La séance est ouverte à seize heures trente-cinq.
Cette première réunion de notre commission d'enquête ouvre la série des auditions consacrées à la genèse de l'autoroute A69. Je souhaite la bienvenue aux participants à cette audition et les remercie d'avoir répondu à notre invitation.
Pour comprendre un problème politique, il faut en saisir les racines : en l'espèce, celles-ci remontent aux années 1990. Messieurs, vous avez, au cours de l'exercice de vos mandats ou de votre vie professionnelle, travaillé à des moments clés de l'histoire de l'A69, entre Castres et Toulouse. Comment avez-vous appréhendé le dossier ? Pourquoi était-il indispensable, selon vous, de désenclaver ce territoire du sud du Tarn, et par quels moyens ? Quel processus administratif et politique a permis d'aboutir à ce chantier ?
J'indique que cette audition est publique et retransmise sur le portail de l'Assemblée nationale, et qu'en application de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, les personnes auditionnées par une commission d'enquête doivent prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(MM. Marc Censi, Martin Malvy, Dominique Perben, François Philizot et Marc Papinutti prêtent successivement serment.)
Je remercie nos invités de nous éclairer sur les motivations qui ont poussé le projet d'élargissement de la route nationale entre Toulouse et Castres, et de nous expliquer comment l'on est passé d'un projet d'élargissement à celui d'une autoroute ainsi que les raisons de la lenteur du processus – treize ans se sont écoulés entre l'idée de l'élargissement et la décision de recourir à une autoroute concédée.
Chacun ici en voit bien la nuance. L'élargissement d'une route s'effectue sur les crédits de l'État – généralement dans le cadre d'un contrat de plan État-région (CPER). Selon le principe de solidarité, la route, payée par les impôts du contribuable, est en contrepartie gratuite. Il convient, bien entendu, que l'État respecte chaque année ses engagements dans le projet de loi de finances. Cette gratuité se serait appliquée à la route nationale 126 élargie, avec le contournement de Soual et Puylaurens. Il en va cependant différemment d'une autoroute concédée : l'État se dégage en grande partie de la charge financière du projet et ce sont les usagers qui, en acquittant leur péage, assument le coût de l'infrastructure.
Notre audition intervient alors que le Parlement s'est interrogé à plusieurs reprises sur l'économie des concessions d'autoroutes, avec en particulier un récent rapport du Sénat et l'examen, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, du dispositif gouvernemental de taxation des grandes infrastructures de transports afin de financer principalement le transport collectif – une proposition que nous approuvons. Nul n'ignore en outre que le chantier de l'A69 suscite de vives inquiétudes et protestations d'ordre environnemental et social. Depuis les années 1990, les temps ont changé : il me semble difficile d'analyser ce projet sans tenir compte de toutes ses implications, plus complexes, j'en conviens, qu'à l'époque où il a été envisagé.
Votre audition nous sera donc très utile pour comprendre la genèse de l'A69. Je vous ai envoyé un questionnaire préparatoire à cette audition. Je vous remercie de bien vouloir transmettre à la commission, en complément de ce que vous direz aujourd'hui, tout élément de réponse écrite ou d'analyse que vous jugeriez par ailleurs pertinent.
Je ne conserve que des souvenirs lointains de cette période et je n'ai pas en mémoire les actes administratifs ou délibérations pris par la région. Les premières sollicitations ont émané de Pierre Fabre, président des laboratoires Fabre, situés à Castres, et de Jacques Limouzy, alors maire de Castres, qui avait insisté à plusieurs reprises auprès de moi sur la nécessité de désenclaver le sud du Tarn, initialement par la mise à deux fois deux voies de la route nationale. Très vite, cependant, on a parlé d'une autoroute entre Castres et Toulouse. Voilà à peu près la totalité de mes souvenirs de l'époque – si je voulais être plus précis, je risquerais de dire des choses ne correspondant pas à la réalité.
J'ai pris connaissance du rapport de Mme Huguette Tiegna au nom de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire sur la pétition contre l'autoroute A69. Il résume assez bien ce que je pourrais vous dire : le vice-président de la région en charge des mobilités, qui a été entendu par cette commission, a fait état à plusieurs reprises, au nom de la présidente, de son accord avec le projet pour rééquilibrer le territoire régional. Je ne crois pas que l'on puisse aborder le sujet de la liaison Toulouse-Castres sans appréhender le dossier de l'A69 dans son intégralité, en considérant la géographie de la région Midi-Pyrénées et ses retards en matière de communication par transports routiers ou ferroviaires.
Par ailleurs, il convient de faire remonter l'historique bien plus loin que les années 1990 ou 1994 : le sujet était déjà sur la table à l'époque de Jacques Limouzy, qui a été maire de Castres de 1971 à 1977, puis de 1989 à 1995, et aussi membre de gouvernements sous les présidences de Georges Pompidou et Valéry Giscard d'Estaing. Lorsque j'ai succédé à Marc Censi, en 1998, mon projet visait à relier la métropole aux sept chefs-lieux de département et au bassin d'emploi de Castres-Mazamet par des relations routières et ferroviaires sécurisées.
J'avais été profondément marqué par mon expérience en tant que maire de Figeac. Une première fois en août 1985, lorsque le préfet m'a averti que deux trains de voyageurs venaient de se heurter de plein front sur la voie unique de Flaujac, à 20 kilomètres de Figeac. C'est le chef de gare d'Assier lui-même qui, ayant oublié que les horaires avaient été modifiés, avait laissé partir le train, a prévenu qu'une catastrophe allait se produire – elle a fait trente-cinq morts et quatre-vingt-onze blessés. Présent sur place avant l'arrivée des ambulances, j'ai constaté l'absence de tout moyen de communication entre un train et la gare. Une fois dans le train, le conducteur est totalement isolé ; il n'existe aucune mesure de sécurité. Un deuxième incident s'est produit à la même époque, cette fois, avec un poids lourd qui s'est encastré dans la maison de la presse après une rupture de freins : un homme a été gravement blessé et a dû être amputé. Améliorer les liaisons routières, c'est donc ce que nous voulions faire, dans le cadre des CPER et des programmes de modernisation des itinéraires routiers (PDMI), couvrant les périodes 2000-2006, 2007-2015 et 2015-2022.
J'ai quitté la présidence de la région à la fin de 2015, mais lorsque je la présidais, nous avons ouvert 500 millions d'euros de crédits en autorisations de programme pour les routes nationales et le réseau transféré, dans le cadre des CPER. Au final, la région a engagé 1,22 milliard d'euros, grâce au plan Rail signé avec l'État – le plus important de France, comprenant le renouvellement du matériel roulant –, soit trois fois plus pour le rail que pour la route, pour améliorer et sécuriser les liaisons de proximité. Il faut dire qu'en 1999, le bureau d'études suisse que nous avions sélectionné a rendu un rapport extrêmement précis, intitulé « un réseau en fin de vie ». Nous avons inauguré le chantier du plan Rail dans la petite commune de Bagnac-sur-Célé, pour permettre à une carrière locale de fournir le ballast et éviter un transport en camion depuis le sud de l'Europe. Le président de Réseau ferré de France (RFF) a été estomaqué que la fixation des rails ne comporte plus que deux boulons sur quatre – il n'avait jamais vu cela.
S'agissant du réseau routier, nous avons conduit entre 2000 et 2015, dans le cadre des CPER, des opérations en concession sur les liaisons Toulouse-Tarbes, Toulouse-Pamiers et Toulouse-Montauban et hors concession sur les périphériques toulousains : la déviation de Léguevin ; la déviation de l'Isle-Jourdain sur la RN124 vers Auch ; les déviations entre Saint-Jean et la Motte, et celle de Baraqueville, sur la RN88 en direction de Rodez, après Albi ; l'achèvement de la liaison Toulouse-Albi ; la rocade d'Albi ; la mise aux normes du tunnel de Foix ; la mise à deux fois deux voies de la liaison Tarascon-Pamiers ; les déviations d'Ax-les-Thermes, de Cambes et d'Adé dans les Hautes-Pyrénées.
Pour ce qui est de Castres, après la mise en service de l'A68 en 1993 et la bretelle de Verfeil en 1996, restait à traiter Verfeil, Puylaurens, Soual et la liaison Soual-Castres. Sur le plan accidentogène, la liaison Toulouse-Castres était dans la moyenne haute. Nous avons donc plaidé pour que le bassin d'emploi de Castres-Mazamet – le second de la région Midi-Pyrénées – soit considéré comme l'équivalent d'un chef-lieu de département. Or l'itinéraire a été classé comme grande liaison d'aménagement du territoire par le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (Ciadt) du 19 décembre 2003.
En 2006, à l'occasion d'un autre Ciadt, le Gouvernement a décidé que les volets routiers du CPER seraient désormais planifiés selon une logique d'itinéraire au titre des PDMI. Pour la première fois, l'État émet l'hypothèse d'une réalisation accélérée, dans le cadre d'une concession autoroutière, pour la liaison Toulouse-Castres-Mazamet. Un débat public a lieu en février 2009. La contribution de la région est claire et sans ambiguïté : nous réitérons notre demande d'inscription de l'aménagement en deux fois deux voies de la RN126, comme cela est le cas des routes entre Albi et Rodez ou Toulouse et Auch. Mais une décision ministérielle du 25 juin 2010 clôt le débat : le choix gouvernemental se porte sur la concession, que la région finira par valider, en 2014. Je tiens à votre disposition les cahiers d'acteurs sur nos réserves, en 2007 et en 2010. La région a estimé que, s'agissant d'une route nationale, il appartenait au Gouvernement d'assurer cette mission, à laquelle elle était prête à s'associer. Elle a néanmoins souligné que la procédure de mise en concession constituait un facteur d'inégalité des territoires et risquait de conférer un caractère aléatoire et lointain au projet, alors même que rien ne démontrait qu'une réalisation au titre des PDMI prendrait plus de temps.
Elle a également renouvelé son appel pour que, sans attendre, l'aménagement de la RN126 soit intégré dans la liste des priorités établies par l'État au titre des PDMI. J'avais défendu la même position dans les années 1980, en faveur de l'aménagement en deux fois deux voies de la RN20, entre le sud de la Corrèze et Montauban, comme cela était le cas au nord de Brive-la-Gaillarde. Or, à l'époque, la région avait été consultée pour décision et j'avais été battu d'une voix.
Nous n'avons pas été consultés sur le dossier de l'A69, si ce n'est dans le cadre de la consultation globale en 2007. Si nous n'avons pas pris part au contrat de financement, nous avons été associés aux clauses de versement de la subvention de la région, tout comme les autres collectivités. Si mes souvenirs sont bons, les services de la région ont participé à une réunion d'information sur les offres anonymisées, sans avis à donner sur le choix du délégataire. Nous n'avons eu connaissance d'aucun autre document à caractère financier ou juridique. En bref, nous n'avons pas eu le choix, même si l'objectif était partagé par tous.
Par contre, il faut relativiser les problèmes actuels : quelle que soit l'option retenue, elle aurait généré de grosses difficultés en matière environnementale. Tout le monde l'a dit, il n'y avait aucune alternative et on arrivait à la fin d'une longue démarche. L'État ne prendrait sans doute pas cette décision aujourd'hui, mais elle l'a été il y a plus de vingt ans. D'après ce que je sais, 200 millions d'euros de travaux ont été réalisés ; les procédures et certains ouvrages d'art sont achevés. Je continue de penser que ce n'était pas le meilleur choix, et, même si cela n'enlève rien aux préoccupations environnementales, l'A69 ne représente que 0,6 % du réseau national. L'ex-région Midi-Pyrénées, dont le territoire équivaut à une fois et demie la Belgique, ne compte que 440 kilomètres d'autoroute concédée, soit 5 % du réseau national ; une fois l'opération achevée, cette part sera portée à 5,6 %. Sans vouloir minimiser les problèmes soulevés par les uns ou par les autres, je comprends mal l'agressivité et les débordements suscités par une décision prise il y a vingt ans, dont l'impact sur le réseau est relativement faible. Je suis un fervent défenseur de la non-imperméabilisation des sols, et il y a tant d'autres combats à mener.
J'ai exercé des responsabilités ministérielles entre 2005 et 2007 et suis donc intervenu sur une petite partie de ce très long dossier. Comme l'a souligné le président Malvy, à l'époque, nous étions tous, chacun dans nos responsabilités, très préoccupés par l'équilibre du territoire : l'objectif était d'obtenir un développement équilibré, non pas centré exclusivement sur la grande métropole toulousaine, mais en la mettant en relation avec les villes moyennes de la région.
La question du sud du Tarn s'inscrit dans cette perspective générale. Ce territoire disposait de gros potentiels économiques et industriels, mais avait besoin d'être conforté, en termes d'aménagement du territoire, par l'amélioration de ses liaisons routières avec la grande agglomération toulousaine. On peut en sourire aujourd'hui compte tenu du temps que cela a mis, mais, à l'époque, on cherchait comment accélérer les choses. Compte tenu de la rareté des moyens financiers – rien ne change au fil du temps – le passage en concession est rapidement apparu comme l'une des hypothèses à examiner. J'ai donc demandé aux services une double étude, juridique et financière, l'une pour vérifier que la mise en concession s'inscrivait bien dans un ensemble offrant un itinéraire alternatif gratuit, l'autre pour examiner l'équilibre économique du projet, en tenant compte des concours financiers publics. Je ne me souviens pas précisément des résultats de cette étude, mais j'ai été amené à décider du principe d'une mise en concession de l'A69, pour aller au plus vite, conforter les possibilités de développement économique et offrir une liaison satisfaisante à la population, entre l'agglomération toulousaine et le sud du département du Tarn.
Vous me permettrez de faire appel à mes souvenirs de conseiller technique, puis de directeur à la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (Datar) dans les années 1990 et au début des années 2000, plutôt qu'à ceux de préfet du Tarn en 2007, même si nous pourrons revenir sur cette dernière période. À la Datar, j'ai en effet eu l'occasion de travailler sur la planification, notamment avec Marc Papinutti.
Comme l'a expliqué Martin Malvy, le choix d'une quatre voies avait été fait de très longue date pour desservir le bassin de Castres-Mazamet, dans un souci d'équilibre territorial : l'importance du groupe Fabre ne doit pas masquer le fait que ce territoire a souffert d'un déclin massif de l'industrie textile – la ville de Mazamet n'a plus que 10 000 habitants alors qu'elle en comptait 17 000 en 1970, ce qui donne une idée du phénomène. Dans les années 1970, cela relevait d'un choix de politique routière très classique de créer une route à quatre voies pour desservir un bassin d'emploi de plus de 100 000 habitants, l'un des principaux de la région Midi-Pyrénées, en dehors de la métropole de Toulouse qui dominait déjà – et plus encore de nos jours – et pour assurer l'équilibre économique du territoire.
Seul glissement significatif, mais qui n'a pas changé l'approche dans les années 1990 et au début des années 2000 : dans le cadre du Ciadt de 2003, nous avons travaillé dans la perspective d'une nouvelle vague de décentralisation des routes nationales, en ayant la volonté de les concentrer sur la desserte des pôles urbains majeurs et des grands itinéraires de liaisons sur le territoire. Les échanges interministériels que nous avons eus à l'époque concernant la stratégie de desserte des villes moyennes en Midi-Pyrénées n'avaient pas varié par rapport à ceux des années 1990, ce qui explique le classement de l'axe Toulouse-Castres dans les grandes liaisons d'aménagement du territoire (Glat). Rappelons qu'il y avait trois niveaux : les autoroutes, essentiellement concédées à l'exception de certaines sur le littoral de la Manche et de la mer du Nord ou dans le Massif central ; les liaisons assurant la continuité du réseau autoroutier (Lacra) et les Glat.
L'aménagement de cette route est passé par les CPER pendant vingt-cinq ans, de 1984 jusqu'à la génération d'investissements routiers de 2006-2013, cette dernière étant un peu particulière. C'était la façon classique de procéder, même si un observateur extérieur aurait du mal à déterminer de façon rationnelle pourquoi l'État optait pour la concession dans certains cas et pour le financement à 100 % ou avec l'aide des collectivités locales – pour une part allant de 50 % à 72,5 % – dans d'autres. Les déviations sur les routes nationales étaient, en effet, financées à 72,5 % par les collectivités locales. La rationalité n'est pas toujours évidente. Prenons l'autoroute A20, citée par Martin Malvy : elle est concédée dans la traversée de la région Centre, puis gratuite dans le Limousin, puis de nouveau concédée à la sortie de Brive et l'entrée dans le Lot. L'autoroute A75 est gratuite de Clermont-Ferrand jusqu'à Béziers, puis prolongée jusqu'à Montpellier par une route nationale.
Des choix politiques nationaux expliquent ces différences de traitement qui peuvent légitimement surprendre l'observateur extérieur de la constitution de nos réseaux routiers. Ne perdons pas de vue que la mise en concession avait pour but d'aller plus vite que dans le cadre d'un financement de l'État. Pendant longtemps, l'État pouvait adosser des sections nouvelles à des concessions existantes, un régime qui a disparu au profit d'appels d'offres sous la pression de la Commission européenne.
Pour ma part, je n'ai pas participé au processus ayant abouti au choix de la mise en concession, évoqué par M. Perben, car j'étais alors préfet de l'Indre – j'ai quitté la Datar début 2005 et je suis arrivé dans le Tarn en février 2007. Ce type de choix répondait à une logique d'accélération de dossiers avançant trop lentement dans un contexte de sous-exécution des CPER. L'État a procédé de la même façon pour mettre à quatre voies la RN10 dans le département des Landes ou la RN79 dans le département de Saône-et-Loire, où j'étais en poste. D'autres projets de ce type n'ont pas encore abouti même si la décision de principe avait été prise.
Pour ma part, je me suis occupé des routes de 2007 à 2010, étant passé dans l'intervalle du cabinet de Jean Louis Borloo et de Dominique Bussereau à la direction des infrastructures de transport. J'ai aussi suivi dans les domaines fluvial et ferroviaire tous les phénomènes décrits par François Philizot.
Cette période a été marquée par l'élaboration d'un schéma national d'infrastructures de transport (Snit). Au cours de l'élaboration du Snit et à l'issue du Grenelle de l'environnement, le projet du contournement de Toulouse par le nord avait été abandonné après avoir fait l'objet d'un débat public. Comme l'a expliqué M. Perben, le choix de la concession s'explique largement par la volonté d'éviter la longueur des procédures liées à la négociation des PDMI et des CPER. Dans la concession, le projet va plus vite, car l'usager est en quelque sorte le constructeur par de l'emprunt.
En 2009-2010, un large débat public a permis d'aborder de nombreux sujets qui ont d'ailleurs refait surface. Il y a peu, j'ai encore été interpellé sur le mode : pourquoi n'y a-t-il pas de débat sur le projet d'autoroute Toulouse-Castres ? Or le Ciadt de 2003 annonçait la construction de cette autoroute en 2025, peu avant le classement en Glat. En 2007, au moment de la décision de mise en concession, j'étais en fonction à la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGTIM). Peut-être aurez-vous à m'interroger sur une époque plus récente puisque j'ai rejoint le cabinet d'Élisabeth Borne au ministère des transports entre 2017 et 2019.
Pour quelle raison cette liaison a-t-elle fait l'objet d'un classement en Glat ? Est-ce parce qu'elle remplissait des critères précis ? Monsieur Philizot, vous nous avez indiqué n'avoir pas participé au processus de décision aboutissant au choix de la concession. Qui a participé à ce choix puisque, selon les dires de M. Malvy, la région aurait préféré une liaison gratuite à deux fois deux voies?
Comme je l'ai déjà indiqué, compte tenu des conditions de programmation des crédits d'État, il m'est apparu qu'il fallait envisager la concession pour accélérer la mise en place d'une liaison routière confortable et économiquement efficace. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé une double étude, juridique et financière. Il en a été conclu que la mise en concession était possible au vu des critères habituels que j'ai rappelés. J'ai pris cette décision de principe en 2007, lorsque j'étais ministre des transports.
Le Ciadt de 2003, qui s'est prononcé pour le classement de cette liaison en Glat, avait pour objectif de refonder la politique des transports de l'État. Il s'agissait notamment de savoir si l'État devait conserver le contrôle des sociétés concessionnaires d'autoroutes – un débat majeur que j'ai vécu de très près. Dans ce cadre, le Gouvernement a créé l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, aujourd'hui Afit France, bras armé de l'État dans ce domaine. Les priorités ont été redéfinies, qu'il s'agisse d'infrastructures routières, ferroviaires, fluviales ou portuaires. L'ambition du Gouvernement était de développer une approche intermodale et de rééquilibrer les flux d'investissement du transport routier vers le transport ferroviaire, en utilisant notamment les excédents des concessions autoroutières anciennes.
Alors que le Gouvernement préparait la loi relative aux libertés et responsabilités locales, promulguée en 2004, prévoyant le transfert aux départements d'une partie du réseau routier national, il était nécessaire de conduire un nouvel exercice de calibrage du réseau de l'État et de répartir les routes entre les différentes catégories existantes, compte tenu des logiques et des processus d'investissement.
En Midi-Pyrénées, nous avons choisi de conserver une desserte par des routes nationales des préfectures et du bassin de Castres-Mazamet – équivalent à celui d'Albi et de Tarbes. Pour les routes nationales qui n'étaient pas terminées, la mise à quatre voies était financée de manière traditionnelle par le biais de CPER. C'est ainsi qu'a été réalisée la RN124 en direction d'Auch. Ce choix explique l'horizon de 2025 : nous avions calculé que, compte tenu du rythme des CPER depuis 1984, le projet vers Castres devait être achevé en 2025.
Pour notre part, nous avons toujours eu la conviction que le choix entre concession et PDMI était dicté par des préoccupations budgétaires.
Merci, monsieur Philizot, d'avoir rappelé qu'un large débat public avait donné lieu à de nombreuses réunions publiques et autres consultations. Merci d'avoir rappelé aussi que le premier souci des décideurs politiques était d'apporter une voie sécurisée et de l'attractivité au bassin d'emploi Castres-Mazamet, sinistré au point que la population de Mazamet est passée de 17 000 à 10 000 habitants. Comme vous l'avez indiqué, monsieur Malvy, des décisions similaires ont été prises pour les autres grandes villes de la région – Tarbes et Montauban – ou des liaisons vers l'Ariège. Il y a eu des concessions et parfois, comme en Aveyron, des mises à deux fois deux voies.
Compte tenu des difficultés de mise en œuvre des PDMI et des CPER, la concession autoroutière est apparue comme un moyen d'aboutir plus rapidement au désenclavement nécessaire de ce bassin d'emploi, après une analyse juridique et financière. Rappelons qu'il y a eu une consultation et une demande de participation financière de la part de la région, du département du Tarn et de la communauté d'agglomération Castres-Mazamet. Même si ce n'était pas la solution qu'elle avait envisagée au départ, la région a voté en faveur d'une participation financière à la réalisation de cette infrastructure autoroutière.
Ce n'était pas son choix initial, mais, une fois qu'elle s'est rangée à la décision prise, la région a apporté sa contribution, tout comme le département et l'agglomération. C'était la règle pour les CPER, qu'il y ait ou non un transfert. Si vous ne les avez pas, je peux vous envoyer les documents concernant la délibération de la région en 2014 et sa contribution au débat public.
Monsieur Perben, lorsque vous êtes devenu ministre des transports en 2005, vous avez été en charge de l'étude du recours à la mise en concession autoroutière de la liaison Castres-Toulouse. Dans ce cadre, vous avez été amené à échanger sur ce dossier avec votre ancien collaborateur M. Éric Ducournau, qui était votre directeur adjoint de cabinet de 1990 à 1995, lorsque vous étiez maire de Chalon-sur-Saône. M. Ducournau a intégré le groupe pharmaceutique Pierre Fabre en 2000, où il a été chef de cabinet du président Pierre Fabre, secrétaire général, puis directeur général – fonction qu'il exerce encore à ce jour. En tant qu'ancien collaborateur, vous a-t-il sollicité pour organiser un rendez-vous ministériel avec M. Pierre Fabre ? Avez-vous été amené à échanger sur le projet de liaison autoroutière entre Castres et Toulouse ? Si oui, quelle était la nature de vos échanges ?
Un ministre est quelqu'un qui doit dialoguer avec les gens qui ont des responsabilités et, d'une manière plus large, avec celles et ceux qui le souhaitent. Du moins, est-ce l'idée que je m'en fais. Compte tenu de la place de son groupe dans cette région du sud du Tarn, M. Fabre était un partisan actif de ce projet, et il faisait un peu la tournée des popotes, comme on dit, pour le défendre. Il aurait pu délaisser sa région d'origine et s'installer dans une grande métropole, comme beaucoup d'autres grands chefs d'industrie, mais il était très attaché à Castres, à ce morceau de notre pays. Il est effectivement venu me voir pour parler de ce projet. Je l'ai reçu comme, à mon avis, devait le recevoir un ministre en charge de ce dossier. J'en ai aussi parlé avec M. Malvy, avec les différents parlementaires, le maire de Castres et d'autres. Il n'y a rien d'extraordinaire à cela.
La pierre angulaire, je ne sais pas. Il a participé au débat, comme il se doit pour un grand chef d'industrie qui se sent responsable de la région dont il est issu, qu'il aime, à laquelle il est attaché. C'est la vie normale. Je pense que le devoir d'un ministre est d'écouter les gens qui sont porteurs d'un message comme celui-là.
Oui.
Moi, je parle de votre ancien collaborateur. Est-ce lui qui a organisé un échange entre vous et Pierre Fabre ?
Nous avons bien compris votre question. Je pense que M. Perben y a répondu de manière très précise.
Je suis députée de la troisième circonscription de Haute-Garonne, qui comprend Verfeil. La liaison Toulouse-Verfeil a été réalisée en 1996. À l'époque, monsieur Malvy, vous nous disiez que l'axe Verfeil-Castres se situait dans la moyenne haute des routes accidentogènes. J'imagine que vous étiez en contact avec les maires concernés. Sans entrer dans le détail des accidents qui se seraient produits, y avait-il des endroits particulièrement dangereux sur cet itinéraire ? Si je comprends bien, l'autoroute A69 visait aussi à permettre un parcours nettement plus sécurisé. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?
Ce tronçon se situait, comme d'autres, dans la moyenne haute des zones accidentogènes. Mais notre objectif, je le rappelle, était la desserte des sept chefs-lieux de département et du bassin d'emploi de Castres-Mazamet – en déclin et en grande difficulté économique. Notre préoccupation était l'aménagement, d'une manière générale. Des réunions, il n'en a pas manqué et, quel que fut leur thème, il y était toujours question de désenclavement. La remarque vaut pour Castres mais aussi pour Auch, Rodez, Foix, et même l'ensemble du territoire. Ne le prenez pas mal, mais on peut ne pas le percevoir depuis Toulouse, la ville dominante. Les villes périphériques ne sont pas très grandes. Tarbes, la plus grande, compte 100 000 habitants. Les agglomérations de 110 000, 120 000 ou 130 000 habitants sont rares en Midi-Pyrénées, à l'exception de Toulouse. Il n'y a pas si longtemps que les régions ont des compétences en matière de transport. Pour notre part, nous avons manifesté notre volonté de faciliter les communications ferroviaires : nous avons consacré trois fois plus de crédits au réseau ferroviaire qu'au réseau routier, afin de développer les liaisons de proximité. Notre parc autoroutier datait d'une autre époque, ce qui nous a conduits à nous engager dans ce projet dont tout le monde parlait.
Entre Soual et Castres, je crois – je vous réponds sous toutes réserves.
J'en reviens à la question du rôle de Pierre Fabre. En 2006, La Dépêche du Midi se faisait l'écho d'un déjeuner décisif avec vous-même, monsieur Perben, et Jacques Barrot, alors commissaire européen aux transports, à la fin du mois de juillet, déjeuner au cours duquel Pierre Fabre aurait obtenu l'accord de l'État pour le recours à une concession. Son rôle paraît plus important que celui que vous lui accordiez à l'instant. Pourriez-vous revenir sur ce point ?
Par ailleurs, monsieur Malvy, vous avez rapidement évoqué une alternative ferroviaire. Mme Carole Delga dit aujourd'hui qu'il n'y a pas d'alternative au projet actuel. Or une alternative ferroviaire bien moins coûteuse que celle présentée par Mme Delga était tout à fait envisageable – il n'y aurait pas besoin de doubler l'intégralité des voies, par exemple. Cette possibilité a-t-elle été étudiée sérieusement ?
Je ne sais pas s'il y a eu des études sérieuses, mais il y a eu des estimations : il faudrait plus de 1 milliard, peut-être 1,5 milliard d'euros. J'entends des appréciations sur le coût d'aménagement de lignes ferroviaires totalement déconnectées par rapport à la réalité. Électrifier une ligne coûte 1 million d'euros par kilomètre.
Parlons sérieusement : nous avons investi 1,2 ou 1,3 milliard. L'hypothèse d'une voie unique n'est pas viable, pour une bonne raison : les trains ne se dépassent pas. On peut améliorer les dessertes, on peut doubler des voies comme nous l'avons fait entre Toulouse et Castres, à Saint-Sulpice ; mais il n'en reste pas moins que les trains se suivent les uns les autres, et que l'amélioration d'une voie unique ne permet pas, par conséquent, de gagner du temps. On n'a pas gagné de temps entre Rodez et Figeac, liaison importante pour le département : nous espérions passer, même symboliquement, sous la barre des deux heures ; mais nous sommes restés à deux heures vingt, avec des vitesses de l'ordre de 60 kilomètres à l'heure. À moins de doubler la voie, il n'y a pas de solution pour aller vers Castres.
Or, quand on exerce quelques responsabilités, on est quand même amené à penser à l'usage des fonds publics, à essayer d'en faire l'usage le plus efficient. Construire une ligne nouvelle, électrifiée, ce n'est pas sérieux, Mme Delga a eu raison de le dire.
S'agissant du rôle de M. Fabre, je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce que j'ai répondu à Mme Erodi tout à l'heure. Je ne suis pas responsable de ce que dit La Dépêche du Midi.
Vous l'avez sans doute senti en écoutant les uns et les autres, il fallait choisir entre une concession et l'utilisation de crédits publics, mais il y avait un consensus sur la nécessité d'améliorer rapidement la liaison routière. C'était, pour les élus de Midi-Pyrénées, une exigence forte ; ils me le disaient. Chacun a pu essayer de convaincre les uns et les autres, et certains ont peut-être eu envie de s'attribuer le mérite de la décision… Mais restons-en là : c'était un projet défendu par l'ensemble des élus, quels que soient leurs engagements politiques – nous avons travaillé sur ce dossier avec le président Malvy, comme nous l'avons fait pour le TGV.
Je souscris totalement à ces propos. Il y a des choix nécessaires. La chambre de commerce et d'industrie du Tarn a publié une pétition signée par des centaines d'entrepreneurs tarnais pour soutenir le désenclavement de ce territoire. Des élus de tous bords politiques soutiennent ce projet : on ne peut pas accuser M. Malvy d'accointances avec M. Bugis, par exemple ! Il y a un consensus.
Je me souviens d'un autre moment décisif, quand, en 2018, nous avons été reçus par Mme Élisabeth Borne, alors ministre des transports, pour la convaincre de signer cette déclaration d'utilité publique tant attendue et d'inscrire le financement de l'autoroute dans la loi d'orientation des mobilités ! Chacun apporte sa pierre à l'édifice. Il ne faut pas donner plus d'importance que cela aux actions des uns et des autres, qui sont guidées par l'intérêt général et la recherche du consensus.
Je corrige ce que j'ai dit tout à l'heure, après avoir regardé mes notes : nous n'avons pas doublé les tunnels à Saint-Sulpice, car cela aurait coûté 100 millions d'euros. Nous avons seulement amélioré les voies.
Avant de signer la concession autoroutière, monsieur Perben, avez-vous fait réaliser une étude financière sur un possible élargissement de la route nationale 126 ? Ceux qui s'opposent à l'actuel projet autoroutier ne sont pas contre cet élargissement. Et si cette étude existe, à qui a-t-elle été communiquée ?
Avez-vous, à l'époque, étudié l'aménagement de la voie ferrée ? Le coût de 1 million par kilomètre pour l'électrification est un chiffre d'aujourd'hui ; il était sans doute différent à l'époque. J'ajoute qu'il n'est pas nécessaire de doubler l'ensemble de la voie pour que des trains puissent se croiser.
Bref, que disaient les études pour vous pousser à choisir le contrat de concession ?
Tout cela remonte à presque vingt ans, et je n'ai pas gardé de documents par-devers moi : conformément à la règle, j'ai tout laissé aux archives du ministère, où vous pourrez certainement les consulter.
Dans mon souvenir, nous avons fait une étude comparative et toutes les études, juridiques et financières, nécessaires au passage en concession. Je ne me rappelle pas – mais je peux me tromper – que l'on ait mis en balance à l'époque une opération routière par rapport à une opération ferroviaire. Sans rentrer dans un débat qui nous amènerait trop loin, je ne suis d'ailleurs pas sûr que l'hypothèse ferroviaire correspondait à ce qui était demandé à l'époque, tant pour les marchandises que pour les voyageurs.
Je ne suis pas sûr qu'une étude comparative ait été faite sur la liaison ferroviaire. Si l'étude avait été faite, les chiffres auraient sans doute conduit à conclure qu'il valait mieux privilégier la liaison routière.
Si je pose cette question, c'est parce que l'étude financière relative à l'élargissement de la RN126 a été commandée par des collectivités affectées par le contrat de concession, et payée par elles. D'autres parmi vous en ont-ils le souvenir ?
En complément de ce qu'a dit le président Malvy, je précise que j'ai travaillé avec son vice-président de l'époque chargé des transports, M. Charles Marziani, pour lancer les campagnes d'information et de concertation sur la mise en œuvre du plan Rail, financé pour l'essentiel – à 70 %, je crois – par la région Midi-Pyrénées. C'était le premier plan de ce type en France, il faut s'en souvenir : c'est sans doute la première fois depuis 1914 qu'était lancé un projet aussi ambitieux de régénération de lignes ferroviaires dites 7 à 9, selon le vocabulaire de l'Union internationale des chemins de fer, pour des lignes de desserte fine du territoire. La première urgence était bien de sauver les lignes, celle de Rodez comme celle de Castres, qui étaient comme l'essentiel du réseau secondaire dans un état très médiocre ; depuis, la situation s'est légèrement redressée grâce à une augmentation de l'effort d'investissement. Il s'agissait alors de maintenir l'offre de trains express régionaux (TER), au moment du transfert des transports aux régions. Mais les études qui avaient été faites avaient, comme l'a dit M. Malvy, intégré certains éléments d'augmentation de capacité dans l'hypothèse d'une seconde phase, et notamment le doublement des tunnels entre Saint-Sulpice et Toulouse. Ces tunnels sont aujourd'hui des goulets d'étranglement sur cette section qui est la plus chargée – c'est à Saint-Sulpice qu'il y a la bifurcation qui mène d'un côté vers Albi et Rodez, de l'autre vers Castres et Mazamet.
Le plan de régénération, et un peu de modernisation, a été mené à bien. Quelques zones d'évitement, c'est-à-dire des zones de croisement de trains en gare, ont été réalisées – à Naucelle, par exemple, dans l'Aveyron. Mais jamais l'hypothèse d'un remplacement de la route par le chemin de fer n'a été envisagée par qui que ce soit.
Si vous raisonnez en termes de volume de transport pour la France entière, le rail ne se substitue jamais totalement à la route : la part du marché de cette dernière est en général de l'ordre de 80 %, davantage encore dans les zones rurales. Il faut garder ces ordres de grandeur en tête. Cela ne veut pas dire que le chemin de fer n'est pas utile : j'ai rendu à Mme Borne un rapport sur le réseau des lignes de desserte fine des territoires, qui a débouché sur un plan d'investissement très important. Les deux modes sont complémentaires : il ne faut pas les opposer l'un à l'autre, surtout dans le cas, comme ici, d'un raccordement à une métropole – c'est une vision extrêmement simplificatrice. Le choix d'une concession est un choix de mode de financement : est-ce la fiscalité qui paye, ou bien l'usager et la fiscalité – puisque le financement par la concession est toujours complété par la subvention ? Voilà les termes du débat. On peut discuter à l'envi du coût de modernisation de la ligne. Là encore, il faut avoir en tête quelques détails techniques : quelques évitements entre Castres et Saint-Sulpice n'accroîtraient pas de façon sensible la capacité ferroviaire. Je vous renvoie au choix fait récemment à propos de la liaison entre La Rochelle et La Roche-sur-Yon, où une ligne a été passée en voie unique pour la sauvegarder. Cela crée une contrainte, même si la plateforme permettant d'ouvrir éventuellement une seconde voie un jour a été sauvegardée. Je n'entre pas dans le débat, trop technique, sur la modernisation de la signalisation.
Merci de votre commentaire sur la vision simplificatrice : étant moi-même rapporteure spéciale pour les infrastructures de transport, je crois avoir une perspective globale de la question des mobilités.
Ma question portait sur l'existence d'une étude sur la voie ferrée, mais aussi d'une étude sur un éventuel élargissement de la RN126 : si opter pour la concession est un choix politique, j'imagine que celui-ci a été fondé sur des études qui permettaient d'opérer ce choix en toute connaissance de cause. Vous ne m'avez pas répondu. Il faudra que je m'adresse au ministère des transports.
M. Perben, je crois, a très bien répondu : la seule obligation légale qui s'imposait était de mener une étude comparative sur les aspects juridiques et financiers de la mise en concession. Il n'y en avait pas d'autre.
Merci, monsieur Philizot, d'avoir rappelé qu'on ne peut pas opposer le ferroviaire au routier : ces deux modes de transport sont évidemment complémentaires. Entre Toulouse et Castres, la route dessert Maures-Scopont, Cuq-Toulza, Puylaurens, Soual, Saïx, et bien d'autres qui, aujourd'hui, ne bénéficient pas de cet aménagement ferroviaire. Ces territoires ruraux ont besoin du rail mais aussi d'une voie routière sécurisée : c'est le choix qui avait été fait.
Marc Papinutti le dirait mieux que moi, le choix de 1994 d'un aménagement à quatre voies reposait sur des études d'itinéraire, de trafic, de coût. Ce ne sont pas des études de projet, des études fines, mais les évaluations financières et d'intérêt socio-économique avaient déjà été réalisées quand a été décidé le principe de cet aménagement à quatre voies.
C'est une histoire qui s'inscrit dans le temps long, il faut l'avoir en tête – j'ai suivi, quand j'étais préfet du Tarn, des études de projet sur l'aménagement de la sortie de Castres qui devaient contribuer, en fonction de l'aboutissement du projet de concession, à la réalisation d'une infrastructure qui existera peut-être un jour – selon les choix gouvernementaux.
Personne n'a jamais imaginé qu'un itinéraire soit desservi exclusivement par le rail, ou exclusivement par la route. Les deux modes de transport ne visent pas le même objectif.
Il y a eu une étude sur une solution alternative, étude d'ailleurs cofinancée par la région.
Quant à l'étude sur l'aménagement de la RN126, c'était une obligation dans le cadre du dossier d'enquête publique. Madame Arrighi, vous connaissez bien le territoire : doubler cette route était au moins aussi délicat, sur le plan environnemental, que mener à bien l'opération actuelle. Cela ne ferait que reporter les difficultés d'un lieu vers un autre.
Quant au prix, l'estimation que j'ai donnée de 1 million d'euros au kilomètre est celle de l'époque, si mes souvenirs sont bons, c'est-à-dire en 2007. Ce serait à vérifier, mais il me semble qu'aujourd'hui on s'approche des 5 millions du kilomètre. C'est énorme.
La région a aujourd'hui vingt-deux trains par jour, onze dans chaque sens – ce chiffre a pu augmenter depuis que j'ai quitté mes fonctions. La desserte ferroviaire est bonne ! Il faut une heure ; si la voie était refaite, ce temps pourrait être de cinquante ou quarante-cinq minutes. Le problème, c'est d'avoir une voie sûre et confortable pour les voyageurs. Mais c'est à la route que nous nous intéressons aujourd'hui.
Nous n'avons pas eu de réponse sur la question d'une étude qui comparerait l'hypothèse d'une autoroute concédée et la décision initiale d'aménager une route à deux fois deux voies sur l'ensemble de l'itinéraire.
Par ailleurs, entre Castres et Albi, il y a 15 000 voitures par jour – je rappelle qu'on parle de 7 000 voitures par jour pour la future autoroute –, et le département a réalisé des voies de dépassement pour sécuriser le trajet et accélérer la circulation. Cela fonctionne très bien. Pourquoi n'est-ce pas possible de l'autre côté de la même façon ?
Je ne peux pas laisser dire qu'aucune étude comparative entre la mise en concession et l'élargissement de la RN126 n'a été réalisée ! Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que je ne disposais pas de cette étude aujourd'hui. Mais les archives du ministère pourront, je pense, vous apporter la réponse que vous cherchez.
Tout à l'heure, le préfet a été clair : dès lors que l'élargissement de la route nationale entre Toulouse et Castres était envisagé dans différents projets de contrats de plan État-région, l'administration disposait d'estimations – certes peut-être pas aussi parfaitement affinées qu'au niveau d'un projet de réalisation, mais qui permettaient d'avoir une bonne idée de la dimension financière de ces projets. Pour réaliser l'étude de faisabilité de la concession, il fallait bien disposer des coûts au kilomètre ! Si on veut aller les chercher, on doit pouvoir trouver assez facilement les documents dont l'administration disposait lorsque l'État et les régions discutaient des contrats de plan.
On ne peut pas dire que la décision a été prise sans que le coût de l'élargissement de la RN126 ait été estimé. C'est inexact.
Dans les archives, vous trouverez certainement un avant-projet sommaire d'itinéraire (Apsi), qui a dû être réalisé dès 1994 ou 1995, avec des coûts prévus. Il est certainement possible de le retrouver.
On ne peut peut-être pas y accéder directement aujourd'hui !
J'entends bien.
Merci de vous être prêtés à cet exercice mémoriel. Je retiens surtout l'importance du temps long, et même trop long : c'est pourquoi nous devons réinterroger ces décisions anciennes en 2024, puisque nous connaissons maintenant les conséquences des mobilités carbonées sur le dérèglement climatique.
Votre longue expérience nous conduira peut-être à vous entendre sur d'autres aspects du montage juridique et financier du projet d'autoroute A69 – sujet qui nous amène à nous intéresser à l'ensemble du dossier.
L'étude que vous cherchez figure probablement dans le dossier du débat public, qu'il doit être possible de se procurer facilement.
Absolument. Il est archivé par la Commission nationale du débat public.
Merci, mais lorsqu'en tant que rapporteure spéciale de la commission des finances, j'ai demandé à accéder à certaines informations, notamment aux annexes du contrat de concession, on m'a opposé le secret des affaires – bien que celui-ci ne puisse pas être opposé aux députés qui agissent dans le cadre de l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances. Tout est donc possible, encore faut-il arriver à exhumer ces documents. Mais nous serons persévérants.
Nous réussirons à nous procurer le dossier de l'enquête publique, je n'en doute pas : lui ne doit pas être soumis au secret des affaires.
Je vous remercie à mon tour d'avoir fait appel à vos souvenirs à propos de l'A69. Cela nous permet de nous rappeler que les décideurs politiques, dont nous sommes, font des choix selon des principes d'intérêt général, et je suis sûr que vous vous réjouissez de voir enfin aboutir ce chantier de longue haleine. L'essentiel est bien le désenclavement du sud du Tarn à l'horizon de 2025.
La séance s'achève à dix-huit heures cinq.
Membres présents ou excusés
Présents – M. Damien Adam, Mme Christine Arrighi, M. Édouard Bénard, Mme Karen Erodi, Mme Sylvie Ferrer, M. Gérard Leseul, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Jean-Terlier, Mme Corinne Vignon.
Excusés – M. Frédéric Cabrolier.