Intervention de Robert Ophèle

Réunion du mercredi 25 janvier 2023 à 9h05
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Robert Ophèle :

Vos questions sont très précises et appelleraient des réponses très longues.

La comptabilité doit traduire la réalité économique de l'activité. C'est sa fonction première, qui n'est déjà pas simple. La coordination avec l'approche fiscale vient ensuite. Elle est cruciale, car l'impôt est calculé sur la base du résultat qui figure dans les comptes sociaux. Il existe environ 190 différences entre les approches fiscale et comptable. Il faut regarder de près ce que l'on peut faire pour améliorer la situation, mais chacun a sa responsabilité. La responsabilité comptable consiste à refléter la réalité économique – ce qui va parfois très au-delà du simple aspect financier. La dette écologique et la dette sociale sont des aspects qui doivent être pris en compte, car ils font partie de cette réalité. L'approche fiscale est différente.

La difficulté d'application du taux d'imposition minimum réside dans le fait que les approches fiscales sont très variables selon les pays. Aucun État ne calcule les impôts des entreprises en se fondant exclusivement sur les normes IFRS ; chacun a sa propre approche. Il est donc extraordinairement difficile de se repérer dans cet univers complexe.

Mais la boussole de l'ANC doit être la réalité économique. Elle est différente selon la taille de l'entreprise, et parfois aussi selon les pays.

Dans un certain nombre de cas, les normes comptables sont procycliques. C'est, par définition, un peu le cas lorsqu'on provisionne quand la situation est mauvaise. C'est la raison pour laquelle le président de l'ANC est membre du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), qui doit prendre en compte la dimension comptable dans ses analyses. La voix de l'ANC est importante dans cette enceinte.

L'ISSB dévoilera en mars ses normes sur les informations à fournir relatives au changement climatique. Nous pourrons alors revenir sur le sujet. L'approche retenue consiste à dire que ces normes formeront une base, sur laquelle les États qui sont plus avancés dans ce domaine pourront ajouter des éléments. Il faudra vérifier cette base, mais le respect des normes comptables extra-financières européennes, plus complètes, devrait emporter automatiquement celui des normes ISSB. Nous espérons que de nombreux États adopteront ces normes ISSB, car elles fourniraient un socle commun. Telle est l'ambition et nous verrons rapidement si elle est suivie d'effets.

La recherche a été évoquée à plusieurs reprises. En fait, l'ANC n'effectue pas directement des travaux de recherche. Elle a pour mission de les stimuler et d'exercer un effet de levier sur les capacités de recherche de la place. Je reconnais que les 100 000 euros consacrés par l'ANC à cette tâche sont peut-être un peu insuffisants. Il faudra en faire le meilleur usage et peut-être les augmenter.

Certains ont évoqué le fait qu'avec cette nomination je siégerai au collège de l'AMF alors que j'en suis l'ancien président. Je crois qu'il s'agit avant tout d'une question de comportement. Si vous acceptez ma nomination, je participerai aux travaux du collège de l'AMF en tant que président de l'ANC et en aucun cas en tant qu'ancien président de l'AMF. L'ANC a son mot à dire dans cette instance et la collaboration entre les deux autorités est très importante. L'AMF joue un rôle de leader en ce qui concerne les entreprises cotées, mais l'ANC porte la voix de la France aux niveaux européen et international. Son périmètre de responsabilités va très au-delà des seules très grandes entreprises cotées. Je m'attacherai, bien entendu, à rester dans le rôle de président de l'ANC et je n'irai pas sur un terrain qui n'est plus le mien.

Je ne suis pas certain que les commissaires aux comptes et les experts-comptables remplissent exactement les mêmes missions et prennent les mêmes engagements. Cela étant, procéder à une éventuelle fusion de ces professions est leur affaire.

L'ANC n'est en aucun cas placée sous l'autorité de la Banque de France, mais ce n'est pas non plus une autorité administrative indépendante (AAI), ni une autorité publique indépendante (API). Seul le collège de l'ANC et son président sont indépendants ; les services de l'ANC relèvent du ministère de l'économie et des finances. Mon opinion n'est pas arrêtée sur cette question, mais l'ANC n'est pas un superviseur et elle ne dispose pas de pouvoir de sanction. Cela n'appelle donc pas le même type d'organisation que pour une autorité comme l'AMF ou l'ACPR.

L'ANC procède à des analyses et fixe des normes. Pour ce faire, elle doit être à l'écoute de toutes les parties prenantes que sont les entreprises – grandes ou petites –, les réviseurs de compte, les investisseurs, la société civile et le Parlement. Il s'agit de savoir quelles informations leur sont nécessaires.

Je vais m'arrêter là, car je dois me rendre au Sénat. Je n'ai malheureusement peut-être pas répondu à toutes vos questions, mais si ma nomination est confirmée je suis bien entendu à la disposition de la commission et de ses membres pour poursuivre ces échanges.

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