La commission procède à l'audition, ouverte à la presse, de M. Stéphane Séjourné, ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président.
La séance est ouverte à 19 h 05
Monsieur le ministre, nous vous remercions de venir nous voir dans cette journée bouleversée. Ce qui se passe aux antipodes est impressionnant et la convocation cet après-midi par le président de la République du Conseil des ministres, qui nous a empêchés de nous réunir plus tôt, est justifiée.
Je voudrais commencer par vous parler de notre audiovisuel extérieur.
Le Sénat a adopté une proposition de loi, transmise à l'Assemblée, à laquelle le Gouvernement a greffé, par amendement fleuve, un projet de loi « sauvage ». Cette façon de procéder incompréhensible a provoqué une forte émotion au sein de notre commission.
Sur la forme, les délais d'examen sont invraisemblables, puisque la commission des affaires culturelles et de l'éducation, saisie au fond depuis vendredi dernier, a voté hier soir, avant un examen en séance publique prévue la semaine prochaine. Or c'est là une immense affaire et l'audiovisuel extérieur relève des compétences de notre commission. En outre, nous ne disposons pas d'avis du Conseil d'État et il n'y a pas eu d'étude d'impact. Or, d'après certaines informations, la fusion serait très coûteuse. Comme je l'ai signalé en conférence des présidents, en présence de la ministre déléguée en charge des relations avec le Parlement, cette procédure est chaotique et injustifiée. La commission des affaires culturelles et de l'éducation a voté hier et nous n'avons absolument pas eu voix au chapitre.
Sur le fond, il y a eu un revirement du Gouvernement, à propos duquel j'enquête – à la manière d'Hercule Poirot – car nous manquons d'informations. Le Gouvernement s'était engagé à ce que l'audiovisuel extérieur ne soit concerné ni par la création de la holding regroupant les opérateurs de l'audiovisuel public, ni par la fusion des sociétés constitutives de la holding, prévue un an plus tard. Mme Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale de France Médias Monde, m'avait fait savoir mardi que cette option avait été approuvée par son conseil d'administration. Or, en fin de semaine dernière, Mme Rachida Dati, ministre de la culture censée déposer un amendement en ce sens, a changé son fusil d'épaule. Nous voici donc face à la perspective d'une modification radicale de la situation de l'audiovisuel public extérieur, sans aucune information préalable, sans aucune consultation, formelle ou informelle de notre commission, et donc sans aucune concertation possible.
Face à cette situation pénible, nous avons essayé de procéder comme nous le pouvions. Des députés des groupes Démocrate et Renaissance, notamment Mme Béatrice Piron, ont déposé en commission des affaires culturelles et de l'éducation un amendement visant à soustraire l'audiovisuel extérieur à la holding. Cela a donné lieu à des échanges compliqués avec le Gouvernement. Les services du premier ministre et de la ministre de la culture semblaient en décalage, ce qui paraît inquiétant : Mme Rachida Dati était contre cet amendement, qui a néanmoins été voté hier après-midi.
Liesse : nous avions, pour l'instant, soustrait l'audiovisuel extérieur au projet de holding ! Mais il n'échappe pas pour autant au projet de fusion. Nous restons donc préoccupés et l'ensemble des représentants des groupes, y compris les groupes de la majorité, à l'occasion du bureau de la commission que j'ai réuni aujourd'hui, s'est indigné de la procédure et s'est solidarisé avec la proposition d'amendement que je déposerai pour veiller à ce que l'audiovisuel extérieur soit également soustrait au projet de fusion.
La situation est sérieuse, la procédure et le fond se conjuguant avec une certaine gravité. Votre anté-prédécesseur, M. Jean-Yves Le Drian, m'avait confirmé à titre personnel au téléphone – avec sagacité – que l'audiovisuel extérieur devait rester à l'extérieur. Êtes-vous en mesure de nous donner des assurances quant à l'attitude finale du Gouvernement, qui jusqu'à présent ne nous est apparue ni très constante, ni très claire ?
Avant de commencer, j'aurai un mot pour le premier ministre slovaque, M. Robert Fico, victime d'une attaque brutale et lâche près de Bratislava. Nous lui adressons nos vœux de rétablissement et condamnons avec la plus grande fermeté ces actes de violence extrême, qui sont injustifiables. Je suis certain que la représentation nationale s'associe à cette condamnation
Tout à fait ! Quelles que soient les réserves que l'on pourrait avoir quant à ses options politiques, ce crime est abominable. Avez-vous des informations sur son état de santé ?
Je n'ai pas plus d'informations à ce sujet que ce qui a été rapporté par la presse.
J'en viens à l'audiovisuel extérieur, qui est un opérateur essentiel du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Chaque semaine, il touche 255 millions de personnes dans le monde, dans vingt et une langues, par l'intermédiaire de chaînes allant de France 24 à RFI – Radio France internationale –, en passant par des chaînes arabophones telles que MCD – Monte Carlo Doualiya. Chacune de ces chaînes ou radios répond à des objectifs précis et respecte un cahier des charges dans l'information qu'elle délivre aux publics étrangers car la manière de s'adresser à eux et les sujets traités peuvent parfois être très différents des nôtres.
Les enjeux en matière d'influence et d'information sont énormes. Dans un contexte international marqué par une forte propagande, par la difficulté à trier entre bonnes et mauvaises informations et par le relativisme des modèles de journalisme, elles garantissent aux publics une information fiable sur notre pays, ses actions et, plus largement, sur nos valeurs. Elles contribuent à une lutte efficace contre la désinformation et constituent un véritable outil pour la diplomatie française.
Pour toutes ces raisons, nous sommes favorables à l'exclusion de l'audiovisuel extérieur de ce qui est en cours de préparation sous l'égide du ministère de la culture. Matignon a rendu son arbitrage : il est favorable à l'amendement que vous avez mentionné et je n'ai aucun doute sur le fait que le Gouvernement émettra un avis favorable en séance.
Je vous remercie pour cette clarification importante. Nous allons poursuivre nos échanges mais il ne me paraît pas possible que la décision sur ce sujet, quelle qu'elle soit, soit prise en ayant complètement court-circuité le débat avec notre commission.
J'en viens à présent aux différentes crises qui suscitent notre préoccupation. Concernant l'Ukraine, nous aimerions comprendre exactement ce que nous, Européens et Occidentaux, faisons alors que la situation sur le terrain est extrêmement difficile. Avez-vous des éclaircissements sur ce que signifient les mutations des hauts responsables de la défense en Russie ? Et surtout, pourquoi l'Europe, les États-Unis et le Canada – c'est-à-dire les puissances les plus riches, les plus développées et les plus avancées technologiquement – sont incapables de mieux répondre à l'exigence de soutien formulée par nos amis ukrainiens depuis deux ans ? On se souvient dans quelles conditions dramatiques s'était déroulé le Conseil européen en décembre dernier. Pourquoi ne faisons-nous pas mieux ? Pourquoi laissons-nous les Ukrainiens dans cette situation folle ? L'impression qui se dégage est celle d'une faiblesse morale structurelle de nos sociétés, qui m'indigne profondément.
Je voudrais aussi que vous fassiez le point concernant Gaza. Nous sommes un certain nombre au sein de la commission – pas tous, cependant – à avoir apprécié la position du Gouvernement au Conseil de sécurité des Nations Unies en faveur de la reconnaissance d'un État palestinien. Cela nous paraît être la seule solution possible si l'on souhaite créer une situation équilibrée et apaisée à Gaza. Comment pressentez-vous l'évolution de la pression militaire sur Gaza ? Les informations semblent contradictoires, faisant état d'une reconstitution des forces du Hamas dans le Nord de la zone, ou encore de nombreux échanges de tirs à la frontière israélo-libanaise et du souhait d'une grande partie du cabinet israélien d'agir dans cette zone avant la rentrée des classes, avec un risque d'extension du conflit au Liban. Nous ne comprenons pas comment la situation, préoccupante à long terme, peut évoluer en Cisjordanie. Quelle est votre analyse de l'attitude du gouvernement américain, qui semble tiraillé entre des impératifs contradictoires et éprouver de grandes difficultés à arbitrer ?
S'agissant de l'Union européenne, où en sommes-nous, à quelques jours de la visite d'Etat présidentielle en Allemagne, de nos relations avec nos partenaires et amis allemands ? Nous avons l'impression que nous ne sommes pas exactement sur la même longueur d'ondes depuis un certain temps. Comment envisagez-vous l'évolution de la situation ?
Nous sommes aussi très préoccupés par ce qui se passe en Géorgie et par l'adoption de la loi sur l'influence étrangère. J'ai eu de longues discussions avec l'ambassadeur de Géorgie à Paris, un personnage remarquable et respecté qui vient de démissionner ; il m'a dit combien il était inquiet. Le Rêve géorgien, parti dominant, semble engagé dans une procédure qui pourrait aboutir à un véritable déchirement du pays et une destitution de la présidente de la République. Comment percevez-vous cela ?
Enfin, comment se passe la normalisation de nos relations avec le Sénégal, après des moments de forte tension ? Le Gouvernement, qui a voulu maintenir des relations normales à la suite de l'élection présidentielle compliquée qui vient de se dérouler dans ce pays, me semble avoir eu un comportement positif.
Au cours de ma dernière audition par votre commission, j'avais insisté sur les crises qui fracturent le monde : elles ne sont pas résolues, tant s'en faut. Face au risque de basculement de l'ordre international, nous sommes déterminés à organiser et à amplifier la riposte, et ce dans tous les domaines.
Je voudrais revenir sur quelques initiatives menées par mon ministère à propos de la question humanitaire et des efforts de paix conduits dans les crises que vous avez évoquées, sur les grands enjeux de notre avenir européen, sur les négociations climatiques – le ministère ayant pris la charge de celles-ci au niveau international – et sur l'attractivité de notre pays et de son économie.
J'évoquerai d'abord la crise au Soudan, malheureusement oubliée et passée inaperçue pendant plusieurs mois. La France, l'Allemagne et l'Union européenne (UE) ont organisé, le 15 avril dernier, une conférence humanitaire internationale pour le Soudan et les pays voisins. Des milliers de personnes y sont déplacées, des dizaines de milliers vont peut-être décéder et des milliers d'enfants sont privés d'éducation et de logement : c'est une véritable catastrophe humanitaire qui est en cours. Malgré l'actualité internationale très dense, elle mérite d'être discutée. Les besoins des Soudanais sont vertigineux et la famine menace. La mobilisation internationale nous a permis de réunir 2 milliards d'euros. La conférence a aussi été l'occasion de mieux coordonner les initiatives de médiation et de réunir les acteurs de la société civile soudanaise car l'arrêt des combats sera nécessaire pour retrouver une situation normale.
Vous avez eu tout à fait raison d'évoquer cette situation et je regrette moi-même de ne pas l'avoir fait.
À Gaza, la France s'emploie depuis plusieurs mois à maintenir une pression maximale afin d'ouvrir des accès humanitaires. Nous exigeons que la population réfugiée à Gaza soit protégée et qu'elle puisse vivre en paix et en sécurité. Au Liban, également concerné par la crise, nous continuons à œuvrer pour éviter l'effondrement en soutenant la société civile libanaise. La semaine dernière, nous y avons encore acheminé près de 2 tonnes de médicaments. Nous continuons d'agir : la poursuite des combats à Gaza accroît le risque de déstabilisation au Sud du Liban et de déflagration à l'échelle de l'ensemble de la région.
En Égypte, en Jordanie, en Arabie saoudite, au Liban et en Israël, la France défend la même position, que j'ai exprimée aussi devant la représentation nationale : l'horreur du 7 octobre 2023 et du terrorisme du Hamas, l'urgence vitale de la libération des otages, la nécessité d'un cessez-le-feu durable à Gaza, l'obligation d'une désescalade et de trouver une voie politique pour une solution à deux États, à même de vivre côte à côte en sécurité et en paix. Il est urgent, pour les pays européens et pour les pays arabes partenaires dans la région, de développer une vision commune. La France est bien placée pour assurer le lien auprès de nos partenaires régionaux, C'est sur ces grands principes que nous avons bâti une résolution encore en discussion au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies.
Œuvrer pour éviter l'escalade dans la région à la suite de l'attaque sans précédent contre Israël implique également d'accroître la pression sur l'Iran. Un Iran nucléarisé constituerait un danger inacceptable pour nous, d'autant plus que certains pays, moins démocratiques que le nôtre, pourraient conclure de la situation internationale qu'être doté de l'arme nucléaire autorise à violer le droit international – ou en tout cas que vous n'êtes pas respecté de la même manière – : il y aurait alors un risque terrible de course au réarmement, notamment nucléaire.
La France est impliquée pour dessiner l'Europe de demain et défendre dès aujourd'hui sa souveraineté. En pleine campagne des élections européennes, nous avons décidé, avec l'Allemagne et la Pologne, d'adopter une nouvelle stratégie de dénonciation publique de toute menace envers notre cohésion nationale et notre vie démocratique. Nous nous exprimons désormais publiquement au sujet des campagnes de désinformation, notamment celles menées par la Russie. Il en va de notre souveraineté. Nous sommes dotés d'outils en mesure d'identifier les réseaux, et donc capables de les dénoncer. Personne ne doit être dupe des méthodes de nos adversaires, ceux-là mêmes qui prétendent se préoccuper de la liberté des peuples, que ce soit en Afrique ou ailleurs, tout en utilisant des méthodes de déstabilisation et de désinformation dans nos pays. Faire l'anatomie des campagnes de désinformation qui ciblent la France, c'est aussi faire la preuve de notre détermination à ne rien lâcher en la matière.
Le discours de la Sorbonne prononcé par le président de la République le 25 avril dernier montre que nous avons pris en considération ce qu'il adviendra après les élections européennes et que la position de la France est déjà en partie structurée, notamment en ce qui concerne le Conseil européen. Dans les prochaines semaines, nous œuvrerons non seulement à définir des cadres entre pays européens concernant l'industrie, la défense et la compétitivité de notre modèle mais aussi à créer de nouvelles ressources pour le budget européen. En parallèle des élections européennes, la France exercera son influence pour que l'agenda de la future Commission européenne soit le plus proche possible de la position française, qu'il s'agisse de l'évolution du rôle de la Banque européenne d'investissement, de la taxation des revenus d'aubaine générés par le gel des avoirs russes ou de la Facilité européenne de paix. Beaucoup dépendra aussi du rapport de force au Parlement européen à l'issue des élections.
Nous sommes à l'initiative pour défendre la souveraineté ukrainienne face à l'agression russe. L'échec du projet néo-impérialiste russe est la condition pour la sécurité de l'Ukraine, de l'Europe et de la France : nous en sommes convaincus. La Russie s'efforce d'obtenir des gains sur le terrain et il est certain que jamais les Ukrainiens n'ont eu plus besoin de notre aide. Par conséquent nous accélérons les livraisons européennes d'armes. Celles qui ont été votées par le Congrès américain devraient avoir lieu avant novembre. Nous participerons en juin, avec les autres pays qui se fondent sur les principes que nous défendons, à la Conférence de haut niveau sur la paix en Ukraine, qui contribuera à créer les conditions de la paix.
C'est également en cherchant l'unité européenne que le président de la République a reçu son homologue chinois la semaine dernière. La présidente de la Commission y a été associée et un certain nombre de messages communs ont été décidés, en amont, avec le chancelier allemand. Les échanges avec le président Xi ont permis d'évoquer l'Ukraine de façon substantielle. Nous savons que la Chine a un fort impact sur la Russie et la neutralité chinoise est essentielle. La nécessité de rééquilibrer la relation commerciale entre la Chine et l'UE a également été discutée.
Au-delà de ces éléments concrets, le nouveau discours de la Sorbonne a dressé un diagnostic et formulé des propositions pour garder la main sur les souverainetés française et européenne. Nous nous employons à faire progresser cette dynamique, d'autant plus que nous avons constaté que les réponses des capitales européennes à ce projet étaient positives.
Le ministère mène aussi des initiatives au sujet du climat. J'ai participé aux dialogues de Copenhague et de Petersberg il y a quelques semaines et j'y ai rappelé l'urgence de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré. Chaque fraction de degré supplémentaire augmente le danger, comme on le voit au Brésil comme en Normandie. La France est garante de la méthode et des objectifs inscrits dans l'accord de Paris, signé il y a presque dix ans. Je suis convaincu que notre action diplomatique donnera son sens à notre action nationale : il faut embarquer le plus possible de pays en direction de ces objectifs.
Nous œuvrons à l'application de l'accord de Dubaï sur la sortie progressive des énergies fossiles. À la réunion des ministres du climat, de l'énergie et de l'environnement du G7, nous sommes parvenus à convaincre nos partenaires de s'engager pour la sortie du charbon d'ici la première moitié des années 2030, horizon recommandé par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) et proposé par le président de la République à la COP28. C'est une bonne nouvelle car les pays membres du G7 sont les plus gros émetteurs. La France s'était engagée à sortir du charbon d'ici 2027 ; nous avons donc rapproché nos partenaires de cette date.
La présence française dans le monde et les partenariats que sa diplomatie cherche à rénover produisent des avantages stratégiques. En Amérique latine, où je me suis rendu à deux reprises, j'ai évoqué avec nos différents partenaires les principaux dossiers et les enjeux globaux. Sur ces sujets nous sommes des alliés et nous ne laissons pas s'installer une opposition Nord-Sud que certains souhaitent afin de fragmenter le monde.
Dans cette logique, je me suis rendu au début du mois de mars au Kenya, au Rwanda et en Côte d'Ivoire pour approfondir des partenariats dont la forme a changé – plus équilibrés, plus respectueux et naturellement bénéfiques pour les uns et les autres – et dont les résultats sont déjà visibles, à rebours des stéréotypes et des narratifs que voudraient imposer certaines puissances. Le Kenya, pays anglophone, n'était pas un partenaire traditionnel de la France et pourtant le nombre d'entreprises françaises y a triplé en dix ans, le nombre d'apprenants du français a augmenté de 30 % et nous travaillons désormais main dans la main sur des enjeux globaux, comme la réforme des institutions internationales.
Au Rwanda, nous avons surmonté ensemble le passé et, en Côte d'Ivoire – un partenaire plus ancien –, j'ai rencontré des jeunes, des entrepreneurs et des personnalités de la société civile. J'ai souhaité préparer cette tournée en amont, en rencontrant des membres des diasporas au Quai d'Orsay : c'est une méthode inédite qui nous permet de faire évoluer concrètement ces partenariats dont nous avons besoin.
Merci pour cette analyse préliminaire. Je donne à présent la parole aux orateurs des groupes politiques.
Jeudi 9 mai, journée de l'Europe, le relais de la flamme olympique sur le territoire français a débuté. Vingt-sept athlètes, représentant chacun un pays de l'UE, ont entouré l'athlète ukrainienne dans le cadre d'un relais collectif. Ce dernier a illustré de manière symbolique l'attachement de la France aux valeurs communes européennes, la solidarité de l'UE envers l'Ukraine et notre souhait de faire rayonner la France et l'Europe, avec la présence inédite du drapeau européen sur les sites olympiques et paralympiques. Dans un peu plus de deux mois, les yeux du monde entier seront rivés sur la France, première destination touristique mondiale, qui accueillera entre le 26 juillet et le 8 septembre les Jeux olympiques et paralympiques.
L'intérêt est toujours plus fort pour notre pays, notre culture, notre histoire, notre langue, au moment où nous organisons la plus importante compétition sportive au monde. La France s'illustre aussi dans les domaines diplomatique et économique : malgré un contexte international tendu, marqué par des tensions géopolitiques fortes, des tendances inflationnistes à l'échelle mondiale et de multiples ruptures en cours, la France conserve pour la cinquième année consécutive son titre de championne d'Europe de l'attractivité. Par l'action du Gouvernement, notre pays a su bénéficier des réformes accomplies, du rattrapage d'investissements qui n'avaient pas été réalisés pendant plusieurs décennies et de leurs retombées concrètes pour notre économie et nos territoires. En nous appuyant sur l'un des réseaux diplomatiques les plus importants au monde, nous avons réussi à nouer des partenariats durables et équilibrés, tout en respectant nos ambitions écologiques et technologiques et nous avons su renforcer la compétitivité française à l'échelle mondiale.
Malgré ces résultats qui auraient été inespérés il y a sept ans, certains ne cessent de dénigrer les réformes entreprises par notre pays. Pourtant, le dernier sommet Choose France a démontré une nouvelle fois l'attractivité de notre pays à l'international. Pouvez-vous revenir sur le bilan de la septième édition de ce sommet ?
Les Jeux ont beaucoup été abordés sous l'angle de la sécurité qu'ils exigeront et le ministre de l'intérieur a mis en avant le dispositif qui sera mobilisé mais c'est aussi un grand événement international qui doit nous permettre de rayonner. Ce seront un peu plus de 120 chefs d'État et de gouvernement qui seront présents sur place, 206 et 184 délégations sportives qui participeront respectivement aux Jeux olympiques et aux Jeux paralympiques ; 185 agents de liaison seront déployés pour l'occasion au ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Ce moment doit nous servir à créer des liens diplomatiques, à faire rayonner la France, à laisser une trace économique, touristique, sportive et culturelle. J'invite donc la représentation nationale à parler de manière positive de ces Jeux et à contribuer au rayonnement de cet événement diplomatique et international.
Concernant Choose France, les résultats sont là. Cinquante-six nouveaux projets et 15 milliards d'euros d'investissements ont été annoncés cette année ; cela pourrait entraîner la création de 10 000 emplois. La France est pour la cinquième année consécutive le pays d'Europe le plus attractif pour les investissements étrangers : c'est remarquable. J'ajoute que nous sommes aussi la première destination européenne pour les investissements en matière d'intelligence artificielle et dans les projets industriels. Ce sont deux secteurs d'avenir qui nous permettront de créer des emplois. Ce sommet constitue une innovation par laquelle il est possible de convaincre et où les entreprises françaises et les investisseurs étrangers peuvent discuter. C'est un élément d'attractivité pour notre territoire et un véritable succès économique et diplomatique.
L'arrivée du Belem à Marseille augure d'un événement réussi. Nous serions tristes si ce n'était pas le cas.
Selon les informations officielles issues de vos services, depuis le 1er novembre 2023, l'ambassade de France au Guatemala est dépourvue d'ambassadeur. C'est également le cas pour le Nigeria, depuis le 13 décembre 2023, pour l'Afghanistan, depuis le 5 mai 2023, et pour l'Autriche, depuis le 5 avril 2024. Malgré l'absence de représentation française dans ces pays, il semblerait qu'un certain nombre de nominations d'ambassadeurs soit reportées à l'été prochain. Cela suscite l'incompréhension, d'autant plus qu'un rapport de la Cour des comptes, certes un peu daté, indiquait que 4 % de nos ministres plénipotentiaires étaient sans affectation. Quels sont aujourd'hui les critères pour être nommé ambassadeur et pourquoi certaines représentations ne sont-elles pas assurées ? Est-ce la conséquence de la réforme des corps diplomatiques ou d'autres choix ?
S'agissant l'ambassade de France au Chili le site Web de vos services signalait, le 13 mai 2024, que le poste est non pourvu alors que, selon le Journal officiel, Son Excellence Pascal Teixeira Da Silva ne l'a pas quitté. Qu'en est-il réellement ?
D'autre part, ce matin, par l'intermédiaire du groupe d'amitié France-Arménie, nous avons reçu des nouvelles alarmantes. Avez-vous des précisions à nous donner ? Les Arméniens se plaignent d'être les parents pauvres de l'aide internationale et du soutien de la France.
Tous les postes que vous avez cités sont en train d'être pourvus. Encore ce matin, il a été procédé à vingt-trois nominations en Conseil des ministres. Nous sommes dans l'attente des agréments des Etats, ce qui peut prendre du temps. Il y a aussi un délai entre la situation précise et ce qui est écrit sur les sites Internet. En tous cas, 60 % des nominations ont été effectuées et le reste suivra dans les prochaines semaines.
Pour ce qui concerne l'Arménie, vous évoquiez, je suppose, les manifestations arméniennes provoquées par la rétrocession de quatre villages à l'Azerbaïdjan ?
Nous soutenons avec force nos amis arméniens, avec qui nous avons construit des liens de plus en plus étroits et qui prennent la forme de soutiens humanitaires ou défensifs, sans intention d'escalade. Un accord a été trouvé mais la rétrocession des quatre villages crée des troubles parmi la population. Nous nous inquiétons également de la situation. Nous soutenons pleinement l'action du premier ministre Nikol Pachinian en faveur de la délimitation de la frontière ente l'Arménie et l'Azerbaïdjan, dans le respect de la déclaration de 1991 à laquelle la France est très attachée.
De manière plus générale, une coordinatrice a été nommée au sein du ministère de l'Europe et des affaires étrangères – Mme Florence Provendier, ancienne députée –, afin de préparer un certain nombre d'événements. Vous pourrez la solliciter pour vous joindre à toutes ces initiatives.
En cette année d'élections européennes, il est urgent que la France porte une autre voix. Nous en voyons les conséquences ces derniers jours en Tunisie : la politique d'externalisation des frontières n'a fait que renforcer un régime autoritaire. Il y a un an, le président tunisien Kaïs Saïed – qui depuis son élection a peu à peu détricoté la démocratie acquise en 2011 par le peuple tunisien – a dénoncé « une invasion migratoire visant à altérer la démographie tunisienne ». Il reprenait alors, presque mot à mot, la théorie raciste du grand remplacement. Depuis, les migrants subsahariens vivent un enfer en Tunisie. Ils sont privés de logement et de travail et ils sont parqués dans des camps informels dans des champs ou des zones désertiques. L'été dernier, près d'un millier d'exilés ont été transportés aux frontières de l'Algérie et de la Libye, dans des conditions caniculaires. Au moins 27 migrants sont morts.
Malgré tout cela, et en pleine connaissance de cause, l'Union européenne a négocié un deal avec la Tunisie pour la gestion des frontières. La France n'a rien fait pour l'empêcher. Pourquoi ?
Quiconque critique le régime autoritaire se retrouve en prison : des membres d'organisations non gouvernementales (ONG) avec lesquelles l'Europe et la France travaillent régulièrement, des journalistes ou des avocats, tels que Sonia Dahmani, violemment arrêtée ce week-end et à qui j'adresse tout mon soutien. Au moment où nous parlons, une soixantaine d'opposants restent en prison. Avez-vous discuté de la situation avec votre homologue tunisien ? Si celle-ci persiste, continuerez-vous de participer activement à l'entreprise illégale de Kaïs Saïed à travers les accords européens ?
Je partage votre préoccupation et nous sommes mobilisés auprès de la Tunisie et des Tunisiens, non seulement dans le cadre du partenariat d'égal à égal qui nous lie mais aussi par notre capacité à changer de regard sur nos accords et notre relation commerciale. C'est dans cette logique que le premier ministre a accueilli son homologue à Paris le 29 février. J'ai également reçu mon homologue tunisien. Ce dialogue, franc et transparent, nous a permis d'évoquer ces sujets et de faire part de notre préoccupation, notamment à la suite des récentes arrestations dans le pays.
Je rappelle que la liberté d'expression, la liberté d'association, l'indépendance de la justice et le droit à la défense sont garantis par la Constitution tunisienne, ainsi que par les conventions des Nations Unies auxquelles la Tunisie, comme la France, a souscrit. Tout le monde doit pouvoir s'y référer. La France est particulièrement attachée à ces principes et nous l'avons publiquement rappelé. Un dialogue que j'espère productif va se poursuivre et j'aurai l'occasion de reparler à mon homologue dans les prochaines semaines.
Au-delà des paroles convenues, quel bilan tirez-vous de la visite du président Xi Jinping la semaine dernière ? Quelles sont les avancées concrètes obtenues ? Malgré l'engagement renouvelé de la Chine de ne pas exporter d'armes vers la Russie, on ne peut évidemment pas croire à une réelle neutralité de sa part – je réemploie votre terme – alors que Vladimir Poutine effectuera cette semaine son deuxième déplacement officiel en Chine en un peu plus de six mois. Cela illustre le renforcement des relations économiques et militaires sino-russes, en dépit de la guerre d'agression menée en Ukraine. Contre la logique des blocs, le président de la République défend une politique d'équilibre et la recherche d'une troisième voie pour l'Europe, entre les États-Unis et la Chine. Nous approuvons cette démarche mais nous nous interrogeons sur la méthode.
Le président de la République est partisan d'une réponse « en Européens » concernant les relations commerciales entre l'Europe et la Chine mais il semble bien en peine de convaincre nos partenaires, en premier lieu le chancelier allemand. Contrairement à Angela Merkel qui, à l'initiative du président, avait assisté à la dernière rencontre, Olaf Scholz en était absent. On le comprend, puisqu'il s'est rendu seul en Chine en avril et qu'il ne semblait pas prêt à réexaminer en profondeur les liens sino-germaniques, s'opposant notamment aux droits de douane communautaires pour les véhicules fabriqués en Chine. Pourriez-vous nous éclairer sur la manière dont le président juge la visite d'État du président chinois ?
Malgré le second discours de la Sorbonne et les récentes déclarations à la presse du président de la République, la France apparaît isolée. Notre pays, par la voix de son président, prend régulièrement des initiatives mais qui n'apparaissent ni coordonnées, ni partagées avec nos partenaires : qu'il s'agisse de l'envoi de troupes au sol en Ukraine ou de l'élargissement de la dissuasion nucléaire à l'Europe. L'ambiguïté stratégique peut-elle exister au détriment de la concertation avec nos partenaires ? Pouvez-vous nous préciser la méthode employée et les objectifs poursuivis par Emmanuel Macron en ces matières ?
La visite du président Xi avait notamment pour objectif d'aborder la situation en Ukraine. Je me suis déplacé en Chine il y a quelques semaines pour préparer cette visite car nous souhaitions pouvoir aborder publiquement ce sujet. On peut s'interroger quant à la neutralité, vous avez raison, mais nous la souhaitons. Si la Chine venait à réellement aider militairement la Russie, alors la situation ne serait plus la même. Il faut en avoir conscience. Les efforts diplomatiques de la France visent à démontrer au président chinois que la question ukrainienne est une question existentielle pour l'Europe. Les Chinois nous expliquent avoir compris notre position sur cette question, qu'il s'agisse de la défense du droit international ou de la souveraineté territoriale ukrainienne. Et la conférence de presse semblait le confirmer, puisqu'ils y ont évoqué la trêve au sujet de l'Ukraine.
En matière commerciale, les règles doivent être équitables pour tous et le déséquilibre actuel avec la Chine n'est pas soutenable, ni pour la France, ni pour l'Europe. Les surcapacités chinoises empêchent une concurrence équitable dans nombre de secteurs, notamment ceux qui créent des emplois en France et en Europe. Il ne faut pas être naïfs et expliquer franchement que les règles doivent être respectées et que des mesures miroirs seront instaurées selon l'ouverture ou non de leur marché. Pourquoi le marché européen devrait-il être ouvert pendant que le marché chinois ne l'est pas entièrement ?
La Chine est également un acteur clé en matière environnementale, qu'il s'agisse du financement de la transition énergétique, du respect des règles ou du droit international tel qu'il résulte des COP. La Chine sera un acteur clé de la COP30 de Belém.
Ces trois sujets justifiaient la venue du président chinois en France, afin de les aborder directement avec lui – que ce soit au sein de délégations ou dans des formats plus réduits – et d'avoir un impact. Les objectifs fixés par la délégation française me semblent avoir été atteints.
Choose France a été un véritable succès. Le principal investissement de 2 milliards d'euros concerne Petit-Landau, une commune située dans ma circonscription. De même, j'espère que l'Alsace sera la première contributrice de champions olympiques.
Je vous félicite des décisions au sujet de France Médias Monde. Il me semble toutefois que son public ne devrait pas être réduit à un public international et que la diffusion de ses chaînes sur la télévision numérique terrestre (TNT) permettrait aux Français d'avoir une vision de l'action de la France dans le monde et les y connecterait. Il faut également assurer son futur financier.
La situation en Géorgie nous inquiète particulièrement. Ce pays du Caucase se trouve au croisement entre une ambition démocratique et pro-européenne et des forces contraires, qui souhaiteraient l'intégrer au camp russe. Ces forces ont amené le Parlement géorgien à adopter une loi sur l'influence étrangère contre laquelle la population a massivement manifesté. Depuis 2003, la Géorgie demande à rejoindre l'UE. Elle est aussi membre de l'Assemblée parlementaire de la francophonie et membre observateur de l'Organisation internationale de la francophonie. La France aide militairement l'Ukraine face à la Russie, essaye de se battre contre les opérations de désinformation russes et doit faire face à la déstabilisation politique des pays limitrophes. Comment la France peut-elle contribuer à arrimer la Géorgie à l'Union européenne ?
Enfin, la France se mobilise pour le Soudan mais il y a aussi la République démocratique du Congo (RDC) qui, en trente ans, a connu 10 millions de morts, 6 millions de déplacés, des massacres et des actes de barbarie innommables. Les Africains ont l'impression que les Occidentaux appliquent un « deux poids, deux mesures » et donnent plus de moyens, notamment politiques, à l'Ukraine et à Gaza qu'à l'Afrique, malgré l'ampleur considérable des conflits. Je sais que la France est très engagée mais est-elle déterminée à employer toute sa force pour venir à bout de situations humainement insupportables ?
Nous avons le sentiment que la mauvaise conscience de la France quant à ce qu'il s'est passé au Rwanda nous a conduits à privilégier un chef de gouvernement, M. Paul Kagame, certes remarquable, mais qui participe fortement à la déstabilisation et la destruction de l'Est de la RDC – notamment le Kivu – en s'appuyant sur le mouvement dit « du 23 mars » (M23) et d'autres forces armées. Nous sommes soucieux d'un équilibre entre la RDC et le Rwanda.
Concernant le conflit entre la RDC et le Rwanda, la position de la France repose sur plusieurs exigences. D'abord, nous ne transigeons pas quant à l'intégralité territoriale de la RDC. J'ai eu l'occasion de le répéter lors d'un déplacement au Rwanda. Nous n'hésitons pas à pointer les responsabilités et nous condamnons les actions du M23 : j'ai suivi les auditions que vous avez menées à ce sujet, monsieur le président. Nous devons mettre fin à la présence de milices rwandaises en RDC. Nous condamnons aussi la coopération de soldats congolais avec des groupes armés tels que les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Nous soutenons les procédures diplomatiques et les négociations régionales.
Le passé ne nous empêche pas d'aborder les choses, je vous rassure. Nous avons réussi à retisser le lien avec le Rwanda, notamment par la diplomatie. C'était un travail difficile et le discours du président de la République y a été très apprécié mais cela ne nous empêche pas de dire les choses.
Au Conseil de sécurité des Nations Unies, la France a, sur ce conflit dans l'Est du Congo, la position la plus claire et la plus engagée parmi les cinq puissances. Ni les Britanniques, ni les Russes, ni les Chinois n'adoptent cette position. Il faut donc saluer la position précise et claire de la France.
À l'Organisation des Nations Unies (ONU), la France tient la plume sur ces questions, c'est-à-dire qu'elle rédige les textes, grâce à nos excellents ambassadeurs et spécialistes. Cela nous oblige aussi à être lucides.
La situation devient de plus en plus inquiétante en Géorgie. Après des mois de manifestations, la loi sur l'influence étrangère a été adoptée en troisième lecture, dans un climat de fortes tensions. Elle oblige toute entreprise, ONG ou organisation médiatique recevant plus de 20 % de son financement de l'étranger à s'enregistrer comme organisation poursuivant les intérêts d'une puissance étrangère. Ces dispositions semblent en tous points similaires à la législation russe de 2014 sur les agents de l'étranger, qui permet au Kremlin de réprimer les voix dissidentes.
Le texte, sévèrement critiqué par les États-Unis et l'UE, remet sérieusement en question la volonté de la Géorgie de se tourner vers l'Europe. Fin 2023, l'UE lui avait octroyé le statut de candidate à l'adhésion, à condition qu'elle engage des réformes de la justice et de l'État de droit. La présidente de la Commission européenne avait prévenu que la Géorgie se trouvait à la croisée des chemins et qu'elle devait rester sur la bonne voie pour rejoindre l'Europe. L'adoption de la loi compromet cette intégration et inquiète profondément les 3,7 millions de Géorgiens. Plus de 80 % d'entre eux préféreraient que leur pays bascule vers l'Europe plutôt que la Russie. Ce texte est le symbole d'un tournant majeur pour le pays.
Quel est votre avis sur l'adoption de cette loi ? Craignez-vous un exode des Géorgiens ? Comment estimez-vous l'ampleur des conséquences de ce tournant politique, tant au niveau local que pour les pays voisins, tels que l'Arménie ? Quels seront les nouveaux enjeux de l'Europe dans ce nouveau cadre ?
En recevant le statut de candidate à l'adhésion à l'UE, la Géorgie progressait significativement dans son cheminement européen. Son avenir était plutôt de ce côté, soutenu par 80 % de sa population en ce sens. Cet objectif est d'ailleurs inscrit dans sa Constitution.
En adoptant la loi sur l'influence étrangère, clairement d'inspiration russe, le gouvernement géorgien met en péril – ou pire – ce processus d'adhésion à l'Union. Nous devons condamner les violences envers les manifestants pacifiques et l'ensemble des États membres doivent être particulièrement attentifs à l'avenir de ce texte, déterminant pour la poursuite du processus. Il y a des signaux positifs que j'ai évoqués et des gens qui se battent pour l'« ADN européen », fondé sur la démocratie, la liberté de la presse et l'indépendance de la justice, auxquels fait face un texte visant à entraver ces efforts. L'UE aura à décider si ce texte constitue une ligne rouge à ne pas franchir.
Interrompre le processus d'adhésion est justement le but du parti Rêve géorgien et du magnat qui le soutient. Il faut veiller à ne pas faire leur jeu. La loi sur l'influence étrangère est certes inspirée par Moscou mais elle est surtout fondamentalement contraire aux valeurs de l'UE. Ne pensez-vous pas qu'il y a un risque de guerre civile, tout du moins de crise politique majeure, dans ce pays qui justifierait une intervention de l'armée russe ?
Vous m'éloignez là du domaine de la diplomatie, sur lequel j'entends rester. Je resterai factuel : nous dénonçons les violences envers les manifestants et nous soutenons la démocratie et l'enthousiasme européen. Il ne s'agit pas de s'ingérer dans la politique intérieure géorgienne. Il faut convaincre. En cas d'échec, il y aurait un risque que je préfère ne pas encore évoquer.
Alors que l'offensive de Tsahal à Rafah se poursuit, la situation dans les territoires palestiniens devient chaque jour de plus en plus intenable. Depuis l'attaque du Hamas qui a causé la mort de 1 200 Israéliens, et alors que 132 otages sont encore détenus, l'offensive israélienne a été dévastatrice. Plus de 35 000 Palestiniens ont été tués, des centaines de milliers blessés et une majeure partie des infrastructures de Gaza détruites. En Cisjordanie, l'expansion des colonies se poursuit, aggravant la situation déjà précaire de Palestiniens soumis à une occupation militaire implacable. Alors que les rumeurs se multiplient autour de la délivrance d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale contre Benjamin Netanyahou, combien de temps devons-nous encore attendre avant que la France n'impose un embargo sur les armes ?
Lors de votre dernière audition, vous vous étiez engagé à nous transmettre des éléments écrits précis sur les livraisons d'armes de la France à Israël. Nous attendons depuis le 14 février : trois mois pour savoir si la France se rend complice de crimes de guerre de l'autre côté de la Méditerranée, c'est un peu long et même irresponsable, compte tenu de la gravité de la situation. Les révélations de Disclose font état d'une livraison à Israël de près de 100 000 pièces de cartouches pour des fusils mitrailleurs susceptibles d'être utilisés contre des civils à Gaza. Entretemps, nous apprenons par voie de presse que la France ne livrerait que des équipements défensifs ou destinés à la réexportation. Comment expliquer que la presse soit mise au courant du type d'armes livrées avant la représentation nationale ? Pourquoi n'avons-nous toujours pas reçu les détails concernant les armes exportées ?
La France doit porter à l'échelle de l'UE la voix du droit international. Il oblige à la non-reconnaissance et à la non-assistance aux colonies. Pourquoi la France ne demande-t-elle pas l'interdiction pure et simple de l'importation et de la commercialisation des produits issus des colonies israéliennes ? Au-delà de cette interdiction, qui représente le strict minimum pour se conformer au droit international, la France se décidera-t-elle enfin à prendre des sanctions contre Israël ?
Le lendemain de l'invasion russe en Ukraine, l'Union européenne avait décidé d'une vague de sanctions à l'encontre des secteurs de la finance, de l'énergie et du transport, ainsi que de certaines personnalités. Ces sanctions sont des leviers essentiels pour faire respecter le droit international mais pourquoi la France ne défend-elle pas de telles mesures à l'encontre du gouvernement israélien, pour faire taire les armes, installer un cessez-le-feu et enfin libérer les otages ?
L'heure n'est plus aux demi-mesures : la France doit se montrer à la hauteur de la gravité de la situation pour permettre aux Israéliens et aux Palestiniens de retrouver le chemin de la paix.
La réponse que j'avais envoyée à Mme la présidente Mathilde Panot au sujet des livraisons d'armes vous sera transmise : nous la communiquerons au secrétariat de la commission, afin que tous ses membres aient accès aux informations qu'elle indique. Vous constaterez que nous n'exportons pas d'armes et que la France et Israël sont davantage des concurrents sur le marché mondial de l'armement. L'explication et la précision des éléments exportés incombent toutefois au ministre des armées mais il me semble qu'il avait adressé un courrier sur ce sujet à la commission concernée ; je vérifierai ce qu'il en est.
Nous avons peut-être été les premiers en Europe à sanctionner les colons violents en Cisjordanie. J'ai moi-même, à l'occasion du Conseil européen, insisté pour qu'il n'y ait pas « deux poids, deux mesures » alors que des sanctions ont été prises à l'encontre des membres du Hamas. Peut-être que cela est insuffisant à vos yeux mais nous l'avons fait.
Vous parlez de colons violents mais c'est la colonisation en tant que telle qui est violente. Il n'y a pas de distinction à faire en la matière. Il y a 700 000 colons aujourd'hui.
La position française est claire : la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est ne sont pas des territoires israéliens. Aux termes du droit international, ils ont le statut de territoires occupés et les colonies qui y sont implantées sont illicites. On pourrait les boycotter mais aucune règle en droit international ne nous y oblige. En revanche, comme l'exige la résolution 2334 de l'ONU, nous devons distinguer le traitement d'activités en Israël de celui de ses colonies. L'étiquetage que pratique la France permet aux consommateurs de faire cette distinction et de décider librement, en connaissance de cause, de l'achat ou non de ces produits, ce que ne peut pas faire l'État, statut oblige. Vous ne pouvez pas nous demander d'appliquer ou non le droit international selon les circonstances. La position de la France a toujours été de faire primer le seul droit international et la Charte des Nations Unies, quelle que soit la situation.
La crise sanitaire à Mayotte est alarmante : 78 cas de choléra ont été détectés depuis l'identification du premier cas, le 19 mars dernier. Il s'agissait d'une femme arrivée illégalement à bord d'un kwassa-kwassa en provenance des Comores, où sévit depuis l'an dernier une épidémie aux proportions dramatiques et croissantes. Le 24 février dernier, l'agence régionale de santé de Mayotte a alerté l'opinion quant au risque d'importation du choléra comorien à Mayotte. Pourtant, aucune action concrète, pas même diplomatique, n'a été mise en œuvre par les autorités françaises afin de limiter la propagation par la fermeture des frontières.
Il y a deux jours un nouveau kwassa sanitaire a débarqué illégalement sur nos côtes, à Longoni, avec à son bord deux ressortissants comoriens en situation irrégulière et porteurs du choléra. Ils ont été pris en charge gratuitement dans notre seul hôpital.
Vous devez regarder en face l'ingérence comorienne. La France subit à Mayotte une nouvelle tentative de déstabilisation de la part de l'Union des Comores, qui envoie sciemment ses ressortissants contaminés sur notre île. L'instrumentalisation par Moroni de l'immigration clandestine à Mayotte, qualifiée de « menace hybride » par l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN), est d'autant plus préoccupante qu'elle prend cette fois la forme d'une arme biologique. Le choléra, maladie de la pauvreté, de l'insalubrité et du manque d'eau, tue. C'est une maladie de pays sous-développés qui n'a pas sa place sur le sol français. Il fait peur et fait fuir les fonctionnaires, les investisseurs, les soignants ou encore les familles qui sont à Mayotte.
La Russie, qui appuie les Comores dans leur revendication sur Mayotte, aime à construire et diffuser un discours antifrançais. Cette épidémie de choléra est une honte pour notre pays et un drame mais elle entache aussi notre réputation internationale. Si rien n'est fait, elle connaîtra probablement son pic pendant les Jeux olympiques, avec alors une couverture médiatique extraordinaire. Le choléra affaiblit l'État car il souligne ses carences et la passivité du Gouvernement.
Mayotte ne peut pas faire face à cette épidémie : les rares soignants encore présents sont épuisés et ne disposent pas de suffisamment de vaccins pour protéger la population, d'autant plus que le Gouvernement refuse de distribuer de l'eau potable en bouteille pour éviter la propagation de la maladie. Dans ces conditions, il est impératif de réellement fermer la frontière pour protéger nos concitoyens. Comment le Quai d'Orsay compte-t-il réagir face aux Comores et à l'exportation du choléra dans notre département ? Quelles sanctions préparez-vous contre Moroni ?
Défendre Mayotte suppose de réduire la pression migratoire. Vous connaissez les actions de mon ministère en la matière, notamment la négociation en 2019 d'un accord qui a permis de réaliser 25 000 reconduites à la frontière chaque année et de lutter, en partenariat avec les Comores, contre les départs de migrants illégaux. C'est un accord difficile à appliquer. Le rôle de mon ministère était de le négocier ; sa mise en œuvre relève des ministères qui ont autorité sur le territoire français.
Ces trente dernières années, il n'y a pas eu une seule résolution à l'Assemblée générale des Nations Unies remettant en cause la souveraineté française à Mayotte et aucune demande en ce sens n'a été formulée. La communauté internationale accepte donc largement cette souveraineté. La France a aussi soutenu la candidature de Mayotte pour l'accueil des Jeux des îles de l'océan Indien.
La ministre Chrysoula Zacharopoulou siège en ce moment à la Commission de l'océan Indien et formule les messages que vous avez évoqués. Nous vous tiendrons informée des initiatives que nous prendrons sur ce sujet.
Quelles sont les répercussions économiques pour nos entreprises de l'instabilité au Proche-Orient et en Ukraine ? Au nom de ma circonscription, j'ai récemment eu l'occasion de rencontrer Ivan Synetar, président de la Chambre internationale de commerce d'Ukraine, afin d'échanger sur ces répercussions, les opportunités de développement et les menaces pesant sur l'activité économique franco-ukrainienne.
À Maurepas, dans le Sud des Yvelines, l'entreprise Style & Design est contrainte de reporter certains projets d'envergure en raison des troubles au Proche-Orient. Elle voit donc sa compétitivité et sa croissance diminuer, ce qui met en péril son dynamisme et sa trésorerie. La France s'engage résolument en faveur des entreprises françaises. À ce titre, pouvez-vous nous éclairer sur la stratégie de votre ministère pour les soutenir et éventuellement parer les conséquences économiques des différents conflits dans le monde pour nos entreprises ?
Nous ne faisons pas à l'étranger le travail de prospective – en quelque sorte pour le business – des entreprises françaises. En revanche, nous pouvons les accompagner en formulant des recommandations quant aux opportunités présentées par certaines activités et selon les pays. Les services économiques du ministère disposent d'une véritable expérience en la matière.
Nous anticipons les dégradations politiques et économiques dans certains pays, afin de mettre à disposition des entreprises de l'information brute, mais cela reste leur décision de s'implanter, cesser une activité ou quitter un pays. Nous veillons au respect des sanctions et informons les entreprises du régime des sanctions auquel elles peuvent être soumises.
Quand il est nécessaire d'évacuer des ressortissants – employés d'entreprises par exemple – et de les aider en raison d'un problème politique, nous sommes également présents. La France est l'un des rares pays à disposer d'une telle couverture et d'un système aussi étendu d'alertes économiques et politiques. Nos entreprises doivent pouvoir s'en servir, puisque cela contribue à leur compétitivité.
Le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) et le Programme alimentaire mondial attestent que la situation en RDC constitue la plus importante crise mondiale. Il est question de plus de 7 millions de déplacés et de 10 millions de morts.
Vous adoptez un double standard concernant ce conflit ; je vous le dis clairement. La France veut améliorer ses relations avec le Rwanda après ce qu'il s'est passé en 1994 mais cela ne peut pas se faire au prix de morts. Il y a dix jours, lors du passage du président de la RDC à Paris, un camp de déplacés a été bombardé. C'est un acte de guerre. La France, par l'intermédiaire du Quai d'Orsay, condamne cela par des tweets mais il n'y a pas d'actions concrètes.
Lors d'une réunion à laquelle assistaient Mme Yaël Braun-Pivet et les présidents des commissions de la défense nationale et des forces armées ainsi que des affaires étrangères, la nécessité de formuler de véritables sanctions à l'encontre du Rwanda a été discutée. Les pays du Sud global qui comprennent le français constatent qu'ils ne sont pas logés à la même enseigne.
S'agissant de la région, nous tenons également la plume aux Nations Unies en ce qui concerne les sanctions. Nous sommes attentifs à la situation de la RDC et notre passé compliqué avec certains pays ne nous empêche pas de nous exprimer clairement sur ce sujet. Le discours du président de la République en 2021 a notamment réglé la question avec le Rwanda.
Nous condamnons le soutien du Rwanda au M23 de même que nous condamnons la collaboration des soldats congolais avec les FDLR. Lors de son passage à Paris, le président de la RDC s'est engagé à ce que celle-ci cesse. Les discussions continuent mais ne croyez pas qu'il y aurait une double appréciation de la situation.
Vous avez eu raison de combler la carence de mon discours introductif quant à la situation du Soudan et d'en rappeler les immenses souffrances mais ce qu'il se passe en République démocratique du Congo est de même nature. Il est question de millions de morts ! Vous parlez de condamnations, de résolutions. On ne peut pas reprocher à la France de ne pas intervenir militairement en RDC après nos déconvenues en la matière mais, face à des problèmes d'une telle ampleur, l'absence de réaction de la communauté internationale est saisissante. Le conflit au Kivu dure depuis dix ans ! On ne peut pas s'empêcher d'éprouver une sensation angoissante d'impuissance.
Je partage votre indignation mais, encore une fois, la France n'est pas partie prenante. Nous ne pouvons que participer à créer les conditions d'une résolution des conflits, en parlant avec tout le monde et en disant les choses telles que nous les voyons. Un tel effort est d'ailleurs souvent plus efficace que l'expression d'une indignation, surtout sélective et temporaire. Je me félicite des actions d'autres États, notamment l'Angola. C'est un effort de la communauté internationale.
Je soulignais simplement l'incapacité de la communauté internationale à régler des situations d'une telle ampleur, en dépit des moyens dont elle dispose. Je comprends néanmoins votre position : la France seule ne dispose pas des moyens pour faire cesser ces massacres.
La géopolitique du sport intéresse au plus haut point notre commission, comme l'atteste l'excellent rapport sur le sujet de nos collègues Hadrien Ghomi et Hubert Julien-Laferrière. Le 8 mai dernier, la flamme olympique arrivait à Marseille à bord du Belem. J'ai eu la chance d'assister à cet événement à bord du Gloria, un navire de l'armée colombienne, en présence de plusieurs ambassadeurs et ambassadrices de ma circonscription. J'ai pu mesurer l'importance de cette première étape sur le plan diplomatique. Le 9 mai, Journée de l'Europe, vingt-sept athlètes représentant les pays de l'UE entouraient une athlète ukrainienne pour un relais olympique. Quelle est la volonté de la France de faire rayonner l'Europe lors des Jeux ? Quelles sont les retombées diplomatiques attendues ?
J'incite vraiment la représentation nationale à se mobiliser pour les Jeux et à communiquer à ce sujet, au-delà de la simple dimension sécuritaire propre à rassurer nos concitoyens. C'est un outil de rayonnement pour notre pays, avec la présence, je le rappelle, de 120 chefs d'État, et une importante occasion culturelle et politique. Des images de l'événement seront diffusées à travers le monde. Elles ne montreront pas seulement Paris mais toutes les régions de France accueillant les Jeux, contribuant ainsi à l'attractivité de notre pays.
Le Quai d'Orsay se mobilisera pour accueillir toutes les délégations étrangères présentes, pour faire mieux connaître notre pays et pour tisser des liens. Nous entendons aussi en profiter pour avancer sur d'autres dossiers, souvent moins drôles et plus sensibles.
Je vous invite donc à nous aider à faire de ces Jeux un événement international positif pour la France.
Je rejoins les propos précédents à propos de la situation en RDC et j'ajoute qu'il faut faire beaucoup plus. Le président Tshisekedi, lors de son passage à Paris, a montré qu'il existe un véritable risque d'exportation et de régionalisation du conflit.
À la suite du vote de la France au Conseil de sécurité des Nations Unies pour admettre la Palestine au sein de l'ONU, pourquoi y a-t-il un « deux poids, deux mesures » selon que l'on est à Paris ou New York ? À Paris, vous ne reconnaissez pas la Palestine ; à New York, vous votez pour son admission : il y a du « en même temps ». Quelle est la position officielle de la France ?
Il ne faut pas entretenir de confusion entre la reconnaissance d'un État, qui suppose un acte bilatéral entre deux pays, et un acte multilatéral d'une organisation internationale. Les résolutions qui ont été votées ne concernent pas la reconnaissance de l'État palestinien mais le rehaussement du niveau de représentation des Palestiniens : peuvent-ils s'exprimer à titre individuel ou au nom d'un groupe, représenter d'autres États à l'Assemblée générale des Nations Unies ? Étant donné la situation, nous considérons que les Palestiniens devraient bénéficier d'un rehaussement de leurs droits au sein de l'ONU. Cela est très différent de la question de la reconnaissance d'un Etat palestinien, décision qui relève de la France seule pour ce qui la concerne.
Il y a souvent une confusion dans le débat public entre ces deux aspects. On peut défendre un rehaussement des droits de la Palestine à l'ONU et considérer qu'une reconnaissance immédiate de l'État palestinien ne leur serait pas bénéfique. La position de la France est très claire à ce sujet : nous sommes favorables à une solution à deux États, ce qui passera irrémédiablement par la reconnaissance de l'État palestinien. Il n'y a pas de tabou en la matière.
Mais la reconnaissance d'un Etat relève d'enjeux diplomatiques et stratégiques. Certains y voient un moyen de pression ; nous pensons qu'il s'agit avant tout d'un levier diplomatique pour avancer dans le processus de paix. D'autres que nous ne l'envisagent aucunement, parce que refusant la solution à deux États.
Votre raisonnement est un peu spécieux. Vous dites, à juste titre, que la reconnaissance d'un État est un acte bilatéral. Cela dit, l'ONU est constituée de 193 États. Le rehaussement de la Palestine est en réalité l'introduction d'un État à l'Assemblée générale des Nations Unies. On peut ne pas reconnaître cet État, puisque cela supposerait un acte bilatéral mais il s'agit tout de même d'un acte en faveur de la reconnaissance de cet État.
Votre démarche progressive est logique mais le vote de l'Assemblée générale est tout de même un acte de la communauté internationale en faveur de la reconnaissance d'un État palestinien, quand bien même il n'équivaut pas, juridiquement parlant, à une reconnaissance par la France d'un tel État.
Je m'associe pleinement aux actions du Gouvernement que nous avons évoquées.
Nous savons que la situation des Ouïghours, des Tibétains, des Hong-Kongais et, plus généralement, des défenseurs des droits humains en Chine est terrible, avec notamment des pressions sur leurs familles. Quelle a été la place du sujet des droits humains dans les échanges avec le président Xi Jinping ?
Par ailleurs, la résolution 2334 du 23 décembre 2016 – cadeau final de Barack Obama – exige que l'on distingue l'État israélien des colonies. Il semblerait donc possible de mettre en place un boycott des produits des colonies israéliennes. Les Belges s'apprêtent à le faire.
Je n'ai pas été de toutes les discussions avec le président Xi Jinping mais ces sujets ont été abordés, notamment lors de la préparation des échanges. J'ai fermement répété à plusieurs reprises que nous demeurons attentifs à la question des droits humains et de leur respect par la Chine. Nous appelons à la libération inconditionnelle et immédiate des défenseurs des droits fondamentaux et à la fin de toute pression envers eux. La discussion à laquelle j'ai assisté a été franche et directe, des deux côtés. C'est l'intérêt de discuter avec tout le monde de tout. Il faut le faire de façon coordonnée et selon des objectifs clairs et précis.
Une distinction entre Israël et les colonies est possible par l'étiquetage des produits dont j'ai déjà parlé. La décision du boycott relève donc davantage de l'individu que de l'État.
J'ai une pensée pour quatre de nos compatriotes enfermés dans les geôles iraniennes, en particulier Cécile Kohler, prisonnière depuis bientôt deux ans dans des conditions extrêmement difficiles. Où en sommes-nous dans les échanges avec l'Iran au sujet de leur libération ? Avez-vous des nouvelles de ces prisonniers ?
Il m'est difficile de discuter ouvertement de ces situations. J'avais pris le risque – et certains d'entre vous me l'avaient d'ailleurs reproché – de parler directement avec mon homologue iranien à l'occasion d'une conférence multilatérale à l'ONU. J'ai fait d'une discussion sur les otages un préalable à toute future rencontre avec les autorités iraniennes, quel qu'en soit le sujet. Je n'ai pas eu d'autres contacts avec mon homologue ; il y a des contacts à d'autres niveaux. Je n'en dirai pas plus à ce sujet.
Quatre de nos compatriotes sont retenus de façon parfaitement arbitraire, dans des conditions très différentes les uns des autres. Leur libération demeure l'une de nos priorités. J'ai revu récemment leurs familles et nous suivons l'évolution de la situation mais la tension avec l'Iran ne facilite rien.
Je comprends. Nous sommes très attentifs à la détresse et aux souffrances de nos concitoyens. Nous vous remercions de nouveau d'avoir accepté de nous rencontrer malgré les changements provoqués par le Conseil des ministres de cet après-midi.
Une réunion à huis clos m'aurait permis d'aborder certains éléments spécifiques que je ne peux pas évoquer publiquement. Je reste toutefois disponible pour chacun d'entre vous et je peux inviter le bureau de la commission au Quai d'Orsay pour une discussion un peu plus libre.
Toutes les réunions ne peuvent pas avoir lieu à huis clos, par souci de transparence pour les citoyens, mais si l'ordre du jour de notre prochaine rencontre appelait une telle configuration, alors nous y serions favorables.
La séance est levée à 21 h 10
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Carlos Martens Bilongo, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Bertrand Bouyx, Mme Eléonore Caroit, Mme Mireille Clapot, M. Pierre-Henri Dumont, M. Philippe Emmanuel, M. Bruno Fuchs, M. Hadrien Ghomi, M. Michel Guiniot, M. Michel Herbillon, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Ersilia Soudais, Mme Estelle Youssouffa
Excusés. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Élisabeth Borne, M. Jérôme Buisson, M. André Chassaigne, M. Sébastien Chenu, M. Olivier Faure, Mme Stéphanie Galzy, M. Meyer Habib, Mme Brigitte Klinkert, Mme Stéphanie Kochert, Mme Amélia Lakrafi, Mme Marine Le Pen, M. Laurent Marcangeli, M. Bertrand Pancher, Mme Mathilde Panot, M. Frédéric Petit, Mme Mereana Reid Arbelot, Mme Laurence Vichnievsky, M. Éric Woerth