La séance est ouverte à dix heures cinq.
La commission auditionne M. Arnaud Mandement, ancien maire de Castres (1995 – 2001).
Chers collègues, nous poursuivons nos travaux consacrés à la genèse de l'autoroute A69. Je souhaite la bienvenue à M. Arnaud Mandement, maire de Castres de 1995 à 2001, que je remercie d'avoir répondu à notre invitation.
Votre audition nous intéresse à plusieurs titres. Vous étiez maire de Castres lorsque la liaison routière entre Toulouse et votre ville a fait l'objet de réflexions, tant de la part de l'État que de la région Midi-Pyrénées, mais aussi au sein de la commune de Castres et de l'agglomération de Castres-Mazamet. Le projet a pris de l'ampleur dans les années 1990 afin de désenclaver le bassin d'emploi de Castres-Mazamet.
Je rappelle que l'audition est publique et retransmise sur le portail de l'Assemblée nationale.
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
(M. Arnaud Mandement prête serment.)
M. Arnaud Mandement, je vous remercie d'être présent ce matin. Votre audition nous sera très utile pour comprendre la genèse de l'autoroute A69.
Notre table ronde du 27 février dernier nous a permis de comprendre le poids de l'État dans ce dossier. Dans les années 1990 et au début des années 2000, certains responsables locaux étaient favorables à l'élargissement de la route nationale, avant que l'État ne décide de privilégier la construction d'une autoroute concédée, principalement pour des raisons budgétaires, semble-t-il, à ce stade de nos informations.
Votre audition de ce jour a principalement pour objet de nous éclairer sur le rôle et la position de la ville de Castres dans les années 1990, de nous expliquer les motivations profondes du projet d'autoroute A69 et de nous décrire les relations que vous entreteniez avec l'État, le département et la région dans la conduite des phases préparatoires de ce projet. Rétrospectivement, estimez-vous qu'à l'époque, vous disposiez de toutes les informations nécessaires pour fonder votre conviction et les votes de votre exécutif ?
J'aimerais également que votre audition détermine si les préoccupations environnementales et la sauvegarde de l'agriculture étaient présentes à l'esprit des décideurs publics lors de la genèse du projet. La notion de développement durable apparaissait déjà de manière croissante dans les débats publics. Je pose cette question afin d'analyser si la modernisation de cette liaison routière correspondait à une véritable stratégie d'aménagement du territoire, conciliant activités humaines et préservation des espaces agricoles et naturels.
Je vous ai envoyé un questionnaire préparatoire à cette audition. Je vous remercie de bien vouloir transmettre à la commission, en complément de ce que vous direz aujourd'hui, tout élément de réponse écrite ou d'analyse que vous jugeriez pertinent.
Bonjour, monsieur le président, madame la rapporteure. Mme Christine Arrighi et moi-même nous connaissons, car nous faisions tous deux partie du conseil municipal de Ramonville.
Je suis météorologue de profession. Les enjeux du climat ont été au cœur de mon activité professionnelle depuis 1982. J'ai été élu pour la première fois en 1988 en tant que conseiller général ; j'ai ensuite été élu conseiller municipal en 1989, puis réélu conseiller général en 1994 et vice-président du conseil général du Tarn, et, enfin, j'ai été élu maire de Castres en 1995. J'ai ensuite été battu en 2001 sur les deux mandats. De 1995 à 2001, j'ai fait partie des premiers membres de la nouvelle Commission nationale du débat public (CNDP) au sein de laquelle j'ai siégé pendant trois ans. En 2003, j'y ai été nommé président d'une commission particulière sur le barrage de Charlas, entre Saint-Gaudens et le Gers.
En préambule, je souhaiterais vous présenter une archéologie historique, administrative et politique du Tarn face à l'exode rural. La plupart des départements de la région Midi-Pyrénées, à l'exception de la Haute-Garonne, ont perdu une grande quantité de leurs populations dans le courant du XXe siècle. Entre 1900 et 2000, des départements comme l'Ariège, le Gers ou l'Aveyron ont perdu entre le tiers et la moitié de leur population.
Le département du Tarn a été épargné au cours du XXe siècle et n'a pas perdu d'habitants, car les bassins d'emploi d'Albi-Carmaux et de Castres-Mazamet étaient des territoires industriels. L'exode rural s'est matérialisé par le départ des habitants des zones de montagne (monts de Lacaune, monts d'Alban, monts du Ségala tarnais, montagne Noire) en direction des plaines du Sud du Tarn abritant les industries manufacturées. En 1987, 12 000 emplois existaient dans l'industrie textile (lainage, habillement, bonneterie, tricotage, etc.) dans le Tarn. Dans le Sud du Tarn, ces emplois étaient partagés assez équitablement entre emplois masculins et emplois féminins.
En 2020, plus de trente ans après, seuls 1 000 emplois existaient encore dans le domaine du textile. Le nombre d'emplois dans le textile a donc été divisé par douze. Nous ne mesurons aujourd'hui pas l'ampleur de la saignée industrielle du Sud du Tarn dans les années 1970 et 1980. Lors du recensement de 1968, la ville de Mazamet comptait 16 171 habitants, aujourd'hui elle en compte 10 000. Elle a donc perdu plus d'un tiers de sa population. En 1975, la ville de Castres comptait 46 000 habitants, elle en compte désormais 42 000. À partir des années 1970-1980, la déprime industrielle très forte du Tarn l'a conduit à une déprime démographique. La réflexion sur le développement des infrastructures routières a émergé dans ce contexte.
La réflexion sur les infrastructures doit aussi être mise en lien avec certaines décisions étatiques qui ont contribué à enclaver le Tarn. En 1972, la ligne ferroviaire Castres-Montpellier a été fermée, la ligne Castres-Castelnaudary a suivi le même sort, puis, en 1966, la ligne Castres-Albi a également été fermée. Jusqu'en 1962, la ligne du petit train de Lacaune desservait la zone de montagne. Auparavant, Castres était un nœud ferroviaire représentant 700 emplois pour la SNCF. Aujourd'hui, seule la ligne ferroviaire Mazamet-Toulouse via Saint-Sulpice existe encore.
Ces éléments structurels ont isolé le Sud du Tarn. La situation ne posait pas problème tant que l'industrie textile était florissante. Le Sud du Tarn communiquait avec le monde entier, au point que plusieurs rues de Mazamet portent des noms significatifs tels que « rue de l'Australie » ou encore « rue de la Nouvelle-Zélande ». Mazamet accueillait un comptoir de la Banque de France qui comptait parmi les plus puissants de France, car les trois quarts des peaux de mouton exportées dans le monde transitaient par Mazamet. Le territoire était prospère et communiquait avec l'Écosse pour le fil, avec la Nouvelle-Zélande et l'Australie pour les peaux de bêtes et de moutons, mais il n'entretenait que peu de relations avec Toulouse, Béziers, Albi, ou avec Castelnaudary.
Dans ce contexte, à la fin des années 1970, un grand débat sur les infrastructures a été engagé avec la construction, autour de Toulouse, d'un réseau routier puis autoroutier ayant pour vocation de desservir cette capitale régionale. Toulouse a ainsi connu une croissance qui n'est toujours pas achevée. La liaison entre Toulouse et Narbonne a grandement contribué à cette croissance.
Lorsqu'il s'est agi de traverser Castelnaudary pour relier Toulouse et Narbonne, l'État a dû choisir entre un passage par le Nord ou par le Sud de Castelnaudary. Les Ariégeois se sont mobilisés pour que l'autoroute A61 passe au Sud de Castelnaudary. Le contournement de Castelnaudary a donc été réalisé loin du Tarn. La situation du Tarn aurait été différente si l'axe autoroutier était passé au Nord de Castelnaudary permettant une liaison naturelle de Castres vers Toulouse via Soual, Revel et Castelnaudary, par l'autoroute A61.
Dans cette situation et avec la crise industrielle, une réflexion sur les stratégies à mener pour faire face à la décroissance industrielle a été engagée. En 1982, M. Jean-Pierre Gabarrou, député-maire de Castres, crée un Comité de bassin d'emploi (CBE). Au début des années 1980, les CBE étaient des structures associatives rassemblant des acteurs économiques, sociaux et politiques du territoire. Le CBE du Sud du Tarn a été un outil formidable au service d'une réflexion collective. La réflexion dépassait alors le cadre communal et était portée au niveau territorial.
Trois types de partenaires siégeaient au sein du comité de bassin d'emploi : les élus (maires, conseillers généraux, conseillers régionaux, parlementaires), les organisations syndicales et les trois chambres de commerce et de l'industrie (CCI) d'Albi, Castres et Mazamet. Les organisations patronales étaient accompagnées de la chambre de métiers et de l'artisanat et de la chambre d'agriculture. La CFE-CGC, Force ouvrière et la CFDT siégeaient au sein du comité de bassin. De toutes les organisations syndicales, la CFDT était la mieux représentée au sein des entreprises textiles. À l'époque, la CGT n'a pas souhaité participer aux travaux et la Confédération paysanne n'existait pas ; la FDSEA était présente au sein des chambres d'agriculture. Ces différents acteurs ont tenté d'identifier des remèdes à la déprime économique. Plusieurs niveaux d'intervention ont été envisagés.
Nous avons premièrement cherché à mener à bien une stratégie territoriale intégrée afin de protéger l'industrie textile. Un Plan textile a été mis en œuvre, en lien avec la Fédération de l'industrie textile. Des « Messieurs textile » ont été nommés à l'échelle régionale. Une réflexion a été conduite par les différents territoires textiles dans le cadre des négociations de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), aujourd'hui devenu l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Notre représentant national était M. Pascal Lamy.
En tant que maire de Castres et président du CBE du Tarn à partir de 1995, j'ai été amené à réfléchir au devenir de l'industrie textile dans un contexte de mondialisation croissante. L'abaissement et la suppression des droits de douane sur les importations de textile venant du Maghreb, puis du Sri Lanka, de l'Inde et de la Chine ont conduit la France à préférer vendre des Airbus et des centrales nucléaires plutôt que du textile et à sacrifier ainsi son industrie textile. Le Plan textile qui visait à soutenir les entreprises textiles dont le niveau de rentabilité était très faible n'a pas fonctionné.
Ensuite, un deuxième axe de développement a été envisagé : le développement universitaire. En 1995, 95 % de la recherche publique de la région Midi-Pyrénées se situait à Toulouse. Toulouse et sa périphérie concentraient toute l'intelligence de recherche au détriment des territoires périphériques (Rodez, Albi, Castres, Montauban, Auch, Foix, Tarbes). Nous nous sommes battus pour l'implantation d'un premier département d'Institut universitaire de technologie (IUT), à Castres. Deux autres départements d'IUT, dont un autour des services et réseaux de communication, ont ensuite été créés.
Le troisième axe de développement envisagé concernait les technologies de l'information et de la communication. À l'époque, l'expression « autoroutes de l'information » était employée. L'image signifiait que, pour un territoire donné, les handicaps structurels et physiques pouvaient être compensés par des infrastructures numériques. Avec Issy-les-Moulineaux, Besançon et Parthenay, Castres a été l'un des premiers territoires à disposer d'un réseau à très haut débit. Il a été inauguré par le Premier ministre M. Lionel Jospin en 2000. Une école d'ingénieur consacrée aux technologies de l'information et de la communication s'est alors installée à Castres.
Le quatrième axe de développement a pris la forme de réflexions sur les infrastructures. Nous nous demandions comment reconnecter le Sud du Tarn à la dimension physique des échanges, comme il l'était auparavant, avant la crise des lainages. La question de la connexion a été posée dès 1982 et elle est devenue décisive à partir des années 1987-1988, quand la crise du textile est apparue inéluctable. Le travail sur les infrastructures a porté sur les trois dimensions ferroviaire, aérienne et routière.
L'enclavement ferroviaire était difficile à contrecarrer puisque l'État ne souhaitait pas rouvrir les lignes ferroviaires fermées et les rails avaient été démontés et les tunnels fermés. Plusieurs dizaines de ponts construits à la fin du XIXe siècle ont été détruits entre Castres et Bédarieux, en passant par Saint-Pons-de Thomières.
Au-delà de l'industrie textile, jusqu'au début des années 2000, le Sud du Tarn était un territoire de production. Il était le deuxième bassin industriel de Midi-Pyrénées. En 1982, 40 % d'emplois industriels dans des domaines très variés subsistaient dans le Sud du Tarn. L'industrie métallurgique était présente dans le Tarn avec des entreprises telles que Comau, sous-traitant de Fiat, dont l'usine de fabrication de machines-outils comptait presque 500 salariés. Une usine Valeo de production automobile était également implantée vers Pont-de-Larn. L'industrie du granit occupe encore aujourd'hui plus de 180 entreprises et représente plus d'un millier d'emplois. Les deux plus gros abattoirs du Sud de la France sont situés au Sud du Tarn, un à Lacaune pour le porc, l'autre à Castres que j'avais vendu au groupe Bigard en tant que maire. Un projet conséquent de transformation du bois est actuellement mené vers Brassac. Les différentes matières produites par ces différentes industries étaient difficiles à transporter par train dès lors que le ferroutage n'était pas développé.
Un des enjeux cruciaux du désenclavement est le transport des productions du territoire. Nous avons donc été conduits à mener une réflexion sur la question routière. Dans le Sud du Tarn, qui était relativement isolé, chaque habitant suivait des habitudes routières différentes en fonction de ses intérêts particuliers. Au milieu des années 1990, ceux qui privilégiaient généralement la route nationale 112 pour leurs déplacements étaient favorables à une liaison routière vers le Sud-Est (Castres, Mazamet, Saint-Pons-de-Thomières, Béziers) afin de pouvoir rejoindre l'autoroute A9. D'autres étaient davantage favorables à la traversée de la montagne Noire. Un projet envisageait de relier Albi, Castres et Carcassonne en traversant la montagne Noire. D'autres encore considéraient que c'était l'axe tarnais Nord-Sud qui devait être privilégié. Pour aller de Castres à Toulouse, certains Tarnais passaient par Lavaur, d'autres par Revel, d'autres encore par Verfeil ou par Saussens. Quatre routes pouvaient être empruntées pour se rendre au même endroit et aucune n'était prioritaire. Ces quatre routes ont constitué une difficulté lorsqu'il s'est agi de négocier avec l'État le devenir de la route nationale 126, notamment dans sa traversée haut-garonnaise.
Avant que je ne sois maire, la route nationale 126 allait de Soual jusqu'à la frontière entre le Tarn et la Haute-Garonne, à Maurens-Scopont, et partait ensuite en direction de Toulouse via Saussens et Quint-Fonsegrives. La question de la modernisation de l'itinéraire entre Castres et Toulouse a été posée et un travail réalisé par le Centre d'études technique de l'équipement (CETE) pour identifier les différentes options envisageables.
En 1988, M. Philippe Deyveaux, maire de Castres (1985-1989), négocie et obtient de l'État la réalisation d'un avant-projet sommaire d'itinéraire (APSI) étudiant les possibilités de relier Castres et Toulouse dans les meilleures conditions, en prenant en compte l'ensemble des problématiques, parmi lesquelles les questions environnementales, pour répondre indirectement à une question que vous m'avez posée, madame Christine Arrighi. La loi sur l'eau, la loi sur l'air, la loi sur le bruit, ainsi que l'amendement Dupont sur le décalage des zones d'activité industrielle et des grandes infrastructures ont alors été pris en compte dans les études menées.
Les conclusions des études menées indiquaient que 60 % de l'itinéraire de la route pouvait être aménagé sur place, et que les 40 % restants de cet itinéraire devaient faire l'objet de déviations : déviation de Verfeil, déviation de Puylaurens, déviation de Soual avec la traversée de la commune de Saïx. Lorsque l'APSI est réalisé en 1988, le projet routier envisagé concerne une route nationale et doit s'inscrire dans le cadre des contrats de plan État-région (CPER) structurant la relation entre les collectivités, la région, l'État et l'Union européenne.
Deux problèmes devaient être résolus : la liaison routière entre Castres et Toulouse et le contournement de Castres. Jusqu'à la fin des années 1990, les camions traversaient la ville du Sud vers le Nord ou d'Est en Ouest lorsqu'ils venaient du Sidobre. Des transports de blocs de granit traversaient la ville. Lorsque la ville de Castres bénéficiait d'une industrie prospère, la question de l'investissement dans les infrastructures routières avait peu été examinée ; elle est devenue prégnante lorsque l'activité économique a diminué avec le déclin de l'industrie.
Le projet de contournement de Castres via les rocades Sud, Ouest et Nord est désormais achevé. Le projet de liaison Castres-Toulouse posait la question de savoir comment sortir de la zone urbaine de Castres en allant vers l'Ouest. L'État a proposé deux options qui ont été étudiées dans le cadre d'un dossier de voirie d'agglomération (DVA) en 1998. Le DVA conclut qu'il est nécessaire de construire une nouvelle voie au Nord des zones industrielles de Mélou et de la Chartreuse, c'est-à-dire une voie nouvelle en sortie de Castres qui relie la rocade qui nécessite un pont supplémentaire, et traverse la commune de Saïx avant de se diriger vers Soual pour rejoindre l'actuelle déviation de Soual. Cet itinéraire permet de construire une route en deux fois deux voies à carrefour dénivelé, sans que celle-ci soit parasitée par une dizaine de carrefours giratoires qui auraient été nécessaires pour améliorer l'infrastructure. Aujourd'hui, 25 000 à 28 000 véhicules circulent encore sur cette voie chaque jour en sortie de Castres.
Les infrastructures étaient une condition nécessaire, mais non suffisante au développement de Castres. Sur une durée de quarante à cinquante ans, la démographie témoigne généralement du fait que les territoires irrigués par le train, la route et l'avion, sont des territoires dont la population continue de croître. À l'inverse, les territoires non irrigués, thrombosés, subissent généralement une stagnation, voire une décroissance démographique. Une telle situation est paradoxale pour une ville comme Castres qui se situe à 8 kilomètres du point central de la région Occitanie.
Madame Christine Arrighi, vous m'avez interrogé sur le rôle de l'État. Jusqu'à récemment, l'État n'avait jamais considéré le Sud du Tarn pour ce qu'il représentait vraiment dans le champ économique. Les habitants du Sud du Tarn l'ont toujours vécu comme étant une injustice. Chaque fois que je rencontrais un interlocuteur de quelque niveau que ce soit, jusqu'au niveau ministériel, je devais expliquer où se situait Castres. Les préfectures étaient connues et représentées par un point conséquent sur la carte de l'agenda des postes, mais les villes de sous-préfecture étaient considérées de manière secondaire. L'enjeu de justice, d'équité et d'aménagement du territoire n'était pas bien pris en compte.
Cette question a probablement été posée trop tardivement par les acteurs du Sud du Tarn, mais elle a été posée lorsqu'il a fallu se tourner vers l'État. Or celui-ci devenait impécunieux et ne pouvait plus investir pour les routes nationales. Il voulait même s'en départir. Il a d'ailleurs concrétisé cette volonté puisqu'aujourd'hui, seule une route nationale dessert encore Castres, la route nationale 126.
Les ministres ont été régulièrement interpellés au sujet du manque d'investissements de l'État dans les infrastructures ferroviaires. Je vous ai envoyé l'intervention de M. Eugène Boyer, sénateur de la Haute-Garonne datant de 1988 ; celle de M. Louis Brives, sénateur-maire de Cuq-Toulza datant de 1990 ; celle de M. Georges Mazars, sénateur du Tarn, datant de 1996 ; et l'intervention plus récente de M. Philippe Folliot, député jusqu'en 2004, aujourd'hui sénateur. Je vous ai également transmis les remarques de la Cour des comptes datant de 1992. Chaque fois les ministres répondaient que le principe retenu était celui de la mise en deux fois deux voies de la route reliant Mazamet, Castres et Toulouse. Dans sa dernière version, la partie de l'autoroute A68 entre Toulouse et le Tarn a été réalisée selon ce principe. Le choix de la concession autoroutière au groupe Vinci a abouti à la réalisation d'une bretelle autoroutière en deux fois une voie, avec la réservation des terrains pour une éventuelle route en deux fois deux voies qui se réalise maintenant, qui mène de l'échangeur de Gragnague vers Verfeil.
L'État a lui-même arbitré en indiquant que conformément aux conclusions de l'étude menée dans le cadre de l'APSI de 1994, la route irait de Toulouse à Castres en transitant par la sortie autoroutière en direction d'Albi, puis en tournant à droite en direction de Verfeil, et en se dirigeant ensuite vers Saïx, puis vers Castres.
Ensuite, plusieurs difficultés ont été rencontrées. Il était alors question d'une autoroute concédée, d'une route nationale jusqu'à Maurens-Scopont, et d'une route départementale entre Maurens-Scopont et Verfeil. Cette route suit une trajectoire assez originale, car elle oscille de part et d'autre de la frontière entre le Tarn et la Haute-Garonne. Le département du Tarn considérait que les routes départementales 20 et 42 devaient être modernisées et leurs virages corrigés afin d'anticiper l'aménagement futur de la route nationale 126, et il ne s'opposera pas au déclassement de sa route départementale en route nationale lorsque le moment viendra. Le département de la Haute-Garonne considérait la situation différemment. Une route nationale traversait la Haute-Garonne dans la partie Est et il jugeait cette route suffisante pour desservir ses habitants ; il ne voyait pas l'intérêt de la déclasser en route départementale revenant à sa charge.
Le débat a été essentiellement porté par les Sud-Tarnais. Cette situation passée explique probablement une partie des réactions actuelles et les divergences existant entre les Haut-Garonnais et les Tarnais. Généralement, la victime se plaint davantage. Les Sud-Tarnais étaient demandeurs de cette liaison routière.
La segmentation des enquêtes d'utilité publique et des déclarations d'utilité publique (DUP) a posé problème. Très clairement, les moyens de l'État ont conditionné les décisions administratives. Il aurait fallu qu'à la fin des années 1990, une enquête d'utilité publique définisse précisément le tracé de la route. Des oppositions se faisaient entendre autour de Saïx et de Soual, ainsi qu'en Garonne. Les prises de position admises aujourd'hui ne l'étaient pas à l'époque. Les habitants de Puylaurens craignaient que la nouvelle infrastructure routière supprime le passage commercial au sein de la commune et souhaitaient alors que la déviation soit réalisée le plus tard possible.
La question des financements est devenue plus prégnante au cours du temps. L'intervention de l'État n'a cessé de décroître. J'ai fait partie de ceux qui ont négocié le CPER avec M. Martin Malvy et le préfet. De nombreux projets routiers étaient envisagés, puis l'État a choisi d'investir davantage dans le transport ferroviaire et moins dans les infrastructures routières. Nous avons dû réagir.
En 1999, une action collective de hiérarchisation des voies a vu le jour. Il est devenu nécessaire de prioriser les actions à mener en retenant un projet routier à mener en vue du prochain CPER de 2006. Nous avons organisé une succession de rassemblements, puis le CBE et, ensuite, les différents conseils locaux (conseil de partenariat, conseils municipaux, conseil général) ont décidé, selon une démarche associative, d'adopter une Charte pour le désenclavement. Cette charte hiérarchisait les différents projets routiers à mener en plaçant en première position le projet de liaison entre Castres et Toulouse et en deuxième position le financement des rocades de Castres.
Au regard du rythme des CPER, le projet de liaison routière entre Castres et Toulouse ne pouvait être achevé avant 2018 ou 2020. Le débat a alors commencé à porter sur la nécessité d'un plan de rattrapage. Le 26 avril 1999, nous avons manifesté à Toulouse avec 300 véhicules, dont une bonne centaine de camions des industries du granit et du textile, auxquelles s'est joint le transport routier. Un millier de manifestants étaient réunis. Les maires de tout le territoire, de droite comme de gauche, étaient unis autour de la nécessité d'un plan de rattrapage qui consistait à réclamer à l'État des moyens supplémentaires pour mener à bien les projets routiers. Lors de la négociation du CPER, nous n'avons obtenu qu'une mince part de ce que nous demandions.
Nous avons néanmoins obtenu environ trois fois plus de crédits routiers sur le contrat de plan de 2006 que nous n'en avions obtenu auparavant. Nous étions alors en mesure de réaliser la déviation de Puylaurens, la rocade Nord-Ouest de Castres, et de l'entrée Ouest de Castres qui était prévue dans le CPER et qui devait amorcer ce qui allait être la future route en deux fois deux voies reliant Castres et Toulouse. Je précise pour répondre à vos interrogations qu'à ce stade, il était encore question de construire une route en deux fois deux voies en maîtrise d'ouvrage public, conformément à notre position initiale.
En 1988, M. Maurice Faure, ministre de l'équipement et des transports et ancien président du conseil général du Lot, était particulièrement attaché à sa région et il a finalement mis en œuvre le plan autoroutier, conduisant à un certain nombre de concessions, notamment la liaison entre Toulouse et Cahors, et sa prolongation vers Brive-la-Gaillarde, la liaison entre Toulouse, Saint-Gaudens et Tarbes, avec la portion d'autoroute A64 qui n'était pas terminée.
Monsieur Arnaud Mandement, vous avez évoqué le projet de désenclavement du Sud du Tarn autour duquel les élus étaient unis. Comment avez-vous vécu l'évolution du projet lorsqu'il est décidé de passer d'un projet de route en deux fois deux voies à une concession autoroutière ? Est-ce que ce choix constituait une opportunité de réaliser rapidement le désenclavement que les Sud-Tarnais appelaient de leurs vœux ? Pourriez-vous donner votre sentiment sur cette évolution, même si votre mandat s'est arrêté en 2001 ?
Je ne peux que m'exprimer en tant que citoyen. Il est délicat de répondre à cette question, dès lors que je n'étais plus en situation de responsabilité. Jusqu'en 2001, la position qui était la nôtre était celle d'une route nationale en deux fois deux voies avec un carrefour dénivelé. Elle devait être gratuite et ce, d'autant plus que les collectivités locales avaient été amenées à participer davantage au financement de cette route à cause du désengagement de l'État. La majorité des financements était assurée par la région, le département et les communes concernées.
La sortie Ouest de Castres et la rocade ont été financées à 55 % par les collectivités locales. Étant impécunieux, l'État a pris la décision de transformer le projet en concession autoroutière. Ce mouvement n'a pas commencé en 2000. M. Maurice Faure avait déjà proposé un certain nombre de concessions autoroutières à un certain nombre de partenaires. Avant 1988, il avait opté pour la réalisation d'une autoroute reliant Toulouse et Pamiers. Pamiers ne comptait que 15 000 habitants. Il s'agissait de relier Toulouse aux Pyrénées et aux stations de ski par le col de Puymorens et non de desservir un bassin industriel. À l'époque, les territoires n'ont pas protesté contre le choix de concéder le projet aux Autoroutes du Sud de la France (ASF).
Dans le cas du Tarn, la question de la temporalité s'est posée. Nous nous sommes demandé quel délai serait nécessaire pour obtenir l'infrastructure attendue. La perspective de l'achèvement du projet s'éloignait. Les crédits routiers ont été l'objet de révision. Le CPER que j'avais signé a été allongé de deux ans. Les crédits routiers nationaux ont été réorientés et les crédits européens affectés aux routes ont été progressivement relevés. Nous étions dans une situation d'impasse.
En tant que citoyen, je n'étais pas nécessairement favorable à l'option de la concession autoroutière. Je ne prendrai pas part aux débats, car je ne suis plus en responsabilité et je ne souhaite pas profiter aujourd'hui de la place qui est la mienne, mais je distingue deux débats : un débat invitant à se prononcer en faveur ou en défaveur du projet de construction d'une nouvelle infrastructure, et un débat invitant à se prononcer en faveur ou en défaveur d'une infrastructure concédée.
La question d'un aménagement de l'infrastructure sur place ressurgit dans le débat public, mais l'aménagement sur place est impossible si nous souhaitons que les contraintes environnementales de protection contre le bruit et de protection du territoire et des habitants soient respectées. La route ne pouvait pas être construite sur place, à moins de couper la commune de Saïx en deux, à la manière du tunnel de Fourvière traversant Lyon ou de l'autoroute traversant Valence.
J'ai découvert en écoutant M. Dominique Perben que l'arbitrage sur la concession avait été acté en 2006. Je le pensais bien plus tardif. Il a été acté très tôt alors que le prédécesseur de M. Dominique Perben, M. Gilles de Robien était opposé à la concession. Lors des questions parlementaires, M. Gilles de Robien a répondu à M. Philippe Folliot qu'il n'était pas favorable à la concession, mais à l'aménagement sous maîtrise de droit public de l'État.
En 1992, les estimations de l'APSI concernant le coût de cet itinéraire s'élevaient à 2,2 milliards de francs, soit 338 millions d'euros. Aujourd'hui, en prenant en compte l'inflation, l'aménagement de la route en deux fois deux voies coûterait 550 millions d'euros. Le courrier de M. Christian Leyrit du 8 mars 1994, qui approuve l'APSI, ne remet pas en cause l'option de la route en deux fois deux voies, mais donne un échéancier courant jusqu'en 2010 qui ne couvre pas la totalité de la mise à deux fois deux voies de l'itinéraire. La direction des routes savait qu'elle ne terminerait pas cet itinéraire avant 2010. L'État a pris en charge 40 % des coûts d'aménagement de la déviation de Puylaurens, et le département et la région ont respectivement pris en charge 20 % et 40 % des coûts d'aménagement de la déviation de Puylaurens. Les financements à la charge des collectivités locales étaient extrêmement importants pour une route nationale. L'État était par ailleurs maître d'ouvrage et percevait la TVA.
Nous n'envisagions pas de projets alternatifs, mais des projets complémentaires. La liaison SNCF Castres-Toulouse repose sur une voie unique, avec de rares portions à deux voies pour se croiser, elle n'est pas électrifiée et ne permet donc pas le report sur le rail des 15 % de poids lourds, soit 800 poids lourds circulant sur cette route chaque jour, dans la traversée de Cuq-Toulza. Si nous considérons que ces poids lourds circulent en journée et non la nuit, nous pouvons décompter un poids lourd par minute. Les poids lourds représentent ainsi un trafic important lors de la traversée des petites agglomérations. À l'époque, la position de l'État était de privilégier les liaisons de TGV. M. Jean-Claude Gayssot, ministre délégué chargé des transports et Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, qui était responsable des CPER, y étaient favorables.
Vous m'aviez posé la question du rôle de M. Pierre Fabre. Je souhaite m'exprimer à ce propos, car ce sujet fait l'objet de nombreuses ambiguïtés dans le débat public. Le rôle attribué aux entreprises dans le projet d'autoroute A69 devient aujourd'hui excessif dans le débat public. Des appels au boycott des entreprises favorables ou défavorables au projet d'autoroute sont passés sur les réseaux sociaux. Je les juge stupides. L'entreprise Pierre Fabre embauche 1 200 salariés dans le bassin de Castres et davantage encore dans tout le département du Tarn. 10 000 emplois industriels existent encore au sein du bassin de Castres-Mazamet. Sur ce dossier, M. Pierre Fabre se positionnait en citoyen engagé, il n'a pas fait valoir les intérêts de son entreprise. Il est décédé en 2013, nous devons respecter sa mémoire.
Le territoire du sud du Tarn abrite de nombreuses entreprises (granit du Sidobre, Valeo, Frayssinet, etc.). La pétition de 1999 avait rassemblé 1 240 entreprises et chefs d'entreprise, pour demander un plan de rattrapage. La mobilisation était conséquente, mais la stratégie de développement ne portait pas uniquement sur la question routière, et elle continue aujourd'hui sur la scène de Castres-Mazamet, à porter sur l'enseignement supérieur, notamment. Aujourd'hui, Castres compte plus de 2 000 étudiants contre 300 ou 400 étudiants au début des années 1990.
Monsieur Arnaud Mandement, vous affirmez que le territoire a été enclavé du fait de la suppression des voies ferrées, conformément au choix de l'État. Vous expliquez également qu'à l'époque, la réflexion prenait en compte le passage de 25 000 à 28 000 voitures par jour. Aujourd'hui, seulement 10 000 voitures maximum circulent chaque jour sur cette route et une autoroute doit atteindre une fréquentation de 20 000 à 25 000 véhicules par jour pour ne pas être déficitaire. D'après vos propos, la construction d'une autoroute n'est aujourd'hui pas justifiée. L'arbitrage de 2006 de l'État actant la construction d'une autoroute pose donc question.
Dans le Nord du Tarn, la portion de l'autoroute A68 qui relie Toulouse à Albi est gratuite. En revanche, l'A69 sera payante. Une telle différence pose problème en matière d'équité territoriale. Le Sud du Tarn a été abandonné par l'État à la suite de la fuite de l'industrie textile et le territoire s'apprête à être à nouveau sanctionné avec cette autoroute payante. La justification de cette autoroute pose question.
J'ai indiqué 25 000 véhicules par jour en sortie de Castres, et non dans la traversée de Cadix. Les études de trafic réalisées en 2007 dans le cadre de l'APSI indiquaient qu'en 2010, 12 000 véhicules circuleraient entre Cadix et Maurens-Scopont. En 2007, 7 000 véhicules circulaient chaque jour sur la traversée vers Cadix. Il faut noter la difficulté particulière que constitue la multiplicité des itinéraires pour aller vers Toulouse. Tant que la route nationale 126 reste inchangée, il n'est pas plus intéressant, selon l'endroit de Castres d'où l'on part, de prendre la route nationale 126 que la route départementale 112 en direction de Lavaur et de Verfeil.
En 1993, M. Édouard Balladur, Premier ministre, a souhaité aménager un axe reliant Toulouse et Lyon en traversant le Massif central. L'axe Toulouse-Lyon relie les quatre préfectures d'Albi, de Rodez, de Mende et du Puy-en-Velay, et Saint-Etienne également. Sur cet axe, il reste à réaliser une partie de la traversée de la Haute-Loire. Même si les infrastructures sont gratuites, la question a été posée de savoir dès 1988 s'il fallait dire oui ou non à une concession. Pour notre part, nous avons toujours été très clairs. Nous avons privilégié une route nationale 126 en deux fois deux voies.
La question de la sécurité routière était évidemment majeure. La mortalité routière a diminué, mais beaucoup d'accidents avaient lieu sur la route nationale 126 par le passé.
Il ne m'appartient pas de me prononcer sur la question de la concession.
Monsieur Arnaud Mandement, je vous remercie d'avoir retracé l'histoire passionnante des territoires industriels. Cette histoire explique comment nous abordons aujourd'hui l'aménagement du territoire, même si la question de la liaison autoroutière ou de la liaison routière est davantage liée à des enjeux budgétaires qu'à des choix politiques. S'il s'agissait d'un choix politique, il n'a pas été effectué à l'échelle locale.
Vous n'avez pas répondu à certaines des questions que je vous avais transmises. Vous pourrez compléter par écrit le questionnaire qui vous a été envoyé. Comme nous en avons convenu, les questionnaires seront envoyés à l'ensemble des membres de la commission d'enquête la veille ou le matin des auditions afin que chacun puisse en prendre connaissance. Je tiens à ce que nous procédions ainsi, de façon démocratique, même si ce n'est pas le fonctionnement le plus habituel en commission d'enquête.
Pour conclure, je rappellerai la formule de Jaurès, né à Castres, que j'ai fait mienne : « l'histoire enseigne aux hommes la difficulté des grandes tâches et la lenteur des accomplissements ».
Réjouissons-nous ensemble que ce projet puisse aboutir dans l'intérêt des territoires. Nous vous remercions, monsieur Arnaud Mandement, pour les éclairages que vous avez apportés au débat.
La commission auditionne M. Pascal Bugis, maire de Castres depuis 2001.
Je souhaite la bienvenue à M. Pascal Bugis, maire de Castres depuis 2001, que je remercie d'avoir répondu à notre invitation.
Il est important pour nous de comprendre quelle a été votre participation aux différents débats publics et à l'élaboration de la déclaration d'utilité publique (DUP) sur le projet d'autoroute A69. Nous souhaitions également savoir quelles relations vous aviez entretenues avec l'État, les collectivités territoriales et le département dans le cadre de ce projet.
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
(M. Pascal Bugis prête serment.)
Monsieur Pascal Bugis, je vous remercie d'être devant nous ce matin. Votre audition nous sera très utile pour comprendre pourquoi le projet initial d'élargissement de route nationale est devenu un projet d'autoroute concédée.
Notre table ronde du 27 février dernier nous a permis de comprendre le poids de l'État dans ce dossier. Dans les années 1990 et au début des années 2000, certains responsables locaux étaient favorables à l'élargissement de la route nationale, avant la décision de l'État de recourir à une autoroute concédée, semble-t-il, à ce stade, pour des raisons budgétaires principalement.
Vous êtes maire de Castres depuis 2001, ainsi que président de la communauté d'agglomération de Castres-Mazamet. Vous connaissez donc bien la problématique de ce territoire. Vous avez reçu de ma part un questionnaire mis à disposition de tous les membres de la commission.
D'après vos souvenirs, comment la décision de recourir à une autoroute concédée a-t-elle été perçue localement ? En avez-vous été surpris ou était-ce, au contraire, une décision qui vous a semblé mûrement réfléchie et conforme aux études qui avaient été portées à votre connaissance et à celle des exécutifs locaux ?
Nous souhaitons que vous nous expliquiez les motivations profondes de ce projet et que vous nous décriviez les relations que vous entreteniez avec l'État, le département et la région dans la conduite des phases préparatoires du projet. Nous souhaitons également comprendre si, depuis la décision de recourir à une autoroute concédée, ce projet vous semble réunir une large majorité politique parmi les élus ou si les avis sont plus partagés. Enfin, nous aimerions que votre audition détermine si les préoccupations environnementales et de sauvegarde de l'agriculture étaient présentes au moment où la décision de recourir à une autoroute concédée a été prise. La notion de développement durable apparaissait alors de manière croissante dans les débats publics et il serait intéressant de savoir si les décideurs publics et vous-même l'aviez à l'esprit. Je pose cette question pour savoir si la modernisation de cette liaison routière correspondait à une véritable stratégie d'aménagement du territoire, conciliant activités humaines et préservation des espaces agricoles et naturels.
Des zones à défendre (ZAD) ont été créées récemment. Le projet datant des années 1990, il paraît évident que les citoyens et les citoyennes, ainsi que les responsables politiques, le réinterrogent. Trente ans se sont écoulés depuis la genèse du projet, il n'est pas possible d'asseoir la légitimité démocratique du projet sur un temps si long.
Je vous remercie de me permettre de m'exprimer devant votre commission. Une partie des réponses vous a été donnée par mon prédécesseur, M. Arnaud Mandement. J'ai pu être en désaccord avec lui sur certains sujets, mais nous partageons des points d'accord concernant ce qu'il convient de réaliser pour remédier à l'enclavement du bassin de vie de Castres-Mazamet qui est une sous-préfecture bien plus importante que d'autres sous-préfectures de Midi-Pyrénées, et qui était à l'époque le deuxième bassin d'activité économique après Toulouse.
M. Arnaud Mandement vous a expliqué que la solution envisagée en termes de désenclavement routier est toujours restée la même, à savoir la mise en deux fois deux voies de l'itinéraire reliant Castres et Toulouse. Il a également rappelé que cette mise en deux fois deux voies excluait l'aménagement sur place de près de 40 % du tracé de la route. Un aménagement sur place aurait conduit à des désastres tels que la traversée de Saïx qui était inenvisageable, car elle revenait à une mort programmée du village.
Le parti-pris d'un aménagement de l'itinéraire en deux fois deux voies répondait à la volonté de sécuriser les parcours et les temps de parcours afin que les 75 kilomètres séparant Toulouse et Castres puissent être franchis dans un délai raisonnable. Une route en deux fois deux voies était le seul type d'aménagement routier répondant à cette volonté. Quelles que soient les conditions météorologiques et la densité du trafic, la route en deux fois deux voies aurait permis de rejoindre la ville de Toulouse depuis Castres en une heure de temps environ. L'ensemble des acteurs du territoire et l'État ont validé très tôt, dès les années 1990, le projet de mise en deux fois deux voies de l'itinéraire entre Castres et Toulouse.
Ensuite, tous les acteurs se sont attachés à réaliser ce projet dans le cadre des Contrats de plan État-région (CPER). Le deuxième CPER de 1989, ainsi que le troisième et le quatrième CPER s'achevant en 2006 ont permis de mener à bien les déviations de Soual et de Puylaurens, qui étaient les amorces de la mise en deux fois de voies de l'itinéraire reliant Castres et Toulouse. Donc, de 1989 à 2008, 10 kilomètres d'aménagement de doublement prévus par l'État ont été réalisés. Vingt ans ont donc été nécessaires pour aménager 10 kilomètres de la phase d'étude à la phase de réalisation du projet. Suivant ce rythme, quatre-vingt-dix ans auraient été nécessaires pour réaliser l'aménagement des 45 kilomètres restants. De plus, pendant le dernier CPER courant de 2000 à 2006, les crédits d'État ont été gelés en 2002, 2003, et 2004. Les acteurs locaux ont compris que la réalisation du projet de mise en deux fois deux voies de l'itinéraire Castres-Toulouse prendrait du temps, et qu'il allait être compliqué de mobiliser les crédits d'État sur la durée puisque l'État ne souhaitait plus investir dans les infrastructures routières.
Face au constat de l'inefficacité d'une réalisation des aménagements sur fonds d'État dans le cadre des CPER, des contacts ont été pris avec les décideurs pour étudier l'option de la mise en concession. La mise en concession du projet routier permettait de s'affranchir des financements de l'État, sauf pour la subvention d'équilibre, et de réaliser le projet plus rapidement que la durée de quatre-vingt-dix ans qui se profilait. De ce point de vue, le résultat espéré a été atteint même si la réalisation du projet a tout de même nécessité un temps très conséquent.
Vous avez auditionné M. Dominique Perben, ministre des transports de 2005 à 2007. Il a entendu la voix d'un certain nombre d'acteurs du territoire de l'époque, dont je faisais partie, qui considérait qu'il fallait trouver un moyen plus rapide de parvenir à nos objectifs de désenclavement du territoire. Aucun conciliabule, aucune conversation secrète, n'a eu lieu. Un consensus naturel a été trouvé entre tous les acteurs du territoire, qu'ils soient politiques, économiques ou associatifs, qui étaient tous convaincus de la nécessité que le projet routier soit réalisé au mieux, le plus rapidement possible. Le système de la concession a donc finalement été retenu. Les motivations qui ont guidé la décision de mise en concession étaient ainsi purement pratiques.
Dans la conclusion du rapport de la commission d'enquête sur la DUP, nous pouvons lire :
« Depuis le début des années 1990, sous la pression des acteurs économiques du Sud-Ouest tarnais, l'État étudie la desserte du bassin de Castres-Mazamet par la création ou l'aménagement d'une liaison routière en deux fois deux voies. Des études et réalisations partielles se sont succédé pendant près d'un quart de siècle, au cours desquelles les populations locales ont été conviées à s'exprimer à plusieurs reprises sur des projets dont certains ont été abandonnés. La commission aurait parfaitement pu comprendre que la lassitude et le fatalisme aient pu atteindre certains, quand l'État a décidé de réorienter le projet qui était à l'arrêt, faute de financement, vers une mise en concession en novembre 2006. Elle constate cependant que la mobilisation de la population, des élus locaux et des partenaires socio-économiques est restée vive au cours des dix années qui ont suivi. »
Cet extrait rappelle l'état d'esprit ayant présidé au choix de la mise en concession. Il est aujourd'hui indécent d'affirmer que ce projet a pris trop de temps et qu'il est obsolète. Le déroulement de ce projet a pris du temps et a donc été soumis à des développements procéduraux récents, en matière environnementale, notamment. L'enquête environnementale du projet date du début de l'année 2023.
Je ne comprends pas que le travail de la commission d'enquête sur la DUP puisse être disqualifié au motif qu'elle n'aurait pas pris en compte toutes les données nécessaires connues au jour de la rédaction de ce rapport. Je ne comprends également pas pourquoi le projet est jugé obsolète. Il a été actualisé même si sa conception n'est pas récente. Les porteurs du projet ne sont pas responsables du retard de sa mise en œuvre. Vous vous posiez la question de savoir ce qui s'était passé entre la fin du débat public organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP) et 2014, quand les études et le projet ont été relancés. Il est indécent de qualifier le projet d'obsolète quand de nombreux opposants s'acharnent, à tous les étages de la vie administrative et politique, à essayer de le retarder par tous les moyens possibles.
Entre 2010 et 2012, c'est-à-dire entre la décision ministérielle qui a validé le travail réalisé par la CNDP décidant d'un itinéraire autoroutier entre Castres et Verfeil et les élections présidentielles de 2012, je ne sais pas ce qui s'est produit. En revanche, je sais que lorsque M. François Hollande a été élu président de la République, la commission Mobilité 21 a été ouverte et que, pendant deux ans, la pertinence des projets a été réexaminée pour prioriser une énième fois les projets d'infrastructures à réaliser sur le sol français. Nous pouvons estimer que ces deux années, de 2012 à 2014, étaient perdues, après déjà deux ans d'incompréhension entre 2010 et 2012. Nous avons ainsi attendu pendant quatre ans que des décisions qui avaient été prises se traduisent en actes administratifs et en opérations.
En qualité de maire de Castres, M. Pascal Bugis est libre des propos qu'il tient et de qualifier une situation d'indécente.
Une question m'avait été posée sur le qualificatif d'« autoroute Pierre Fabre » parfois attribué au projet d'autoroute A69. M. Pierre Fabre a énormément travaillé pour son territoire natal. Il a essayé de l'animer avec les moyens qui étaient les siens, en tant que chef d'entreprise, en favorisant l'emploi et en permettant à des milliers de familles du territoire de Castres-Mazamet de vivre.
M. Pierre Fabre a été amené à donner son avis sur l'opportunité de réaliser des infrastructures pour ce territoire. Son avis a compté puisqu'il s'agissait d'un avis autorisé, car il savait ce qu'il fallait réaliser pour amener de l'activité sur un territoire qui en avait besoin. En effet, les activités traditionnelles, qu'elles soient textiles ou mécaniques avaient connu des infortunes à partir des années 1980-1990. Les habitants et acteurs du territoire étaient contents du relais pris par l'entreprise Pierre Fabre et des emplois qu'elle offrait sur le territoire.
Il ne serait pas anormal que nous rendions justice à M. Pierre Fabre et que nous reconnaissions qu'il s'est toujours soucié du dynamisme de sa terre natale. Je ne savais pas que l'expression « autoroute Pierre Fabre » était employée, mais nommer l'autoroute ainsi serait une bonne idée. La ville de Castres a rendu hommage à M. Pierre Fabre après son décès en donnant son nom à une place.
M. Arnaud Mandement indiquait qu'en 1999 déjà, 1 240 entreprises avaient signé une pétition en faveur d'un plan de rattrapage. Notre commission a besoin de mesurer l'engouement des populations, des élus et du tissu industriel et économique dans sa globalité, autour de ce projet – qui est aujourd'hui un chantier – de l'autoroute A69.
Quelle relation avez-vous entretenue avec les autres cofinanceurs du projet que sont la région et le département ? Nous avons besoin de comprendre comment, en tant qu'acteur moteur de ce projet routier, en tant que maire de la ville de Castres, vous avez pu ressentir les attentes de ce territoire vis-à-vis de son désenclavement.
Avant mon élection, j'ai le souvenir que plus de mille acteurs économiques et politiques du territoire, de la région, du département, et des départements voisins s'étaient réunis lors d'un rassemblement pour réaffirmer la nécessité d'engager des actions afin de désenclaver notre bassin d'emploi et de vie. À l'époque, le choix avait été fait d'aménager en priorité la route nationale 126 en deux fois deux voies. Un projet futur de débouché vers la Méditerranée était également envisagé, soit via le franchissement de la montagne Noire par Carcassonne, soit via l'ouverture vers Béziers puisqu'une voie y existait déjà et pouvait être aménagée.
Dès 1989, une charte a été signée par l'ensemble des acteurs du territoire. M. Arnaud Mandement a également rappelé l'existence d'engagements de nature associative tels que les Comités de bassin d'emploi (CBE). Je n'ai pas remis en cause la manière selon laquelle mon prédécesseur avait conduit ce dossier lorsque j'ai été élu. Dans le cadre de ce travail de fond sur l'attractivité du territoire, j'ai entretenu des relations aussi cordiales que possibles avec l'ensemble des décideurs locaux, de la commune de Castres, de la communauté d'agglomération de Castres-Mazamet et du département du Tarn.
Quand il s'agissait d'aborder les sujets relatifs au désenclavement autoroutier de Castres, mes relations ont toujours été excellentes, tant avec M. Thierry Carcenac, président du conseil général du Tarn, qu'avec son successeur, M. Christophe Ramond, ainsi qu'avec M. Martin Malvy, président du conseil régional de Midi-Pyrénées de 1998 à 2015, et Mme Carole Delga, présidente du conseil régional d'Occitanie depuis 2016.
J'ai également entretenu de bonnes relations avec les ministres des transports qui se sont succédé et qui ont bien voulu se rendre dans le Tarn afin de constater la situation qui est la nôtre. Je les ai reçus et je leur ai expliqué la situation pour qu'ils comprennent bien que nous nos demandes ne relevaient pas du caprice, mais que nous essayions de résoudre les problèmes existentiels auxquels notre territoire était confronté.
Lorsque vous avez été élu, monsieur le président Jean Terlier, nous nous sommes également entretenus sur le sujet. J'ai également échangé avec des sénateurs. En somme, j'ai échangé avec tous les acteurs souhaitant s'impliquer dans le projet. À la quasi-unanimité, ils ont partagé les préoccupations qui étaient les miennes, parce que les réalités de terrain s'imposent très rapidement dès qu'un temps est pris pour ausculter le Sud du Tarn, que je connais peut-être trop pour disposer d'une vision totalement objective de la situation.
Nous nous sommes beaucoup mobilisés dans le débat public. Certains aspects de notre mobilisation pourraient même paraître dépassés aujourd'hui. Nous avions réalisé un Lip dub qui avait suscité quelques moqueries. Je l'assume complètement, car même s'il fait partie d'une série d'actions menées qui n'étaient pas déterminantes, elles ont néanmoins permis de retranscrire la vision des habitants du Sud du Tarn.
Les habitants du Sud du Tarn rencontrent des difficultés pour aller de Castres à Toulouse ou de Mazamet à Toulouse. Il est compliqué pour eux d'accomplir des actes de la vie courante dès qu'il s'agit de rejoindre la métropole toulousaine. Malheureusement, il semble que nous serons de plus en plus obligés de recourir aux services de la métropole parce que les territoires des villes moyennes peinent à recruter des médecins, par exemple, et rencontrent des difficultés pour proposer une offre suffisante en matière d'enseignement supérieur. Les déplacements vers la métropole persisteront et s'intensifieront certainement. Nous ne pouvons pas vivre en autarcie. Nous sommes contraints, pour des raisons personnelles et professionnelles, de nous rendre régulièrement à Toulouse.
La proximité de Castres avec Toulouse est une chance, mais nous devons aussi disposer de la chance d'être une vraie ville d'équilibre, c'est-à-dire dans laquelle nous trouvons encore un certain nombre de services nous évitant le recours systématique à la métropole. Maintenir l'enclavement de l'agglomération de Castres-Mazamet est un très mauvais calcul sur le plan de l'aménagement du territoire, car il est possible de développer un certain nombre de services secondaires dans un bassin de vie de 100 000 à150 000 habitants.
Le centre hospitalier de Castres est un centre hospitalier de qualité, mais nous avons besoin d'attirer des médecins et leurs conjoints et donc de leur offrir la possibilité de se déplacer aisément vers Toulouse s'ils préfèrent habiter au sein de la métropole. Certains effectuent le choix d'habiter à Toulouse même s'ils travaillent à Castres, car ils pensent parfois que la métropole toulousaine dispose d'une meilleure offre d'enseignement pour leurs enfants, ou d'une offre culturelle plus riche.
Monsieur Pascal Bugis, vous expliquez que, pour des raisons budgétaires, l'État a choisi de sacrifier nos routes à un concessionnaire. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi dans le cadre de la subvention d'équilibre, la participation financière des collectivités a été divisée par dix ?
À moins de m'être mal exprimé, je ne pense pas avoir indiqué que l'État avait décidé de sacrifier nos routes. Des choix budgétaires ont été effectués, mais je ne connais pas les raisons ayant présidé à ces décisions. Lorsque nous avons été confrontés au gel des crédits routiers entre 2002 et 2005, notre avis n'a pas été sollicité.
Comment expliquez-vous que la participation financière des collectivités territoriales au projet ait été divisée par dix ?
Les prévisions ont toujours été excessives. Il est aisé de réaliser de telles prévisions et d'expliquer, par exemple, que l'autoroute A69, ne nous fera gagner que 20 minutes de trajet qui paraissent dérisoires alors que nous gagnerons 35 minutes de trajet comme l'indiquent tous les documents produits dans le cadre des enquêtes publiques. De la même manière, lors de la décision de mise en concession, certains détracteurs affirmaient que nous ne trouverions pas de candidat à la mise en concession et que la subvention d'équilibre s'élèverait à 300 millions d'euros. Finalement, le concessionnaire indique qu'il a besoin d'une subvention d'équilibre dix fois moins importante que les prévisions ne l'indiquaient. Vous devriez poser votre question au concessionnaire et non à moi.
L'audition de M. Arnaud Mandement nous a permis de comprendre que l'enclavement du territoire était en grande partie dû à la suppression de lignes ferroviaires. Je souligne que l'entreprise Pierre Fabre, qui est une entreprise locale, s'est toujours très bien portée et se porte toujours bien. L'argument selon lequel une autoroute serait nécessaire à l'essor des entreprises et des industries du territoire me semble donc fallacieux. Je trouve difficile d'entendre des élus affirmer que le bassin de vie de Castres-Mazamet est extrêmement enclavé et est un désert médical, alors que nous disposons d'un hôpital de pointe. En tenant de tels propos, nous laissons penser que le Tarn est un département oublié et abandonné ; or c'est un département où il est agréable de vivre.
Les études menées en 2023 montrent que l'impact environnemental du projet d'autoroute A69 est négatif. La conduite de ce projet passe outre les enquêtes environnementales et se focalise sur les enjeux économiques. Pourquoi ne considérez-vous pas que la question sociale et environnementale prime sur la question économique ?
Vous exprimez votre perception, mais elle ne correspond pas à la réalité. Vous rappelez les propos de M. Arnaud Mandement qui a dit à tort lors de son audition que les lignes de chemin de fer avaient été fermées ou abandonnées. Aucune suppression de ligne de chemin de fer n'a été réalisée et il existe toujours une ligne ferroviaire entre Castres et Toulouse ; elle est malheureusement toujours dans le même état qu'en 1945.
À l'époque, cette ligne continuait après Mazamet. Aujourd'hui, il s'agit d'une voie verte.
Vous faites référence à la ligne Castres-Bédarieux. Je crois qu'elle a été supprimée juste après la guerre et peut-être même avant.
L'État supprime toutes les lignes de chemin de fer du département et nous sommes donc contraints de créer des voies pour transporter les matériaux produits dans le département.
Sur le territoire de Castres-Mazamet, des trains circulent encore entre Toulouse, Saint-Sulpice, Castres, Labruguière et Mazamet. Je ne peux donc pas créditer votre hypothèse selon laquelle les lignes de chemin de fer auraient été supprimées. Je peux entendre que ces liaisons sont incommodes, que nous n'y portons pas suffisamment d'attention, que les cadences ne sont pas bonnes, et qu'il aurait fallu doubler la voie de chemin de fer entre Toulouse et Castres. Je ne souhaite pas que les liaisons ferroviaires entre Toulouse et Castres demeurent calamiteuses comme elles le sont aujourd'hui. Nous sommes d'accord sur la nécessité de les améliorer. Cependant, à mon sens, les améliorations ferroviaires et routières sont complémentaires. Nos avis divergent sur ce point.
Si nous augmentions la cadence et nous doublions la voie de chemin de fer, la mise en deux fois deux voies ou la concession autoroutière de l'itinéraire routier entre Castres et Toulouse ne serait peut-être pas nécessaire.
La liaison routière et la liaison ferroviaire sont deux démarches différentes et complémentaires.
J'ai toujours affirmé que la liaison Castres-Toulouse ou Mazamet devrait être améliorée. Le doublage des voies de chemin de fer est extrêmement coûteux. L'objectif serait que les trains se croisent à un meilleur cadencement qu'aujourd'hui. L'électrification de la ligne ferroviaire devrait aussi être envisagée. Cependant, ces décisions ne sont pas de mon ressort.
Vous ne pouvez pas affirmer que je n'accorde pas d'importance aux préoccupations écologiques. Lorsque 300 éoliennes ont été implantées dans le parc naturel régional du Haut-Languedoc, en pleine montagne, j'aurais aimé qu'une commission d'enquête soit créée et que des élus écologistes mènent à mes côtés le combat que j'ai tenté de mener à l'encontre du président du parc. Mes préoccupations environnementales divergent peut-être des vôtres, mais je n'en reste pas moins soucieux des enjeux environnementaux.
Les enjeux environnementaux du projet d'autoroute A69 ont été pris en compte puisqu'en février ou mars 2023, l'Autorité environnementale a validé le projet. Il n'est pas vrai que le projet n'est plus actuel et ne répond pas aux préoccupations écologiques qui ont été actualisées au cours des années, sous la pression du dérèglement climatique. Votre avis peut diverger de celui de l'Autorité environnementale et vous pouvez estimer que nos actions en matière environnementale sont insuffisantes, mais je peux aussi exprimer mon désaccord lorsque vous affirmez que nous n'avons pas pris en compte les problématiques environnementales. Elles ont peut-être été mal prises en compte, mais elles l'ont été.
Les avis du Conseil national de la protection de la nature (CNPN) et de l'Autorité environnementale sont négatifs.
Je rappelle que le projet a obtenu une autorisation environnementale. Nous ne pouvons pas faire œuvre de désinformation au sein de la commission d'enquête en laissant penser que ce projet, qui est aujourd'hui un chantier, a été mis en œuvre sans autorisation environnementale, alors qu'il a été dûment validé à l'unanimité des sept commissaires. L'autorisation environnementale était accompagnée de recommandations.
Je suis élue de la troisième conscription de Haute-Garonne. Une partie de mes concitoyens travaillent à Castres. L'actuel directeur mondial des médicaments du laboratoire Pierre Fabre vivait auparavant à Londres. Des salariés du laboratoire Pierre Fabre m'ont indiqué qu'ils avaient besoin de l'autoroute pour convaincre des collaborateurs de haut niveau de venir travailler à Castres. Quand vous avez habité dans une ville telle que Londres, il n'est pas aisé de faire déménager toute votre famille à Castres. Ce dirigeant du laboratoire Pierre Fabre est donc célibataire géographique, il effectue de longues journées de travail à Castres et sa famille habite à Mons, au sein de ma circonscription. Je vous concède que nous ne construisons pas une autoroute pour un individu en particulier, mais la situation que j'évoque a valeur d'exemple.
Savez-vous combien de concitoyens habitent Toulouse et travaillent à Castres ? Il faut désenclaver Castres pour que ses habitants rejoignent plus aisément la métropole toulousaine, mais il faut aussi faciliter les déplacements professionnels pendulaires vers Castres, depuis Toulouse.
Disposez-vous de projections sur les nouvelles activités ou entreprises qui pourraient s'installer à Castres grâce à l'autoroute A69 telles que la chaîne d'approvisionnement d'Airbus ?
Je ne dispose malheureusement pas de statistiques précises concernant le nombre d'habitants de la région de Toulouse qui se rendent quotidiennement à Castres pour travailler. Ils doivent être de l'ordre de plusieurs centaines à effectuer un tel déplacement quotidien.
À l'instar des laboratoires Pierre Fabre ou de l'unité d'Air Liquide, un certain nombre d'entreprises comptent parmi leurs salariés des concitoyens préférant habiter dans le centre-ville de Toulouse ou dans la banlieue toulousaine qu'à Castres. Travailler à Castres en habitant à Toulouse reste aujourd'hui encore un choix compliqué étant donné la longueur du trajet. Cependant, comme vous l'avez souligné, nous ne pouvons pas réaliser une autoroute pour quelques dizaines de personnes. Le projet d'autoroute répond à des besoins plus larges.
Des échanges bilatéraux entre la métropole toulousaine et ses satellites s'organisent déjà naturellement. La métropole toulousaine est en lien avec Montauban, Albi, Foix et Auch. Des échanges bilatéraux similaires devraient pouvoir se développer entre Toulouse et Castres. Rien ne justifie, par ailleurs, que le développement économique continue de s'organiser au sein des zones industrielles et des zones d'activité de la métropole toulousaine. Dans un souci écologique, nous avons essayé de développer une activité économique qualitative avec des entreprises non polluantes dans la zone d'aménagement concerté (ZAC) du Causse, entre Castres et Mazamet. Il n'est pas souhaitable que nous continuions à favoriser l'étalement en tache d'huile de l'agglomération toulousaine et l'entremêlement de ses zones d'activité, ses zones commerciales, et de ses zones d'habitat.
Nous délocalisons toutes les productions polluantes à l'étranger. En tant que modeste aménageur du territoire, je juge préférable que nous soyons capables de créer des emplois locaux. La tradition industrielle de l'agglomération de Castres-Mazamet est très largement reconnue, et il est dommage de ne pas pouvoir accueillir des entreprises de taille conséquente sur le territoire en raison des difficultés de recrutement des cadres dues à l'enclavement du territoire. La problématique du désenclavement nous obsède, et elle obsède aussi ceux qui nous regardent.
À la télévision nationale, les performances du Castres Olympique étonnent. Les commentateurs se demandent comment l'équipe de rugby de Castres peut figurer dans le Top 14. Notre ville souffre d'une image qui est malheureusement entretenue par le fait que Castres ne tire pas assez profit de ses ressources. Des villes comme Albi, Montauban ou encore Auch, qui est de taille plus restreinte que Castres, parviennent pourtant à être des interlocuteurs privilégiés de la métropole toulousaine.
Je suis d'accord avec vous. Le tissu économique est important, mais l'égalité d'accès au service public l'est également. Nous avons tous les deux, assisté à la rentrée solennelle du tribunal judiciaire de Castres sans président et sans procureur. Cette rentrée était malheureusement emblématique du manque d'attractivité du territoire en matière de service public.
Les questions d'aménagement du territoire, le sentiment de relégation et les politiques gouvernementales d'abandon des services publics sont au cœur de ce dossier passionnant. À l'Assemblée nationale, nous essayons au maximum de démontrer qu'il faut doter les territoires de ressources supplémentaires pour qu'ils puissent maintenir leurs services publics dans le secteur hospitalier ou encore dans l'enseignement supérieur et la recherche, et qu'ils puissent être attractifs pour que des entreprises s'y installent. Nos efforts sont sans succès à ce stade puisqu'hier, auditionné par la Commission des finances, M. Bruno Le Maire a annoncé la suppression de 10 milliards d'euros dans le budget de l'État.
Monsieur le maire, je vois que vous avez une parole libre et claire. Je souhaite savoir ce que vous auriez décidé, si, en tant qu'élu, il vous avait été proposé d'élargir la route nationale 126 plutôt que de construire une autoroute. Avez-vous pu vous prononcer en faveur ou en défaveur du projet autoroutier ou vous a-t-il été imposé ? Les élus locaux semblent avoir été mis à l'écart de la décision qui a été prise. Est-ce la vérité ?
Vous faites état d'un territoire en souffrance, donc je souhaiterais également savoir si vous vous êtes interrogé sur la question des tarifs de l'autoroute A69. Aujourd'hui, je ne parviens pas à obtenir de réponse sur la question des tarifs. Avez-vous obtenu des réponses à l'époque ou en avez-vous obtenu aujourd'hui ? Si vous avez été impliqué dans la décision en faveur du projet autoroutier, comment avez-vous pu prendre une telle décision sans avoir été éclairé sur cette question ?
Par ailleurs, vous établissez un lien entre la liaison autoroutière et les études sur la pauvreté. Ce lien n'est confirmé par aucune donnée statistique. Je l'affirme, ce n'est pas une question que je vous pose.
Ensuite, vous affirmez qu'un gain de temps de 35 minutes pourra être obtenu sur le trajet Castres-Toulouse grâce à l'autoroute A69. La commission d'enquête permettra d'apporter des éclairages sur sujet, mais je peux déjà confirmer que le chiffre que vous partagez est erroné.
Enfin, comment expliquez-vous que la subvention d'équilibre soit passée d'un montant de 220 millions à 23 millions d'euros ? Pensez-vous que le montant a simplement été mal évalué initialement ou considérez-vous que d'autres facteurs ont contribué à la baisse de ce montant qui reste au demeurant toujours élevé pour les collectivités ?
J'ai déjà répondu à votre première question. Je suis pragmatique, je n'étais pas opposé à la mise en deux fois deux voies de l'itinéraire reliant Castres et Toulouse à titre gratuit d'un point de vue politique et électoral, mais constatant que le projet n'avançait pas dans le cadre des CPER, j'ai admis qu'une autre orientation devait être prise. Le point de bascule du projet d'une mise en deux fois deux voies de l'itinéraire reliant Castres et Toulouse à titre gratuit à une concession autoroutière a eu lieu en 2005-2006.
Je me souviens d'avoir accompagné M. Jacques Limouzy, président de la communauté d'agglomération de Castres-Mazamet, à la préfecture de région pour rencontrer le préfet de région et lui indiquer que nous souhaitions que cette réorientation soit effectuée, car nous constations bien que le projet de mise en deux fois deux voies de la liaison routière dans le cadre des CPER était à l'arrêt. Des discussions entre élus et autorités préfectorales ont eu lieu. Je vous parle de mémoire et sous toutes réserves. Je ne crois pas qu'il existe de comptes rendus de réunion, mais effectivement, je ne peux pas dire que je n'ai pas été associé aux discussions et que les décisions ont été prises contre ma volonté.
Je connais les tarifs annoncés par le concessionnaire lorsqu'il a déposé son dossier de candidature. Je ne dispose pas d'informations supplémentaires. Les montants indiqués étaient comparables aux tarifs pratiqués sur les autres autoroutes concédées, en particulier sur le tronçon Toulouse-Montauban. Je ne sais pas s'ils ont évolué. Dans le cadre de la mise en concession, l'usager doit payer alors que le projet devait initialement être à la charge du contribuable.
Nous pouvons imaginer que la charge soit répartie entre l'usager et le contribuable. Le concessionnaire a évoqué la mise en place d'abonnements pour les usagers. À ce stade, je ne sais pas si les collectivités seront sollicitées dans le cadre de la subvention d'équilibre. Je ne sais pas quelles pistes pourraient être envisagées pour diminuer le recours au portefeuille de l'usager. De telles décisions appartiennent aux concessionnaires. Nous pourrions organiser une table ronde avec l'État, les collectivités territoriales (région, département, communauté d'agglomération, communauté de communes) qui cofinancent le projet avec la subvention d'équilibre afin d'imaginer un système permettant d'abaisser les coûts de péage. La discussion est ouverte.
De telles perspectives impliquent-elles que la subvention d'équilibre à charge des collectivités ne serait plus de 23 millions d'euros, mais qu'elle pourrait augmenter ?
Elle augmenterait peut-être. Nous devrions réunir les acteurs que j'ai évoqués et le concessionnaire. Je ne sais pas quels dispositifs sont envisageables juridiquement, mais étant donné que le montant de la subvention d'équilibre est bien inférieur à celui qui était envisagé initialement, des mécanismes permettront peut-être de moins solliciter les usagers. Le principe de la mise en concession est antinomique avec de tels mécanismes, mais la réflexion est régulièrement évoquée, y compris par des opposants au projet.
Savez-vous pourquoi le montant de la subvention d'équilibre est passé de 220 millions d'euros à 23 millions d'euros ?
Comme je l'ai dit à Mme Karen Erodi tout à l'heure, je ne le sais pas. Ma longue expérience d'élu m'incite à être très prudent avec les prévisions. Des prévisions réalisées vingt ans auparavant peuvent être erronées. Nous le constatons régulièrement. Les prévisions sont parfois réalisées avec des arrière-pensées, pour que certains projets n'aboutissent pas. Lorsque nous examinons le devenir de prévisions a posteriori, nous sommes généralement surpris.
Quel service l'aéroport de Castres rend-t-il au territoire et quelle pourrait être sa complémentarité avec l'autoroute A69 ?
L'aéroport de Castres et l'autoroute A69 ne pourront pas être complémentaires. L'aéroport de Castres opère aujourd'hui une ligne Castres-Paris avec deux vols par jour en semaine dans le cadre d'une obligation de service public (OSP). Les collectivités territoriales et l'État versent une subvention d'équilibre pour financer cette ligne.
Le montant global de cette subvention est de 4 millions d'euros par an, dont 1,3 million d'euros sont financés par la communauté d'agglomération de Castres-Mazamet. Malheureusement, cette situation insupportable risque de durer, voire de s'aggraver puisque l'État juge, sur le principe, de plus en plus difficile d'admettre la subvention de ces lignes, et la région qui finance en partie la ligne aux côtés de l'État, du département du Tarn et de la communauté d'agglomération de Castres-Mazamet, indique également qu'elle ne subventionnera plus la ligne lorsque l'autoroute A69 existera, étant donné que le territoire est déjà desservi par l'aéroport de Toulouse Blagnac. M. Martin Malvy l'affirmait déjà et Mme Carole Delga adopte la même position, que je comprends parfaitement même si je ne l'approuve pas.
D'ici deux ou trois ans, nous allons devoir abandonner le financement de cette subvention d'équilibre ou accepter que son montant soit augmenté. La communauté d'agglomération de Castres-Mazamet ne pourra pas assurer un financement de cette subvention d'équilibre à hauteur de 2,5 millions ou 3 millions d'euros par an.
La commission d'enquête publique a rendu un avis favorable au projet avec une réserve sur le prix du péage. La préfecture n'a pas tenu compte de cette réserve. Qu'en pensez-vous ?
Je n'en pense rien. Je ne décide pas du prix du péage. Je ne sais pas quel est le calcul qui est effectué pour déterminer ce prix. J'observe simplement qu'il est conforme aux prix moyens pratiqués sur des itinéraires équivalents.
La commission d'enquête publique a demandé à l'État et aux collectivités d'augmenter leur participation. Si la réserve qu'elle a émise n'est pas levée, son avis deviendrait défavorable.
Étant donnée la minoration du montant de la subvention d'équilibre par rapport aux prévisions initiales, je suis d'accord pour considérer qu'un effort pourrait être effectué pour diminuer les coûts de péage pour certaines catégories d'usagers de la part des collectivités locales, parmi lesquelles la communauté d'agglomération de Castres-Mazamet. Les modalités d'un tel dispositif restent à déterminer et à négocier, mais je ne serais pas choqué que nous subventionnions le prix du péage pour l'usager.
Une subvention importante sera nécessaire. Dans un contexte d'inflation et de hausse des prix de l'énergie, un Tarnais qui perçoit un salaire de 2 000 euros par mois et qui circulerait sur l'autoroute tous les jours pour aller travailler, ne pourra pas financer 300 à 400 euros de péage par mois. Le volet social du projet ne semble pas avoir été pris en compte.
J'admets qu'il sera compliqué pour certains usagers d'effectuer des dépenses si importantes. Cependant, le concessionnaire a annoncé que des abonnements permettraient aux usagers réguliers de bénéficier de prix préférentiels et j'espère que les collectivités seront d'accord pour trouver des solutions pour diminuer les coûts pour les autres usagers. Il est également nécessaire de permettre au concessionnaire d'amortir les coûts de fonctionnement de l'autoroute A69.
Le projet de mise en deux fois deux voies de l'itinéraire entre Castres et Toulouse à titre gratuit a été transformé par l'État pour devenir un projet d'autoroute concédée et, demain, les collectivités devront aider les citoyens à payer les coûts de péage.
Le système de la subvention d'équilibre a toujours été admis, quelles que soient les modalités de son versement.
L'État s'est désengagé et les collectivités doivent désormais investir des sommes importantes si elles souhaitent que cette autoroute soit accessible à la majorité des Tarnais.
Nous sommes parfois d'accord sur les causes, madame Karen Erodi.
Vos échanges confirment la nécessité d'organiser un tour de table avec tous les cofinanceurs du projet dans l'intérêt des Tarnais. Monsieur le maire, vous avez déjà initié des actions en ce sens avec Mme Carole Delga.
Nous vous remercions pour votre audition très éclairante, en complément des éléments indiqués par M. Arnaud Mandement, votre prédécesseur.
Nous lirons avec plaisir vos réponses écrites au questionnaire communiqué par Mme Christine Arrighi ou toute précision complémentaire que vous jugerez utile de nous transmettre.
La commission auditionne M. Thierry Carcenac, ancien président du conseil départemental du Tarn (1991 – 2017).
Chers collègues, nous poursuivons nos travaux de la matinée consacrés à la genèse de l'autoroute A69. Je souhaite la bienvenue à M. Thierry Carcenac, président du conseil départemental du Tarn de 1991 à 2017, ancien député (1997-2012) et ancien sénateur (2014-2020), que je remercie d'avoir répondu à notre invitation.
Monsieur le président, vous avez, en raison de votre long mandat à la tête du département du Tarn, une solide connaissance du dossier de l'A 69. Vous en avez vécu la genèse comme les derniers développements.
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
(M. Thierry Carcenac prête serment.)
Chers collègues, je remercie M. Thierry Carcenac pour sa présence devant nous ce matin. Votre audition nous sera particulièrement utile pour comprendre le contexte dans lequel les décisions concernant le projet d'autoroute A69 ont été prises.
Notre table ronde du 27 février dernier nous a permis de comprendre le poids prépondérant de l'État dans ce dossier et les raisons invoquées pour justifier le recours à une autoroute concédée, principalement, semble-t-il, à ce stade, pour des raisons budgétaires.
En revanche, je n'ai pas eu la conviction qu'au-delà de la poursuite d'un objectif de désenclavement – dont je mesure évidemment l'importance –, une réflexion sur l'aménagement du Sud du Tarn ait été menée ; or transports et localisation des activités comme des logements sont intimement liés.
Lorsque vous dirigiez le département, une réflexion, voire une étude, a-t-elle été menée sur l'avenir du bassin de population de Castres-Mazamet ? En tant que président du département du Tarn, avez-vous été surpris de la décision de l'État de finalement construire une autoroute concédée ? Votre souhait de réaménager la route nationale 126 était-il lié à l'impossibilité budgétaire de moderniser la voie ferrée et d'aménager des plateformes multimodales ? La décision de l'État vous a-t-elle semblé mûrement réfléchie, sur la base d'études dont vous aviez eu connaissance, ou vous a-t-elle semblé dictée par les seules raisons budgétaires ? Savez-vous si d'autres motivations ont influé sur la décision de l'État ?
J'aimerais également que votre audition détermine si les préoccupations environnementales et de sauvegarde de l'agriculture étaient présentes à cette période. Je pose cette question, pour analyser si la modernisation de cette liaison routière correspondait à une véritable stratégie d'aménagement du territoire conciliant les activités humaines et la préservation des espaces agricoles et naturels. Aucune activité humaine ne peut être menée sans préservation de la souveraineté alimentaire et de la biodiversité. Pour reprendre l'expression du président du conseil départemental de Haute-Garonne, ne faudrait-il pas « réinterroger le projet » ?
Je vous ai envoyé un questionnaire préparatoire à cette audition. Je vous remercie de bien vouloir transmettre à la commission, en complément de ce que vous direz aujourd'hui, tout élément de réponse écrite ou d'analyse que vous jugeriez pertinent.
J'ai été élu président du conseil départemental du Tarn en 1991, mais j'en étais vice-président depuis 1986 et j'ai pu participer aux négociations qui ont conduit au contrat de plan État-région (CPER) dès 1986. À l'époque, le département du Tarn était démographiquement le deuxième département de la région Midi-Pyrénées et le bassin d'emploi de Castres-Mazamet était le deuxième bassin d'emploi de la région.
En 2016, au sein de la nouvelle région Occitanie, le département du Tarn est devenu démographiquement le cinquième département de la région. Avant la création de la grande région Occitanie, les réflexions portaient sur la situation économique et l'emploi dans le département du Tarn. La question s'est posée de relier, en étoile, les chefs-lieux des différents départements de la région à la métropole régionale qu'est Toulouse.
Castres était la deuxième ville du département et la population de la communauté d'agglomération de Castres-Mazamet était largement supérieure à celle des chefs-lieux d'autres départements de Midi-Pyrénées. La question s'est posée de savoir comment rattraper le retard pris en termes d'infrastructures routières. Comme la région Sud-Ouest, la région Midi-Pyrénées était très en retard en la matière. Je me souviens de réunions organisées par M. Marc Censi, ancien président de la région Midi-Pyrénées et M. Maurice Faure, ancien ministre de l'équipement auprès du Conseil européen pour étudier comment nous pouvions rattraper notre retard.
Les différents CPER comportaient un volet routier et, pour le département du Tarn, trois projets étaient envisagés prioritairement : d'abord, la route nationale 88 allant de Toulouse à Lyon en passant par Albi ; puis, la rocade de Castres ; et, enfin, la liaison entre le pôle d'équilibre qu'est Castres-Mazamet et l'agglomération toulousaine. La question de la mise en deux fois deux voies de l'itinéraire s'est posée dès le début des réflexions afin de soutenir ce bassin d'activité qui avait perdu près de 5 000 emplois dans l'industrie textile et les autres secteurs industriels. Les premiers CPER ont donc porté sur des projets d'infrastructures routières. Le dixième contrat de plan concernait la rocade de Castres.
Avec M. Jacques Limouzy, et ensuite avec M. Arnaud Mandement, anciens maires de Castres, nous avons dû découper la rocade en deux parties pour que le projet puisse être mené à bien. Une partie a été réalisée en deux fois deux voies et l'autre partie, allant de Castres à Labruguière, a été réalisée en une fois une voie, bien qu'elle aurait dû être réalisée en deux fois deux voies.
En 2004, lors de l'acte II de la loi de décentralisation, le transfert des routes nationales au département a posé question puisque l'État a abandonné certaines routes nationales. Nous nous sommes demandé comment nous allions relier Mazamet, Castres et l'agglomération toulousaine par la nationale 126.
Ces évolutions ont amené le département du Tarn à se préoccuper de routes départementales de liaison avec Verfeil. La Haute-Garonne a réalisé le contournement de Verfeil sous la forme d'une concession autoroutière, l'A680. Ensuite, une réflexion a été engagée pour réfléchir à l'aménagement en deux fois deux voies de l'itinéraire reliant Castres et Toulouse.
Vous avez évoqué la situation de la multimodalité du ferroviaire. Je rappelle que le département du Tarn n'était pas compétent en matière de routes nationales, les choix revenaient à l'État, et en matière ferroviaire, la SNCF était décisionnaire. Ce n'est qu'en 2004, avec l'acte II de la loi de décentralisation, qu'avec le président Martin Malvy nous avons pu développer une liaison ferroviaire entre Toulouse Matabiau et Saint-Sulpice, qui était une voie unique, la plus chargée d'Europe, avec près de 80 trains par jour. Nous avons doublé cette ligne permettant d'aller vers Albi, Carmaux et Rodez, ainsi que vers avec Gaillac, Tessonnières et Brive, et vers Saint-Sulpice, Castres et Mazamet. La région a porté ces projets ferroviaires de doublement des voies facilitant certains accès. Le département du Tarn a participé aux études sur l'amélioration ferroviaire, mais les lignes ferroviaires n'étaient pas de sa compétence.
Vous m'avez demandé à partir de quand j'ai pris connaissance de ce projet routier reliant Castres et Toulouse. J'ai pris connaissance du dossier en décembre 1988, lorsque le département a approuvé le CPER (1989-1993) qui envisageait le doublement de la rocade, et les déviations de Soual et de Puylaurens en deux fois deux voies. Le département a toujours considéré qu'il fallait désenclaver le Sud du département du Tarn et s'assurer que le bassin de Castres-Mazamet se dote d'infrastructures routières.
Vous avez posé la question aussi de savoir comment s'étaient ensuite positionnés la région et le département dans le cadre des CPER, et quelles étaient les clés de financement des collectivités locales en milieu urbain et en milieu rural. La région a investi 500 à 600 millions de francs dans le dixième CPER. Le montant investi dans le cadre du onzième CPER dépassait 2 milliards de francs, car il incluait la déviation de Puylaurens. La réalisation des déviations était prioritaire. La route nationale 126 passait par les villes de Soual et de Puylaurens et elle devait être déviée au niveau de ces deux villes afin de faciliter le trafic et d'offrir aux usagers l'itinéraire le plus complet et le plus parfait possible.
L'État étant contraint budgétairement, les collectivités locales ont dû accélérer leurs plans d'aménagement. En 2006-2007, M. Dominique Perben a remplacé M. Gilles de Robien à la tête du ministère de l'équipement et des transports. Dès 2006, M. Dominique Perben a évoqué la possibilité d'accélérer le projet et de régler les difficultés liées à son financement en considérant l'option d'une concession autoroutière, mais la position du département est restée la même, c'est-à-dire que nous étions favorables à la mise en deux fois deux voies de l'itinéraire entre Castres et Toulouse quelles que soient les modalités choisies par l'État, que cette route reste gratuite et limitée à 110 km/h ou qu'elle devienne une autoroute concédée limitée à 130 km/h.
Une fois que la concession autoroutière a été évoquée par M. Perben, une audition s'est tenue à la commission des finances en 2006 et M. Philippe Folliot avait demandé à M. Perben de veiller à l'accessibilité de l'agglomération Castres-Mazamet. M. Dominique Perben avait alors répondu qu'en raison des contraintes budgétaires, le projet d'une autoroute concédée permettrait que le projet se réalise plus rapidement et assure une meilleure liaison de l'agglomération de Castres-Mazamet à Toulouse. Il était alors prévu que le projet s'achève en 2014. M. Perben indiquait également qu'un courrier serait adressé par le préfet de région aux collectivités locales pour obtenir leur accord.
Nous avons eu ce courrier en 2007 et le conseil général a délibéré à propos du projet d'autoroute concédée en juillet 2007. En 2007, le projet de concession était évalué à 270 millions d'euros, dont 100 millions d'euros de financement assuré par l'État et les collectivités locales. Le conseil départemental s'est positionné en faveur du maintien d'un projet de liaison routière en deux fois deux voies et il s'est également prononcé sur la valorisation qui pourrait être effectuée des parties existantes qui avaient déjà été réalisées avec le financement des collectivités locales, c'est-à-dire les déviations de Soual et Puylaurens, dont l'utilisation était gratuite. Je pourrais vous faire parvenir la délibération du conseil général de 2007 et la réponse qui avait été transmise au préfet de région en 2007. La décision de mise en concession n'a été prise qu'après le débat public, en juin 2010.
Ensuite, la commission Mobilité 1 a été constituée. Elle était présidée par M. Philippe Duron et avait pour objectif d'évaluer si les nombreux projets de mise en concession qui existaient pourraient être maintenus. Cette commission Mobilité 21 s'est prononcée en faveur de l'amélioration de l'itinéraire reliant Castres et Toulouse sous forme de concession. Cette commission ressortait des compétences étatiques. Les départements de la Haute-Garonne et du Tarn ont étudié la façon la plus parfaite de parvenir à faire reclasser des voiries départementales en routes nationales. La Haute-Garonne a participé au financement intégral de l'amélioration du contournement de Verfeil en prolongeant la bretelle à une fois une voie de l'autoroute A680 qui relie Verfeil à la route nationale 88. La route nationale 126 ne reliait pas Maurens-Scopont à Verfeil. Il était donc nécessaire de reclasser des routes départementales en routes nationales pour créer une liaison de Mazamet, Castres, Soual, Puylaurens et Verfeil à l'autoroute A68.
Vous m'avez demandé si le département avait été associé aux choix de l'État : l'État choisit seul et demande ensuite aux collectivités si elles sont d'accord avec sa décision. Nous souhaitions parvenir à désenclaver le bassin de Castres-Mazamet. Le Tarn abritait à l'époque trois chambres de commerce et d'industrie (CCI) ; aujourd'hui, il n'en compte plus qu'une. Tous les intervenants économiques du territoire souhaitaient voir advenir un désenclavement vers la métropole régionale, et les collectivités territoriales ont toutes adopté la même position à cet égard : elles étaient favorables à un désenclavement par le biais d'une mise en deux fois deux voies de la liaison routière vers Toulouse.
Vous évoquiez les délais de réalisation du projet routier. Depuis 1988, les délais annoncés ont été nombreux et ils ont été longs avant d'arriver à la situation telle que nous la connaissons aujourd'hui. La route nationale 88 a connu le même sort. M. Édouard Balladur, alors Premier ministre, avait pris l'engagement de réaliser la route 88 immédiatement. De nombreux projets d'infrastructures routières ont été ralentis par des difficultés de financements. Le retard accumulé en matière d'infrastructures routières est important. Nous pouvons aujourd'hui nous demander si nous n'aurions pas pu procéder d'une meilleure façon, mais je vous rappelle que la Bretagne est parvenue à achever son désenclavement dans les années 1970 et que le Sud-Ouest de la France a été complètement oublié pour des raisons qui sont peut-être politiques.
Concernant les aspects environnementaux et agricoles, je tiens à rappeler que le département du Tarn a toujours pris position en la matière. Le Tarn abrite une zone de montagne, le Massif central, mais aussi la plaine lauragaise avec des cultures de céréales et de la viticulture. La chambre d'agriculture a été associée aux différentes discussions sur le développement agricole du département. Je pourrai vous transmettre une des délibérations du conseil général montrant que nous avons évoqué l'enjeu environnemental.
Vous m'avez également demandé si l'État avait présenté des alternatives à la mise en concession. Il n'a pas présenté d'autres hypothèses puisqu'il avait des difficultés financières. Il a retenu l'option qui lui paraissait la plus simple. Les gouvernements successifs partageaient tous la même position sur le sujet. Une des dernières déclarations d'utilité publique (DUP) portant sur le projet autoroutier de l'A69 a été prononcée le 20 juillet 2018 par M. Édouard Philippe, Mme Élisabeth Borne, qui était, à l'époque, ministre des transports, et M. Nicolas Hulot, qui était ministre de l'environnement. Ils ont considéré que le projet que nous portions était une priorité nationale. Les délais et les choix ont évolué au fur et à mesure que le temps avançait.
Enfin, vous avez posé une dernière question concernant le surnom « autoroute Pierre Fabre » affublé à l'autoroute A69. Je me souviens que tous les acteurs économiques, quels qu'ils soient, étaient favorables à un projet de désenclavement. Je rappelle que le président de la République, M. François Hollande, s'est rendu dans le département du Tarn, aux laboratoires Pierre Fabre et qu'il a rencontré M. Pierre Fabre juste avant son décès. Il n'a pas évoqué le sujet du désenclavement autoroutier lors de sa visite et il a affirmé qu'il était préférable de laisser la commission qui allait se prononcer rendre son avis. En revanche, il a évoqué la formation professionnelle et le choix de Pierre Fabre de doubler l'unité de production de Soual. Cette décision constituait une réorientation économique conséquente pour le département puisque les laboratoires Pierre Fabre représentent plus de 2 700 emplois au sein du département et y sont le premier employeur privé. Nous sommes chanceux que M. Pierre Fabre ait entrepris son activité dans le Tarn. Nous ne pouvons pas affirmer que l'autoroute A69 est une « autoroute Pierre Fabre », car tous les acteurs économiques que nous avons rencontrés sont favorables au désenclavement routier.
Lorsque je me suis connecté à la visioconférence pour mon audition, j'ai entendu une question que vous posiez à M. Pascal Bugis à propos des tarifs de péage de l'autoroute A69. Je comprends que le tarif routier fasse partie de vos préoccupations, mais ce ne sont pas les collectivités locales qui prennent des décisions en la matière, mais l'État. Au conseil départemental, nous avons évoqué à plusieurs reprises le fait que l'État mette à disposition les terrains qu'il avait déjà acquis. La demande du département était motivée par des considérations relatives au tarif. Avant l'acte II de la loi de décentralisation de 2004, lorsqu'une autoroute concédée était construite, l'État maintenait parallèlement des routes nationales gratuites ouvertes. Depuis 2004, il n'en est plus ainsi, il revient aux collectivités locales d'assurer le maintien des liaisons annexes accessibles aux concitoyens qui n'ont pas les moyens de circuler sur une autoroute. Les collectivités territoriales n'ont pas été associées aux réflexions sur les tarifs de péage. La clé de répartition est fixée par l'État. Le département souhaitait désenclaver le bassin, nous aurions préféré que la route soit accessible gratuitement, mais l'État ne disposait pas des moyens suffisants et a fait le choix d'une concession. Désormais, il est nécessaire de mener le projet de concession à bien ; sinon l'ensemble du projet serait un gâchis phénoménal.
Je vous remercie monsieur Carcenac. Il est compliqué de respecter les équilibres en tant que président d'un département avec un Sud et un Nord qui suivent deux dynamiques différentes. Je retiens de vos propos que même si le choix de la mise en concession ne revenait pas au département en tant que tel, le département du Tarn, poursuivant son objectif de désenclaver le Sud de son territoire, a toujours soutenu le projet routier et a toujours manifesté la nécessité de participer à la subvention d'équilibre.
Le caractère démocratique du projet fait parfois débat. Il est intéressant d'entendre que l'ensemble des cofinanceurs du projet que sont le conseil régional, le conseil départemental, les communes et les communautés d'agglomération ont toujours souhaité mener ce projet routier à bien en fonction des options qui étaient décidées par l'État, compte tenu des problématiques financières, et de la nécessité que le projet aboutisse rapidement pour garantir le désenclavement du Sud du Tarn.
Le but des premières auditions de la commission d'enquête était de rappeler le contexte de la genèse du projet et de comprendre les différents arbitrages qui ont été effectués et la responsabilité de chacune des parties dans ces arbitrages. L'État a pris la décision de recourir à un contrat de concession et les acteurs locaux ont pu s'interroger. Vous avez été interpellé par la question que j'avais posée à M. Pascal Bugis sur les tarifs. À ce stade, les élus locaux ne connaissent pas la somme que les usagers devront payer pour emprunter l'autoroute A69. La commission d'enquête éclairera ce point au cours d'une deuxième partie de ses débats qui porteront sur le volet social. Cependant, comme je n'aurai pas le plaisir de vous auditionner à nouveau, je me permets de vous poser des questions à ce sujet avant que la commission d'enquête ne commence son travail sur le volet social du projet.
Ma première question portait sur les tarifs de péage. Vous n'êtes pas en mesure d'y répondre. Ma deuxième question concerne la subvention d'équilibre. Savez-vous pourquoi son montant est passé de 220 millions d'euros à 23 millions d'euros ? Enfin, vous avez parlé des déviations de Soual et Puylaurens et de l'apport en nature de ces déviations dans le contrat de concession et dans le projet autoroutier. Pensez-vous que la construction de ces déviations par l'opérateur NGE a pu influer sur le choix final du concessionnaire ? Est-ce que vous avez eu connaissance, en tant qu'élu, des différents participants à l'appel d'offres ?
Le département n'a pas été associé à l'appel d'offres qui a conduit à retenir le groupe NGE.
S'agissant de la subvention d'équilibre, je vous rappelle que nous évoquons un projet dont la genèse date. En 2007, le coût des travaux était estimé à 270 millions d'euros. En 2012, il était estimé à 403 millions d'euros. L'inflation et d'autres facteurs ont pu influer sur l'évolution du coût des travaux. Chaque fois que les collectivités locales ont eu à délibérer à propos de ce projet, des évolutions de coûts nous ont été indiquées et il nous a été précisé que celles-ci pourraient avoir des répercussions sur la participation financière des collectivités locales. De plus, le financement devait être assuré pour moitié par l'État et pour l'autre moitié par les collectivités locales qui elles-mêmes se répartissaient le financement entre elles. En 2007, les collectivités locales devaient financer 100 millions d'euros du coût des travaux ; et en 2012, elles devaient financer 180 millions d'euros. Les coûts semblent avoir encore évolué depuis, d'après ce que m'a indiqué mon successeur.
Ensuite, nous avons toujours souhaité que les portions déjà réalisées des déviations de Soual et de Puylaurens soient intégrées au projet comme un apport de la part des collectivités locales et de l'État. Certaines routes nationales, telles que la route nationale 12 reliant Paris et Alençon, ont été financées par des montages financiers différents de ce qui était envisagé pour l'élargissement de la route nationale 126. J'avais suggéré que nous adoptions un montage financier similaire à celui qui avait été retenu pour la route nationale 12, mais la poursuite des débats a conduit à ce que l'option d'une concession traditionnelle soit retenue.
Vous n'avez donc pas de réponse complémentaire à apporter sur la réalisation des déviations par NGE et son lien avec le choix ultérieur effectué par le concessionnaire.
Je n'en ai pas, car le département n'a pas participé à l'appel d'offres et je ne sais pas si d'autres collectivités ont été sollicitées. L'État a choisi NGE.
Vous avez indiqué que le coût des travaux routiers avait augmenté depuis 2007, sous l'effet de l'inflation notamment, mais ma question portait sur la baisse singulière de la participation des collectivités de 220 millions d'euros à 23 millions d'euros. Comment expliquez-vous cette baisse ?
Je ne dispose pas d'éléments supplémentaires. Je sais simplement que mon successeur a reçu les courriers. Je n'étais plus président du conseil général. Vous pourrez peut-être poser la question à mon successeur, M. Christophe Ramond.
Dans un souci de compliance, avez-vous été gêné d'apprendre que le groupe NGE, choisi par l'État pour assurer la concession autoroutière, avait déjà réalisé les deux déviations gratuites ? NGE récupérera les déviations déjà construites pour en rendre la circulation payante. Un tel procédé revient à donner 75 millions d'euros d'argent publics à NGE.
Je n'aurais pas présenté la situation ainsi. L'État a effectué un choix de concession. Je n'aurais pas été mis au courant, quelle que soit l'entreprise qu'il avait retenue.
La question du devenir des déviations déjà réalisées avait été posée au département par le préfet de région à la suite du choix de M. Dominique Perben. Nous avions chaque fois évoqué la possibilité de considérer que ce qui avait été gratuit pouvait être considéré comme une mise à disposition et un apport. Je ne sais pas si cette décision a contribué à abaisser les coûts, car je n'ai pas participé aux débats sur ce sujet.
Ces déviations avaient été déclarées d'utilité publique et sont aujourd'hui confisquées au profit du concessionnaire qui compte les rendre payantes. Ce procédé pose problème.
Vous interrogerez le ministre de l'Équipement. Les collectivités locales n'ont pas à répondre à ces questions. Je n'ai pas participé aux discussions, je ne peux que formuler des supputations.
Ces portions de route étaient d'utilité publique et, demain, elles vont être source de difficulté pour les habitants locaux qui ne pourront pas emprunter l'autoroute A69 en raison des tarifs de péage. Une inégalité existe entre les territoires : l'autoroute A68 allant de Toulouse à Albi est gratuite sur la partie tarnaise. Pourquoi les habitants du Sud du Tarn sont-ils défavorisés et sanctionnés alors que les habitants du Nord du Tarn bénéficient d'une autoroute gratuite ? Nous avons indiqué que le Sud du Tarn était défavorisé, mais une autoroute payante pénalisera davantage ses habitants.
Avant que la route nationale 88 ne devienne l'autoroute A68 reliant Toulouse et Lyon, conformément à la décision de M. Édouard Balladur, M. Georges Spénale, ancien maire de Saint-Sulpice, ancien sénateur et ancien président du Parlement européen, avait travaillé sur la mise en deux fois deux voies de la route nationale 88 afin de désenclaver Carmaux et de remédier aux pertes d'emploi dans cette ville. M. Maurice Faure, alors ministre de l'équipement, avait proposé à mon prédécesseur, M. Jacques Durand de réaliser une autoroute A68 sous forme de concession. Les échangeurs avaient fait l'objet d'études menées par M. Charles Pistre et M. Georges Spénale. Il avait été décidé que le département ne solliciterait pas auprès de l'État le passage de la route nationale 88 à une autoroute concédée. S'agissant de l'élargissement de la route nationale 126, le conseil départemental a toujours maintenu sa position en faveur d'une mise en deux fois deux voies de l'itinéraire quelles que soient les modalités de gestion de cette route. L'État a décidé de la mise en concession, que je regrette parfois, mais sans en être gêné outre mesure.
La décision de mise en concession est intervenue après plusieurs déclarations d'utilité publique (DUP). Nous espérons pour les habitants du Sud du Tarn que les tarifs de péage de l'autoroute A69 seront les moins élevés possible. Je vous rappelle qu'à la suite de l'acte II de la loi de décentralisation, l'existence d'une concession autoroutière interdit le maintien en parallèle d'une route nationale gratuite.
Comment envisagez-vous l'obtention des tarifs les plus avantageux possible pour les usagers ?
Plusieurs hypothèses sont envisageables. Autour de Toulouse, nous avons l'exemple de plusieurs suppressions de péages. Étant donné que vous êtes élue de Haute-Garonne, je vous laisse étudier comment ces suppressions ont été effectuées et qui les a financées.
Je connais bien le dossier, mais il ne s'agit pas des mêmes problématiques que pour l'autoroute A69.
Lorsqu'une voie autoroutière est construite, un péage est généralement installé à l'entrée et à la sortie. Il est aussi possible de choisir de ne maintenir qu'un seul péage. Différents choix peuvent être effectués.
Monsieur le président Jean Terlier, vous avez évoqué le Nord et le Sud du Tarn et l'importance de maintenir l'activité du Sud du Tarn. Au niveau départemental, nous avons soutenu différents projets en matière de formation universitaire. Lorsque M. Lionel Jospin était ministre de l'éducation, son projet d'université prévoyait l'ouverture d'un institut universitaire de technologie (IUT) à Albi. J'ai demandé à M. Lionel Jospin de faire en sorte que des IUT soient ouverts à Castres. En 1992, trois départements d'IUT y ont été ouverts.
Réindustrialiser un territoire, l'ouvrir sur l'extérieur relève d'actions en matière d'activité économique, mais aussi de l'enseignement supérieur. Il était important que des formations soient créées à Castres, dans l'ancienne région Midi-Pyrénées, au sein de cette agglomération de 100 000 habitants qui méritait de disposer d'une offre universitaire.
L'audition s'achève à treize heures quinze.
La séance s'achève à
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Christine Arrighi, M. Joël Aviragnet, M. Frédéric Cabrolier, Mme Karen Erodi, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Jean-François Rousset, M. Jean Terlier, Mme Corinne Vignon