COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Jeudi 3 novembre 2022
Présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, Président de la Commission
La séance est ouverte à 8 heures 31.
Nous avons le plaisir d'accueillir Laurence Boone, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée de l'Europe, pour nous parler du lancement, le 6 octobre, de la Communauté politique européenne (CPE) ainsi que des résultats du Conseil européen des 20 et 21 octobre à Bruxelles.
Nous nous félicitons que le sommet de Prague ait institué la CPE, projet voulu, pensé et proposé par le Président de la République le 9 mai, à Strasbourg, lors de la conclusion de la Conférence sur l'avenir de l'Europe, et qui a trouvé un débouché après six mois d'âpres discussions avec nos partenaires européens. Ce concept a engendré des doutes, parfois du scepticisme. Grâce à l'action de la diplomatie française, du Gouvernement, de vous-même et du Président de la République, les inquiétudes ont été levées.
Le sommet de Prague peut être considéré comme un succès puisque quarante-quatre chefs d'État et de gouvernement y ont participé. Parmi les dix-sept pays qui ne sont pas membres de l'Union européenne, certains sont candidats pour le devenir, d'autres pas, comme le Royaume-Uni et la Norvège. Ce cadre large a permis des discussions approfondies sur des sujets structurants pour l'avenir du continent, comme la sécurité, la politique étrangère, la recherche, l'éducation ou la rencontre entre les sociétés civiles et la jeunesse. Nous aimerions vous entendre sur la nature de ces échanges. C'était aussi et surtout un message de solidarité et d'unité des Européens au moment où la guerre est de retour sur le continent. Nous en avons besoin, face à l'agression brutale, totale et massive de la Russie contre l'Ukraine.
En dépit de quelques divergences et différences d'appréciation, l'unité et la solidarité se sont également retrouvées lors du Conseil des 20 et 21 octobre : unité énergétique au travers de la définition d'un nouvel indice de prix du gaz pour réduire les prix, unité et solidarité pour soutenir l'Ukraine à l'aide de mesures comme le lancement d'une mission européenne pour former ses soldats ou l'allocation de 500 millions d'euros supplémentaires pour aider ses forces.
L'audition par votre commission de M. Sannino, secrétaire général du Service européen d'action extérieure (SEAE), à la veille du sommet de Prague vous a permis d'en aborder ses grandes lignes. J'irai donc directement aux conclusions qui peuvent en être tirées.
Cet événement a réuni les chefs d'État et de gouvernement de quarante-quatre pays : les vingt-sept États membres de l'Union européenne, l'Ukraine, la Moldavie, la Géorgie, les six pays des Balkans occidentaux, le Royaume-Uni, la Turquie, les quatre pays de l'Association européenne de libre-échange (AELE), l'Arménie et l'Azerbaïdjan. C'était, incontestablement, un signal encourageant.
Un message fort d'unité face à la Russie a été envoyé. C'était le but premier de cet événement, qui a également marqué la détermination des quarante-quatre pays à affronter ensemble leurs défis communs en tant que membres de la famille européenne.
Avec un léger recul, nous pouvons affirmer que ce premier sommet de la Communauté politique européenne a été un succès. La France, qui en a lancé l'initiative il y a moins de six mois et qui a soutenu les efforts de la présidence tchèque pour organiser ce premier rendez-vous, peut être fière d'avoir contribué à ce résultat.
Ce succès s'explique d'abord par un important travail de conviction mené auprès de nos partenaires européens, qui a permis de les rassurer quant à nos intentions. Je remercie ceux qui, ici, l'ont soutenu. S'agissant de l'articulation entre la Communauté politique européenne et l'élargissement de l'Union européenne, il a fallu répéter – et il faudra continuer – que la CPE contribuerait à renforcer l'ancrage européen des pays candidats par des projets concrets, sans attendre l'aboutissement d'un processus qui peut se révéler très long. Il a aussi fallu rassurer concernant la nature institutionnelle de la CPE et le risque de concurrence avec d'autres structures. Nous avons défendu l'idée qu'il s'agirait d'un format intergouvernemental souple, qui associerait les institutions européennes, respecterait l'autonomie décisionnelle de l'Union – c'était important pour que les pays aux frontières nord et sud de l'Europe en soient – et ne dupliquerait pas les organisations européennes existantes.
Cette première réunion a répondu au besoin stratégique de renforcer le dialogue politique à l'échelle du continent et a défini les grandes thématiques étant l'objet de préoccupations partagées : la paix et la stabilité d'une part, l'énergie, le climat et l'économie d'autre part. Les participants se sont accordés quant à la nécessité de poursuivre le soutien à l'Ukraine, afin de renforcer sa résilience et de franchir les prochaines étapes, lesquelles ont été discutées au Conseil européen.
Parallèlement aux discussions plénières, des échanges en format réduit ont abouti à des résultats tangibles. Pour citer ce seul exemple, les échanges entre le président Macron, le président du Conseil européen, Charles Michel, et les chefs d'État d'Arménie et d'Azerbaïdjan ont abouti à un accord sur l'envoi d'une mission européenne d'observation dans la zone de conflit entre les deux pays.
Un autre objectif du sommet visait à se mettre d'accord sur sept champs de coopération : la protection de nos infrastructures essentielles ; la coordination de nos politiques énergétiques, afin de réduire la dépendance et de limiter la hausse des prix ; la lutte contre la cybercriminalité, la propagande et la désinformation ; une approche commune des questions de jeunesse, de manière à renforcer les coopérations entre les universités ainsi que les politiques éducatives européennes ; la gestion intégrée des flux migratoires, avec l'accueil des migrants et la lutte contre les réseaux de passeurs ; des sujets régionaux dans la mer Noire, la mer Baltique et le Caucase.
L'enthousiasme a conduit plusieurs États comme la Moldavie, l'Espagne ou le Royaume-Uni à proposer d'accueillir les prochains sommets.
Nous devons consolider la CPE par des projets concrets, à commencer par un travail de fond sur les coopérations sectorielles, notamment avec les candidats à l'adhésion à l'Union européenne. Deux types de projets peuvent être mentionnés : ceux qui concernent les infrastructures et la connectivité, en particulier dans le contexte d'urgence lié à l'hiver et à la guerre – l'énergie, le climat, le numérique, les connexions de transport et l'agriculture ; et des projets économiques et sociaux plus larges, comme les chaînes d'approvisionnement, les enjeux sanitaires ou le renforcement qualitatif et la mobilité des ressources humaines.
L'enjeu politique est évident et le défi technique, considérable, si l'on veut ne pas dupliquer ce qui existe. Les propositions que vous pourrez nous adresser seront les bienvenues. Nous avons besoin de toutes les bonnes volontés.
Cette première réunion de la CPE et ses suites sont le signal diplomatique et géopolitique que la France continue à être à l'initiative en Europe.
J'en viens aux résultats du Conseil européen des 20 et 21 octobre, préparé par une réunion à Prague le 7 octobre. En premier lieu, le Conseil a continué à condamner avec la plus grande fermeté les récentes attaques de missiles et de drones perpétrées sans discrimination contre des civils, des biens et des infrastructures à Kiev et dans toute l'Ukraine. Lors de sa conférence de presse, le Président de la République a indiqué que cette stratégie russe vise à détruire méthodiquement les capacités de résistance et les infrastructures civiles essentielles pour l'hiver. Nous maintiendrons la pression sur le régime russe, pour l'affaiblir durablement, avec des sanctions dont l'objectif est d'asphyxier l'effort de guerre. Des mesures restrictives ciblent aussi les alliés du Kremlin. Des sanctions ont ainsi été prononcées en réaction au transfert de drones iraniens à la Russie, et nous sommes prêts à prendre de nouvelles mesures à l'encontre de la Biélorussie.
Les chefs d'État et de gouvernement ont réaffirmé leur solidarité et leur unité avec l'Ukraine, ainsi que leur soutien sans faille et dans la durée. Sur le plan humanitaire, l'Union européenne se tiendra aux côtés de l'Ukraine, comme elle l'a toujours fait, en particulier en vue de la préparation de l'hiver. Sur le plan militaire, une mission européenne de formation des soldats ukrainiens a été décidée. La France y prendra toute sa part. A également été acté un nouveau renforcement des mesures d'assistance aux armées ukrainiennes au titre de la facilité européenne pour la paix. Sur le plan financier, les dirigeants européens ont soutenu les efforts permettant la poursuite du décaissement rapide de la deuxième tranche de l'aide macrofinancière pour l'Ukraine, d'un montant de 5 milliards d'euros, et la mise à disposition des 3 milliards restants. Le soutien européen s'exprime aussi sur le plan politique, avec la perspective européenne de l'Ukraine et le succès du premier sommet de la CPE.
L'Union européenne a rappelé sa détermination à soutenir les efforts pour la reconstruction de l'Ukraine en collaboration avec les partenaires internationaux, et à lutter contre la désinformation visant à réduire nos efforts collectifs pour soutenir la souveraineté de l'Ukraine et l'ordre international. À cet égard, Monsieur le président, je salue votre initiative d'avoir organisé au sein de cette commission une table ronde sur les ingérences étrangères dans les processus démocratiques de l'Union européenne. Au ministère de l'Europe et des affaires étrangères, ce sujet nous tient à cœur.
Le Conseil a également traité de l'insécurité alimentaire mondiale causée par la guerre que la Russie a engagée contre l'Ukraine, en soulignant la responsabilité russe en la matière et en affirmant la nécessité de renforcer les corridors de solidarité, qui ont déjà permis de faire sortir d'Ukraine plus de 10 millions de tonnes de céréales.
En deuxième lieu, le Conseil a évoqué la crise énergétique. Votre commission s'est emparée de ce sujet dès le 22 septembre, notamment en organisant une table ronde sur le sujet. Je vous remercie pour cette initiative, qui montre que nous pouvons tous ici partager les mêmes urgences et faire au mieux pour y remédier. Le Conseil est revenu sur les propositions de la Commission européenne du 18 octobre, qui complètent les règlements déjà adoptés. Nous avons avancé s'agissant du renforcement du stockage de gaz, de la réduction de la consommation d'énergie, de la contribution des entreprises énergétiques et de la diversification des approvisionnements. À la demande des États membres, la Commission complétera ces dispositions par de nouvelles propositions qui permettront de créer une plateforme d'achats conjoints à l'échelle de l'Union et des pays membres de la Communauté de l'énergie. Ce sera décisif pour notre approvisionnement et pour notre pouvoir de négociation en vue de remplir les stocks de gaz dans la perspective de l'hiver. Ces nouvelles propositions faciliteront aussi la conclusion d'accords de solidarité entre États membres et ouvriront la porte à d'autres mesures relatives à la consommation de gaz ou aux prix.
Les conclusions du Conseil accueillent positivement ces perspectives, renforcent le mandat de la Commission pour agir urgemment et de manière ambitieuse, fixent un cap et un calendrier clair, avec des propositions concrètes pour réduire les prix de l'électricité et du gaz à court terme. Concernant ces derniers, plusieurs dispositions sont en cours d'étude, dont l'évolution de l'indice reflétant les prix du gaz, un corridor de prix et le plafonnement des prix du gaz utilisé dans la production d'électricité. Elles ont donné lieu à un premier échange politique lors du conseil « Énergie » du 25 octobre. La présidence tchèque a annoncé que son objectif était d'obtenir leur adoption dès le 24 novembre, à l'occasion d'un nouveau conseil « Énergie ».
S'il a été fait beaucoup en peu de temps, il convient d'aller plus loin. Nous attendons de la Commission qu'elle fasse de nouvelles propositions, notamment en vue du découplage du prix de l'électricité et du gaz. Nous souhaitons surtout une réforme structurelle à moyen terme du marché de l'énergie afin qu'il soit plus cohérent et moins volatil ; nous espérons pouvoir avancer dans cette voie au début 2023.
En troisième lieu, le Conseil européen est revenu sur la situation économique, en particulier sur l'inflation et ses effets sur les personnes et les perspectives de croissance. Grâce aux mesures destinées à soutenir le pouvoir d'achat des Français, adoptées par l'Assemblée, la France s'en sort mieux que ses partenaires européens, puisqu'elle affiche une inflation de 6,2 %, contre plus de 10 % en moyenne dans la zone euro. D'autres dispositifs sont en cours de déploiement : un nouveau chèque énergie pour les foyers les plus modestes d'ici à la fin d'année et le renouvellement du bouclier tarifaire en 2023. Tous nos partenaires européens ont adopté des mesures similaires, avec une ampleur variable. Nous devons veiller à ce que ces mesures nationales ne conduisent pas à des divergences économiques au sein de la zone euro et à un déséquilibre entre les États membres, qui n'ont pas tous la capacité à prendre des mesures aussi généreuses que les nôtres.
Les États membres ont réaffirmé la nécessité d'instaurer un cadre commun assurant une réelle solidarité financière. La Commission a présenté une nouvelle modification de l'encadrement temporaire des mesures d'aide d'État, qui permet de soutenir l'économie après l'agression de la Russie contre l'Ukraine. Elle étudiera, à la demande du Conseil, une action économique commune pour les États membres qui ne disposent pas des mêmes marges de manœuvre que nous. Tel est le sens de la proposition REPowerEU, visant à réduire la dépendance de l'Union en combustibles fossiles importés de Russie, qui est discutée en trilogue avec le Parlement européen. La Commission pourrait émettre de nouvelles propositions afin d'augmenter la part des subventions dans ce paquet financier. Plus largement, les Vingt-Sept lui ont demandé, ainsi qu'aux ministres des finances, de réfléchir à des mécanismes européens de solidarité financière, à l'instar de ce qui avait été fait pour le covid-19.
Le Conseil a traité des relations extérieures de l'Union européenne, notamment avec la Chine. Il a réaffirmé la pertinence du concept de « concurrence, coopération et rivalité systémique » par lequel l'Union définit son approche des relations avec ce pays, sans naïveté quant à l'évolution récente du comportement de la Chine, et avec un glissement graduel vers une rivalité plus affirmée, notamment sur le plan des valeurs. La réponse européenne continuera de s'adapter à ces changements structurels et à leurs manifestations, qu'il s'agisse de la position chinoise sur la guerre en Ukraine ou de la montée des tensions dans le détroit de Taïwan. Si nous ne sommes pas naïfs, nous savons aussi que nous avons besoin de la Chine pour certaines coopérations dans le cadre d'enjeux globaux et multilatéraux, comme la lutte contre le changement climatique. Nous poursuivrons ces coopérations, sans cesser de défendre fermement nos valeurs et les droits de l'homme. La proposition de règlement de la Commission relatif à l'interdiction des produits issus du travail forcé sur le marché de l'Union en témoigne. Nous sommes la première grande zone à faire ce pas.
Enfin, le Conseil est revenu sur la préparation de deux grandes échéances internationales : la COP27, qui commence à la fin de la semaine à Charm el-Cheikh, et le sommet de décembre entre l'Union européenne et l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean). Alors que les émissions mondiales de gaz à effet de serre continuent d'augmenter, les tensions sur les marchés énergétiques menacent l'intégrité des engagements climatiques internationaux. Les événements météorologiques de cette année ont montré l'urgence de faire face au changement climatique. Lors du conseil « Environnement » du 24 octobre, les ministres de l'environnement ont d'ailleurs adopté à l'unanimité un mandat de négociation très ambitieux pour la COP27. Pour la France, poursuivre une action climatique forte est une priorité. Quant au sommet entre l'Union européenne et l'Asean, il sera l'occasion de mettre en valeur notre stratégie indopacifique et ses réalisations.
L'agenda du Conseil européen était chargé, et il le reste. Partout où nous avançons et où nous le pouvons, nous renforçons la capacité d'action de l'Union européenne.
Je vous remercie d'avoir parlé de solidarité européenne, à l'heure où l'Union se trouve à la croisée des chemins. La guerre en Ukraine nous oblige à repenser les relations qui unissent l'Union européenne à son environnement immédiat. La politique de voisinage de l'Europe était depuis longtemps à l'arrêt, et la France ne comptait pas au nombre des pays les plus volontaristes dans ce domaine. Alors qu'elle redevient un enjeu majeur, le Président de la République a lancé, lors de la Conférence sur l'avenir de l'Europe, l'idée d'une communauté politique européenne. Son premier sommet a été un succès et a permis d'ouvrir des perspectives encourageantes pour renforcer le dialogue stratégique et la coopération à l'échelle du continent. Quels seront les critères d'adhésion et les modalités de fonctionnement de cette instance de coopération, qui n'en est qu'à ses prémices ? Il serait important d'associer les parlementaires nationaux au processus de création de la CPE. C'est dans cette optique qu'un groupe de travail sur l'avenir de l'Europe sera proposé le 7 novembre à Berlin, lors de séance plénière de l'assemblée parlementaire franco-allemande.
La France et le président Macron ont joué un rôle important pour parvenir à une position commune face à la crise énergétique. Pouvons-nous espérer une application rapide des propositions retenues ?
Qu'est-ce que le « socle de valeurs » sur lequel se fonde la CPE ? S'agit-il des valeurs qui ont prévalu il y a bientôt trente ans, lorsque l'Europe n'a pas su réagir à la guerre de Yougoslavie, qui a eu pour conséquence la circulation des armes dans nos cités ? De celles qui ont prévalu lors du Printemps arabe, qui a conduit à la déstabilisation totale de la bande sahélienne et de l'Afrique subsaharienne, et à ce que les mafias nigérianes viennent jusque dans nos cités déstabiliser un peu plus les données de la civilité ? De celles qui ont conduit à cette forme de naïveté et sans doute d'aveuglement qui a fait que, pendant huit ans, les institutions européennes n'ont pas réussi à empêcher la guerre en Ukraine alors qu'elles en avaient la possibilité ? Ce conflit n'aurait jamais dû avoir lieu. De cette période de profonde instabilité, et peut-être de guerre généralisée, que ressortira-t-il ? La circulation pendant vingt ans dans notre pays d'armes que nous aurons payées nous-mêmes ?
N'êtes-vous pas interpellée par la description de la CPE, qui ressemble furieusement à l'Eurasie occidentale définie dans Le grand échiquier de Brzezinski ?
Mesurez-vous que nous sommes en train de créer des dangers supplémentaires ? La Grèce se réarme contre la Turquie, le confit entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie n'est pas réglé et, surtout, nous sommes entrés dans une guerre économique, une guerre énergétique que nous aurions dû empêcher par un moratoire sur le marché unique de l'énergie dès le premier semestre 2021.
Le 21 octobre, Emmanuel Macron annonçait le retrait de la France du Traité sur la charte de l'énergie (TCE), dans la foulée de l'Italie, de l'Espagne, de la Pologne et des Pays-Bas. Nous nous réjouissons qu'il nous ait entendus. Au Parlement européen, le groupe de la gauche unitaire européenne (GUE) auquel appartient La France insoumise était jusqu'alors le seul à défendre ce retrait, en relation avec les associations pour le climat et les ONG. Ce traité est antiécologique et antidémocratique puisqu'il permet aux industriels de réclamer des dédommagements à un État dont les décisions affectent la rentabilité de leurs investissements, y compris lorsqu'il s'agit de soutenir les énergies renouvelables.
Néanmoins, nous ne sommes pas dupes. En se retirant d'un traité décrié par nombre d'ONG de défense du climat, le Gouvernement tente une opération médiatique, qui ne nous fait pas oublier qu'il a été condamné à quatre reprises pour inaction climatique, notamment pour le non-respect des accords de Paris. En outre, le TCE est censé s'appliquer encore vingt ans après le retrait d'un pays signataire. Comment expliquez-vous que vous n'alliez pas plus loin dans la désobéissance ? Il est possible de ne pas respecter des traités qui sont contradictoires avec les engagements pris par la France. À La France insoumise, nous sommes les premiers à rappeler que la France possède une capacité d'entraînement des États au sein de l'Union européenne.
Il faut aller plus loin, désobéir aux traités commerciaux de libre-échange comme le traité de libre-échange transatlantique (Tafta) et le traité avec la Nouvelle-Zélande, et désobéir aux traités imposant l'austérité budgétaire. Si vous aviez désobéi, vous n'auriez pas eu besoin de recourir par quatre fois au 49.3 pour faire passer en force votre projet de loi de finances et votre projet de loi de financement de la sécurité sociale austéritaires. D'ailleurs, que deviendront les amendements pour l'écologie que nous avons démocratiquement fait adopter par l'Assemblée – ceux prévoyant 12 milliards pour la rénovation énergétique et 3 milliards pour le déploiement du ferroviaire ?
Nous nous félicitons de la tenue du sommet de Prague, qui a permis aux chefs d'État et de gouvernement de quarante-quatre pays européens de se rencontrer et d'échanger, tant les messages d'unité et de solidarité avec l'Ukraine sont importants. Les enjeux sont de taille mais il existe des risques. Le premier est celui de l'empilement des structures et de la duplication d'organismes existants, avec pour conséquence une illisibilité pour nos concitoyens. Comment pensez-vous le conjurer ? L'autre est l'absence de résultats, qui éloignerait davantage nos concitoyens de l'Europe. Y aura-t-il un processus de suivi des résultats obtenus dans les sept champs de coopération ? Quel calendrier a été fixé pour ces objectifs nombreux et ambitieux ?
Alors que nous avions félicité le Président de la République d'avoir organisé une rencontre commune avec Angela Merkel et le président Xi, le chancelier Scholz se rendra seul en Chine, contrairement à ce que souhaitait le Président. Cela traduit une difficulté dans les relations entre l'Allemagne et la France. Comment évaluez-vous la situation ?
Lors de son discours de clôture du sommet de Prague, le Président de la République a présenté la CPE comme un nouvel espace de coopération politique ouvert aux nations européennes démocratiques qui adhèrent à notre socle de valeurs. Force est de constater de nombreuses convergences avec le Conseil de l'Europe, lequel rassemble les nations européennes qui cherchent, dans le respect du droit, des solutions aux problèmes de société. Si la CPE a rappelé un certain nombre de valeurs communes face à l'agression russe en Ukraine, le Conseil de l'Europe a lui aussi, en excluant la Russie le 16 mars dernier, pris la mesure des immenses défis que posent ces temps troubles. Quelle sera la gouvernance de la CPE ? Quelle structure permanente y sera rattachée, avec quel personnel dédié ? La ville de Strasbourg, que l'histoire a érigée en symbole de la construction européenne, voit régulièrement son statut remis en cause. Il serait intéressant d'y implanter les instances de gouvernance de la CPE en ces temps d'incertitude et, parfois, de division. Est-ce le projet de l'exécutif ?
Quels seront les domaines d'action de la CPE ? Quelles sont les différences avec le Conseil de l'Europe ? La CPE se limitera-t-elle à être une sorte de Conseil de l'Europe de la défense ?
Le sommet de Prague est un succès à bien des égards. Il pose les fondations d'une stratégie commune au-delà des frontières de l'Union et constitue un complément essentiel à la politique européenne de voisinage. Comme je l'ai rappelé lors des questions au Gouvernement du 11 octobre, il a aussi permis de réunir les dirigeants azerbaïdjanais et arménien. Afin d'aider à la reconnaissance mutuelle de la frontière entre les deux pays, il a été déployé en Arménie une mission civile européenne, dont les contours ont été dessinés lors du conseil des affaires étrangères du 17 octobre à Luxembourg. Elle est composée d'experts qui étaient déjà présents en Géorgie, et doit permettre à l'Union européenne de mieux cerner l'évolution de la situation et de contribuer à la délimitation de la frontière. En parallèle, une équipe d'évaluation des besoins – notamment d'ordre humanitaire – a été envoyée par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en Arménie. Elle devait consulter les parties prenantes nationales et locales du 21 au 27 octobre. Il serait intéressant de connaître ses conclusions. Celles du Conseil européen des 20 et 21 octobre ne font pas référence au conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. L'attention est prêtée, à juste titre, au conflit ukrainien et aux enjeux énergétiques et alimentaires qui en découlent. Comment la France agit-elle, à l'échelon européen, pour garder le conflit dans le Caucase au plus haut dans l'agenda ? Des actions sont-elles envisagées par le Conseil et par la diplomatie européenne afin d'assurer le succès de la médiation entamée à Prague ?
Deux constats s'imposent. Le premier concerne l'ampleur des dégâts de la politique européenne de l'énergie depuis le traité de Maastricht. En moins de trente ans, la libéralisation des marchés de l'électricité et du gaz a placé l'Europe et les Européens au bord du précipice. Pire, en appuyant la dérive de la politique énergétique allemande avec l'indexation des prix de l'électricité sur le gaz et la multiplication des centrales thermiques au gaz pour compenser les énergies renouvelables intermittentes, ce système européen est une machine à spéculation.
Le second constat est que la France subit de façon absurde les conséquences de la volatilité des cours du gaz sur le marché européen de l'électricité, alors que sa production d'électricité provient aux trois quarts de centrales nucléaires. Face à l'explosion des prix, la Commission européenne avait appelé, en septembre, à découpler le prix de l'électricité de celui du gaz. Qu'en est-il, à l'issue du Conseil européen des 20 et 21 octobre ? Je retiens trois points. D'abord, « un nouvel indice de référence complémentaire d'ici le début de l'année 2023 qui reflète plus exactement les conditions du marché du gaz » : concrètement, c'est quoi ? Ensuite, « un corridor de prix dynamique temporaire pour les transactions portant sur le gaz naturel » : concrètement, c'est quoi ? Enfin, « un cadre temporaire de l'Union européenne visant à plafonner le prix du gaz utilisé dans la production d'électricité […] sans modifier l'ordre de préséance économique » : concrètement, c'est quoi ?
Pour résumer : premièrement, le gaz, toujours le gaz ; deuxièmement, l'étalon gaz, toujours l'étalon gaz ; troisièmement, le poids de l'Allemagne, toujours le poids de l'Allemagne. Bref, rien de nouveau ! Partagez-vous mon point de vue ?
Je répondrai de façon groupée aux nombreuses questions relatives à la CPE. Certes, le Conseil de l'Europe et l'OSCE couvrent un champ géographique proche, voire très proche de celui de la CPE. Il en va de même pour la politique européenne de voisinage et pour le partenariat oriental. La CPE n'est pas pour autant une organisation multilatérale concurrente. Une majorité des partenaires, y compris la France, a préféré un format souple, non institutionnalisé, plus proche du G7 ou du G20, lesquels fonctionnent – très bien – sans secrétariat formel.
Il faudra articuler les travaux de la CPE avec ceux de l'OSCE, en réservant à cette dernière l'exclusivité du traitement formel de la maîtrise des armements et de la transparence des activités militaires, et avec ceux du Conseil de l'Europe, qui doit conserver ses prérogatives en matière de droits de l'homme, d'État de droit et de lutte contre la corruption. À titre d'exemple, alors que le deuxième sommet de la CPE se tiendra au printemps 2023 en Moldavie et que le quatrième sommet des chefs d'État et de gouvernement du Conseil de l'Europe doit avoir lieu à la mi-mai à Reykjavik, l'Union européenne et la CPE se coordonnent avec l'Islande pour garantir une parfaite articulation entre les deux événements.
Il n'y a pas de critères d'adhésion, Madame Tanguy, précisément pour éviter les duplications.
S'agissant des valeurs, Madame Mélin, la CPE a pour objectif de soutenir la paix et la sécurité du continent, ainsi que les interconnexions énergétiques entre ses partenaires. Vous en conviendrez, la dernière chose dont nous avons envie est que la Russie s'en charge !
Si nous avions prononcé un moratoire sur le marché unique, nous n'aurions plus d'électricité. Dans le cadre de la solidarité européenne, nous importons de l'électricité et nous exportons du gaz. C'est ainsi que nous assurons notre sécurité énergétique.
En matière d'affaires étrangères, outre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, la CPE a permis de réunir de façon inédite le président Erdoğan et le Premier ministre arménien Pashynian, de même que le Premier ministre grec, le président de la République chypriote et M. Erdoğan. Nous apaisons les tensions que vous évoquiez.
Monsieur Herbillon, des « sherpas » seront désignés dans les quarante-quatre pays pour assurer le suivi des résultats. Un rendez-vous sera organisé en Moldavie, puis dans un pays de l'Union européenne toutes les deux réunions – à commencer, probablement, par l'Espagne, qui assurera alors la présidence de l'Union européenne.
À l'occasion du Conseil européen, le Président de la République a exposé avec clarté l'évolution de la doctrine relative aux relations avec la Chine. Il en a parlé très franchement avec le chancelier Scholz juste avant le Conseil. Il faut revenir à l'essentiel, qui est de défendre ensemble la souveraineté européenne et la réduction de nos dépendances critiques. Nous y travaillons dans la perspective du prochain Conseil des ministres franco-allemand, qui devrait se tenir en janvier.
Je prends bonne note de la proposition de Mme Morel d'ancrer la CPE à Strasbourg ; je suis sûre qu'elle ne manquera pas de susciter beaucoup d'intérêt.
Madame Oziol, nous avons toutes les raisons de nous féliciter du retrait du Traité sur la charte de l'énergie. Je remercie Barbara Pompili pour son soutien à Clément Beaune dans cette démarche. Nous étions très heureux que le Président puisse l'annoncer le 21 octobre. Une procédure est en cours. Nous estimons que les amendements sont insuffisants mais nous les voterons pour ne pas pénaliser les pays qui resteront dans le traité et parce qu'ils n'entraîneront des modifications qu'en 2040, qui est l'horizon de notre retrait plein. Je précise que si, avec d'autres pays, nous nous retirons, nous ne désobéissons pas. C'est assez différent – les mots ont un sens. Je rappelle aussi que nous avons la politique la moins austère des vingt-sept pays de l'Union européenne, et le bouclier tarifaire le plus important. Il est peut-être difficile de l'accepter, mais c'est un fait.
Madame Gérard, vous m'interrogez sur les discussions entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Il était émouvant de voir ces chefs d'État et de gouvernement, qui ne s'étaient pas parlé depuis trop longtemps, discuter avec le président du Conseil européen et avec le Président de la République pour instaurer la mission qui évaluera les conséquences des affrontements pour la population locale, pour l'environnement et pour les infrastructures civiles. Nous attendons son rapport. Cette mission était demandée par les Arméniens. Nous suivrons de près ses résultats, dont nous disposerons, je l'espère, avant le prochain sommet de la CPE.
Monsieur le président Chassaigne, nous pouvons convenir que l'objectif du marché européen énergétique, qui était de favoriser le développement des énergies renouvelables, a été atteint et a permis de fournir de l'énergie à des prix abordables pendant des dizaines d'années, jusqu'à la guerre déclenchée par la Russie envers l'Ukraine. Ce n'est pas la Commission européenne qui a appelé à découpler le prix du gaz et de l'électricité, ce sont plusieurs États membres, dont la France, et cela avec beaucoup d'insistance. Deux questions méritent d'être distinguées : d'une part, le découplage temporaire pour faire face à l'hiver, d'autre part, une réforme en profondeur du fonctionnement du marché de l'électricité afin de le rendre plus approprié et ajusté à notre mix énergétique, en vue de laquelle la Commission présentera des mesures. Nous ne sommes pas concentrés sur le prix du gaz. Nous avons aussi proposé des mesures pour faire baisser le prix de l'électricité. La solidarité fonctionne dans les deux sens.
Le Président de la République envisage la CPE comme une plateforme de coordination politique entre les pays de l'Union européenne et leurs voisins. La singularité du sommet de Prague du 6 octobre réside dans le fait qu'il réunissait, aux côtés des États membres, à la fois des pays candidats à l'adhésion à l'Union et le Royaume-Uni, qui a décidé de la quitter. Si l'on peut se réjouir de la participation de ce dernier aux discussions, des inquiétudes sont nées dans les pays qui souhaitent rejoindre l'Union, dont sept ont le statut de candidats à l'intégration – notamment l'Ukraine et la Moldavie. Alors que le processus d'adhésion est long et complexe, la CPE constitue une phase d'intégration plus poussée que les accords d'association déjà conclus, et une nouvelle marche vers le statut d'État membre. Certains candidats, comme l'Ukraine, qui espéraient une adhésion accélérée, la perçoivent comme une antichambre à l'adhésion, justifiant le report sine die de leur intégration. Quelles sont les conséquences de la CPE pour la procédure d'élargissement de l'Union européenne, et son rôle dans les relations avec le Royaume-Uni ?
L'Europe n'est pas la construction d'un parlement ou la publication de décrets, elle est le fruit de la volonté des peuples à se donner une nouvelle dimension après l'un des pires épisodes qu'a traversé le continent européen – et cette volonté l'emporte sur la volonté politique de leurs représentants. L'esprit étant plus important que la lettre, quelle est la raison d'être de la CPE ? Quelle place y donnera-t-on à la société civile, qui n'est pas toujours suffisamment entendue, ce qui se traduit parfois de la pire des façons, en amenant au pouvoir des gouvernements très éloignés des idéaux républicains et européens ? Comment perpétuer une voie de partage, de coopération et de fraternité entre les peuples, aujourd'hui mise à mal en Europe et à travers le monde ? Quelles perspectives envisagez-vous afin que ce que nous construisons en Europe ait une résonance internationale et nous permette de faire face à certaines superpuissances – la Russie et la Chine, mais aussi les États-Unis –, avec lesquelles nos rapports vont souvent à l'encontre de notre intérêt national et de l'intérêt européen ?
Depuis le 24 février, la guerre montre le concret des valeurs. Chez nous, les soldats sont citoyens, l'économie, c'est de la coopération et non une arme de guerre, et la société civile est non pas bombardée, mais associée.
La CPE pourrait s'occuper d'agriculture. Peu de personnes sentent autant que moi à quel point la politique agricole commune sera bousculée par la candidature de pays comme l'Ukraine, qui représente à la fois une force agricole et des dangers, dans la mesure où son agriculture n'est pas tout à fait verte. Si la CPE sera une parole vers l'extérieur et permettra d'associer des pays candidats à tout ce qui est susceptible de nous aider face à la Chine et à la Russie, il importe aussi qu'elle anticipe bien en amont le déséquilibre agricole qui suivra l'adhésion de la Moldavie, de l'Ukraine et de la Géorgie. Comme la dimension militaire, l'agriculture relève de la souveraineté de base, et pas seulement d'une politique.
Je me réjouis de la création de la CPE à l'initiative du Président de la République. Le chancelier Scholz s'en est, lui aussi, félicité. Le fait que cette structure dispose déjà d'un agenda est positif. Comment assurer son avenir dans la durée, alors qu'elle est à la fois une antichambre de l'Union et une sorte de communauté à la carte ? Comment obtenir des résultats concrets, au-delà des échanges, si importants soient-ils, entre les pays concernés ?
La présence de l'Azerbaïdjan dans la CPE peut être considérée comme salutaire pour essayer d'instituer la paix avec l'Arménie. La Russie, elle, en est exclue. Pourtant, l'Azerbaïdjan a un régime tout aussi autoritaire et violent que le régime russe, et lui aussi a franchi la frontière pour attaquer son voisin. Trouvez-vous normal que la France et l'Union européenne achètent du gaz à l'Azerbaïdjan pour remplacer le gaz russe ? Que fait la France pour aider l'Arménie et son peuple ? Sacrifiera-t-elle les Arméniens pour du gaz azerbaïdjanais ? On l'a déjà vue sacrifier les Kurdes. Espérons que nous sauverons l'honneur, cette fois.
La guerre en Ukraine rappelle à quel point l'alimentation peut être une arme, dont la Russie ne se prive pas de faire usage. Je salue le fait que le point 15 des conclusions du Conseil européen affirme que cette dernière est « seule responsable de la crise mondiale de la sécurité alimentaire ». Cet été, à Istanbul, un accord a été conclu entre l'Ukraine et la Russie pour permettre l'exportation des céréales et des engrais ukrainiens. C'était une bonne idée, mais l'accord est fragile, comme l'a confirmé la suspension par la Russie de sa participation le 29 octobre. L'incertitude qui en découle déstabilise les marchés agricoles mondiaux. Comment l'Union européenne et le Gouvernement entendent-ils agir pour résoudre cette crise aussi rapidement que possible ?
La question énergétique cristallise plusieurs inquiétudes. Je sais l'implication du Conseil européen pour trouver des moyens de protection. Parmi les mesures présentées, on note un « corridor de prix dynamique temporaire pour les transactions portant sur le gaz naturel ». Pouvez-vous présenter en détail ce dispositif et sa durée ?
La guerre en Ukraine a renforcé la solidarité européenne en matière d'énergie. Il est essentiel que l'indépendance de la politique énergétique européenne à l'égard du gaz russe devienne une priorité et que l'Union maximise ses investissements dans les énergies renouvelables pour acquérir sa souveraineté énergétique. Le Conseil européen des 21 et 22 octobre a pris des mesures pour lutter contre la volatilité des prix du gaz et réduire le risque de hausse des tarifs sur ce marché. Quelle est sa position quant à l'énergie produite par les réacteurs nucléaires ? La production nucléaire française représente à elle seule la moitié de la production européenne. L'augmenter conférerait deux atouts : l'un environnemental, en limitant l'utilisation des centrales à charbon, l'autre géopolitique, en réduisant notre dépendance au charbon russe.
Après l'abandon du projet de gazoduc transpyrénéen MidCat lors du Conseil européen, quelle est la faisabilité de son remplaçant, le projet BarMar, qui doit relier Barcelone à Marseille ? Quelles en sont les perspectives de financement et le calendrier ? Quid de la protection des fonds de la Méditerranée et du parc naturel marin du golfe du Lion ?
La CPE n'est pas l'antichambre de l'adhésion à l'Union européenne. Elle prend en considération la difficulté politique et technique que représente la durée de la procédure d'adhésion. Elle instaurera une coopération avec les pays candidats, sous la forme, d'une part, d'une photographie politique plaçant sur un pied d'égalité leurs chefs d'État et de gouvernement avec ceux de l'Union européenne, d'autre part, d'accords sur des sujets spécifiques afin que les bénéfices de l'appartenance à l'Union soient rapidement tangibles.
La présence du Royaume-Uni dans la CPE est très positive, sur le plan de la défense mais aussi d'un point de vue énergétique, notamment pour assurer la sécurité des infrastructures. Nous traiterons aussi avec le gouvernement britannique de questions migratoires.
Ainsi que plusieurs d'entre vous l'ont souligné, au-delà de l'image politique, des coopérations concrètes sont indispensables, comme des rapprochements dans les domaines de la connectivité et de la mobilité des jeunes, puisque ce sont eux qui feront l'adhésion au projet européen. Un travail sur le roaming est ainsi en cours, pour réduire le coût des télécommunications dans l'Union européenne.
Monsieur Arenas, je crois que vous avez répondu en partie à votre question. La raison d'être de la CPE est de rassembler sur le continent européen la grande famille des citoyens qui croient à la démocratie, à la représentation et à la liberté, tant sur le plan des valeurs démocratiques que dans les relations économiques. Par ailleurs, je répète que nous accueillerons toutes les suggestions et initiatives relatives à la CPE, notamment en ce qui concerne la société civile et les jeunes.
Monsieur Petit, j'ai beaucoup apprécié votre entrée en matière. Je ne manquerai pas de vous citer, le cas échéant. La CPE peut aussi s'occuper d'agriculture, c'est une bonne idée. L'accord d'association avec l'Ukraine et la Moldavie vise à la fois à leur permettre de participer aux échanges agricoles et à protéger nos agriculteurs. Nous ferons attention à préserver cet équilibre. La CPE étant en construction, n'hésitez pas à y apporter votre pierre.
D'ici à la prochaine réunion, qui se tiendra en Moldavie, nous devrons avancer dans le domaine des partenariats et de leur financement. Plusieurs sujets sont à l'étude, comme l'accélération des projets de coopération existants et la possibilité de prendre appui sur des institutions européennes, notamment financières, pour orienter les fonds.
Madame Chikirou, si la Russie est aujourd'hui exclue de la CPE, elle figurait dans une première version, qui n'a pas fonctionné. La CPE est en devenir. Il importe que tout le monde aide à la consolider, qu'il s'agisse des citoyens de l'Union ou des pays du voisinage. Les quarante-quatre pays de la CPE auront des sherpas, comme pour les réunions du G7 ou du G20, qui travailleront entre deux réunions pour assurer un suivi.
La CPE permettra la tenue de dialogues entre des pays à qui nous devons apporter la paix. J'ai assisté à l'entretien entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie. Il a duré plusieurs heures ; les discussions furent difficiles, mais elles étaient nécessaires pour obtenir une mission d'observation et permettre à des personnes de se rendre à la frontière entre ces deux pays pour dresser un état des lieux, en étant protégées des deux côtés. Cet accord est une prouesse. Pour autant, rien n'est acquis et la présence européenne sera nécessaire pour faciliter le dialogue.
La France n'achète pas de gaz à l'Azerbaïdjan. La présidente de la Commission européenne s'est rendue dans ce pays car une diversification est nécessaire, dans le contexte de la guerre. Pour préserver l'unité européenne, il sera important de protéger l'ensemble des populations cet hiver. Les citoyens des États membres ne bénéficient pas tous du même bouclier que celui qui a été instauré en France. Alors que des manifestations ont eu lieu dans certains pays de l'Est, nous devons faire bloc ensemble pour passer l'hiver et résister à la guerre hybride que la Russie mène à l'Ukraine et à nos sociétés.
La France est à l'initiative pour endiguer la crise alimentaire, et nous continuerons à nous mobiliser. Des voies de solidarité ont permis l'exportation de près de 13 millions de tonnes de céréales et de produits alimentaires, soit plus de la moitié des céréales ukrainiennes exportées depuis le début de l'agression russe. Nous soutenons la création du mécanisme d'urgence d'achats groupés d'engrais pour l'Afrique, ainsi que l'acheminement des céréales vers ce continent dans le cadre du Programme alimentaire mondial. Le 2 novembre, la Russie a annoncé reprendre sa participation à l'accord sur les exportations de céréales ukrainiennes. Nous la prenons au mot et serons vigilants.
Le dispositif du corridor de prix est toujours à l'étude. L'ambition est de plafonner les prix du gaz sans nous couper de l'offre, étant entendu que le marché du gaz liquéfié est mondial. Nous réfléchissons à un arbitrage constructif entre la fixation d'un plafond de prix et la sécurisation de l'approvisionnement en gaz pour l'ensemble de l'Union européenne cet hiver.
S'agissant du nucléaire, sujet incontournable lorsqu'il est question de diversification énergétique, la ministre de la transition énergétique a indiqué que nous tentions d'accélérer la remise en activité des centrales dont la maintenance a été retardée notamment en raison du covid-19. Un projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables a également été présenté. Notre désir est d'aller plus vite. C'était aussi notre désir, et un succès de la présidence française de l'Union européenne, de défendre le nucléaire dans la taxonomie pour la transition énergétique. Nous continuerons à le faire, et nous suivons avec attention les trilogues.
Concernant BarMar, le Président de la République a rencontré ses homologues portugais et espagnol le 20 octobre à Bruxelles, en marge du Conseil européen. Nous ne voulons pas favoriser le gaz et investir dans des infrastructures de transport de gaz alors que la transition énergétique est à l'œuvre. En l'occurrence, c'est parce que le projet MidCat reposait sur l'utilisation de gaz d'origine fossile qu'il a été décidé de l'abandonner. L'interconnexion sous-marine qui ira de Barcelone à Marseille est l'option la plus directe et la plus efficace pour relier la péninsule ibérique à l'Europe centrale. C'est aussi celle qui permettra de créer un corridor énergétique vert entre la péninsule et la France, puisqu'elle transportera en priorité de l'hydrogène bas carbone et d'autres gaz renouvelables. C'est l'inverse de ce qui avait été pensé pour MidCat. Les travaux préparatoires sont en cours. Une réunion des trois dirigeants concernés est prévue à Alicante en décembre, pour traiter du calendrier, du financement et de questions techniques.
Enfin, s'agissant du parc maritime naturel du golfe du Lion, les études de faisabilité étudieront les conséquences environnementales. Nous serons attentifs au respect des normes environnementales. Ce sujet sera discuté au sommet d'Alicante, et peut-être ultérieurement si les études de faisabilité le requièrent.
Merci, Madame la ministre, pour la qualité de vos réponses et pour le temps que vous y avez consacré.
La Commission a nommé sur proposition du Président Pieyre-Alexandre Anglade :
– M. Richard Ramos, rapporteur sur sa propre proposition de résolution européenne relative à l'interdiction des additifs nitrés dans les produits de charcuterie (n°381) ;
– MM. Charles Sitzenstuhl et Rodrigo Arenas, rapporteurs d'information sur la souveraineté alimentaire européenne ;
– Mme Félicie Gérard et M. Pierrick Berteloot, rapporteurs d'information sur l'économie circulaire ;
– Mmes Pascale Boyer et Nathalie Oziol, rapporteures d'information sur la sécurité énergétique et la réforme du marché de l'énergie ;
– MM. Benjamin Haddad et Gabriel Amard, rapporteurs d'information sur l'Union européenne face au défi migratoire ;
– M. Pieyre-Alexandre Anglade et Mme Julie Laernoes, rapporteurs d'information sur les suites de la conférence sur l'avenir de l'Europe.
La séance est levée à 9 heures 55.
Membres présents ou excusés
Présents. – M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Rodrigo Arenas, Mme Anne-Laure Blin, Mme Pascale Boyer, M. Stéphane Buchou, M. André Chassaigne, Mme Sophia Chikirou, Mme Annick Cousin, Mme Laurence Cristol, M. Pierre-Henri Dumont, Mme Félicie Gérard, M. Benjamin Haddad, M. Michel Herbillon, Mme Constance Le Grip, Mme Nicole Le Peih, Mme Joëlle Mélin, Mme Lysiane Métayer, Mme Louise Morel, Mme Nathalie Oziol, M. Frédéric Petit, M. Christophe Plassard, Mme Barbara Pompili, M. Jean-Pierre Pont, M. Richard Ramos, M. Charles Sitzenstuhl, Mme Liliana Tanguy
Excusés. – M. Nicolas Sansu, Mme Sabine Thillaye