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Intervention de Pascal Bugis

Réunion du jeudi 7 mars 2024 à 10h00
Commission d'enquête sur le montage juridique et financier du projet d'autoroute a

Pascal Bugis, maire de Castres :

Je vous remercie de me permettre de m'exprimer devant votre commission. Une partie des réponses vous a été donnée par mon prédécesseur, M. Arnaud Mandement. J'ai pu être en désaccord avec lui sur certains sujets, mais nous partageons des points d'accord concernant ce qu'il convient de réaliser pour remédier à l'enclavement du bassin de vie de Castres-Mazamet qui est une sous-préfecture bien plus importante que d'autres sous-préfectures de Midi-Pyrénées, et qui était à l'époque le deuxième bassin d'activité économique après Toulouse.

M. Arnaud Mandement vous a expliqué que la solution envisagée en termes de désenclavement routier est toujours restée la même, à savoir la mise en deux fois deux voies de l'itinéraire reliant Castres et Toulouse. Il a également rappelé que cette mise en deux fois deux voies excluait l'aménagement sur place de près de 40 % du tracé de la route. Un aménagement sur place aurait conduit à des désastres tels que la traversée de Saïx qui était inenvisageable, car elle revenait à une mort programmée du village.

Le parti-pris d'un aménagement de l'itinéraire en deux fois deux voies répondait à la volonté de sécuriser les parcours et les temps de parcours afin que les 75 kilomètres séparant Toulouse et Castres puissent être franchis dans un délai raisonnable. Une route en deux fois deux voies était le seul type d'aménagement routier répondant à cette volonté. Quelles que soient les conditions météorologiques et la densité du trafic, la route en deux fois deux voies aurait permis de rejoindre la ville de Toulouse depuis Castres en une heure de temps environ. L'ensemble des acteurs du territoire et l'État ont validé très tôt, dès les années 1990, le projet de mise en deux fois deux voies de l'itinéraire entre Castres et Toulouse.

Ensuite, tous les acteurs se sont attachés à réaliser ce projet dans le cadre des Contrats de plan État-région (CPER). Le deuxième CPER de 1989, ainsi que le troisième et le quatrième CPER s'achevant en 2006 ont permis de mener à bien les déviations de Soual et de Puylaurens, qui étaient les amorces de la mise en deux fois de voies de l'itinéraire reliant Castres et Toulouse. Donc, de 1989 à 2008, 10 kilomètres d'aménagement de doublement prévus par l'État ont été réalisés. Vingt ans ont donc été nécessaires pour aménager 10 kilomètres de la phase d'étude à la phase de réalisation du projet. Suivant ce rythme, quatre-vingt-dix ans auraient été nécessaires pour réaliser l'aménagement des 45 kilomètres restants. De plus, pendant le dernier CPER courant de 2000 à 2006, les crédits d'État ont été gelés en 2002, 2003, et 2004. Les acteurs locaux ont compris que la réalisation du projet de mise en deux fois deux voies de l'itinéraire Castres-Toulouse prendrait du temps, et qu'il allait être compliqué de mobiliser les crédits d'État sur la durée puisque l'État ne souhaitait plus investir dans les infrastructures routières.

Face au constat de l'inefficacité d'une réalisation des aménagements sur fonds d'État dans le cadre des CPER, des contacts ont été pris avec les décideurs pour étudier l'option de la mise en concession. La mise en concession du projet routier permettait de s'affranchir des financements de l'État, sauf pour la subvention d'équilibre, et de réaliser le projet plus rapidement que la durée de quatre-vingt-dix ans qui se profilait. De ce point de vue, le résultat espéré a été atteint même si la réalisation du projet a tout de même nécessité un temps très conséquent.

Vous avez auditionné M. Dominique Perben, ministre des transports de 2005 à 2007. Il a entendu la voix d'un certain nombre d'acteurs du territoire de l'époque, dont je faisais partie, qui considérait qu'il fallait trouver un moyen plus rapide de parvenir à nos objectifs de désenclavement du territoire. Aucun conciliabule, aucune conversation secrète, n'a eu lieu. Un consensus naturel a été trouvé entre tous les acteurs du territoire, qu'ils soient politiques, économiques ou associatifs, qui étaient tous convaincus de la nécessité que le projet routier soit réalisé au mieux, le plus rapidement possible. Le système de la concession a donc finalement été retenu. Les motivations qui ont guidé la décision de mise en concession étaient ainsi purement pratiques.

Dans la conclusion du rapport de la commission d'enquête sur la DUP, nous pouvons lire :

« Depuis le début des années 1990, sous la pression des acteurs économiques du Sud-Ouest tarnais, l'État étudie la desserte du bassin de Castres-Mazamet par la création ou l'aménagement d'une liaison routière en deux fois deux voies. Des études et réalisations partielles se sont succédé pendant près d'un quart de siècle, au cours desquelles les populations locales ont été conviées à s'exprimer à plusieurs reprises sur des projets dont certains ont été abandonnés. La commission aurait parfaitement pu comprendre que la lassitude et le fatalisme aient pu atteindre certains, quand l'État a décidé de réorienter le projet qui était à l'arrêt, faute de financement, vers une mise en concession en novembre 2006. Elle constate cependant que la mobilisation de la population, des élus locaux et des partenaires socio-économiques est restée vive au cours des dix années qui ont suivi. »

Cet extrait rappelle l'état d'esprit ayant présidé au choix de la mise en concession. Il est aujourd'hui indécent d'affirmer que ce projet a pris trop de temps et qu'il est obsolète. Le déroulement de ce projet a pris du temps et a donc été soumis à des développements procéduraux récents, en matière environnementale, notamment. L'enquête environnementale du projet date du début de l'année 2023.

Je ne comprends pas que le travail de la commission d'enquête sur la DUP puisse être disqualifié au motif qu'elle n'aurait pas pris en compte toutes les données nécessaires connues au jour de la rédaction de ce rapport. Je ne comprends également pas pourquoi le projet est jugé obsolète. Il a été actualisé même si sa conception n'est pas récente. Les porteurs du projet ne sont pas responsables du retard de sa mise en œuvre. Vous vous posiez la question de savoir ce qui s'était passé entre la fin du débat public organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP) et 2014, quand les études et le projet ont été relancés. Il est indécent de qualifier le projet d'obsolète quand de nombreux opposants s'acharnent, à tous les étages de la vie administrative et politique, à essayer de le retarder par tous les moyens possibles.

Entre 2010 et 2012, c'est-à-dire entre la décision ministérielle qui a validé le travail réalisé par la CNDP décidant d'un itinéraire autoroutier entre Castres et Verfeil et les élections présidentielles de 2012, je ne sais pas ce qui s'est produit. En revanche, je sais que lorsque M. François Hollande a été élu président de la République, la commission Mobilité 21 a été ouverte et que, pendant deux ans, la pertinence des projets a été réexaminée pour prioriser une énième fois les projets d'infrastructures à réaliser sur le sol français. Nous pouvons estimer que ces deux années, de 2012 à 2014, étaient perdues, après déjà deux ans d'incompréhension entre 2010 et 2012. Nous avons ainsi attendu pendant quatre ans que des décisions qui avaient été prises se traduisent en actes administratifs et en opérations.

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