Commission des affaires étrangères

Réunion du mardi 8 novembre 2022 à 18h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission procède à l'audition, ouverte à la presse, de M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger, sur sa feuille de route et la préparation du conseil des affaires étrangères (commerce) du 25 novembre 2022.

La séance est ouverte à 18 h 00

Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président

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Nous sommes heureux de vous recevoir, monsieur le ministre délégué. Lors de l'examen par notre commission des crédits de la mission Économie dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 , s'agissant plus particulièrement du volet Commerce extérieur et diplomatie économique, notre collègue Jean-François Portarrieu nous a présenté un rapport très intéressant qui portait en particulier sur la filière aéronautique mais brossait aussi un tableau général fort sombre de notre balance commerciale. Notre déficit commercial est en effet passé de 58 milliards d'euros en 2017 à 84 milliards l'an passé et, selon toute vraisemblance, le cap des 150 milliards d'euros sera dépassé en 2022, les estimations tournant autour de 156 milliards.

La raison de cette aggravation, aussi lourde que rapide, est d'abord conjoncturelle. Plus la dépendance aux importations d'énergie est grande, plus la dégradation de la balance commerciale est importante. À cet égard, les conséquences de la guerre en Ukraine sur les cours de l'énergie et des matières premières affectent très fortement le solde de notre balance commerciale. On estime, d'ordinaire, que cet impact est de l'ordre de 60 % du total. Cela signifie donc que des causes structurelles expliquent une part non négligeable de la situation, ce qui nous préoccupe beaucoup. L'action que vous mènerez est donc essentielle, et nous espérons que la situation n'est pas irrémédiable.

Heureusement, la France dispose d'atouts, avec 139 000 entreprises exportatrices. Force est toutefois de reconnaître que nous restons bien en deçà de certains de nos voisins : les Italiens comptent ainsi 220 000 entreprises exportatrices et les Allemands 300 000, dont la taille moyenne est en outre un peu plus importante qu'en France.

L'attractivité de notre pays correspond à un volet important de vos responsabilités ministérielles. Nous ne pouvons que nous réjouir que, pour la troisième année consécutive, la France soit le pays européen attirant le plus d'investissements étrangers. Lors du dernier sommet Choose France, organisé à Versailles en juillet dernier, plus de 200 chefs d'entreprise étrangers étaient présents : 6,4 milliards d'euros de projets ont été annoncés, ainsi que plus de 4 000 créations d'emplois. C'est assurément un signe du succès des politiques mises en place au cours des dernières années et un encouragement à les poursuivre. Cependant, les économistes soulignent l'ambivalence d'une telle attractivité : d'un côté, elle montre que le site France est extrêmement performant et attractif ; d'un autre côté, considérant que les bénéfices sont ensuite rapatriés dans les pays d'origine, l'installation ici ne contribue pas positivement à notre balance des paiements. Nos implantations à l'étranger sont donc tout aussi précieuses et un équilibre doit être trouvé.

Vous êtes également, monsieur le ministre délégué, chargé des Français de l'étranger. Ces quelque deux millions de compatriotes constituent le fer de lance de notre présence dans le monde et contribuent très souvent, par leur travail dans nos entreprises exportatrices, à l'amélioration de la balance commerciale. Ils méritent notre soutien. Nous devons faciliter le plus possible leurs démarches du quotidien, notamment administratives. Sans doute nous direz-vous un mot de vos projets à leur égard.

Enfin, je vous invite aussi à nous exposer les grands dossiers à l'ordre du jour du conseil des affaires étrangères de l'Union européenne du 25 novembre prochain, qui sera consacré au commerce extérieur. Nous avons pris l'habitude, avant chaque réunion de cet ordre, d'avoir un échange de vues avec le ministre qui représente la France pour savoir dans quel état d'esprit il se trouve, quelles sont ses ambitions, ses intentions, les obstacles qu'il s'attend à rencontrer et la façon dont il estime que la France pourra jouer ses cartes. La crise de l'énergie et des matières premières devrait occuper une large part des discussions mais nous attendons aussi que vous nous parliez des autres sujets à l'ordre du jour.

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Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger

Je suis heureux de pouvoir vous présenter ma feuille de route pour les trois volets que vous avez évoqués – le commerce extérieur, l'attractivité et les Français de l'étranger – et de vous parler du conseil des affaires étrangères de l'Union européenne, qui sera consacré au commerce le 25 novembre prochain. Je suis là pour vous informer et vous donner ma vision des choses mais aussi pour m'imprégner de l'avis du Parlement : cela fait partie de la manière dont nous agrégeons la position de la France dans les instances européennes.

S'agissant du commerce extérieur, nous avons effectivement un déficit conjoncturel important parce que nous sommes obligés d'importer une énergie dont les prix ont été multipliés par cinq entre la mi-2020 et la mi-2022, et nous subissons en plus un facteur monétaire : la dépréciation de l'euro par rapport au dollar, de 10 % à 15 %, qui renchérit nos importations. Notre facture énergétique devrait ainsi représenter les deux-tiers du déficit commercial : elle sera vraisemblablement comprise entre 80 et 100 milliards d'euros et le déficit lui-même devrait être supérieur à 150 milliards – il va plus que doubler par rapport à l'année dernière. C'est une mauvaise nouvelle mais, sachant qu'elle s'explique par la crise énergétique, on peut raisonnablement espérer, grâce à la transition énergétique et à un retour à une meilleure fortune sur le plan de l'énergie, parvenir à éponger progressivement cette part du déficit.

Notre déficit du commerce extérieur comporte aussi, depuis 2004, un volet structurel. Il tient en grande partie à la désindustrialisation menée dans les années 1990 et au cours des années 2000, qui nous oblige à importer des produits qu'on ne fabrique plus et que l'on exportait auparavant. C'est donc une double peine qui creuse le déficit de la balance commerciale.

Notre première ligne d'action porte donc sur la réindustrialisation, notamment dans le cadre du plan France 2030. Le processus prendra du temps : il faudra plusieurs années pour que le déficit structurel lié à la désindustrialisation puisse être corrigé mais l'action qui s'imposait a été enclenchée.

Une deuxième cause du déficit structurel tient à la faiblesse à l'exportation de nos petites et moyennes entreprises (PME), et même de certaines de nos entreprises de taille intermédiaire (ETI). Nous avons 139 000 entreprises exportatrices en France ; c'est 20 000 de plus qu'il y a encore quelques années mais cela reste largement insuffisant en comparaison des 220 000 entreprises exportatrices en Italie et des plus de 330 000 en Allemagne. Environ 20 % des PME exportent en France, contre presque 80 % en Allemagne.

Un gros travail est donc à faire avec la Team France Export, c'est-à-dire Business France, BPIFrance, les chambres de commerce et d'industrie (CCI), les régions, ainsi que des partenaires tels que les conseillers du commerce extérieur de la France. J'ai demandé aux conseillers de Business France et des CCI d'engager une démarche de porte-à-porte en allant demander aux entreprises pourquoi elles n'exportent pas et d'essayer de lever les différentes craintes qu'elles peuvent avoir, de leur donner les meilleurs outils possibles – la palette est déjà relativement large pour les aides à l'exportation –, et d'assurer un mentorat en les mettant en relation avec des chefs d'entreprises qui exportent.

Pousser nos PME et nos ETI à exporter est donc une ligne d'action mais je souhaite aussi veiller à ce que les entreprises exportant déjà puissent continuer à le faire. À peu près un tiers des entreprises exportatrices décrochent chaque année : il faudra en analyser les raisons et faire en sorte qu'elles puissent se maintenir. Si l'on sauvait ne serait-ce que la moitié des entreprises néo-exportatrices chaque année, cela en ferait 15 000 de plus et nous pourrions assez facilement monter en puissance. Sans rattraper les Allemands, nous pourrions faire au moins aussi bien que les Italiens.

S'agissant de l'attractivité, la bonne nouvelle, c'est que nous sommes la première terre d'accueil des investissements étrangers en Europe. C'est le fruit de tous les efforts que nous avons faits au cours des cinq dernières années pour rendre le pays attractif, avec notamment la baisse des impôts de production, d'à peu près 10 milliards d'euros et, bientôt, la disparition en deux ans de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Nous avons également ramené le taux de l'impôt sur les sociétés de 33 % à 25 %, afin de rallier la moyenne des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Nous avons réformé le droit du travail pour le rendre plus flexible et pour sécuriser les procédures, et surtout les barèmes des licenciements. Nous avons mis en place des politiques de simplification administrative, notamment pour l'accueil des investissements, avec les terrains dits clefs en main – nous avons identifié 127 sites dans lesquels les entreprises peuvent se poser du jour au lendemain, sans avoir à réaliser les différentes études environnementales ou encore archéologiques, car elles ont déjà été menées, ce qui facilite grandement l'installation.

Nous devons poursuivre ce mouvement de simplification et de baisse des impôts de production, tout en nous occupant du « dernier kilomètre », c'est-à-dire des petits détails qui compliquent la vie des investisseurs – souvent, des procédures administratives, comme le traitement des demandes de titres de séjour, qui font partie de l'image de la France pour les personnes qui investissent chez nous. C'est un sujet majeur car l'attractivité contribue à la réindustrialisation. Est en jeu notre capacité à avoir des investissements étrangers qui ne soient pas seulement des extensions d'usines mais qui soient aussi du greenfield – c'est-à-dire de nouvelles implantations – de la part d'entreprises françaises ou étrangères. Nous comptons fortement sur le plan France 2030 pour avancer en matière d'énergies renouvelables, de nucléaire, d'intelligence artificielle, de quantique et de biotechnologies, ainsi que sur l'ensemble des industries plus classiques dont nous avons besoin.

Les Français de l'étranger sont le troisième volet de ma feuille de route. Environ 1,7 million de personnes sont inscrites sur les listes de nos consulats mais, en réalité, les Français de l'étranger sont vraisemblablement deux fois plus, entre 3 et 3,5 millions : on s'en rend véritablement lorsqu'il faut s'occuper d'eux à l'occasion d'une crise. Ces compatriotes constituent une force très importante pour notre pays. Contrairement à ce que certains disent, ce ne sont pas des exilés fiscaux, ce sont des personnes qui contribuent à l'image de la France et à son attractivité à l'étranger, où elles sont installées la plupart du temps pour des raisons économiques. Nous devons notamment garantir aux Françaises et aux Français de l'étranger des droits à peu près équivalents à ceux qu'ils auraient s'ils se trouvaient sur le territoire national. Nous sommes ainsi en train d'agir pour améliorer leur situation dans quatre domaines.

Le premier concerne les services publics. Il faut simplifier un certain nombre de procédures administratives, notamment grâce à la dématérialisation de titres d'état-civil et d'identité. Nous travaillons ainsi à la résorption des délais concernant les passeports et les cartes nationales d'identité (CNI) et nous souhaitons que le renouvellement de ces titres puisse se faire de manière dématérialisée.

Le deuxième champ d'action est social. Certains Français qui se sont expatriés se retrouvent en difficulté du fait des crises multiples qui se produisent dans le monde, qu'elles soient sanitaires, énergétiques ou plus généralement économiques. Afin de ne laisser personne au bord de la route, nous développons des aides, dans le cadre des conseils consulaires pour la protection et l'action sociale (CCPAS) et des organismes locaux d'entraide et de solidarité (OLES).

L'éducation est le troisième domaine sur lequel nous travaillons. Il s'agit de développer nos établissements pour accueillir les enfants de nos compatriotes dans des écoles françaises mais aussi pour offrir davantage de places pour les jeunes des pays étrangers. C'est un moyen de donner une image attractive de la France et de favoriser le partage de valeurs dans un monde où celles-ci sont de plus en plus contestées. Le rayonnement de notre pays passe donc aussi par le développement des écoles.

Enfin, nous travaillons dans le domaine économique pour valoriser les entreprises françaises à l'étranger. Il faut les aider lorsqu'elles sont en difficulté mais aussi veiller à ce qu'elles soient un fer de lance pour notre image, pour notre attractivité et pour le made by France, que nous souhaitons promouvoir. Pour avoir déjà fait beaucoup de déplacements à l'étranger, je peux vous dire que ces entreprises, qu'elles soient grandes ou petites, qu'elles soient filiales de groupes français, entreprises de droit local à capitaux français ou dirigées par des Français, sont la plupart du temps des modèles de réussite, extrêmement appréciés dans les pays où elles opèrent.

Je termine par le conseil des affaires étrangères de l'Union européenne consacré au commerce, qui se tiendra le 25 novembre, sous présidence tchèque. Plusieurs sujets seront abordés : la réforme de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et la préparation de la treizième conférence ministérielle de cette organisation ; les relations commerciales entre l'Union européenne et les États-Unis ; le soutien commercial apporté à l'Ukraine ; les relations commerciales bilatérales de l'Union européenne, y compris les négociations en cours.

En ce qui concerne l'OMC, la douzième conférence, qui a plutôt été un succès par rapport à ce qu'on pouvait en attendre, a porté notamment sur la sécurité alimentaire, la lutte contre la pandémie de coronavirus et la préservation des ressources halieutiques : un accord a notamment été trouvé en ce qui concerne la pêche illégale et la fin des aides à celle-ci. La prochaine conférence devrait permettre d'approfondir certains sujets et, nous l'espérons, de travailler sur la réforme de l'OMC, notamment son organe de règlement des différends.

La relation commerciale entre l'Union européenne et les États-Unis s'est beaucoup améliorée. L'objectif sera de conforter les accords trouvés avec l'administration Biden, dont deux très importants relatifs, l'un, à Airbus et Boeing et, l'autre, à l'acier et l'aluminium, qui étaient sujets de conflit avec l'administration Trump. Nous aurons aussi à discuter de l' Inflation Reduction Act, dont l'adoption par le Congrès constitue certes une bonne nouvelle pour les États-Unis mais dont certaines dispositions contreviennent aux règles de l'OMC. En particulier, le fait de réserver les aides américaines à des produits contenant exclusivement des composants locaux, c'est-à-dire fabriqués aux États-Unis, risque de conduire à des transferts d'implantations de l'Europe vers les États-Unis, notamment dans le domaine des énergies renouvelables. Nous devons agir d'une manière assez ferme pour conserver notre attractivité.

Pour ce qui est du soutien commercial apporté à l'Ukraine, nous avons déjà fait beaucoup, notamment en levant les obstacles aux importations de produits ukrainiens et en mettant en place des aides directes. Nous devons continuer, en libéralisant encore davantage les échanges que nous avons avec l'Ukraine, tout en prévoyant des clauses de sauvegarde pour faire en sorte que dans certains domaines, comme l'agriculture, nos propres produits ne soient pas trop concurrencés.

Nous aurons certainement l'occasion de revenir sur le dernier sujet, les relations commerciales bilatérales de l'Union européenne car je suis à peu près certain que vous m'interrogerez sur certains accords en cours de négociation ou déjà conclus avec des pays tiers. J'ajoute simplement que nous travaillons sur ce qu'on appelle les outils d'anti-coercition, dont nous devons nous doter pour répondre aux pratiques dites assertives de certains pays : je pense en particulier aux sanctions prises par la Chine à l'égard de la Lituanie, en guise de rétorsion face à la position de cet État membre de l'Union européenne au sujet de Taïwan. Nous aurons probablement aussi une discussion sur le système des préférences généralisées, qui permet de lever les obstacles pour les pays les moins avancés mais qui arrive bientôt à échéance ; il faudra vraisemblablement reconduire ce dispositif.

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Nous allons à présent entendre les orateurs des groupes.

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Nos plus de trois millions de compatriotes qui vivent hors de France jouent un rôle stratégique dans le rayonnement culturel et économique de notre pays dans le monde. Lors de son discours à la Conférence des ambassadrices et des ambassadeurs, Mme Élisabeth Borne a indiqué que les Français de l'étranger étaient l'une des trois priorités du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE). Le projet de loi de finances pour 2023 en est le reflet, qui prévoit une augmentation des moyens destinés à l'action consulaire, d'un montant de 12,6 millions d'euros. Pour la première fois depuis trente ans, une augmentation du budget du MEAE et la création d'une centaine d'équivalents temps plein (ETP) est ainsi proposée. Espérons que cette tendance se maintiendra tout au long de la législature. L'action et le dévouement des équipes consulaires sont vraiment à saluer, alors même que, comme j'ai pu le constater dans ma circonscription de l'Amérique latine et des Caraïbes, certains consulats sont particulièrement sous tension et ne disposent pas de moyens suffisants. Les élus des Français de l'étranger se tiennent à votre disposition pour partager leur expérience de terrain, afin que l'affectation des nouveaux ETP corresponde aux besoins réels des administrations consulaires.

Votre ministère a également lancé un important chantier de dématérialisation des démarches administratives. Dans certaines circonscriptions, comme la mienne, les services postaux fonctionnent mal, voire pas du tout, ce qui rend urgentes la dématérialisation et la simplification. À cet égard, le service France Connect reste inaccessible pour de nombreux compatriotes, qui ne peuvent s'y connecter que par le biais de La Poste mais dont le système ne reconnaît pas les numéros non européens. Quelles mesures concrètes peuvent être prises pour y remédier ?

Autre sujet, les certificats de vie. Pour recevoir leur pension, les pensionnés du système de retraite français doivent fournir chaque année un certificat prouvant leur existence. Il s'agit, par définition, de personnes âgées qui vivent parfois très loin des consulats. Pendant la pandémie de coronavirus, une mesure dérogatoire leur a permis de bénéficier de rendez-vous virtuels. Cette mesure pourrait-elle être maintenue ou bien envisagez-vous d'autres moyens pour venir en aide à ces Français de l'étranger ?

Je vous ai entendu avec beaucoup de plaisir parler du made by France et de la promotion de l'entreprenariat français à l'étranger. Comment permettre aux entrepreneurs français de l'étranger (EFE) d'avoir accès à des crédits et à des dispositifs tels que les volontariats internationaux en entreprise (VIE) ?

S'agissant enfin du conseil affaires étrangères du 25 novembre, j'aimerais en savoir davantage sur l'instrument anti-coercition que vous avez évoqué.

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Notre balance commerciale ne cesse de se dégrader ; elle présentait, en septembre, un solde négatif de 16,9 milliards, dû en partie à la détérioration de la balance énergétique mais aussi à la désindustrialisation massive de notre pays. Notre déficit énergétique dépasse 10 milliards d'euros chaque mois, ce qui met en difficulté notre tissu industriel : Duralex doit, par exemple, fermer momentanément. L'Allemagne, quant à elle, prévoit d'aider son industrie pour faire face à la crise des prix de l'énergie qu'elle a contribué à créer.

Selon une affirmation du ministre de l'économie en janvier 2022, il faudra dix ans à la France pour retrouver l'équilibre de sa balance commerciale. Les familles françaises n'ont pas dix ans devant elles. La plupart des agriculteurs ont déjà du mal à envisager la fin du mois. La détérioration de notre balance commerciale concerne tous les secteurs mais est particulièrement forte dans l'agriculture et l'élevage, qui représentent 13 % de nos exportations. L'agriculture française est en grande souffrance : hors les vins et spiritueux, le solde agricole et agroalimentaire a accusé un déficit de 6 milliards d'euros en 2021, dont 3 milliards pour les fruits et 1,2 milliard pour la viande. Comment réagir face à une concurrence qui nous est imposée par les traités internationaux ?

Les consommateurs français préféreront-ils acheter des denrées importées à bas prix ou des produits locaux de meilleure qualité ? Lorsqu'on a une famille à nourrir et un portefeuille quasiment vide toute l'année, le choix est vite fait. Pour avoir des prix bas, les Français font leurs courses dans les enseignes de hard discount, qui proposent souvent des produits importés. Voilà bien une absurdité écologique : nous sommes réduits à importer de la viande de l'autre bout du monde parce que ne pouvons consommer celle que nous produisons pour des raisons financières.

Pourquoi notre production n'est-elle pas directement tournée vers nos concitoyens ? Comment peut-on continuer à affirmer que la politique agricole commune (PAC) reste un modèle viable pour l'agriculture française ? Quelles mesures envisagez-vous pour redresser le déficit commercial agricole à court terme et, surtout, comment comptez-vous faire en sorte que les difficultés de nos agriculteurs, devenus les miséreux du système mondialiste, soient prises en compte dans le cadre de la politique commerciale de l'Union européenne ?

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Voilà plusieurs mois que la France affiche des déficits records, que l'on n'avait pas même connus lors des précédents chocs pétroliers. L'explosion des prix de l'énergie a pesé lourd dans le solde négatif de 139 milliards de la balance commerciale. Le déficit des échanges de biens intermédiaires – dont l'économie française est très dépendante – a également doublé depuis la fin 2020, pour culminer à 3 milliards par mois.

Nous payons un système économique hyper-dépendant des énergies carbonées et un recul industriel qui affaiblit notre économie, saborde notre souveraineté et retarde la nécessaire bifurcation écologique. Nous faisons également les frais des accords de libre-échange instaurés par l'OMC, l'Union européenne et les traités internationaux. Les gouvernements ont engagé une course à la compétitivité. Or faire baisser les prix a toujours un coût : celui de la baisse des salaires, à grands coups d'exonérations de cotisations sociales. Ainsi s'appauvrissent les travailleuses et les travailleurs, tandis que l'inflation rend même les pâtes inaccessibles. Les actionnaires des grandes entreprises, eux, vivent plutôt bien cette période d'inflation, avec des marges qui dépassent 35 % ; du jamais-vu depuis 1949.

Tôt ou tard, il faudra accepter que le système capitaliste, qui épuise les ressources naturelles et humaines, est en déclin. Le Gouvernement semble y voir une issue abominable qu'il faut repousser ; pour notre part, nous y voyons une opportunité et un défi. Nous avions des amendements à proposer au cours de la discussion budgétaire pour changer de cap et passer du productivisme à la bifurcation écologique mais nous avons été empêchés de poursuivre le débat par quatre fois.

La France peut et doit être précurseure d'une nouvelle organisation économique et sociale dans le monde. Il est temps de rétablir un État stratège qui relocalise l'industrie, d'investir 200 milliards d'euros dans la bifurcation écologique, de sortir des traités de libre-échange et d'instituer un protectionnisme solidaire et écologique.

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Au cours des vingt-cinq dernières années, on a tenté de remédier au nombre insuffisant de PME françaises exportatrices en créant Ubifrance – devenue Business France –, et en faisant appel aux conseillers du commerce extérieur et aux chambres de commerce. Ne faudrait-il pas agir plus en amont, au niveau des écoles de commerce et d'ingénieurs, pour susciter plus d'appétence pour l'international ? On pourrait aussi sans doute davantage s'appuyer sur les binationaux, qui sont entre 3,5 et 4 millions en France et qui ont pour beaucoup le désir d'avoir une activité commerciale et entrepreneuriale avec leur pays d'origine.

On a, avec la francophonie, un monde qui rassemble près de 600 millions de personnes mais qui n'est pas considéré comme un espace économique. N'est-il pas temps de définir la francophonie ainsi, en lui appliquant des règles douanières et de mobilité différentes ? De nombreuses études montrent que lorsqu'on travaille dans sa propre langue, on a bien plus de chances de commercer.

La COP27 de Charm el-Cheikh ne devrait-elle pas être un signal pour rediscuter les grands traités commerciaux internationaux avec une vision plus soucieuse de la défense de l'environnement, à l'image des avenants que nous avons proposés pour rendre l'accord économique et commercial global (CETA) plus respectueux de l'accord de Paris adopté lors de la COP21 ?

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Hier, plusieurs dirigeants européens se sont émus des subventions massives accordées par les États-Unis aux entreprises se trouvant sur leur sol. La loi américaine sur la réduction de l'inflation constitue le plus gros investissement jamais voté en faveur de la lutte contre le changement climatique. Elle réserve notamment un crédit d'impôt jusqu'à 7 500 dollars pour l'acquisition d'un véhicule électrique sortant d'une usine Nord-américaine, avec une batterie fabriquée localement, excluant donc les automobiles produites dans l'Union européenne. Ces aides ont été dénoncées comme contraires aux règles du commerce international.

L'inquiétude est d'autant plus grande que, du fait de la guerre en Ukraine, la récession menace de s'abattre sur l'Europe dès cet hiver. Les firmes européennes sont déjà pénalisées par la flambée des prix de l'énergie, qui les frappent bien plus durement que leurs concurrentes américaines. Or ce jeu est également préoccupant au sein même de l'Europe puisque Berlin a annoncé un programme d'aide gouvernemental de grande envergure, alimenté par l'endettement, pour faire face à la crise énergétique. L'Allemagne, superpuissance industrielle mondiale, entend ainsi réduire la pression. L'avantage qu'elle a longtemps tiré du faible prix de l'énergie russe a pris fin. Les prix de l'énergie s'envolent et les entreprises réduisent leur production ou quittent le pays.

Comment le Gouvernement entend-il faire face à ce dumping généralisé ?

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Je m'inquiète pour le secteur aéronautique, qui est l'un des principaux moteurs de nos exportations mais qui peine à tirer les bénéfices de la forte reprise du marché mondial. À peine remise de la crise du Covid-19, la filière a été frappée de plein fouet par les conséquences de la guerre en Ukraine : le choc énergétique, bien sûr, mais également les difficultés d'approvisionnement en matières premières, surtout en titane, dont 50 % provenaient de la Russie avant la crise. À cela s'ajoutent des problèmes importants de recrutement pour répondre au défi des cadences de production. Notre filière n'est donc pas totalement armée pour répondre aux commandes. Airbus a enregistré 647 commandes sur les neuf premiers mois de l'année, contre 133 lors de la même période l'an dernier, soit une hausse record de 386 %.

Face à la crise de l'offre, qui a succédé à la contraction de la demande, comptez-vous accompagner spécifiquement ce secteur industriel primordial ? Que pensez-vous de la proposition de Philippe Varin de développer ce qu'il appelle une « diplomatie des métaux stratégiques », indispensables à la transition énergétique ?

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À la crise conjoncturelle dont pâtit notre commerce extérieur, qui a conduit au creusement du déficit commercial de 20 milliards d'euros en un an, il faut apporter une réponse certes conjoncturelle mais aussi structurelle : elle passe par la lutte contre la désindustrialisation et le manque de compétitivité de nos entreprises. Tout le monde le dit, il faut créer les conditions de notre indépendance stratégique vis-à-vis de l'énergie en provenance du Moyen-Orient et de l'Europe de l'Est. Plus largement, il faut avoir une vision d'avenir détournée des énergies fossiles et véritablement holistique pour ne pas enchaîner les choix à court terme, comme le recours au gaz naturel liquéfié qui provient largement du gaz de schiste américain.

Réindustrialisation et transition écologique sont les deux faces d'une même pièce, et notre économie sera d'autant plus compétitive qu'elles seront réellement engagées.

Où en sont les discussions sur l'accord de libre-échange avec le Mercosur ? L'élection de Lula change-t-elle la donne ?

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Le changement de président au Brésil ouvre-t-il la voie à une relance du processus de négociation de l'accord de libre-échange avec le Mercosur ?

On a le sentiment que la guerre en Ukraine a changé de nature et que les Russes ont décidé de ne faire la guerre qu'aux civils. Leurs revers militaires sont tels qu'ils ont décidé d'empêcher les Ukrainiens de se loger, de se chauffer, de s'éclairer, de se déplacer, de se nourrir. Indépendamment de la reconstruction, n'y a-t-il pas un devoir de solidarité d'urgence de la part des Américains et des Européens ? Les uns et les autres ne doivent-ils pas organiser des flux massifs d'aide matérielle à la population ?

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Olivier Becht, ministre délégué

Madame Caroit, nous lançons, avec le Canada et le Portugal, une expérience de dématérialisation totale pour le renouvellement des passeports : les empreintes biométriques ayant déjà été prises, le rendez-vous n'est plus nécessaire. La distribution peut ensuite avoir lieu par l'intermédiaire de la Poste, ce qui est parfois problématique, ou par la tournée consulaire, ce qui peut être un peu plus long puisque le consul ou le consul honoraire se déplace pour remettre le titre – le service doit être le plus rapide et le meilleur possible. J'espère que la création d'une centaine d'emplois prévue dans la loi de finances sera confirmée car nous avons besoin de réarmer notre diplomatie. S'agissant de l'affectation de ces emplois, mon idée – partagée, je crois, par la ministre de l'Europe et des affaires étrangères – est de créer des services mobiles pour renforcer les consulats en fonction des besoins.

S'agissant de France Connect, tout Français devrait y avoir accès. Le problème vient du fait que, souvent, les intéressés n'ont pas de numéro de sécurité sociale ou de numéro INSEE. Nous allons travailler sur ces sujets.

La plupart du temps, ce sont les administrations locales qui délivrent les certificats de vie mais toutes ne jouent pas le jeu. J'ai demandé aux consulats qu'en pareil cas, ils puissent offrir ce service en dernier ressort. Les gens sont parfois placés dans des situations impossibles car on leur demande ce document pour leur verser leur retraite.

Le volontariat international en entreprise fait partie des aides que nous avons maintenues pendant la crise de la Covid pour permettre aux entreprises françaises de continuer à bénéficier du concours de ces jeunes. Il faudra voir comment préserver ces dispositifs et j'ai d'ailleurs demandé à mon cabinet de réfléchir à l'élaboration d'une boîte à outils. Nous devrons notamment arrêter la définition exacte de ce qu'est une entreprise française à l'étranger : une entité dirigée par un Français ou une société à capitaux majoritairement français ? Une telle définition nous a manqué pendant la crise de la Covid. Une fois que nous l'aurons établie, nous disposerons de critères objectifs pour décider s'il y a lieu d'aider celles des entreprises qui ne sont pas des filiales de groupes français ; ces dernières bénéficient généralement des aides nationales.

L'instrument anti-coercition dont j'ai parlé pourrait être utilisé contre un État qui mènerait une politique assertive contraire aux règles du fair-play commercial et prendrait prétexte d'un fait politique pour sanctionner nos produits. Il nous permettrait d'adopter des mesures rapides, proposées par la Commission européenne, selon un mécanisme validé par le Conseil des ministres de l'Union. J'ai bon espoir que cet instrument soit adopté lors du conseil du 25 novembre.

Monsieur Guiniot, nous dressons tous le même constat concernant la balance énergétique. Je partage le sentiment qu'il faut tout faire pour rendre notre agriculture la plus résiliente possible. Au niveau national, nos agriculteurs sont victimes de la tendance à la baisse des prix, sous la pression de la grande distribution – c'est pourquoi nous avons voté les lois EGALIM 1 et 2. À l'exportation, le secteur agricole ne se porte pas si mal. À côté des vins et des spiritueux, traditionnellement excédentaires, les céréales présentent un excédent de 6 milliards d'euros, la filière laitière exporte 40 % de sa production et dégage un excédent de 3,4 milliards, et le sucre affiche un excédent de 0,9 milliard. Je dis souvent aux agriculteurs de se tourner vers l'exportation car elle leur permet d'échapper à la pression de la grande distribution et de préserver des marges bien plus élevées que sur les marchés nationaux.

D'ailleurs, après cinq ans d'application du CETA, dont certains avaient dit qu'il était le dernier clou planté dans le cercueil de la filière bovine française, on constate que l'on a exporté 178 tonnes de bœuf français vers le Canada et que l'on a importé 52 tonnes de bœuf canadien en France. Les traités de libre-échange ne sont donc pas nécessairement une mauvaise nouvelle pour nos filières, à condition qu'elles se structurent en vue de l'exportation, certaines étant mieux armées que d'autres.

Le principal enjeu pour la souveraineté alimentaire française sera de faire en sorte que nos exploitations trouvent des repreneurs, alors que près de la moitié des agriculteurs partiront à la retraite d'ici à 2030. Cela suppose d'identifier des débouchés pour les produits agricoles, qui peuvent être en partie assurés par l'exportation.

Madame Oziol, nous ne faisons absolument pas la même analyse des traités de commerce. Vous souhaitez que l'on sorte du modèle actuel. Certes, il est loin d'être parfait, mais, comme le disait Churchill à propos de la démocratie, il est « le pire à l'exception de tous les autres ». Il a tout de même assuré une certaine prospérité et permis à près d'un milliard d'êtres humains, au cours des deux décennies précédentes, de sortir de la pauvreté.

Pour répondre également à monsieur Fuchs, nous souhaitons améliorer ces traités en y intégrant des mesures de protection de notre modèle environnemental, social et sanitaire. Nous n'avons pas la naïveté de penser que nous devons nous exposer à tous les vents de la mondialisation et accepter tous les produits, quelles que soient les conditions de leur production. Au contraire, nous souhaitons faire en sorte que les produits qui entrent dans l'Union respectent les normes environnementales, sanitaires et sociales européennes. Nous intégrons dans les traités – ce qui marque une révolution dans notre approche de la politique commerciale – le respect de l'accord de Paris, du règlement européen contre la déforestation, des principes relatifs à la protection de la biodiversité et des conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT), notamment sur le travail forcé et le travail des enfants. Nous instituons des mécanismes d'ajustement carbone aux frontières de l'Union européenne et nous insérons des mesures miroirs dans les règlements européens, qui interdisent certains produits, européens comme étrangers, pour la protection sanitaire de nos concitoyens.

Le premier traité comportant des dispositions de cette nature est celui que l'Union européenne a conclu avec la Nouvelle-Zélande. Nous souhaitons que l'Union adopte cette démarche pour l'ensemble des accords que nous signerons dans les années à venir. Par ailleurs, nous demandons que les traités déjà signés mais non encore ratifiés mentionnent, dans la clause de revoyure, qu'ils devront intégrer la nouvelle approche de la Commission européenne en matière de politique commerciale. Les mesures miroir, quant à elles, s'appliquent à l'ensemble des produits, même en présence d'un traité déjà en vigueur.

Monsieur Fuchs, il est évident qu'il faut développer le goût de l'international dans les écoles de commerce. À la différence d'autres pays européens, comme les Pays-Bas pour lesquels c'était vital, la France a été, dans l'histoire, moins contrainte par la nécessité d'exporter pour survivre, du fait de l'espace de production agricole dont elle disposait et qui lui assurait l'autosuffisance. Notre pays a fait le choix, sous François Ier, de placer sa capitale à Paris, dans les terres, plutôt qu'au Havre, ville tournée vers la mer, ce qui a nécessairement modifié notre rapport à l'ouverture au monde. Il faut donc donner à nos jeunes entrepreneurs, dès qu'ils montent leur entreprise, le goût de l'ouverture. Tous les jeunes qui sortent d'une école de commerce comprennent qu'aujourd'hui, l'horizon, c'est le monde et non pas seulement un marché local ou national.

Cette projection doit évidemment englober l'espace francophone. Je partage votre sentiment selon lequel il faut avoir, à côté de la culture et de l'éducation, qui ont souvent été le cœur de la francophonie, une dimension économique. C'est du reste l'esprit dans lequel s'est tenue voilà quelques jours à Abidjan, en Côte d'Ivoire, avec le mouvement des entreprises de France (MEDEF), la deuxième édition de la Rencontre des entrepreneurs francophones (REF). C'est une très bonne nouvelle que les acteurs économiques se soient désormais engagés dans cette démarche et j'espère que la création de zones de libre-échange en Afrique permettra d'établir des relations privilégiées avec l'espace francophone.

Monsieur David, vous avez mentionné les différentes aides instaurées par les États-Unis, notamment avec l' Inflation Reduction Act, et par nos amis allemands avec le plan de soutien à l'énergie de 200 milliards d'euros. Les 374 milliards de dollars engagés par les États-Unis représentent certes un montant important, mais il faut le rapporter à la population. Avec les différents boucliers tarifaires que nous avons créés pour protéger les Françaises et les Français, les collectivités locales et les petites et moyennes entreprises, ce sont déjà 100 milliards d'euros qui ont été dépensés ou budgétés. Si on y ajoute – sans même évoquer le plan de relance de 100 milliards auquel nous avons eu recours pour sortir de la crise de la Covid – les 54 milliards d'euros de France 2030, ces montants ne sont pas très éloignés des mesures prises en Allemagne ni, somme toute, à échelle constante, aux États-Unis.

Monsieur Portarrieu, l'excédent du secteur aéronautique n'a certes été que de 10 milliards d'euros sur le premier semestre contre 15 milliards précédemment. J'ai bon espoir que la situation se normalise et que l'excédent revienne. Comme vous l'avez dit, les commandes sont là et la question est celle de l'offre. Il faut assurer la pérennité des approvisionnements en matières premières et le titane est, à cet égard, essentiel. J'évoquais, hier encore, ce sujet avec la présidente d'Eramet. Il s'agit là de notre préoccupation principale et je suis très régulièrement en contact avec Guillaume Faury, directeur général d'Airbus, pour nous assurer que ces approvisionnements seront garantis.

Je souscris à votre analyse des conclusions du rapport Varin : nous avons besoin d'une diplomatie des métaux critiques et sommes en train de la déployer. Mon ministère, en particulier, s'emploie à ce que nos approvisionnements soient garantis. Au reste, cette nécessité s'applique à l'ensemble de la transition énergétique car il serait inutile de sortir d'une dépendance au gaz russe pour tomber dans une dépendance aux terres rares, au lithium ou au cobalt chinois. Nous sommes donc en train de déployer toute une stratégie pour nous assurer de l'intégralité de la chaîne, y compris de la production de ces matières.

Je précise, à titre de transition avec ma réponse à la question de monsieur Julien-Laferrière, qu'il faudra bien que nous acceptions de rouvrir des mines, y compris sur notre territoire. Les énergies renouvelables étant pour la plupart intermittentes, nous ne ferons pas la transition énergétique sans avoir la capacité de les stocker, ce qui suppose de disposer de cobalt, de lithium et des terres rares pour fabriquer les batteries. Nous sommes en train de programmer ce processus, qui est déjà engagé. Les mines ouvertes devront être durables et propres. Cependant, l'image de la mine étant souvent dégradée dans l'opinion publique, si chaque projet minier donne lieu à des manifestations violentes, nous serons un jour ou l'autre dépendants des importations de minerais critiques et il serait dramatique que notre souveraineté soit contrainte dans le domaine des énergies renouvelables.

Pour ce qui concerne le Mercosur, le changement de président au Brésil n'implique pas en soi un changement de politique ou de vision. Nos exigences en la matière ont toujours été très claires : premièrement, respect des règlements qui s'appliquent à la déforestation ; deuxièmement, respect de l'accord de Paris sur le climat ; troisièmement, respect, en droit et en fait, des normes sanitaires et environnementales de l'Union européenne pour les produits agroalimentaires importés. Que le président soit M. Bolsonaro ou M. Lula da Silva ne change rien à ces exigences : nous jugeons sur le fond la manière dont un pays observe ces accords.

Quant à l'Ukraine, il faut nous porter au secours des populations civiles. Dans cette perspective, le président de la République a souhaité organiser à Paris, le 13 décembre prochain, un sommet consacré à la résilience civile, qui sera précédé, la veille, à Bercy, d'un volet économique. Il s'agira de permettre, ensemble, à la population ukrainienne de continuer à avoir accès aux ressources de base, notamment durant la période hivernale qui débute.

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Nous en venons aux questions individuelles des députés.

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Les consommateurs français souhaitent restreindre, voire interdire, l'utilisation des pesticides. Pour les agriculteurs, l'interdiction de ces substances sans solution de substitution remet en cause la viabilité de leur production, voire leur unique gagne-pain. Or ces mesures de restriction ou d'interdiction ne sont pas systématiquement harmonisées avec les pays tiers, ce qui restreint leur intérêt en termes environnementaux ou de santé publique. Le problème doit être traité à l'échelle de la planète. Ce manque d'harmonisation crée, en outre, une situation de concurrence déloyale au détriment de nos agriculteurs.

Ainsi en est-il du diméthoate, utilisé pour la production de la cerise. Ce produit a été retiré en France en 2016 mais des clauses de sauvegarde temporaire ont été accordées à plusieurs reprises jusqu'en 2020 pour l'importation de cerises fraîches en provenance de pays où l'utilisation de cette substance est encore autorisée.

La question se pose à nouveau aujourd'hui avec la suppression d'autres molécules utilisées pour la culture de la cerise sans qu'il existe encore de solutions de substitution pour la protection des vergers. Où en est-on dans l'instauration et l'application des clauses miroir ?

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Élu des Ardennes, je souhaite vous interroger sur les moyens dont dispose votre ministère pour renforcer les coopérations transfrontalières en matière d'agriculture, d'industrie, de patrimoine, de recherche, d'innovation, d'emploi ou de santé.

Sur ce dernier point, l'association belge Albatros 08, établissement qui accueille une centaine d'Ardennais en situation de handicap, est l'illustration du parfait exemple de coopération transfrontalière réussie. On pourrait citer de nombreuses autres réalisations ardennaises qui ont bénéficié du soutien financier du Fonds européen de développement régional (FEDER) ou du programme européen Interreg dans les domaines du tourisme, du développement territorial de l'économie.

Alors que la moitié des frontaliers français résident dans la région Grand Est, les collaborations, notamment en matière économique et commerciale, mériteraient d'être accentuées car ces territoires doivent également faire face aux contraintes particulières de la législation des pays dont ils sont proches dans les domaines de l'emploi, des transports, de la santé, de la protection de l'environnement, des risques liés au changement climatique et de la fiscalité. Comment votre ministère peut-il les accompagner ? Avec quels dispositifs ? Surtout, comment améliorer et conforter ces derniers ?

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Depuis des années, on nous vante une supposée relation privilégiée du couple franco-allemand, faite de respect mutuel et qui serait le véritable socle du projet européen. La semaine dernière, vous-même affirmiez que ce couple était le moteur essentiel de la construction européenne, allant même jusqu'à évoquer une relation solide. Du côté du président Macron, on évoque, plus pudiquement, des discussions constructives à l'occasion de sporadiques rencontres avec son homologue.

Ces sourires de façade suscitent de légitimes interrogations sur ce couple très libre. Notre déficit avec notre principal partenaire commercial est en hausse : atteignant 12,4 milliards d'euros, il s'est creusé de 1,5 milliard en une année. Non content de cet avantage commercial, notre bon voisin refuse de discuter d'un plafonnement des prix du gaz alors que la majorité des pays européens y sont favorables. Les économies sont exsangues et pourtant l'Allemagne dicte sa loi. Et je ne parle pas de ses retournements dans le domaine militaire. Un à un, notre voisin quitte les programmes de défense communs et investit massivement du côté des États-Unis, préférant ainsi commander quarante-cinq avions F-18 de Boeing pour 9 milliards d'euros environ afin de remplacer sa flotte vieillissante et, six mois plus tard, trente-huit Typhoon d'Eurofighter pour 5 milliards. C'est certes une victoire pour l'industrie allemande, majoritaire dans le consortium d'Eurofighter, mais la Suisse a remporté à son tour en 2021 un contrat pour trente-huit avions de chasse supplémentaires.

Quels bénéfices tirer de cette relation à sens unique et à géométrie variable ? Comment espérer un changement de l'état d'esprit allemand dans les mois à venir ?

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Lors de leur entretien du 1er novembre, le président de la République et le président ukrainien sont convenus d'une augmentation de l'aide militaire et civile à l'Ukraine et de l'organisation à Paris de deux conférences consacrées, respectivement, le 13 décembre, à la résilience civile du pays durant la période hivernale et, le 12 décembre, dans un cadre bilatéral, à la mobilisation des entreprises françaises.

En 2019, près de 160 entreprises françaises étaient implantées en Ukraine, employant 30 000 personnes et faisant de la France le premier employeur international dans ce pays. La France se situait par ailleurs à la sixième place parmi les investisseurs étrangers.

Dans la perspective de cette conférence bilatérale, comment les entreprises françaises seront-elles mises à contribution et quelles mesures concrètes peuvent être envisagées pour soutenir l'économie ukrainienne et, surtout, la position des entreprises françaises qui souhaitent poursuivre leurs investissements en toute sécurité dans ce pays ?

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Le Conseil du commerce et des technologies (CCT ou Trade and Technology Council ) a été créé en juin 2021 entre l'Europe et les États-Unis. Cet organe a connu deux événements saillants, l'un, en septembre 2021, à Pittsburgh, aux États-Unis, et l'autre à Saclay, en mai dernier, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne (PFUE). Selon les mots de Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur, l'un des axes principaux de la collaboration transatlantique réside dans la sécurisation et la résilience des chaînes d'approvisionnement en ressources stratégiques, des matières premières aux semi-conducteurs, en passant par les ingrédients des vaccins.

Au cours du dernier sommet de Paris, plusieurs lignes de partenariat ont été affichées : le soutien à l'Ukraine, la lutte contre la désinformation et le contrôle des exportations de technologies avancées, ainsi que l'intelligence artificielle, les normes, les efforts en matière de développement durable et la promotion d'un modèle démocratique de gouvernance numérique. Près de six mois après, quel est désormais le rôle du CCT ? Quelle est, par exemple, la portée opérationnelle du groupe de travail Data governance and technology platform, créé par ce Conseil ? Durant sa présidence de l'Union européenne, la France a placé la souveraineté numérique parmi ses objectifs principaux et une usine de semi-conducteurs Intel sera bientôt en production à Magdebourg, en Allemagne.

Pouvez-vous nous éclairer sur la pertinence stratégique du CCT ? Comment s'articule-t-il avec le rôle de protecteur de l'Europe que les États-Unis endossent à la faveur de la guerre en Ukraine et cela n'entre-t-il pas en concurrence avec le projet de souveraineté européenne réaffirmé par la France ? Quel rôle joue le CCT ?

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La guerre en Ukraine a profondément bouleversé les grands équilibres du commerce international et poussé la France à revoir sa doctrine d'approvisionnement énergétique, en réduisant considérablement l'importation d'hydrocarbures russes. L'abandon de ces approvisionnements abondants et peu chers menace d'accroître le déficit commercial de la France, déjà abyssal, nous obligeant à nous tourner vers des fournisseurs d'hydrocarbures nouveaux mais aussi plus coûteux.

Par quelles importations le Gouvernement entend-il compenser le déficit laissé par l'exclusion des importations russes ? Vers quel pays souhaitez-vous vous tourner et quel sera l'impact financier escompté de ce changement de fournisseurs de produits énergétiques ? Nous espérons que les choix de long terme posés par le Gouvernement prendront en compte les critères d'exemplarité, de moralité et de respect des normes démocratiques des pays fournisseurs retenus pour nous approvisionner en gaz et en pétrole. Comme l'a rappelé le président de la République, la France ne doit pas se compromettre avec des régimes violant ouvertement les droits humains et pratiquant des agressions envers leurs voisins.

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De nombreux préjugés sont souvent colportés au sujet des Français de l'étranger par les oppositions évoquant des exilés fiscaux ou des Français qui quittent notre pays pour de mauvaises raisons. En fait, les Français de l'étranger sont 3 millions de compatriotes qui s'efforcent d'avoir un rôle positif, notamment dans les échanges commerciaux. Votre travail dans ce domaine est remarquable.

Ces Français ont rarement accès au système d'enseignement français à l'étranger, qui est précieux mais assez rare par rapport à la population française résidant à l'étranger. Pour des milliers de Français qui n'ont pas accès aux lycées français, le système « français langue maternelle » (FLAM), créé par des associations, permet de garder un accès à la langue française. L'enjeu est fondamental car de nombreux binationaux perdent peu à peu leur rapport avec notre langue et, faute d'avoir accès à un enseignement bilingue complet, ils ont besoin d'un espace de socialisation en français. C'est ce que leur offrent ces associations, qui se sont organisées en ce sens depuis un peu plus d'une vingtaine d'années.

Comme l'a évoqué le président de la République dans son programme pour les Français de l'étranger, comment passer au stade supérieur et aider ces initiatives à se développer pour permettre à un plus grand nombre de Français d'avoir accès à des cours dans leur langue maternelle ?

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Vous avez bien présenté les enjeux du déficit du commerce extérieur de la France et de l'envolée des prix de l'électricité. Certains termes sont importants, comme celui de la réciprocité, que nous n'avons pas davantage évoquée que la parité entre l'euro et le dollar, qui a également un impact sur les chiffres.

Un rapport de la Cour des comptes a souligné le manque d'efficacité du dispositif des aides publiques à l'exportation. Sur la base des conclusions de ce document, je souhaiterais vous poser trois questions concrètes.

Allez-vous reprendre la préconisation de ce rapport visant à rendre gratuite l'offre d'accompagnement à l'exportation pour les entreprises prioritaires ?

Outre le secteur aéronautique, quels secteurs constitueront-ils à l'avenir des priorités de la France pour les exportations ?

Enfin, s'agissant des priorités géographiques, l'Afrique est le principal continent pour l'extraction des matières premières qui nous font cruellement défaut. Comment comptez-vous utiliser le guichet unique que représente la communauté Afrique-France entrepreneurs, que vous avez récemment créée, pour permettre des partenariats avec les pays extracteurs afin d'améliorer notre commerce international et la position de la France dans le monde ?

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Alors que la COP27 se déroule actuellement à Charm el-Cheikh, la Commission européenne déploie des efforts considérables afin d'obtenir la signature et la ratification de divers accords de libre-échange. Ainsi, l'Institut Veblen, la Fondation pour la nature et l'homme et Interbev, l'Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes, dénoncent la pression exercée par Bruxelles pour obtenir la ratification de l'accord du Mercosur. Les associations et nous-mêmes n'avons cessé de donner l'alerte quant aux conséquences de cet accord en matière de déforestation, de transport de produits agricoles à des milliers de kilomètres de distance, de destruction d'emplois, de nivellement par le bas de nos normes sociales et environnementales ou de violations des droits humains. La France elle-même a exprimé son opposition au texte en l'état, en raison des engagements insuffisants pris à propos du climat ou de la déforestation.

Or, au lendemain des élections brésiliennes, la Commission européenne aurait engagé des discussions avec les pays du Mercosur dans le but de découper l'accord en deux et d'en isoler la partie consacrée au commerce, ce qui lui permettrait de court-circuiter les Parlements nationaux, puisque le volet de l'accord portant sur le commerce relèverait alors de la compétence exclusive de l'Union européenne. Dans la plus grande opacité, la Commission européenne serait également en train de préparer une lettre d'accompagnement, dont le contenu et la valeur juridique sont inconnus. Cette démarche est symptomatique d'une volonté de contourner le débat démocratique au profit d'une vision néolibérale incarnée par les accords de libre-échange.

Le collectif unitaire Stop CETA-Mercosur dénonce la volonté de la Commission de Bruxelles de scinder en deux l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Mexique, négocié en toute opacité. Le 30 juin dernier, l'Union européenne et la Nouvelle-Zélande annonçaient aussi la conclusion d'un accord de libre-échange négocié, sans qu'aucun document ait été rendu public au préalable. Face à ces développements, la France semble inerte.

Pouvez-vous nous éclairer sur la capacité de notre pays à maintenir son opposition à l'accord du Mercosur ? Quelle est sa stratégie vis-à-vis des accords conclus respectivement par l'Union européenne avec le Mexique et la Nouvelle-Zélande ? Quelles actions la France compte-t-elle entreprendre afin d'obtenir plus de transparence en la matière de la part de la Commission européenne ?

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Je partage la préoccupation qui vient d'être exprimée. Sur un accord comme celui qui concerne le Mercosur, une procédure totalement transparente est nécessaire, en particulier à propos de la perspective de scission en deux de l'accord.

L'annonce par le président de la République de la volonté de la France de sortir du traité sur la charte de l'énergie (TCE) est une excellente nouvelle car ce traité, qui protège les investissements dans les énergies fossiles, est complètement obsolète au regard de nos objectifs environnementaux et climatiques. Puisque la France, l'Espagne, les Pays-Bas et la Pologne ont décidé de sortir de ce texte, l'Union européenne aura du mal à y rester. Or certaines rumeurs et documents circulent, qui prêteraient à la France l'intention, lors d'un prochain conseil des ministres de l'Union européenne, de prendre position en faveur d'une acceptation par l'Union d'une modernisation du traité, cela malgré l'avis publié par le Haut-Conseil pour le climat, pour qui le TCE, même modernisé, n'est pas compatible avec le rythme de décarbonation du secteur de l'énergie et l'intensité des efforts nécessaires pour réduire ses émissions à l'horizon 2030, comme l'a rappelé l'Agence internationale de l'énergie (AIE) et selon les évaluations du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).

La France doit rester cohérente dans ses propos et ses prises de position. On ne peut pas à la fois dire qu'on sort du traité sur la charte de l'énergie et chercher des moyens permettant à l'Union européenne de rester partie à ce traité modernisé ! Certaines raisons évoquées ne sont pas sérieuses. Quelle position soutiendra donc la France au niveau de l'Union européenne à propos du traité sur la charte de l'énergie ?

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Olivier Becht, ministre délégué

Madame Heydel Grillere, notre politique en matière de pesticides consiste à appliquer le plus systématiquement possible les mesures miroir, au titre desquelles ce qui est interdit au niveau européen doit l'être aussi pour les produits importés. Pour le diméthoate, c'est chose faite, bien que ce processus ait pris un peu de temps entre son interdiction pour les pays européens, en 2016, et l'inscription de cette interdiction dans les textes au titre des mesures miroir. Ce qui importe, c'est la finalité : l'interdiction de la substance. Pour le diméthoate, le seuil de détection est ainsi fixé à zéro.

Nous souhaitons multiplier ces mesures miroir pour l'ensemble des pesticides et des produits phytosanitaires qui seraient utilisés ou interdits au niveau européen. Au-delà de la concurrence déloyale, il s'agit de protéger la santé des consommateurs, qui doivent pouvoir s'attendre à ne pas trouver sur les étals de produits affectés par des substances phytosanitaires interdites au niveau européen.

Monsieur Vuibert, la France dispose d'un ambassadeur chargé de la coopération transfrontalière, M. Philippe Voiry, qui est du reste à votre disposition si vous souhaitez l'interroger sur les dossiers concernant les Ardennes. Une mission opérationnelle transfrontalière, également à votre disposition, est destinée à multiplier les initiatives de cette nature dans tous les domaines, dont évidemment celui de la santé. Nous étions intervenus à ce propos durant le mandat précédent car, lorsqu'une frontière n'est plus une frontière réelle, un hôpital situé à 15 kilomètres de cette frontière doit pouvoir accueillir des patients en provenance du pays voisin. Il faut donc gérer les cartes d'organisation des soins à l'échelle des bassins transfrontaliers pour éviter des redondances à quelques kilomètres de distance le long de la frontière, alors que d'autres parties du territoire pourraient être, au contraire, des déserts médicaux.

Ainsi que le sait madame Klinkert, nous pouvons également procéder à des expérimentations et même user du droit à la différenciation, reconnu par la loi, comme nous l'avons fait pour la collectivité européenne d'Alsace, dont la coopération transfrontalière est devenue l'une des compétences, permettant désormais des rapports directs avec nos voisins pour développer des projets transfrontaliers.

Madame Abomangoli, la relation franco-allemande est, je le répète, solide. Nos amis allemands traversent toutefois un moment difficile qui les contraint à revoir leur logiciel dans trois domaines principaux : le militaire, toute leur défense étant conçue en partenariat avec les États-Unis d'Amérique ; l'énergie, qui était en lien avec la Russie ; l'industrie, en lien quant à elle avec la Chine. Dans ces trois domaines, l'Allemagne est obligée de redéfinir une boussole stratégique, ce qui entraîne nécessairement des mouvements par rapport à ses positions précédentes, sur lesquelles nous pouvions être alignés, et qui rouvre parfois des discussions.

Comme dans tous les couples, de telles discussions sont possibles sur certains sujets mais le couple franco-allemand, vieux couple qui a traversé de nombreuses épreuves, est assez solide pour traverser également celle-ci. J'ai toute confiance dans le fait que, dans le domaine militaire, l'Allemagne tiendra solidement les engagements qu'elle a pris sur les programmes essentiels pour la défense européenne, comme le programme du char commun Leclerc-Léopard et le système de combat aérien du futur, avec l'avion de cinquième génération qui succédera au Rafale.

Pour ce qui est du plafonnement du prix du gaz, le chancelier Scholz n'est visiblement pas opposé, au bout du compte, à un accord européen sur ce point. Nous continuons d'y travailler.

Madame Klinkert, je tiens d'abord à vous féliciter pour votre élection à la coprésidence de l'Assemblée parlementaire franco-allemande, institution qui montre bien que la relation entre nos deux pays est solide, comme les institutions que nous avons créées.

Pour ce qui concerne l'aide à l'Ukraine, le Gouvernement a en effet organisé les sommets qui se tiendront les 12 et 13 décembre. Un soutien bilatéral financier et humanitaire est prévu, d'un montant de 2 milliards de dollars, qui comprend une aide budgétaire immédiate, un volet d'aide humanitaire et une importante enveloppe destinée à mettre à la disposition de l'Ukraine nos instruments de financement à l'export pour des projets utiles à la résilience économique et à la reconstruction du pays, ce qui est notamment important pour la gestion du risque.

Nous avons également mobilisé le niveau européen, avec une assistance macro-financière (AMF) d'urgence de l'Union européenne d'un montant de 1,2 milliard d'euros, dès le début de l'agression, et le vote ultérieur d'une nouvelle AMF exceptionnelle d'un montant maximal de 9 milliards. Il faut encore mentionner un paquet de huit sanctions et, sur le plan commercial, l'adoption, le 25 mai d'un règlement autonome permettant de libéraliser temporairement les échanges avec l'Ukraine pour encourager les flux existants ; j'ai évoqué ce point tout à l'heure.

Nous encourageons nos entreprises qui étaient en Ukraine à y rester et nous en encourageons d'autres à s'y rendre pour participer à la reconstruction du pays. C'est fondamental.

Madame Clapot, j'ai évoqué la semaine dernière, à Prague, avec l'ambassadrice Katherine Tai, représentante américaine au commerce – c'est-à-dire l'équivalent du ministre du commerce au sein de l'Administration Biden – les relations commerciales avec les États-Unis d'Amérique, notamment le Conseil du commerce et des technologies. Ce dernier est composé de dix groupes ayant notamment pour sujets clés les règles d'usage des technologies émergentes, l'établissement de normes et standards, la résilience des chaînes de valeur et le contrôle des exportations, avec pour objectifs de coordonner la réponse aux distorsions de concurrence internationale et de limiter les effets négatifs des divergences des politiques américaines et européennes, tout particulièrement les effets extraterritoriaux des dispositifs américains de sécurité nationale, qui sont un problème dans le domaine numérique.

Lors de la prochaine réunion du CCT, qui doit avoir lieu au mois de décembre à Washington, trois sujets principaux seront abordés : la résilience des chaînes de valeur, avec le lancement opérationnel d'un système d'alerte précoce permettant de faire face aux perturbations des chaînes d'approvisionnement de semi-conducteurs – sujet important dans l'aéronautique et l'automobile – ; l'évaluation de l'intelligence artificielle (IA), avec l'adoption d'une feuille de route portant notamment sur les outils de mesure propres à assurer une IA de confiance ; l' Inflation Reduction Act, afin d'éviter les distorsions de concurrence et de nous assurer que les aides soient offertes également pour les entreprises européennes qui opéreraient aux États-Unis avec des produits dont le contenu ne serait pas 100 % américain.

Monsieur Jolly, nous n'avons pas vraiment changé de fournisseurs de gaz car la dépendance française au gaz russe était moins importante que celle d'un grand nombre de nos partenaires, notamment l'Allemagne. Nous importons du gaz en provenance de Norvège, des Pays-Bas ou d'Algérie, qui étaient nos fournisseurs traditionnels. Le vrai problème ne tient pas tant au changement de fournisseur qu'au prix du gaz car la politique menée au niveau européen et consistant à ne plus acheter progressivement de gaz russe se traduit par une hausse des prix pétroliers et gaziers sur les marchés.

Monsieur Weissberg, l'enseignement du français est fondamental. Nous poursuivons en la matière deux objectifs. Le premier est de multiplier les écoles françaises, afin de doubler le nombre d'enfants accueillis dans les écoles d'enseignement du français à l'étranger. L'autre est le soutien au programme FLAM et au pass éducation, qui permettent de soutenir financièrement l'accès des enfants de Français, même s'ils ne sont pas scolarisés dans des écoles françaises, aux programmes d'enseignement du français, notamment dans le cadre extrascolaire.

Monsieur Abad, j'avais évoqué au début de mon intervention, avant votre arrivée, la dépréciation de l'euro face au dollar. Nous allons étudier précisément la recommandation d'une offre gratuite d'accompagnement de nos entreprises, en évitant toutefois les effets d'aubaine qui pourraient se produire à la marge. Il nous faut, en tout cas, assurément renforcer l'accompagnement de nos entreprises, notamment sur les salons et les foires. Diverses mesures en ce sens ont été prises dans le cadre du plan de relance et il faut voir aujourd'hui comment aider nos entreprises sans pour autant pérenniser ce dispositif.

En termes de priorités sectorielles, je ne suis pas certain qu'il faille définir une liste restreinte de priorités. Mieux vaut conserver une ouverture assez large, à l'instar de nos amis allemands, champions de l'export, qui interviennent tous azimuts. Nous disposons certes de secteurs de force mais nous ne devons pas nous interdire d'intervenir aussi, par exemple, dans le secteur de la machine-outil ou, demain, dans celui des matières premières. Si la France parvient à produire massivement de l'hydrogène bleu, nous ne devrons pas nous nous interdire d'être demain exportateurs d'énergie.

Quant aux priorités géographiques, il ne faut pas non plus restreindre le champ à une zone du monde, nous devons pouvoir exporter aussi bien en Amérique qu'en Océanie, en Asie ou en Afrique. Ce dernier continent doit toutefois être une priorité pour la France car il sera celui de la croissance du XXIe siècle, avec en premier lieu une croissance démographique qui en doublera la population d'ici à 2050 : on comptera alors pratiquement un milliard d'Africains de plus qu'aujourd'hui. Les classes moyennes se développent d'une manière assez importante, comme je l'ai vu lors de nombreux déplacements – au Maroc, en Algérie, au Bénin, au Cameroun ou en Côte d'Ivoire, où je me trouvais la semaine dernière.

Le continent africain est un marché important pour nos entreprises et il est par ailleurs très riche en ressources minérales. Nos entreprises doivent donc y être présentes : certaines le sont déjà et d'autres doivent l'être davantage car la transition énergétique passera par la maîtrise de ces matières premières. Cependant, les pays africains souhaitent aujourd'hui, très légitimement, que nous ne nous bornions pas à l'extraction minière comme le font les Chinois, qui rapatrient la matière première en Chine pour la traiter, mais que nous produisions aussi de la valeur ajoutée sur le continent.

Comme le président de la République l'a dit, Madame Leboucher, l'accord avec le Mercosur n'est pas acceptable en l'état. Sa ratification est soumise à trois conditions, qui nécessitent donc qu'un nouveau travail ait lieu : l'inclusion dans le traité de l'accord de Paris sur le climat ; le règlement sur la déforestation – on ne peut pas continuer à déforester massivement le poumon de notre planète qu'est l'Amazonie et à faire de la culture intensive de canne à sucre ou de l'élevage sur des terres gagnées sur la forêt – ; le respect des normes sanitaires et environnementales européennes – il est hors de question que l'on puisse importer de la viande brésilienne ou d'autres pays du Mercosur qui ne respecteraient pas nos normes.

La question de la scission de l'accord devra être débattue au niveau européen mais je vais vous donner mon sentiment : il ne s'agit pas simplement d'un accord commercial, c'est aussi un accord de partenariat global, qui est un peu différent des accords avec le Mexique ou le Chili. Il me semble donc difficile de scinder un tel accord.

L'accord avec le Mexique me paraît un bon accord, qui peut être bénéfique pour la France. Nous avons notamment parlé de l'enjeu que représentent les matières premières, comme le spath fluor et le lithium. Il faut néanmoins que les clauses de revoyure intègrent les mêmes exigences que celles prévues dans l'accord conclu avec la Nouvelle-Zélande, qui préfigure les accords de libre-échange de nouvelle génération, lesquels intègrent l'accord de Paris et les règles de l'Organisation internationale du travail. Je sais que je ne vous convaincrai pas si vous êtes par principe contre les accords de libre-échange mais l'accord de nouvelle génération conclu avec la Nouvelle-Zélande contient beaucoup d'éléments positifs.

Je rappelle aussi que nous avons transféré démocratiquement, lors du référendum sur le traité de Maastricht, la compétence commerciale à l'Union européenne, selon des règles très claires. Le Parlement européen, qui est élu démocratiquement, valide les accords et nous sommes associés aux négociations, en tant qu'État, au niveau du conseil des ministres. Je suis tout à fait prêt à revenir devant vous pour vous informer au fur et à mesure.

En réponse à madame Pompili, je confirme que la France a décidé de sortir du traité sur la charte de l'énergie. Nous souhaitons, idéalement, une sortie coordonnée avec d'autres partenaires européens. En même temps, nous ne voulons pas interdire aux pays qui décident de rester dans ce traité de le faire évoluer. Les amendements proposés ne nous satisfont pas car nous pensons qu'il faut mettre la barre encore plus haut et c'est la raison pour laquelle nous nous retirons du traité. Néanmoins, nous sommes prêts à accepter l'adoption d'amendements. Ce n'est pas faire preuve de schizophrénie : simplement, ces amendements ne nous concerneront pas.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, la symphonie des adieux s'achève donc là, les instrumentistes nous quittant un à un à l'issue de leur prise de parole pour vous poser leurs questions. Vos réponses ont en tout cas été précises et claires.

Si votre audition par notre commission s'est faite désirer depuis votre nomination au Gouvernement, soyez sûr qu'elle en appellera d'autres et que nous aurons plaisir à vous recevoir de nouveau. En attendant, nous vous souhaitons une totale réussite dans la défense des intérêts de la France lors du conseil des affaires étrangères du 25 novembre prochain.

Permalien
Olivier Becht, ministre délégué

Monsieur le président, je serai à la disposition de la commission aussi souvent qu'elle souhaitera m'entendre sur l'ensemble des sujets relevant de ma compétence.

La séance est levée à 20 h 05

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Damien Abad, M. Jean-Louis Bourlanges, Mme Eléonore Caroit, Mme Mireille Clapot, M. Alain David, M. Frédéric Falcon, M. Thibaut François, M. Bruno Fuchs, M. Joris Hébrard, Mme Laurence Heydel Grillere, M. Alexis Jolly, M. Hubert Julien-Laferrière, Mme Brigitte Klinkert, Mme Amélia Lakrafi, Mme Élise Leboucher, Mme Nathalie Oziol, Mme Barbara Pompili, M. Jean-François Portarrieu, M. Lionel Vuibert, M. Christopher Weissberg, Mme Caroline Yadan

Excusés. - Mme Véronique Besse, M. Moetai Brotherson, M. Sébastien Chenu, M. Olivier Faure, M. Meyer Habib, M. Tematai Le Gayic, Mme Marine Le Pen, M. Jean-Paul Lecoq, M. Laurent Marcangeli, M. Nicolas Metzdorf, M. Bertrand Pancher, Mme Laurence Robert-Dehault, Mme Liliana Tanguy, Mme Laurence Vichnievsky, M. Éric Woerth, Mme Estelle Youssouffa

Assistait également à la réunion. - Mme Nadège Abomangoli