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Intervention de Olivier Becht

Réunion du mardi 8 novembre 2022 à 18h00
Commission des affaires étrangères

Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger :

Je suis heureux de pouvoir vous présenter ma feuille de route pour les trois volets que vous avez évoqués – le commerce extérieur, l'attractivité et les Français de l'étranger – et de vous parler du conseil des affaires étrangères de l'Union européenne, qui sera consacré au commerce le 25 novembre prochain. Je suis là pour vous informer et vous donner ma vision des choses mais aussi pour m'imprégner de l'avis du Parlement : cela fait partie de la manière dont nous agrégeons la position de la France dans les instances européennes.

S'agissant du commerce extérieur, nous avons effectivement un déficit conjoncturel important parce que nous sommes obligés d'importer une énergie dont les prix ont été multipliés par cinq entre la mi-2020 et la mi-2022, et nous subissons en plus un facteur monétaire : la dépréciation de l'euro par rapport au dollar, de 10 % à 15 %, qui renchérit nos importations. Notre facture énergétique devrait ainsi représenter les deux-tiers du déficit commercial : elle sera vraisemblablement comprise entre 80 et 100 milliards d'euros et le déficit lui-même devrait être supérieur à 150 milliards – il va plus que doubler par rapport à l'année dernière. C'est une mauvaise nouvelle mais, sachant qu'elle s'explique par la crise énergétique, on peut raisonnablement espérer, grâce à la transition énergétique et à un retour à une meilleure fortune sur le plan de l'énergie, parvenir à éponger progressivement cette part du déficit.

Notre déficit du commerce extérieur comporte aussi, depuis 2004, un volet structurel. Il tient en grande partie à la désindustrialisation menée dans les années 1990 et au cours des années 2000, qui nous oblige à importer des produits qu'on ne fabrique plus et que l'on exportait auparavant. C'est donc une double peine qui creuse le déficit de la balance commerciale.

Notre première ligne d'action porte donc sur la réindustrialisation, notamment dans le cadre du plan France 2030. Le processus prendra du temps : il faudra plusieurs années pour que le déficit structurel lié à la désindustrialisation puisse être corrigé mais l'action qui s'imposait a été enclenchée.

Une deuxième cause du déficit structurel tient à la faiblesse à l'exportation de nos petites et moyennes entreprises (PME), et même de certaines de nos entreprises de taille intermédiaire (ETI). Nous avons 139 000 entreprises exportatrices en France ; c'est 20 000 de plus qu'il y a encore quelques années mais cela reste largement insuffisant en comparaison des 220 000 entreprises exportatrices en Italie et des plus de 330 000 en Allemagne. Environ 20 % des PME exportent en France, contre presque 80 % en Allemagne.

Un gros travail est donc à faire avec la Team France Export, c'est-à-dire Business France, BPIFrance, les chambres de commerce et d'industrie (CCI), les régions, ainsi que des partenaires tels que les conseillers du commerce extérieur de la France. J'ai demandé aux conseillers de Business France et des CCI d'engager une démarche de porte-à-porte en allant demander aux entreprises pourquoi elles n'exportent pas et d'essayer de lever les différentes craintes qu'elles peuvent avoir, de leur donner les meilleurs outils possibles – la palette est déjà relativement large pour les aides à l'exportation –, et d'assurer un mentorat en les mettant en relation avec des chefs d'entreprises qui exportent.

Pousser nos PME et nos ETI à exporter est donc une ligne d'action mais je souhaite aussi veiller à ce que les entreprises exportant déjà puissent continuer à le faire. À peu près un tiers des entreprises exportatrices décrochent chaque année : il faudra en analyser les raisons et faire en sorte qu'elles puissent se maintenir. Si l'on sauvait ne serait-ce que la moitié des entreprises néo-exportatrices chaque année, cela en ferait 15 000 de plus et nous pourrions assez facilement monter en puissance. Sans rattraper les Allemands, nous pourrions faire au moins aussi bien que les Italiens.

S'agissant de l'attractivité, la bonne nouvelle, c'est que nous sommes la première terre d'accueil des investissements étrangers en Europe. C'est le fruit de tous les efforts que nous avons faits au cours des cinq dernières années pour rendre le pays attractif, avec notamment la baisse des impôts de production, d'à peu près 10 milliards d'euros et, bientôt, la disparition en deux ans de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Nous avons également ramené le taux de l'impôt sur les sociétés de 33 % à 25 %, afin de rallier la moyenne des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Nous avons réformé le droit du travail pour le rendre plus flexible et pour sécuriser les procédures, et surtout les barèmes des licenciements. Nous avons mis en place des politiques de simplification administrative, notamment pour l'accueil des investissements, avec les terrains dits clefs en main – nous avons identifié 127 sites dans lesquels les entreprises peuvent se poser du jour au lendemain, sans avoir à réaliser les différentes études environnementales ou encore archéologiques, car elles ont déjà été menées, ce qui facilite grandement l'installation.

Nous devons poursuivre ce mouvement de simplification et de baisse des impôts de production, tout en nous occupant du « dernier kilomètre », c'est-à-dire des petits détails qui compliquent la vie des investisseurs – souvent, des procédures administratives, comme le traitement des demandes de titres de séjour, qui font partie de l'image de la France pour les personnes qui investissent chez nous. C'est un sujet majeur car l'attractivité contribue à la réindustrialisation. Est en jeu notre capacité à avoir des investissements étrangers qui ne soient pas seulement des extensions d'usines mais qui soient aussi du greenfield – c'est-à-dire de nouvelles implantations – de la part d'entreprises françaises ou étrangères. Nous comptons fortement sur le plan France 2030 pour avancer en matière d'énergies renouvelables, de nucléaire, d'intelligence artificielle, de quantique et de biotechnologies, ainsi que sur l'ensemble des industries plus classiques dont nous avons besoin.

Les Français de l'étranger sont le troisième volet de ma feuille de route. Environ 1,7 million de personnes sont inscrites sur les listes de nos consulats mais, en réalité, les Français de l'étranger sont vraisemblablement deux fois plus, entre 3 et 3,5 millions : on s'en rend véritablement lorsqu'il faut s'occuper d'eux à l'occasion d'une crise. Ces compatriotes constituent une force très importante pour notre pays. Contrairement à ce que certains disent, ce ne sont pas des exilés fiscaux, ce sont des personnes qui contribuent à l'image de la France et à son attractivité à l'étranger, où elles sont installées la plupart du temps pour des raisons économiques. Nous devons notamment garantir aux Françaises et aux Français de l'étranger des droits à peu près équivalents à ceux qu'ils auraient s'ils se trouvaient sur le territoire national. Nous sommes ainsi en train d'agir pour améliorer leur situation dans quatre domaines.

Le premier concerne les services publics. Il faut simplifier un certain nombre de procédures administratives, notamment grâce à la dématérialisation de titres d'état-civil et d'identité. Nous travaillons ainsi à la résorption des délais concernant les passeports et les cartes nationales d'identité (CNI) et nous souhaitons que le renouvellement de ces titres puisse se faire de manière dématérialisée.

Le deuxième champ d'action est social. Certains Français qui se sont expatriés se retrouvent en difficulté du fait des crises multiples qui se produisent dans le monde, qu'elles soient sanitaires, énergétiques ou plus généralement économiques. Afin de ne laisser personne au bord de la route, nous développons des aides, dans le cadre des conseils consulaires pour la protection et l'action sociale (CCPAS) et des organismes locaux d'entraide et de solidarité (OLES).

L'éducation est le troisième domaine sur lequel nous travaillons. Il s'agit de développer nos établissements pour accueillir les enfants de nos compatriotes dans des écoles françaises mais aussi pour offrir davantage de places pour les jeunes des pays étrangers. C'est un moyen de donner une image attractive de la France et de favoriser le partage de valeurs dans un monde où celles-ci sont de plus en plus contestées. Le rayonnement de notre pays passe donc aussi par le développement des écoles.

Enfin, nous travaillons dans le domaine économique pour valoriser les entreprises françaises à l'étranger. Il faut les aider lorsqu'elles sont en difficulté mais aussi veiller à ce qu'elles soient un fer de lance pour notre image, pour notre attractivité et pour le made by France, que nous souhaitons promouvoir. Pour avoir déjà fait beaucoup de déplacements à l'étranger, je peux vous dire que ces entreprises, qu'elles soient grandes ou petites, qu'elles soient filiales de groupes français, entreprises de droit local à capitaux français ou dirigées par des Français, sont la plupart du temps des modèles de réussite, extrêmement appréciés dans les pays où elles opèrent.

Je termine par le conseil des affaires étrangères de l'Union européenne consacré au commerce, qui se tiendra le 25 novembre, sous présidence tchèque. Plusieurs sujets seront abordés : la réforme de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et la préparation de la treizième conférence ministérielle de cette organisation ; les relations commerciales entre l'Union européenne et les États-Unis ; le soutien commercial apporté à l'Ukraine ; les relations commerciales bilatérales de l'Union européenne, y compris les négociations en cours.

En ce qui concerne l'OMC, la douzième conférence, qui a plutôt été un succès par rapport à ce qu'on pouvait en attendre, a porté notamment sur la sécurité alimentaire, la lutte contre la pandémie de coronavirus et la préservation des ressources halieutiques : un accord a notamment été trouvé en ce qui concerne la pêche illégale et la fin des aides à celle-ci. La prochaine conférence devrait permettre d'approfondir certains sujets et, nous l'espérons, de travailler sur la réforme de l'OMC, notamment son organe de règlement des différends.

La relation commerciale entre l'Union européenne et les États-Unis s'est beaucoup améliorée. L'objectif sera de conforter les accords trouvés avec l'administration Biden, dont deux très importants relatifs, l'un, à Airbus et Boeing et, l'autre, à l'acier et l'aluminium, qui étaient sujets de conflit avec l'administration Trump. Nous aurons aussi à discuter de l' Inflation Reduction Act, dont l'adoption par le Congrès constitue certes une bonne nouvelle pour les États-Unis mais dont certaines dispositions contreviennent aux règles de l'OMC. En particulier, le fait de réserver les aides américaines à des produits contenant exclusivement des composants locaux, c'est-à-dire fabriqués aux États-Unis, risque de conduire à des transferts d'implantations de l'Europe vers les États-Unis, notamment dans le domaine des énergies renouvelables. Nous devons agir d'une manière assez ferme pour conserver notre attractivité.

Pour ce qui est du soutien commercial apporté à l'Ukraine, nous avons déjà fait beaucoup, notamment en levant les obstacles aux importations de produits ukrainiens et en mettant en place des aides directes. Nous devons continuer, en libéralisant encore davantage les échanges que nous avons avec l'Ukraine, tout en prévoyant des clauses de sauvegarde pour faire en sorte que dans certains domaines, comme l'agriculture, nos propres produits ne soient pas trop concurrencés.

Nous aurons certainement l'occasion de revenir sur le dernier sujet, les relations commerciales bilatérales de l'Union européenne car je suis à peu près certain que vous m'interrogerez sur certains accords en cours de négociation ou déjà conclus avec des pays tiers. J'ajoute simplement que nous travaillons sur ce qu'on appelle les outils d'anti-coercition, dont nous devons nous doter pour répondre aux pratiques dites assertives de certains pays : je pense en particulier aux sanctions prises par la Chine à l'égard de la Lituanie, en guise de rétorsion face à la position de cet État membre de l'Union européenne au sujet de Taïwan. Nous aurons probablement aussi une discussion sur le système des préférences généralisées, qui permet de lever les obstacles pour les pays les moins avancés mais qui arrive bientôt à échéance ; il faudra vraisemblablement reconduire ce dispositif.

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