, qui dispose tout de même de nombreux atouts dans ce domaine. Au sein de l'Union européenne, la France a pris de l'avance par rapport aux autres États membres. Ainsi, un décret publié l'an dernier a élargi le périmètre des bilans d'émissions de gaz à effet de serre au scope 3. Cela montre bien que nous parvenons à mettre en œuvre les mesures qui nous semblent prioritaires et que nous incitons nos collègues – d'abord en Europe, puis si possible au niveau international – à faire de même.

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S'agissant de l'articulation des normes, vous avez décrit une cascade partant de l'IASB, qui produit des normes internationales – bien que ces dernières ne soient pas reprises par les États-Unis –, lesquelles sont traduites par l'Efrag, selon une forme de procédure de niveau 2 ou de comitologie. Ce système assez jeune a-t-il fait ses preuves ? La procédure est-elle suffisamment rapide et claire pour les entreprises ?

Vous avez fait allusion à la doctrine américaine en matière de reconnaissance mutuelle des normes comptables. Quel regard portez-vous sur le dialogue engagé avec les États-Unis, de manière générale et plus particulièrement en matière de régulation et d'audit des agences de notation ? Il me semble que nous avons enregistré quelques progrès notables depuis l'affaire Parmalat.

Je m'interroge également sur la manière dont le plan comptable général s'applique aux PME. Que pensez-vous des allégements d'obligations comptables dont bénéficient ces entreprises et des seuils qui ont été fixés en la matière ? Les PME et les auditeurs n'ont évidemment pas tout à fait le même point de vue sur cette question.

Vous avez rappelé que le cadre comptable restait à bien des égards national. Comment l'unification européenne des normes peut-elle s'opérer ? Comment pouvons-nous avancer dans le domaine du private equity et améliorer le fonctionnement des entreprises ayant choisi le statut de société européenne ?

Vous avez déjà largement abordé la question des progrès à réaliser en matière de comptabilité environnementale et sociale. Est-il possible de développer encore plus clairement la notion de hors-bilan environnemental ou social, comme l'État l'a lui-même entrepris par le biais de la Caisse centrale de réassurance ?

Enfin, compte tenu de votre expérience et de votre autorité sur tous les sujets relevant de l'Autorité des normes comptables, je vois dans votre nomination une véritable reconnaissance du rôle de cette institution.

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Je trouve un peu étrange de proposer à la présidence de l'Autorité des normes comptables une personne tout à fait qualifiée, au vu de sa carrière, mais capable d'écrire et de dire qu'elle n'est pas un professionnel de la comptabilité. Je ne pense pas qu'il faille forcément un médecin à la tête du ministère de la santé, ni un policier à la tête du ministère de l'intérieur, mais quand même…

Par ailleurs, vos réponses nous donnent l'impression que votre conception du rôle des normes comptables est un peu prisonnière d'elle-même – vous voulez créer de la norme pour créer de la norme – et parfois très éloignée de l'économie réelle. Or la comptabilité doit précisément viser la transcription de cette dernière. En d'autres termes, votre mission devrait consister à résoudre ou à réduire les tensions entre les normes comptables nationales et internationales et l'économie réelle.

Comment pensez-vous compenser votre manque d'expérience dans le privé, que ce soit dans les PME ou dans les grandes entreprises ? Comment comptez-vous empêcher que l'autorité de régulation que vous allez diriger reste prisonnière d'elle-même ?

Enfin, l'ANC vous semble-t-elle capable de tirer les leçons de la crise de 2008 ? Je n'ai pas l'impression que les autorités de normalisation françaises, européennes et mondiales aient pris ce chemin, alors même que le caractère complètement hors-sol et procyclique des normes comptables internationales a été un facteur important du déclenchement de cette crise. Ce n'est pas parce qu'il n'y a plus de crise économique que le risque n'est pas sous-jacent. Comment analysez-vous la réforme des normes comptables depuis 2008 ? Les normes visent-elles désormais à éviter les crises plutôt qu'à nourrir ces dernières, dans une logique procyclique, par la valorisation des actifs ?

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L'Autorité des normes comptables peut se mêler, entre autres choses, de la façon dont sont gérées l'ensemble des opérations financières d'une entreprise, mais elle exerce surtout un pouvoir d'élaboration des normes comptables qui n'est pas sans importance. Ce sont ces normes qui régulent la publication d'informations sur les bénéfices et les impôts payés par les multinationales. L'ANC ayant le pouvoir de forcer les entreprises et les individus à la transparence, elle peut mettre son action au service de la lutte contre l'évasion fiscale.

Les récentes polémiques au sujet de l'estimation des recettes attendues d'une taxe sur les superprofits des pétroliers illustrent l'importance des normes comptables et l'impact politique de leur appréciation. En effet, selon la définition des bénéfices qui sera retenue dans les décrets d'application pris par le Gouvernement, les recettes pourront varier du tout au tout. Ainsi, alors que le Gouvernement annonçait le chiffre de 200 millions d'euros, l'Institut des politiques publiques tablait sur une recette de 7 milliards d'euros, donc trente-cinq fois supérieure à la prévision de l'exécutif.

Quelles sont vos ambitions et celles de l'ANC en matière de lutte contre l'évasion et la fraude fiscales ? Quelle définition des bénéfices le Gouvernement devrait-il retenir pour mettre en œuvre la taxe sur les superprofits ?

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Vous avez annoncé des normes extrafinancières en matière de climat pour fin mars 2023. Quels sont les éléments concrets dont l'ANC dispose à ce sujet ? Quel sera l'agenda probable de déclinaison de ces nouvelles normes pour les entreprises ? Que se passera-t-il si les États-Unis et le reste du monde refusent de les appliquer ? Quelles seront les contraintes supplémentaires pour nos entreprises ? Je ressens une légère inquiétude à ce sujet.

Vous avez également annoncé vouloir examiner en priorité la situation de certains secteurs. Lesquels, et pour quelles raisons ?

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Le 22 novembre, l'Efrag a remis à la Commission européenne un premier jeu de normes d'information en matière de durabilité, dites ESRS, posant les bases d'un langage standardisé commun pour traiter les questions de durabilité à travers l'Europe. Rappelons que le reporting de durabilité prévu par la directive CSRD s'imposera aux entreprises européennes à compter du 1er janvier 2024 pour les publications 2 025. Les normes ESRS développées par l'Efrag et adoptées par la Commission européenne vont ainsi devenir le référentiel de préparation du reporting d'information de durabilité.

Quelles sont les interactions entre l'ANC et l'Efrag, notamment au sujet de la durabilité ? Comment imposer le référentiel européen à l'échelle internationale ? Quelle complémentarité voyez-vous entre normes financières et normes de durabilité ? Par quels moyens préconisez-vous de sensibiliser le plus grand nombre de PME aux enjeux d'une comptabilité durable ?

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Votre présentation très détaillée des missions de l'ANC témoigne de votre implication sur ces sujets avant même que nous nous prononcions sur votre nomination.

Vous avez fait toute votre carrière dans le secteur public. Certains vous le reprochent. Pour ma part, je trouve que c'est une bonne chose au regard d'éventuels conflits d'intérêts, qui ne sont pas une vue de l'esprit si j'en crois le nombre très important de personnes ayant quitté l'Autorité des marchés financiers pour rejoindre le secteur privé en 2022 – je pense, par exemple, à Stéphanie Cabossioras, qui a rejoint une plateforme de cryptomonnaies après avoir participé à l'élaboration des nouvelles règles applicables aux acteurs des cryptoactifs.

Ma première question concerne les normes comptables comme moyen de lutter contre le réchauffement climatique. Avez-vous de nouvelles normes à proposer afin de mieux prendre en compte les coûts environnementaux ?

Ma deuxième question porte sur la spéculation boursière et les opérations court-termistes telles que le rachat d'actions des entreprises. Comment mieux réguler ces phénomènes qui participent, selon moi, à réduire l'investissement privé ?

L'article 8 du projet de loi DDADUE transpose en droit français la directive CSRD relative à la transparence extrafinancière des entreprises. Que pensez-vous de cette directive européenne ? Va-t-elle assez loin ?

Enfin, je me souviens des propos d'un professeur de comptabilité qui imputait l'intégralité de la crise de 2008 aux normes IFRS. Que pensez-vous de cette remarque ?

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Répondant au questionnaire transmis par Mme la rapporteure, vous avez écrit que seuls dix-sept des vingt et un postes que compte l'ANC étaient pourvus. Quelle en est la raison ? Que pensez-vous d'un tel manque d'attractivité ?

Alors que l'ANC est financée par des contributions volontaires, vous avez pointé du doigt le comportement d'entreprises telles qu'Atos, Carrefour, Peugeot, Stellantis et Bolloré, qui ne prennent pas part à ce financement. Comment pourrez-vous y remédier ? Proposerez-vous au Gouvernement que le Parlement puisse légiférer à ce sujet ?

Enfin, pensez-vous pouvoir siéger au collège de l'AMF – ce que vous serez amené à faire si le Parlement valide votre nomination à la tête de l'ANC – alors que vous avez exercé la fonction de président de cette autorité ?

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En matière climatique, une bonne partie des économistes et des scientifiques parlent depuis trente ans deux langues différentes. Un prix Nobel d'économie a ainsi récompensé l'auteur d'un modèle fixant le réchauffement climatique idéal à 3 degrés, alors même que les climatologues nous avertissent depuis des décennies – comme le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), d'ailleurs – que la Terre deviendrait largement inhumaine au-delà de 2 degrés de réchauffement. Pourtant, le Président de la République semble surpris par cette crise climatique. « Qui aurait pu prédire la crise climatique aux effets spectaculaires, encore cet été, dans notre pays ? », s'interrogeait-il le 31 décembre dernier.

Je peine à savoir si vous considérez vous-même que la rationalité économique ne peut plus se résumer à une simple optimisation de coûts monétaires et que la comptabilité peut contribuer à l'urgente et nécessaire transition écologique. Au-delà des enjeux de compétitivité, que pensez-vous des modèles de comptabilité écologique qui prennent en compte le capital naturel et le capital humain ?

Par ailleurs, l'ANC donne un avis sur toute disposition législative contenant des mesures de nature comptable applicables aux personnes soumises à l'obligation d'établir des documents comptables conformes aux normes de la comptabilité privée. À ce titre, que pensez-vous d'une mesure législative obligeant les multinationales, en particulier celles qui ne participent pas au financement de l'ANC, à intégrer dans leur bilan la dette écologique ?

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Si votre nomination est confirmée, comment pourrez-vous faire tourner l'ANC avec dix-sept personnes ?

Parmi les quatre missions de l'Autorité figure la recherche. Qu'a-t-elle fait dans ce domaine ? Avec une dotation de 100 000 euros, qui ne permet que de rembourser certains frais et de rémunérer une seule personne, on ne peut rien faire ! Or la recherche comptable est essentielle, comme le montrent les moyens qu'y consacrent les Américains.

Le fait que l'ANC reste un service de la Banque de France est-il à vos yeux une bonne chose ? Ne faudrait-il pas autonomiser cette autorité ?

L'une des fonctions de l'ANC est de donner des avis sur toute disposition législative ou réglementaire contenant des mesures de nature comptable. De tels avis sont certes très rares, mais sont-ils rendus publics ? Si votre nomination est validée, entendez-vous les publier ?

Enfin, quelle est votre position s'agissant de l'éventuelle fusion de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) et du Conseil national de l'ordre des experts-comptables (CSOEC) ?

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Robert Ophèle

Vos questions sont très précises et appelleraient des réponses très longues.

La comptabilité doit traduire la réalité économique de l'activité. C'est sa fonction première, qui n'est déjà pas simple. La coordination avec l'approche fiscale vient ensuite. Elle est cruciale, car l'impôt est calculé sur la base du résultat qui figure dans les comptes sociaux. Il existe environ 190 différences entre les approches fiscale et comptable. Il faut regarder de près ce que l'on peut faire pour améliorer la situation, mais chacun a sa responsabilité. La responsabilité comptable consiste à refléter la réalité économique – ce qui va parfois très au-delà du simple aspect financier. La dette écologique et la dette sociale sont des aspects qui doivent être pris en compte, car ils font partie de cette réalité. L'approche fiscale est différente.

La difficulté d'application du taux d'imposition minimum réside dans le fait que les approches fiscales sont très variables selon les pays. Aucun État ne calcule les impôts des entreprises en se fondant exclusivement sur les normes IFRS ; chacun a sa propre approche. Il est donc extraordinairement difficile de se repérer dans cet univers complexe.

Mais la boussole de l'ANC doit être la réalité économique. Elle est différente selon la taille de l'entreprise, et parfois aussi selon les pays.

Dans un certain nombre de cas, les normes comptables sont procycliques. C'est, par définition, un peu le cas lorsqu'on provisionne quand la situation est mauvaise. C'est la raison pour laquelle le président de l'ANC est membre du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), qui doit prendre en compte la dimension comptable dans ses analyses. La voix de l'ANC est importante dans cette enceinte.

L'ISSB dévoilera en mars ses normes sur les informations à fournir relatives au changement climatique. Nous pourrons alors revenir sur le sujet. L'approche retenue consiste à dire que ces normes formeront une base, sur laquelle les États qui sont plus avancés dans ce domaine pourront ajouter des éléments. Il faudra vérifier cette base, mais le respect des normes comptables extra-financières européennes, plus complètes, devrait emporter automatiquement celui des normes ISSB. Nous espérons que de nombreux États adopteront ces normes ISSB, car elles fourniraient un socle commun. Telle est l'ambition et nous verrons rapidement si elle est suivie d'effets.

La recherche a été évoquée à plusieurs reprises. En fait, l'ANC n'effectue pas directement des travaux de recherche. Elle a pour mission de les stimuler et d'exercer un effet de levier sur les capacités de recherche de la place. Je reconnais que les 100 000 euros consacrés par l'ANC à cette tâche sont peut-être un peu insuffisants. Il faudra en faire le meilleur usage et peut-être les augmenter.

Certains ont évoqué le fait qu'avec cette nomination je siégerai au collège de l'AMF alors que j'en suis l'ancien président. Je crois qu'il s'agit avant tout d'une question de comportement. Si vous acceptez ma nomination, je participerai aux travaux du collège de l'AMF en tant que président de l'ANC et en aucun cas en tant qu'ancien président de l'AMF. L'ANC a son mot à dire dans cette instance et la collaboration entre les deux autorités est très importante. L'AMF joue un rôle de leader en ce qui concerne les entreprises cotées, mais l'ANC porte la voix de la France aux niveaux européen et international. Son périmètre de responsabilités va très au-delà des seules très grandes entreprises cotées. Je m'attacherai, bien entendu, à rester dans le rôle de président de l'ANC et je n'irai pas sur un terrain qui n'est plus le mien.

Je ne suis pas certain que les commissaires aux comptes et les experts-comptables remplissent exactement les mêmes missions et prennent les mêmes engagements. Cela étant, procéder à une éventuelle fusion de ces professions est leur affaire.

L'ANC n'est en aucun cas placée sous l'autorité de la Banque de France, mais ce n'est pas non plus une autorité administrative indépendante (AAI), ni une autorité publique indépendante (API). Seul le collège de l'ANC et son président sont indépendants ; les services de l'ANC relèvent du ministère de l'économie et des finances. Mon opinion n'est pas arrêtée sur cette question, mais l'ANC n'est pas un superviseur et elle ne dispose pas de pouvoir de sanction. Cela n'appelle donc pas le même type d'organisation que pour une autorité comme l'AMF ou l'ACPR.

L'ANC procède à des analyses et fixe des normes. Pour ce faire, elle doit être à l'écoute de toutes les parties prenantes que sont les entreprises – grandes ou petites –, les réviseurs de compte, les investisseurs, la société civile et le Parlement. Il s'agit de savoir quelles informations leur sont nécessaires.

Je vais m'arrêter là, car je dois me rendre au Sénat. Je n'ai malheureusement peut-être pas répondu à toutes vos questions, mais si ma nomination est confirmée je suis bien entendu à la disposition de la commission et de ses membres pour poursuivre ces échanges.

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Je vous remercie. Nous allons pouvoir procéder au scrutin sur cette proposition de nomination, à huis clos.

Délibérant à huis clos, la commission se prononce par un vote au scrutin secret, dans les conditions prévues à l'article 29-1 du règlement, sur cette proposition de nomination.

Le dépouillement doit être effectué et les résultats du vote doivent être annoncés lors de la prochaine réunion de la commission, une fois que la commission des finances du Sénat aura également auditionné M. Robert Ophèle et voté sur cette proposition de nomination.

Information relative à la commission

La commission a désigné Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (n° 760).

* *

Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 25 janvier 2023 à 9 heures

Présents. - M. David Amiel, Mme Christine Arrighi, Mme Émilie Bonnivard, M. Philippe Brun, M. Fabrice Brun, M. Frédéric Cabrolier, M. Michel Castellani, M. Thomas Cazenave, M. Jean-René Cazeneuve, M. Florian Chauche, M. Charles de Courson, M. Dominique Da Silva, M. Jocelyn Dessigny, M. Fabien Di Filippo, M. Benjamin Dirx, Mme Stella Dupont, Mme Marina Ferrari, M. Luc Geismar, Mme Félicie Gérard, Mme Perrine Goulet, M. David Guiraud, Mme Nadia Hai, M. Patrick Hetzel, M. François Jolivet, M. Emmanuel Lacresse, M. Michel Lauzzana, Mme Constance Le Grip, M. Pascal Lecamp, Mme Charlotte Leduc, M. Mathieu Lefèvre, Mme Patricia Lemoine, M. Philippe Lottiaux, Mme Véronique Louwagie, M. Louis Margueritte, M. Bryan Masson, M. Damien Maudet, Mme Anne-Laurence Petel, Mme Christine Pires Beaune, M. Christophe Plassard, M. Sébastien Rome, M. Xavier Roseren, M. Michel Sala, Mme Eva Sas, M. Jean-Philippe Tanguy, M. Stéphane Vojetta

Excusés. - M. Christian Baptiste, M. Manuel Bompard, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Karine Lebon, M. Jean-Paul Mattei

Assistaient également à la réunion. - M. Dino Cinieri, M. Pierre Dharréville