Vous me permettrez de faire appel à mes souvenirs de conseiller technique, puis de directeur à la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (Datar) dans les années 1990 et au début des années 2000, plutôt qu'à ceux de préfet du Tarn en 2007, même si nous pourrons revenir sur cette dernière période. À la Datar, j'ai en effet eu l'occasion de travailler sur la planification, notamment avec Marc Papinutti.
Comme l'a expliqué Martin Malvy, le choix d'une quatre voies avait été fait de très longue date pour desservir le bassin de Castres-Mazamet, dans un souci d'équilibre territorial : l'importance du groupe Fabre ne doit pas masquer le fait que ce territoire a souffert d'un déclin massif de l'industrie textile – la ville de Mazamet n'a plus que 10 000 habitants alors qu'elle en comptait 17 000 en 1970, ce qui donne une idée du phénomène. Dans les années 1970, cela relevait d'un choix de politique routière très classique de créer une route à quatre voies pour desservir un bassin d'emploi de plus de 100 000 habitants, l'un des principaux de la région Midi-Pyrénées, en dehors de la métropole de Toulouse qui dominait déjà – et plus encore de nos jours – et pour assurer l'équilibre économique du territoire.
Seul glissement significatif, mais qui n'a pas changé l'approche dans les années 1990 et au début des années 2000 : dans le cadre du Ciadt de 2003, nous avons travaillé dans la perspective d'une nouvelle vague de décentralisation des routes nationales, en ayant la volonté de les concentrer sur la desserte des pôles urbains majeurs et des grands itinéraires de liaisons sur le territoire. Les échanges interministériels que nous avons eus à l'époque concernant la stratégie de desserte des villes moyennes en Midi-Pyrénées n'avaient pas varié par rapport à ceux des années 1990, ce qui explique le classement de l'axe Toulouse-Castres dans les grandes liaisons d'aménagement du territoire (Glat). Rappelons qu'il y avait trois niveaux : les autoroutes, essentiellement concédées à l'exception de certaines sur le littoral de la Manche et de la mer du Nord ou dans le Massif central ; les liaisons assurant la continuité du réseau autoroutier (Lacra) et les Glat.
L'aménagement de cette route est passé par les CPER pendant vingt-cinq ans, de 1984 jusqu'à la génération d'investissements routiers de 2006-2013, cette dernière étant un peu particulière. C'était la façon classique de procéder, même si un observateur extérieur aurait du mal à déterminer de façon rationnelle pourquoi l'État optait pour la concession dans certains cas et pour le financement à 100 % ou avec l'aide des collectivités locales – pour une part allant de 50 % à 72,5 % – dans d'autres. Les déviations sur les routes nationales étaient, en effet, financées à 72,5 % par les collectivités locales. La rationalité n'est pas toujours évidente. Prenons l'autoroute A20, citée par Martin Malvy : elle est concédée dans la traversée de la région Centre, puis gratuite dans le Limousin, puis de nouveau concédée à la sortie de Brive et l'entrée dans le Lot. L'autoroute A75 est gratuite de Clermont-Ferrand jusqu'à Béziers, puis prolongée jusqu'à Montpellier par une route nationale.
Des choix politiques nationaux expliquent ces différences de traitement qui peuvent légitimement surprendre l'observateur extérieur de la constitution de nos réseaux routiers. Ne perdons pas de vue que la mise en concession avait pour but d'aller plus vite que dans le cadre d'un financement de l'État. Pendant longtemps, l'État pouvait adosser des sections nouvelles à des concessions existantes, un régime qui a disparu au profit d'appels d'offres sous la pression de la Commission européenne.
Pour ma part, je n'ai pas participé au processus ayant abouti au choix de la mise en concession, évoqué par M. Perben, car j'étais alors préfet de l'Indre – j'ai quitté la Datar début 2005 et je suis arrivé dans le Tarn en février 2007. Ce type de choix répondait à une logique d'accélération de dossiers avançant trop lentement dans un contexte de sous-exécution des CPER. L'État a procédé de la même façon pour mettre à quatre voies la RN10 dans le département des Landes ou la RN79 dans le département de Saône-et-Loire, où j'étais en poste. D'autres projets de ce type n'ont pas encore abouti même si la décision de principe avait été prise.