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Intervention de Stéphane Séjourné

Réunion du mercredi 15 mai 2024 à 19h00
Commission des affaires étrangères

Stéphane Séjourné, ministre :

À Gaza, la France s'emploie depuis plusieurs mois à maintenir une pression maximale afin d'ouvrir des accès humanitaires. Nous exigeons que la population réfugiée à Gaza soit protégée et qu'elle puisse vivre en paix et en sécurité. Au Liban, également concerné par la crise, nous continuons à œuvrer pour éviter l'effondrement en soutenant la société civile libanaise. La semaine dernière, nous y avons encore acheminé près de 2 tonnes de médicaments. Nous continuons d'agir : la poursuite des combats à Gaza accroît le risque de déstabilisation au Sud du Liban et de déflagration à l'échelle de l'ensemble de la région.

En Égypte, en Jordanie, en Arabie saoudite, au Liban et en Israël, la France défend la même position, que j'ai exprimée aussi devant la représentation nationale : l'horreur du 7 octobre 2023 et du terrorisme du Hamas, l'urgence vitale de la libération des otages, la nécessité d'un cessez-le-feu durable à Gaza, l'obligation d'une désescalade et de trouver une voie politique pour une solution à deux États, à même de vivre côte à côte en sécurité et en paix. Il est urgent, pour les pays européens et pour les pays arabes partenaires dans la région, de développer une vision commune. La France est bien placée pour assurer le lien auprès de nos partenaires régionaux, C'est sur ces grands principes que nous avons bâti une résolution encore en discussion au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Œuvrer pour éviter l'escalade dans la région à la suite de l'attaque sans précédent contre Israël implique également d'accroître la pression sur l'Iran. Un Iran nucléarisé constituerait un danger inacceptable pour nous, d'autant plus que certains pays, moins démocratiques que le nôtre, pourraient conclure de la situation internationale qu'être doté de l'arme nucléaire autorise à violer le droit international – ou en tout cas que vous n'êtes pas respecté de la même manière – : il y aurait alors un risque terrible de course au réarmement, notamment nucléaire.

La France est impliquée pour dessiner l'Europe de demain et défendre dès aujourd'hui sa souveraineté. En pleine campagne des élections européennes, nous avons décidé, avec l'Allemagne et la Pologne, d'adopter une nouvelle stratégie de dénonciation publique de toute menace envers notre cohésion nationale et notre vie démocratique. Nous nous exprimons désormais publiquement au sujet des campagnes de désinformation, notamment celles menées par la Russie. Il en va de notre souveraineté. Nous sommes dotés d'outils en mesure d'identifier les réseaux, et donc capables de les dénoncer. Personne ne doit être dupe des méthodes de nos adversaires, ceux-là mêmes qui prétendent se préoccuper de la liberté des peuples, que ce soit en Afrique ou ailleurs, tout en utilisant des méthodes de déstabilisation et de désinformation dans nos pays. Faire l'anatomie des campagnes de désinformation qui ciblent la France, c'est aussi faire la preuve de notre détermination à ne rien lâcher en la matière.

Le discours de la Sorbonne prononcé par le président de la République le 25 avril dernier montre que nous avons pris en considération ce qu'il adviendra après les élections européennes et que la position de la France est déjà en partie structurée, notamment en ce qui concerne le Conseil européen. Dans les prochaines semaines, nous œuvrerons non seulement à définir des cadres entre pays européens concernant l'industrie, la défense et la compétitivité de notre modèle mais aussi à créer de nouvelles ressources pour le budget européen. En parallèle des élections européennes, la France exercera son influence pour que l'agenda de la future Commission européenne soit le plus proche possible de la position française, qu'il s'agisse de l'évolution du rôle de la Banque européenne d'investissement, de la taxation des revenus d'aubaine générés par le gel des avoirs russes ou de la Facilité européenne de paix. Beaucoup dépendra aussi du rapport de force au Parlement européen à l'issue des élections.

Nous sommes à l'initiative pour défendre la souveraineté ukrainienne face à l'agression russe. L'échec du projet néo-impérialiste russe est la condition pour la sécurité de l'Ukraine, de l'Europe et de la France : nous en sommes convaincus. La Russie s'efforce d'obtenir des gains sur le terrain et il est certain que jamais les Ukrainiens n'ont eu plus besoin de notre aide. Par conséquent nous accélérons les livraisons européennes d'armes. Celles qui ont été votées par le Congrès américain devraient avoir lieu avant novembre. Nous participerons en juin, avec les autres pays qui se fondent sur les principes que nous défendons, à la Conférence de haut niveau sur la paix en Ukraine, qui contribuera à créer les conditions de la paix.

C'est également en cherchant l'unité européenne que le président de la République a reçu son homologue chinois la semaine dernière. La présidente de la Commission y a été associée et un certain nombre de messages communs ont été décidés, en amont, avec le chancelier allemand. Les échanges avec le président Xi ont permis d'évoquer l'Ukraine de façon substantielle. Nous savons que la Chine a un fort impact sur la Russie et la neutralité chinoise est essentielle. La nécessité de rééquilibrer la relation commerciale entre la Chine et l'UE a également été discutée.

Au-delà de ces éléments concrets, le nouveau discours de la Sorbonne a dressé un diagnostic et formulé des propositions pour garder la main sur les souverainetés française et européenne. Nous nous employons à faire progresser cette dynamique, d'autant plus que nous avons constaté que les réponses des capitales européennes à ce projet étaient positives.

Le ministère mène aussi des initiatives au sujet du climat. J'ai participé aux dialogues de Copenhague et de Petersberg il y a quelques semaines et j'y ai rappelé l'urgence de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré. Chaque fraction de degré supplémentaire augmente le danger, comme on le voit au Brésil comme en Normandie. La France est garante de la méthode et des objectifs inscrits dans l'accord de Paris, signé il y a presque dix ans. Je suis convaincu que notre action diplomatique donnera son sens à notre action nationale : il faut embarquer le plus possible de pays en direction de ces objectifs.

Nous œuvrons à l'application de l'accord de Dubaï sur la sortie progressive des énergies fossiles. À la réunion des ministres du climat, de l'énergie et de l'environnement du G7, nous sommes parvenus à convaincre nos partenaires de s'engager pour la sortie du charbon d'ici la première moitié des années 2030, horizon recommandé par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) et proposé par le président de la République à la COP28. C'est une bonne nouvelle car les pays membres du G7 sont les plus gros émetteurs. La France s'était engagée à sortir du charbon d'ici 2027 ; nous avons donc rapproché nos partenaires de cette date.

La présence française dans le monde et les partenariats que sa diplomatie cherche à rénover produisent des avantages stratégiques. En Amérique latine, où je me suis rendu à deux reprises, j'ai évoqué avec nos différents partenaires les principaux dossiers et les enjeux globaux. Sur ces sujets nous sommes des alliés et nous ne laissons pas s'installer une opposition Nord-Sud que certains souhaitent afin de fragmenter le monde.

Dans cette logique, je me suis rendu au début du mois de mars au Kenya, au Rwanda et en Côte d'Ivoire pour approfondir des partenariats dont la forme a changé – plus équilibrés, plus respectueux et naturellement bénéfiques pour les uns et les autres – et dont les résultats sont déjà visibles, à rebours des stéréotypes et des narratifs que voudraient imposer certaines puissances. Le Kenya, pays anglophone, n'était pas un partenaire traditionnel de la France et pourtant le nombre d'entreprises françaises y a triplé en dix ans, le nombre d'apprenants du français a augmenté de 30 % et nous travaillons désormais main dans la main sur des enjeux globaux, comme la réforme des institutions internationales.

Au Rwanda, nous avons surmonté ensemble le passé et, en Côte d'Ivoire – un partenaire plus ancien –, j'ai rencontré des jeunes, des entrepreneurs et des personnalités de la société civile. J'ai souhaité préparer cette tournée en amont, en rencontrant des membres des diasporas au Quai d'Orsay : c'est une méthode inédite qui nous permet de faire évoluer concrètement ces partenariats dont nous avons besoin.

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